Citation :
...moins avec sa mise en page et l'aggressivité contenue qu'il a eu. J'ai d'ailleurs une question à vous poser : que pensez-vous que j'ai voulu dire par métacognition ? (en parlant de ce qui différenciait l'homme des autres espèces) Car je suppute que vous avez fait des raccourcis un peu trop simplistes en me reprenant (au passage j'expliquais les substrats de base).
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Ce nest pas lemploi de ce terme, ni même celui dinterprétation, qui mont fait réagir, puisquau contraire ils vont plutôt dans le bon sens, mais bien la manière que vous avez de les utiliser ; ce sont les présupposés de votre position, qui la fonde dans sa généralité et lui donne son " autorité ", qui ne vont pas. Comme déjà dit, je reproche dabord à votre explication de reposer sur le clivage aujourdhui dépassé du corps et de lesprit qui vous oblige à les juxtaposer selon le modèle mécaniste action (du corps, lui-même répondant à une stimulation extérieure)/réaction (de lesprit, sous la forme dune sensation ou dun sentiment) : " Une ou plusieurs de ces actions peuvent correspondre à une émotion (c'est à dire au niveau de la pensée, un sentiment que tu reconnais). " De même lorsque vous dites : " Au niveau directement supérieur comme j'ai dit plus haut, la combinaison d'émotions basiques donne des émotions + nuancées. Cela monte ainsi crescendo. Plus les capacités corticales sont présentes plus on peut monter ainsi en degré d'abstraction à partir de substrats par ailleurs présents chez les autres animaux ", vous commencez par séparer le corps de son idée pour ensuite les unir (juxtaposition). Ainsi, si vous constatez et reconnaissez cette union, celle-ci nen demeure pas moins incompréhensible ! Vous réagissez en cartésien ! Il faut, au contraire, oser limpossible réconciliation, dépasser laporie de la dichotomie et légitimer, fonder lunion en droit et non plus à partir de seules considérations de faits, en réintégrant et en réhabilitant le phénomène de lincarnation ! Le corps est une instance originaire, matrice de lexpérience à partir de laquelle nous agissons et nous exprimons : il faut délaisser " la pensée objective " pour retrouver à travers le vécu intentionnel de lexpérience perceptive le contact avec le corps, notre corps, non un simple réceptacle maudit dune âme seule digne détudes (doù mon rejet, à la fois du matérialisme et de lintellectualisme...). Nous devons renouer avec cette évidence qui sétait peu à peu laisser stratifier sous les données de la pensée objective et que la philosophie elle-même (sous la forme de lépistémologie, omniprésente dans les facultés française, pour notre plus grand malheur...) avait fini par oublier : nous sommes notre corps, nous nhabitons pas en lui ainsi quun " pilote dans son navire " comme le faisait remarquer Descartes, mais expérimentons concrètement le phénomène de lunion. Il ny a plus de place ici pour le mécanisme ! Entre la notion de " fonctionnement ", valable pour les machines comme pour les animaux, et lindétermination (la " transcendance " en langage sartrien) de lexistence humaine (sa " liberté " ), il y a plus quune différence de degré mais bien une différence de nature ! Cest dailleurs pourquoi il nest pas possible de faire reposer la distinction homme/animal sur la simple différence perception/aperception (vieil héritage leibnizien) : on ne peut refuser la sensibilité aux animaux sous le prétexte quils ont des états intérieurs sans conscience ou connaissance réflexive de ces états car il ny a quune différence de degré entre les " petites " perceptions sans conscience, cest-à-dire dont on ne saperçoit pas et laperception ou conscience dont on saperçoit, totalité que lon ne saurait appréhender sans quelle intègre la sommation de ses parties ! L'homme est cet être qui n'a aucune fonction, aucun rôle propre d'autant qu'il peut déléguer à des machines certaines fonctions organiques, les extérioriser, les séparer de son propre corps mais sans cesser d'être lui-même puisque c'est son corps qui s'y dispose ! Une machine " vivante " ne fait que réagir à une information