perrout BBQs everyday | CCC 2021 Désolé ça va être long… Préambule
Quelques éléments transversaux pour ne pas les inclures dans le récit de course:
- Nourriture : j’ai mis un point d’orgue à soigner cela car d’habitude je fonctionne à l’envie et ce n’est pas optimal. J’ai surtout surveillé l’indice glycémique des aliments car cela me joue des tours (hypo) quand je déconne. Et pourtant il y avait des Snickers aux ravitos! Donc j’ai appliqué une stratégie inspirée des ressources d’Alain Roche (très bonne source, malgré sa tendance à provoquer sur les rezosocio ) à base de barres Baouw et sandwich. Sur ce dernier j’ai expérimenté le jour de la course (pas biieeeeenn): pain aux noisettes, viande des grisons, caviar d’aubergine. Vraiment une réussite ce dwich: ca change tellement de ce qu’on mange toute la journée en course et ça cale bien pendant les grosses montées.
- Sommeil: Comme pour le Grand Trail Courmayeur en 2019 j’ai essayé de soigner le sommeil la semaine précédente, avec un peu moins de succès. Mais c’est indispensable.
- Niveau: Après 20h15 sur la CCC 2014 j’aurais voulu descendre sous les 20h (je ferai souvent référence à cette édition). Mais j’ai un peu perdu en niveau (7 ans de plus, retour en Belgique, quelques saisons mornes, etc…) Par contre j’ai gagné en résistance avec un bon espoir de terminer, si pas plus vite, en meilleure forme. Comme on le remarquait avec Chou, le niveau est devenu assez dense. Pour le même temps que 2014 associé à une 400ème place, j’aurais été placé 600eme en 2021.
- From Courmayeur with love: 4eme course de plus de 100km pour ma part, et les 4 sont parties de Courmayeur (CCC x2, TDS et Grand Trail de Courmayeur), avec succès... prochaine étape, le Tor des Géants
- Départ par sas. Covid oblige, le peloton est scindé en 5 sas (3 habituellement sur la CCC), triés par cote ITRA. Formule plutôt positive car il y aura moins de bouchons qu’en 2014 et on part avec des gens de son niveau… Hélas pas pour tout le monde car certains du dernier sas avaient visiblement un bien meilleur niveau que leur cote ITRA. Ils ont dû se farcir la remontée de tout le peloton.
Récit de course
Départ Courmayeur 0h00
La navette vient me chercher à 7h à Argentière où je crèche, plutôt pratique et réveil pas trop tôt. En attendant de rentrer dans le troisième sas, je peaufine mon départ avec la nok et la crème solaire. Une bénévole vérifie l’entièreté du matos des coureurs, oui, la liste complète incluant le kit grand froid activé la veille. J’en profite donc pour aller chier dans le bosquet près du centre sportif, comme une centaine d’autres coureurs. Hymnes, hommage au décès sur la TDS et ma salve part à 9h30. J’avoue ressentir un peu d’émotion car comme le dit le speaker: ces sentiers nous attendent depuis 2 ans.
On traverse Courmayeur, ça ne part pas trop vite autour de moi et je compte bien en faire de même. Tout sera dans la gestion, voire la paresse. Gros chemin puis ca bouchonne un tout petit peu sur le single. Il y a un recensement des marques de chaussures, le gars doit être vachement calé pour reconnaître chaque marque à la volée, sur 2000 paires de pieds.
Ça monte bien, parfois sur un faux rythme. Il faut parfois dépasser des très lents. Ou se faire dépasser. A ce sujet, les dépasseurs font parfois preuve de beaucoup d’audace, s’attirant des "ça va calme toi!” de la part du dépassé. La réponse: “It’s a race”, et ils n’ont pas tort.
J’arrive ainsi à la Tête de la Tronche avec 8min d’avance sur le temps de 2014, dû à de moindres bouchons.
Tête de la Tronche 2h22 - 1295ème
Grosse vue sur la chaîne du Mont Blanc car le temps est radieux. Je ne résiste pas à prendre une petite photo. La descente est facile vers Bertone et j’y vais tranquillement en profitant.
Bertone 2h59 - 1266ème (-29)
Je mets un point d’honneur à boire la fin des flasks avant de les remplir. Un petit coca et un bout de fromage et c’est reparti. La partie en balcon se passe bien, bien que souvent entravée d’un faux rythme. Plutôt que de perdre de l'énergie inutilement à dépasser, je me laisse guider par le troupeau. On sent que certains coureurs sont partis trop vite et marquent le pas. A entendre leur respiration, ils sont vraiment en sur-régime. J’arrive à Arnouvaz 10min en retard par rapport au temps 2014 et l’écart se creusera régulièrement jusqu'à Vallorcine. Un petit bouillon/vermicelles pour la route.
