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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°14465119
rahsaan
Posté le 30-03-2008 à 12:30:31  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Quand écrirez-vous enfin votre grand oeuvre, De l'unidualité ? :o ;)


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
mood
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Posté le 30-03-2008 à 12:30:31  profilanswer
 

n°14465800
neojousous
Posté le 30-03-2008 à 14:12:21  profilanswer
 

foutre de : commence par La philosophie de l'esprit de Mickael Esfeld, c'est un manuel dans lequel tu y trouveras tout un ensemble de définition de mot en "isme". C'est vrai que j'argumente pas des masses, mais à vrai dire vu le décalage entre ce que vous pensez et ce que je pense, le chemin à faire me parait trop long. Je suis découragé, et je le montre, que les gens n'aient pas l'impression que tout le monde dit "amen" a tout ce qui est dit ici, qu'il n'y a pas des divergences d'opinion profondes.
 
l'AC : "(je ne parle même pas du malheureux neojousous dont l’attitude face aux problèmes de la subjectivité est indigne d’un étudiant en philosophe, même si je ne connais que trop bien les ravages de l’épistémologie et de la philosophie analytique dans les universités françaises…)"
Pff mais arrête tes délires. Comme tout le monde j'ai étudié Kant, Hume,  et le problème de la subjectivité : "comment le sujet se constitue-t-il dans le donné" dirait Deleuze. C'est pas parce que je n'aime ni ta méthode (que je trouve mauvaise, mauvais traitement du sens commun, j'y reviens pas), ni tes idées (idéalistes malgré ce que tu dis) que j'ai pas réfléchi sur le problème. Tes présupposés de réflexion je les comprend, mais je les rejette, d'ou l'absence de dialogue réel entre nous. D'ailleurs comme Hephaestos, je trouve que tu m'as répondu complètement à côté de la plaque sur la phénoménologie.


Message édité par neojousous le 30-03-2008 à 14:13:00
n°14466358
foutre de
Posté le 30-03-2008 à 15:20:01  profilanswer
 

sincèrement, j'ai rien contre l'université suisse et j'adore étudier l'embryologie à partir des cours du site de Lausanne, mais comme j'ai déjà pas le temps de lire des oeuvres de philosophie qui me tiennent à coeur (la correspondance de machiavel, le dernier Millon sur la réduction husserlienne,...) sans parler des oeuvres religeuses (ruysbroeck, de foligno..., l'abbé brémond) et à plus forte raison des oeuvres littéraires, je ne peux pas me consacrer à la lecture que tu me proposes même si ça te facilite les échanges avec des gens qui ne seraient a priori pas d'accord avec toi.

 

je ne sais pas en quoi consiste ce désaccord d'ailleurs, puisque la seule thèse sur laquelle je m'entende avec moi-même, c'est que la transcendance ne peut énoncer que des vérités locales (celles de telles ou telles sciences) et que la philosophie ne peut avoir affaire qu'avec l'immanence (c'est-à-dire ce qui ne suppose aucune médiation dans le savoir et n'articule aucun manque). après cette immanence tu peux la concevoir comme tu veux, comme accès via épochè si tu es phénoménologue, ou comme empirisme transcendantal si tu est plutôt deleuzien, moi ça me regarde à peine, ça me semble des querelles de clochers, pourvu que tes énoncés soient engageants en terme de pensée (qu'ils me transforment, qu'ils m'invitent, qu'ils me motivent etc.)

 

j'ai peut-être mal répondu à tes questions sur la phéno pour ne pas les avoir comprises, c'est possible (moi qd on ne répond pas à mes questions ici, je les répète...)

 

Alors ce n'est pas une question de mauvaise volonté mais pour ce qui est des neurosciences et de leur rapport à la motricité, mon programme de travail est trop lourd pour l'instant pour que j'y ajoute une lecture qui servirait surtout à comprendre ce que tu ne veux pas expliquer (alors que bordel, c'est prétendûment un bouquin avec des exercices d'argumentation que tu as dû faire... non?).

 

pour l'instant j'en suis à m'occuper des différents diamètres de fibres nerveuses, efférentes (motoneurones), afférentes, delta et amyélinisées (nociceptrices), et de leur réactivité à un stimulus électrique en fonction de la conductance et de la capacitance spécifiques des différents tissus corporels.

 

alors si en plus tu pouvais donner aussi un début d'éclairage des différents types de réductions que tu as listés en faisant remarquer leur grande importance sans les expliciter, alors je peux m'engager à une chose : écouter sans même esquisser le début d'une discussion polémique.

 

pour ce qui est de l'antichrist, j'ai toujours pas réussi à attraper la longe même quand il galope juste à côté (et puis j'aime bien ce qu'il dit parce que ça me donne envie de pas mourir, aussi), donc je peux rien faire : un gros post indigeste peut tomber à tout instant et finir en première page

 

si je demande ces précisions, c'est que nous ne pouvons pas faire ici comme si nous avions les mêmes lectures voire les mêmes cours de fac, encore moins la même répartition de temps à consacrer. Donc je suppose que parmi tes proches y en a qui captent tes étiquetages en un clin d'oeil, mais ici faut jouer un minimum la carte de la collégialité, c'est-à-dire qu'on est loin de s'occuper tous de la même chose et de la même façon.
sinon y a pas moyen de découvrir quelque chose et on ne fait que baigner dans la consanguinité....


Message édité par foutre de le 30-03-2008 à 16:58:27

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14466362
l'Antichri​st
Posté le 30-03-2008 à 15:20:29  profilanswer
 

foutre de a écrit :


Mes propos ne concernaient pas une allergie mais un baillement. J'ai juste voulu préciser que "matérialisme" ou "physicalisme" (au singulier ou aux pluriels), n'entraient pas dans le coeur des questions que j'essayais de soulever (pas du tout).
Je suis peut-être rétrograde, mais je préfère m'occuper de matière avant de m'occuper de matérialisme, de sujet avant que de subjectivisme etc.
Pas que je trouve les arguments de Néojousous irrecevables. au contraire. Et il a raison de dire que bien des concepts sans "isme" pourraient être critiqués (y compris pour cause de baillement... en ce sens le dasein pourrait bien être une ouverture de la bouche sous le coup d'une stimmung spécifique de l'ennui...- voir Jean Luc Marion sur Flaubert).
Mais d'une part les concepts en "isme" sont des concepts secondaires, dérivés (comme dirait henry, causons d'abord de marx avant de discuter du marxisme) ; d'autre part, il prétendent à un étiquetage précis, à un "bien entendu" qui n'est souvent que le fruit d'une connivence ("nous employons les mêmes étiquettes..." façon philosophique de se renifler le cul comme les chiens pour voir si on est bien du même quartier), connivence qui au pire masque une incurie intellectuelle (argument de rahsaan), au mieux consiste en un raccourci fainéant (mon argument).
 
balancer une étiquette, ça suffit probablement quand on est entre soi. mais je ne suis pas sûr que si je fouille dans le topic je trouverai une définition satisfaisante des mots en "isme" dont il est fait usage.
Où vais-je trouver une définition claire du "fonctionnalisme" dont Néojousous scande ses posts ? où vais-je trouver la listes des différents physicalismes qu'il évoque sans les illustrer ?
Je vois mal comment je peux me contenter du discours de quelqu'un qui me dit que j'ai tort, que mes définitions de la matière ou de la physique sont percluses de "rhumatismes", par exemple, mais qui finalement n'entre pas dans l'élaboration explicite d'autres définitions et se contente de balancer... un mot.
 
En pathologie, par exemple dans le cas des enfants aveugles de naissances dont le développement psycho-cognitif suit des étapes spécifiques différentes de celles d'un enfant doté de toutes ses facultés sensorielles, on constate l'emploi de mots par l'enfant dont on peut assez vite évaluer qu'il ne connaît pas la réalité qu'ils recouvrent parce qu'il n'en a acquis l'usage que par mémorisation d'emploi linguistique et pas par expérience sensible directe (un enfant énucléé de naissance pourra vers 8 ans vous parler du vert sans aucune gêne même s'il n'a aucune données sensitives pour étayer son propos) ; on appelle ça le verbalisme, et c'est un réel souci éducatif pour les parents que d'éviter que leur enfant ne sombre dans le verbalisme, notamment pour des raisons d'autonomie à l'âge adulte.
 
En philosophie, le verbalisme est une pathologie qu'on aurait grand tort d'ignorer, elle existe parmi les étudiants (et parfois parmi les enseignants aussi...), et participe à plein de l'acquisition des compétences conceptuelles : on commence par identifier un concept dans une lecture avant d'en avoir envisagé l'ampleur sémantique.
 
Je me souviens que la première fois que j'ai rencontré le concept d'"être", c'était en lisant "l'oeil et l'esprit" de merleau-ponty, dont on m'avait vanté l'accessibilité ; comme le livre était petit et que j'avais le sentiment de n'avoir pas tout saisi, je l'ai relu encore deux trois fois ; à chaque lecture "être" prenait une dimension nouvelle (parce que j'avais lu heidegger depuis, ou aristote ou un commentateur quelconque), et à chaque fois je mesurais la pauvreté de ma lecture précédente. (cette anecdote uniqement pour Pascal75 et répondre au cahier des charges du topic :D)
 
quand je lis un post qui contient plus de 5 occurences de mots en "isme", je veux bien que ces termes soient acquis pour la personne qui les énonce (principe de bonne foi), mais je me demande à qui le post s'adresse et s'il apporte vraiment quelque chose aux échanges.
on peut faire tinter physicalisme à mes oreilles autant de fois qu'on veut, mais qu'on me donne seulement la description de trois types précis de physicalisme, de leur spécificité, des enjeux que recouvrent ces différences, accompagnés d'une référence, d'un nom d'auteur, et articulé à un échange en cours, alors là oui, j'aurai eu à manger. en attendant je baille comme un chien de pavlov qui entend tinter un signal à son oreille mais à qui on ne sert rien de consistant.
 
(et ça fait des taches sur la moquette)


 
Pour illustrer votre propos, il serait intéressant de procéder (le plus simplement possible attention...) à la critique de l'idée selon laquelle : « Il faut absolument se défaire de l’idée de Platon comme un penseur idéaliste. Platon est un réaliste. »
 
On voit tout de suite ce que cette formule signifie : Platon croit à la réalité des Idées. En ce sens, il est réaliste. Oui. Mais c’est un peu plus compliqué que cela. L’impensé du discours semble se situer ici : l’idéalisme est la théorie de Berkeley (en une formule : tout est idée, c’est-à-dire représentation mentale). Mais que Berkeley pousse l’idéalisme en son point le plus extrême ne signifie pas que l’idéalisme se réduit à cette forme. On peut raisonnablement penser que la théorie platonicienne est un composé de réalisme et d’idéalisme. Il n’est pas un disciple de Berkeley (et pour cause…) mais développe une autre théorie. Pourquoi vouloir juger cette dernière à l’aune de la forme la plus absolue de l’idéalisme ? C’est décider que Berkeley est l’archétype de l’idéalisme et que, hors de sa théorie, toutes les autres pensées sont réalistes puisqu’elles posent des réalités. Cela n’est qu’à moitié vrai dans le cas de Platon.
 
La pensée établie a d’abord raison : Platon est réaliste puisqu’il croit à la réalité des Formes, à la réalité des Idéalités. Mais elle a tort quand elle réduit la pensée de Platon à ce point de vue. Considérons la fin du Philèbe, passage très instructif sur la méthode platonicienne : il n’y a qu’un monde chez Platon, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’opposition entre un monde sensible et un monde intelligible. Tel est le sens de l’allégorie de la caverne : un lieu sensible et un lieu intelligible. Pour Platon, l’intelligible n’est pas un monde séparé du sensible mais est dans le sensible. Tel est le sens du parcours dans Hippias Majeur : quel est le point commun entre la beauté d’une marmite et la beauté d’une fille ? C’est leur participation à l’Idée du Beau, c’est-à-dire le fait qu’elles contiennent la beauté, qu’elles participent de l’Idée du Beau (inutile ici de développer la théorie de la methexis).
 
L’intelligible n’est pas hors du sensible. Cette imbrication fait que Platon est un composé de réaliste et d’idéaliste. Il croit à la réalité des Formes, mais celles-ci ne se tiennent pas seules dans un monde séparé : elles sont dans le monde sensible. Des réalités invisibles (les Idées qui sont les êtres « réellement réels » ou « véritablement étants ») parcourent le monde sensible. On ne peut les voir qu’après un apprentissage qu’est la philosophie (mourir au sensible) qui permet de voir avec les yeux de l’âme (s’éveiller à l’intelligible). C’est en ce sens qu’un composé idéalo-réaliste se constitue : le réel est sous une autre couche du réel.
 
Avec les yeux de l’âme, voir c’est savoir. Croire que le réel est sous une couche réelle autre (thèse de Platon), c’est élaborer un idéalisme qui croit à la réalité de ce qu’il promeut comme véritables. C’est seulement de la cohérence logique. Platon croit à la réalité des Idées : cela ne fait pas de lui un réaliste dans une position caricaturale qui prétendrait qu’il n’y a pas d’intelligible.
 
