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Auteur Sujet :

[Topik Unik] Le topic des apprentis-juristes (Facs de Droit)

n°3537460
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 17:45:47  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

bashcomber a écrit :

Ca peut rapporter 3 points. Ce fut mon cas. Ca m'a permis de choper la mention.
 
C2i  [:shimay:1]  
 

Spoiler :

3 sur 250, je précise pour Khan :o



 
L'élite ne recule devant rien pour assurer son rang  [:clooney16]

mood
Publicité
Posté le 15-09-2011 à 17:45:47  profilanswer
 

n°3537462
Smb
Posté le 15-09-2011 à 17:47:18  profilanswer
 

Macnigore a écrit :

La méthode basique du bourrin du commentaire d'arrêt, appliquée en M1 et au barreau et qui a fait ses preuves:

 

I - L'arrêt
A- Expliquer l'arrêt
B- Expliquer l'arrêt

 

II- Valeur/Portée/blabla
A- Valeur (quelle place de cet arrêt dans la jurisprudence qui l'entoure, concrètement: que change cet arrêt par rapport à ce qui existait AVANT)
B- Portée (anticiper ce que ça changera APRES, les problèmes, les solutions)+blabla, les questions non résolues par l'arrêt, les difficultés à venir)


 

Le problème étant qu'il faut connaître son cours pour faire ça :o
Sinon moi j'ai tendance à me démerder à couper la motivation en deux, parfois ça marche, parfois pas :whistle:

 
Citation :

Terré c'est bien mais un peu indigeste en 1ere année, surtout pour une pseudo matière. Sinon les autres on été donné une page en arrière.

 

C'est toute la collection Dalloz manuel qui est indigeste de toute façon. La présentation est beaucoup trop austère et compacte pour que çe soit agréable à lire.

Message cité 1 fois
Message édité par Smb le 15-09-2011 à 17:50:08
n°3537464
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 17:48:47  profilanswer
 

Macnigore a écrit :

La méthode basique du bourrin du commentaire d'arrêt, appliquée en M1 et au barreau et qui a fait ses preuves:

 

I - L'arrêt
A- Expliquer l'arrêt
B- Expliquer l'arrêt

 

II- Valeur/Portée/blabla
A- Valeur (quelle place de cet arrêt dans la jurisprudence qui l'entoure, concrètement: que change cet arrêt par rapport à ce qui existait AVANT)
B- Portée (anticiper ce que ça changera APRES, les problèmes, les solutions)+blabla, les questions non résolues par l'arrêt, les difficultés à venir)

 

Toutes les 3 lignes lever son stylo et se demander : Est-ce que je suis bien en train de parler de l'arrêt, rien que l'arrêt ? Si ce n'est pas le cas (parler d'une JP antérieure, d'un élément du cours, si ce n'est pas directement pour le rattacher à l'arrêt), on arrête là car c'est HS.

 

Ca ne décroche pas des 16, mais pour avoir en dessous de 10 avec ça faut se lever tôt.

 

Je plussoie :o par contre, quand c'est un arrêt imbitable, c'est plus dur de suivre le plan [:clooney4]

 

Notamment en régime de l'obligation :o (Méthode dans ce cas : faire semblant d'avoir compris l'arrêt et sortir sa plus belle flute :o )


Message édité par AllenMadison le 15-09-2011 à 17:51:20
n°3537467
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 17:52:31  profilanswer
 

Smb a écrit :


C'est toute la collection Dalloz manuel qui est indigeste de toute façon. La présentation est beaucoup trop austère et compacte pour que çe soit agréable à lire.


 
Par contre les mementos dalloz sont bien foutus :o

n°3537472
bashcomber
Squeeze my lemon.
Posté le 15-09-2011 à 17:54:32  profilanswer
 

jordan03 a écrit :

Au sujet des conseils bibliographiques, vous (juriste junior ou d'autres membres) auriez des idées pour un manuel d'Introduction générale au droit (1er semestre de droit civil, 1ère année)? J'ai entendu parler du Terré de chez Dalloz...  
Et, en histoire du droit aussi peut-être?
Sinon, je me demandais si il y a un bouquin traitant de la méthode de la dissertation, du commentaire de texte et autres épreuves juridiques qui soit utile? Les annales?


Manuel d'histoire du droit, inutile.
 
Le Terré est complet. Si tu as besoin de préciser ton cours et de l'étayer un peu, il saura t'être utile :jap:

Macnigore a écrit :

La méthode basique du bourrin du commentaire d'arrêt, appliquée en M1 et au barreau et qui a fait ses preuves:
 
(blabla)


Approved :jap:

AllenMadison a écrit :

L'élite ne recule devant rien pour assurer son rang  [:clooney16]


13,04  [:murrayfffuuuuuu:4]  

Spoiler :

Au lieu de 12,80  [:ken masters]


Message édité par bashcomber le 15-09-2011 à 17:55:53
n°3537477
Melpa
Rosbeef.
Posté le 15-09-2011 à 18:04:26  profilanswer
 

Ha le bon plan du commentaire d'arrêt.
 
Testé et approuvé également. Ca marche dans toutes les matières :o

n°3537483
ploumpy
:o
Posté le 15-09-2011 à 18:14:25  profilanswer
 

Macnigore a écrit :

La méthode basique du bourrin du commentaire d'arrêt, appliquée en M1 et au barreau et qui a fait ses preuves:
 
I - L'arrêt
A- Expliquer l'arrêt  
B- Expliquer l'arrêt


 
Thx pour le tip. :jap: Ce que je ne comprends pas, c'est la différence entre le A et le B.

n°3537485
bashcomber
Squeeze my lemon.
Posté le 15-09-2011 à 18:16:29  profilanswer
 

ploumpy a écrit :


 
Thx pour le tip. :jap: Ce que je ne comprends pas, c'est la différence entre le A et le B.


 [:mr_paille]  [:poutrella]  
 
1) T'explique X
2) T'explique Y
 
Des parties différentes quoi  [:petitjambon]

n°3537495
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2011 à 18:25:01  answer
 

Arrêtez vous allez lui faire faire des conneries :o

n°3537497
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 18:26:55  profilanswer
 

Bon, on va pomper un peu sur le dalloz pour montrer ce qu'est un truc brillant :

 

1) Tout justiciable peut demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives.

 

2) Tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires.

 

3) L'article 10 de la directive du 27 novembre 2000 dispose que « Les Etats membres prennent les mesures nécessaires (...) afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction (...) des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement ».

 

Cet article pose une obligation conditionnelle, dès lors que son cinquième paragraphe prévoit que ces dispositions relatives à l'aménagement de la charge de la preuve n'affectent pas la compétence laissée aux Etats membres pour décider du régime applicable aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction. Or tel est l'office du juge administratif en droit public français. Par conséquent, les dispositions de l'article sont dépourvues d'effet direct devant la juridiction administrative.

 

2) Même si cette directive est dénuée d'effet direct, le juge administratif fait usage des pouvoirs qu'il tient dans la conduite de la procédure inquisitoire et met en oeuvre un mécanisme adapté de charge de la preuve qui tient compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes.

 

Ainsi, le juge, lors de la contestation d'une décision dont il est soutenu qu'elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utileNote de bas de page(1)

 


Citation :

Texte intégral :
Vu la requête, enregistrée le 24 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Emmanuelle A, épouse C, demeurant [...]; Mme A, épouse C demande au Conseil d'Etat :

 

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret du 24 août 2006 portant nomination dans la magistrature en tant qu'il la nomme vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux et qu'il nomme Mme Eva B, épouse D, à l'administration centrale à compter du 1er septembre 2006, d'autre part, l'arrêté du 29 août 2006 portant nomination de Mme B, épouse D, juge de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux, en qualité de chargée de formation à l'Ecole nationale de la magistrature à compter du 1er septembre 2006 ;

 

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Vu les autres pièces du dossier ;

 

Vu la Constitution, notamment son Préambule et les articles 1er, 55 et 88-1 ;

 

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

 

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

 

Vu la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail ;

 

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

 

Vu la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, et notamment son article 13 ;

 

Vu le décret n° 99-1073 du 21 décembre 1999 régissant les emplois de l'Ecole nationale de la magistrature ;

 

Vu le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

 

- le rapport de M. Pierre Chaubon, Maître des Requêtes,

 

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A, épouse C et du Syndicat de la magistrature,

 

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public,

 

- les nouvelles observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme A, épouse C et du Syndicat de la magistrature ;

 

Considérant que Mme A a demandé, dans sa requête introductive d'instance, l'annulation, d'une part, du décret du 24 août 2006 portant nomination dans la magistrature en tant qu'il la nomme vice-présidente, chargée de l'application des peines, au tribunal de grande instance de Périgueux, et en tant que, selon elle, il nommerait Mme B au sein de l'administration centrale, d'autre part de l'arrêté du 29 août 2006 du garde des sceaux, ministre de la justice, portant nomination de Mme B, juge de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux, en qualité de chargée de formation à l'Ecole nationale de la magistrature à compter du 1er septembre 2006 ;

 

Sur les conclusions de la requête dirigées contre le décret du 24 août 2006 en tant qu'il nomme Mme A vice-présidente, chargée de l'application des peines, au tribunal de grande instance de Périgueux :

 

Considérant que, par un mémoire enregistré le 17 janvier 2007, la requérante s'est désistée de ces conclusions ; qu'il convient de lui en donner acte ;

 

Sur la recevabilité des autres conclusions de Mme A :

 

Considérant qu'à la suite de ce désistement, Mme A a limité ses autres conclusions à l'encontre du décret du 24 août 2006 à la contestation de la nomination à l'administration centrale de Mme B ; qu'en l'absence d'une telle mesure dans le décret attaqué, que fait valoir à juste titre le garde des sceaux, ministre de la justice, ces conclusions ne sont pas recevables ; qu'en revanche Mme A a intérêt à agir contre l'arrêté du 29 août 2006, dès lors qu'elle est susceptible d'occuper la fonction à laquelle Mme B a été nommée par cet arrêté ; qu'ainsi ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté sont recevables ;

 

Sur l'intervention du Syndicat de la magistrature :

 

Considérant que le litige relatif à la nomination de Mme A comme vice-présidente chargée de l'application des peines au tribunal de grande instance de Périgueux prend fin par suite du désistement dont il est donné acte par la présente décision ; que dès lors l'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien des conclusions dont Mme A s'est désistée est devenue sans objet ;

 

Considérant que, dès lors que les conclusions de Mme A dirigées contre le décret du 24 août 2006 sont irrecevables, l'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien de ces conclusions est également irrecevable ;

 

Considérant, en revanche, que le Syndicat de la magistrature a un intérêt de nature à justifier son intervention au soutien des conclusions de la requête de Mme A en tant qu'elles sont dirigées contre l'arrêté du 29 août 2006 ; que, par suite, son intervention est recevable dans cette mesure ;

 

Sur la légalité des décisions attaquées :

 

Considérant que Mme A soutient, à l'appui de sa requête, que le garde des sceaux, ministre de la justice, aurait commis une erreur de droit en écartant sa candidature au poste de chargé de formation à l'Ecole nationale de la magistrature en raison de son engagement syndical et aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en préférant celle de Mme B ;

 

Considérant que la requérante invoque le bénéfice des règles relatives à la charge de la preuve fixées par l'article 10 de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, dont le délai de transposition expirait le 2 décembre 2003, antérieurement à la date des décisions attaquées, alors que cette disposition n'a été transposée de manière générale que par l'article 4 de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

 

Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence demander l'annulation des dispositions règlementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives et, pour contester une décision administrative, faire valoir, par voie d'action ou par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister des dispositions réglementaires, ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives ; qu'en outre, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires ;

 

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la directive du 27 novembre 2000 : « 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement. / 2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle à l'adoption par les Etats membres de règles de la preuve plus favorables aux plaignants. / 3. Le paragraphe 1 ne s'applique pas aux procédures pénales. / 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à toute procédure engagée conformément à l'article 9, paragraphe 2. / 5. Les Etats membres peuvent ne pas appliquer le paragraphe 1 aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ou à l'instance compétente. » ; qu'en vertu du cinquième paragraphe de cet article, les dispositions précitées relatives à l'aménagement de la charge de la preuve n'affectent pas la compétence laissée aux Etats membres pour décider du régime applicable aux procédures dans lesquelles l'instruction des faits incombe à la juridiction ; que tel est l'office du juge administratif en droit public français ; qu'ainsi, eu égard à la réserve que comporte le paragraphe 5 de l'article 10, les dispositions de ce dernier sont dépourvues d'effet direct devant la juridiction administrative ;

 

Considérant toutefois que, de manière générale, il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction ; que cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes ; que, s'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

 

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de ses allégations, Mme A se fonde sur des éléments de fait, tenant tant à la qualité de sa candidature qu'à des procédures antérieures de recrutement à la fonction de chargé de formation pour l'application des peines à l'Ecole nationale de la magistrature, pour soutenir que cette candidature aurait été écartée en raison de ses responsabilités syndicales connues de l'administration ; que ces éléments de fait sont corroborés par une délibération en date du 15 septembre 2008 de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, que cette dernière a entendu verser au dossier de la procédure en application de l'article 13 de la loi du 30 décembre 2004 ; que, si ces éléments peuvent ainsi faire présumer l'existence d'une telle discrimination, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des éléments de comparaison produits en défense par le garde des sceaux, ministre de la justice que la décision de nommer Mme B plutôt que Mme A au poste de chargé de formation à l'Ecole nationale de la magistrature repose sur des motifs tenant aux capacités, aptitudes et mérites respectifs des candidates ; que la préférence accordée à la candidature de Mme B procédait en effet d'une analyse comparée des évaluations professionnelles des deux magistrates et des appréciations que comportait l'avis motivé en date du 10 avril 2006 établi, conformément à l'article 12 du décret du 21 décembre 1999 régissant les emplois de l'Ecole nationale de la magistrature, en vigueur à la date de la décision attaquée, par la commission de recrutement mise en place par l'école ; qu'elle était également en correspondance avec les critères fixés préalablement dans la description du poste publiée par l'école, tenant au fonctionnement et aux caractéristiques de l'équipe pédagogique, ainsi qu'aux capacités linguistiques requises par ses missions internationales ; que, dans ces conditions, ce choix, même s'il n'était pas celui du directeur de l'école, dont l'avis était prescrit par l'article 10 du même décret, doit être regardé comme ne reposant pas sur des motifs entachés de discrimination ; que, dès lors, il n'est pas entaché d'erreur de droit ;

 

Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que le choix de Mme B est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

 

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de Mme A ne peut qu'être rejetée, ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 

Décide :

 

Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de Mme A dirigées contre le décret du 24 août 2006 en tant que ce décret la nomme vice-présidente, chargée de l'application des peines, au tribunal de grande instance de Périgueux.

 

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur l'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien des conclusions dont Mme A s'est désistée.

 

Article 3 : L'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien des autres conclusions de Mme A dirigées contre le décret du 24 août 2006 n'est pas admise.

 

Article 4 : L'intervention du Syndicat de la magistrature au soutien des conclusions de Mme A dirigées contre l'arrêté du 29 août 2006 est admise.

 

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

 

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Emmanuelle A, épouse C, à Mme Eva B, épouse D, au Syndicat de la magistrature et à la ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

 

Une copie en sera adressée, pour information, à la Haute Autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

 

Délibéré dans la séance du 16 octobre 2009 où siégeaient : M. Jean-Marc Sauvé, vice-président, président ; M. Bernard Stirn, président de la section du contentieux ; M. Jean-Michel Belorgey, M. Yves Robineau, Mme Yannick Moreau, Mme Marie-Dominique Hagelsteen, M. Pierre-François Racine, M. Michel Pinault, présidents de section ; M. Philippe Martin, M. Serge Daël, M. Christian Vigouroux, présidents adjoints de la section du contentieux ; M. Jacques Arrighi de Casanova, M. Edmond Honorat, Mme Sylvie Hubac, M. Olivier Schrameck, M. Alain Ménéménis, présidents de sous-section et M. Pierre Chaubon, maître des requêtes-rapporteur.

 

Lu en séance publique le 30 octobre 2009.

 

Demandeur : Perreux (Mme)
Composition de la juridiction : M. Jean-Marc Sauvé, Président. - M. Pierre Chaubon, Rapporteur. - M. Mattias Guyomar, Rapporteur public. - SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, Avocat

 


Mots clés :
ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS * Validité des actes administratifs - Violation directe de la règle de droit * Principes généraux du droit * Egalité devant le service public * Egalité de traitement des agents publics * Discrimination * Directive européenne * Charge de la preuve
COMMUNAUTES EUROPEENNES ET UNION EUROPEENNE * Portée des règles de droit communautaire et de l'Union européenne * Directives * Effet direct * Discrimination * Preuve
(1)Publié au Recueil Lebon.

 

Jurisprudence citée : Rappr., s'agissant de la portée du principe constitutionnel des droits de la défense, Cons. Const., 12 janvier 2002, n° 2001-455 DC, paragraphe 89, D. 2003.1129, obs. L. Gay et chron. B. MathieuDocument InterRevues.

 

Cf., sur la possibilité de se prévaloir d'une directive contre toute mesure réglementaire rentrant dans son champ d'application, 7 décembre 1984, Fédération française des sociétés de protection de la nature, nos 41971 41972, p. 410Décision de Jurisprudence ; sur la nécessité d'abroger des dispositions réglementaires contraires à une directive, Assemblée, 3 février 1989, Compagnie Alitalia, n° 74052, p. 44Décision de Jurisprudence ; s'agissant de dispositions réglementaires fondées sur une loi incompatible avec une directive, Assemblée, 28 février 1992, SA Rothmans International France, n° 56776, p. 80Décision de Jurisprudence ; pour un cas de méconnaissance d'une directive en tant que le droit national ne prévoit pas une règle, Assemblée, 30 octobre 1996, SA Cabinet Revert et Badelon, n° 45126, p. 397Décision de Jurisprudence ; pour la méconnaissance des objectifs d'une directive par une règle non écrite, Assemblée, 6 février 1998, Tête et Association de sauvegarde de l'Ouest Lyonnais, nos 138777 147424 147425, p 30Décision de Jurisprudence.

 

Ab. jur., sur le caractère inopérant d'un moyen tiré de la méconnaissance d'une directive soulevé par un particulier à l'encontre d'une décision individuelle, Assemblée, 22 décembre 1978, Ministre de l'intérieur c/ Cohn-Bendit, n° 11604, p. 524Décision de Jurisprudence. Cf., s'agissant de l'applicabilité directe d'une directive, CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn c/ Home Office, aff. 41/74 ; 28 octobre 1975, Rutili, aff. 75/36. Rappr., pour un cas d'application directe d'une directive, 10 avril 2002, SARL IMI, n° 219715, T. p. 647-665-708Décision de Jurisprudence. Cf., s'agissant des critères de la reconnaissance de l'effet direct d'une directive non transposée, CJCE, 5 avril 1979, Ministère public c/ Ratti, aff. 148/78 ; Cons. Const., 10 juin 2004, n° 2004-496 DC, RFDA 2005, p. 465, étude P. CassiaDocument InterRevues, AJDA 2004, p. 1937, note D. ChamussyDocument InterRevues, p. 1537, note M. Gautier et F. Melleray, p. 1534, note J. Arrighi de Casanova, p. 1497, étude M. Verpeaux, p. 1385, étude P. CassiaDocument InterRevues, RTD civ. 2004, p. 605, obs. R. Encinas de MunagorriDocument InterRevues, D. 2004, p. 3089, chron. D. BailleulDocument InterRevues ; Cons. Const., 27 juillet 2006, n° 2006-540 DC, D. 2006, p. 2157, chron. C. Castets-RenardDocument InterRevues, D. 2006, p. 2878, chron. X. MagnonDocument InterRevues, RTD civ. 2007, p. 80, obs. R. Encinas de MunagorriDocument InterRevues.

 

CCG1 Conclusions du rapporteur public

 
Citation :

(*) Dans cette affaire, M. Mattias Guyomar a prononcé les conclusions suivantes :

 

« Le renvoi de la présente affaire devant votre formation de jugement, inscrite une première fois au rôle des 6ème et 1ère sous-sections réunies du 10 juillet 2009, se justifie par l'ampleur des questions qu'elle soulève.

 

MmePerreux est entrée dans la magistrature en 1990. Elle occupe, depuis septembre 2002, les fonctions de juge d'application des peines au Tribunal de Grande Instance de Bordeaux.

 

Le 23 mars 2005, est diffusé un appel à candidature sur un poste de chargé de formation à l'Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) pour l'application des peines. Dans sa rédaction applicable à la date des actes attaqués, le décret du 21 décembre 1999 régissant les emplois de l'ENM prévoit, à son article 10, que : « Peuvent être nommés dans un emploi de chargé de formation à l'ENM, par voie de détachement, les magistrats de l'ordre judiciaire appartenant au premier grade ou appartenant au second grade et inscrits au tableau d'avancement. La nomination à cet emploi est prononcée par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis du directeur, pour une durée de trois ans renouvelable une fois ». MmePerreux candidate, une première fois, à ces fonctions. Après avoir été entendue par la commission chargée d'auditionner les candidats, elle apprend qu'elle n'est pas retenue. Un nouvel appel à candidature sur un autre poste de chargé de formation est diffusé, le 25 novembre 2005. MmePerreux présente à nouveau sa candidature. Un autre magistrat postule également. Après prorogation du délai de candidature, c'est le magistrat concurrent qui est nommé, le 7 février 2006. Mais, ce dernier ayant été nommé sur un autre poste dès le 22 février 2006, un nouvel appel à candidature est diffusé, le 2 mars 2006. Le 8 mars 2006, MmePerreux renouvelle, pour la troisième fois, sa candidature.