Arnouvaz 5h03 - 1145ème (-121)
La montée du grand col Ferret est mythique et je ne sais franchement pas pourquoi. Je la trouve absolument banale, limite monotone. J’en profite pour commencer le fameux sandwich. J’ai un peu mal à la tête, sans doute à cause de l’altitude, je suis un peu patraque. Au dessus, il vente et ça caille mais pas de quoi justifier le kit grand froid (sans doute ok pour l’UTMB qui y passera de nuit?). J’y passe donc rapidement en t-shirt. Grand Col Ferret 6h31 - 1090ème (-55)
La partie Arnouvaz-La Fouly s’avère assez longue sans ravito. Ça descend assez facilement histoire d’engranger des kilomètres faciles. Il y a moyen de remplir de l’eau à La Peule mais vous savez… la paresse (la file de 3 personnes me décourage) . Je remarque qu’un type me dépasse pour la 5eme fois, il s'arrête tout le temps pour un oui pour un non, ça doit être relou de courir ainsi. La pente devient un peu difficile avant de rejoindre le fond de vallée. Ensuite, c’est plutôt plat et chiant (gros chemin puis route) jusqu'à la Fouly
La Fouly 7h50 - 1038ème (-52)
Un litre de boisson pour 2h50 c’était un peu juste. Donc je remplis vite une flask pour la vider aussitôt d’une traite. Soupe et on repart pour rester dans le flow de la course. Car il faudra encore courir beaucoup la partie qui suit (10km). C’était dans cette partie, après 20km de descente qu’un genou avait décidé de lâcher en 2014, en arrivant à l’endroit précis (petite descente avant le hameau de Saleinaz), je cogite. Et c’est le drame… non je déconne il ne se passe rien évidemment. S'ensuit la traversée de plusieurs hameaux, c’est plutôt réjouissant de croiser des supporters. Le sandwich avance bien. Un supporter me dit qu’il y aura des frites à Champex . Les petits drapeaux sur les dossards peuvent faciliter les échanges mais hélas conduire également à des blagues de merde.
Ensuite il faut remonter à Champex, cela me semble long et je perds quelques places. J’avale une mouche.
Champex 10h04 - 973ème (-65)
Enfin le premier ravito avec assistance. Mon pote va remplir son rôle à merveille et m’apporter la bouffe et remplir les flasks pendant que je me change. Je passe un nouveau t-shirt avant de me raviser et mettre une sous-couche chaude et le coupe-vent. Pas envie de le faire dans une heure. A noter que cette année, il fallait son propre bol et couverts pour les pâtes (certains n’avaient pas vu ce point visiblement, et donc mangent des petites tasses de pâtes avec les doigts).
Je repars au crépuscule en trottinant le long du lac. La partie jusqu'au plan de l’Au est encore un peu relou mais c’est sans doute la dernière où on peut un peu courir sur du plat. Il y a une BH au plan de l’Au mais aucun controle/badgeage. Ici on sort les frontales.
La montée vers la Giète est facile au début puis s’infléchit. On est une quinzaine “bloqués” derrière un duo de coureuses qui ne daigne pas s’écarter. En les passant, un gars va leur faire la remarque et elles semblent étonnées. OK, it’s a race, mais c’est quand même courtois de laisser passer les gens quand on voit un bouchon derrière soi, il me semble.
La fin est plus simple et un peu longue pour arriver à une bergerie où règne une ambiance de feu au milieu de nulle part. Ce petit ravito est clairement sympa mais je ne m’y attarde pas.
La Giète 12h51 - 842ème (-131, merci le ravito de Champex)
La descente est plutôt facile jusqu’au col de la Forclaz. Je double pas mal, sans grande difficulté. Beaucoup de coureurs marchent déjà dans la descente. Après le col routier ca se corse avec de grosses marches mais je trouve un poisson pilote et nous arriverons en bas à deux. On voit en face le ruban de frontales qui monte vers les Tseppes, ça ne donne pas envie.
Trient 13h41 - 816ème (-26)
Le ravito est petit et pas moyen de s’asseoir. Dommage, je déguste ma soupe debout. J’enchaine avec un coca dans le même gobelet, ce qui donne un appétissant coca/vermicelle. Je profite de l’assistance pour brancher ma montre à la powerbank, que je glisse dans la veste.
C’est reparti pour la terrible montée des Tseppes. Je ramasse le masque (obligatoire dans les ravitos intérieurs) d’un Italien. Du coup je me parlerai italien pendant la montée, montée que je subis en perdant quelques places.