La connaissance simplement historique met donc en évidence le fait que Platon n’est pas idéaliste au sens de Berkeley, mais il semble avoir oublié que Platon est idéaliste au sens platonicien du terme. Il ne pense pas que tout est idée au sens de la représentation mentale, mais il pense que l’intelligible gît sous le sensible et que les deux lieux (je ne dis pas « mondes ») sont imbriqués. Il s’agirait ici d’une définition d’un idéalisme différent de celui de Berkeley. Mais de quel droit accorder le seul nom d’idéalisme au second ? Il est sans doute plus extrême mais cela ne disqualifie pas les autres formes de pensée de ce genre plus modérées d’être appelées « idéalisme ».
 
Bien sûr que l’idéalisme platonicien (non berkeleyen, donc modéré) croit à la réalité des Idées. Mais cela débouche sur une certaine vision d’un idéalisme (lié au réel) : cela ne fait pas un réalisme pur et dur. Dire que Platon est idéaliste est un abus de langage si on entend par là la théorie de Berkeley. Mais c’est précisément un abus que de le considérer à l’inverse comme un réalisme primaire. Platon se situe dans l’entre-deux des positions idéalistes pures et des positions réalistes dures. Mais c’est cela son originalité puisqu’il tente de concilier l’idéalisme de Parménide et le réalisme d’Héraclite.
 
Subtilité de Platon : il n’est ni réaliste ni idéaliste au sens de Berkeley : il est Platon, c’est-à-dire un idéaliste qui croit à la réalité des Idées et un réaliste qui croit à leurs idéalités.
 
D’où vient la confusion dénoncée ici ? Sans doute de la lecture d'un Platon platoniste et non platonicien. La pensée qui ne pense plus se situe dans un certain platonisme. De même que le marxisme n’est pas la théorie de Marx, le platonisme n’est pas la théorie de Platon. Celui-ci est un idéaliste qui croit à ses Idées (et à ses idées !) : il est idéaliste de façon réaliste. Il est idéaliste sans être berkeleyen. Il mêle donc subtilement l’idéalisme et le réalisme. C’est cela la spécificité de Platon, et non du platonisme. Lire Platon à la lumière du platonisme, c’est sans doute réduire hâtivement Platon et le platonisme et ainsi faire une erreur en croyant que Platon est réaliste alors que sa position est plus subtile. Tel est le principal danger des généralisations.
 
Prenons un autre exemple. Descartes est jugé comme l’idiot du village de l'histoire philosophique par les philosophes de l’esprit et par tous les courants (Ryle, Fodor, Strawson). La position de la psychologie cartésienne n’est pas tenable (la théorie des tourbillons est fausse, la glande pinéale est une absurdité déjà dénoncée par Malebranche, Spinoza ou Leibniz et raillée par le XVIIIe siècle). Mais réduire Descartes à cela, c’est critiquer le cartésianisme, non Descartes lui-même. Celui-ci cherche à élaborer un projet métaphysique. On peut croire que le cartésianisme est une erreur : il est vrai que ses positions psychologiques sont intenables et fausses. Mais l’expérience que Descartes invite à vivre dans les Méditations métaphysiques, c’est une autre affaire. Je dis « expérience » et non « théorie ». Quand Descartes élabore une théorie, son procédé est condamnable. Mais l’expérience qu’il propose n’est pas psychologique. C’est ce qui fait sa grandeur et c’est ce qui fait sa philosophie. On peut attaquer tant que l’on veut Descartes le métaphysicien et l’on aura raison, mais Descartes le philosophe ne peut être une cible. L’expérience qu’il propose n’est pas physique, n’est pas physiologique, n’est pas psychologique. On peut même répugner au fait qu’elle soit métaphysique, comme le fait la philosophie analytique. Reste une expérience philosophique. Elle est celle de Descartes (et de ses lecteurs) non du cartésianisme.
 
Si nous retrouvons Platon, nous pouvons dresser le même constat que celui que nous venons de tirer à propos de Descartes. Ne pas confondre Platon (idéaliste et réaliste) et le platonisme (pensée issue de Platon qui se caractérise par un réalisme, c’est-à-dire par le fait de croire réelles des universaux) permet d’éviter les confusions.
 
On peut toujours railler les théories, on n’atteindra jamais les penseurs. Le croire est l’illusion suprême de l’amour-propre : « puisque j’ai détruit le système, j’ai détruit le penseur ». Non ! Puisque j’ai détruit le théoricien, j’ai renforcé le penseur. En déliant le geste de la pensée de la théorie proprement dite, j’ai détruit la théorie mais pas le geste. Au contraire, je le précise et je l’affine en le délivrant de la théorie qui le cache. C’est cela qui fait qu’un auteur est un grand auteur et que les grands auteurs ne meurent jamais. Il est possible de les critiquer, de les railler, de vouloir les éliminer, on discute toujours avec leurs fantômes. C’est-à-dire avec leurs esprits. Ceux-ci demeurent au cœur de leur écriture. Le lecteur, celui qui lit en écoutant leurs voix et non en étouffant celles-ci (en lisant le théoricien et non le penseur, l’homme philosophant), fait alors une expérience de ce qu’est la pensée. Et non seulement de ce qu’elle n’est pas.


Message édité par l'Antichrist le 30-03-2008 à 18:59:59
n°14466414
rahsaan
Posté le 30-03-2008 à 15:27:23  profilanswer
 

Ce qui me fait penser à la phrase de Deleuze, dans Pourparlers : c'est vrai que la philosophie a aussi ses grandes luttes internes (idéalisme versus réalisme etc.) mais c'est pour rire...  
 
J'adore cette phrase. :)


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14466516
neojousous
Posté le 30-03-2008 à 15:43:09  profilanswer
 

foutre de : je travaille en ce moment sur le sujet "Peut-on naturaliser l'esprit ?". D'ici quelques semaines je pourrais poster des trucs conséquents. Donc si tu peux tenir jusque là ça ira.

n°14466690
foutre de
Posté le 30-03-2008 à 16:09:17  profilanswer
 

ou alors tu mettras un lien explicite vers ton blog (où j'ai trouvé de bonnes choses sur la dégauchisseuse-raboteuse)


Message édité par foutre de le 30-03-2008 à 16:24:08

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14468037
nessca
Posté le 30-03-2008 à 19:30:14  profilanswer
 

Pour plus "pourrir" ce topic, avec la question du "moi", j'ai crée ce topic.
 
http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] w=0&nojs=0


Message édité par nessca le 30-03-2008 à 19:30:34
n°14468332
foutre de
Posté le 30-03-2008 à 20:00:30  profilanswer
 

ça, ça veut dire qu'on a merdé sur l'accueil...


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14471412
rahsaan
Posté le 31-03-2008 à 00:52:57  profilanswer
 

Je suis allé répondre sur le topic. Mas c'est dommage, oui, on aurait aussi bien pu en parler ici, de la question du moi.


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Posté le 31-03-2008 à 00:52:57  profilanswer
 

n°14472823
foutre de
Posté le 31-03-2008 à 10:02:34  profilanswer
 

moi, comme j'ai été sage, j'ai eu des images.  :p


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14474907
neojousous
Posté le 31-03-2008 à 14:40:59  profilanswer
 

Qu'est-ce que le physicalisme ?
 
 Pour Neurath, le physicalisme est le projet d'une science unifiée autour du langage de la physique. Il déleste le matérialisme antérieur de son contenu métaphysique, dans le sens où il ne s'agit plus de dire que tout est matériel, mais que toute science est en dernier ressort traduisible dans le langage de la physique.
 Pour Putnam, le projet physicaliste consiste à opérer une réduction en cascade d'un univers de discours à un autre, avec l'univers de la physique en dernier ressort, en particulier la physique des particules élémentaires. Cette conception de la réduction, est une réduction explicative, car il s'agit de réduire les explications d'un niveau de réalité (par exemple la psychologie) aux explications d'un autre niveau de réalité (par exemple la biologie). Alors que la réduction ontologique présuppose un monisme ontologique, la réduction explicative est plus forte, et suppose que la signification propre à un niveau de description de la réalité est en dernier ressort réductible au vocabulaire et aux lois de la physique fondamentale.
 Cette conception présuppose donc qu'il existe un niveau ultime de description de la réalité, une théorie du tout unifiée (dont les théories des supercordes, des boucles quantiques, ou des twisters sont des tentatives). Or il est pour le moins discutable qu'un niveau de description ultime existe. On se retrouve dans un schéma de type trilemne d'Aggripa : soit on remonte à l'infini dans les niveaux de description de la réalité, soit on admet arbitrairement un niveau fondamental, soit on abandonne le modèle feuilleté (c'est-à-dire la conception métaphysique de la réalité stratifiée, composée de couches de descriptions de la réalité).
 C'est ce caractère incomplet de la physique qui fait dire à d'Espagnat qu'il est physicaliste mais non matérialiste : pour lui le concept de matière est rendu désuet par la physique contemporaine. Au contraire, Lockwood se dit matérialiste, mais non physicaliste : la matière est un concept plus riche que ce qu'en appréhende la physique. C'est la physique qui ne parvient pas à rendre compte de la matière, et non l'inverse.
 
 L'un des premiers type de physicalisme est le physicalisme des types. Celui fut défendue par l'école australienne (Smart, Feigl, Place), et s'inspire du modèle de réduction inter-théorique exemplifié dans l'histoire de la physique par l'identification de la thermodynamique macroscopique à la thermodynamique microscopique (mécanique statistique). Dans ce modèle de réduction, la thermo macroscopique est une théorie englobée par la mécanique statistique. Cette théorie est englobante dans le sens où le vocabulaire utilisé dans la thermo macroscopique est traduisible dans le vocabulaire de la méca statistique. Par exemple la température d'un gaz est identifié à l'énergie cinétique moyenne d'un ensemble de molécules. Non seulement le vocabulaire est traduisible, mais les lois également, ce qui permet une réduction théorique.
 C'est ce modèle qui inspira l'idée d'une réduction explicative de la psychologie à la neurobiologie (on laisse ici de côté le problème de savoir si c'est la psychologie ordinaire ou la psychologie cognitive qui doit être réduite). L'idée du physicalisme des types est d'identifier des types d'états mentaux à des types d'états physiques. Par exemple, la douleur serait identifié à une oscillation de neurones.
 Le physicalisme des types a rencontré deux objections majeures : le holisme des états cognitifs de haut de niveau, et la réalisation multiple du mental. Le holisme des états cognitifs affirme que tout état cognitif (croyance, connaissance, espérance, etc...) est un état holistique, c'est-à-dire un état caractérisé par de multiples relations entretenues avec d'autres états mentaux. C'est ici qu'apparait l'idée de fonctionnalisme : un état mental est un état fonctionnel se caractérisant par son rôle causal au sein d'un réseau d'états mentaux.
 La réalisation multiple du mental (Putnam, Fodor), est une conception affirmant que l'on ne peut identifier un état mental à un état physique, car différents états physiques peuvent jouer le même rôle causal. Il est par exemple possible de voir, alors que nos yeux sont détruits en utilisant la technologie suivante : une caméra transmet de l'information visuelle sous forme de stimuli électrique, qu'elle communique ensuite au cerveau (par l'intermédiaire de la langue, ou des oreilles par exemple). L'état physique est ici fondamentalement différent, mais l'état mental est fonctionnellement identique.  
 Cet argument de la réalisabilité multiple du mental s'appuie sur des données factuelles, mais les conclusions ne sont pas partagées par tous les philosophes. Dire qu'un état mental est un rôle causal fonctionnel, revient à défendre un physicalisme non-réductionniste. L'état mental n'est pas réductible à l'état physique, car il faut prendre en compte les relations entre les états mentaux. Mais d'autres philosophes (Lewis, Armstrong) défendent le physicalisme des types, et le fonctionnalisme. Mais ce fonctionnalisme est d'un genre différent de celui de Putnam. Il ne s'agit plus de dire que les états mentaux se caractérisent par des propriétés de haut niveaux, non réductibles à des propriétés de bas niveaux (physiques), mais qu'il n'y a pas de propriété de haut niveaux. Il y a seulement des descriptions de haut niveau, de propriété physiques. Les niveaux ne sont alors plus dans la réalité, mais dans la signification. La position de Lewis est donc un réductionnisme ontologique, dans la lignée des philosophes australiens, mais nuancé par un fonctionnalisme de la signification, tout terme se définissant fonctionnellement par rapport aux autres termes (du type des relations fonctionnelles physiques telles que les lois newtoniennes : F=ma).
 
C'est un survol rapide, incomplet et donc faux, d'un des débats de la philo de l'esprit. Je n'ai pas du tout évoqué tout un tas d'autres positions : béhaviorisme analytique, monisme anomal de Davidson, dualisme des propriétés (émergentisme et épiphénoménisme), fonctionnalisme social, etc... Mais bon, il faut bien commencer par quelque part...
 
De plus, il s'agit ici de traiter une des spécificités des états mentaux, leur caractère intentionnel, propositionnel. Naturaliser l'intentionnalité en quelque sorte. Mais il existe une autre spécificité des états mentaux, c'est la conscience phénoménale qu'on en a à la première personne. Ce problème est le problème des qualia. La thèse représentationnaliste défend qu'en dernière instance, le critère phénoménologique est réductible au critère intentionnel. Naturaliser l'intentionnalité impliquerait alors d'avoir naturalisé la conscience phénoménale, et donc d'avoir naturalisé l'esprit. Les qualia sont alors des illusions cognitives fortes, l'illusion que l'état qualitatif d'un état mental est séparable de son état fonctionnel, que l'on peut se focaliser sur le qualia indépendamment du reste. Par exemple, en ayant l'expérience de cette pomme rouge posée sur la table, j'ai l'illusion que je peux isoler l'effet que cela fait de voir ce rouge, indépendamment de l'acte de visée, de l'intentionnalité de la pomme.
 
