RT Mer noire, le CR (IV)
In the previous episodes, Typhoon a pété son pied et sa moto et son amour-propre dans une petite rue de Batumi.
Sa blessure n'est pas grave mais l'empêche de reprendre la route.
On retourne à l'Airbnb qu'on a quitté il y a quelques heures on s'occupe de la moto et on envisage nos options:
- rapatriement (pour le bonhomme pas de souci, mais la moto... )
- rester ensemble, et continuer le trip dans quelques jours
- se séparer, et il reprend la route du retour dans quelques jours
- revendre la moto, apprendre le géorgien et commencer une nouvelle vie de vendeur de croustillons sur les plages de Batumi
Les galets de la plage étant vraiment trop douloureux pour son pied, il ne reste que les 3 premières options, et d'abord patienter que son pied dégonfle. Je laisse le cascadeur décrire la chute et ses blessures
Bwef
Laissant Typhoon gésir sur son canapé dans l'Airbnb, je pars à la découverte de ces montagnes qui me font rêver depuis des mois
L'objectif est la région de Svanétie, au nord-ouest de la Géorgie. Sur Googles Images vous verrez à quel point c'est verdoyant grâce à la chaine de montagnes qui retient les masses d'air chaud et humide (CTS) provenant de la mer.
Je passe par Poti et Zougdidi, une route sans histoire.
A partir de ce moment, je dois être très prudent car le bétail erre partout sans surveillance.
On croise régulièrement des monuments qui montrent que la région était sous influence de l'URSS. Le style soviétique abstrait monumental est reconnaissable.
Cependant, le contraste est frappant: sitôt quitté Batumi la moderne, on voit que c'est un pays essentiellement rural.
L'altitude commence à grimper, et ça fait du bien d'échapper à la chaleur moite de la côte. Dans les premiers lacets, sur le parking du Khoko Restaurant je vois une moto et je m'arrête pour discuter, faire une pause, prendre quelques photos etc.
C'est un Chilien qui fait le tour du monde en moto. "Huidobro (c'est son nom) sans freins"? (je ne parle pas espagnol)
https://www.facebook.com/Huidobrosinfrenos/
https://www.instagram.com/huidobrosinfrenos/?hl=fr
Regarder les vues sur Streetview, c'est magnifique
Sauf que ma merde déconne de nouveau
Le compteur se réinitialise tout seul en roulent, plusieurs fois par minutes; le témoin d'ABS va et vient pour ensuite rester allumé; le comportement moteur ne change pas donc je ne m'inquiète pas, ça doit être passager Mais je vais pas couper le contact n'importe où, des fois que je ne puisse pas redémarrer
J'attends donc un espace dégagé, qui se manifeste sous la forme d'un grand parking pour camions qui serait peut-être bien celui-ci.
Je coupe le contact, je bois un coup, je casse la croûte, je pisse un coup. Evidemment, elle ne redémarre pas, rien nada que dalle, pas une étincelle de vie au compteur
Faisons le point: je suis tout seul dans un coin que je ne connais pas, et ma moto ne roule plus Je suis à 50 km d'une ville dans chacun des deux directions possibles, et j'ignore où demander de l'aide si nécessaire.
Avant de partir, j'avais changé le relais de démarreur, c'est un souci courant sur cette moto: il est exposé aux éléments car situé dans le sabot, un petit circuit finit par rouiller et se rompre. Cela coupe tout courant dans la moto.
Donc je sors les outils, je vire le sabot, le relais a l'air OK et son fusible aussi. Le fusible d'ABS est ok aussi btw.
Arrive un motard et sa SDS, en r1200rt. Je les avais doublés tout à l'heure, on va dans la même direction. Il s'appelle Youri, il est letton et voyage avec sa femme. Il est camionneur, coup de chance car tous les camionneurs sont un peu mécanos!
Je voulais tester si le courant passe entre les deux bornes du relais de démarreur, mais je n'ai pas multimètre. Youri prend un peu de fil électrique dans sa valise, je démonte une de mes ampoules de cligno et on improvise un testeur de fortune
Pas de courant sur le relais; on pense enfin à checker la batterie, et lo and behold, c'est tout connement une cosse de batterie qui s'était desserrée Je remets un demi-tour de tournevis sur la vis, et hop la moto renait à la vie
Des poutous à Youri et je peux tout remonter, me réharnacher et repartir.
A cet endroit je croise de nouveau Youri et sa femme, qui font la sieste dans l'herbe verte
Toujours pas mal de bétail sur les routes.
Je vois les premières tours-maisons caractéristiques de la région. Lien UNESCO : "Les maisons étaient utilisées à la fois comme habitations et comme postes de défense contre les envahisseurs qui sévissaient dans la région."