 

Par décret du Président de la République en date du 24 août 2006, elle est nommée vice-présidente chargée de l'application des peines au Tribunal de Grande Instance de Périgueux. Le poste de chargé de formation à l'ENM est pourvu par un arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice en date du 29 août 2006 prenant effet au 1er septembre qui nomme Mme Dunand, précédemment juge d'application des peines au Tribunal de Grande Instance de Périgueux. Cette dernière avait été élevée au premier grade et placée en position de service détaché à compter du 1er septembre 2006 par le décret précité du 24 août 2006.

 

MmePerreux vous demande l'annulation, d'une part, du décret du 24 août 2006 en tant qu'il la nomme elle-même vice-présidente du tribunal de grande instance de Périgueux et en tant que, selon elle, il nommerait Mme Dunand au sein de l'administration centrale du ministère de la justice et, d'autre part, de l'arrêté du 29 août 2006.

 

Mais la requérante s'est expressément désistée du premier chef de conclusions, par un mémoire enregistré le 17 janvier 2007. Elle a ensuite confirmé qu'elle entendait limiter ses conclusions aux seules décisions relatives à la situation de Mme Dunand. Vous lui donnerez acte de ce désistement. Précisons qu'en l'état de votre jurisprudence, ces conclusions auraient été irrecevables. En effet, un fonctionnaire ayant sollicité sa mutation dans plusieurs postes classés par ordre de préférence et ayant été muté dans l'un de ceux-ci ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge de l'excès de pouvoir d'annuler la décision par laquelle il a été fait droit à sa demande (18 octobre 2002, Diraison, T. p. 803, 843Décision de Jurisprudence ; AJDA 2003. 102Document InterRevues qui se situe dans la ligne de 11 octobre 1995, Boissin Cardinal, T. p. 956Décision de Jurisprudence).

 

Les autres conclusions dirigées contre le décret du 24 août 2006 sont irrecevables. Ainsi que le fait valoir à juste titre le ministre de la justice, ce décret n'affecte pas, contrairement à ce que croit la requérante, Mme Dunand à l'administration centrale. Il se borne à l'élever au premier grade et à la placer en position de service détaché à compter du 1er septembre 2006.

 

Le Syndicat de la magistrature a présenté une intervention au soutien de la requête de MmePerreux. Dans la mesure où cette dernière s'est désistée, l'intervention a perdu son objet (7 décembre 1977, Association foncière de Vatry, T. p. 929Décision de Jurisprudence). Dans la mesure où elle vient au soutien de conclusions irrecevables, elle est également irrecevable.

 

Restent les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 août 2006. Les fonctions de chargé de formation à l'ENM étant réservées, en vertu du décret du 21 décembre 1999 dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué, à des magistrats, le litige est indissociable du statut de magistrat et relève donc de votre compétence directe.

 

MmePerreux a intérêt à agir à son encontre. Vous admettez en effet de manière constante l'intérêt d'un agent public à contester la nomination à un emploi auquel il a vocation à accéder (28 mai 1971, Laurié T. p. 1144Décision de Jurisprudence ; 17 mai 1972, Roty et autres, p. 373Décision de Jurisprudence).

 

A la vérité, lorsqu'un agent public attaque la nomination d'un autre agent sur un emploi, deux cas de figure sont envisageables. Le premier est celui où le requérant, sans avoir postulé à cet emploi, avait néanmoins vocation à l'occuper. Ses conclusions sont alors exclusivement dirigées contre la nomination. Le second cas - qui est celui de l'espèce - correspond au contraire à l'hypothèse où le requérant avait présenté sa candidature. Dans ces conditions, la décision attaquée comporte deux faces : en plein, il s'agit de la nomination d'un concurrent mais cette nomination révèle nécessairement, en creux, le refus de nommer le requérant.

 

Aucune décision expresse de refus n'ayant été opposée à la candidature de la requérante présentée le 8 mars 2006, ce refus doit être regardé comme ayant été révélé par une autre décision. Faut-il voir dans la nomination de Mme Dunand comme chargée de formation à l'ENM par l'arrêté du 29 août 2006 le refus de nommer MmePerreux sur ce même poste ?

 

Incontestablement, le décret du 24 août 2006 en nommant MmePerreux vice-présidente du TGI de Périgueux (un de ses choix subsidiaire) révèle en creux le refus de la nommer sur le poste de son premier choix. Nous nourrissons de sérieux doute sur le bien-fondé de votre jurisprudence Diraison. Il nous semble en effet qu'un agent public devrait pouvoir contester sa nomination sur un poste demandé à titre subsidiaire au moins dans la mesure où cette décision révèle nécessairement le refus de le nommer sur le poste de son premier choix. Mais la requérante s'étant désistée de ses conclusions dirigées contre sa nomination comme vice-présidente du TGI de Périgueux, la présente affaire n'offre pas l'occasion d'une évolution de votre jurisprudence. Nous considérons que l'arrêté du 29 août 2006 révèle, en procédant à la nomination de Mme Dunand comme chargé de formation à l'ENM, un nouveau refus de nommer MmePerreux sur ce poste. En effet, aucune règle ni aucun principe ne faisait obstacle à ce que le ministre de la justice nomme la requérante à l'ENM en dépit de sa nomination, quatre jours plus tôt, à un autre poste par le Président de la République (certes, les fonctions de chargé de formation à l'ENM correspondent à un emploi en service détaché ; or, l'article 72 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose que : « la mise en position de détachement, de disponibilité ou "sous les drapeaux" est prononcée par décret du Président de la République, sur proposition du ministre de la justice et après avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard du magistrat selon que celui-ci exerce des fonctions du siège ou du parquet » ; c'est pour cette raison que le décret du 24 août 2006 avait préalablement placé Mme Dunand en service détaché ; si vous deviez considérer que le placement en position de détachement constitue un préalable nécessaire à la nomination sur un emploi détaché, l'arrêté du 29 août 2006 ne saurait alors être regardé comme révélant le refus de nommer MmePerreux en l'absence de toute possibilité légale pour le garde des sceaux de le faire ; un tel raisonnement confèrerait à l'avis du CSM, surtout s'agissant d'un magistrat du siège, une portée correspondant à la garantie que sa consultation doit normalement constituer ; mais nous ne vous proposons pas de retenir une solution qui, outre l'inconvénient d'être contraire à la pratique courante, nous semble trop formaliste ; l'administration ayant l'obligation de placer ses agents en position régulière, il faut lui reconnaître la possibilité de placer ses agents- y compris les magistrats judiciaires- en détachement après leur nomination). Celle-ci conserve en outre, dans ses nouvelles fonctions, la possibilité de postuler à cette fonction.

 

MmePerreux est donc recevable à demander l'annulation l'arrêté du 29 août 2006 non seulement en tant qu'il nomme Mme Dunand mais aussi en tant qu'il refuse de la nommer. Dans la mesure où elle vient au soutien de ces conclusions, vous admettrez l'intervention du Syndicat de la magistrature, dont MmePerreux est adhérente, qui a intérêt à demander l'annulation de l'arrêté du 29 août 2006.

 

Deux moyens sont soulevés à l'appui de ces conclusions. MmePerreux soutient, d'une part, que le Garde des Sceaux aurait commis une erreur de droit en écartant sa candidature au poste de chargé de formation à l'ENM en raison de son engagement syndical et, d'autre part, qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en procédant à la nomination de Mme Dunand.

 

Le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le ministre de la Justice en se fondant, pour procéder à la nomination litigieuse, sur un critère extérieur aux mérites des candidats correspond à la discrimination syndicale dont MmePerreux prétend avoir été victime. L'examen de ce moyen appelle de longs développements.

 

La loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations aurait pu constituer le cadre juridique de ce litige. Sous l'influence du droit communautaire, le droit français a procédé à un aménagement de la charge de la preuve dans différents domaines : la loi du 16 novembre 2001 introduit ainsi un mode particulier de preuve dans les articles L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail relatifs au régime des discriminations en matière de travail et d'emploi ; la loi du 17 janvier 2002 modifiant la loi du 6 juillet 1989 introduit un mode de preuve spécifique s'agissant des litiges concernant les refus d'attribution de la location d'un logement ; la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) fait de même dans le domaine de la discrimination fondée sur l'origine ethnique. Dans tous les cas, le dispositif retenu s'inspire directement de la règle posée par la directive du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve en matière de discrimination fondée sur le sexe qui a ensuite été reprise par les différentes directives relatives aux discriminations. La loi du 27 novembre 2008 procède à une généralisation de cet aménagement qui devient la règle dans tous les cas où interviennent des faits de discrimination. Son article 4 dispose ainsi que : « toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ».

 

Mais cette loi n'est pas applicable aux faits litigieux qui sont antérieurs à son entrée en vigueur. Par sa décision n° 80-119 L du 2 décembre 1980, le Conseil Constitutionnel a jugé, s'agissant de matière fiscale, que l'attribution de la preuve relevait du domaine de la loi au motif que « la détermination de la charge de la preuve affecte les droits et obligations des contribuables et met ainsi en cause les règles relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions » (V. pour des illustrations dans votre jurisprudence notamment Section, 29 juillet 1994, Société Prodes International, p. 390Décision de Jurisprudence ; Section, 20 juin 2003, SA Etablissements Lebreton, p. 273Décision de Jurisprudence). De manière générale, la définition d'un régime de preuve constitue une règle de fond et non une règle de procédure qui serait d'applicabilité immédiate.

 

N'ignorant pas que la loi du 27 novembre 2008 n'est pas applicable, ratione temporis, au litige, MmePerreux invoque le bénéfice des dispositions de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, dont la loi a assuré, parmi d'autres, tardivement la transposition. Indiquons que le délai de transposition de cette directive a expiré, en vertu de son article 18, le 2 décembre 2003, soit antérieurement à la date des décisions attaquées. La requérante vous demande de faire application, à son bénéfice, des règles relatives à la charge de la preuve que comporte l'article 10 de cette directive aux termes duquel : « 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu'une personne s'estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l'égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement ».

 

Vous est ainsi posée une nouvelle fois la question de la possibilité d'invoquer une directive, non transposée à l'issue du délai fixé pour ce faire, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel. La présente affaire vous conduit à réexaminer la réponse qu'il convient d'apporter à un moyen que vous écartez comme inopérant avec constance depuis votre décision Ministre de l'Intérieur c/ Cohn-Bendit (Assemblée, 22 décembre 1978, p. 524Décision de Jurisprudence ; GAJA, 17e éd. 2009. n° 89 ; V. notamment 3 mars 1982 Mathe T. p. 540 et 724Décision de Jurisprudence ; 13 décembre 1985 Zakine T. p. 448, 515, 740 et 750Décision de Jurisprudence ; 28 septembre 1998 Ferrari T. p. 801 et 1142Décision de Jurisprudence).

 

Pour ce faire, nous croyons utile, en premier lieu, de rappeler la genèse de ce qui a été qualifié de « révolte contentieuse » par Bernard Pacteau (in Recueil Dalloz Sirey 1979 p. 162) puis, dans un second temps, de retracer les évolutions jurisprudentielles ultérieures tant de la Cour de justice des communautés européennes que du Conseil d'Etat.

 

C'est l'article 189 du traité de Rome, devenu article 249 du TCE, qui définit les différentes catégories d'actes communautaires : « Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout Etat membre. La directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. La décision est obligatoire dans tous ses éléments pour les destinataires qu'elle désigne. Les recommandations et avis ne lient pas ».

 

Alors qu'une lecture littérale de cet article aurait pu donner à penser que seuls les règlements avaient un effet direct dans les Etats membres, la CJCE a reconnu qu'une directive était susceptible de produire des effets directs entre l'Etat et ses justiciables, indépendamment de toute mesure interne d'exécution. La Cour a ainsi admis l'applicabilité directe d'une directive, pour la première fois, dans l'arrêt Société SACE c/ Ministère des Finances de la République italienne du 17 décembre 1970 (après un arrêt du 6 octobre 1970 Franz Grad relatif aux décisions prises sur le fondement du 4e alinéa de l'article 189). Cette orientation a ensuite été confirmée à plusieurs reprises, notamment par l'arrêt Van Duyn c/ Home Office du 4 décembre 1974 (V. également CJCE 26 février 1975 Bonsignore ; 28 octobre 1975 Ruttili ; 8 octobre 1976 Royer) dont les motifs de principe méritent d'être cités : « [...] si, en vertu des dispositions de l'article 189, les règlements sont directement applicables et, par conséquent, par leur nature susceptibles de produire des effets directs, il n'en résulte pas que d'autres catégories d'actes visés par cet article ne peuvent jamais produire d'effets analogues ; il serait incompatible avec l'effet contraignant que l'article 189 reconnaît à la directive d'exclure en principe que l'obligation qu'elle impose, puisse être invoquée par des personnes concernées ; particulièrement dans le cas où les autorités communautaires auraient, par directive, obligé les Etats membres à adopter un comportement déterminé, l'effet utile d'un tel acte, se trouverait affaibli si les justiciables étaient empêchés de s'en prévaloir en justice et les juridictions nationales empêchées de la prendre en considération en tant qu'élément du droit communautaire ; l'article 177 qui permet aux juridictions nationales de saisir la Cour de la validité et de l'interprétation de tous les actes des institutions, sans distinction, implique d'ailleurs que ces actes sont susceptibles d'être invoqués par les justiciables devant lesdites juridictions ; il convient d'examiner, dans chaque cas, si la nature, l'économie et les termes de la disposition en cause sont susceptibles de produire des effets directs dans les relations entre les Etats membres et les particuliers ».

 

Si la Cour est allée « au-delà des catégories juridiques formelles » (dans l'arrêt précité SACE, la Cour relevait qu'il « convient de considérer non seulement la forme de l'acte en cause mais encore sa substance ainsi que sa fonction dans le système du traité »), comme le relevait l'avocat général Mayras, dans ses conclusions sur cette affaire, c'est pour conférer toute sa portée à « l'effet utile » des directives. Cette solution s'inscrit en parfaite cohérence avec la jurisprudence sur l'effet direct du droit communautaire dont l'arrêt fondateur Van Gend en Loos c/ Administration fiscale néerlandaise remonte au 5 février 1963 selon lequel le droit communautaire « de même qu'il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique ; ceux-ci naissent non seulement lorsqu'une attribution explicite en est faite par le traité mais aussi en raison d'obligations que le traité impose d'une manière bien définie tant aux particuliers qu'aux Etats membres et aux institutions communautaires ». Ainsi que le relève le commentaire des Grands arrêts de la CJCE (J. Boulouis et R.M. Chevallier tome 1 6ème édition) : « Mis à part l'article 189 al.2 qui dispose que le règlement est « directement applicable dans tout Etat membre », on chercherait vainement dans le traité l'énoncé formel d'un principe d'applicabilité directe ou d'immédiateté. Un tel principe devait donc être fondé et défini dans ses conditions d'existence ». L'arrêt de 1963 explicite le fondement de cette applicabilité directe objective : « c'est dans la notion même de marché commun (« l'objectif du TCEE, qui est d'instituer un marché commun dont le fonctionnement concerne directement les justiciables de la Communauté, implique que ce traité constitue plus qu'un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre Etats contractants ») et dans ses implications que se trouve le fondement de l'applicabilité directe du droit communautaire » (le principe d'intégration, consacré par l'arrêt Costa c/ Enel du 15 juillet 1964 - parce que le système juridique propre de la communauté s'est « intégré au système juridique des Etats Membres », il « s'impose à leurs juridictions » - viendra ensuite parfaire celui d'applicabilité immédiate). Mais cette affirmation n'a pas pour effet de rendre tous les actes de droit communautaire directement applicables. Ainsi que l'explique Denys Simon, dans son ouvrage « Le système juridique communautaire » (PUF Droit 3ème éd.) : « [...] encore faut-il, pour qu'une norme communautaire déterminée soit apte à produire un tel effet, qu'elle remplisse un certain nombre de conditions techniques qui conditionnent sa faculté à être appliquée par le juridictions nationales ». S'agissant des directives, l'arrêt Van Duyn consacre le critère tiré de « la nature, l'économie et les termes de la disposition en cause ».

 

C'est dans ce contexte que votre Assemblée du Contentieux a été amenée à se prononcer sur l'effet direct des directives à l'occasion de l'appel du ministre de l'intérieur dirigé contre un jugement du tribunal administratif de Paris qui avait saisi la CJCE d'une question préjudicielle qui portait sur les conditions d'application de l'article 6 de la directive du 25 février 1964 dont l'applicabilité directe avait été admise par l'arrêt Rutili du 28 octobre 1975.

 

Dans les magistrales conclusions qu'il a prononcées à cette occasion, Bruno Genevois a vigoureusement contesté les quatre arguments sur lesquels la Cour avait fondé sa jurisprudence.

 

En premier lieu, il considérait comme plus légitime de « s'en tenir à la lettre de l'article 189 du traité » : « la définition donnée dans chaque cas se suffit à elle-même et il n'est nul besoin d'ajouter une formule négative qui en serait le corollaire nécessaire ».

 

Il contestait en deuxième lieu l'argument tiré de l'effet utile : « ce n'est pas seulement l'effet utile de la directive qu'il y a lieu de promouvoir ; l'effet utile du troisième alinéa de l'article 189 du Traité mérite tout autant et même davantage d'être sauvegardé en raison de la primauté du droit communautaire originaire sur le droit communautaire dérivé ».

 

Ne le retenait pas davantage l'argument tiré de la substance même de la directive : « [...] l'article 189 du traité subordonne la mise en oeuvre d'une directive à l'intervention de mesures d'ordre interne. Peu importe à cet égard le degré de précision de la directive ». Selon le commissaire, le non respect de la date limite fixée aux Etats membres pour prendre, dans l'ordre interne, des mesures d'exécution « n'entraîne pas l'application de plein droit de la directive » mais autorise simplement la Commission à entamer une action en manquement.

 

Enfin, Bruno Genevois faisait valoir que la compétence de la Cour pour interpréter, en vertu de l'article 177, tous les actes communautaires était sans portée sur le fait que la prise en considération de la directive par le juge national, qui peut le conduire à procéder à un renvoi préjudiciel, est subordonnée à la condition qu'elle ait fait l'objet d'une mesure d'introduction en droit interne.

 

La conclusion que tirait, sur le plan théorique, le commissaire de ce raisonnement était claire et nette : « une directive ne peut avoir, par elle-même, d'effet direct dans un Etat membre sauf s'il s'agit en réalité d'un règlement ». Et il soulignait, à juste titre, la position difficile dans laquelle la jurisprudence de la Cour place le juge national : « il lui est demandé, de sa propre autorité, de remédier aux effets d'une situation qui a pour origine la carence des Etats alors que dans la logique des institutions communautaires, le remède à la carence des Etats consiste en la mise en oeuvre par la Commission, ou par tout Etat membre, du recours en manquement [...] ».

 

Bruno Genevois concevait ensuite trois attitudes possibles pour le juge administratif français : se rallier à la jurisprudence de la Cour « non par conviction mais par discipline » (V. en ce sens les conclusions de Gilbert Guillaume sur votre décision Hill, Section 8 octobre 1976 p. 402Décision de Jurisprudence) ; ne pas prendre en considération la jurisprudence de la Cour de Justice en souhaitant « marquer avec netteté que des évolutions jurisprudentielles qui s'éloignent quelque peu de la lettre du Traité, peuvent être utilement contestées par le juge national » ; confirmer le renvoi préjudiciel auquel le tribunal administratif de Paris avait procédé au nom du « dialogue des juges ». Le commissaire y insistait : « ce serait manquer singulièrement de déférence à l'égard du juge communautaire qui, de par le Traité de Rome, a pour mission de veiller à une application uniforme du droit communautaire sur le territoire des pays membres de la Communauté que d'interpréter le traité dans un sens qui va directement à l'encontre d'une jurisprudence bien établie de la CJCE ».

 

« L'Assemblée a suivi son Commissaire du Gouvernement dans sa démonstration mais non dans ses conclusions », ainsi que le notaient les chroniqueurs de l'arrêt à l'AJDA (O. Dutheillet de Lamotte et Y. Robineau 20 mars 1979 p. 27).

 

Votre décision du 22 décembre 1978 marque explicitement le refus de reconnaître un effet direct aux directives : après avoir rappelé qu'« il ressort clairement de l'article 189 du traité du 25 mars 1957 que si [les] directives lient les Etats membres « quant au résultat à atteindre » et si, pour atteindre le résultat qu'elles définissent, les autorités nationales sont tenues d'adapter la législation et la réglementation des Etats membres aux directives qui leur sont destinées, ces autorités restent seules compétentes pour décider de la forme à donner à l'exécution des directives et pour fixer elles-mêmes, sous le contrôle des juridictions nationales, les moyens propres à leur faire produire effet en droit interne », elle en déduit « qu'ainsi, quelles que soient d'ailleurs les précisions qu'elles contiennent à l'intention des Etats membres, les directives ne sauraient être invoquées par les ressortissants de ces Etats à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif individuel ».