Certains refusent le représentationnalisme, et défende la prévalence du critère phénoménal, ce qui conduit à un dualisme des propriétés. Ces propriétés n'ont soit aucune pertinence causale (épiphénoménisme), soit une efficacité causale (émergentisme).
 
La théorie représentationnaliste a un intérêt en éthique appliquée au cas des animaux. Soit l'on est représentationnalisme, et l'on admet alors la possibilité de reconstuire la vie psychique de l'animal (le "monde de l'animal" ), soit l'on est mystérianiste, et l'on considère que l'attribution d'états mentaux aux animaux est un phénomène anthopocentriste, et qu'une éventuelle connaissance de la vie psychique de l'animal est à jamais hors de notre portée.


Message édité par neojousous le 31-03-2008 à 14:44:06
n°14475028
rahsaan
Posté le 31-03-2008 à 14:55:49  profilanswer
 

Merci. :)
 
Tu pourrais développer un peu le monisme anomal de Davidson ?
J'ai deux tomes de philo de l'esprit, de chez Vrin, et c'est dans ces volumes que j'ai découvert une (petite) partie de ce dont tu parles. :)


Message édité par rahsaan le 31-03-2008 à 14:57:31

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14475030
foutre de
Posté le 31-03-2008 à 14:55:52  profilanswer
 


merci.
ai-je tort si je considère que le physicalisme reste une volonté d'universaliser une description mathématique, et donc est un "mathématicisme"?

 

Message cité 1 fois
Message édité par foutre de le 31-03-2008 à 15:06:11

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14489526
foutre de
Posté le 01-04-2008 à 22:11:48  profilanswer
 

un post venu d'ailleurs :
 

njb3 a écrit :

Petite question hors-sujet qui ne l'est peut-être pas tant que ça : quel est le point de vue de la philosophie vis à vis des mathématiques? (j'y connais rien ou presque en philosophie, donc ma réflexion est au mieux totalement naive) Parce-qu'il me semble que le langage de la physique c'est bel et bien les mathématiques (d'où dérive la logique et l'algorithmique). Je m'explique: pour décrire un modèle de réalité il faut nécessairement utiliser un langage. Il me semble, mais je peux pas en être certain, que les langages "humains" sont toujours plus ou moins imparfaits et donc incapables de fournir une description totalement nette d'une hypothétique réalité (car ils peuvent imposer une limite au raisonnement) or le langage mathématique me semble beaucoup plus riche d'une part (la récursivité est-elle possible dans les autres langages par exemple?) et capable d'auto-détecter ses propres incohérences (démonstrations). Enfin, les mathématiques étant un produit de l'esprit déconnecté de toute considération matérielle (objet, sujet, matière, chien, chat, ...) ne peut-on pas considérer que les modèles qui l'utilisent sont les moins "risqués" en terme d'erreurs? (meilleure approximation)


 
 
pour répondre à tes questions sur les math, je ne suis pas le mieux placé. le mieux ce serait que tu passes à la maison, là y aura des gens plus calés que moi pour te répondre.
je peux te dire que l'idée d'un langage unique universel qui ferait mieux que les langues vernaculaires, c'est une idée de philosophe du 18eme siècle, je pense à leibniz qui à la suite de Descartes a beaucoup fait progresser l'algèbre et le calcul infinitésimal. Il y a pas mal de mathématiciens chez les philosophes, à commencer par Pascal qui a inventé la première machine à calculer occidentale entre autres travaux de physicien sur le vide et la pression atmosphérique, ou encore Husserl et Wittgenstein...
Mais bon avec leibniz il y a vraiment la foi en une mathesis universalis comme on dit chez nous; c'est Les Lumières, c'est la période rationaliste (on en est un peu revenu).
 
 
là où je te corrigerais c'est dans le sens que les mathématiques viennent de la logique plutôt que l'inverse. Je m'explique. En Grec Logos, qui a donné logique, ça veut dire aussi bien langue, verbe, que raison. Le logos est le propre de l'homme et ce à quoi le philosophe prête l'oreille. alors les mathématiques c'est une branche locale du logos, la branche des nombres et des figures. Attention, en grèce on ne plaisante pas : les Pythagoriciens forment une secte, avec initiation et on raconte même qu'on n'hésitait pas à tuer ceux qui révélaient les secrets trigonométriques qui se transmettaient parmi les sectateurs. autant te dire qu'on avait déjà conscience du pouvoir des mathématiques et de ceux qui les maîtrisaient (moi je dis toujours qu'avec la mathématisation physicienne de la réalité, c'est la secte pythagoricienne qui règne sur le monde... Il suffit de se pencher d'ailleurs sur le rôle des francs-maçons dans la révolution française pour voir que le règne des géomètres, ce n'est pas un vain mot)
 
après sur l'idée que le langage mathématique serait plus parfait que n'importe quelle autre langue pour modéliser le réel, ça reste en débat. de mon point de vue, c'est un peu comme l'esperanto, les mathématiques sont une bonne langue pour le laboratoire ; dès que tu sors dehors, c'est déjà autre chose.
On fera facilement valoir en philo que tout ne relève pas du quantifiable, que le langage mathématique c'est bon pour l'espace, voire pour le temps (mais déjà ça bloque chez beaucoup de penseurs) mais pour le Moi, le Beau, l'existence ou le sentiment, ça trouve vite ses limites.
Certains penseurs soutiendront qu'une langue vernaculaire est riche de bien plus que ses imprécisions démonstratives strictes et que l'homme existe à travers sont logos, qu'il habite dans sa langue parce qu'elle lui ouvre le réel. Alors le langage mathématique, froid, aseptisé, ressemble plus à un hôpital désinfecté de ce point de vue, et ne rend compte que d'une parcelle infime du réel, ce qui est comptable (bon, pour repolitiser un peu, ça convient très bien à une civilisation capitaliste...)
Pour ce qui est de la richesse, je ne suis pas sûr que la récursivité n'existe qu'en mathématique. Pour moi c'est une propriété de mise en abîme qu'on rencontre un peu partout, en philosophie non mathématique également, par exemple dans l'éternel retour du même de Nietzsche... mais je peux me tromper sur le sens précis de récursivité en math (une fonction fait appelle à elle-même pour se définir, non, c'est ça ?).
Pour ma part, tant que le langage mathématique ne pourra pas me dire quelque chose du genre : "le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige" (baudelaire), je continuerai de trouver des limites à la chose même si je suis le premier à admirer certaines propriétés des nombres (je conseille la lecture du livre de André Warusfel au éditions du seuil).
enfin quant à la prétendue immatérialité des mathématiques, je reste sceptique. les chiffres sont une matière à part entière, non neutre avec des propriétés non expliquées (pi, les nombres premiers, les irrationnels...). la transparence rationnelle a des avantages indéniables, mais je crois aussi qu'elle peut assez vite devenir une agression et tendre au réductionnisme envahissant.
une fois de plus, s'il s'agit de calculer la réalité, de la prévoir, de la prendre de vitesse pour augmenter sa puissance ou échapper à l'effroyable peur de la mort, les math conviennent bien comme outil. Mais si on a une autre idée de l'existence et des ambitions différentes, ça reste discutable.*pour ma part je préfère les math pures plutôt que leur version physicienne pour ingénieur mécanicien


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14493913
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 11:26:55  profilanswer
 

tenez, pour ceux qui travail sur la phéno, je viens de lire un court passage de Valdinoci où il parle de la réduction comme d'un "détachement axiologique". très bonne piste


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14493958
le vicaire
Posté le 02-04-2008 à 11:33:09  profilanswer
 

comment on dit "Doit on boycotter les JO de Pékin ?" en langage mathématique ?

n°14494137
le vicaire
Posté le 02-04-2008 à 11:55:40  profilanswer
 

Je termine "Observations sur le sentiment du beau et du sublime" de Manu. Et là grosses sueurs froides... Kant est raciste ! Les propos "racistes" du penseur des Lumières ne semblent pas très connus. Doit-on pour autant les passer sous silence ? Il y a un livre de Raphaël Lagier sur le sujet "Les races humaines selon Kant" (Puf)... qui semble très intéressant.

n°14494520
neojousous
Posté le 02-04-2008 à 12:41:44  profilanswer
 

foutre de a écrit :


merci.
ai-je tort si je considère que le physicalisme reste une volonté d'universaliser une description mathématique, et donc est un "mathématicisme"?
 


 
 
Comme je le disais ici http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] #t12819270, je suis assez séduit par la position de Poincaré (qui serait m'a-t-on dit similaire à celle de Whitehead à ce niveau) : "'aime pas mal le réalisme de Poincaré à ce propos, qui est un réalisme des relations, et un anti-réalisme des entités. En gros, la science exprime quelque chose de vrai dans le réel, ce sont les relations entres les grandeurs. Mais elle ne nous dit rien de ces objets, et il reste donc à s'interroger sur la nature fictionnelle de ces objets. "
 
Si tu as l'impression que le physicalisme est une volonté d'universaliser une description mathématique, c'est probablement parce que c'est ma façon d'approcher les choses. Mais je ne crois pas que la majorité des philosophes de l'esprit le pense comme ça. Tout dépend du background philosophique : quelle métaphysique sous-jacente ? Et quelle épistémologie sous-jacente ? La volonté d'unifier une vision du monde autour de la physique, et du monde physique, ne présuppose pas d'avoir réglé le problème de savoir ce qu'est la physique, et ce qu'est le monde physique.
 
Désolé d'avoir répondu si tardivement, j'ai des probs de connections. rahsaan, j'essayerai de dire quelques trucs sur la philo de l'esprit de Davidson dès que j'aurai un peu de temps.

n°14494761
neojousous
Posté le 02-04-2008 à 13:19:27  profilanswer
 

Quelques informations sur la théorie de l'esprit de Donald Davidson
 
La théorie de l'esprit de Davidson repose sur une métaphysique particulière. Plutôt que de parler d'états mentaux ou d'états physiques, Davidson parle d'événements. Sa théorie est appelée monisme anomal. C'est un monisme, dans le sens où les événements mentaux sont identifiés à des évênements physiques. Il s'agit donc d'une théorie de l'identité, mais d'un genre très différent de la théorie de l'identité des types défendue par l'école australienne (théorie de l'identité des types). La théorie de l'identité de Davidson est une théorie de l'identité token-token, occurrence-occurrence.
 
Ce monisme est anomal (a-nomal : sans lois, sans caractère nomique) car il n'y a pas de lois psychophysiques strictes. Qu'est-ce qu'une loi psychophysique stricte ? Une loi psychophysique stricte est une loi qui permet d'inférer l'occurrence d'un événement mental sur la base d'événements physiques. Elle est stricte en ce sens qu'elle n'admet pas d'exceptions. Par exemple, elle permettrait en principe d'expliquer la croyance que le ciel est bleu à l'aide d'une description d'événements physiques. Davidson rejette cette nomicité du mental.
 
Je parle de nomicité, mais quelle est la conception de la causalité de Davidson ? Celle-ci est plutôt classique : chaque acte de causation singulière (tel événement particulier cause tel événement particulier) implique l'existence d'une loi générale qui s'instancie dans cette relation de causalité particulière.
 Rigoureusement la thèse de Davidson s'exprime selon trois principes :
1) Principe d'interaction causale : des événements physiques causent des événements mentaux, et vice-versa.
2) Principe du caractère nomologique de la causalité : l'existence d'une relation causale entre deux événements implique l'existence d'une loi stricte qui subsume ces événements.
3) Principe de l'anomie des événements mentaux : il n'y a pas de lois strictes qui permettent l'explication et la prédiction des événements mentaux.
 
Selon Davidson ces trois propositions peuvent êtres vraies ensembles. Le principe de l'anomie des événements mentaux permet selon lui de résoudre le problème du lien entre cerveau et esprit. Il n'y a pas de corrélations entre lois décrivant les états mentaux et lois physiques, car les lois mentales strictes n'existent pas, elles sont forcément ceteris paribus (c'est-à-dire qu'elles contiennent une clause du type "Toutes choses étant égales par ailleurs, ce qui est contraire à une loi stricte). (Nb : Davidson semble supposer que les lois mentales sont ceteris paribus, et que les lois physiques ne le sont pas. Cette dernière affirmation est contestable, à vrai dire je tend personnellement à penser que toute loi est ceteris paribus, même les lois physiques.)
 
La théorie de Davidson est une  théorie de la réduction ontologique (tout événement est physique), mais nie explicitement la possibilité d'une réduction explicative (les relations régulières du mental, en tant qu'elles ne sont pas strictes, ne peuvent pas être englobées par des lois strictes à travers une réduction inter-théorique).
 
