Candidate 1
Celle-ci ne semble pas très stressée. Nous comprenons pourquoi une vingtaine de minutes plus tard lorsqu’elle nous annonce qu’elle n’a pas réellement envie de travailler. J’imagine qu’elle est venue pour prouver à Pôle Emploi qu’elle cherche un emploi. J’ose à peine lui faire remarquer qu’elle aurait pu nous le dire avant.

Candidate 2
Âgée de 19 ans, elle n’a aucune expérience et n’a que son brevet des collèges comme diplôme.
Cela ne nous rebute pas, ce qui est moins le cas de l’état d’angoisse qui est le sien. Elle repart douze minutes plus tard, sans jamais avoir réussi à articuler un son audible, malgré nos encouragements chaleureux. De questions fort compli-quées («  Est-ce que ce métier vous plairait ?  »), nous étions rapidement passés à  : «  Quel âge avez-vous  ?  », «  Comment vous appelez-vous  ? », ou encore «  Est-ce que vous voulez un verre d’eau  ?  ». Le seul courage qu’elle trouve ce jour-là est de ne pas partir en courant

C3, C4, C6, C7, C9, C10, C12, C13, C14, C16 :
Les candidates numéros trois, quatre, six, sept, neuf, dix, douze, treize, quatorze et seize font exactement la même chose. Passons sur le sujet du salaire, question évidente mais que pour ma part, à leur place, j’aurais abordée en fin de rencontre plutôt que dès le moment où mon postérieur a touché la chaise sur laquelle on m’a demandé de m’asseoir  ; surtout quand la réponse est clairement stipulée sur l’annonce. «  Est-ce que j’ai des tickets resto  ? Est-ce qu’il y a une bonne mutuelle  ? Est-ce qu’il faut se lever tôt le matin  ? Rentrer tard le soir  ? Est-ce qu’on a le droit d’aller sur Facebook  ? Est-ce que j’ai le droit de ne rien faire en étant très bien payée et en plus d’être de super mauvaise humeur  ?  » Bon, soit, je reconnais que cette dernière est pure invention de ma part, mais c’est un peu le sens caché commun à toutes ces interrogations.

C5
J’ai devant moi la candidate numéro cinq. Âgée d’une cinquantaine d’années, elle me demande si le poste peut être à mi-temps. L’entretien prend fin instantanément, l’annonce étant assez claire sur les sept heures par jour obligatoires.

C8
Après deux jeunes femmes très à l’aise dans leur rôle de représentantes syndicales (en tout cas pour se représenter elles-mêmes), arrive la numéro huit. L’entrevue se passe parfaitement, elle est prête à bosser et dégage quelque chose d’assez professionnel malgré ses vingt-cinq printemps.
Malheureusement, la présence de son conjoint à l’entretien nous rebute carrément (nous sommes tellement interloqués que nous ne pensons pas à lui demander de sortir). Impossible en effet de ne pas se dire que le jour où nous aurons un éventuel problème avec elle c’est à lui que nous aurons affaire.

C11
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises, puisque la numéro onze entre dans la pièce avec ses parents, qui ne partent pas non plus. Il n’y a que deux chaises de leur côté de la table, et après un rapide coup d’œil dans la pièce vide le papa décide de rester debout. Dix minutes plus tard, nous en savons beaucoup plus sur la mère que sur celle qui souhaite être embauchée, cette dernière n’ayant pas eu l’occasion de dire plus d’une phrase. Et comme la maman en question ne cherche pas
vraiment de travail, l’affaire est rapidement entendue.

CBIS
cette jeune fille de 24 ans venue postuler chez nous et que j’avais fait monter dans mon bureau, au premier étage de la maison que nous louions alors. Arrivée en bas de l’escalier, elle avait émis un grand soupir avant d’amorcer la montée. Au milieu du parcours, elle s’était retournée, et m’avait demandé si elle aurait à le monter chaque jour. Très ennuyé, je m’étais dit qu’elle devait être handicapée et que j’étais passé à côté, bref, je commençais à pas mal culpabiliser sur mon éventuelle bévue. Histoire de confirmer mes craintes, j’avais fini par lui demander si elle avait un quelconque handicap physique et lui présentais dans ce cas mes plus plates excuses.
«  Non pas du tout, je suis juste fatiguée, c’est tout.  »
Sans doute trop en tout cas pour réussir à ne pas râler devant une quinzaine de marches (maximum, juré craché, c’était pas la tour Eiffel), au cours de ce qui était pourtant un premier contact en vue d’une éventuelle embauche. Cette jeune elle, comme tous ceux qui se permettent de partager ce genre de réflexions hallucinantes, pouvait elle imaginer ce que j’avais alors à l’esprit  ? C’est horrible, mais je vous promets que tout recruteur, DRH ou patron, se dit forcément, à ce moment précis  : si elle râle déjà pour devoir monter un escalier alors qu’elle est là depuis dix minutes, qu’est-ce que ce sera dans un an  ? Aujourd’hui, si je mets une annonce pour trouver un pigiste dans des domaines un peu populaires (par exemple tourisme, culture ou sport), je reçois au moins six cents candidatures en moins de trois jours (véridique, vous comprenez maintenant pourquoi on lit rapidement un CV). Et pourtant, je ne dirige qu’une PME de quarante-cinq personnes au fin fond du Lot-et-Garonne

plutot Fumel que Marmande