J'arrive enfin à Mestia, qui est la dernière bourgade d'importance au bout de la route. En hiver, c'est une station de ski prospère; en été elle attire beaucoup de randonneurs, de vététistes et de 4x4 qui profitent des paysages magnifiques.
Mon intention est de continuer à avancer en direction de Oushgouli, plus haut dans la montagne, puis de redescendre de l'autre côté.
La route s'arrête à Mestia, c'est ici la dernière chance de faire le plein d'essence avant de s'enfoncer dans l'inconnu
Quelques vues de Mestia.
L'aéroport régional et sa tour de contrôle
C'est parti.
La "Tour de l'amour", où je pensais camper de manière bucolique. Mais finalement non, trop de monde qui passe, l'endroit n'est pas assez retiré. Je continue.
(1 GEL (lari) = 0,25€) Gardez votre argent, à l'intérieur il n'y a rien à voir, c'est un grenier à la con. Mais l'extérieur est sympa, c'est vrai. Plein de photos sur GMaps.
Je poursuis donc à la recherche d'un endroit où camper.
Il n'y a qu'une seule route au fond de la vallée et assez peu de pistes pour la quitter. Idéalement je voudrais m'enfoncer de 200-300 m dans les bois ou dans une prairie, loin des regards.
Puis je vois un sentier assez large sur la droite; je l'emprunte mais je réalise au bout de quelques mètres que je viens de faire une grosse grosse grosse connerie. Je suis tanké jusqu'à l'axe de roue
La boue colle, le sol est gorgé d'eau et je m'enfonce jusqu'aux chevilles à chaque pas. Quand je pose la moto sur son côté, elle s'enfonce dans la boue au lieu de sortir les roues Je casse des branches pour les mettre sous les roues etc. mais la boue est tellement profonde que les branches y disparaissent
Arrive une Lada; deux mecs en sortent, se demandent ce que je fous dans la boue avec ma moto sur un sentier au fond des bois au fond d'une vallée au fond d'une région inhospitalière au fond d'un pays où quasi personne ne roule à moto
Je ne parle pas géorgien mais j'ai bien compris le moto "idiot" dans leur conversation je peux pas leur donner tort. Ils me font comprendre que c'est dangereux car ce sentier devient un torrent en cas de pluie (ça explique la boue, l'absence de végétation etc.).
Ils font demi-tour un peu plus loin et ... se tankent eux aussi
Un des deux gars s'en va à pied je ne sais où.
Face-à-face muet un peu gênant avec l'autre mais je finis par le convaincre de m'aider à dégager la moto, tant qu'à faire. Il tient la moto droite, et moi je la soulève par les supports de valise. Je peux alors l'arracher à la boue et lla déposer quelques centimères plus loin. Au bout de quelques minutes, on a fait les 180° et elle pointe enfin vers la pente, vers la route Yapuka la redescendre au moteur, et recharger tout mon stuff dessus.
Le premier gars est revenu avec une demi-douzaine de copains; forcément je me joins à l'effort. On soulève la voiture par les ailes, on pèse sur le pare-choc, etc. et elle finit par s'arracher aussi à la fange.
Fini l'idée de camping, il fait noir, je suis crevé et j'ai mal partout
Je trouve le gîte dont les mecs m'ont parlé, le long de la route, et je m'écroule dans un lit.
Au matin c'est nettement plus joli
Il est plein de randonneurs hollandais, sud-africains et belges. Le gîte fait son beurre avec les sportifs qui viennent marcher dans la région.
On reprend vers Oushgouli.
Le village de Ouchgouli n'a rien de remarquable sauf d'être un des plus hauts villages d'Europe (2000 m). Pas de photo. Il est plein de touristes qui sont arrivés en 4x4 avec leur guide; ils vont passer la journée sur place, se balader à proximité et reprendre la route du retour avant la nuit. On ne loge pas sur place, les infrastructures sont très limitées.
Photo volée:
Je passe donc le col Zagari et entame la descente.
Je suis loin d'être un as en offroad, mais c'était jouable en prenant son temps. Heureusement que c'était juste en descente, tout de même
J'ai failli perdre ma sacoche de selle, malgré mon montage suédois de qualitay Le support est une façade de lave-vaisselle que j'ai pliée à en L et boulonnée au support de topcase. D'un côté ma sacoche de selle, de l'autre ma tente et un jerrican 5 litres.
Ciel, un torrent déchainé. Qu'à cela ne tienne, je suis un Adventurier, merde alors
Je renoue avec la civilisation et le bitume dans le bled de Mele (+/-).
Salut Joseph!
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You're gonna need a bigger ziptie.