Pour plus d'infos, je vous renvois comme dab au blog de François Loth :
http://francoisloth.wordpress.com/ [...] du-mental/


Message édité par neojousous le 02-04-2008 à 13:21:46
n°14494764
Mine anti-​personnel
Posté le 02-04-2008 à 13:19:41  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

Je termine "Observations sur le sentiment du beau et du sublime" de Manu. Et là grosses sueurs froides... Kant est raciste ! Les propos "racistes" du penseur des Lumières ne semblent pas très connus. Doit-on pour autant les passer sous silence ? Il y a un livre de Raphaël Lagier sur le sujet "Les races humaines selon Kant" (Puf)... qui semble très intéressant.


Evidemment qu'il est raciste. L'antiracisme et donc le racisme lui-même est une invention du 20ième siècle.
Au 18ième siècle, la supériorité intellectuelle et morale du blanc sur le nègre est une évidence, de même que celle de l'homme sur la femme. Nier ce fait aurait paru à n'importe quel homme de culture de l'époque une aimable plaisanterie ou un signe de déficience mentale.
Le 19ième siècle a inventé les preuves scientifiques (biologiques) de l'inégalité des races, ce qui prouve que la supériorité d'une race sur une autre devenait déjà un peu moins évidente.  
Pour revenir à Kant, je l'ai lu il y a longtemps mais je crois me souvenir qu'il explique pourquoi les nègres sentent mauvais.  :lol:  
Si tu pouvais nous donner le passage.

n°14494815
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 13:26:33  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Si tu as l'impression que le physicalisme est une volonté d'universaliser une description mathématique, c'est probablement parce que


oui disons que je suspecte facilement la philo transcendantale (l'épistémologie des savoirs) de croire que la philo est un savoir et de vouloir totaliser son approche. mais mes critiques visent moins les philosophes de l'esprit que la machine de civilisation au service de laquelle il exercent leurs intelligences.  
je me souviens bien de ce post sur poincaré, j'étais déjà assez d'accord.
 
c'est probablement l'idée de philosophie spécialisée qui me chagrine
 
EDIT : et puis même si les observations sur les relations de grandeurs ne disent rien du réel, elle permettent quand même sévèrement d'en faire quelque chose, du réel (et ceux qui balancent de telles observations feraient bien de pas trop se sentir les mains propres, l'innocence épistémologique est un peu facile quand on ne fournit pas au consommateur l'éthique qui va avec les savoirs effectifs qu'on lui offre)


Message édité par foutre de le 02-04-2008 à 14:00:39

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14494827
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 13:28:15  profilanswer
 

aujourd'hui on explique les différences d'odeurs corporelles par la différence d'alimentation. les blancs sentent la mort parce qu'ils mangent trop de viandes et de laitages


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14494953
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 13:47:01  profilanswer
 

allez un dernier post venu d'ailleurs pour que vous profitiez tous du lien sympa :
 

nessca a écrit :

oui mais je n'arrive pas à concevoir que tu ne cherches pas le bonheur.


 
 
 
c'est exactement ça : la philo permet de concevoir des trucs qu'on imaginerait même pas avant d'en avoir fait. un peu comme faire un pas de côté quand on a toujours marché droit , ou jouir avec sa prostate alors qu'on ne s'était jamais fait enculer... (un truc de philosophe grec surtout...)
 
bon allez je repars chez moi, vous savez où me trouvez..
 
ah si une dernière chose : pas étonnant d'avoir des problèmes de moi quand on joue avec une flopée de multis ; chez nous, tous les deleuziens font ça...  :hello:


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14497544
le vicaire
Posté le 02-04-2008 à 18:14:30  profilanswer
 

Mine anti-personnel a écrit :


Evidemment qu'il est raciste. L'antiracisme et donc le racisme lui-même est une invention du 20ième siècle.
Au 18ième siècle, la supériorité intellectuelle et morale du blanc sur le nègre est une évidence, de même que celle de l'homme sur la femme. Nier ce fait aurait paru à n'importe quel homme de culture de l'époque une aimable plaisanterie ou un signe de déficience mentale.
Le 19ième siècle a inventé les preuves scientifiques (biologiques) de l'inégalité des races, ce qui prouve que la supériorité d'une race sur une autre devenait déjà un peu moins évidente.  
Pour revenir à Kant, je l'ai lu il y a longtemps mais je crois me souvenir qu'il explique pourquoi les nègres sentent mauvais.  :lol:  
Si tu pouvais nous donner le passage.


Pas lu ça. "Les Nègres d'Afrique n'ont reçu de la nature aucun sentiment qui s'élève au dessus de la niaiserie" (p. 166 GF) ; "Les Noirs sont très vaniteux, mais à la façon nègre, et ils sont si bavards qu'il faut les séparer et les disperser à coup de bâton" (p. 167 GF). Surtout que les Négros à Königsberg vers 1764 ça devait courir les rues. Les Chinois en prennent un bon coup et les Orientaux sont des cons (je résume). Seuls les indiens d'Amérique sont (à peu près) épargnés. Entre le préjugé de l'époque - qui vacillait quand même avec ne serait ce que la Révolution française et les Droits de l'homme - et "Tout homme a le droit de prétendre au respect de ses semblables et réciproquement il est obligé au respect envers chacun d'eux…" (Doctrine de la vertu 1797), Kant a-t-il senti le vent tourner et opéré sa propre révolution ?

n°14498034
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 19:11:03  profilanswer
 

vous savez la révolution française c'est l'universalisme avec un calendrier qui ne suit les saisons que des zones tempérées de l'hémisphère nord.

 

alors la révolution.... [:vince_astuce]  [:rofl]  [:power600]

 

sinon quelqu'un connaît la pitoyable histoire de Saartjie_Baartman qui n'est pas à l'honneur des gens du 18éme à commencer par notre bon vieux cuvier.

 

sinon personne n'est allé écouter l'émission sur la barbarie avec de fontenay et pol-droit ??


Message édité par foutre de le 02-04-2008 à 19:24:04

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14498426
nessca
Posté le 02-04-2008 à 19:56:23  profilanswer
 

foutre de, est ce que tu es critique vis à vis de l'hédonisme.

n°14498585
le vicaire
Posté le 02-04-2008 à 20:10:32  profilanswer
 

pas à l'honneur des XIXe et XXe non plus et presque début XXIe. "Ce n'est qu'en 2002, après le vote d'une loi spéciale que la France restitua la dépouille à l'Afrique du Sud."
"Rien n'est plus opposé au beau que le dégoût", Manu.

n°14499196
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 21:03:18  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

"Rien n'est plus opposé au beau que le dégoût", Manu.


 
c'est intéressant ça !
parce que dans la nausée, il peut cependant y avoir du sublime... je pense à la nausée existentielle sartienne


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14499222
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 21:04:34  profilanswer
 

nessca a écrit :

foutre de, est ce que tu es critique vis à vis de l'hédonisme.


il faudrait savoir si tu parles d'hédonisme ou d'eudémonisme, d'ab.


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14499491
nessca
Posté le 02-04-2008 à 21:17:49  profilanswer
 

hédonisme plaisir mesuré, métriopathie...

n°14499584
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 21:22:41  profilanswer
 

ben c'est bien, l'hédonisme, pour choisir son régime alimentaire ou son mode de vie individuel.
Moi je me laisse maîtriser par mes souffrances plutôt que l'inverse. c'est une question de passivité.
le plaisir ne m'attire pas particulièrement, c'est une façon d'être au-delà bien et mal, "par delà jouissif et douloureux" - ça n'implique que moi, hein ...
mesurer, contrôler le vécu, c'est vraiment quelque chose que je ne fais que pour autrui, pour le protéger, c'est tout, parce qu'il a peut-être un moi, autrui... C'est aussi pourquoi je vis surtout loin et seul, pour être un peu libre de mes mouvements et de mes démesures.
Le déploiement de la sensibilité m'intéresse, et ça ne va pas sans démultiplication de la souffrance, parce que c'est un travail à avoir la peau toujours plus fine. et ça n'a pas grand chose à voir avec l'honnête sensualité de qui pense vivre en goûtant un peu à tous les plaisirs.
je suis plutôt dipsomane que dégustateur du bout des muqueuses.
et puis même dans sa version épicurienne, je ne trouve pas l'hédonisme suffisamment rigoureux, pas assez exigeant.
Pas moyen à mes yeux de tirer le maximum d'une existence avec ce genre d'économie.
Même si j'ai beaucoup de respect historique pour la sortie que ces gens ont opérée du platonisme et de l'aristotélisme ; je dois être vaguement plus proche des stoïciens.
Ce que j'aime chez les épicuriens, c'est la doctrine de la vérité qui donne raison aux phénomènes et aux perceptions contre les rationalisations catégoriques ; je les aime parce qu'ils sont scandalisés qu'on puissent soutenir que les sens puissent avoir tort. Mais c'est plus un intérêt scientifique, tu vois, que pour l'économie de vie.
ça les empêche pas d'être sympa, hein, et puis cette façon de placer l'amitié, et donc l'affect, au coeur de la relation philosophique, ça c'est de la classe et de l'envergure dans l'appréhension de la pratique.
je me dis que si l'hédonisme te fait souffrir, c'est qu'il doit y avoir un problème : soit un vice de compréhension, soit un attrait pour le plaisir qui ne passe pas par la doctrine du savoir qui la cotoie (probablement parce que tu es plus physicaliste (j'arrive pas à prononcer ce mot bordel !) que vraiment épicurien, scientifiquement parlant)

Message cité 1 fois
Message édité par foutre de le 02-04-2008 à 21:40:33

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14499615
nessca
Posté le 02-04-2008 à 21:24:17  profilanswer
 

pourquoi tu te laisse maitriser par tes souffrances?
 
Je me répète, mais avoue que c'est pas évident, donc j'aimerais bien que tu m'expliques.

n°14500112
nessca
Posté le 02-04-2008 à 21:46:08  profilanswer
 

foutre de a écrit :

ben c'est bien, l'hédonisme, pour choisir son régime alimentaire ou son mode de vie individuel.
Moi je me laisse maîtriser par mes souffrances plutôt que l'inverse. c'est une question de passivité.
le plaisir ne m'attire pas particulièrement, c'est une façon d'être au-delà bien et mal, "par delà jouissif et douloureux" - ça n'implique que moi, hein ...
mesurer, contrôler le vécu, c'est vraiment quelque chose que je ne fais que pour autrui, pour le protéger, c'est tout, parce qu'il a peut-être un moi, autrui... C'est aussi pourquoi je vis surtout loin et seul, pour être un peu libre de mes mouvements et de mes démesures.
Le déploiement de la sensibilité m'intéresse, et ça ne va pas sans démultiplication de la souffrance, parce que c'est un travail à avoir la peau toujours plus fine. et ça n'a pas grand chose à voir avec l'honnête sensualité de qui pense vivre en goûtant un peu à tous les plaisirs.
je suis plutôt dipsomane que dégustateur du bout des muqueuses.
et puis même dans sa version épicurienne, je ne trouve pas l'hédonisme suffisamment rigoureux, pas assez exigeant.
Pas moyen à mes yeux de tirer le maximum d'une existence avec ce genre d'économie.
Même si j'ai beaucoup de respect historique pour la sortie que ces gens ont opérée du platonisme et de l'aristotélisme ; je dois être vaguement plus proche des stoïciens.
Ce que j'aime chez les épicuriens, c'est la doctrine de la vérité qui donne raison aux phénomènes et aux perceptions contre les rationalisations catégoriques ; je les aime parce qu'ils sont scandalisés qu'on puissent soutenir que les sens puissent avoir tort. Mais c'est plus un intérêt scientifique, tu vois, que pour l'économie de vie.
ça les empêche pas d'être sympa, hein, et puis cette façon de placer l'amitié, et donc l'affect, au coeur de la relation philosophique, ça c'est de la classe et de l'envergure dans l'appréhension de la pratique.
je me dis que si l'hédonisme te fait souffrir, c'est qu'il doit y avoir un problème : soit un vice de compréhension, soit un attrait pour le plaisir qui ne passe pas par la doctrine du savoir qui la cotoie (probablement parce que tu es plus physicaliste (j'arrive pas à prononcer ce mot bordel !) que vraiment épicurien, scientifiquement parlant)


 
c'est IMPOSSIBLE de ne pas être attiré par le plaisir, tout ce que l'on fait va dans ce sens.
 
Quand tu penses cela, c'est que tu penses qu'en le pensant tu aura plus de le plaisir qu'en ne le pensant pas.

n°14500159
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 21:48:22  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

pas à l'honneur des XIXe et XXe non plus et presque début XXIe. "Ce n'est qu'en 2002, après le vote d'une loi spéciale que la France restitua la dépouille à l'Afrique du Sud."


 
il y avait je pense des intérêts diplomatiques en jeu, tant que l'apartheid n'était pas off. Il y a quand même deux ou trois mines de diamant dans ce coin de l'afrique, et nos voisins diamantaires d'Anvers ou de amsterdam n'auraient peut-être pas apprécié, surtout qu'on essayait de faire l'europe avec eux...
Et puis bon, chacun sa décolonisation, hein  :D  On va pas pousser les voisins à aller plus vite que nous dans ces matières "délicates"...


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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14500451
foutre de
Posté le 02-04-2008 à 22:06:19  profilanswer
 

nessca a écrit :

pourquoi tu te laisse maitriser par tes souffrances?Je me répète, mais avoue que c'est pas évident, donc j'aimerais bien que tu m'expliques.


nessca a écrit :

c'est IMPOSSIBLE de ne pas être attiré par le plaisir, tout ce que l'on fait va dans ce sens. Quand tu penses cela, c'est que tu penses qu'en le pensant tu aura plus de le plaisir qu'en ne le pensant pas.


