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Auteur Sujet :

la philosophie et vous...

n°2550761
Xamoth
Slapping young trads
Posté le 23-04-2004 à 17:33:31  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

anncha a écrit :

Je suis étudiante en philosophie, et je voulais savoir ce que pensait en général les gens de cette matière. Quand je dis que je suis en philo, on me regarde avec des yeux l'air de dire que je suis folle. Mais pourquoi la philosophie est-elle aussi détestée alors que c'est passionnant !!!

c'est detesté a cause des gens ki en font;
les guignols qui se pensent romantiques en penseur...
genre nur ou drac quoi... [:tartragnan]


---------------
Ma BL des plus gros fils de pute de HFR en ordre alphabétique aléatoire inverse
mood
Publicité
Posté le 23-04-2004 à 17:33:31  profilanswer
 

n°2550811
docmaboul
Posté le 23-04-2004 à 17:39:28  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

... et après aussi. [:aloy]


 
:D

n°2550846
docmaboul
Posté le 23-04-2004 à 17:44:44  profilanswer
 

Thief a écrit :

Citation :


dans tes posts tu fais preuve de tout ce que tu reproches aux philosophes; soit un peu moins pédant et aggressif, la ca donne pas vraiment envie de te lire :/




 
Ben voyons...

n°2552248
l'Antichri​st
Posté le 23-04-2004 à 20:45:17  profilanswer
 

Citation :

Etre humain, c'est plus que cette risible réduction à une pensée libératrice, une réfléxion faite de ratiocinations débilitantes. Vivre humain, c'est sentir, c'est dominer, servir, parler, créer, jouer, jouir, souffrir, aimer, haïr, mépriser, railler, louer, intriguer, contempler, ... Etre "philosophe", ce n'est que penser, enfin, je veux dire: croire penser.


 
Vous parlez d'humanité (et par négation d'inhumanité) sans savoir de quoi vous parlez (et accessoirement sans savoir ce que parler veut dire !). Pour éclairer votre lanterne, voici une réflexion philosophique (niveau bac) sur la question. L'homme peut-il être inhumain ?
 
Quand nous qualifions un acte d?inhumain, nous le condamnons parce que nous voyons en lui un danger pour l?humanité. Les êtres sur lesquels se portent des conditions inhumaines sont placés dans des conditions extrêmes. On peut dire d?une région particulièrement inhospitalière qu?elle présente des conditions inhumaines c?est-à-dire des conditions extérieures à l?homme et qui font souffrir ce dernier. Un milieu " inhumain " caractérise un endroit où l?homme ne semble pas à sa place.
 
Mais dès que le terme d? " inhumain " ne désigne plus seulement un aspect objectif ou passif (l?humain est nié) mais aussi un aspect subjectif et actif (c?est l?humain qui nie), le paradoxe s?installe : c?est l?humain qui est inhumain. La négation est le fait d?une conscience qui sait ce qu?elle fait et qui agit délibérément. Par ailleurs, l?inhumain n?est pas n?importe quelle forme de méchanceté. Nous pouvons l?associer à cette figure extrême du mal moral qu?est la cruauté ou la barbarie sanguinaire c?est-à-dire un mal démesuré qu?on ne peut considérer dans les limites de l?humain.
 
Comment l?humain peut-il en tant que tel receler quelque chose qui se présente comme son contraire ? Est-ce sa négation ou sa privation ? Mais si l?inhumain en tant qu?il est la manifestation de la figure la plus extrême du mal moral est proprement humain et nullement le fait de quelque élément non-humain en l?homme, la question se pose de savoir si nous en avons saisi toute la nature. L?inhumain peut-il résider ailleurs que dans l?humain ? L?inhumain peut-il résider ailleurs que dans l?humain cruel ? Son principe n?est-il pas dans quelque chose de moins apparent ?
 
