Profil supprimé  | (réponse un peu tardive, mais je n'étais pas là ce we + carte mère en rade)
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  Prodigy a écrit :
 
 Je ne comprends pas (et n'accepte pas) ce terme de gratuité, oui, faire de belles images est gratuit, Kubrick qui filme ses vaisseaux sur du Strauss pendant des heures dans l'espace c'est gratuit, mais c'est aussi ça, la mise en scène, des choix picturaux, visuels, etc.
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 (par contre, quand Kubrick fait des zooms ralentis insistants dans Full Metal Jacket, tu n'apprécies pas - donc, l'éthétique a des limites)
 (pour la gratuité ou non dans 2001, je développerai plus tard si demandé - en résumant, dans un film parlant (aussi) de l'émerveillement face à la nouveauté (réaction face aux monolithes - notamment la photo-souvenir), le ballet des vaisseaux me semble tout sauf gratuit - faut pas non plus oublier que l'un des premiers films, c'était Arrivée d'un train en gare de La Ciotat)
   Bon, en gros, on n'est pas d'accord sur la part de l'esthétique dans la réalisation. J'élargis un peu le sujet.
   En essayant de synthétiser, je dirais qu'on peut grossièrement classer les effets esthétiques (i.e. en gros, tout ce qui départ d'une mise en scène "habituelle" : zooms prononcés, ralentis, surdécoupage, filtrages, noir et blanc non causé par des contraintes techniques ou financières, etc...) en quelques catégories :
 - les effets poussant le film vers un discours quelque peu puant (par ex. adoucissement de la violence et/ou justification), ce qui inclut les cas où les intentions de l'auteur sont opposées
 - les effets n'ayant aucun impact sur le film
 - les effets "utiles" au film (en supposant que cela n'entre pas dans la première catégorie) (note : inclut aussi ce qui sert la narration, etc... sans avoir un impact sur le discours)
   [il ne s'agit pas de "morale" au sens judéo-chrétien ou autres, mais plutôt d'une éthique face à ce que l'on montre, et la façon par laquelle on le montre]
     Le premier cas est en général rapidement tranché (poubelle  ), le troisière cas, dans le cas d'effets non équivoques, l'est aussi. Donc, ce qui est intéressant, c'est le cas des effets "purement gratuits", et celui des effets qui peuvent soutenir le message du film, tout en ayant un côté qui, hors-contexte, les classerait dans le première catégorie.
   En ce qui concerne ce dernier cas, prenons Full Metal Jacket par exemple (attention, spoilers latents). On y a des zooms ralentis très insistants sur des soldats touchés par un sniper. Oui, l'effet est "voyeur" dans le sens où il est "facile", pas du tout subtil, qu'il insiste sur la souffrance (même si, point positif, il ne rend en rien la violence agréable, et ne la masque donc pas). Qu'en est-il au niveau impact sur le film ?
  Spoiler :
 
 A première vue, il s'agit d'un effet bien puant, contribuant à provoquer chez le spectateur une haine envers le sniper et de la révolte face aux soldats tués, de sorte à justifier la mort prochaine de ce sniper (pulsion de vengeance). Le (légère) nuance, c'est que ce sniper se révèle être une jeune fille. Certes, certains vont dire que ça ne change rien, mais par rapport au spectateur moyen il s'agit d'une surprise, qui tend à remettre en cause la manichéisation haineuse précédente. L'effet précédent reste, en lui-même, lourd, mais il ne contribue pas à pousser le film dans les rouages du scénario de vengeance cathartique, car celui-ci est désamorcé par une pirouette. En tout cas, Kubrick est roublard, puisque la manipulation est nette - et ce type de méthode peut être défendu comme critiqué.  |  
 