écoute, j'ai moyennement envie de raconter ma vie ce soir. je peux te dire que je fonctionne aussi peu que possible sur le mode un donné pour un rendu, donc je me dis pas "ça va être mieux après".
le sacrifice et le don sans retour tiennent une place prépondérante dans mon économie de vie.
à la rigueur je peux me dire c'est temporaire, ça dépend s'il y a un projet dérrière. pour un projet spécifique, que je considère comme nécessaire, je peux subir pas mal de choses. Mais le projet ne m'apporte pas forcément de plaisir à être réalisé. C'est juste une question de stratégie, je ne fais généralement de projet que pour obtenir un peu plus de marge pour la philosophie, en gros, puisque la société est pas très accueillante pour la pensée ces temps-ci, je lui sacrifie ce qu'elle exige pour que la pensée ait de la place, et donc pas mal de plaisirs.
Et puis tu sais quand on envisage l'univers en deçà du point de vue qui sépare sujet objet, la vérité du plaisir ou du déplaisir, c'est quand même sérieusement relativisé...
à la rigueur, tu vois, je suis plus motivé par le beau, le sentiment d'admiration, le vertige du sublime... mais franchement le plaisir maîtrisé, ça me fait bander mou, tu vois. je préfère vraiment l'idée du dépassement et de l'accouchement de soi même dans les souffrances de la parturiente.
mais bon j'ai dû naître avec une fascination pour les fouets, je sais pas...
mais la souffrance et le plaisir me semble vraiment à dépasser dans l'indifférence du geste qu'on accomplit

 

tiens tu connais le film "Ghostdog" de jim jarmush ? Un truc sur la voie du samouraï. je te le conseille : abnégation, exigence, précision, sacrifice, capacité à accomplir un ultime geste de combat même après avoir été frappé à mort - si l'on est déterminé...
en plus c'est un film très drôle, sur la mafia

 

tu vois je tourne en rond, la bravoure, l'admiration... mais le plaisir décidément bof, je crois que c'est pour les gens qui savent pas trop quoi faire de leur vie, il n'ont rien de précis pour quoi mourir, donc il goûtent à tout, je sais pas

 

vraiment je t'ai déjà dit plusieurs fois, c'est très loin de moi.
La première chose que j'ai appris en philosophie c'est le saccage, pas la jouissance... alors au pire, je bousille tout, mais je ne négocie pas ni ne cherche à maîtriser

 

(domestiqué par la recherche du plaisir  :ouch:  :pfff:  tu vois là pour moi c'est un truc de malade, je crois que je préfère courir dans les ronces)

 


HEY!! y a pas un nietzschéen dans la salle pour aider un peu, là ?!

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Message édité par foutre de le 02-04-2008 à 22:12:33

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« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14502347
k-rott0
Posté le 03-04-2008 à 00:03:55  profilanswer
 

Le contenu de ce message a été effacé par son auteur

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Message édité par k-rott0 le 03-04-2008 à 00:06:34
n°14503009
Madrid1107
Posté le 03-04-2008 à 01:59:06  profilanswer
 

foutre de a écrit :

Pour la communication, je suis d'autant plus d'accord avec toi, hephaestos, que c'est le principe même de la mathesis universalis : un seul langage pour tous, qui use de concept à usage unique (un seul signe un seul sens).

 

D'une certaine façon, c'est ce que j'aime dans l'épochè : c'est l'anti mathesis universalis par définition. elle court circuite toute unité signe-sens, elle nous dit : avant d'admettre que ça veuille dire quelque chose, admettons que ça ne veuille d'abord rien dire (et voyons...)
Elle substitue à l'ambition d'un signe universel (ou d'un système de signes), la possibilité d'un vécu universel a-signifiant, antéculturel ; une espèce de geste résolument rousseauiste ("rousseauien" c'est vraiment trop moche), que Fink a bien perçu quand il définit la phéno comme question posée à l'origine du monde.
ainsi, husserl programme une science première qui ne soit plus la mathesis universalis leibnizienne, mais une sorte de pathesis universalis.

 

alors vous allez me dire : quid de la transmissibilité ? et bien justement, si on suit un peu l'histoire de la phéno, de ceux qui l'ont commentée ou critiquée, on voit bien qu'il est constamment question de transmissibilité affective, via l'ambiance, la stimmung (heidzegger, scheler, henry, marion...), ou via le transfert (en psychanalyse) : quelque chose se communique quand le langage rate (lapsus chez les lacaniens), quand l'objectivité s'effondre (communion angoissée et fusion sacrificielle chez bataille), quand la complicité s'installe (klossowski)

 

(il faut admettre que la complicité, en tant qu'accord tacite, c'est la version silencieuse du contrat social, sa version irrationnaliste pourrait-on dire)


Ce phénomène est très peu élucidé, pourtant tout le monde l'expérimente plus ou moins. Ce terme "transmissibilité affective" me parait excellent pour recouvrir ce qui est effectivement une communication d'une émotion, d'une passion, d'un état affectif, et ceci par voie directe, entre deux personnes. C'est à dire que l'émotion d'un sujet A se trouvera "captée", sentie, par un sujet B : ce sujet B sentira cette émotion ou cet état affectif, exactement comme si à la base cette émotion était produite par lui-même.
Pour comprendre mieux cela, on peut prendre l'exemple du bâillement (que tout le monde a pu expérimenter). Le bâillement se communique effectivement par "voie directe" (non pas par "imitation" ou "mimétisme" comme on pourrait le croire). Alors par quoi : je ne sais exactement, il y a peut-être des "ondes" de bâillement qui circulent, ou je ne sais quoi.

 

Mais pour en revenir à la "transmissibilité affective" : certaines personnes ont expérimenté et témoigné de ces phénomènes (sous le manteau car cela touche à des domaines peu voire totalement inconnus par la science en son état actuel d'avancement - de ces domaines qui auraient pu valoir à ces personnes, en des périodes un peu plus reculées, quelque soucis avec les autorités).  

 

Pour parler clair : il est possible de sentir l'angoisse, ou la tristesse, ou la joie, ou l'anxiété, ou l'affection (sous diverses formes), de quelqu'un d'autre. Ces choses se communiquent, à proprement parler. Il faut une certaine expérience de ces choses pour prendre vraiment conscience du phénomène. Mais dans certains cas rares d'intrication*** entre deux personnes, ces phénomènes peuvent être absolument frappants. Surtout si une au moins des deux personnes dispose de capacités, de dons, au-dessus voire très au-dessus de la moyenne (les "sorcières" ne disposent pas de pouvoirs "magiques" : elles ont les facultés de tout le monde, mais surmultipliées).

 

J'ajoute que ces phénomènes sont indépendants de la distance, c'est à dire de l'espace géométrique (les 3 dimensions). Deux personnes "intriquées" pourront effectivement se communiquer, échanger même, consciemment même, tel ou tel état affectif, et ceci à distance (mais à 2 mètres aussi bien). Ceci parait fou mais c'est un fait : je parle ici de l'expérience vécue par certains, de phénomènes qui font partie de la vie quotidienne de certains. Mais, encore une fois, ces phénomènes existent pour tout le monde, mais à des doses plus ou moins homéomatiques : ce qui rend très difficile leur prise de conscience, d'autant que ces phénomènes vont totalement à l'encontre des données communément admises.

 

De ces phénomènes de communication à distance découle l'hypothèse non farfelue d'une "4ème dimension" : qui se définirait premièrement par son indépendance vis à vis des 3 premières. "4ème dimension" par laquelle transiteraient des "ondes" ou je ne sais quoi : le résultat est en tous cas la communication à distance d'états affectifs.
Par la "4ème dimension" transitent des sentiments, des émotions. Mais aussi des pensées (à 2 mètres aussi bien : tous les couples connaissent cela, mais mettent généralement cela sur le compte d'une habitude de vivre ensemble, d'une connaissance de l'autre : d'une simple anticipation de ce que va dire l'autre). Mais aussi des images.

 

En ces matières il n'est pas premièrement question de philosophie, mais d'explorer et comprendre des phénomènes, réels. Evidemment il ne serait pas superflu que le philosophe, réfléchissant sur l'émotion, le sentiment, la passion, soit conscient des phénomènes succinctement décrits plus haut : car le concept d'une humanité constituée d'entités distinctes et parfaitement séparées dans le registre émotionnel (ne communiquant finalement que par le biais du ou des langages) - des entités dont par définition le senti de l'une lui serait absolument propre et "incommunicable" (ceci parait pourtant évident à première vue) : ce concept est entièrement caduc, ou plus exactement faux.

 


*** Le terme "intrication" est employé en physique quantique. Il est une expérience maintenant fameuse, qui met en évidence le fait suivant : deux particules "issues de la même expérience", et ensuite éloignées l'une de l'autre dans l'espace géométrique, se retrouvent "intriquées", en "état d'intrication" : en ceci qu'une modification apportés à l'une des particules (modification vibratoire, ou je ne sais plus quoi), se retrouvera automatiquement et à l'identique chez l'autre particule. La science, par la physique quantique, parait sur la piste de cette "4ème dimension", qui serait une sorte de "voie de communication" (indépendante des 3 premières dimensions), "voie de transit", pour certaines choses : pour tout ce qui est du domaine de l'incorporel, peut-être (y compris toutes les choses de l'esprit). Sauf que les émotions, qui peuvent être vues comme des "vibrations" (lorsqu'elles sont en "transit" ), sont bien in fine ressenties en rapport avec un corps (Descartes pourrait là détailler les modifications physiques, pression sanguine ou autres choses, afférentes à telle ou telle passion). Enfin là il faudrait un vrai philosophe pour épiloguer convenablement sur tout ça.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Intrication_quantique

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Message édité par Madrid1107 le 03-04-2008 à 02:02:02
n°14503371
l'Antichri​st
Posté le 03-04-2008 à 04:48:19  profilanswer
 

k-rott0 a écrit :

J'aurais besoin de petites précisions de la part des philosophes du forum.  
 
     Je suis en train de lire un livre sur Kant (Kant et le Kantisme, collection Que sais-je) et j'y ai appris que notre Allemand préféré a dépassé le cogito cartesien. Si j'ai bien compris ce qu'ils expliquent, la pensée ne peut avoir conscience d'elle même quand se référant à une externalité. Le cogito=je pense kantien en plus de "démontrer" l'existence du sujet démontre également qu'il existe quelque chose d'extèrieur (d'ailleurs l'explication sur la différence entre chose en soi et noumènes est assez amusante au vue de l'utilité qu'elle apporte dans la vraie vie :)). Ai-je bien compris ?
     D'ailleurs, une phrase du livre m'a marqué (je ne m'en souviens pas exactement, je vous la donnerais demain), quelque chose dans le style de : la pensée n'est pensée que quand elle pense, elle ne pense que quand elle est conscience.  
 
Par la suite, j'ai cru comprendre que Kant démontre la nécessité de l'existence de Dieu. Étant donné que ce n'est pas mon sujet préféré et que le kantisme ne se lit pas comme un livre de Marc Levy, j'ai pas tout bien compris. Vous auriez des éclaircissements à apporter à ce sujet ?
 
PS: serait-il possible d'avoir une réponse "compréhensible" (je ne suis pas agrégé de philosophie :p) et pas trop longue (je connais votre propension à écrire de longues réponses, et puis le sujet se prête à la chose), quitte à expliquer certains points par la suite.


 
Bon, pour faire simple, il est possible en effet d'opposer Descartes et Kant sur la question de la conscience de soi comme connaissance. Par des précautions, une prudence méthodologique radicale mais suffisante, Descartes est passé de la conscience spontanée de soi à la conscience vraie, à la connaissance de soi. L’épreuve du doute radical (qui écarte toutes les représentations empiriques qui ne sont que des préjugés que l’homme a sur lui-même) est la garantie de la vérité de mes représentations de moi-même. « Je suis, mais que suis-je ? », demande Descartes. Et la réponse vient aussitôt : à savoir, « une chose qui pense ». L’essence, ou encore le fondement substantiel du « je » est ainsi descriptible sous forme d’un objet conceptualisable : une substance pensante, mieux, une res cogitans (chose pensante), dont le caractère de substance permet de déduire des caractères essentiels : unité, immortalité, mais aussi chose créée, dépendante d’un créateur infiniment parfait. Je suis essentiellement une âme, disposant d’une liberté infinie et d’un entendement fini, fécondée par les « germes de vérité » placés en elle par la bonté infinie de Dieu.
 
Mais l'objection de Kant consiste à dire qu'il est impossible de passer d’une existence (première vérité) à une essence ; la conscience de soi n’est ni une intuition intellectuelle (renvoyant à une substance) ni une intuition sensible (déterminant un objet empirique).
 
