Ache a écrit :
Le topic, du fait de la réflexion-même quil exige, a soulevé une question qui me tient très à cur : comment et quand communiquer la saisie-même du monde, si saisie il y a ?
Cest Hephaestos qui sest levé contre, je dirais, une espèce de communication peu généreuse. Je comprends ce rejet. Mais justement je vais me corriger : ce que je comprends, cest le ressenti. Le rejet, lui, jessaie de lutter contre. En dautres termes, jaime, moi aussi, la communication, quand elle parle à lautre.
Deux points pour tenter de penser cette affaire :
1 - Ce langage (celui que Le penseur fou qualifie de très savant et très académique) est indéniablement riche. Mais il saute une étape. Il saute létape qui a conduit à ce langage-même. Par manque de temps. Et par son ambition-même qui est de devenir, et pas seulement de revenir sur.
2 - Comprendre une pensée, cest être en mesure de refaire soi-même le processus inductif, déductif et causal (?) qui construit cette pensée. Et le refaire soi-même, cest la concevoir, cette pensée. Et, je pense, cela sapplique à tout effort de compréhension et de conception. Si je dis que « je comprends comment fonctionne un moteur à explosion », alors je suis capable de faire un genre de simulation du cycle à quatre temps (ou deux) dans ma tête, en visualisant, par exemple et entre autres, la transformation du mouvement translatif du piston en mouvement rotatif du vilebrequin.
Et létape que ce langage saute, cest létape pendant laquelle la pensée (à coup de lectures, dinfluences et dobservation (et introspection)) sest déterminée elle-même. Par conséquent, à moins davoir les mêmes problèmes que lauteur, à moins davoir le même ou semblable corpus de « problème/question + recherche et penseurs sur et à propos de ces problèmes/question », ce langage partagera peu. Je ne dis pas quil ne partage pas, je dis juste quil partage peu. Ce langage, en fait, requière une grande empathie ! Mais pour la gagner, parce quon peut gagner une empathie, il faudrait quil expose le cheminement historique et contingent de cet effort intellectuel. La philosophie, je la considère comme infiniment proche de nous, mais tant quon ne voit pas le problème, on la considère abstraite et éthérée (au mieux). Et un problème, cest laffaire dun regard qui est en prise avec son rapport au monde (et à soi donc). Un exemple, inspiré de Deleuze, qui est criant de lucidité :
Claire Parnet pose une question à Deleuze : elle lui dit : « LIdée ? ». Ils vont parler du concept « Idée » de Platon. Je retranscris de mémoire le discours de Deleuze, discours qui est plus oral que discursif :
" Les gens croient que la philosophie, c'est abstrait. Mais non... c'est parce qu'ils ne voient pas le problème... un concept philosophique répond et éclaire une question donnée, un problème... prenons, par exemple, Platon. Le Grèce antique donc. Il y avait une Cité. Avec des statuts différents. Des marchands, des magistrats, tout ça... Et il y avait cette réalité des "prétendants" : des gens prétendaient à tel poste, à telle fonction, puisque "démocratie"... Et, en parallèle, nous avons donc Platon... Nous avons... l'Idée, de Platon. Son concept. Qu'est-ce qu'une "Idée" ? avec un "I" majuscule. Et bien... je dirais... une Idée est... une chose, qui ne serait QUE cette chose. Alors... bon... c'est abstrait, ça.. Et bien, prenons un exemple : Une mère, une maman. Une mère, elle n'est pas que mère : elle est épouse, elle est fille d'une mère, etc. Elle peut avoir une fonction. Elle peut être grande, ou petite. Mais si on ne prenait - et peu importe que ça existe ou pas - une mère
qui ne serait que mère ! : alors là, nous aurions l'Idée d'une mère. C'est cela une Idée : une chose qui n'est QUE cette chose. Et dans une Cité, tout cela, devient politique, concerne la politique : sera magistrat celui qui "colle" le mieux à l'Idée du magistrat ! ... enfin... tout se recoupe, après... il n'y a pas non plus un simple rapport de cause à effet : c'est toute une évolution, une réflexion, que mène Platon, et les autres, aussi, bien sûr... D'ailleurs, cela me fait penser à une chose, qui, je crois, est l'invention fondamentale de la civilisation grecque - dont nous sommes les héritiers. C'était donc un monde, une cité, qu'on peut appeler "démocratique" : les fonctions, les statuts, avaient des "prétendant" - contrairement à une civilisation impériale, où c'est l'empereur, le roi, qui NOMME les statuts : "toi tu feras ceci, toi, cela, ...". Dans le monde grec, il y avait compétition, il y avait prétention, entre des Hommes libres : La Grèce antique a inventée la rivalité des Hommes libres. "
Et maintenant, voici ce que dit lAntichrist sur le " Concept " (A propos du vocabulaire de Hegel), définition que je cite juste pour faire un parallèle en la faveur de notre compréhension à tous !!