   Autre exemple : les hélicos d'Apocalypse Now. On a, a priori, une esthétisation criante de la violence, avec de la grosse musique destinée à rendre jouissive une scène de destruction. Mais, élément important : la musique provient d'un hélio, et est ordonnée par Kilgore en personne (pas de balise spoilers car la scène est hyper-connue, et je ne révèle en fait pas grand chose  ). On a une scène qui serait plutôt puante dans un autre contexte - mais ici, elle sert le discours du film sur le spectacle et sa représentation.
   Bref, là, je pense qu'il faut trancher au cas par cas. On peut ne pas aimer la méthode, qui n'est pas toujours claire (on peut parfois penser que le reste du film est une pseudo-justification à l'existence de ces scènes), et constitue parfois de la pure roublardise (manipulation du spectateur).
       En ce qui concerne l'esthétisation "gratuite" : AMHA, même quand ça n'a pas d'impact sur le sens du film, cela n'en reste pas "inattaquable" pour autant. Cas extrême (mais utile pour tester les arguments) : supposons une histoire parfaitement anodine (ex : romance), et filmons cela en couleurs négatives, avec personnages décadrés, courtes focales, et effet strombo (par exemple). Ca n'a aucun impact sur le "sens" du film, donc, c'est parfaitement "gratuit". Est-ce pour autant inattaquable ? Non, a priori (ou alors, nos conceptions sont antithétiques). Bref : que les effets "gratuits" ne nuisent pas, soit, mais ce n'est pas pour autant que tout effet gratuit est bon.
 Sur quoi juger, alors (si tant est qu'on ait envie de juger - note importante : on peut très bien ne pas aimer la gratuité, et rien n'empêche de le dire) ? A mon sens, sur la le côté "lourd" ou non de l'effet en question. Car si d'un côté, l'épuration de la mise en scène n'est pas la seule solution (loin de là), d'un autre côté, on ne peut prendre les yeux fermés les délires d'artistes auto-proclamés, qui cacheront le n'importe quoi sous le paravent de l'esthétisme artistique (ou, de façon plus modérée, les cinéastes faisant de l'effet dans le seul but de se coller une étiquette auteuriste, et prétendre ainsi se démarquer des "honnêtes artisans" ).
     Bon, je reviens à Traffic
  Citation :
 
 Et si ça n'a pas de signifiance propre dans le contexte du film, ça crée des ambiances,
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 Oui, certes, ça crée une ambiance. Maintenant, je trouve cette ambiance très appuyée.
  
  Citation :
 
 un code visuel qui permet de déstructurer la narration sans perdre le spectateur,
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 (là, tu parles d'effets non gratuits - si un effet a un but narratif, il n'est pas gratuit)
 Le problème, c'est que cette narration ne nécessite en rien le filtrage pour ne pas perdre le spectateur. Les narrations entrecroisées ne constituent pas un obstacle à la compréhension, surtout qu'ici, on a aussi des surtitres apparaissant lors des premières transitions (dont je ne sais plus s'ils disparaissent par la suite - si tant est qu'ils disparaissent). D'autre part, deux films "grand public" récents (Star Wars : Attack of the Clones et Lord of the Rings : The Two Towers) ont une narration entrecroisant plusieurs trames, et ne perdent pourtant pas le spectateur - et ce, sans surtitres d'ailleurs (OK, leur sujet est sans-doute plus "clair", reste que la complexité apparente de Traffic n'aboutit à mon sens pas à rgand chose : apparemment, film "à thèse" débouchant juste sur un "la drogue, ça nous concerne tous, faut balayer à notre porte, c'est une longue lutte, en attendant les trafiquants courent toujours" ). AMHA, l'aspect prépondérant est que, dans ce type de narration, les personnages (reconnaissables) servent de fil conducteur (quand les lieux peuvent être flous, ce qui n'est pas vraiment le cas). A tel personnage, tel lieu, telle trame.
   Donc, pour le filtrage par rapport à la narration, je persiste : gratuité. Ou marteau-pilon, au choix.
  
  Citation :
 
 etc. Et puis, primo, il l'avait déjà expérimenté dans A fleur de peau, le coup des couleurs, et secundo, sur une télé réglée normalement, ça fait pas autant "filtre de couleur" que tu veux bien le dire.
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 Donc, ma télé est mal réglée, ou alors j'ai de la merde dans les yeux ?  
   Ici, subjectivité. Je suis parfaitement en droit d'avoir perçu cet effet comme étant particulièrement insistant, et de ne pas l'avoir aimé du tout.
  
  Citation :
 
 Attaque le film sur tout, si tu veux, mais pas sur ça, c'est de l'argumentaire Inrockuptibles, pitié.
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 Les Inrocks tapent sur des films pour de simples buts polémiques, et utilisent toute sorte d'arguments à tort et à travers, sans cohérence, certes. Mais ce n'est pas pour autant que tous ces arguments n'ont aucune valeur.
   Je te retourne donc la phrase : contre-argumente de n'importe quelle façon, si tu veux, mais pas en collant désinvoltement l'étiquette "Inrocks-like" sur ton interlocuteur - ça ne fait en rien avancer le fond du débat.
   [/mode]    Message édité par Profil supprimé le 09-09-2003 à 19:48:41
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