 

Mais à bien lire l'arrêt, il ne dénie pas tout effet juridique aux directives : d'une part, il indique que les Etats membres doivent les mettre en oeuvre « sous le contrôle des juridictions nationales » et d'autre part, il précise que si « la solution que doit recevoir la requête du sieur Cohn-Bendit ne peut en aucun cas être subordonnée à l'interprétation de la directive du 25 février 1964 », c'est « à défaut de toute contestation sur la légalité des mesures réglementaires prises par le gouvernement français pour se conformer aux directives arrêtées par le Conseil des communautés européennes ». Pour citer les commentateurs du GAJA (17e édition n° 89 p. 616) : « les directives ont donc bien, selon l'arrêt du Conseil d'Etat, un effet juridique, mais indirect, médiatisé, à travers les mesures d'application ».

 

En d'autres termes, les ressortissants des Etats membres ne peuvent se prévaloir, devant le juge national, directement des droits que leur confèrerait une directive pour obtenir l'application de celle-ci en lieu et place d'un texte national inexistant ou non-conforme à ses dispositions mais ils peuvent obtenir du juge qu'il paralyse l'application de la règle nationale qui méconnaîtrait cette directive. Pour reprendre la terminologie d'Y. Galmot et de J. C. Bonichot (in La CJCE et la transposition des directives en droit national RFDA janvier-Février 1988 p. 1), le Conseil d'Etat admet « l'invocabilité d'exclusion » mais non « l'invocabilité de substitution » (ainsi définie par les auteurs de l'article précité : « les dispositions de la directive servent, dans un premier temps, à écarter le droit national qui lui est contraire puis s'y substituent pour combler la lacune ainsi créée »). La cohérence de cette solution a été soulignée par Jean Boulouis : « les mesures individuelles prises par les autorités nationales ne le sont pas en application de la directive dont les dispositions pourraient être directement invoquées à leur encontre. Elles le sont en vertu du droit national qui doit avoir été adapté aux exigences du droit communautaire telles qu'elles ont été définies par la directive ; adaptation qui, elle, peut toujours faire l'objet d'un recours des particuliers, tant par voie d'action que par voie d'exception » (in « L'applicabilité directe des directives. A propos d'un arrêt Cohn-Bendit du CE Revue du Marché commun).

 

Le retentissement de la décision Cohn-Bendit a été considérable. Les commentaires doctrinaux se sont partagés, entre louanges et critiques. Deux éléments ont principalement été commentés. Le premier concerne la prise de position du juge administratif français sur la lettre du traité et la logique de la construction communautaire. Pierre Delvolvé relève ainsi que « le système que [le Conseil d'Etat] adopte, s'il est contraire à celui de la Cour, paraît plus conforme à la notion de directive que le sien qui, à certains égards, paraît bien l'avoir dénaturée » (Recueil Dalloz Sirey 1979 9ème cahier p. 89) tandis que Louis Dubouis estime, pour sa part, que « le refus opposé [...] à la prise en considération de la directive contredit la logique juridique » (il ajoute que cette solution repose « sur un formalisme juridique incompréhensible pour le plaideur dont le recours est suffisamment motivé et de nature à affaiblir l'autorité de la règle de droit tenue pour applicable ») : « Comment, d'un même mouvement, reconnaître qu'une fois édictée la réglementation nationale la directive a été introduite dans l'ordre interne avec une valeur supérieure à celle du décret - puisque le requérant peut soulever l'exception d'illégalité du décret - et refuser d'examiner la contrariété directe entre une décision individuelle et la directive ? ». (cette contradiction logique apparaît lorsque l'on confronte la décision GISTI, Section 23 avril 1997Décision de Jurisprudence ; AJDA 1997. 482Document InterRevues ; ibid. 435, chron. D. Chauvaux et T.-X. GirardotDocument InterRevues ; D. 1998. 15Document InterRevues, concl. R. AbrahamDocument InterRevues ; RFDA 1997. 585, concl. R. AbrahamDocument InterRevues ; RDSS 1998. 194, obs. M. Badel, I. Daugareilh, J.-P. Laborde et R. LaforeDocument InterRevues aux conclusions contraires de Ronny Abraham). Le second élément consiste en le refus du Conseil d'Etat de procéder au renvoi préjudiciel, contrairement à ce que lui proposait son commissaire du gouvernement. Il est vrai que l'application de la théorie de l'acte clair que fait l'Assemblée du contentieux -que marque l'emploi de l'adverbe « clairement »- pour se dispenser de tout renvoi à la Cour de Luxembourg révèle qu'elle « reconnaissait la force de l'évidence à une solution que les juges européens avaient écarté de façon expresse et répétée », pour citer à nouveau les auteurs du GAJA. Après avoir admis que « la méthode ici employée était la seule qui permette une contestation efficace de la jurisprudence de la Cour », Benard Pacteau relevait cependant,

 

dans son article précité, que « la mécanique communautaire ne permet pas à un tribunal national d'attribuer, fût-ce au titre de l'évidence, à une norme de droit européen, un sens autre que celui qui lui a précédemment été donné par la CJCE, sans en référer précisément à celle-ci ».

 

C'est dans cette mesure qu'il y a 31 ans s'est cristallisée entre la Cour de Luxembourg et votre juridiction une divergence de jurisprudence quant à l'effet direct des directives.

 

Mais vos deux jurisprudences ont notablement évolué depuis cette date. On peut déduire de ces évolutions respectives que, s'agissant de l'invocabilité des directives, « la guerre des juges n'a pas eu lieu » (pour citer l'article de Paul Cassia à la RFDA 2002 p. 20Document InterRevues). D'une manière plus générale, si l'on quitte la seule question de l'effet direct des directives, pour appréhender de manière plus large celle de l'intensité des effets du droit communautaire, il convient de relever, avec Y. Galmot et J. C. Bonichot (in CJEG Juin 1999 p.207), « l'ébauche d'une cohérence » entre les jurisprudences de la Cour de Luxembourg et du Conseil d'Etat.

 

Pour organiser notre présentation, nous faisons nôtre la proposition de Denys Simon, dans son remarquable ouvrage « Le système juridique communautaire » (PUF Droit 3e éd.), consistant à structurer les effets du droit communautaire « autour de la notion de justiciabilité, conçue comme la capacité du juge interne à assurer l'efficacité du droit communautaire et l'effectivité de la protection juridictionnelle de ses sujets ».

 

Plusieurs techniques sont utilisées pour assurer le respect du droit communautaire qui correspondent chacune à différents degrés de justiciabilité.

 

L'invocabilité « d'interprétation conforme » conduit le juge national à interpréter le droit national existant à la lumière du texte et de la finalité des règles communautaires invoquées (en ce sens notamment CJCE 10 avril 1984, Van Colson et Kamann ; Section, 22 décembre 1989, Ministre du budget c/ Cercle militaire mixte de la Caserne Mortier, p. 260Décision de Jurisprudence ; AJDA 1990. 328Document InterRevues, concl. M.-D. HagelsteenDocument InterRevues ; 8 décembre 2000, Commune de Breil-sur-Roya, p. 581Décision de Jurisprudence ; AJDA 2001. 775Document InterRevues, note J.-M. FévrierDocument InterRevues : « il appartient aux autorités administratives nationales, sous le contrôle du juge, d'exercer les pouvoirs qui leur sont conférés par la loi en lui donnant, dans tous les cas où celle-ci se trouve dans le champ d'application d'une règle communautaire, une interprétation qui soit conforme au droit communautaire » ; 1er avril 2009, Communauté urbaine de Bordeaux, Société Kéolis au RecueilDécision de Jurisprudence ; AJDA 2009. 621Document InterRevues ; ibid. 1889Document InterRevues, note F. TrainDocument InterRevues ; RFDA 2009. 937, note D. Dubois et C. RauxDocument InterRevues). « Ces exigences inhérentes à la primauté du droit communautaire valent pour l'ensemble des normes communautaires [...] » (Denys Simon, ouvrage précité p. 439).

 

L'invocabilité « de prévention » permet d'invoquer une directive dont le délai de transposition n'est pas encore expiré afin « de faire sanctionner par les tribunaux internes, de manière quelque peu anticipée, la violation virtuelle qui s'actualisera nécessairement au jour de l'expiration du délai de transposition » (Denys Simon, ouvrage précité p. 443 ; CJCE, 18 déc. 1997, n° C-129/96, Inter-Environnement Wallonie ASBL, Région wallonne, AJDA 1998. 451Document InterRevues, note O. Couvert-CastéraDocument InterRevues ; ibid. 310, chron. H. Chavrier, H. Legal et G. de BerguesDocument InterRevues ; RTD com. 1998. 737, obs. M. LubyDocument InterRevues ; CE 10 janvier 2001, France Nature Environnement, p. 9Décision de Jurisprudence qui juge que les autorités nationales « ne peuvent légalement prendre, ainsi que l'a précisé la Cour de Justice des Communautés européennes par un arrêt rendu le 18 décembre 1997 dans l'affaire C-129/96 (préc.), pendant le délai imparti par la directive, des mesures de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par la directive » ; 29 octobre 2004, Sueur et autres p. 393Décision de Jurisprudence ; AJDA 2004. 2383Document InterRevues, chron. C. Landais et F. LenicaDocument InterRevues ; ibid. 2005. 16, étude D. LinotteDocument InterRevues ; D. 2005. 16Document InterRevues ; RDI 2004. 548, obs. J.-D. DreyfusDocument InterRevues ; RFDA 2004. 1103, concl. D. CasasDocument InterRevues ; RTD eur. 2005. 839, chron. D. RitlengDocument InterRevues, qui précise que si, jusqu'à l'expiration du délai de transposition, les Etats membres sont seulement tenus de s'abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par celle-ci, il leur est loisible de mettre en vigueur, sans attendre l'expiration de ce délai, les mesures nécessaires pour se conformer aux objectifs de cette directive).

 

Au titre de l'invocabilité « de réparation », tout justiciable peut demander réparation du préjudice causé par la carence de l'Etat à prendre les mesures nécessaires à la transposition d'une directive (CJCE, 19 nov. 1991, n° C-6/90, Francovich, Bonifaci, AJDA 1992. 143Document InterRevues, note P. Le MireDocument InterRevues ; ibid. 253, chron. J.-D. Combrexelle, E. Honorat et C. SoulardDocument InterRevues ; RDI 1992. 141, chron. H. Périnet-MarquetDocument InterRevues ; RFDA 1992. 1, note L. DubouisDocument InterRevues ; RTD eur. 1992. 27, étude F. SchockweilerDocument InterRevues ; ibid. 1993. 81, chron. E. TraversaDocument InterRevues ; CJCE, 5 mars 1996, n° C-46/93, AJDA 1997. 342, chron. H. Chavrier, E. Honorat et G. de BerguesDocument InterRevues ; RFDA 1996. 583, note L. DubouisDocument InterRevues ; Rev. science crim. 1996. 674, obs. J.-C. FourgouxDocument InterRevues ; RTD eur. 1997. 299, chron. D. BerlinDocument InterRevues ; CE Assemblée, 28 février 1992, Société Arizona Tobacco Products et SA Philip Morris France, p. 78Décision de Jurisprudence ; AJDA 1992. 210Document InterRevues, concl. M. LaroqueDocument InterRevues ; ibid. 329, chron. C. Maugüé et R. SchwartzDocument InterRevues ; D. 1993. 141Document InterRevues, obs. P. Bon et P. TerneyreDocument InterRevues ; ibid. 1992. 207, chron. R. KovarDocument InterRevues ; RFDA 1992. 425, note L. DubouisDocument InterRevues ; RTD com. 1992. 600, obs. G. OrsoniDocument InterRevues ; RTD eur. 1992. 265, étude D. SimonDocument InterRevues).

 

S'agissant de ces modes de « justiciabilité minimale », la convergence des jurisprudences est incontestable.

 

Venons en à l'invocabilité de « contrôle » qui correspond à l'obligation faite aux tribunaux nationaux d'écarter le droit national incompatible avec la règle communautaire.

 

Depuis trente ans, vous avez développé, n'hésitant pas à faire preuve d'ingéniosité, une jurisprudence qui, tout en maintenant le fondement théorique de l'arrêt Cohn-Bendit, permet d'assurer, dans la majorité des hypothèses, la pleine effectivité du droit communautaire. S'agissant des directives, vous avez progressivement multiplié le nombre des cas dans lesquels elles peuvent être invoquées, par voie d'action comme par voie d'exception.

 

Admettre l'invocabilité d'une directive par voie d'action supposait que ne vous retienne pas la nature spécifique de cette catégorie d'acte qui « illustre la présence dans les traités communautaires [...] d'un principe de subsidiarité juridique et de complémentarité des compétences » ainsi que le souligne Denys Simon, dans son article consacré à «L'application des directives par les tribunaux nationaux ». En dépit des limites de son intensité normative -puisqu'elle ne lie les Etats que quant au résultat à atteindre »-, vous avez accepté de faire de la directive une norme de référence.

 

Vous avez ainsi admis qu'un requérant puisse se prévaloir d'une directive contre les mesures réglementaires prises pour son application (28 septembre 1984, Confédération nationale des SPA de France, T. p. 481Décision de Jurisprudence). Ainsi que le relèvent les chroniqueurs de cet arrêt à l'AJDA (S. Hubac et J.-E. Schoettl 1985 p. 83) (en vérifiant que les dispositions réglementaires d'application du droit national sont bien conformes aux objectifs d'une directive tout en laissant au gouvernement une certaine liberté dans le droit du moment et de la forme à donner à donner à ces dispositions, le Conseil d'Etat est en accord avec la jurisprudence de la CJCE. Celle-ci admet en effet qu'un particulier puisse invoquer une directive devant une juridiction nationale dans le but de faire vérifier par celle-ci que les autorités nationales sont restées, lors de la mise en oeuvre d'une directive, « dans les limites d'appréciation tracées par cette directive » (1er février 1977 Verband Van Nederlansdse Onderneningen) ». En revanche, l'application audacieuse de ce raisonnement aux mesures d'application d'un traité a été abandonnée par votre décision GISTI (Section 23 avril 1997 p. 142, préc.) selon laquelle les stipulations d'un accord international dépourvues d'effet direct ne peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, y compris à l'encontre d'un acte réglementaire -solution, contraire aux conclusions de Ronny Abraham, qui souligne encore le particularisme normatif des directives communautaires), en effectuant, par voie d'action, le contrôle de la légalité des mesures réglementaires prises pour se conformer aux dispositions d'une directive au regard des objectifs de celle-ci, l'arrêt se place dans la droite ligne de la décision Cohn-Bendit qui précisait que les Etats membres doivent mettre les directives en oeuvre « sous le contrôle des juridictions nationales » (V. parmi d'autres illustrations de ce contrôle de compatibilité 30 décembre 1998 Association des neurologues libéraux de langue française).

 

Vous avez ensuite étendu l'invocabilité, par voie d'action, des directives, contre toutes les mesures réglementaires ultérieures, qu'elles en assurent la transposition ou simplement qu'elles relèvent de leur champ d'application (V. pour une telle hypothèse 7 décembre 1984 Fédération française des sociétés de protection de la nature p. 410Décision de Jurisprudence selon laquelle les autorités nationales « ne peuvent légalement édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires aux objectifs définis par les directives »). Comme l'expliquait O. Dutheillet de Lamothe, dans ses conclusions sur cette affaire : « si les autorités nationales sont tenues [...] d'adapter leur législation et leur réglementation aux directives qui leur sont destinées, elles sont a fortiori tenues de ne pas adopter de dispositions réglementaires qui vont directement à l'encontre d'une directive ».

 

En précisant, à l'occasion de la définition de l'obligation d'abroger les règlements illégaux que les autorités nationales « ne peuvent légalement, après l'expiration des délais impartis, ni laisser subsister des dispositions réglementaires qui ne seraient plus compatibles avec les objectifs définis par les directives dont s'agit, ni édicter des dispositions réglementaires qui seraient contraires à ces objectifs »


Message édité par AllenMadison le 15-09-2011 à 18:28:39
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Posté le 15-09-2011 à 18:26:55  profilanswer
 

n°3537500
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 18:30:29  profilanswer
 

Citation :

(Assemblée 3 février 1989 Compagnie Alitalia p. 44Décision de Jurisprudence ; GAJA, 17e éd. 2009. n° 92 ; voyez pour l'illégalité du refus d'abroger un arrêté ministériel incompatible avec les objectifs d'une directive 4 juin 2008 Syndicat national des professionnels des activités nautiquesDécision de Jurisprudence), vous avez signifié que les requérants peuvent utilement invoquer l'illégalité au regard de la directive de la réglementation dont il leur a été fait application, qu'il s'agisse d'une réglementation antérieure qui aurait dû être abrogée ou modifiée ou d'une réglementation postérieure même étrangère à la transposition du texte communautaire.

 

C'est de manière fort logique qu'après vos décisions Nicolo (Assemblée, 20 octobre 1989, p. 190Décision de Jurisprudence ; D. 1990. 135Document InterRevues, note P. SabourinDocument InterRevues ; ibid. 57, chron. R. KovarDocument InterRevues ; GAJA, 17e éd. 2009. n° 93 ; GADIP, 5e éd. 2006. n° 55-56 ; Rev. crit. DIP 1990. 125, concl. P. Frydman et P. LagardeDocument InterRevues ; RTD com. 1990. 193, obs. C. DebbaschDocument InterRevues), SA Rothmans International France (Assemblée, 28 février 1992, p. 80Décision de Jurisprudence ; AJDA 1992. 210Document InterRevues, concl. M. LaroqueDocument InterRevues ; ibid. 329, chron. C. Maugüé et R. SchwartzDocument InterRevues ; D. 1992. 000Document InterRevues ; ibid. 207, chron. R. KovarDocument InterRevues ; RFDA 1992. 425, note L. DubouisDocument InterRevues ; RTD com. 1992. 600, obs. G. OrsoniDocument InterRevues ; RTD eur. 1992. 265, étude D. SimonDocument InterRevues dans laquelle vous avez jugé illégales des décisions ministérielles réglementaires prises sur le fondement de dispositions réglementaires prises en application d'une loi incompatible avec les objectifs d'une directive communautaire) et Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire et Association France nature environnement (Section, 3 décembre 1999, p. 379Décision de Jurisprudence ; AJDA 2000. 170Document InterRevues ; ibid. 120, chron. M. Guyomar et P. CollinDocument InterRevues ; D. 2000. 272Document InterRevues, note G. ToulemondeDocument InterRevues ; GAJA, 17e éd. 2009. n° 105 ; RFDA 2000. 59, concl. F. LamyDocument InterRevues ; ibid. 664, note L. FavoreuDocument InterRevues ; ibid. 668, note B. GenevoisDocument InterRevues ; ibid. 676, note D. de BéchillonDocument InterRevues ; ibid. 678, note G. CarcassonneDocument InterRevues ; RTD civ. 2000. 194, obs. R. LibchaberDocument InterRevues par laquelle vous avez censuré l'erreur de droit du ministre chargé de la chasse à s'être fondé sur des dispositions législatives incompatibles avec la directive du 2 avril 1979 pour refuser d'exercer, dans le respect des objectifs de cette directive, la compétence réglementaire qu'il tenait d'autres dispositions du code rural), vous avez étendu la faculté de faire jouer, à l'occasion de recours dirigés contre des actes individuels, l'invocabilité d'exclusion à l'encontre d'une loi dont il est soutenu, par la voie de l'exception, qu'elle serait incompatible avec les exigences d'une directive. L'invocation d'exclusion, qui traduit l'obligation d'assurer la prévalence du droit communautaire, n'est pas subordonnée au caractère précis et inconditionnel de la disposition invoquée. Ainsi que l'explique Denys Simon, dans son ouvrage « Le système juridique communautaire » : « le justiciable doit dans tous les cas, y compris si la directive communautaire confère aux Etats membres une réelle marge d'appréciation, pouvoir faire vérifier par le juge national que les autorités internes n'ont précisément pas outrepassé cette marge d'appréciation ».

 

Bien plus, vous avez jugé que le pouvoir réglementaire doit s'abstenir de prendre les mesures d'application d'une loi qui contreviendrait aux engagements internationaux de la France. Vous avez ainsi jugé, après avoir relevé que les dispositions de l'article L. 601-4 du code de la santé publique, en ce qu'elles étendent le champ d'application de la procédure simplifiée d'enregistrement au-delà des objectifs définis par la directive, sont incompatibles avec ceux-ci, qu'en ne prenant pas les mesures réglementaires destinées à permettre la mise en oeuvre de cet article, le gouvernement s'est conformé, ainsi qu'il y était tenu, aux exigences inhérentes à la hiérarchie des normes dans l'ordre juridique interne, telles qu'elles découlent de l'article 55 de la Constitution (24 février 1999, Association de patients de la médecine d'orientation anthroposophique et autres, p. 29Décision de Jurisprudence ; AJDA 1999. 823Document InterRevues, note R. RicciDocument InterRevues ; pour autant, le respect des règles de droit international ne justifie aucune modification du partage de compétence entre la loi et le règlement, 27 juillet 2006 Association « Avenir de la langue française » p. 379Décision de Jurisprudence).