fournie et univoque, elle ne fonctionne que dans un système positif de conditions d'existence, tandis que tout homme a le pouvoir de réagir à l'équivoque, à l'inconnu, à l'imprévisible, à l'absence qui n'est pas simple négation de la présence dans un système binaire, à ce qui est inassignable dans un inventaire de données positives. Et ce pouvoir n'est ni un rôle, ni une fonction. Le penseur fou, un peu plus haut, parlait de " diversité " pour qualifier la liberté ; et d'abord diversite dans l'arrangement des paroles, rendue possible par l'usage de la raison conceptuelle, c'est-à-dire comme instrument universel. Mais ce n'est pas la diversité seule qui fournit un critère de démarcation entre la machine (même " vivante " ) et la pensée humaine, car une machine peut arranger des paroles en fonction d'une multiplicité d'informations données, mais c'est une diversité non totalisable, non susceptible de classement, non réductible à l'univocité ; c'est une diversité de réponses " au sens de tout ce qui se dira " en présence du locuteur, tout désignant ici cet espace illimité, non objectivable entièrement, que parcourt une pensée qui n'est pas simple fonction pensante, qui n'est pas programmable. Comme dèjà dit, la différence n'est plus de degré, mais de nature : l'homme est la seule créature vivante sujet de son propre jugement. Par cette qualité, tout homme est dans chaque homme, alors qu'il est impossible que toute la machine soit dans telle ou telle machine. Prenons l'exemple de la main : elle est pensable dans les termes du mécanisme, aussi bien dans sa structure propre que dans sa correspondance avec une importante aire cérébrale. Toutefois son mécanisme est relativement indéterminé, prêt à une polyvalence de fonctions, sans limites précises. Elle est trop indéterminée (non spécialisée) pour la seule opération instinctive, elle implique trop d'intentionnalité, de visée consciente ; c'est un organe disponible pour le geste réfléchi, voulu comme tel quant à ses fins. L'indétermination organique n'est pas toute la liberté mais elle prépare la possibilité d'une liberté effective. Cette indétermination organique (à mon sens, l'argument le plus redoutable contre le darwinisme, soit dit en passant, sans vouloir froisser Ars Magna...) se retrouve au niveau du cerveau dont on sait aujourd'hui qu'il est capable de se réagencer dans son usage suite à un accident cérébral (crise cardiaque ou rupture d'anévrisme) ! Au final, mon " agressivité " (feinte...) se justifie par ma révolte contre ce processus de déshumanisation institué par les sciences cognitives (doù, je ladmets, ma gêne devant lusage de ce terme de meta-cognition qui suggère, au contraire, la reconnaissance des présupposés à toute interprétation signifiante, dune expressivité co-constitutive du sens et de la forme, comme dans linterprétation artistique, dune précompréhension fondamentale qui, en dernière instance, déciderait de la compréhension finale) vécu comme une désolidarisation progressive et continue davec notre être, scission interne qui, corrélativement, implique la perte de la structure particulière et unique de notre relation avec lextérieur, le monde et autrui. La philosophie est, par nature, (cest là notre héritage grec !), destinée à reconstituer lunité éclatée quest lhomme, réfléchir sur son statut dêtre vivant voué au monde et à ses semblables. Toute philosophie est une anthropologie, une réflexion sur la condition humaine ! Contre la pensée dualiste qui produit un corps objectif et abstrait, le point de vu phénoménologique le fait apparaître comme ouverture fondamentale à soi-même, au monde et à lintersubjectivité. Le sens ne naît pas dun pur intellect, pas plus que le corps nest un simple processus biologique (encore une fois, cest ce que votre contribution laisse entendre...) de réponses réflexives (doù le caractère ambigu de votre référence à linterprétation...) à des stimuli extérieurs, mais surgit de la rencontre dialectique du sujet et du monde, dans et par la corporéité, comme être-au-monde, ouverture, déhiscence...
Message édité par l'Antichrist le 25-08-2004 à 13:52:29