Crapaud bavard a écrit :
Tu ne vas quand même pas nier l'opposition historique de l'Eglise vis à vis des sciences ?
Galilée (pour ne citer que le plus connu), il n'a rein subit de la part de l'Eglise peut être ? Et l'Eglise a accepté sa remise en cause ?
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L'Eglise aborde parfois les "découvertes" sceintifiques avec circonspection, et elle a eu bien raison souvent. Ainsi on se réjouit par exemple qu'elle n'ai pas avalisé sans réfléchir la théorie selaon laquelle les pygmées étaient le chaînon manquant entre l'homme et le singe.
Puisqu'il faut répondre encore une fois sur Galilée :
Le savant fut « sacrifié » par lérudit Urbain VIII, son ami et protecteur, pour des raisons politiques : le pape croyait ainsi donner le change à lEspagne et à lEmpire qui le menaçaient sous un prétexte religieux (voir ci-dessous) dans une Europe à feu et à sang. Calcul à court terme, avec de redoutables conséquences intellectuelles et morales à long terme ! Cette énorme bourde a gravement nui à lEglise, et lui nuit encore bien que la mise à lIndex ait été levée en 1664, que Galilée lui-même ait été réhabilité en 1784 par Clément XII, que les papes modernes lui aient rendu hommage, et que le concile Vatican II ait fait écho à sa pensée sur les rapports entre science et religion.
Néanmoins, si lon étudie de près laffaire Galilée on constate quelle ne correspond pas à la légende noire fabriquée au XIXe siècle par les polémistes anticléricaux.
Le procès de 1633 ne fut pas laboutissement logique de lattitude dune Eglise catholique « hostile à la science ».
Ce procès contredit lattitude que lEglise avait manifestée jusque là.
Rappelons que :
- le chanoine-astronome Copernic, mort en 1543, ne fut jamais inquiété ni même contredit par lEglise. Au contraire : Paul III avait lu avec intérêt le De revolutionibus orbium coelestium, que le savant lui avait envoyé avec une dédicace affirmant nettement que la terre tournait autour du Soleil. (Les seuls à attaquer Copernic furent Luther, Calvin et Melanchton).
- Certains théologiens catholiques renâclaient, mais ni plus ni moins que lensemble du microcosme intellectuel de lépoque : en effet la révolution copernicienne posait un sérieux problème à la pensée humaine, structurée autour du « système de Ptolémée » (géocentriste) depuis quinze siècles. Renoncer à une fausse évidence - la Terre centre du monde - allait être un processus lent et difficile. Certains intellectuels, rendus agressifs par ce quils considéraient comme une menace pour leur pouvoir, allaient entreprendre de persuader les tribunaux dEglise que le système de Copernic contredisait la Bible.
- Pourtant, durant les soixante années qui suivirent la mort de Copernic, le Saint-Siège naccepta douvrir aucun procès théologique contre son uvre. Mieux : en 1582, le pape Grégoire XIII utilisa des éléments coperniciens dans sa grande réforme du calendrier.
- Le souci de Rome était dempêcher les universitaires traditionnels, crispés sur Aristote et le géocentrisme, de déclencher une bataille suplémentaire dans le milieu intellectuel alors que lEurope était ravagée par la guerre entre princes protestants et catholiques.
- En 1589, à Rome, le cardinal jésuite Bellarmin (un des meilleurs intellectuels de lépoque) proposa, pour protéger la pensée copernicienne, de ne la considérer que comme une hypothèse : on dirait aujourdhui un « modèle ».
- Survient en 1590 Galilée, mathématicien et physicien, aussi parfaitement catholique que létait Copernic. Cest le protégé des scientifiques jésuites : Christophe Clavius, Paolo Valla. C'est aussi un polémiste-né. Dès 1604 il se pose en ennemi dAristote, donc de lestablishment universitaire. En 1609, il se fait astronome grâce à la construction du premier télescope. Ses observations, qui réfutent lastronomie antique et vont dans le sens du système copernicien, sont appuyées par les astronomes jésuites (Muzio Vitelleschi) et par les cardinaux romains protecteurs de la jeune académie scientifique et humaniste des Lincei.
- Bientôt triomphant et adulé, Galilée suscite les jalousies universitaires. Il leur riposte par des pamphlets, brillants, drôles et d'une rare cruauté. Les jaloux blessés lattaquent alors sur le terrain religieux. Deux dénonciations échouent en 1615 : lInquisition romaine les déboute, jugeant que Galilée na rien dhérétique.
- En 1616, les ennemis de Galilée trouvent un biais : ils parviennent à faire juger « contraires à la Bible » deux idées coperniciennes. Le De revolutionibus de Copernic, quoiquapprécié par des papes et des cardinaux, est mis à lIndex « jusquà ce quil soit corrigé ». Le véritable objectif des jaloux est de faire taire Galilée, notoirement partisan du système de Copernic
- Mais le cardinal Bellarmin protège Galilée : il lui demande de considérer le système copernicien comme une simple hypothèse tant que ce système naura pas été prouvé. Galilée sy engage : la méthode Bellarmin lui permettra, sil la suit, de continuer ses recherches à labri de la polémique. Le souci de Rome est toujours détouffer cette polémique, pour ne pas ajouter une crise intellectuelle aux convulsions politico-militaires qui ravagent lEurope.