 

Mais vous avez également donné corps, à l'occasion de litiges relatifs à des actes individuels, au contrôle par la voie de l'exception qu'affichaient a contrario les motifs de votre décision du 22 décembre 1978, des règles nationales d'exécution au regard des objectifs d'une directive. Votre décision Palazzi (8 juillet 1991, p. 276Décision de Jurisprudence ; AJDA 1991. 827Document InterRevues, obs. F. Julien-LaferrièreDocument InterRevues) démontre ainsi l'efficacité de l'invocabilité d'exclusion en annulant un refus de séjour comme privé de fondement légal, ce refus ayant été pris en application du décret du 28 avril 1981 dont vous avez constaté l'illégalité (pour avoir omis de prévoir des garanties comparables pour le cas des refus de renouvellement de titre de séjour) tenant à la méconnaissance des objectifs fixés par la directive du 25 février 1964.

 

Vous avez ensuite conféré à l'invocabilité d'exclusion sa plus grande extension possible. Votre décision SA Cabinet Revert et Badelon (Assemblée 30 octobre 1996 p. 397Décision de Jurisprudence ; AJDA 1996. 1044Document InterRevues ; ibid. 980, chron. D. Chauvaux et T.-X. GirardotDocument InterRevues ; RFDA 1997. 1056, concl. G. GoulardDocument InterRevues ; RTD eur. 1997. 103, chron. D. BerlinDocument InterRevues ; ibid. 171, concl. G. GoulardDocument InterRevues ; ibid. 299, chron. D. BerlinDocument InterRevues) montre que l'invocabilité d'exclusion peut jouer efficacement dans des cas où on aurait pu la croire inopérante : vous avez écarté les dispositions du code général des impôts en tant qu'elles n'exonéraient pas de TVA toutes les opérations effectuées par les courtiers d'assurance, contrairement à ce que prévoyait l'article 13 B a) de la sixième directive du 17 mai 1977 relative à l'harmonisation des législations nationales en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. Vous acceptez donc d'écarter une règle nationale en tant qu'elle n'a pas prévu une mesure qu'implique une directive dont le délai de transposition est écoulé dans l'hypothèse particulière où l'incompatibilité n'apparaît qu'en creux. Enfin, vous avez été jusqu'aux limites de l'exception d'incompatibilité en admettant de la faire jouer même en l'absence de texte (6 février 1998 Assemblée Tête p. 30Décision de Jurisprudence ; AJDA 1998. 458Document InterRevues ; ibid. 403, chron. F. Raynaud et P. FombeurDocument InterRevues ; D. 1998. 76Document InterRevues ; RDI 1998. 225, obs. J.-B. Auby et C. MaugüéDocument InterRevues ; ibid. 240, obs. F. Llorens et P. TerneyreDocument InterRevues ; RFDA 1998. 407, concl. H. SavoieDocument InterRevues ; RTD com. 1998. 584, obs. G. OrsoniDocument InterRevues) en jugeant qu'aucune règle, même non écrite, ne peut s'appliquer si elle méconnaît les objectifs d'une directive. Dans cette affaire, la réglementation nationale qui avait servi de fondement à la délibération attaquée n'était issue ni d'une loi ni d'un décret mais avait été dégagée par voie prétorienne. Nous partageons l'analyse des chroniqueurs de l'AJDA (F. Raynaud et P. Fombeur 1998 p. 403, préc.) qui, après avoir relevé que l'Assemblée avait, à l'invitation d'H. Savoie, « accepté de faire jouer l'exception d'incompatibilité à l'égard de règles jurisprudentielles », en déduisaient que « la jurisprudence qui s'est développée depuis vingt ans s'est efforcée, en utilisant au maximum toutes les ressources de l'exception d'incompatibilité, d'assurer, en toute hypothèse, l'effectivité du droit communautaire ». Si vous avez maintenu, jusqu'à présent, le cadre conceptuel de la jurisprudence Cohn-Bendit, vous avez su solliciter toutes les ressources de la technique juridique, pour assurer, au moyen de l'invocabilité d'exclusion, dans toute la mesure du possible l'effectivité du droit communautaire (V. pour une autre illustration Section, 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont-de-Barr, service des eaux et de l'assainissement du Bas-Rhin, p. 201Décision de Jurisprudence ; AJDA 1998. 632Document InterRevues ; ibid. 553, chron. F. Raynaud et P. FombeurDocument InterRevues ; D. 1998. 183Document InterRevues ; RDI 1998. 357, obs. F. Llorens et P. TerneyreDocument InterRevues ; RFDA 1998. 609, concl. H. SavoieDocument InterRevues).

 

S'agissant de l'invocabilité « d'exclusion », votre jurisprudence ne se trouve donc, en aucune mesure, en délicatesse avec celle de la Cour de Luxembourg.

 

Tout autrement se présente encore la question de l'invocabilité de « substitution » qui constitue un mode de « justiciabilité renforcée » (selon Denys Simon, « [...] les normes auxquelles est reconnu un effet direct jouissent d'une justiciabilité renforcée qui correspond à leur applicabilité substitutive »).

 

Pour sa part, la CJCE, tout en réaffirmant le principe selon lequel, dans certaines conditions, les juridictions nationales sont tenues de procéder à l'application immédiate et directe d'une norme communautaire aux lieux et places du droit national défaillant, a consenti à d'importantes évolutions jurisprudentielles.

 

A partir de 1979, elle a en effet développé une conception plus restrictive de l'effet direct des directives. Sans doute la Cour n'est elle pas restée sourde aux réserves que vous aviez exprimées avec force. L'arrêt Ministère public c/ Ratti du 5 avril 1979 apporte des précisions importantes sur les conditions auxquelles est subordonnée l'invocabilité d'une directive. Après avoir rappelé les considérations de principe de la jurisprudence Van Duyn, la Cour ajoute « qu'en conséquence l'Etat membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par la directive, ne peut opposer aux particuliers le non accomplissement, par lui-même, des obligations qu'elle comporte » et en déduit « qu'il en résulte qu'une juridiction nationale saisie par un justiciable qui s'est conformé aux dispositions d'une directive, d'une demande tendant à écarter une disposition nationale incompatible avec ladite directive non introduite dans l'ordre juridique interne d'un Etat défaillant, doit faire droit à cette demande si l'obligation en cause est inconditionnelle et suffisamment précise ». L'arrêt Auer du 22 septembre 1983 comporte des développements fort explicites : « les dispositions de la directive [...] entraînent pour chaque Etat membre des obligations claires, complètes, précises et inconditionnelles ne laissant pas de place pour des appréciations discrétionnaires. Dans ces conditions [...], un particulier peut se prévaloir devant le juge national des dispositions d'une directive communautaire non ou incomplètement exécutée par l'Etat membre concerné ». Ainsi que l'analysent Y. Galmot et J.C. Bonichot, dans leur article précité : « la Cour manifeste ainsi son intention de bien distinguer les effets des directives sur ceux des règlements en marquant bien le caractère accidentel et même pathologique de l'application directe des premières ».

 

Le refus d'opérer un alignement des directives sur les règlements est très clairement affirmé par l'avocat général Reischl, dans ses conclusions sur la décision Ratti : « [...] il est certainement inapproprié de parler d'une applicabilité directe. Ce terme n'est utilisé dans l'article 189 du traité que pour les règlements, c'est-à-dire pour la législation communautaire directe qui peut également créer des rapports juridiques entre les particuliers. Mais les directives qui n'engendrent des obligations que pour les Etats membres se distinguent clairement des règlements [...] On ne peut donc en aucun cas affirmer que les directives peuvent également avoir le contenu et les effets d'un règlement ; les directives peuvent en revanche produire tout au plus des effets analogues [...] L'essentiel de cet effet consiste dans certains cas, qui constituent cependant plutôt l'exception, en ce que les Etats membres qui n'exécutent pas les obligations que la directive leur impose se voient retirer la possibilité d'invoquer la situation juridique nationale qui apparaît comme illégale au regard du droit communautaire, c'est-à-dire que des particuliers obtiennent le droit de se prévaloir de la directive à l'égard de l'Etat défaillant et d'en tirer des droits dont les juridictions nationales doivent tenir compte. A vrai dire, il conviendrait donc de ne parler dans de tels cas -et cela a toujours été fait dans la jurisprudence- que d'un effet direct des directives ».

 

Le mécanisme de l'invocabilité de substitution est donc subordonné à deux conditions cumulatives : l'inexécution de la directive, d'une part, et le contenu inconditionnel et suffisamment précis de la directive, de l'autre. La première condition renvoie à une défaillance de l'Etat membre. De ce point de vue, « l'effet direct est une sanction de l'inertie de l'Etat qui permet au droit communautaire de ne pas rester lettre morte » comme l'expliquent Y. Galmot et J. C. Bonichot. Comme le marque très clairement l'arrêt Ratti précité, « ce n'est qu'au terme de la période fixée [pour la transposition] et en cas de défaillance de l'Etat membre » (§43) que peut éventuellement jouer l'effet de substitution : « tant que cette échéance n'est pas atteinte, les Etats membres restent libres en la matière » (§44). La seconde condition rend la substitution techniquement possible. Si la directive reconnaît aux Etats un pouvoir d'appréciation pour assurer sa mise en oeuvre, la substitution est exclue. Ainsi que le relèvent Y. Galmot et J. C. Bonichot : « ces deux conditions d'inconditionnalité et précision peuvent être distinguées bien qu'elles procèdent, en fin de compte, de la même idée : une directive ne peut être substituée au droit national que dans la mesure où aucun doute ne subsiste sur le contenu des règles devant résulter de l'opération de « législation à deux étages » que constitue le mécanisme du 3ème alinéa de l'article 189. En, effet, c'est seulement dans ce cas que l'on peut opposer à l'Etat une obligation précise qu'il n'a pas respectée ».

 

Ces trente dernières années ont en outre permis à la CJCE de limiter les conséquences juridiques de l'effet direct des directives à tel point que l'on peut parler d'applicabilité directe partielle, contrairement à celle du règlement qui est pleine et entière. La Cour a ainsi exclu qu'une directive puisse, par elle-même, créer des obligations dans le chef d'un particulier (26 février 1986 Marshall ; 14 juillet 1994 Facini Dori) : les directives, qui ne peuvent être appliquées que dans les rapports entre l'Etat (même si la Cour de Luxembourg retient une acception très large de la notion d'Etat) et les particuliers, sont, par nature, dépourvues d'effet horizontal. Mais la Cour a également exclu qu'un Etat membre puisse se prévaloir, à l'encontre d'un particulier, d'une directive qu'il n'aurait pas transposée : « l'Etat membre qui n'a pas pris dans les délais les mesures d'exécution imposées par la directive ne peut opposer aux particuliers le non accomplissement par lui-même des obligations qu'elle comporte » (5 juillet 1979 Ministère public c/ Ratti précité). Votre jurisprudence est dans le même sens : les directives sont dépourvus d'effet vertical descendant (Section, 23 juin 1995, SA Lilly France, p. 257Décision de Jurisprudence ; AJDA 1995. 570Document InterRevues ; ibid. 496, chron. J.-H. Stahl et D. ChauvauxDocument InterRevues ; RFDA 1995. 1037, concl. C. MaugüéDocument InterRevues ; RDSS 1997. 73, obs. J.-M. Auby et G. VialaDocument InterRevues). Ces limites à l'invocabilité des directives découlent de leur nature même : ainsi que l'explique le juge Pierre Pescatore, dans son article « L'effet des directives communautaires : une tentative de démythification Dalloz 1980) : « les directives peuvent être invoquées en justice par les particuliers parce qu'elles sont obligatoires pour les Etats membres et en tant que reflet de cette obligation. C'est certainement beaucoup moins que l'applicabilité directe des règlements qui sont des actes de législation objectifs, invocables en tant que tels dans tous les rapports juridiques susceptibles d'être déférés en justice. Les directives par contre ne peuvent être invoquées judiciairement qu'à l'égard de celui qu'elles concernent, à savoir l'Etat, en tant que corollaire de l'obligation qu'elles lui imposent ».

 

De cette fresque jurisprudentielle, on peut donc déduire (avec Bruno Genevois, dans son article précité) que le désaccord qui subsiste entre votre jurisprudence et celle de la Cour de Luxembourg ne porte que sur votre refus de confronter directement un acte administratif non réglementaire aux dispositions précises et inconditionnelles d'une directive non encore transposée. Vous avez en effet transposé la jurisprudence Cohn-Bendit aux décisions d'espèce qui ne sont ni individuelles ni réglementaires tels les actes déclaratifs d'utilité publique (13 décembre 1985, Zakine, p. 447Décision de Jurisprudence ; 7 mars 1994, Association pour le tracé ouest du contournement routier de Carling, p. 114Décision de Jurisprudence ; D. 1995. 379Document InterRevues, obs. P. BonDocument InterRevues ; RDI 1994. 639, obs. B. du Marais et C. MorelDocument InterRevues). La divergence de jurisprudence ne concerne donc que l'effet vertical ascendant des directives.

 

La présente affaire nous conduit à vous proposer de mettre un terme à ce désaccord de principe. Si le contexte y incite, ce sont trois séries de considérations tenant respectivement à l'existence de nouvelles circonstances de droit, à l'évolution de votre propre office et à l'efficacité inégalable de l'invocabilité de « substitution » qui fondent notre conviction.

 

Le contexte actuel incite, il est vrai, à une évolution de votre jurisprudence. S'agissant de l'application du traité, nous croyons nécessaire, comme nous vous l'avons déjà dit, de nous intéresser non seulement à la jurisprudence de celle qui en constitue le gardien naturel mais également aux solutions retenues par les juridictions suprêmes des autres Etats de l'Union européenne, pratiquant ce faisant ce que l'on pourrait qualifier, pour emprunter à la terminologie de la Cour de Luxembourg, de dialogue des juges « horizontal ». Il est frappant de relever que toutes les cours européennes dont nous avons étudié la jurisprudence se sont progressivement alignées sur la position de la Cour de Luxembourg et ont admis l'effet direct vertical ascendant des directives.

 

Après une position initialement réfractaire, la jurisprudence allemande a fini par reconnaître qu'une directive communautaire non transposée à temps est directement invocable par les particuliers à l'encontre de l'État. La cour fédérale financière (Bundesfinanzhof) a ainsi dénié tout effet direct aux directives par un arrêt du 16 juillet 1981 (Bundesfinanzhof arrêt du 16 juillet 1981, publiée RTDE, 1981, p. 779, note Autexier). Elle a ensuite confirmé cette position en refusant de se conformer à une réponse donnée par la Cour de Luxembourg à une question préjudicielle dans la même affaire (23 avril 1985, Kloppenburg). Cette position a été infirmée par la Cour constitutionnelle fédérale (Bundesverfassungsgericht, 2° Senat, 8 avril 1987 ; Faust, S., « BGB § 433, b) Unmittelbare Wirkung », in Bamberger, M. / Roth, H. (dir.), Beck'scher Online-Kommentar, 13ème éd., 2007, Rn. 5 - 6.1) La Cour de Karlsruhe s'est fondée sur l'article 101 de la loi fondamentale selon lequel nul ne doit être privé de son « juge légal ». Elle a jugé que la jurisprudence de la CJCE « sanctionne de façon efficace l'obligation de l'Etat membre au titre de la directive, d'une façon en tout état de cause conforme aux principes de l'Etat de droit ». Mais, ainsi que l'expliquent les auteurs du GAJA : « avant d'aboutir à cette conclusion, le juge constitutionnel allemand s'est reconnu le pouvoir de vérifier que l'évolution de la Communauté et en particulier la jurisprudence de la Cour de Justice restait dans les limites du transfert de souveraineté tel que l'a accepté la RFA en ratifiant les traités européens. En l'espèce, la Cour Constitutionnelle a estimé que la jurisprudence de la Cour de Justice sur les directives n'était pas insoutenable au regard de l'article 189 du traité de Rome et n'allait pas au-delà de ce qui est admissible au regard de la loi qui en a autorisé la ratification ».

 

En Belgique, les deux ordres de juridiction se conforment à la jurisprudence de la CJCE en matière d'effet direct vertical des directives communautaires. Par un arrêt du 5 décembre 1994, (Cour de cassation, arrêt S940003N du 5 décembre 1994) la Cour de Cassation rappelle ainsi « qu'en vertu de l'article 189 du Traité CEE, la directive, pour autant qu'elle soit inconditionnelle et suffisamment précise, a un effet direct vertical ; que les particuliers peuvent invoquer les dispositions d'une telle directive à l'égard de l'Etat membre qui n'a pas ou pas totalement inséré une telle directive dans son droit national au cours de la période prescrite ou qui l'a insérée de manière erronée ». La jurisprudence du Conseil d'Etat est similaire (V. par exemple arrêt n° 139465 du 18 janvier 2005, L'Erablière c/ Région Wallonne).

 

Le tribunal suprême espagnol, tant dans sa formation civile qu'administrative, reconnaît l'effet direct vertical des directives communautaires (V. Tribunal Supremo Chambre sociale 13 juillet 1991 qui expose de façon très didactique, avant de l'appliquer, la jurisprudence de la CJCE ; V., par exemple, Tribunal Supremo (Sala de lo Civil), décision du 5 juillet 1997, RJ\1997\6151 ; Tribunal Supremo, Sala de lo Civil, décision du 20 février 1998, RJ\1998\604 ; Tribunal Supremo, Sala de lo Contencioso-Administrativo, décision du 12 décembre 2002, RJ\2003\36 ; Tribunal Supremo, Sala de lo Civil, décision du 27 mars 2009, JUR\2009\169539).

 

Les solutions retenues en Grèce (Conseil d'Etat 25 mai 1989) comme au Portugal (Conseil d'Etat 1er avril 1993 (le Conseil d'Etat portugais, devenu depuis 2002 Tribunal administratif suprême, y juge que : « les directives produisent des effets directs verticaux, ce qui impose aux cours et tribunaux des Etats membres concernés de les prendre en compte en tant que droit communautaire lorsque les dispositions qu'elles contiennent sont claires, précises, inconditionnelles, complètes et juridiquement parfaites créant pour les particuliers des droits subjectifs et même si, après l'expiration du délai prévu pour leur mise en oeuvre, l'Etat membre concerné s'est abstenu de les transposer en droit interne national ou a effectué une transposition incorrecte ou incomplète ») sont identiques.

 

Les Etats de tradition dualiste ont évolué dans le même sens.

 

Par un arrêt du 18 avril 1991, la Chambre des Lords a fait sienne la jurisprudence de la CJCE en matière d'effet direct des directives, citant notamment l'arrêt Marshall à l'appui de leur raisonnement (Foster v. British Gas Plc (HL) [1991] 2 A.C. 306) Notons que les Law Lords avaient au préalable saisi la CJCE d'un recours préjudiciel, sur l'étendue de la notion d'Etat pour les besoins de la mise en oeuvre de l'effet direct vertical des directives. Ainsi que l'explique Catherine Haguenau, dans son ouvrage « L'application effective du droit communautaire en droit interne. Analyse comparative des problèmes rencontrés en droit français, anglais et allemand », la jurisprudence communautaire relative à l'effet direct vertical a eu une incidence significative mais limitée sur le droit anglais (à la suite de la jurisprudence Foster, plusieurs cours d'appel - Rolls-Royce PLC v. Doughty (C.A.) [1992] 1 C.M.L.R. 10 - ont fait application de l'effet direct vertical des directives ; notons en particulier un arrêt de cour d'appel - N.U.T. v. St. Mary's School (C.A.) [1997] 3 C.M.L.R. 630 - rédigé par Juge Schiemann, actuel juge britannique à la CJC) : « la jurisprudence anglaise appliquant la définition communautaire de l'Etat semble exemplaire des modifications apportées au droit anglais par le droit communautaire et de la bonne volonté des juges britanniques. L'Etat est désormais défini juridiquement outre-manche même dans un domaine restreint, celui de l'effet direct des directives ».

 

En Italie, au refus initial, tant de la Cour de Cassation (7 octobre 1981, Ministre des finances c/ Société Cartiere Timavo) que du Conseil d'Etat (5 mai 1980, Société Helen Curtis et Unipro c/ Ministre de la santé, Rec. 639), a succédé un arrêt du 14 avril 2008 (Consiglio Stato, section VI, arrêt du 14 avril 2008, n° 1596). Ces solutions s'appuient notamment sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Celui-ci a reconnu entre autres : le devoir du juge national de ne pas appliquer une norme de droit interne incompatible avec le droit communautaire; le devoir qui s'impose non seulement au juge, mais aussi à l'administration publique de se conformer au droit communautaire et le fait que les directives bénéficient de l'effet direct à l'encontre de l'État dès lors qu'elles contiennent des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises) par lequel le Conseil d'Etat, en se fondant expressément sur la jurisprudence de la CJCE, a admis que « une fois expiré le délai de transposition de la directive sans que l'Etat n'ait nullement procédé à sa mise en oeuvre, il faut donner à la disposition [...] qui est suffisamment précise et inconditionnelle, un effet direct vertical susceptible d'être invoqué par l'individu contre une autorité publique, tout en excluant l'effet horizontal entre particuliers ».

 

De l'ensemble de ces juridictions européennes résonne désormais l'écho fidèle de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg.