Les Tseppes 15h06 - 770ème (-46)
La descente est assez rude. On dépasse une fille blessée, emmitouflée dans sa couverture de survie, ainsi que, juste après deux secouristes venus à sa rencontre. La fin est plutôt relou par une large piste de ski. Il n’y a plus le grand feu de joie à Vallorcine. Vallorcine 16h27 - 755ème (-15)
Je passerai étonnamment 16min sur ce ravito (et gagnant 29 places), c’est plutôt long: soupe, salami et redbull de l’assistance. A ce moment j’enregistre mon plus grand écart sur mon ghost_perrout_2014: 58 minutes de retard. Ensuite, comme je l’expliquais en préambule, je pense avoir gagné en résistance et en finish. Je comblerai un quart d’heure jusqu'à Chamonix.
En sortant du ravito, je suis saisi par le froid mais je me remets en marche rapide, et ça réchauffe (toujours une seule couche thermique et le coupe vent). Le gars devant a enfilé deux polaires, un collant et un bonnet… il enlèvera une polaire après un km, sa seconde étant trempée de sueur.
Au col de Montets, c’est une bonne surprise: une petite troupe a installé une mini discothèque avec musique et lumières. Tous les coureurs s’essaient à un petit pas de danse avec la femme surovoltée qui nous encourage. L’ambiance retombe bien vite quand on voit le mur devant, criblé de frontales montant en lacets. Mais on le sait, c’est la dernière. Elle est dure cette montée à la tête aux vents avec de grosses marches à passer. Ça n'en finit pas mais on s’accroche car Chamonix est derrière.
Tête aux vents 18h56 - 721ème (-34)
Il fait frisquet là haut. Je suis un gars dans cette portion piégeuse jusqu'à la Flégère. Mon orteil droit tape dans les pierres pour la centième fois de la course et me fait un mal de chien, je me retiens de hurler. Je continue à suivre le poisson pilote et on se fait happer par un nuage. On ne l’a pas vu venir, en 2 secondes on se retrouve dans la purée de pois. Donc on reste ensemble. Heureusement le chemin est évident et les balises toujours bien placées. Dans le dernier coup de cul pour la Flégère j’avale l’eau de travers et je m’étouffe comme un con. La Flégère 19h48 - 718ème (-3)
Le tenancier du ravito confirme que les coureurs en chient bien sur la portion précédente: “ça tape”. Je ne m’attarde pas trop avec un coca et un tuc. Je suis plutôt solide dans la descente, là où d'autres ont les cuisses détruites et marchent. Je me souviens d’avoir galéré en 2014 mais ici je suis plutôt pas mal, pas rapide mais pas entamé. La fin est toujours un peu longue mais une fois dans la ville, tout est oublié. Je regarde la montre, me dis que je peux faire sub 21h et puis me ravise en me disant que cela n’a pas de sens et que je ferais mieux de profiter de mon arrivée.
Chamonix 21h00 et 8 secondes - 715ème (-3)
Voilà je passe la ligne. Content du devoir accompli. Je découvre que je suis bien remonté (presque 600 places). Ca ne transparaît pas forcément en course car la plupart des grosses progressions se font aux ravitos. Mais gagner des places à tous les checkpoints, c’est plutôt élégant. Plus satisfaisant encore: j’arrive relativement frais. Hormis l’orteil, pas de bobo, encore l’esprit alerte, pas sommeil. Je pourrais presque continuer. Alors oui, je ne me suis jamais mis dans le rouge, j’aurais pu aller puiser. Mais je n’en ai pas envie. Avec mon niveau moyen, ce n’est pas le classement qui me fait rêver, mais d’augmenter les distances. Je pense tenir le bon bout de ce côté là. Ensuite je ne dormirai presque pas, ni la journée ni la nuit d’après, c’est presque inquiétant. J’attends le coup de bambou, de retour au boulot.
Mais que c'était bon, que ça m’avait manqué! Le stress du départ, un dossard, des supporters, monter en file indienne comme des moutons (l’insulte à la mode), se fixer des mini objectifs, rattraper un coureur, échanger quelques mots, souvent une petite blague, les ravitos avec leur lot d’estropiés, ressortir dans le froid et la nuit, être dans la bulle de sa frontale, l’arrivée, la délivrance, le sens de l’achèvement, la veste finisher à oublier dans le fond de sa commode et surtout… surtout...écrire un CR fleuve pour HFR. Strava: https://www.strava.com/activities/5864374414
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I live on the frozen surface of a fireball where cities come together to hate each other in the name of sport.
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