cosmospirit a écrit :
Vous savez quoi ?
J'aime ma moto.
Les jours passent, se ressemblent, les kilomètres défilent, la nouveauté s'étiole, mais pas elle.
Chaque matin, son premier grondement soulève le coin de mes lèvres. L'entendre grogner lors de son réveil, dans un bruit sourd et rauque me fait du bien.
J'enfile mon casque, respire son premier souffle. Ces odeurs que j’ai respirées des heures durant, font apparaitre à nouveau à la surface les vestiges de milliers de kilomètres parcourus à son bord avec le plus grand bonheur.
Mes gants sont ajustés, je la chevauche.
Immédiatement mon corps se sent comme complété. Elle et moi avons finalement passé plusieurs centaines d’heures unis, chaque centimètre est un repère, chaque degré d’inclinaison des jambes, des bras, de la tête est automatisé. Nous nous connaissons comme un vieux couple désormais.
J’inspire une dernière fois et pars en trombe, comme chaque matin. Je ne la brusque pas, pas encore, car elle est farouche et n’acceptera pas de galoper sans avoir été concilliemment emmenée à un rythme effréné.
Les premiers bouchons se passent, elle me rappelle comme elle sait se faufiler telle une couleuvre, partout, agile comme une gazelle sur les terres-pleins, les trottoirs. Rien ne nous arrêtera, nous sommes unis, et coupés du monde, de ses contraintes.
Son bâillement terminé, je lui demande de me faire plaisir, et sollicite son agilité immédiatement. Ses fers en souffriront, mais ce n’est pas grave, j’en trouverai d’autres rapidement. Nous partons elle et moi dans un galop endiablé, faisant fi du marasme commun qui nous entoure, de cette léthargie matinale, de cet encroutement populaire.
Je l’emmène en douceur, mais fermement, elle me parle. Chaque mouvement de son train avant et arrière me parle, je comprends son langage, connais chacune de ses nuances, et savoure notre discussion.
Ses entrailles rugissent, hurlent, elle se cabre, crisse et stoppe net. Nous attendons, elle et moi, au feu. Mon cœur bat, le sien résonne sous mes jambes, nous attendons.
Chaque seconde est un repis, je regarde au loin, dans le vide, guettant du coin de l’œil que notre vie reparte.
Notre moment se termine lorsque le lieu redevient réalité, travail, quotidien. Je la range, la désarçonne, la regarde, souris. Grace à elle, je marche seul le long de ce parking, seul, pour travailler, heureux, chaque matin.
Transformer le pire moment de la journée en un bonheur indescriptible quotidien, c’est ce qu’elle m’offre tous les jours depuis un an et demi.
Je l’aime.
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