 

Si l'on quitte la scène européenne pour retrouver la France, le constat est le même. La Cour de cassation admet l'effet direct vertical ascendant de certaines dispositions de directives non transposées (notamment Civ. 1re, 23 nov. 2004, n° 03-10.636, D. 2005. 108, obs. V. Avena-RobardetDocument InterRevues, Bull. 2004 I. n° 280 s'agissant de la directive du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice de la profession d'avocat dans un Etat membre autre que celui où la qualification a été acquise ; Commerciale 7 juin 2006 n° 03-15.118 Bull. civ. 2006 IV n° 136). Elle refuse, en toute logique, d'appliquer les dispositions invoquées lorsque la directive laisse une marge d'appréciation aux Etats membres (2e civ. 3 avril 2003 01-21266 Bull. civ. 2003 II n° 101 s'agissant de la directive du 5 avril 1993 dont la Cour relève qu'elle « n'affecte pas la compétence des Etats membres d'organiser leur régime national de sécurité sociale »). Enfin, la Cour de cassation dénie aux directives tout effet direct horizontal (Comm. 27 février 1996, n° 94-14141 Bull. civ. 1996 IV n° 64 : « selon l'article 189 du Traité, le caractère contraignant d'une directive sur lequel est fondée la possibilité d'invoquer celle-ci devant une juridiction nationale n'existe qu'à l'égard de tout Etat membre destinataire et il s'ensuit qu'une directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligations dans le chef, d'un particulier et qu'une disposition d'une directive ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à l'encontre d'une telle personne »).

 

Il est des isolements splendides ; d'autres sont pathétiques. Le vôtre, sur la question qui nous intéresse aujourd'hui, échappe à ces deux qualificatifs. Mais il est pour le moins préoccupant. Lorsqu'une règle commune a vocation à être appliquée par de nombreuses juridictions, un consensus jurisprudentiel n'est jamais anodin. Celui qui existe aujourd'hui en Europe sur la question de l'effet direct des directives révèle la nécessité que vous vous interrogiez sur la pérennité de la solution que vous avez retenue le 22 décembre 1978. Mais il n'emporte pas à lui-seul la solution, l'air du temps, même lorsqu'il émane du concert des juridictions européennes, ne valant jamais argument de droit.

 

Nous sommes en effet convaincu, indépendamment de ces éléments de contexte, que le temps est venu d'abandonner la jurisprudence Cohn-Bendit. Comme nous vous l'avons dit, trois séries de raisons nous en convainquent.

 

La première tient à l'existence de nouvelles circonstances de droit qui modifient sensiblement le cadre dans lequel se pose la question de l'invocabilité des directives. Ces circonstances relèvent à la fois de l'ordre communautaire et de l'ordre interne.

 

Dans l'ordre juridique communautaire, il n'est pas exagéré d'affirmer que les Etats membres doivent être regardés comme ayant tacitement accepté la jurisprudence de la Cour de Justice. S'ils avaient souhaité faire échec à une interprétation praeter legem de l'article 189 du traité, les Etats européens auraient pu saisir l'occasion des traités de Maastricht, d'Amsterdam ou de Nice pour marbrer dans la lettre du droit primaire l'absence totale d'effet direct des directives. Il n'en a rien été, y compris à l'occasion de la renumérotation de l'article 189 devenu article 249 du TCE. Or, nous relevons que lorsqu'ils ont défini de nouvelles catégories d'actes adoptés dans le cadre des piliers non communautaires, les auteurs des traités ont pris le soin de définir expressément les limites de leurs effets juridiques. Dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, l'article 34 (ex article K3 (lequel comportait une autre nomenclature : positions communes, actions communes et conventions)) du TUE définit les différentes mesures que les Etats peuvent prendre pour favoriser la coopération au sein du troisième pilier : il s'agit des positions communes, des décisions-cadres et des décisions. La définition des décisions-cadres (cette catégorie a été instituée par le Traité d'Amsterdam) telle qu'elle figure au b) du 2 de cet article 34 révèle l'analogie qui existe entre celles-ci et les directives : « les décisions-cadres lient les Etats-membres quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Mais le b) comporte une ultime précision selon laquelle : « elles ne peuvent entraîner d'effet direct » (la même restriction figure au c) s'agissant des décisions). Les Etats membres ont ainsi souhaité clairement faire obstacle, s'agissant des compétences non communautarisées, à la possible transposition de l'interprétation qui avait prévalu dans le domaine communautaire. Mais, qu'il s'agisse de la traduction d'une résignation face au « droit accompli » ou d'une réelle adhésion aux constructions de la Cour, le silence des auteurs du traité d'Amsterdam en ce qui concerne les directives s'interprète, a contrario, comme une « approbation tacite » (pour reprendre les termes de Marcel Waline, dans son article sur « Le pouvoir normatif de la jurisprudence » qui décrit ainsi l'hypothèse d'une « réception implicite de la règle jurisprudentielle par le législateur » : « l'absence complète de réaction de ceux qui avaient l'initiative des lois signifie que l'interprétation du droit objectif donné par la jurisprudence ne leur a pas paru choquante ou, si l'on veut, suffisamment choquante pour justifier une réaction »). Le traité modificatif adopté au sommet de Lisbonne (dans lequel ne figurent plus les décisions cadres) conforte notre position. Le traité constitutionnel avait envisagé de substituer une nouvelle classification des actes juridiques de l'Union (V. infra les termes de l'article I-33 de ce traité) : lois européennes, lois-cadres européennes, règlements européennes et décisions européennes. Cette innovation a été abandonnée dans le Traité de Lisbonne qui conserve, au futur article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union, l'actuelle nomenclature des actes juridiques. L'article 289 introduit néanmoins une nouvelle distinction entre actes législatifs et non actes non législatifs (V. sur ce point l'article de Jérôme Roux : « Les actes : un désordre ordonné ? » Europe n° 7 juillet 2008). Notons que, de même que, s'agissant des lois-cadres qui correspondaient aux directives, le constituant s'était abstenu de toute précision sur leur effet direct ou absence d'effet direct, le traité de Lisbonne est muet sur ce point. De l'absence de toute réaction contraire des Etats membres, on peut donc déduire que l'interprétation donnée par la jurisprudence de la Cour de justice s'est incorporée à la lettre de l'article 249 du traité.

 

De nouvelles circonstances de droit sont également survenues dans notre ordre juridique national.

 

L'obligation de transposition des directives dans l'ordre juridique interne (cette obligation de faire se traduit, sauf dans les hypothèses « d'harmonie préétablie », par une obligation positive (adopter les règles nécessaires à la réalisation des objectifs de la directive) et une obligation négative (modifier le droit national incompatible avec ces objectifs)) découle à la fois des dispositions de l'article 249 du TCE et de l'article 10 du même traité aux termes duquel : « Les Etats membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté ».

 

Mais il s'agit désormais aussi d'une obligation constitutionnelle en vertu de l'article 88-1 de la Constitution aux termes duquel : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences ». Par sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 (loi pour la confiance dans l'économie numérique, AJDA 2004. 1534Document InterRevues, note J. Arrighi de CasanovaDocument InterRevues ; ibid. 1937Document InterRevues ; ibid. 1385, étude P. CassiaDocument InterRevues ; ibid. 1497, étude M. VerpeauxDocument InterRevues ; ibid. 1537, note M. Gautier et F. MellerayDocument InterRevues, note D. ChamussyDocument InterRevues ; ibid. 2261, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. LambertDocument InterRevues ; D. 2005. 199Document InterRevues, note S. MoutonDocument InterRevues ; ibid. 2004. 1739, chron. B. MathieuDocument InterRevues ; ibid. 3089, chron. D. BailleulDocument InterRevues ; ibid. 2005. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. SeverinoDocument InterRevues ; RFDA 2004. 651, note B. GenevoisDocument InterRevues ; ibid. 2005. 465, étude P. CassiaDocument InterRevues ; RTD civ. 2004. 605, obs. R. Encinas de MunagorriDocument InterRevues ; RTD eur. 2004. 583, note J.-P. KovarDocument InterRevues ; ibid. 2005. 597, étude E. SalesDocument InterRevues), le Conseil constitutionnel, se fondant sur cette disposition issue de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, a jugé que « la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu'en raison d'une disposition expresse contraire de la Constitution ». Cette solution a été réaffirmée et précisée notamment par la décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 (D. 2006. 2157, chron. C. Castets-RenardDocument InterRevues ; ibid. 2878, chron. X. MagnonDocument InterRevues ; ibid. 2007. 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. SeverinoDocument InterRevues ; RTD civ. 2006. 791, obs. T. RevetDocument InterRevues ; ibid. 2007. 80, obs. R. Encinas de MunagorriDocument InterRevues ; le Conseil constitutionnel y modifie la formulation de la « réserve de constitutionnalité » en énonçant « que la transposition d'une directive ne saurait aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti » ; loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information). Selon le Conseil constitutionnel, l'article 88-1 exprime la reconnaissance par le Constituant à la fois de l'acquis communautaire et de la valeur constitutionnelle de la participation de la France à la construction européenne. Pour reprendre les termes du professeur Xavier Magnon (dans son étude : « Le chemin communautaire du Conseil constitutionnel : entre ombre et lumière, principe et conséquence de la spécificité constitutionnelle du droit communautaire » in Jurisclasseur Europe Août-septembre 2004 p. ), le droit communautaire dérivé est désormais placé « sous la couverture constitutionnelle de l'article 88-1 de la Constitution ». Vous avez jugé à votre tour, par la décision Société Arcelor Atlantique et Lorraine (Assemblée 8 février 2007 p. 55Décision de Jurisprudence ; AJDA 2007. 577Document InterRevues, chron. F. Lenica et J. BoucherDocument InterRevues ; ibid. 1097, tribune P. CassiaDocument InterRevues ; D. 2007. 2272Document InterRevues, note M. VerpeauxDocument InterRevues ; ibid. 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. SeverinoDocument InterRevues ; ibid. 2742, chron. P. DeumierDocument InterRevues ; GAJA, 17e éd. 2009. n° 116 ; Mélanges Genevois 2008. 473, étude E. Glaser ; RDI 2007. 130, obs. L. FonbaustierDocument InterRevues ; RFDA 2007. 384, concl. M. GuyomarDocument InterRevues ; ibid. 564, note A. LevadeDocument InterRevues ; ibid. 578, note X. MagnonDocument InterRevues ; ibid. 596, chron. T. Rambaud et A. Roblot-TroizierDocument InterRevues ; ibid. 789, note M. Canedo-ParisDocument InterRevues ; Constitutions 2010. 58, obs. A. LevadeDocument InterRevues ; RTD civ. 2007. 299, obs. P. Remy-CorlayDocument InterRevues ; RTD eur. 2007. 378, note P. CassiaDocument InterRevues ; ibid. 2008. 835, chron. D. Ritleng, A. Bouveresse et J.-P. KovarDocument InterRevues), que découle des dispositions de l'article 88-1 de la Constitution une obligation constitutionnelle de transposition des directives, rehaussant par là même la force juridique de ces dernières. L'ancrage constitutionnel de l'obligation de l'Etat d'assurer la complète réception des règles posées par une directive, sous la réserve de leur constitutionnalité, dissipe la crainte, que vous pouviez nourrir en 1978, que votre contribution à leur plein effet conduise à un affaiblissement de notre souveraineté juridique.

 

C'est donc à l'aune de cette double obligation, communautaire et constitutionnelle, qu'il convient d'apprécier les conséquences à tirer d'une carence de l'Etat dans la transposition d'une directive. Et pour ce faire, il n'est pas insignifiant de relever que les Etats membres n'ont pas souhaité remettre en cause l'équilibre défini, de manière prétorienne, par la Cour de Luxembourg.

 

Parallèlement et, dans une certaine mesure, consécutivement à la survenance de ces nouvelles circonstances de droit, votre office -et plus précisément la conception que vous vous faites de votre propre rôle dans l'application du droit communautaire- a notablement évolué.

 

Nous ne saurions mieux dire que Bruno Genevois lorsqu'il affirme, dans son étude précitée à la RFDA, que « le Conseil d'Etat a abandonné son appréhension hexagonale du Traité de Rome au profit d'une vision communautaire ». Outre les évolutions jurisprudentielles dont nous nous sommes fait l'écho, en témoigne votre pratique du renvoi préjudiciel, désormais en parfaite harmonie avec les arrêts de la CJCE CILFIT du 6 octobre 1982 et Foto-Frost du 22 octobre 1987 - et tout particulièrement votre décision Société De Groot en Slot Allium B. V. et autre (Assemblée, 11 décembre 2006, p. 512Décision de Jurisprudence ; AJDA 2007. 136Document InterRevues, chron. C. Landais et F. LenicaDocument InterRevues ; D. 2007. 994Document InterRevues, note O. SteckDocument InterRevues ; RFDA 2007. 372, concl. F. SénersDocument InterRevues ; RTD civ. 2007. 299, obs. P. Remy-CorlayDocument InterRevues ; RTD eur. 2007. 473, étude F. DieuDocument InterRevues) par laquelle, abandonnant votre décision ONIC (Section, 26 juillet 1985, p. 233Décision de Jurisprudence), vous avez jugé « qu'alors même qu'elle ne faisait pas l'objet du renvoi préjudiciel, l'interprétation du traité et des actes communautaires que la Cour était compétente pour donner en vertu du a et du b de l'article 234 du TCE s'impose au Conseil d'Etat ». Ayant pris toute la mesure de votre fonction de juge communautaire de droit commun, vous n'hésitez plus à conférer leur pleine portée aux procédures institutionnalisées de coopération.

 

Votre décision Gestas (18 juin 2008, p. 230Décision de Jurisprudence ; AJDA 2008. 1237Document InterRevues ; RFDA 2008. 755, concl. C. de SalinsDocument InterRevues ; ibid. 1178, note D. PouyaudDocument InterRevues) constitue une autre illustration de la complète assimilation de la responsabilité qui vous incombe dans le respect de la règle communautaire et la garantie de son application uniforme. Après avoir rappelé que l'autorité qui s'attache à la chose jugée s'oppose à la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique dans les cas où la faute lourde alléguée résulterait du contenu même de la décision juridictionnelle et où cette décision serait devenue définitive (Assemblée 29 décembre 1978 Darmont p. 542Décision de Jurisprudence), vous avez fait exception à cette règle () en admettant que la responsabilité de l'Etat puisse être engagée dans le cas où le contenu de la décision juridictionnelle est entachée d'une violation manifeste du droit communautaire ayant pour objet de conférer des droits à des particuliers. Cette solution souligne la part que vous prenez désormais dans la protection des droits subjectifs des ressortissants communautaires.

 

Enfin, vos décisions Arcelor et Conseil National des barreaux (10 avr. 2008, n° 296845Décision de Jurisprudence ; AJDA 2008. 730Document InterRevues ; ibid. 1085Document InterRevues, chron. J. Boucher et B. Bourgeois-MachureauDocument InterRevues ; D. 2008. 2322, et les obs.Document InterRevues, note C. CutajarDocument InterRevues ; ibid. 1047 et les obs.Document InterRevues ; ibid. 1573, obs. C. MascalaDocument InterRevues ; RFDA 2008. 575, concl. M. GuyomarDocument InterRevues ; ibid. 711, obs. H. Labayle et R. MehdiDocument InterRevues ; RTD civ. 2008. 444, obs. P. DeumierDocument InterRevues) qui définissent respectivement les modes de contrôle de la constitutionnalité et de la conventionnalité des directives, reflètent, de manière emblématique, le rôle que vous tenez dans l'interprétation et l'application des règles qui composent l'espace juridique européen.

 

A notre sens, ces évolutions conduisent naturellement à ce que vous modifiiez le fondement théorique de la réponse à apporter à la question de l'effet direct des directives.

 

Il y a trente ans, vous avez appréhendé cette question du point de vue de la répartition des compétences entre les institutions communautaires et les Etats membres. De ce point de vue, il était cohérent de clairement marquer la distinction entre les règlements et les directives, les premiers correspondant aux domaines de compétences transférées tandis que les secondes constituent des instruments d'harmonisation des règlementations nationales dans les secteurs de compétence encadrées ou coordonnées. Dépositaires scrupuleux de la lettre du traité, vous étiez, par là même, gardiens des souverainetés nationales. On peut également y déceler, ainsi que le fait Yannick Galland une « autolimitation du juge administratif face aux directives communautaires » (pour reprendre le titre de son article paru à l'AJDA 2002 p. 725Document InterRevues) : si « le juge administratif entend se limiter à sanctionner l'inobservation par les autorités nationales des normes communautaires adoptées par la voie de directives », c'est parce qu'il « refuse d'effectuer la transposition des directives en lieu et place des autorités nationales et plus généralement évite d'avoir à choisir l'une des interprétations possibles des directives afin de ne pas gêner l'action des détenteurs des pouvoirs législatif et réglementaire ». Cette position de principe était historiquement justifiée, tant au regard du contexte politique que des dérives qu'étaient alors susceptibles d'entraîner des constructions jurisprudentielles aux limites encore insuffisamment marquées. Votre refus éclatant de suivre la Cour de Luxembourg a été fructueux dans la mesure où il conduit cette dernière à préciser, autour de la figure de l'invocabilité de substitution, dans quelles conditions une directive non transposée pouvait engendrer un effet direct.

 

Le fait d'assumer pleinement votre office de juge communautaire (cette mutation est décrite lumineusement par Robert Lecourt, dans son ouvrage « L'Europe des juges » (Bruylant 1976) : « Formé essentiellement aux disciplines du droit interne, pénétré d'une culture principalement puisé aux sources nationales, tenu le plus souvent éloigné par ses fonctions des relations internationales, légitimement soucieux de la jurisprudence de son propre corps judiciaire, il lui fallait, pour devenir juge communautaire dans l'ordre national, tout à la fois se reconvertir à une tâche toute nouvelle hors de ses préoccupations habituelles, se tenir informé et se pénétrer d'un droit nouveau, admettre l'existence d'une nouvelle juridiction régulatrice dont relèveraient ses décisions communautaires et découvrir ces cheminements à travers des litiges qui le contraignaient à décliner l'autorité de son propre droit au profit d'une règle de droit supérieur ») appelle un renversement de perspective. Il nous semble qu'aujourd'hui, la question de la justiciabilité des directives ne doit plus être posée seulement en termes de distribution des pouvoirs mais aussi d'allocations des droits.

 

A vous en tenir au seul débiteur de l'obligation, à savoir l'Etat membre, il était logique de juger que les directives sont dépourvues d'effet vertical ascendant : si l'on considère que les directives s'adressent aux seuls Etats et ne fait obligation qu'à eux, il s'ensuit que les particuliers ne sont pas les sujets de la règle de droit et n'ont pas vocation à se la voir immédiatement appliquer. Ainsi que l'explique Christine Maugüé, dans ses conclusions sur votre décision précitée SA Lilly France : « si les directives sont susceptibles de produire des effets en droit interne, ce n'est pas, selon vous, parce qu'elles engendrent directement des droits en faveur des particuliers, à l'instar des accords internationaux auxquels vous reconnaissez un effet direct. La logique de votre raisonnement est autre : vous considérez que l'article 189 du Traité de Rome impose aux autorités nationales d'adapter la réglementation et la législation nationales aux directives et c'est l'absence de respect de cette obligation que vous censurez en faisant produire des effets aux directives à l'encontre des lois et règlements ».

 

Mais tout change si vous vous placez du point de vue des titulaires des droits. Il s'agit de l'approche retenue, depuis l'origine, par la Cour de Luxembourg et tout vous conduit à la faire vôtre aujourd'hui, afin d'assurer le plus efficacement possible le plein respect des règles communautaires. Cette approche repose sur la spécificité de la construction communautaire dont les mécanismes affectent non seulement les Etats mais aussi leurs ressortissants, sur l'idée même de Communauté dont l'existence dépend autant sinon plus des citoyens justiciables que des autorités nationales. C'est cette idée que formule, en des termes évocateurs, l'arrêt Van Gend en Loos du 5 février 1963 en rappelant que les sujets de ce « nouvel ordre juridique » sont « non seulement les Etats membres mais également leurs ressortissants » pour en déduire que « le droit communautaire, indépendant de la législation des Etats membres, de même qu'il crée des charges dans le chef des particuliers, est aussi destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique ». Cette logique est parfaitement décrite par Denys Simon, dans son ouvrage précité : « [...] en imposant des obligations aux Etats membres, les traités font naître, par une sorte d'« effet réflexe », des droits au profit des individus qui doivent pouvoir exiger que le respect des obligations souscrites par les Etats membres soit assuré par les tribunaux nationaux ».

 

Or, « la vigilance des particuliers à la sauvegarde de leurs droits », que mentionne l'arrêt Van Gend en Loos, resterait lettre morte sans le secours du juge. De ce point de vue, l'effet direct des directives, c'est-à-dire leur aptitude à faire naître directement des droits subjectifs dans le chef des particuliers dont ceux-ci peuvent se prévaloir devant les juridictions nationales, constitue incontestablement une des clefs de l'intégration juridique. Ainsi que l'expose Robert Lecourt, dans son ouvrage « L'Europe des juges » (Bruylant 1976) : « Lorsque le particulier s'adresse à son juge pour faire reconnaître le droit qu'il tient des traités, il n'agit pas seulement dans son intérêt propre, il devient par là même une sorte d'agent auxiliaire de la Communauté. En s'armant de la règle commune et en invitant son juge à la lui appliquer, il donne à celui-ci l'occasion de la faire pénétrer dans l'ordre juridique interne. Par son fait, elle devient alors élément effectif du patrimoine juridique national ».

