Allez je profite que je suis là pour donner mon avis général sur le film :
Certainement le plus noir, le plus sombre et le plus désespéré des films de Spielberg. Impressionnant, aussi. Pas d'allégorie patriotique ici, rien de cette gloriole à laquelle nous ont habitué les réalisateurs de blockbusters américains. Contrairement aux films comme 'Independance Day' ou 'Armaggedon', le président américain est totalement absent de l'écran et ce n'est pas l'armée américaine qui sauve le monde. Il n'y a aucun discours moralisateur.
Entre parenthèses, le fait de placer la narration dans la première puissance militaire et économique permet de mieux appuyer l'inutilité de tout l'amas technologique humain face à la force des envahisseurs. C'est pour cette raison que dans le livre d' H.G Wells c'est l'Angleterre qui est visé, car à l'époque (19ème siècle) c'était la première puissance mondiale. Le film de Spielberg lui se déroulant de nos jours, il est donc logique que par rapport au bouquin l'action ait été transposée aux USA...
Spielberg en tout cas remplit tout à fait son contrat de film à grand spectacle avec scènes de fuite et de destruction. Quelques concessions aux canons commerciaux, bien sûr (sic le happy-end où toute la famille a survécu et se retrouve), mais finalement en assez petit nombre pour ne pas gâcher la totalité du film.
Certaines images sont impressionnantes : la rivière qui charrie des dizaines de corps devant les yeux de la petite fille, un train en feu qui traverse la ville à toute allure
Pour rendre la confusion, Spielberg filme souvent caméra à l'épaule. Le spectateur a alors l'impression de faire partie de la foule, pris dans la panique lui aussi (chapeau bas au passage pour l'idée des rayons qui détruisent uniquement ce qui est vivant, d'où cette vision apocalyptique de vêtements s'envolant au vent à chaque frappe... esthétique et terrifiant à la fois !).
Mais la bonne idée de Spielberg est d'avoir su, à côté des scènes spectaculaires, faire avoisiner avec une économie de moyens de petites scènes d'angoisse et de suspense, ainsi le passage dans la cave du jeu de cache-cache avec l'espèce d'appendice robotisé (un "coucou fait-moi peur" très bien filmé).
Les scènes intimistes quant à elles sont pour une fois pas trop gnangnantes et très bien rendues par les acteurs. Dakota Fanning, la petite fille, est épatante pour son âge. Tim Robbins, inquiétant personnage, fait froid dans le dos. Tom Cruise quant à lui est parfaitement crédible en père raté, n'en déplaise à ses détracteurs. Car ici il n'endosse pas le rôle d'un (super)héros mais celui d'un père de famille qui tente in extremis de ressouder des liens avec ses enfants et de reconsolider les failles dune famille éclatée. D'où son absence sur laffiche du film : il incarne tous les petits "vous et moi", individu pris dans la tempête parmi tant d'autres.
Comme souvent chez Spielberg, les scènes touchant à la famille sont émouvantes. Ainsi dans cette scène où, lorsque Ray demande à sa fille depuis quand elle est allergique au beurre de cacahuète, elle lui répond : "Depuis ma naissance". Image douloureuse d'un père constamment absent...
Mais la GRANDE QUALITE DU FILM est d'avoir su communiquer un sentiment de malaise, d'effroi et même par moment de résignation face à la barbarie des envahisseurs.
On y retrouve les éléments d'un génocide et les clés qui permettent de comprendre la relative passivité et surtout l'état d'esprit devant l'horreur d'une extermination.
L'Homme, redevenu un animal uniquement préocupé par l'instinct de survie, est capable de tout pour se protéger et protéger ses proches, les critères moraux et sociaux s'écroulant totalement (sic la scène où la foule se jette sur la voiture de Ray, où encore la scène - formidable - du bateau où les autorités refoulent impitoyablement les gens).
S'il y a un message dans le film de Spielberg, je pense pour ma part qu'il est là.
Dans cette noirceur cependant quelques pointes d'humour (souvent mal interprétés) :
- Ce sont des terroristes ? demande le fils.
- Ca venait d'ailleurs...
- D' Europe ?
- Non, d'ailleurs !
Petit dialogue qui, l'air de rien, pose en filigrane la critique par Spielberg de l'isolationisme américain ('il y a l'Amérique d'un côté et le reste du monde de l'autre'). Et met le doigt aussi sur la peur toujours présente dans l'inconscient collectif américain d'un second 11 Septembre.
Idem quand au sentiment d'invincibilité ('on est les plus forts') avec le personnage de Tim Robbins incarnant un résistant maboul, convaincu que les envahisseurs finissent toujours défaits.
Certaines scènes peuvent paraître un peu gratuites (les envahisseurs qui se servent de sang humain comme un genre d'engrais), mais ces passages sont surtout là pour montrer qu'une civilisation, aussi avancée soit-elle, n'exclut pas la barbarie du moment que son but est l'extermination d'autres êtres vivants (on peut penser en parralèle aux nazis qui dans les camps de la mort récupéraient les cheveux et la graisse de leurs victimes...).
Beaucoup de spectateurs ont reproché au film certaines invraissemblances (il y en a même qui n'ont retenu que ça !). C'est excessif. N'oublions pas qu'un film de science-fiction n'est pas un documentaire scientifique... Je n'ai pas pour ma part trouvé qu'il y en avait tant que ça (rien à voir en tout cas avec un certain film dans lequel un personnage arrive à piloter un engin extraterrestre pratiquement sans entraînement, et un autre à neutraliser les méchants aliens gràce à un virus informatique...).
Pour ce qui est de la fin du film (j'entends la manière dont les envahisseurs sont éliminés), certains ont injustement trouvé qu'elle n'avait ni queue ni tête... c'est pourtant celle du livre ! Qu'elle soit abrupte, soit. Mais elle n'en reste pas moins fidèle, sa trouvaille reposant sur sa simplicité et son côté inattendu (on peut penser en parralèle aux indiens d'Amérique qui, durant la conquête espagnole, furent décimés en partie à cause de maladies nouvelles que nous leur avions apporté d'Europe et contre lesquelles leur appareil immunitaire était totalement impuissant...).
Bilan du film : pas tout à fait un chef-d'uvre, donc... mais pas loin de l'être. Il reste un spectacle surprenant, hallucinant, qui prend aux tripes. Et dont je ne suis pas prêt d'oublier certaines scènes...