(oui, c'est long et sans smiley, vous pouvez ignorer si ça dérange. Besoin parfois de vider tout ça, et mes rares amis saturent.)
J'approche des 3 ans de rupture. Ça n'a pas vraiment de sens vue la durée de cohabitation qui a suivi, ça ne fait même pas un an que j'ai quitté le domicile conjugal.
Je regarde toujours le passé avec des sentiments mêlés. Je ne sais pas trop les décrire (les joies de l'alexithymie ) mais c'est un tas de trucs négatifs.
Un ami à qui j'avais parlé du passé s'était demandé si mon ex n'avait pas eu un genre de tumeur au cerveau, tellement le changement était radical et absurde.
Je m'en veux toujours, de ne pas avoir réagit, d'avoir laissé faire si longtemps. Un pas après l'autre, un tout petit pas, qui semble raisonnable, mais qui ne va pas dans la bonne direction. Jusqu'à se perdre.
J'en ai vécu des trucs durs dans ma vie, des violences, des événements improbables, des rencontres néfastes. Ma résilience était ma fierté. Bah, heureusement que j'ai un peu appris à me relever, parce que dès que je regarde en arrière j'ai une boule de rage, de tristesse, de peur, de dégout, et je ne sais pas quoi encore.
Dix ans où tout se passait à peu près bien, où il était fou amoureux et il m'acceptait avec mes particularités. Suivis de quatre ans où d'après lui j'étais un monstre, il était en prison avec moi, il avait toujours espéré que je change.
Ne pas dormir, travailler, prendre sur soi, tout gérer, tenir pour les enfants bien au delà de mes limites, bien au delà du moment où j'ai implosé. Je ne pouvais plus trouver le temps ni l'énergie pour prendre du recul, pour y mettre fin. Et j'arrivais tout de même à espérer, à faire des efforts.
J'ai des souvenirs qui remontent, tout le temps, il y a des déclencheurs partout. Enfin, avant c'était continu, puis plusieurs fois par jour. Maintenant ça doit être quelques fois par semaine et moins violent.
On me parle d'un film... Je lui avais proposé d'aller le voir à la sortie, une tentative pour partager quelque chose tous les deux. Il a préféré le voir avec un de ses amis.
On n'a pas fait de ciné, pas de resto, pas d'hôtel ou de sorties à deux pendant 6 ans.
Et tous ces films, que j'avais proposé qu'on regarde ensemble à la maison, et je découvrais ensuite qu'il les regardait effectivement ensuite, avec le casque sur les oreilles, sans me le proposer.
Enfin, quand il était là. Sur la fin, il sortait trois soirs par semaine, pour voir ses amis. Ses amis qu'il ne me présentait plus depuis des années parce qu'il était persuadé que c'est moi qui avait fait fuir les précédents. J'imagine que c'est plus simple que d'accepter que ses délire ésotériques ne faisaient pas l'unanimité et qu'ils avaient tous coupé les ponts au moment de sa reconversion.
Il sortait surtout pour voir ses amies. Cette amie. Il fallait la consoler de son divorce... Je n'ai jamais été jalouse, faut croire que j'ai surtout été très naïve. Je l'ai mal pris tout de même, le tout premier soir où les enfants ont été gardés, et où on aurait pu passer une soirée tous les deux, et il est allé la rejoindre. Après l'annonce de la rupture, je ne comprenais tellement pas ce qui se passait, son comportement, que j'ai brisé tous mes principes, et pour une unique fois dans ma vie j'ai fouillé dans les affaires de quelqu'un. J'ai lu ses sms. J'ai découvert qu'il parlait d'elle comme de sa "future", qu'il l'informait que je commençais à accepter le divorce alors qu'il me disait encore à moi qu'il ne voulait pas divorcer, et que ses amies le plaignaient d'être avec quelqu'un comme moi avec des mots qui me montraient tout le mal qu'il pouvait dire de moi.
Ses amies, il les invitait à la maison, sans m'en informer, uniquement quand je n'y étais pas. J'ai été super mal récemment en voyant un gâteau entamé, parce que ça m'a rappelé quand je suis revenue d'une sortie avec les enfants et qu'il nous a présenté fièrement sa pâtisserie au moment du dessert. Il l'avait visiblement faite pour d'autres qui en avaient déjà bien profité, pas pour faire plaisir aux petits.