 

Mais si le droit communautaire est, dans son ensemble, virtuellement apte à engendrer des droits dans le chef des particuliers, un certain nombre de conditions techniques sont requises, comme nous l'avons vu, pour que le juge national soit à même d'appliquer directement une directive.

 

La première condition tirée du défaut de transposition dans le délai prévu souligne le caractère « pathologique » de l'hypothèse. C'est la traduction du « principe d'estoppel » (ou encore de l'adage « nemo auditur » : l'Etat ne saurait opposer à ses justiciables le non accomplissement de ses obligations) largement entendu : comme l'explique le juge Pescatore, dans son article précité : « un Etat ne peut pas se reconnaître à la fois lié par certaines obligations communautaires et délié de les observer à l'égard de ceux qui sont soumis à son autorité ». La seconde condition est relative à la nature de la disposition invoquée. Seule une disposition « inconditionnelle et suffisamment précise », pour reprendre les termes de l'arrêt Ratti, est susceptible d'être immédiatement appliquée par le juge. Notons au passage que tant la jurisprudence du Conseil constitutionnel que la vôtre ont consacré la notion de « dispositions précises et inconditionnelles ». Denys Simon explique la fonction de cette condition matérielle : elle « implique seulement que ne s'intercale, entre la norme communautaire et le justiciable, aucun pouvoir discrétionnaire de nature à ajouter au contenu normatif de la disposition communautaire susceptible de faire écran entre cette dernière et le particulier ». En réalité, cette condition traduit l'équilibre ménagé par la directive entre les institutions communautaires et les autorités nationales : le degré de précision et le caractère inconditionnel de la disposition en cause ne reflètent rien d'autre que l'accord des secondes à avoir renoncé, au stade de l'adoption de la directive, à toute marge d'appréciation ultérieure quant aux moyens de sa mise en oeuvre. La pratique consistant à intervenir, par voie de directive, dans les domaines de compétences transférées et à rédiger ces dernières de manière de plus en plus détaillée et contraignante traduit l'acquiescement des Etats-membres, dès l'élaboration des directives, à leur possible application immédiate. Dans ces conditions, le juge auquel le particulier demande l'application d'un droit dont il est rempli, en vertu de la réunion de ces deux conditions, ne peut, sauf à méconnaître ses responsabilités dans la pleine application du droit communautaire, lui en refuser le bénéfice. De ce point de vue, l'application directe de la directive traduit moins un pouvoir du juge national à l'encontre de son Etat qu'un devoir à l'égard de son justiciable. A la carence de l'Etat ne saurait faire écho la défaillance du juge.

 

La dernière série de considérations sur laquelle nous fondons notre proposition tient à l'efficacité inégalable de l'invocabilité de substitution par rapport à l'invocabilité d'exclusion.

 

De nombreuses voix se sont élevées pour se réjouir qu'à la faveur des ingénieuses évolutions de votre jurisprudence, les particuliers aient fini par bénéficier, dans votre prétoire, d'une garantie des droits qu'ils tiennent du droit communautaire équivalente à celle qu'ils obtiendraient au moyen de l'invocabilité de substitution. Un tel constat a même conduit à réduire la jurisprudence Cohn-Bendit à une simple « affirmation de principe » (selon Henri Savoie, dans ses conclusions sur Tête) ou encore à une « pétition de principe » (Fabien Raynaud et Pascale Fombeur, dans leur chronique précitée).

 

Et quand bien même il ne s'agirait plus que d'une posture facilement contournable grâce aux inépuisables ressources de la procédure, la bonne administration de la justice commanderait de l'abandonner au profit d'une solution plus directe, aisément accessible aux justiciables. L'intelligibilité du droit implique aussi la recherche des solutions jurisprudentielles les plus simples. Un tel argument pourrait ne pas suffire à vous convaincre.

 

Si nous sommes fermement convaincu qu'il y a lieu de revenir sur la solution que vous avez adoptée le 22 décembre 1978, c'est que la présente affaire en révèle, de manière indiscutable, la nécessité.

 

Dans la plupart des hypothèses, il est parfaitement exact de relever qu'en l'état actuel de votre jurisprudence, l'invocabilité d'exclusion produit des effets analogues à l'invocabilité de substitution. C'est le cas, par exemple, dans la plupart des recours pour excès de pouvoir, grâce à l'élargissement du spectre des exceptions d'incompatibilité auquel vous avez procédé. Mais, dans certains litiges relatifs à des actes individuels, l'invocabilité d'exclusion ne pourra jamais, en raison de la nature même de son dispositif, produire les mêmes effets que l'invocabilité de substitution. Chacun de ces deux mécanismes comportent trois étapes successives : si les deux premières sont identiques, la dernière diffère nécessairement. La première étape du raisonnement consiste, dans les deux cas, à confronter la règle nationale (législation ou réglementation) ou l'absence de règle nationale aux objectifs d'une directive. Dans l'hypothèse où une incompatibilité est constatée entre celle-ci et ceux-là, la deuxième étape consiste à écarter l'application de la règle contraire aux exigences communautaires. Venons-en maintenant à la troisième étape : dans le mécanisme de l'invocabilité d'exclusion, cette mise à l'écart de la règle ou de l'absence de règle prive de fondement la décision individuelle attaquée qui sera, pour ce motif, annulée ; dans le mécanisme de l'invocabilité de substitution, l'exclusion du droit national entraîne l'application positive de la règle posée par la directive -ce qui implique obligatoirement qu'elle soit immédiatement applicable. Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, vous n'êtes en principe pas conduits, compte tenu des limites dans lesquelles se déploie votre office, à aller jusqu'à ce dernier point. Et c'est pourquoi l'annulation que vous prononcez sature l'espace du juridictionnellement possible. Mais tel ne sera pas toujours le cas selon la structure des litiges que vous aurez à trancher (on peut notamment songer à un deuxième recours introduit contre la décision prises par l'autorité administrative pour tirer les conséquences de l'annulation, par le juge, d'une première décision). Dans le contentieux de la pleine juridiction (il en irait de même s'agissant de l'exercice du pouvoir d'injonction) où vous pouvez être amenés à réformer la décision litigieuse, seule l'invocabilité de substitution peut vous permettre de faire directement application des dispositions de la directive. Et nous relevons d'ailleurs que c'est ce que fait en pratique, sans l'assumer en théorie, votre décision SARL IMI (10 avril 2002 T. p. 647,665, 708Décision de Jurisprudence) dans laquelle vous avez reconnu, après avoir écarté toutes les règles de droit interne, la possibilité d'accorder une exonération de TVA au cas par cas, en faisant directement application des critères de la 6e directive du 17 mai 1977.

 

Dans la présente affaire, la requérante n'invoque l'article 10 de la directive du 27 novembre 2000 qu'à la seule fin que vous fassiez application au litige, sans attendre la loi du 27 mai 2008, de l'aménagement de la charge de preuve qu'elle institue. Or, vous ne seriez susceptibles de la faire bénéficier de cette règle qu'au prix de la reconnaissance de son effet direct. L'invocabilité d'exclusion ne saurait, par nature, conduire au même résultat. Certes, dans votre décision précitée Tête, vous avez indiqué, par une incise, que la communauté urbaine aurait pu, d'elle-même, prendre des mesures de publicité compatibles avec les objectifs de la directive du 18 juillet 1989, conférant ainsi une forme d'effet juridique à cette dernière. Mais il ne s'agit pas là d'effet direct. Vous vous êtes bornés à rappeler aux autorités compétentes qu'il leur appartient, dans l'attente de la transposition d'une directive, de prendre toutes les mesures qui assurent, dans la mesure du possible et notamment dans la limite de leurs compétences (hormis l'hypothèse du nécessaire respect de la chose jugée par la CJCE ; V. sur ce point 18 juin 2003 Société Tiscali Télécom p. 255Décision de Jurisprudence ; AJDA 2003. 1888Document InterRevues, note N. FoulquierDocument InterRevues ; RTD eur. 2003. 661, chron. D. RitlengDocument InterRevues), le respect de la règle communautaire. Vous avez ainsi délivré un mode d'emploi préventif de nature à remédier, provisoirement, à la défaillance du droit national (V. dans le même sens Communauté de communes du Piémont-de-Barr précité et par analogie Assemblée, 29 juin 2001, Vassilikiotis, p 303Décision de Jurisprudence ; AJDA 2001. 1051Document InterRevues ; ibid. 1046, chron. M. Guyomar et P. CollinDocument InterRevues ; GACA, 2e éd. 2009. n° 67). La reconnaissance de l'effet direct revêtirait une toute autre portée : elle permettrait au juge de faire lui-même immédiatement, à titre curatif, application au litige de la règle communautaire invoquée. C'est là que réside toute la portée, toute l'utilité de l'invocabilité d'exclusion.

 

C'est donc résolument que nous vous invitons à abandonner la jurisprudence Cohn-Bendit. Cette solution présente, à notre sens, trois séries d'avantages.

 

En premier lieu, en levant le dernier de point de crispation entre votre jurisprudence et celle de la Cour de Luxembourg, elle vous fait participer, sans dissonance aucune, au choeur des juridictions européennes.

 

Admettre, dans les conditions ci-dessus définies, l'effet direct d'une directive, respecte, en deuxième lieu, parfaitement la logique juridique. La détermination de l'effet d'une norme dépend des destinataires de la règle posée. S'agissant des directives, il convient de bien distinguer les débiteurs de l'obligation de faire que sont les Etats-membres des destinataires finaux de la règle qui peuvent être les particuliers. Lorsque la directive pose un droit à leur profit, que celui-ci est défini de manière claire, complète, précise et inconditionnelle et que l'Etat a manqué à son obligation de transposition, les particuliers tirent de leur qualité de destinataire de la règle la faculté de s'en prévaloir devant le juge. Et s'ils peuvent l'invoquer à l'encontre de l'Etat, c'est précisément en raison de sa qualité d'obligé. Mais le caractère exclusif de cette qualité implique que ce droit subjectif ne peut être invoqué qu'à son encontre. C'est pourquoi, l'effet direct ne peut être que vertical ascendant. Par nature, il ne pourra jamais être ni vertical descendant ni horizontal.

 

En troisième et dernier lieu, l'abandon de la jurisprudence Cohn-Bendit confère sa pleine portée à l'objet de la construction communautaire en faisant du juge, autant que nécessaire, le relais des droits subjectifs des particuliers. Ainsi que le relève, Robert Delcourt, dans son ouvrage précité, « c'est le juge qui, en assurant [à la règle commune] une même application en tous les Etats membres tisse, jour après jour, la trame juridique et pratique qui lie entre eux leurs peuples ». Vous tiendrez votre rôle, sans en excéder les limites, en acceptant, afin de garantir l'« effet utile » de la règle communautaire, de vous faire l'instrument supplétif de sa pénétration effective dans notre ordre juridique.

 

Si vous suivez, vous jugerez qu'une personne- qu'elle soit physique ou morale- peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire (ce qui vise les décisions individuelles, les décisions collectives et les décisions d'espèce), des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par cette directive.

 

La reconnaissance de ce mode de justiciabilité renforcée ne sera toutefois pas sans limite. En premier lieu, vous devrez vérifier, si vous y invités, que la directive invoquée est valide c'est-à-dire qu'elle respecte le bloc de légalité communautaire mais également, les droits protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et la Constitution française. Ce contrôle peut vous conduire, le cas échéant, à saisir la CJCE d'une question préjudicielle. Il y a une forte cohérence, selon nous, à ce qu'à vos décisions Arcelor et CNB qui permettent un contrôle étroit de la validité des directives succède une solution qui vous conduit à conférer à celles-ci tout leur effet utile. En second lieu, l'appréciation du caractère précis et inconditionnel de la disposition en cause relève au premier chef de votre responsabilité. Nous vous invitons à retenir une acception stricte de cette qualité de la disposition invoquée qui nous semble souhaitable afin de préserver votre légitimité dans l'application directe d'une directive. C'est à cette condition en effet que sera évité le double risque d'un empiètement des institutions communautaires dans le domaine de compétence des autorités normatives nationales et d'une attitude usurpatoire du juge.

 

La présente affaire illustre précisément les limites de l'invocabilité de substitution qui sont inhérentes aux conditions requises pour sa mise en oeuvre.

 

La première condition tenant à la défaillance de la France dans la transposition est remplie. A la date d'expiration du délai de transposition, fixée au 2 décembre 2003 par l'article 18 de la directive (un délai supplémentaire de trois ans n'était octroyé que pour la mise en oeuvre des dispositions relatives à la discrimination fondée sur l'âge et le handicap), la directive n'avait fait l'objet d'aucune mesure de transposition et tel était encore le cas le 29 août 2006, date de l'arrêté attaqué.


Message édité par AllenMadison le 15-09-2011 à 18:31:02
n°3537501
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2011 à 18:30:30  answer
 

'didn't read lol  [:tim_coucou:1]

n°3537504
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 18:34:17  profilanswer
 

Matthias Guyomar  [:flagadadim]  
 
L'aÿlite du Conseil d'Etat  [:flagadadim]

n°3537509
ploumpy
:o
Posté le 15-09-2011 à 18:37:47  profilanswer
 


 
Ouais bon, je vais m'en tenir aux méthodes données par les profs/chargés de TDs. :o

n°3537512
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 18:40:50  profilanswer
 

Citation :

Denis Mazeaud, Professeur à l'Université de Paris II
 
1 - Dix ans après son retentissant arrêt du 22 octobre 1996Note de bas de page(1), la Cour de cassation récidive en fragilisant, au nom de la cause, la clause limitative de réparation stipulée dans le contrat conclu entre la société Chronopost et ses clients. En l'espèce, deux montres ont été confiées par une société au transporteur rapide afin que celui-ci les achemine à Hong Kong. Les montres ayant été perdues pendant le transport, la société a agi en réparation du préjudice subi, mais la société Chronopost lui a opposé la clause limitative de réparation en vertu de laquelle son indemnisation est limitée au montant du prix qu'elle a versé au jour de la conclusion du contrat. Les juges du fond ont décidé que cette clause était opposable à l'expéditeur, car celui-ci avait nécessairement admis, en déclarant accepter les conditions générales de la société Chronopost, le principe et les modalités d'une indemnisation limitée. Au visa de l'article 1131 du code civil, la Chambre commerciale de la Cour de cassation casse au motif « qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la clause limitative d'indemnisation, qui n'était pas prévue par un contrat-type établi par décret, ne devait pas être réputée non écrite par l'effet d'un manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

 

2 - Pour peu que l'on s'accorde sur son sens, la portée de cet arrêt n'est pas à négliger. Pour le premier commentateur de l'arrêtNote de bas de page(2), les cocontractants de la société Chronopost ne doivent pourtant pas en attendre monts et merveilles. En effet, il se situerait « moins sur le terrain du fond du droit (...) que sur celui de la procédure »Note de bas de page(3). Dès lors, puisqu'il ne porterait que sur « la question de l'office du juge saisi par l'expéditeur d'une demande en indemnisation lorsque la marchandise qui lui a été confiée n'est pas parvenue à destination », l'arrêt de la Chambre commerciale ne sonnerait pas le glas des clauses limitatives de réparation, d'origine contractuelle, en cas de manquement à une obligation essentielle. Il signifierait seulement « que si le moyen tiré du manquement à une obligation essentielle est soulevé par le demandeur (...), il ne peut être écarté sans avoir été examiné par le juge »Note de bas de page(4). En somme, on pourrait simplement induire de cet arrêt que le juge doit examiner ledit moyen, mais pas que le manquement du débiteur à une obligation essentielle neutralise la clause limitative de réparation. Il semble permis de ne pas souscrire à une telle interprétation. Certes, lorsque la Cour de cassation casse pour défaut de base légale, on considère traditionnellement qu'elle « invite seulement la juridiction de renvoi à procéder à un supplément d'instruction et à effectuer les recherches auxquelles la décision cassée n'a pas procédé »Note de bas de page(5). Dans cette perspective, on peut alors, comme le suggère le commentateur susvisé, considérer qu'une telle cassation n'a « qu'un caractère disciplinaire et qu'elle ne préjuge pas sur le fond »Note de bas de page(6). Reste qu' « il faut (...) nuancer cette proposition »Note de bas de page(7)! En effet, « si la Cour de cassation casse une décision pour ne pas avoir effectué telle ou telle recherche, c'est bien souvent parce qu'elle a le sentiment que, si cette recherche avait été effectuée, elle aurait conduit à une décision différente »Note de bas de page(8). Et c'est, nous semble-t-il, en ce sens qu'il convient d'interpréter l'arrêt commenté, lequel concerne moins l'office du juge que le fond du droit. Autrement dit, si la Cour de cassation reproche aux juges du fond de ne pas avoir recherché si la clause litigieuse ne devait pas être réputée non écrite par l'effet d'un manquement à une obligation essentielle, c'est parce qu'elle considère qu'un tel manquement provoque inéluctablement la neutralisation de la clause, au nom de la cause, ainsi que l'indique le visa de son arrêt.

 

3 - Autant dire que l'arrêt de la Chambre commerciale nous paraît, à tort ou à raison, constituer un apport intéressant au droit des clauses de responsabilité, et ce, à un double titre. En premier lieu, il permet de faire le point sur la vitalité des clauses limitatives de réparation que la société Chronopost oppose lorsqu'elle n'exécute pas l'engagement qu'elle a souscrit dans le contrat de transport rapide conclu avec ses clients. En second lieu, il invite, de façon plus générale, à réfléchir sur la vitalité des clauses de responsabilité en droit commun des contrats. Ce sont ces deux points, la vitalité des clauses limitatives de réparation « Chronopost » (1) et celle des clauses de responsabilité en droit commun des contrats (2), sur lesquels on s'arrêtera dans ce commentaire.

 

I - La vitalité des clauses limitatives de réparation « Chronopost »

 

4 - Pour apprécier la vitalité de la clause limitative de réparation, opposée par la société Chronopost à ses clients, en vertu de laquelle l'indemnisation de l'expéditeur est limitée au montant du prix du transport, il apparaît, au regard de la kyrielle d'arrêts rendus par la Cour de cassation depuis dix ans, qu'une distinction s'impose. Il convient désormais, en effet, de distinguer selon que la clause en question est ou non prévue par un contrat type de transport routier, établi par décret. Dans l'affirmative, le sort de la clause dépend de la preuve d'une faute lourde imputable au débiteur (A). Dans le cas contraire, la clause ne survivra pas à la preuve du manquement du débiteur à une obligation essentielle, parce qu'elle prive de cause l'obligation du transporteur (B).

 

A - Application d'un contrat type : la réserve de la faute lourde
5 - Lorsque le droit commun des transports terrestres intérieurs de marchandises est applicable, la clause limitative de réparation d'origine « légale »Note de bas de page(9) déploie ses effets à l'encontre de l'expéditeur victime, sauf si ce dernier apporte la preuve d'une faute lourde imputable au transporteur rapide. Tel est l'enseignement tiré d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 9 juillet 2002Note de bas de page(10), qui n'a jamais été démenti par la suite. Pour bien saisir le sens de cet arrêt, il convient de rappeler brièvement les épisodes jurisprudentiels qui l'ont précédé.

 

Le 22 octobre 1996Note de bas de page(11), cette même Chambre commerciale avait réputé non écrite la clause limitative de réparation, stipulée dans le contrat conclu entre la société Chronopost et un expéditeur professionnel. Puis, la cour d'appel de renvoiNote de bas de page(12) avait, en application du droit commun des contrats, condamné le transporteur à réparer l'intégralité du préjudice subi par l'expéditeur. C'est cet arrêt qui a été cassé par l'arrêt du 9 juillet 2002. La Chambre commerciale a, en effet, décidé, contrairement aux juges du fond, et en adoptant l'argumentation proposée par Philippe DelebecqueNote de bas de page(13), que la suppression de la clause limitative de réparation litigieuse conduisait nécessairement à l'application du droit commun des transports en vue de déterminer l'indemnisation du préjudice subi par l'expéditeur. Or, en l'occurrence, c'est-à-dire en matière de transport routier de marchandises, le contrat-type messagerie (établi par le décret du 4 mai 1988, remplacé depuis, en des termes identiques, par un nouveau contrat type général, issu du décret du 6 avril 1999), applicable à l'opération en cause, dispose précisément que la réparation due par le transporteur en cas de retard dans l'acheminement des colis est limité au montant du prix du transport...Autrement dit, la société Chronopost bénéficiait finalement d'un plafond « légal » de réparation que la clause qu'il avait « contractuellement » imposée à son client, parce qu'elle avait été réputée non écrite, ne lui avait pas permis d'obtenir... Toutefois, la Chambre commerciale avait ajouté que ce plafond légal de réparation devait être écarté en cas de faute lourde imputable au transporteur rapide.