Selon Kant, en effet, l’ego cogito cartésien n’est qu’un sophisme (un raisonnement faux, un préjugé logique et grammatical), car Descartes tire une existence réelle du sujet en acte (qui se pense lui-même comme sujet) dont il vient de prendre conscience ; or, il ne faut pas confondre ce qui en-soi pense, ce qui objectivement et absolument est un être pensant, existant comme substance simple, personnelle, et ce qui se connaît comme être pensant, ce qui se considère comme sujet par rapport à l’unité de sa propre conscience. Dans le cogito, Descartes reste sujet, c’est-à-dire pur pouvoir de synthèse et ne fait que penser son existence. Il est donc le sujet du jugement qui ne peut jamais devenir un objet (comme être subsistant par soi-même) faute d’un contenu. Autrement dit, le sujet du cogito n’est qu’une forme vide : il n’est pas un être, mais une simple faculté formelle capable de recevoir des intuitions empiriques (une réceptivité) et de les déterminer intellectuellement pour en faire des connaissances. Ce qui signifie que nous ne trouvons jamais la conscience de soi en dehors de la présence d’un contenu empirique : si le sujet est sujet de jugement, faculté organisatrice du donné empirique, il ne peut prendre conscience de lui-même qu’à travers son activité ; ce n’est que dans le miroir de ses actes que le moi peut se ressaisir comme unité de ses représentations.
 
Si le sujet de l’acte est une forme vide il ne peut donc pas être un objet de connaissance pour lui-même, ni comme substance (Objekt), ni comme objet déterminable scientifiquement (Gegenstand) : la saisie immédiate de nous-mêmes au travers de nos actes ne peut nous livrer au mieux que le sentiment d’une existence qui est le contraire d’une connaissance objective. Ainsi, jamais le sujet ne peut être pleinement un objet pour lui-même : quand je me perçois j’ai pour objet quelque chose que je ne suis pas en tant que sujet, puisque je suis alors la faculté et l’acte de percevoir, non le contenu : le moi-sujet ne se confond jamais avec le moi-objet.
 
On peut dèslors mieux problématiser la question de la connaissance de soi :
 
La conscience est d’abord présence à soi, auto-affection, épreuve de soi, « passion » pour ainsi dire : en ce sens, j’ai conscience d’être conscient sinon ce serait la perte de toute conscience (je ferais des choses sans le savoir). La conscience de soi est immédiate, « analytique » dira Kant. Chacun fait l’expérience de cette coïncidence avec lui-même par laquelle il sait immédiatement qu’il existe. Ainsi, je suis toujours ce que j’ai conscience d’être parce que l’existence est la première donnée de toute conscience : Je suis, j’existe tel que je m’apparais dans chacune de mes pensées : je suis tantôt conscience lisante, conscience parlant, conscience marchante, conscience triste ou joyeuse, conscience imaginante ou concevante, etc…
 
Mais la conscience est aussi un mouvement vers un objet que je ne suis pas, une chose qu’elle fait apparaître : en ce sens, si je suis, si j’existe dans un ici et un maintenant, je m’en échappe par le seul fait de le savoir, par le mouvement même de la conscience qui est toujours déploiement d’un horizon, intentionnalité. Ainsi, si je me regarde, j’ai conscience d’un moi empirique (une chose déterminable : moi psychologique, social, personnage, personnalité, etc...) qui n’est pas moi, que je place à distance dans un acte de transcendance (cf. Sartre). Ces moi multiples ne m’appartiennent donc que de l’extérieur comme des vêtements plus ou moins bien ajustés.
 
La question est donc de savoir comment accorder la liberté d’une existence avec la continuité d’une essence ? Au contraire des choses qui sont en elles-mêmes tout ce qu’elles sont (en-soi) ne serions nous pas, par nos fins et par nos motifs, autre que ce que nous sommes, toujours en avant de nous-mêmes ? Comme projet, l’homme n’est-il pas déjà en train de devenir cet autre ? En ce sens il serait ce qu’il n’est pas. Mais dès lors, comment parler d’une conscience d’être alors que l’être manque ? Si, pour l’homme, être c’est exister peut-il y avoir conscience d’une chose dont l’essence est de devenir, de n’être pas ce qu’il est et d’être ce qu’il n’est pas ?
 
Après la critique kantienne, il est donc clair que je ne peux passer par moi-même, seul, de la conscience de moi à la connaissance de ce que je suis. Le discours des autres sur moi est indispensable. cf. Sartre : « Autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même ». Je ne peux m’affirmer et me connaître vulgaire, jaloux..., sauf si les autres me reconnaissent comme tel. L’extériorité est donc requise : autrui est celui qui sait ce que je suis et par qui je peux me connaître. Ce que semble bien, d’ailleurs, confirmer l'existence et les discours des sciences humaines qui m'apprennent sur moi ce que le plus souvent je n'aurais pas pu découvrir par mes propres moyens et ce, non pas d'abord par manque de lucidité, de sincérité ou de précautions méthodologiques, mais radicalement : parce que je ne peux à la fois être un objet et un sujet. Le passage par une forme de savoir nous offre donc des déterminations extérieures grâce auxquelles nous parvenons à nous objectiver dans le monde, à nous incarner (aliénation comme extériorisation aurait dit Hregel), à nous définir comme personnage, personnalité, comme personne responsable, ayant des droits et des devoirs. Ainsi, nous pouvons trouver notre place et vivre en harmonie avec nous-mêmes dans le milieu qui est le nôtre.
 
Mais, nouvelle objection, ce que je suis ne serait-il que le personnage, la personnalité ou la personne qui sont des « vêtements » auxquels on peut échapper, fruit du regard des autres ou d’une conception ?
 
Si la conscience est toujours « conscience de quelque chose », elle est en même temps distance, séparation. Je ne me confonds jamais avec ce que je perçois, je sais que j’en suis distinct. Certaines connaissances scientifiques m’apprennent que j’obéis au déterminisme naturel, comme tout vivant, que j’agis parmi les hommes dans une société qui me façonne autant que je la transforme ; mais, par ma conscience, je me sépare de telles déterminations. Par ma conscience je ne suis pas simplement dans le monde, chose parmi les choses ; je suis face au monde et comme au-dessus de lui. Comme l’écrit Sartre : « L’homme est ce qu’il n’est pas (son projet) et n’est pas ce qu’il est (parce qu’il s’en sépare, en en prenant conscience). » Ainsi, lorsque je me regarde, j’ai conscience d’un moi empirique qui n’est pas moi, que je place à distance dans un acte de transcendance, un horizon, un projet, un idéal qui le colore à mes yeux d’un sens nouveau, faisant éclater les limites d’une simple description objective de mon être. En ce sens, on peut dire que le savoir est aliénant, doublement aliénant même puisque, d’une part il m’enferme dans une essence, une série de déterminations que je n’ai pas toujours choisies et qui me définissent une fois pour toutes de l’extérieur. (cf. Huis-clos) : ce qu’on pense de l’autre le transforme. Je ne suis en effet aucunement indifférent à ce que les autres pensent de moi (et par là je me distingue des pierres !) « La défiance a fait plus d’un voleur ». De même que la confiance a fait plus d’un honnête homme : cf. dans Les Misérables, l’épisode de Jean Valjean a qui un prêtre donne les deux chandeliers que Jean avait d’abord volés, transformant ainsi l’acte, la personne et le destin de Jean qui n’avait connu jusqu’alors que la défiance, l’injustice et la misère infligées. Mais d’autre part, ce savoir, fruit de l’apparence, d’une existence soumise à la présence de l’autre, est un savoir toujours inachevé, imparfait et insatisfaisant. Par lui, je suis pris dans un jeu de miroir qui me livre une image déformée de moi-même, sans cesse en mouvement. Privé de repère stable, je suis toujours au dehors de moi-même, à la recherche d’un moi que je ne peux jamais atteindre. D’où les souffrances que nous imposent notre existence sociale, vouée au culte de la personnalité et du personnage. Dans le même ordre d’idée, on peut tenir le discours des sciences humaines comme lui-même travaillé par les déterminations qu’il voit à l’œuvre en moi, et donc comme insuffisant, voire idéologique.
 
Pourtant, je peux et dois récupérer le discours de l’autre sur moi. Le discours de l’autre est le moyen d’une auto-élucidation par lequel je peux me connaître sans être aliéné par un discours que je ne contrôle pas et sans prendre cette fois le risque cartésien du solipsisme. Dans la cure psychanalytique, par exemple, le sujet, transformé en nœud de phénomènes, en ensemble de symptômes morbides par la répétition inconsciente des mêmes souvenirs, se libère en se réveillant à sa propre histoire. La prise de conscience est nécessaire pour se connaître vraiment parce que la conscience n’est pas simplement un état, une qualité parmi d’autres qui pourrait servir à définir l’humain, mais un acte sans cesse menacé par les conditions d’existence de l’homme dans la société. La conscience est ce par quoi l’homme est tenu à l’obligation de se penser et de s’interroger. En effet, dans la distance que la conscience instaure entre soi et soi, un espace s’ouvre qui est celui de l’examen, du questionnement, du doute. Pour se connaître, le sujet doit donc faire passer à l’acte ce qui est la condition même de l’exercice philosophique de la pensée. Or, si la réalité concrète de l’homme en situation est de chercher à maîtriser par la conscience son rapport au monde, à se le représenter afin de donner un sens à son existence, une telle démarche prend d’abord la forme d’une entreprise de justification de ce qui est, c’est-à-dire des pesanteurs et des limites qui nous font souffrir. C’est ce que Marx appellera une idéologie. Comment pourrais-je m’assurer de la validité des représentations sur moi-même, quand la condition première de l’homme en situation est celle d’une aliénation radicale ? Autrement dit, notre liberté s’inscrit d’emblée dans les limites d’un vécu ou s’affirme des modes de représentations (valorisations subjectives, autorité d’un savoir historiquement déterminé, références exclusives à l’expérience individuelle, poids du conditionnement éducatif, etc.…) qui, loin d’offrir les conditions d’une réappropriation critique et objective de ce qui nous entoure et nous détermine, participent au contraire à notre aliénation idéologique. Autrement dit, notre libre arbitre n’est pas un pouvoir absolu : loin d’être neutres et inertes, les idées, les représentations qui se développent en nous, même sans violence, s’imposent à notre esprit et dans nos discours par la seule puissance d’affirmation qu’elles renferment, sans égard pour le libre exercice du jugement (cf. Spinoza, l’Ethique). Si notre existence n’a aucune épaisseur, se perd dans le tourbillon insensé et vide des sentiments et des conceptions, c’est parce que la liberté n’est pas donnée. La volonté est d’abord passion (elle traduit l’extériorité) et non action (autonomie de la raison). La liberté implique donc toujours une re-définition de soi, un déplacement, une sublimation, un renversement des déterminations d’abord vécues passivement, sans en avoir conscience (cf. Nietzsche). Or, seule une démarche réflexive capable de problématiser les représentations ordinaires, de réélaborer de manière critique les cadres psychologiques et affectifs de notre existence, les valeurs idéologiques transformées en dogmes ou en traditions, est en mesure d’assurer notre réelle autonomie et ainsi de nous ouvrir à la compréhension de nous-mêmes (dans ce que nous avons de plus intime mais que nous partageons cependant avec l’ensemble des hommes). Ainsi, être soi-même, c’est être libre de cette vraie liberté qui consiste à se détacher du monde pour mieux le réinventer idéalement conformément aux exigences les plus intimes de notre personne (≠ personnage) : dans notre confrontation avec le monde, Il s’agit d’avoir le dernier mot. Etre, c’est revenir à soi, à ce à quoi nous aspirons vraiment, au-delà ou en deçà de toutes les fins pragmatiques ou sociales. Etre, c’est donc se faire par un projet et une action fidèle au projet puisqu’en définitive l’homme n’est que projet, liberté créatrice.


Message édité par l'Antichrist le 04-04-2008 à 04:56:09
n°14503418
l'Antichri​st
Posté le 03-04-2008 à 06:07:10  profilanswer
 

Madrid1107 a écrit :


Ce phénomène est très peu élucidé, pourtant tout le monde l'expérimente plus ou moins. Ce terme "transmissibilité affective" me parait excellent pour recouvrir ce qui est effectivement une communication d'une émotion, d'une passion, d'un état affectif, et ceci par voie directe, entre deux personnes. C'est à dire que l'émotion d'un sujet A se trouvera "captée", sentie, par un sujet B : ce sujet B sentira cette émotion ou cet état affectif, exactement comme si à la base cette émotion était produite par lui-même.  
Pour comprendre mieux cela, on peut prendre l'exemple du bâillement (que tout le monde a pu expérimenter). Le bâillement se communique effectivement par "voie directe" (non pas par "imitation" ou "mimétisme" comme on pourrait le croire). Alors par quoi : je ne sais exactement, il y a peut-être des "ondes" de bâillement qui circulent, ou je ne sais quoi.  
 
Mais pour en revenir à la "transmissibilité affective" : certaines personnes ont expérimenté et témoigné de ces phénomènes (sous le manteau car cela touche à des domaines peu voire totalement inconnus par la science en son état actuel d'avancement - de ces domaines qui auraient pu valoir à ces personnes, en des périodes un peu plus reculées, quelque soucis avec les autorités).  
 
Pour parler clair : il est possible de sentir l'angoisse, ou la tristesse, ou la joie, ou l'anxiété, ou l'affection (sous diverses formes), de quelqu'un d'autre. Ces choses se communiquent, à proprement parler. Il faut une certaine expérience de ces choses pour prendre vraiment conscience du phénomène. Mais dans certains cas rares d'intrication*** entre deux personnes, ces phénomènes peuvent être absolument frappants. Surtout si une au moins des deux personnes dispose de capacités, de dons, au-dessus voire très au-dessus de la moyenne (les "sorcières" ne disposent pas de pouvoirs "magiques" : elles ont les facultés de tout le monde, mais surmultipliées).
 