Je crois que le pire souvenir de tous, c'est celui de mon burnout. Celui-là, je ne lui pardonne pas. Ca devait arriver, bien sûr, après ces années à travailler sans aménagement pour mon handicap, en gérant seule les suivis des enfants ("c'est ton domaine" ), et alors que je devais me lever 4 fois par nuit en moyenne pendant les 7 heures où je pouvais m'allonger (il disait que ça ne calmait pas les enfants quand c'était lui, donc il n'y allait plus). Mon psy a mis deux mois à me convaincre d'accepter au moins un arrêt de travail, comme tous les gens en burnout ça me semblait impossible. Et puis j'ai cédé. La première réaction de mon ex... Il a été ravi. Il allait pouvoir me laisser les enfants plus souvent, aller voir sa mère, voir ses amis sans s'inquiéter de la sortie de l'école puisque je pouvais gérer. Alors le premier jour de mon arrêt, il est parti voir sa mère, en me laissant le petit. Comme à son habitude, il n'y a pas eu de discussion, c'était imposé. Pourtant j'avais expliqué mon état, la situation. Mais j'avais appris à ne plus m'opposer. Moi. Comment ai-je pu en arriver là... Ce jour là, pas de repos possible, le petit a pleuré longtemps, et j'ai senti le trop plein en moi qui montait, montait... Je l'ai posé dans son lit à barreau, je suis allée dans la pièce la plus éloignée de la maison et j'ai implosé.
Il m'a fallut un an de mi-temps thérapeutique pour m'en remettre plus ou moins. J'étais vidée, j'avais même du mal à me laver. Mon psy parlait d'hospitalisation, mon ex me disait que la maison n'était pas assez propre, et utilisait mon état comme preuve que j'étais incapable de tout, que je n'étais pas autonome, que personne d'autre que lui ne pouvait m'accepter. Il m'a affirmé l'année suivant ignorer que j'avais fait un burn out, ignorer la cause de mon mi-temps thérapeutique. Délire ou mauvaise foi, je ne saurai jamais.
La plus grande culpabilité, malgré tout, c'est de n'avoir pas su protéger les enfants. Me sacrifier, ça passe loin après... Mais quand je n'ai plus eu d'énergie, quand j'avais trop peur de lui, alors je ne pouvais que limiter les dégâts. A quoi bon sélectionner les meilleurs suivis pour l'aîné, quand son père me disait tous les jours en sa présence qu'il était incapable et confondait autorité et violence.
Je comprends, quelque part, qu'il n'ait pas su gérer des enfants comme les nôtres. Je reconnais aussi que je ne pouvais pas me douter qu'il avait complètement oublié lui-même ses années de maltraitance infantile subies et qu'avoir des enfants ferait ressurgir ça.
Mais là, je ne me souviens même plus de la dernière crise autistique du cadet alors qu'il y en avait plusieurs par soir lors de notre année de cohabitation post-rupture. C'était à moi de les gérer bien sûr. A moi de gérer les pleurs quand il hurlait sur les enfants, quand il leur faisait mal.
Il semblerait qu'il s'est calmé, qu'il ne leur fait plus mal, que finalement ne pas réclamer la garde exclusive n'était pas un mauvais choix. J'ai toujours peur. Peur que ça recommence, qu'il leur fasse subir ses humeurs quand il aura des coups durs, peur qu'il tente de leur enseigner ses croyances, peur qu'il m'attaque verbalement à nouveau si j'exprime un désaccord un jour.
Je voudrais tellement pouvoir simplement couper les ponts. Comme avec n'importe quel ex avec qui on ne fait pas d'enfants. Mais non, je garde un ton neutre, un visage neutre, et on discute calmement du nécessaire même s'il essaie toujours de déborder.
Mais ça va. Je vais bien. J'ai reconstruit ma vie il ne reste presque rien de celle d'avant, les enfants vont bien, j'ai prouvé que je pouvais tout gérer de façon autonome contrairement à ce qu'il m'affirmait. Sa gentillesse affichée était le pire des crachats, me dire qu'il m'aiderait après la rupture puisque je n'était pas autonome, pas capable de gérer un foyer ni même de vivre seule.
J'ai arrêté les relations d'un soir, dont j'ai abusé pour ne pas penser, pour me prouver que je n'étais pas asexuelle et tout ce qu'il a pu dire, pour ressentir, pour ne surtout pas m'engager.
Je ne sais pas où je vais, mais avant c'était bien sombre, alors que maintenant j'ai toutes les cartes en main pour décider de ce que ma vie va être, et j'ai déjà bien changé.