 

6 - La première question tranchée par l'arrêt de 2002 était celle de l'application du contrat-type, qui a ensuite toujours été résolue par l'affirmative par la Cour de cassationNote de bas de page(14), mais qui a suscité des appréciations doctrinales contrastées. Plusieurs arguments, magistralement exposés dans ce Recueil par Jean-Pierre TosiNote de bas de page(15), conduisent à penser que, contrairement à la jurisprudence désormais récurrente de la Cour de cassation, « l'application du contrat-type était loin d'aller de soi »Note de bas de page(16). D'une part, celle-ci suppose nécessairement que la société Chronopost se soit contractuellement engagée en qualité de transporteur. Or, il s'avère que, dans la plupart des affaires qui ont été soumises à la Cour de cassation depuis dix ans, « la qualification de commissionnaire de transport aurait pu être recherchée »Note de bas de page(17). Par ailleurs, la substance et l'esprit de la clause du contrat-type excluaient nécessairement, sauf à la dénaturer, qu'elle puisse réellement se substituer à la clause contractuelle réputée non écrite. L'idée fondatrice sur laquelle repose le plafond « légal » réside, en effet, dans l'existence d'une option offerte à l'expéditeur qui peut échapper au plafond de réparation en souscrivant une déclaration d'intérêt spécial à la livraison. Or, en raison de son libellé, la clause contractuelle supprime, de facto, l'option en question. Tant et si bien que la prétendue substitution du plafond « légal » à la clause contractuelle, par l'effet de l'application du contrat type, se solde, en fait, par l'impossibilité de l'expéditeur « d'échapper au plafond dérisoire d'indemnisation des dommages »Note de bas de page(18) causés par le manquement du transporteur à son obligation essentielle.

 

7 - Mais, la Cour de cassation, en dépit de la pertinence de ces objections, a maintenu le cap et, quant à lui, le Conseil d'Etat, saisi d'une demande en annulation pour excès de pouvoir d'une décision du ministre des Transports, par laquelle celui-ci avait refusé d'abroger la clause limitative de réparation prévue dans le contrat-type, s'est clairement prononcé sur la validité de celle-ci au regard de l'article L. 132-1 du code de la consommationNote de bas de page(19). Précisément, pour décider qu'une telle clause n'est pas abusive, le Conseil a retenu, d'abord, que le contrat-type n'est que supplétif de la volonté des contractants, ensuite, que l'expéditeur peut échapper à la limitation de réparation en souscrivant une déclaration d'intérêt spécial qui a pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond d'indemnisation, enfin, que ce plafond peut être écarté en cas de faute lourde du transporteur.

 

On peut ne pas être convaincu par une telle motivationNote de bas de page(20). En effet, en droit positif tout du moins, le caractère abusif d'une clause ne dépend pas du fait de savoir si le contractant, victime de l'abus, a pu la négocier librement ou si elle lui a été imposéeNote de bas de page(21). Ce critère de l'abus, que la loi du 10 janvier 1978 avait édicté et que l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescriptionNote de bas de page(22) a repris, a disparu depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1er février 1995. Par ailleurs, comme il a déjà été dit, « la possibilité de déclaration d'intérêt est totalement fictive »Note de bas de page(23). Enfin, exclure l'abus en raison de l'inefficacité potentielle de la clause en cas de faute lourde conduit à accorder un « brevet » de validité à toutes les clauses de responsabilité, sans exception, en dépit du déséquilibre contractuel significatif qu'elles provoquent, ce qui n'est évidemment pas concevable. Le caractère abusif d'une clause ne dépend pas du comportement ultérieur du contractant qui en profite mais du déséquilibre significatif initial qu'elle provoque entre les droits et les obligations des parties au contrat.

 

8 - Reste qu'en l'état du droit positif, seule la faute lourde constitue un obstacle à l'efficacité des clauses limitatives de réparation prévues dans un contrat-type que la société Chronopost peut opposer à ses clients. Et, par deux arrêts rendus en Chambre mixte, le 22 avril 2005Note de bas de page(24), la Cour de cassation a précisé la définition de la faute lourde qui devait alors être adoptée. Avant que ces arrêts ne soient rendus, deux conceptions étaient retenues en doctrine.

 

Aux termes de la première, la faute lourde doit s'entendre classiquement d'un comportement d'une extrême gravité, dénotant l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de sa mission contractuelle. Mais certains plaidaient pour que soit en outre retenue la conception objective de la faute lourde, dont la qualification procède alors du caractère essentiel de l'obligation inexécutée. On comprend l'enjeu de la controverse doctrinale. Si on avait adopté la seconde conception, le simple retard ou la seule perte du colis imputables à la société Chronopost devaient être qualifiés de faute lourde, car ils constituent un manquement à l'obligation essentielle de célérité et de fiabilité souscrite par celle-ci. En revanche, si la conception subjective de la faute lourde était choisie, le caractère essentiel de l'obligation inexécutée par le transporteur était insuffisant pour caractériser l'existence d'une faute lourde et pour permettre à l'expéditeur d'obtenir l'indemnisation intégrale de son préjudice. Encore faut-il, à cette fin, qu'il apporte la preuve d'autres manquements, que le retard ou la perte, permettant d'établir l'inaptitude du transporteur à l'exécution de la mission contractuelle qui lui avait été confiée.

 

9 - Et on sait que c'est finalement en ce sens que s'est prononcée la Cour de cassation dans ses arrêts de Chambre mixte précités et dans ceux que la Chambre commerciale a rendus par la suiteNote de bas de page(25). Lorsqu'un contrat-type est applicable pour régir la question de l'indemnisation due par la société Chronopost à ses clients, la doctrine de la Cour de cassation, qui ressort de la motivation des arrêts en question, est désormais extrêmement nette : « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d'indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle », « seule une faute lourde caractérisée par une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle, peut mettre en échec la limitation d'indemnisation prévue au contrat type établi annexé au décret ». Aussi, l'inexécution de l'obligation essentielle de célérité et de fiabilité souscrite par la société Chronopost transporteur est-elle, à elle seule, sans effet sur la clause limitative de réparation prévue par le contrat-type applicable ; la seule perte du colis expédié ou le seul retard ne sont pas constitutifs d'une faute lourde, susceptible d'exclure le jeu du plafond d'indemnisation, laquelle suppose donc que soit rapportée la preuve d'autres éléments permettant de conclure à l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de sa mission.

 

On peut ne pas succomber au charme de cette définition jurisprudentielle de la faute lourde. En termes de politique juridique, parce qu'elle conduit en définitive à faire la part belle aux « maîtres du temps » qui peuvent en perdre sans qu'il ne leur en coûte rien, ou presque. En termes de technique juridique, parce que, comme l'a très justement écrit Madame Viney, la Cour de cassation « va trop loin dans la dissociation de la faute lourde et du manquement à l'obligation essentielle ou fondamentale du contrat », dans la mesure où un tel manquement « révèle le plus souvent l'inaptitude du débiteur à assumer la mission contractuelle acceptée »Note de bas de page(26). Au fond, l'objectivation radicale de la faute lourde réalisée par la Cour de cassation pèche par excès.

 

En définitive, on l'a compris, en cas d'application d'un contrat type, les clients de la société Chronopost, victimes d'un retard dans l'acheminement de leur courrier ou d'une perte de leur colis, éprouveront beaucoup de difficultés à échapper au plafond dérisoire d'indemnisationNote de bas de page(27). Aussi, leur « salut », à savoir l'espoir d'obtenir l'indemnisation intégrale de leur préjudice, suppose l'absence d'application d'un contrat-type établi par décret, ainsi que le révèle l'arrêt commenté.

 

B - Absence de contrat-type : l'exigence d'une cause

 

10 - En l'espèce, puisqu'il ne s'agit pas d'un transport routier mais d'un transport aérien, aucun contrat-type n'avait donc vocation à s'appliquer à la relation qui unissait la société Chronopost à son client. Dès lors, la neutralisation de la clause limitative de réparation stipulée dans le contrat « particulier » ne provoquera pas l'application du droit des transports, mais celle du droit commun des contrats. Aussi, faute d'application d'un contrat type, le plafond « légal » d'indemnisation ne se substituera-t-il pas à la clause limitative de réparation réputée non écrite, et l'expéditeur, victime du manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat, pourra espérer obtenir, de la cour d'appel de renvoi, la réparation intégrale de son préjudice.

 

L'affirmation de la Chambre commerciale selon laquelle la clause litigieuse, qui n'était pas prévue par un contrat-type établi par décret, peut être réputée non écrite parce qu'un manquement à une obligation essentielle du contrat était imputable au transporteur ne suscite pas de surprise particulière. En effet, dans ses arrêts de Chambre mixte, du 25 avril 2005, la Cour de cassation avait affirmé qu' « une clause limitant le montant de la réparation est réputée non écrite en cas de manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat ». De plus, dans le premier épisode de la saga « Chronopost »Note de bas de page(28), la Chambre commerciale avait décidé que la clause contractuelle limitative de réparation devait être réputée non écrite parce qu'en raison du manquement à l'obligation essentielle souscrite par le transporteur, elle « contredisait la portée de l'engagement pris ». Tant et si bien qu'avant l'arrêt commenté, la cause était entendue : le manquement à l'obligation essentielle contractée par le transporteur suffisait à emporter la neutralisation de la clause limitative de réparation stipulée dans le contrat « particulier » conclu entre la société Chronopost et ses clients.

 

11 - Mais, ce qui, évidemment, retient l'attention dans notre arrêt du 30 mai 2006, c'est le coeur de la motivation retenue par la Cour de cassation pour décider que la clause limitative de réparation doit être réputée non écrite. En effet, la Chambre commerciale, comme le révèle le visa de son arrêt, s'appuie sur le support conceptuel de la cause pour neutraliser cette stipulation. Or, chacun se souvient que cette même référence à la cause, opérée par la Cour dans son arrêt du 22 octobre 1996, avait provoqué de très vives critiques doctrinales, au point qu'un auteur, avec un art consommé de la nuance..., avait décerné à l'arrêt en question le prestigieux label de « bavure judiciaire »Note de bas de page(29).

 

A l'époque, avait, d'abord, été reproché à la Cour de cassation « le caractère inutile et même calamiteux du recours à la cause »Note de bas de page(30) qui conduit à faire l'impasse sur l'article 1150 du code civil, lequel n'écarte la réparation du seul dommage prévisible qu'en cas de faute lourde ou dolosive. C'est, ensuite, la création d'un « risque » de police judiciaire du contrat accru et, partant d'insécurité juridiqueNote de bas de page(31), engendré par une telle exploitation de la notion de cause, dont la Cour avait dû répondre. Enfin, celle-ci avait été accusée d'avoir commis une erreur technique élémentaire dans la mise en oeuvre de la théorie de la cause : en affirmant, implicitement, que la clause litigieuse privait de cause l'obligation de l'expéditeur, la Chambre commerciale se serait complètement fourvoyée puisque, en l'occurrence, l'engagement du débiteur avait bien une contrepartie, qui résidait dans l'engagement du transporteur d'acheminer le colisNote de bas de page(32). Dès lors, la clause litigieuse, si elle limitait effectivement la sanction de l'inexécution de l'obligation de ponctualité, ne supprimait pas pour autant l'obligation souscrite par le transporteur et ne privait point de cause celle contractée par l'expéditeur.

 

12 - Nonobstant cette vigoureuse charge doctrinale, la Chambre commerciale de la Cour de cassation persiste et signe dans l'arrêt commenté. L'exigence d'une cause de l'obligation demeure le support conceptuel sur lequel viennent s'échouer les clauses limitatives de réparation lorsque le dommage subi par l'expéditeur procède du manquement à une obligation essentielle, imputable au transporteur rapide. On relèvera que, finalement, la doctrine française, du moins une grande partie, a, avec un temps de retard il est vrai, rendu l'hommage qu'elle méritait à la Chambre commerciale et approuvé cette rénovation de la cause, imaginée en 1996, et réitérée en 2006. En effet, aux termes de l'article 1125, alinéa 2, de l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, est réputée non écrite « toute clause inconciliable avec la réalité de la cause ». Manifestement, ce texte vise à consolider la règle énoncée par la Chambre commerciale, en 1996, et accrédite l'idée qu'une clause, qui ruine la cohérence interne du contrat de transport rapide parce qu'elle contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le transporteur, doit être supprimée du contrat parce qu'elle prive de cause l'obligation de l'expéditeur.

 

Et on comprend alors que ce qui avait justifié, naguère, les critiques doctrinales émises contre l'arrêt de 1996, procédait d'une perception radicalement différente de la notion et du rôle de la cause. Pour l'essentiel, en effet, la réaction doctrinale reposait sur la vision classique de la cause objective, confinée dans un simple rôle de garantie abstraite et exploitée exclusivement pour protéger, dans un contrat synallagmatique, chaque contractant contre un engagement souscrit, soit en l'absence de toute contrepartie, soit en présence d'une contrepartie apparente ou purement illusoire. Pour la Cour de cassation, en revanche, il s'agissait de doter la cause d'un dynamisme dont elle était jusqu'alors privée mais dont elle l'avait déjà doté, mais moins « médiatiquement » par le passéNote de bas de page(33). Concrètement, la cause est exploitée pour exercer un contrôle de l'intérêt du contrat et, précisément, pour neutraliser les clauses qui ruinent sa cohérence interne, parce qu'elles portent atteinte à son essence, parce qu'elles le vident de sa substance, et trahissent alors la confiance légitime du contractant à qui elles sont imposées. Dès lors, la cause est alors exploitée pour supprimer de la charte contractuelle les clauses qui fixent un plafond dérisoire de réparation, en cas de manquement du débiteur à une obligation essentielle, parce qu'elles frappent alors le contrat d'incohérence et le privent, donc, de tout intérêt pour le créancier dont elles trompent la confiance légitime.

 

Et c'est bien cette rénovation de la notion de cause que consacre l'arrêt commenté et que paraît avaliser l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription, dont l'article 1125, alinéa 2, pourrait à l'avenir constituer le visa des arrêts que la Cour de cassation rendra pour résoudre la question qui lui était posée dans l'arrêt commenté.

 

Arrêt qui, avec ceux qui l'ont précédé, incitent, en les replaçant dans un contexte jurisprudentiel beaucoup plus général, c'est-à-dire au-delà des seules clauses limitatives de réparation des contrats conclus par la société Chronopost et ses clients, à s'arrêter sur la vitalité des clauses de responsabilité en droit commun des contrats.

 

II - La vitalité des clauses de responsabilité en droit commun des contrats

 

13 - D'une façon générale, c'est sur la notion et le rôle assignés à la faute lourde en droit commun de la réparation que les différents arrêts rendus, depuis dix ans, par la Cour de cassation à l'occasion de la saga « Chronopost », qu'il semble opportun de s'arrêter. Ainsi, il convient de s'interroger sur le champ d'application de la notion de faute lourde telle qu'elle a été ciselée, en 2005, par les arrêts rendus en Chambre mixte et appliquée, en 2006, par la Chambre commerciale. Précisément, on recherchera, en premier lieu, si la jurisprudence en question emporte une unité de la notion de faute lourde ou si elle laisse subsister une certaine dualité (A). En second lieu, au regard du seul arrêt commenté, on tentera d'apprécier l'utilité de la notion de faute lourde en droit positif (B).

 

A - L'unité de la faute lourde ?

 

14 - La conception subjective de la faute lourde adoptée par la Cour de cassation depuis 2005, dans ses différents arrêts « Chronopost », doit-elle être cantonnée aux seules clauses limitatives de réparation prévues dans un contrat-type, établi par décret, ou jouer d'une façon générale, pour tous les plafonds de réparation, quelle que soit leur origine (contractuelle, réglementaire ou légale), et quelle que soit la qualification des contrats dans lesquels la sanction de l'inexécution est plafonnée ?

 

En faveur d'une application étroite de la conception subjective de la faute lourde, plusieurs arguments peuvent être avancés. D'abord, au regard de la lettre des arrêts, on relèvera que c'est toujours l'efficacité de « la limitation d'indemnisation prévue au contrat type » ou « par le contrat type » qui constitue l'enjeu de la qualification de faute lourde et qui est expressément visé dans la motivation des décisions de 2005 et de 2006. Ensuite, parce que cette approche restrictive de la faute lourde s'inscrit dans la logique du droit commun des transports routiers qu'incarnent les contrats types. Or, « les plafonds de réparation font partie de l'économie même du droit des transports et ne doivent être écartés que devant des situations particulières, pour ne pas dire exceptionnelles »Note de bas de page(34). Enfin, si la faute lourde objective, résultant du manquement à une obligation contractuelle essentielle, peut être retenue en droit commun de la réparation, c'est parce qu' « en matière contractuelle (...) la volonté doit être causée »Note de bas de page(35). Dès lors, si la conception objective doit être écartée pour les limitations « légales » d'indemnisation, c'est parce que le contrat-type « ne tire pas sa force de la volonté des parties mais du pouvoir réglementaire, sur habilitation de la loi ; réputer non écrite une clause d'origine légale en cas de manquement à l'obligation essentielle serait en conséquence statuer contra legem »Note de bas de page(36).

 

15 - En dépit de la pertinence de ces arguments, on sera finalement plutôt enclin à se prononcer en faveur d'une interprétation extensive qui conduit à admettre l'unité de la notion de faute lourde, entendue subjectivement. D'une part, parce qu'elle est plus en phase avec la qualification de faute, laquelle repose logiquement sur l'appréciation d'un comportement, ainsi que le répètent inlassablement les pourfendeurs de la conception objective, selon lesquels « Le critère de la faute lourde ne se trouve pas dans l'importance pour le créancier de l'obligation inexécutée mais dans le comportement du débiteur »Note de bas de page(37). D'autre part, et surtout, parce qu'une notion unitaire de la faute lourde s'impose au nom de « la clarté, la cohérence (et) la sécurité »Note de bas de page(38) du droit français des contrats, lesquelles ne peuvent s'accommoder d'une pluralité de définitions de la faute lourde, selon la source contractuelle, réglementaire ou légale des plafonds de réparation.

 

En ce sens, d'ailleurs, on peut s'appuyer sur l'arrêt commenté qui peut être interprété, en cas de manquement du débiteur à une obligation contractuelle essentielle, comme excluant le recours à la faute lourde, pour ne laisser subsister, au profit du créancier qui souhaite échapper à la clause limitative, que l'arme de la cause.

 

16 - Si tel est bien le cas, et si la jurisprudence « Chronopost » sonnait définitivement et généralement le glas de la conception de la faute lourde objectiveNote de bas de page(39), c'est alors tout un pan de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de clause de responsabilité qui serait frappé de caducité.

 

On se souvient, en effet, que, dans plusieurs arrêts, la Cour de cassation a, en s'appuyant sur le support technique de la notion de faute lourde objectivement appréhendée, considéré comme inefficaces des clauses de responsabilité qui permettaient au débiteur de limiter ou d'exclure sa responsabilité en cas d'inexécution d'une obligation contractuelle considérée comme essentielleNote de bas de page(40), fondamentaleNote de bas de page(41) ou substantielleNote de bas de page(42). Grâce à cette objectivation de la faute lourde, la Cour de cassation a canalisé la portée de la liberté contractuelle dans l'aménagement des suites de l'inexécution du contrat en neutralisant les clauses de responsabilité qui portent atteinte au coeur du contrat, à son socle obligationnel. Et l'obstacle à la liberté contractuelle est alors d'autant plus fort que le caractère essentiel de l'obligation, sur lequel viennent s'échouer les clauses de responsabilité, peut procéder, outre de l'analyse objective du contrat inexécuté, de la volonté des contractants, qui peut imprimer un tel caractère à une obligation contractuelle objectivement accessoireNote de bas de page(43).

 

Pour autant que notre analyse soit exacte, la disparition de cette jurisprudence, adoptant une conception objective de la faute lourde, n'emporterait pas un sensible déficit de justice contractuelle et ne se traduirait pas, à l'avenir, par un regain de vitalité des clauses de responsabilité qui privent le contrat de toute cohérence interne en le vidant, indirectement au moins, de sa substance. En effet, et c'est nous semble-t-il un enseignement essentiel de l'arrêt commenté, en cas de manquement à une obligation contractuelle essentielle, le recours à la faute lourde est désormais inutile.

 

B - L'inutilité de la faute lourde
17 - En cas de manquement du débiteur à une obligation essentielle, l'arme de la faute lourde objective, qu'avait opportunément forgée la Cour de cassation, est désormais désactivée, mais pour autant la protection contre les clauses de responsabilité qui permettent alors au débiteur d'échapper à toute sanction ou qui fixent un plafond d'indemnisation dérisoire n'en sera pas affectée. Comme l'arrêt commenté le suggère, en effet, dans un tel cas de figure, c'est la notion de cause qui sera désormais exploitée par le juge pour neutraliser de telles clauses.

 

A cet égard, l'arrêt de la Chambre commerciale n'est pas totalement innovant puisque, à deux reprises au moinsNote de bas de page(44), cette même formation de la Cour de cassation avait déjà eu recours à la notion de cause pour éliminer de telles clauses. Et, dans l'arrêt précurseur de 1996, la Cour, dans sa motivation, livrait même la raison pour laquelle une clause limitative de réparation, qui réduisait à un montant dérisoire la sanction du manquement à une obligation essentielle, devait être réputée non écrite pour absence de cause : c'est parce qu'« elle contredisait la portée de l'engagement pris » par le débiteur. Au fond, donc, ce qui emporte, au nom de la cause, la suppression des clauses de responsabilité, qui peu ou prou neutralisent la sanction du manquement à une obligation essentielle, c'est qu'elles privent le contrat de cohérence interne en autorisant le débiteur à se contredire illégitimement au détriment de son cocontractant. D'une main, il souscrit un engagement essentiel dans lequel se cristallise l'intérêt du contrat et constitue la raison d'être de l'engagement réciproque de son cocontractant. De l'autre, il insère une clause de responsabilité qui neutralise la sanction de l'inexécution de cet engagement et trahit ainsi la confiance légitime de ce dernier. En somme, « Contracter une obligation essentielle et s'exonérer des conséquences de son inexécution, ne vaut ! ».