- Hélas Galilée a deux défauts : il ne peut se retenir de polémiquer, et il est impatient. Il affirme avec des preuves insuffisantes. Il lui arrive même, comme à tous les chercheurs, de se tromper sur certains points : par exemple sur les comètes et les marées. Et il défend ces erreurs avec tant de férocité quil se fâche avec ses plus vieux amis : les scientifiques jésuites du Collège romain, tel lastronome Orazio Grassi (alors que dans laffaire des comètes, cest Grassi qui a raison !). Ces défauts de Galilée ouvrent un boulevard à ses ennemis.
- En 1623, un autre vieil ami de Galilée, le cardinal Barberini, ami des Lincei, devient le pape Urbain VIII. En 1624, Galilée lui fait part de son intention décrire un ouvrage comparant les divers systèmes du monde (il y en a trois à lépoque : Ptolémée, Copernic et Kepler). Le pape acquiesce, à condition que Galilée les traite tous comme des hypothèses. Galilée sy engage.
- En 1628, il soumet son texte au dominicain Riccardi (Inquisition romaine). Celui-ci, qui est un ami, ne lui demande que des modifications de détail et la promesse de faire imprimer le livre à Rome. Urbain VIII demande lajout dune conclusion pieuse, qui ne change rien au contenu scientifique. Galilée accepte.
- En 1631, Galilée montre la nouvelle version à Riccardi et obtient limprimatur. Urbain VIII le bénit.
- Puis Galilée fait le contraire de ce quil avait promis. Il imprime le livre à Florence, non à Rome. Ce qui lui permet dy faire des ajouts contraires aux accords : 1. un nouveau titre réduisant le sujet au duel Copernic-Ptolémée (ce qui rallume la polémique, contrairement à ce que Galilée avait juré au pape) ; 2. une façon désobligeante, et même sarcastique, de présenter la conclusion demandée par Urbain VIII. Du coup, le livre (qui a eu l'imprimatur !) prend l'air d'une provocation. Il paraît en 1632.
- Urbain VIII se fâche. Il juge que Galilée a trahi sa confiance. On en profite pour faire croire au pape que Galilée avait signé en 1616 lengagement de ne plus parler du tout de Copernic : Urbain VIII crie alors à la double trahison. On en profite aussi pour relancer lidée que Galilée est un crypto-hérétique, passible des tribunaux. La machine judiciaire va pouvoir se mettre en marche.
- Mais la colère du pape est à moitié feinte. Sil décide de frapper Galilée, cest surtout pour « leffet dannonce », comme on dirait aujourdhui. Et cest politique. Explication : les deux superpuissances catholiques de lépoque, lEspagne et lEmpire, sont en guerre contre les puissances protestantes (princes allemands et roi de Suède, soutenus en coulisses par la France de Richelieu). Urbain VIII, francophile, passe pour complice de Richelieu. LEspagne et lEmpire menacent donc Rome. Puissances ostentatoirement catholiques, leur arme idéologique est la « défense de la foi ». Pour obliger le pape à rompre avec la France, elles laccusent de mollesse envers lhérésie protestante : prétexte qui peut mener au sac de Rome par larmée impériale (comme en 1527). Déjà les cardinaux pro-espagnols (Borgia, Ludovisi) demandent la déposition dUrbain VIII. Il y a même des rumeurs de complot dempoisonnement. Pour se défendre de cette menace, le pape veut réfuter laccusation de mollesse en faisant un coup déclat : obliger une célébrité à se démarquer de toute hérésie, sous les yeux de lEurope. Galilée tombe à pic...
- Urbain VIII lance la procédure en 1633. Il cadre lopération de très près, pour lui faire produire leffet politique attendu sans être trop dur envers le septuagénaire Galilée. Linstruction, confiée à un neveu du pape, limite le chef daccusation : ainsi lInquisition ne pourra pas aller trop loin. Puis le procès est expédié en deux audiences. Il est purement formel. Aucun débat didées. Après une conversation off avec le commissaire général Maculano, Galilée accepte de faire ce quUrbain VIII attend de lui. Le 22 juin, on lui inflige une assignation à résidence perpétuelle et il signe une abjuration. Cette repentance est censée réprouver tout ce qui, dans lacharnement de Galilée en faveur du système de Copernic, pourrait, de près ou de loin, avoir des résonances hérétiques
- Après quoi Urbain VIII envoie copie du document, non aux évêques de la chrétienté, mais
aux souverains et principaux ministres de toute lEurope. Ce qui montre dans quel esprit a été menée laffaire.
- Galilée vivra encore neuf ans, dans le confort de la villa Médicis, puis du palais archiépiscopal de Sienne, puis de sa propre villa florentine : recevant ses élèves, et écrivant ce qui sera son livre principal (un ouvrage de physique : Discours et démonstrations mathématiques concernant deux sciences nouvelles touchant la mécanique et les mouvements locaux).
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