J'ajoute que ces phénomènes sont indépendants de la distance, c'est à dire de l'espace géométrique (les 3 dimensions). Deux personnes "intriquées" pourront effectivement se communiquer, échanger même, consciemment même, tel ou tel état affectif, et ceci à distance (mais à 2 mètres aussi bien). Ceci parait fou mais c'est un fait : je parle ici de l'expérience vécue par certains, de phénomènes qui font partie de la vie quotidienne de certains. Mais, encore une fois, ces phénomènes existent pour tout le monde, mais à des doses plus ou moins homéomatiques : ce qui rend très difficile leur prise de conscience, d'autant que ces phénomènes vont totalement à l'encontre des données communément admises.
 
De ces phénomènes de communication à distance découle l'hypothèse non farfelue d'une "4ème dimension" : qui se définirait premièrement par son indépendance vis à vis des 3 premières. "4ème dimension" par laquelle transiteraient des "ondes" ou je ne sais quoi : le résultat est en tous cas la communication à distance d'états affectifs.
Par la "4ème dimension" transitent des sentiments, des émotions. Mais aussi des pensées (à 2 mètres aussi bien : tous les couples connaissent cela, mais mettent généralement cela sur le compte d'une habitude de vivre ensemble, d'une connaissance de l'autre : d'une simple anticipation de ce que va dire l'autre). Mais aussi des images.  
 
En ces matières il n'est pas premièrement question de philosophie, mais d'explorer et comprendre des phénomènes, réels. Evidemment il ne serait pas superflu que le philosophe, réfléchissant sur l'émotion, le sentiment, la passion, soit conscient des phénomènes succinctement décrits plus haut : car le concept d'une humanité constituée d'entités distinctes et parfaitement séparées dans le registre émotionnel (ne communiquant finalement que par le biais du ou des langages) - des entités dont par définition le senti de l'une lui serait absolument propre et "incommunicable" (ceci parait pourtant évident à première vue) : ce concept est entièrement caduc, ou plus exactement faux.
 
 
*** Le terme "intrication" est employé en physique quantique. Il est une expérience maintenant fameuse, qui met en évidence le fait suivant : deux particules "issues de la même expérience", et ensuite éloignées l'une de l'autre dans l'espace géométrique, se retrouvent "intriquées", en "état d'intrication" : en ceci qu'une modification apportés à l'une des particules (modification vibratoire, ou je ne sais plus quoi), se retrouvera automatiquement et à l'identique chez l'autre particule. La science, par la physique quantique, parait sur la piste de cette "4ème dimension", qui serait une sorte de "voie de communication" (indépendante des 3 premières dimensions), "voie de transit", pour certaines choses : pour tout ce qui est du domaine de l'incorporel, peut-être (y compris toutes les choses de l'esprit). Sauf que les émotions, qui peuvent être vues comme des "vibrations" (lorsqu'elles sont en "transit" ), sont bien in fine ressenties en rapport avec un corps (Descartes pourrait là détailler les modifications physiques, pression sanguine ou autres choses, afférentes à telle ou telle passion). Enfin là il faudrait un vrai philosophe pour épiloguer convenablement sur tout ça.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Intrication_quantique


 
Mouais, comme toujours ce qui me gêne dans ce genre d'approche de la question, c'est l'indifférence, voire le mépris, bien enrobé dans une apparence de rigueur scientifique (« Le terme "intrication" est employé en physique quantique »), gage de crédibilité, pour l'intellection philosophique qui, comme chacun le sait, est le début et la fin de toute connaissance véritable, c'est-à-dire consciente d'elle-même, de ses moyens et de ses fins ! Ainsi donc, ce concept de « transmissibilité affective » peut recevoir plusieurs interprétations en fonction des auteurs concernés (comme le faisait remarquer justement foutre de). D'une manière très générale et, encore une fois pour faire simple, on peut dire que si autrui est immédiatement évident, c'est qu'il m’est donné sans distance, entrelacé avec le monde des choses où je suis. En effet, « je n’ai pas seulement un monde physique, je ne vis pas seulement au milieu de la terre, de l’air et de l’eau, j’ai autour de moi des routes, des plantations, des villages, des rues, des églises, des ustensiles [...]. Chacun de ces objets porte en creux la marque de l’action humaine à laquelle il sert. Chacun émet une atmosphère d’humanité [...]. Dans l’objet culturel, j’éprouve la présence prochaine d’autrui sous un voile d’anonymat » (cf. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Gallimard, pp 399-400). Je n’ai pas besoin de déduire autrui puisqu’il est immédiatement là dans tous les objets culturels : autrui est présent en une chose, hors de sa présence effective en chair et en os.
 
Peut-on se passer d’autrui comme le naufragé sur son île déserte ? Je ne puis me passer d’air, d’eau, de nourriture ; mais je puis, semble-t-il, me passer d’autrui. La permanente solitude du naufragé apporterait la preuve de la consistance d’un monde sans autrui, et donc du fait qu’autrui n’est qu’un supplément au monde. Or, non seulement Robinson possède la caisse du charpentier (il n’a pas à refaire le lent processus qui l’a conduit à la maîtrise des outils : empiriquement seul sur son île, il a déjà l’humanité avec lui dans la hache et le mousquet) qui fait de lui l’héritier de l’ingéniosité humaine, mais il multiplie les rites et les activités « conventionnelles », c’est-à-dire dépourvues d’utilité vitale : Robinson a peur de manquer d’encre, et pas seulement de poudre ou de clous. Le besoin de tenir un journal et un calendrier prouvent qu’un monde où l’on survit est incomplet si l’humanité n’y est pas présente. Car le calendrier, avec ses dimanches, et ses mois, ses anniversaires et ses célébrations, n’est ici que l’humanité du temps. En remplaçant la paresseuse fluidité des jours et l’indifférenciation du passé par l’inscription régulière du temps, Robinson restitue le monde à l’humanité. Perdre le compte des jours revient à perdre la distinction chronologique de la mémoire, et enfin à perdre la mémoire et sa propre humanité. Il y a en effet une équivoque très révélatrice dans le terme d’humanité, qui désigne à la fois la réalité des autres hommes, et la qualité d’homme en moi. En apparence, observer le repos dominical est absurde sur une île déserte. Mais Robinson, lorsqu’il est l’auteur de toutes ces institutions, ne cesse de produire autour de lui et en lui la présence de l’humanité, de peur de perdre sa propre humanité si celle-là venait à lui manquer.
 
Ainsi, s’il m’arrive d’être seul, la solitude est une figuration très inadéquate du solipsisme. Quand Pierre n’est pas empiriquement présent, face à moi, il vient de me quitter ou il va revenir : il est visé dans mes regrets et mes attentes, ou même dans le soulagement d’être délivré de son importunité. L’immédiateté de mon vécu renvoie ainsi au caractère pathétique des sentiments que j’éprouve pour autrui. Quand je suis triste de la perte d’une amie, la tristesse est là immédiatement dans le vécu, sans distance possible et cette tristesse est la manière pour l’autre d’être présent à ma conscience. L’affectivité se joue dans ce rapport direct de soi à soi que la conscience porte en elle dans l’immédiateté du vécu. Du point de vue de la perception, autrui est absent ; mais il est pourtant le corrélat actuel (cf. Husserl, Merleau-Ponty) de mes pensées ou de mes sentiments.
 
Cependant, souvent, il ne s’agit plus de Pierre ou de Paul, et donc d’un individu singulier : la solitude n’est pas tant l’absence que l’anonymat d’autrui. Car elle me donne autrui comme délivré de son individualité déterminée : ainsi, dans l’objet culturel, je n’éprouve pas la présence de tel ou tel homme en particulier, mais de toute une tradition humaine. Sans rien connaître de l’histoire, des empereurs et des architectes, lorsque nous nous abritons à l’ombre des ruines nous sommes protégés du soleil par le vestige d’une indistincte humanité. La solitude est alors comme ces hauteurs d’où semblent peints certains tableaux de Brueghel, et qui dominent vallées ou villages : de là-haut, on voit s’affairer de multiples personnages trop petits pour qu’on puisse les reconnaître individuellement et discerner leurs traits, mais on entend d’autant mieux monter la grande rumeur de l’humanité.
 
A la différence du monde, qui ne m’est jamais donné comme une chose (puisque ce sont au contraire les choses qui ne me sont données que comme choses du monde) mais qui est toujours présent dans la moindre perception, autrui a cette réalité singulière d’être à la fois comme un monde humain, une présence qui déborde et qui fonde la réalité de tout ce qui peut être donné en elle (dans l’objet culturel) et comme quelque chose qui peut être absent, qui, à la manière de Pierre ou de Paul, ne saurait avoir de présence effective que dans la perception (la science et la perception nous rappellent sans cesse tout ce qui dans le monde paraît limiter et restreindre la présence de l’homme : le désert, certes, mais aussi la mortalité des individus et des civilisations, ou encore la tardive apparition de l’homme sur notre planète, et la place infime que celle-ci occupe dans l’univers).
 
Même si la présence d’autrui ne saurait se réduire à celle de tel ou tel individu déterminé, il reste cependant qu’autrui doit pouvoir m’être donné dans une perception actuelle. Or, si évident et indubitable que me soit alors l’être d’autrui, c’est la nature de cette évidence qui ne cesse de faire problème. En effet, il ne s’agit pas de prouver qu’autrui existe, ni même d’inférer son existence à partir de manifestations objectives, comme si autrui était un être en quelque manière imperceptible en soi dont je verrais des indices dans le monde sensible, il s’agit de comprendre comment je puis percevoir autrui comme tel.
 
C’est alors que nous pouvons faire intervenir la généralisation spontanée du cogito cartésien. La pensée étant définie comme ce qui est « tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissants » (cf. Descartes, Réponses aux secondes objections), la vérité indubitable du cogito est celle de la pure intériorité. Or, autrui m’est assurément extérieur, puisque autrui est dans le monde (il a un corps matériel et visible et ses paroles y sont des sons qui ébranlent l’air). Mais autrui est-il une chose comme les autres ? La chose matérielle est hors de moi comme non-moi, autrui est hors de moi comme autre moi, comme alter ego. L’extériorité du corps d’autrui par laquelle il manifeste sa présence est celle d’un alter ego. Autrement dit, c’est la matière qui conditionne l’altérité d’autrui, bien que l’altérité d’autrui ne soit pas une altérité matérielle, puisqu’autrui est un autre être pensant. Mais comment puis-je attribuer une intériorité à un être visible qui comme tel n’est qu’extériorité ? Nous retrouvons l’aporie cartésienne de l’automate, de la marionnette ou du robot : autrui, comme chose extérieure, n’est peut-être rien de plus qu’une simple complication mécanique. La reconnaissance d’autrui comme autre « Je » doit donc être admise, elle est un pari hasardeux, elle repose sur un dépassement aventureux de mon savoir actuel qui porte exclusivement sur les choses et sur la nature matérielle. Ainsi, l’humanité entière a pour tendance initiale et spontanée de tomber dans le fétichisme qui consiste à supposer les corps extérieurs animés de passions et de volontés plus ou moins analogues à nos impressions personnelles : l’altérité et l’extériorité d’autrui ne peuvent être originellement saisies que comme celles d’une infinie multitude d’alter ego, ou d’analogues de l’ego. Telle est l’hypothèse de l’inférence analogique à partir du corps d’autrui : puisque mon corps est « associé » à une conscience, tout corps qui lui ressemble sera corps d’une autre conscience.
 
Autrui est donc comme moi homme dans le monde, avec ce corps que je vois. Je ne suis pas pur esprit moi-même, je me sais aussi comme homme, j’expérimente en moi non seulement la réalité de la nature pensante et sa vérité originaire, mais aussi l’union cartésienne de l’âme et du corps. Mon âme est unie à un corps et je possède une extériorité intérieure qui est comme une extension attribuée à l’âme. Or, je ne peux exiger d’autrui ce que je ne suis pas moi-même : c’est comme corps qu’autrui apparaît, l’intersubjectivité sera intercorporéité.
 
Il ne s’agit plus de comprendre comment un corps-objet peut révéler l’existence d’une conscience, ce qui serait bien impossible, mais de reconnaître que, pas plus que moi, jamais autrui ne se donne comme corps objectif. Autrui se manifeste comme un comportement. Lorsqu’il fait un geste de colère, je n’infère pas le sentiment de colère, par analogie avec le mien : la colère se lit sur son geste, elle n’est rien d’autre que lui. Le geste ne signifie pas la colère (connaissance par inférence), il est colère, et il arrive que mes propres sentiments me soient révélés par les comportements auxquels ils « donnent lieu ». Ainsi, les phénomènes matériels (rougeur, froncement de sourcils...) que je vois sur le visage d’autrui sont autant de réalités que je ne me contente pas d’interpréter comme les indices présents d’une colère ou d’une émotion absente, mais que je vis comme la présence même de cette colère et de cette passion. Ce n’est que secondairement et réflexivement que j’en arrive à distinguer l’élément matériel et le moment purement spirituel de ce que je perçois. Il en va de même pour le langage : quand je m’adresse à autrui, mes mots suivent ma pensée, et je saisis les mots que m’adresse autrui en retour comme la présence vivante d’une pensée qu’il exprime. La rougeur, comme les mots, sont des signes. En leur réalité matérielle et sensible, les signes sont là pour autre chose, qui est matériellement absente. Ma conscience vit donc la présence sensible des signes comme la présence même de leur signification. Elle est ce qui immédiatise la signification dans le signe. Autrui est là, présent, dans le même monde où je suis, et son existence, sa réalité n’ont aucunement à être conclues, inférées ; mais il n’est présent que parce que j’ai la capacité de vivre l’extériorité comme la présence réelle de l’intériorité, le corps comme l’être-là de l’esprit, le signe comme l’évidence de sa signification.
 