 

18 - La notion de cause, érigée officiellement et définitivement, par l'arrêt commenté, comme le support de la nullité des clauses de responsabilité qui privent de sanction le manquement à une obligation essentielle ou qui prévoient une sanction dérisoire, est alors promise à un avenir important. Elle a désormais vocation à être exploitée pour neutraliser, au-delà des seules clauses de responsabilité, toutes les clauses qui ruinent la cohérence interne d'un contrat, parce qu'elle contredisent la portée de l'engagement souscrit par le débiteur et trahissent ainsi la confiance légitime du créancier dans l'exécution dudit engagement.

 

A l'avenir, elle permettra de donner un fondement aux décisions qui, dans cette même perspective, étaient, par le passé, fondées soit exclusivement sur le concept de manquement à une obligation essentielle, soit sur celui d'économie générale du contrat. Ainsi, la cause pourra être exploitée pour neutraliser des clauses d'allégement des obligations, qui permettent au débiteur de se soustraire purement et simplement à ses engagements essentielsNote de bas de page(45), et des clauses exonératoires de responsabilitéNote de bas de page(46) ou limitative de réparation, qui privent de toute sanction réelle le manquement à une obligation contractuelle essentielle.

 

19 - Pour en finir avec l'avenir, on relèvera que l'avant-projet de réforme du droit des obligations et du droit de la prescription comporte une disposition, autre que celle évoquée ci-dessusNote de bas de page(47), susceptible de s'appliquer dans l'hypothèse étudiée. Aux termes de l'article 1382-2, « Un contractant ne peut exclure ou limiter la réparation du dommage causé à son co-contractant (...) par le manquement à l'une de ses obligations essentielles ». On notera que le texte ne fait aucune allusion à la cause et que le seul manquement à une obligation essentielle est visé pour justifier la neutralisation des clauses de responsabilité qui excluent ou limitent la sanction du manquement à une obligation essentielle. Reste que cette absence de référence à la cause ne signifie pas nécessairement un désaveu de la jurisprudence analysée dans ce commentaire. On peut, en effet, considérer que, loin de s'en démarquer, l'article 1382-2 décline le principe énoncé à l'article 1125, alinéa 2, en vertu duquel « Est réputée non écrite toute clause inconciliable avec la réalité de la cause ».

 

Mots clés :
TRANSPORT TERRESTRE * Transport routier * Cause * Clause limitative de responsabilité * Obligation essentielle
(1) Cass. com., 22 oct. 1996, Contrats, conc., consom. 1997, comm. n° 24, obs. L. Leveneur ; D. 1997, Jur. p. 121, note A. Sériaux ; Somm. p. 175, obs. P. DelebecqueDécision de Jurisprudence ; RTD civ. 1997, p. 418, obs. J. MestreDocument InterRevues ; Defrénois 1997, 333, obs. D. Mazeaud ; JCP 1997, I, 4002, obs. M. Fabre-Magnan et 4025, obs. G. Viney et II, 22881, obs. D. Cohen.

 

(2) X. Delpech, D. 2006, AJ p. 1599Décision de Jurisprudence ; RDC 2006, obs. Y.-M. Laithier (à paraître).

 

(3)Ibid.

 

(4)Ibid.

 

(5) M.-N. Jobard-Bachellier, X. Bachellier, La technique de cassation, Dalloz, 2003, spéc. p. 138.

 

(6)Ibid.

 

(7) M.-N. Jobard-Bachellier, X. Bachellier, op. et loc. cit.

 

(8)Ibid.

 

(9) Les guillemets sont de rigueur dans la mesure où certains orfèvres du droit des transports considèrent qu'il s'agit d'un « qualificatif inapproprié compte tenu de la nature contractuelle des contrats types » (P. Delebecque, RDC 2004, p. 998).

 

(10) Contrats, conc., consom., 2003, comm. n° 2, obs. L. Leveneur ; D. 2002, AJ p. 2329 ; Somm. p. 2836, obs. P. Delebecque ; D. 2003, p. 457, obs. D. MazeaudDécision de Jurisprudence ; Dr. et patrimoine 2002, chron. n° 3182, obs. F. Chabas ; JCP E 2002, p. 1923 s., obs. M. Billiau et G. Loiseau.

 

(11) Préc.

 

(12) CA Caen, 5 janv.1999, JCP 2000, I, 140, obs. J. Rochfeld.

 

(13) « Que reste-t-il du principe de validité des clauses de responsabilité ? », Dalloz Affaires 1997, p. 235.

 

(14) En ce sens, Cass. ch. mixte, 22 avr. 2005, D. 2005, Jur. p. 1864, note TosiDécision de Jurisprudence ; RTD civ. 2005, p. 604, obs. P. JourdainDocument InterRevues ; Contrats, conc., consom. 2005, comm. n° 150, obs. L. Leveneur ; JCP 2005, II, 10066, obs. G. Loiseau ; RDC 2005, p. 651, avis de R. de Gouttes, p. 673, obs. D. Mazeaud, et p. 752, obs. P. Delebecque ; Rev. Lamy dr. aff., sept. 2005, p. 8, note G. Viney ; Cass. com., 24 mars 2004, RDC 2004, p. 998, obs. P. Delebecque ; 21 févr. 2006, D. 2006, AJ p. 717, obs. E. ChevrierDécision de Jurisprudence ; Contrats, conc., consom. 2006, comm. n° 103, obs. L. Leveneur ; RDC 2006, p. 000, obs. D. Mazeaud ; 7 juin 2006, D. 2006, AJ p. 1680, obs. X. DelpechDécision de Jurisprudence.

 

(15) D. 2005, Jur. 1864Décision de Jurisprudence.

 

(16)Ibid., spéc. n° 11.

 

(17)Ibid.

 

(18)Ibid., spéc. n° 10.

 

(19) CE, 6 juill. 2005, D. 2005, Jur. p. 2094, note P. DelebecqueDécision de Jurisprudence ; RDC 2005, p. 375, obs. D. Fenouillet.

 

(20) V. les obs. approbatives de P. Delebecque et critiques de D. Fenouillet, préc.

 

(21) En ce sens, D. Fenouillet, obs. préc., spéc. p. 377.

 

(22) Sur lequel, V. RDC, 2006/1.

 

(23) D. Fenouillet, eod. loc.

 

(24) Préc.

 

(25) Cass. com., 21 février et 7 juin 2006, préc.

 

(26) « Existence d'un contrat-type approuvé par décret et définition de la faute lourde écartant les limitations de responsabilité », Rev. Lamy dr. aff., sept. 2005, p. 8 s., spéc. p. 11.

 

(27) Comme en atteste l'arrêt rendu, le 7 juin 2006 (préc.), dans lequel la Chambre commerciale censure des juges du fond qui avaient décidé que le fait pour le transporteur rapide d'avoir livré avec retard le pli confié, alors qu'il n'y avait que 25 kilomètres de distance entre le lieu d'expédition et le lieu de destination, constituait une faute lourde...

 

(28) Cass. com., 22 oct. 1996, préc.

 

(29) C. Larroumet, Obligation essentielle et clause limitative de responsabilité, D. 1997, Chron. p. 145Commentaire d'auteur.

 

(30) H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, t. 2, Dalloz, 2000, spéc. p. 86.

 

(31) En ce sens, V., entre autres, C. Larroumet, chron., préc.

 

(32) En ce sens, V., entre autres, A. Sériaux, note préc.

 

(33) Cass. 1re civ., 19 déc. 1990, RTD civ. 1991, p. 325, obs. J. MestreDocument InterRevues ; JCP 1991, I, 3778, obs. J. Bigot ; Resp. civ. et assur. 1991, chron. p. 4, H. Groutel.

 

(34) P. Delebecque, obs. préc. in RDC 2005, p. 754.

 

(35) J.-P. Tosi, note préc., spéc. n° 15.

 

(36)Ibid.

 

(37) C. Larroumet, Droit civil, Les obligations, Le contrat, Economica, 2003, spéc. n° 625.

 

(38) B. Fauvarque-Cosson, obs. préc.

 

(39) En ce sens, G. Viney, chron. préc., spéc. p. 11.

 

(40) En ce sens, V. Cass. 1re civ., 18 janv. 1984, RTD civ. 1984, p. 727, obs. J. Huet ; JCP 1985, II, 20372, obs. J. Mouly.

 

(41) En ce sens, V. Cass. 1re civ., 15 mars 1988, RTD civ. 1990, p. 666, obs. P. JourdainDocument InterRevues.

 

(42) En ce sens, V. Cass. com., 9 mai 1990, RTD civ. 1990, p. 667, obs. P. JourdainDocument InterRevues ; Cass. 1re civ., 2 déc. 1997, D. 1998, Somm. p. 200, obs. D. MazeaudDécision de Jurisprudence ; JCP 1998, I, 144, obs. G. Viney.

 

(43) En ce sens, V. Cass. 1re civ., 2 déc. 1997, préc.

 

(44) Cass. com., 22 oct. 1996, préc. ; 17 juill. 2001, pourvoi n° 98-15.678.

 

(45) Pour un arrêt rendu en ce sens, mais sans référence à la cause, V. Cass. 1re civ., 23 févr. 1994, D. 1995, Jur. p. 214, note N. DionDécision de Jurisprudence ; RTD civ. 1994, p. 616, obs. P. JourdainDocument InterRevues ; JCP 1994, I, 3809, obs. G. Viney.

 

(46) Pour des arrêts rendus en ce sens, mais sans référence à la cause : Cass. req., 18 janv. 1863, cité in Les grands arrêts de la jurisprudence civile, préc., spéc. p. 80, n° 6 ; Cass. 1re civ., 22 juin 2004, RDC 2005, p. 270, obs. D. Mazeaud.

 

(47)Supra n° 12.


Message édité par AllenMadison le 15-09-2011 à 18:44:19
n°3537521
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2011 à 18:45:43  answer
 

ploumpy a écrit :


 
Ouais bon, je vais m'en tenir aux méthodes données par les profs/chargés de TDs. :o


 
La base. Toujours faire ce que le prof veut, l’innovation et la touche perso plus tard ... beaucoup plus tard.

n°3537522
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 18:45:46  profilanswer
 

Ce commentaire là, il est propre, quand même [:implosion du tibia]

n°3537530
Smb
Posté le 15-09-2011 à 18:49:18  profilanswer
 

10 boules qu'un truc en lien avec la saga Chronopost va tomber au CRFPA :o
Sinon, en truc bien roxant de Mazeaud, y'a aussi les "Clauses limitatives de réparation : les quatre saisons". Plus pédagogique, tu meurs.

n°3537534
AllenMadis​on
Posté le 15-09-2011 à 18:50:50  profilanswer
 

Smb a écrit :

10 boules qu'un truc en lien avec la saga Chronopost va tomber au CRFPA :o
Sinon, en truc bien roxant de Mazeaud, y'a aussi les "Clauses limitatives de réparation : les quatre saisons". Plus pédagogique, tu meurs.


 
Ah oui celui là aussi, une perle.

n°3537547
globbox
Posté le 15-09-2011 à 18:57:27  profilanswer
 

Plus de 20 agences immobilières visitées => 2 rendez-vous => un seul truc potentiellement intéressant.
Si quelqu'un connaît quelqu'un qui loue rive gauche, qu'il se manifeste s'il vous plaît  [:agkklr]

Message cité 1 fois
Message édité par globbox le 15-09-2011 à 18:58:22
n°3537567
Smb
Posté le 15-09-2011 à 19:11:01  profilanswer
 

globbox a écrit :

Plus de 20 agences immobilières visitées => 2 rendez-vous => un seul truc potentiellement intéressant.
Si quelqu'un connaît quelqu'un qui loue rive gauche, qu'il se manifeste s'il vous plaît  [:agkklr]

 

Regarde plutôt pap.fr et contacte directement les proprio (rapidement car ça part vite). J'ai tendance à penser que les agences c'est de la merde.


Message édité par Smb le 15-09-2011 à 19:11:10
n°3537570
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2011 à 19:19:42  answer
 

 

Ce pourrissage de page [:implosion du tibia].

 
bashcomber a écrit :

Ca peut rapporter 3 points. Ce fut mon cas. Ca m'a permis de choper la mention.

 

C2i  [:shimay:1]

 


 

Je n'aurais pas eu ma mention au second semestre sans mon cours hebdomadaire de badminton [:djmb]


Message édité par Profil supprimé le 15-09-2011 à 19:20:49
n°3537571
TheManOnTh​eMoon
We've got a situation
Posté le 15-09-2011 à 19:21:10  profilanswer
 

Smb a écrit :

10 boules qu'un truc en lien avec la saga Chronopost va tomber au CRFPA :o
Sinon, en truc bien roxant de Mazeaud, y'a aussi les "Clauses limitatives de réparation : les quatre saisons". Plus pédagogique, tu meurs.

 

Et qui est-ce qui va se cogner les sujets de Denis Mazeaud en L2 Droit des Oblig' ? [:chatoo]


Message édité par TheManOnTheMoon le 15-09-2011 à 19:22:11
n°3537572
bashcomber
Squeeze my lemon.
Posté le 15-09-2011 à 19:22:10  profilanswer
 

[:mme michu]

n°3537578
ploumpy
:o
Posté le 15-09-2011 à 19:30:13  profilanswer
 


 
Plus tard, en Master tu veux dire ? :o

n°3537585
Smb
Posté le 15-09-2011 à 19:41:52  profilanswer
 

Breaking new : pour les gens qui passent le barreau à P1, on a finalement le droit de surligner les codes [:wark0]  
La confirmation de l'IEJ est normalement imminente.
 
Une belle bande de branlos tu nous confirmer ça 4 jours avant l'épreuve :/

n°3537594
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2011 à 19:48:46  answer
 

ploumpy a écrit :


 
Plus tard, en Master tu veux dire ? :o


 
Plus tard quand t'auras acquis suffisamment de connaissance, de sagesse, ce que tu veux,  pour te permettre des trucs un peu plus en roue libre. Y en a qui sont déjà bon en 1ere année, d'autres toujours nuls en M2.  
 
Dans tous les cas se référer aux indications du prof ne peut être une faute.

n°3537596
paro25
Posté le 15-09-2011 à 19:49:53  profilanswer
 

Smb a écrit :

Breaking new : pour les gens qui passent le barreau à P1, on a finalement le droit de surligner les codes [:wark0]  
La confirmation de l'IEJ est normalement imminente.
 
Une belle bande de branlos tu nous confirmer ça 4 jours avant l'épreuve :/


 
 :pt1cable:

n°3537597
Profil sup​primé
Posté le 15-09-2011 à 19:51:02  answer
 

Smb a écrit :

Breaking new : pour les gens qui passent le barreau à P1, on a finalement le droit de surligner les codes [:wark0]  
La confirmation de l'IEJ est normalement imminente.
 
Une belle bande de branlos tu nous confirmer ça 4 jours avant l'épreuve :/


 
 [:turbocatcat]

n°3537607
ploumpy
:o
Posté le 15-09-2011 à 20:00:15  profilanswer
 


 
Oui je vois. :jap:
D'ailleurs, j'ai des cours de méthodologies qui sont certes facultatives mais qui sont conseillés par les profs donc j'irais. :o

n°3537609
Luskeef
Posté le 15-09-2011 à 20:02:44  profilanswer
 

Bonsoir vous autres
 
J'achève ma semaine de rentrée en L2 (l'emploi du temps fait que je suis en week-end le jeudi soir [:ptibeur:5]) et je sollicite humblement quelques conseils d'ordre bibliographique.  
 
Vu les listes exhaustives fournies par les profs et ce dont je me rappelle de ce topic, je comptais prendre au moins le GAJA et le manuel de Morand-Deviller (même si je crois savoir qu'il est sujet de discorde sur les terres HFRiennes). Par contre, en oblig, y'a apparemment beaucoup de bons manuels mais j'ai l'impression que le Terré se distingue du lot (mais bon, le prof a l'air de kiffer le Malaurie et Aynès).
 
Le reste n'a pas l'air exigeant au point de rendre des bouquins nécessaires (enfin, pas au point d'en posséder), mais si à la rigueur vous avec un cours d'institutions européennes à me proposer je suis pas contre (le prof a vaguement parlé de ceux de Sauron, Jacqué et Rideau, lequel vaut-il le coup ?).
 
Merci d'avance [:julian33:4]

n°3537612
juriste ju​nior
Tu peux m'appeler J.J.
Posté le 15-09-2011 à 20:03:30  profilanswer
 

AllenMadison a écrit :


 
Ah oui celui là aussi, une perle.


La meilleure note en la matière reste celle de Larroumet au receuil Dalloz 1997. "Il faut souhaiter que l'arrêt Chronopost ne soit qu'un bavure sans conséquences sur l'avenir"  :lol:
 
EDIT : sinon, je pense que des sujets sur les clauses lim resp ou sur la rétractation de la PUV sont trop prévisibles pour P1/P2.

Message cité 1 fois
Message édité par juriste junior le 15-09-2011 à 20:08:04
n°3537613
paro25
Posté le 15-09-2011 à 20:07:11  profilanswer
 

juriste junior a écrit :


La meilleure note en la matière reste celle de Larroumet au receuil Dalloz 1997. "Il faut souhaiter que l'arrêt Chronopost ne soit qu'un bavure sans conséquences sur l'avenir"  :lol:  


 
haha vu la suite de Chronopost, il a pas dû être déçu.

n°3537620
paro25
Posté le 15-09-2011 à 20:25:20  profilanswer
 

Prévisions (pour P1) :
 
En oblig : resp délictuelle fait d'autrui /  des choses, avec association sportive, abandon théorie des risques, perte de chance, médical ...
 
En procédure pénale : contrôles d'identité
 
En famille : gestion des biens dans le régime légal, filiation, PMA, adoption par un couple homosexuel/délégation d'autorité parentale et les grands parents qui veulent récupérer le gamin
 
tadaaa

n°3537642
Smb
Posté le 15-09-2011 à 20:47:58  profilanswer
 

paro25 a écrit :

Prévisions (pour P1) :
 
En oblig : resp délictuelle fait d'autrui /  des choses, avec association sportive, abandon théorie des risques, perte de chance, médical ...
 
En procédure pénale : contrôles d'identité
 
En famille : gestion des biens dans le régime légal, filiation, PMA, adoption par un couple homosexuel/délégation d'autorité parentale et les grands parents qui veulent récupérer le gamin
 
tadaaa


 
Imo y'auras pas que de la responsabilité extracontractuelle :o ; mais surtout du contrat, du moins j'espère c'est le seul truc que je connais bien.
C'est quoi l'arrêt consacrant l'abandon de la théorie des risque? J'ai dû louper un truc là...

n°3537646
juriste ju​nior
Tu peux m'appeler J.J.
Posté le 15-09-2011 à 20:50:39  profilanswer
 

En oblig' : l'abandon des risques en resp du fait des choses est trop prévisible. Les vrais facs d'aÿlite mettent les sujets auxquels on s'attend le moins. :o
 
Après me demandez pas quel genre des sujets va tomber. J'en sais foutrement rien :lol:

n°3537647
juriste ju​nior
Tu peux m'appeler J.J.
Posté le 15-09-2011 à 20:51:18  profilanswer
 

Smb a écrit :


 
Imo y'auras pas que de la responsabilité extracontractuelle :o ; mais surtout du contrat, du moins j'espère c'est le seul truc que je connais bien.
C'est quoi l'arrêt consacrant l'abandon de la théorie des risque? J'ai dû louper un truc là...


 
Civ. 2ème, 4 novembre 2010, RTD Civ 2011, n°137 (Jourdain) il est sous l'article 1384 dans l'édition 2012, jp n°49.

Message cité 1 fois
Message édité par juriste junior le 15-09-2011 à 20:52:27
n°3537648
Melpa
Rosbeef.
Posté le 15-09-2011 à 20:51:50  profilanswer
 

Moi en procédure civile je sens bien le commentaire d'article sur la réforme de l'appel. Ou un mix made in Paris 2 commentaire d'article/dissert.
Je le sens gros comme une maison.


Message édité par Melpa le 15-09-2011 à 20:52:24
n°3537653
Smb
Posté le 15-09-2011 à 20:55:30  profilanswer
 

juriste junior a écrit :


Civ. 2ème, 4 novembre 2010, RTD Civ 2011, n°137 (Jourdain) il est sous l'article 1384 dans l'édition 2012, jp n°49.


 
Merci :jap:  
Je suis vraiment à l'ouest en resp. extracontractuelle

n°3537658
Macnigore
Posté le 15-09-2011 à 20:58:08  profilanswer
 

Enorme panique à la veille de déonto: Je suis totalement à la masse/bourre. Fiches finies mais non apprises, je vais y passer la nuit
 
Désolé ça peut paraitre anodin par rapport au barreau mais c'est la première fois que je panique ma race à l'EFB.

n°3537659
paro25
Posté le 15-09-2011 à 20:58:26  profilanswer
 

juriste junior a écrit :

Les vrais facs d'aÿlite mettent les sujets auxquels on s'attend le moins. :o
 
Après me demandez pas quel genre des sujets va tomber. J'en sais foutrement rien :lol:


 
Ahaha bon ok alors on refait :
 
Oblig : responsabilité médicale, accidents de la circulation, produits défectueux, clauses de non concurrence et assurance de groupe
 
 
Et voilà comment j'aurais pas mon CRFPA :D

mood
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