On parle d?inhumain ou d?inhumanité dans les circonstances où ce sont les hommes qui infligent à l?homme des épreuves si grandes qu?elles lui font endurer les pires souffrances, les douleurs les plus extrêmes. L?inhumanité naturelle est à entendre en ce sens : il est de la nature des choses non-humaines d?être indifférentes à l?homme. En effet, si nous renonçons à l?idée optimiste d?un cosmos harmonieux ou providentiel où les choses seraient disposées au mieux pour le service des hommes, alors nous sommes renvoyés à des conditions inhumaines en ces sens qu?elles sont éprouvantes et inhospitalières pour la vie humaine. Quand nous parlons de conditions climatiques inhumaines, nous voulons signifier que ces conditions sont périlleuses pour nous. Mais sont-elles inhumaines ou non-humaines ? Si nous admettons les conceptions de l?adaptation des vivants à des conditions données, nous découvrons que le langage nous abuse : la nature qui nous entoure n?est pas inhumaine mais non-humaine. Le caractère objectivement rigoureux de ce traitement naturel des hommes n?implique de la part de nature aucune intention ni aucune volonté. Il n?est que la conséquence aveugle d?un déterminisme qui ne l?est pas moins. N?est-ce pas alors l?homme qui est véritablement inhumain ? Qui possède une volonté de faire souffrir et qui fait souffrir effectivement ses semblables sinon l?humain lui-même ?
 
Nous qualifions d?inhumains les comportements et traitements qui présentent un caractère de cruauté et de dégradations extrêmes à l?encontre de nos semblables (et aussi parfois d?animaux) et nous les qualifions de cette façon parce qu?ils nous paraissent étrangers à l?humain. Le mal moral et la méchanceté sont humains et nous le savons. Mais précisément il semble y avoir une forme de méchanceté qui cesse d?être " humaine ", qui est vraiment trop grande, trop excessive, trop démesurée pour dépendre de l?humain. Se venger, se battre, nuire à autrui sont trois exemples d?expériences tristement humaines mais pas inhumaines. En revanche, certains actes de cruauté raffinée (les actes de tortures, les traitements infligés aux déportés dans les camps nazis) sont dits " inhumains ". Ainsi tout se passe comme s?il y avait un mal et une méchanceté " normaux " ou admissibles (quoique déplorables) et un mal ne pouvant venir que d?ailleurs, de quelque chose qui est étranger à notre nature, tout imparfaite quelle soit. Autrement dit, il y aurait le mal naturellement humain et le mal dénaturé, contre nature, " monstrueux " et pour tout dire " inhumain  ". Par exemple, tuer demeure un acte répréhensible, condamné par la loi et qui provient d?une faiblesse humaine : intérêt, vindicte, passion... Mais tuer ses parents ou ses enfants, ou dépecer un être humain après lui avoir infliger les pires tortures, paraît dépasser la mesure humaine et procéder d?un quelque chose d?autre, terrifiant, épouvantable, étranger à l?humaine nature. C?est pourquoi on voit volontiers dans cet élément non-humain quelque chose qui serait infra-humain : la bête cruelle et sanguinaire (le " fauve " ) serait en nous ou en quelques-uns. Les actes inhumains, contre-nature ou bestiaux, témoigneraient de la résurgence en nous ou chez certains d?une part infra-humaine ou de la régression à celle-ci. Il s?agirait donc de quelque chose d?exceptionnel, de tout à fait anormal, caractéristique d?êtres qui seraient des monstres, c?est-à-dire d?êtres en qui la " bête " n?aurait pas été subjuguée ou écartée par l?humaine nature. L?inhumain ne pourrait provenir que de quelque chose de non-humain, d?une primitivité dépassée par l?humain et, en ce sens, il ne pourrait caractériser que des êtres à part, extérieurs à l?humanité. Les êtres inhumains seraient étrangers à l?humaine nature dans sa normalité.
 