L’expérience d’autrui doit alors être décrite comme relation interne entre des comportements. Le comportement d’autrui est saisi comme comportement de l’autre, parce qu’il fait écho à une possibilité corporelle qui, anonyme, n’a jamais été seulement la mienne. Le comportement d’autrui vient s’insérer dans mon propre comportement comme une possibilité qui, tout en étant autre, demeure encore « mienne », c’est-à-dire qui révèle un soi, et cela justement dans la mesure où mon comportement n’est pas proprement mien, mais déborde de lui-même. Ainsi, le geste de celui qui se protège du soleil est immédiatement vécu, au niveau de mon corps, comme réponse de ce qui, comme moi, est exposé à la lumière, ou plutôt comme prolongement d’un éblouissement qui demeure anonyme. Il n’y a donc pas mon corps et, face à lui, le corps d’autrui, mais une unique corporéité générale, au sein de laquelle des comportements peuvent se faire écho. Mon corps « perçoit le corps d’autrui et y trouve comme un prolongement miraculeux de ses propres intentions... » (cf. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, éd. Gallimard, p.406)  La subjectivité peut être saisie au niveau de la chair. Il n’y a pas d’apprésentation analogique d’autrui, mais son expression immédiate dans et comme son propre corps, corrélative de ma propre incarnation. Autrui paraît, non comme face, à savoir comme un objet où s’apprésenterait une conscience, mais latéralement dans son comportement. Autrui n’est pas devant moi, il ne se confond pas non plus avec ma conscience : il est de mon côté, prolongement de mon propre décentrement. Autrui est cette ligne de fuite indiquée par la profondeur de mon paysage, une sorte de complice, à la fois étrange et familier, qui participe à ma connivence avec le monde, mais vers qui je ne peux me retourner. Mon rapport originel à autrui est de l’ordre de « l’avec » : il n’y a pas moi et autrui face à face dans le monde, mais un être-ensemble, inhérent au fait que chacun de nous est ouverture au monde. Le monde m’annonce ma coprésence aux autres, tout comme l’outil porte en lui un complexe de possibilités anonymes.
 
Mais n'en restons pas là ! Quel problème une telle conception pose t-elle pour l'intersubjectivité ? Si la relation à l’autre est fondée sur l’anonymat perceptif ou sur le corrélat actuel de mes pensées ou de mes sentiments, nous perdons la dualité moi-autrui à partir de laquelle autrui fait sens. Avons-nous encore affaire à un autre dès lors que ce n’est plus à moi qu’il apparaît ? La découverte de l’intercorporéité (ou de l’apprésentation d’autrui dans les objets culturels) ne revient-elle pas à nier toute différence entre l’autre et moi ? Dans quelle mesure autrui peut-il être qualifié comme autre, si je ne l’atteins qu’en me faisant autre à moi-même ? La relation entre autrui et moi est saisie à un niveau tel qu’elle tend à absorber les termes sur lesquels elle porte : il ne s’agit plus d’une rencontre entre l’autre et moi, mais seulement de la mise en évidence d’une co-existence pure, d’un « on » indifférent, où nous ne communiquons pas, parce qu’aucun ne nous n’a de nom. En renonçant à ce qui fonde notre différence, la relation d’altérité se dissout en une vie générale, de sorte que parler d’autrui devient presque dépourvu de sens. Faire d’autrui un complice, celui qui participe à ma connivence avec le monde, c’est montrer qu’autrui et moi-même disparaissons dans une généralité où personne ne rencontre plus personne, parce que chacun ne se reconnaît plus lui-même. Il s’agit donc maintenant d’échapper à la pure coïncidence de nos consciences, où l’altérité d’autrui serait abolie.
 
Mais à l'inverse que se passe t-il si nous en restons au dualisme entre moi et l'autre ? Il est bien possible, en effet, de connaître autrui parce que toute connaissance maintient l’opposition immédiate du sujet et de l’objet. Mais cette « connaissance » consiste à rechercher une intersubjectivité qui reste relation entre de pures subjectivités. Le rapport à autrui est une relation d’un ego à un alter ego. Or, en conservant une perspective dualiste et ce présupposé d’une subjectivité pure (mouvement inverse du précédent), l’expérience d’autrui devient celle d’un moi empirique, c’est-à-dire d’un objet. Or, il y a toujours identification de l’autre à moi dans la connaissance : c’est parce qu’il est d’abord le même que moi qu’autrui serait autre, alter ego. C’est bien ce que veut traduire la notion de « lumière » (foutre de en a beaucoup parlé et c'est tant mieux !) telle qu’elle intervient chez Levinas : « La lumière est ce par quoi quelque chose est autre que moi, mais déjà comme s’il sortait de moi. L’objet éclairé est à la fois quelque chose qu’on rencontre, mais du fait même qu’il est éclairé, on le rencontre comme s’il sortait de nous » (cf. E. Levinas, Le temps et l’autre, éd. Fata Morgana, p 47). Comme connaissance, le moi ne sort de lui-même vers le connu que pour se retrouver en lui-même en cette extériorité : connaître, c’est reconnaître, et reconnaître c’est s’y reconnaître. Le mode d’être propre au moi est donc la familiarité, l’impossibilité de l’étranger, de l’étrangeté. Dans la connaissance, le moi ne se libère pas de son identité ; la connaissance est au contraire le propre du moi, comme activité de s’identifier. Il faut donc définir le moi par sa solitude foncière. Solitude positive en quelque sorte, qui n’est pas absence des autres ou impossibilité de communiquer, mais incapacité de sortir de soi, de dépasser sa propre limite. Le solipsisme (comme solipsisme de l’ego et non comme solipsisme du sum) est « la structure même de la raison » (Idem). Ce qui signifie que l’autre n’est pas le même que moi, sur fond d’une altérité que la connaissance surmonterait : il est le moment du même ou de l’identité, comme mode d’exister du moi. Ce qui est n’est pas autre, mais intérieur au moi et correspond à l’extension même de son identification. Cette relation de lumière peut d’ailleurs comporter d’autres dimensions que celle de la stricte connaissance. Le besoin est, lui aussi, un mode d’exister consistant à s’approprier, à s’ouvrir à l’autre sur le mode du manque. De même, le pouvoir désigne un rapport à quelque chose ou quelqu’un tel que rien de lui n’échappe, tel qu’il ne peut opposer la moindre altérité à cette possession : pouvoir, c’est toujours faire l’autre à mon image.
 
Ainsi, l’identité fonde la différence et, comme chez Hegel, la conscience devient malheureuse de nier la conscience de soi et la liberté de l’autre, c’est-à-dire de cela même qui est condition de sa satisfaction : une autre conscience de soi (dont l’altérité n’a de sens ici qu’au sein du même). Dans la reconnaissance réciproque, l’autre est finalement reconnu comme autre, comme différent, depuis une identité préalable entre nos consciences. Or, autrui n’est pas autre que moi au sens où le vert est autre que le rouge, dans le genre de la couleur. Il n’est pas autre que moi, sur fond d’une identité qui pourrait être totalisée d’un point de vue supérieur, autre parce qu’il est ego : son être consiste en l’altérité.
 
Tel est le véritable enjeu d’une réflexion sur autrui : montrer comment ma relation à l’autre peut transcender le même - l’identification - au sein du même, comment le moi, sans sortir de soi, peut rencontrer l’autre comme autre. En ce sens, la rencontre procède d’un autre ordre qui n’est pas celui de la lumière (la lumière est absence d’altérité : il y a une solitude de la lumière car le moi est traversé par un appel où il se retrouve lui-même. D’où la notion d’identification) mais plus fondamentalement celui de la relation éthique dont l’une des modalités est le désir : pour s’ouvrir à l’autre comme tel, le moi doit demeurer lui-même. Autrement dit, la mise en question du moi par autrui ne signifie pas son abolition en lui, mais l’émergence d’une identité plus originaire, identité qui n’identifie plus, mais s’éprouve comme absolue passivité, débordant alors d’elle-même vers ce qui transcende toute appropriation. Ainsi, l’apparition du visage d’autrui, chez Levinas par exemple, ne se distingue pas d’une exigence, d’un éveil à la responsabilité. Le visage d’autrui est un appel qui me prend en otage avant toute décision libre comme si tout l’édifice de la création reposait sur mes épaules : la responsabilité qui vide le moi de son impérialisme et de son égoïsme confirme l’unicité du moi. L’unicité du moi, c’est le fait que personne ne peut répondre à ma place. Autrui se présente en effet à travers une face sensible, mais sa présence comme autre consiste à se dépouiller de la forme qui le manifeste, à se dénuder de sa propre image. Il faut seulement ressaisir la nudité selon son sens véritable. Etre nu, ce n’est pas être déshabillé : cette nudité n’est relative qu’au vêtement, et l’autre y est encore « vêtu » de son corps. Or, on peut être nu en étant paré et protégé en sa nudité. Dépouillé de sa propre forme, le visage d’autrui est dénuement, non pas en ceci qu’en son visage autrui serait mis à nu, mais comme mode d’être : autrui y apparaît comme pauvreté, vulnérabilité absolue, comme mortalité. Le visage est alors ce que je désire : il n’est pas manque à combler, mais rapport à un être situé par-delà la satisfaction et le manque. Le désir est exposition à l’infiniment autre, par conséquent générosité plutôt qu’appétit. Il excède toute concupiscence mais renvoie à une susceptibilité qui n’est plus sensibilité.

Message cité 2 fois
Message édité par l'Antichrist le 03-04-2008 à 06:36:19
n°14504057
nessca
Posté le 03-04-2008 à 10:22:51  profilanswer
 

foutre de a écrit :


écoute, j'ai moyennement envie de raconter ma vie ce soir. je peux te dire que je fonctionne aussi peu que possible sur le mode un donné pour un rendu, donc je me dis pas "ça va être mieux après".
le sacrifice et le don sans retour tiennent une place prépondérante dans mon économie de vie.
à la rigueur je peux me dire c'est temporaire, ça dépend s'il y a un projet dérrière. pour un projet spécifique, que je considère comme nécessaire, je peux subir pas mal de choses. Mais le projet ne m'apporte pas forcément de plaisir à être réalisé. C'est juste une question de stratégie, je ne fais généralement de projet que pour obtenir un peu plus de marge pour la philosophie, en gros, puisque la société est pas très accueillante pour la pensée ces temps-ci, je lui sacrifie ce qu'elle exige pour que la pensée ait de la place, et donc pas mal de plaisirs.
Et puis tu sais quand on envisage l'univers en deçà du point de vue qui sépare sujet objet, la vérité du plaisir ou du déplaisir, c'est quand même sérieusement relativisé...
à la rigueur, tu vois, je suis plus motivé par le beau, le sentiment d'admiration, le vertige du sublime... mais franchement le plaisir maîtrisé, ça me fait bander mou, tu vois. je préfère vraiment l'idée du dépassement et de l'accouchement de soi même dans les souffrances de la parturiente.
mais bon j'ai dû naître avec une fascination pour les fouets, je sais pas...
mais la souffrance et le plaisir me semble vraiment à dépasser dans l'indifférence du geste qu'on accomplit
 
tiens tu connais le film "Ghostdog" de jim jarmush ? Un truc sur la voie du samouraï. je te le conseille : abnégation, exigence, précision, sacrifice, capacité à accomplir un ultime geste de combat même après avoir été frappé à mort - si l'on est déterminé...  
en plus c'est un film très drôle, sur la mafia
 
tu vois je tourne en rond, la bravoure, l'admiration... mais le plaisir décidément bof, je crois que c'est pour les gens qui savent pas trop quoi faire de leur vie, il n'ont rien de précis pour quoi mourir, donc il goûtent à tout, je sais pas
 
vraiment je t'ai déjà dit plusieurs fois, c'est très loin de moi.
La première chose que j'ai appris en philosophie c'est le saccage, pas la jouissance... alors au pire, je bousille tout, mais je ne négocie pas ni ne cherche à maîtriser
 
(domestiqué par la recherche du plaisir  :ouch:  :pfff:  tu vois là pour moi c'est un truc de malade, je crois que je préfère courir dans les ronces)
 
 
HEY!! y a pas un nietzschéen dans la salle pour aider un peu, là ?!


 
Selon moi:
 
Tu critique le plaisir mesuré mais tu l'appliques toi même en le critiquant car tu penses c'est que c'est en pensant que le plaisir c'est de la merde que tu penses que tu en aura.
 
On peut être libre de certaines choses mais pas de ne pas chercher du plaisir dans sa vie.

mood
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