Citation :
Concept : Le concept [ " Begriff " ], nest pas une simple représentation générale, universalisation purement formelle d'un contenu présupposé par elle et adapté à une telle forme généralisante ( et appauvrissante ) de ce qui en lui est particulier (le concept de couleur). Pour Hegel, le concept est un sens universel qui par un mouvement de négation de lui-même se détermine. Ainsi, l'être se nie en un non-être par son indétermination même et se pose comme identité de l'être et du néant, donc comme devenir qui se poursuit jusqu'à la position de l'être comme savoir absolu qui le prend d'abord pour objet. Ce processus d'auto détermination du concept implique que : 1. le concept se différencie en lui-même de lui-même comme sens, idéalité ou subjectivité pure, et se pose comme sensible, réel ou objectif. Le concept est un processus des choses tout autant que de la pensée. 2. Le concept est unique et les concepts sont les différents moments de son auto déploiement générateur de tout ce qui est. Le concept est libre création de lui-même ( lorsque la totalité du processus conceptuel est réalisée, Hegel parle de l'Idée ), sujet maîtrisant son développement objectif, liberté sassurant en son déploiement nécessaire.
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Et sur cette problématique, sur ce pari, sur ce cri en fait, je pense quil y a une autre activité humaine qui a beaucoup à dire et qui a beaucoup à montrer : lArt. Une production artistique affiche, généralement, et son tout, et ses parties. Il y a le médium, le procédé de fabrication, qui informe déjà, un peu, sur la démarche ; et il y a le résultat, le tout, qui est en devenir permanent, qui « nen finit jamais » , et qui nous offre, in fine (mais toujours fuyant), le regard authentique de lartiste. Claire Parnet, toujours, demandait à Deleuze comment pouvait-il se prononcer, par exemple, sur les mathématiques seulement en lisant les revues et les publications scientifiques mathématiques. Il a répondu que, souvent, nous navons pas besoin de tout savoir, mais que, plus souvent, nous avons besoin den savoir juste assez pour provoquer des rencontres. Cest ainsi que Deleuze a fait rencontrer Bresson (le cinéaste) et Riemann (le mathématicien). En commençant à lire le premier post de lAntichrist, voici ce que jai rencontré ! :
Citation :
Nous nous efforçons de faire tout ce que nous imaginons que les hommes considèrent avec joie, et au contraire nous avons de laversion à faire ce que nous imaginons que les hommes ont en aversion" (cf. Ethique, III, 39). Rien de plus étranger à Hobbes que ce principe d "égo-altruisme", d "imitation affective" qui nous fait éprouver les sentiments que nous avons inspiré à autrui. Cette perspective se situe donc en-deçà de lalternative entre égoïsme et altruisme : me réjouir moi-même de la joie que je donne à mes semblables, cest la même chose que maimer moi-même à travers lamour quils me témoignent.
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Paul Valéry disait que quand je dis « je taime », je devrais dire « je taime pour ce que je suis quand tu es avec moi ». Citation :
Lambition et lhumanité, effort pour faire quelque chose (
) pour la seule cause de plaire aux hommes. [
]. Parce quil peut se faire que la joie dont quelquun imagine affecter tous les autres soit purement imaginaire, et que chacun sefforce dimaginer de lui-même tout ce quil imagine laffecter de joie, il peut donc aisément se faire que le glorieux soit orgueilleux, et imagine être agréable à tous alors quil est pénible à tous.
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Je nai pas encore fini de lire
Mais tout cela consomme trop de temps (trop de pâtes)
et puis je ne me suis même pas exprimé sur ce que je vois de constructif, sur la rencontre possible en fait entre la philosophie et les sciences cognitives
A plus
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