L?inhumanité comme phénomène frappe pourtant par son aspect ordinaire. Elle ne provient pas tant d?être jugés " à part ", mais d?êtres ordinaires (vous, par exemple !!!). Les atrocités nazies ont eu comme auteurs des êtres qui en dehors de ces actes atroces, étaient absolument comparables à n?importe qui : bons pères de famille, bons époux, aimant leurs enfants, la musique et cultivant des fleurs... Tel est le nerf du concept de " banalité du mal " forgé par Arendt. Quand elle voit Eichmann dans le box des accusés, elle ne voit pas un Prince du Mal, un être au coeur corrompu. L?inhumanité ne requiert donc pas pour se déployer des figures extraordinaires ou maléfiques. Le mal radical produit par Eichmann est un mal de surface : " J?ai appris que le mal par principe n?était pas radical mais était plutôt un phénomène de surface. " (cf. Lettre à Neumann du 15 août 1961 ). Que cela signifie-t-il ? Que l?inhumanité n?est pas le fruit d?êtres maléfiques mais d?êtres dont l?action est déconnectée de leur conscience. Eichmann est un homme médiocre, tout juste un fonctionnaire zélé. C?est cela qui fait penser à Arendt qu?il n?est pas nécessaire d?être un Prince du Mal pour être un monstre. Pas besoin d?être surhumain pour être inhumain. Les individus qui deviennent des défenseurs forcenés de l?ordre social tant que l?autorité les protège, sont capables d?actes monstrueux et inhumains. Mis à distance au nom du devoir ou de l?obéissance aveugle, des actes inhumains ne sont pas considérés tels par celui qui les commet. Ce contraste entre la médiocrité de l?agent et l?inhumanité des actes produit cette pensée de la banalité du mal.
 
Mais cette vision ne donne-t-elle pas matière à suspicion ? L?inhumain est-il si étranger que cela à l?humain ? Comme nous l?avons vu, il est facile de sombrer dans l?inhumanité. Le vingtième siècle, le siècle du totalitarisme, offre de nombreux exemples (fascisme, bolchevisme...) d?êtres devenus monstrueux et inhumains. La figure d?Eichmann n?est pas une figure théologique et spectaculaire d?un démon mais simplement la figure d?un être tristement humain qui a déconnecté son action de sa conscience. L?inhumanité n?est-elle pas banale ? Y a-t-il une différence entre cet être-là et nous (vous !!!) ?
 
Comme avec les dirigeants, les idéologues ou les tortionnaires nazis, les événements historiques fournissent des preuves d?êtres normalement pacifiques, policés et bienveillants qui peuvent devenir des fauves capables des pires sévices. Ainsi la célèbre formule de Hobbes selon laquelle l?homme est un loup pour l?homme ne peut éclairer notre problème que si justement nous ne la prenons pas à la lettre. Dans l?optique de Hobbes, les relations humaines sont régies par des facteurs inconnus des autres animaux et c?est pourquoi précisément l?humanité se caractérise par une immodération, un extrémisme destructeur, une violence sans égale et sans exemple. En sorte qu?attribuer à l?animalité cette inhumanité est tout à fait abusif et non pertinent. L?animal n?est pas n?est pas inhumain mais seulement non humain et l?inhumanité est une triste spécialité de l?humanité. Parler de cruauté animale est un effet pur et simple d?anthropomorphisme, comme lorsque l?on parle d?un froid cruel ou d?une terre cruelle. L?animal peut certes être dangereux pour nous, mais il agit par nécessité. Rien de plus. Si les animaux ne peuvent êtres dits inhumains, c?est parce qu?ils sont en dehors de toute humanité, dans une sorte d? " innocence " naturelle, celle du grand jeu des instincts aveugles de la vie. L?inhumanité de l?état de nature chez Hobbes est le fait d?un animal différent des autres parce qu?il possède la raison calculatrice. Si l?homme naturel de Rousseau est étranger à ces excès, c?est justement parce qu?il ne possède pas encore la raison et qu?il n?est qu?un animal " stupide et borné " (cf. Du contrat social, livre I, chapitre 8), étranger au bien et au mal. Il devient inhumain en s?humanisant. L?inhumanité comporte en effet souvent un raffinement ou une intelligence, comme dans les supplices, bien étrangers à la pauvre imagination animale. L?inhumanité est donc reliée chez des penseurs aussi différents que Rousseau et Hobbes (le premier construisant en partie sa philosophie contre le second) à la raison. L?inhumanité est rationnelle. Elle témoigne à sa manière de la supériorité humaine. Cette dernière fait la démesure, le caractère extrême et absolu que l?on identifie dans l?inhumanité.
 
En outre, on oublie trop souvent que l?inhumain ne se réduit pas à la férocité, à la cruauté ou au goût sadique de faire souffrir. L?inhumanité peut non seulement en tant que cruauté contenir un élément de calcul ou de raffinement médité inconnu de l?animal mais aussi et surtout dans l?indifférence complète aux autres. Il s?agit de l?insensibilité, dans l?absence de toute sympathie ou de toute compassion (au sens littéral d?éprouver avec). On ne peut reprocher à l?animal d?être insensible puisqu?il ne peut se faire la moindre idée de compassion, de bienveillance, de générosité. Mais qu?en est-il de l?homme (et de vous !!!) ? La véritable question est de savoir ce que l?on entend par humanité. Les usages de la langue le disent clairement : ce sont les dispositions et les sentiments qui nous portent vers autrui : bonté, générosité, douceur, cordialité, MODERATION, compréhension... Tous ces sentiments nous poussent à nous attacher aux autres, à nous intéresser à leur sort, à leurs joies, à leurs peines et à atténuer la sévérité et les rigueurs que d?autres exigences ( morales ou sociales ) pourraient par ailleurs autoriser. Dans ces conditions, l?inhumanité caractérise les traitements étrangers à ces dispositions et désigne une absence(qu?il s?agisse d?une disparition ou d?un rejet, d?une privation ou (d?une négation) de ces formes très sensibles de présence à l?autre. N?est-ce pas le cas de Meursault, le héros de L?étranger de Camus ? L?étranger aux peines, aux joies, à tous ces liens de présence qui unissent les hommes, à cette atmosphère de mutuelle présence qui les imprègne. A la limite, un Meursault avide, haineux ou vindicatif paraîtrait plus " humain " que cette espèce de mort-vivant insaisissable, muré dans une indifférence effrayante (en ce sens, votre violence verbale veut-elle signifier que votre amour de la philosophie ne peut souffrir aucune compromission ou bien est-elle une expression perverse de votre indifférence ?).
 
Ainsi l?inhumain désigne non pas quelque pulsion infra-humaine, quelque déchaînement d?un " pathologique " (au sens kantien) primitif tel que haine, fureur, goût sanguinaire, mais tout au contraire quelque " anti-pathologique ", une déroutante apathie, une redoutable froideur. Etre inhumain revient d?abord à être étranger à ces dispositions intersubjectives et altruistes, à cette pitié dont parle Rousseau comme l?un des deux sentiments primitifs de notre espèce (origine de la loi naturelle de sociabilité). L?être inhumain est inaccessible à la compassion : il n?est pas essentiellement goût de faire ou de voir souffrir mais indifférence à la souffrance et même aux joies et autres sentiments qui émeuvent le semblable. L?inhumain paraît alors témoigner d?une sorte de réduction ou d?amputation de quelque chose qui paraît essentiel à l?humanité comme être sociable et pas seulement social, comme être capable de participation sympathique. L?inhumain paraît impliquer un principe d?insensibilité et d?effacement sinon même de négation d?autrui comme proche et semblable, effacement qui peut ensuite conduire à la cruauté. La pensée philosophique elle-même peut-elle échapper à l?accusation (l'esprit philosophique commence avec l'auto-critique, n'est-ce pas ?) ? Certaines exigences paraissent non pas tant impossibles à atteindre (et en cela plutôt surhumaines qu?inhumaines) que dangereuses à réaliser. Par exemple, dans son Manuel (§ 3), Epictète a ces mots : " Si tu embrasses ton enfant ou ta femme, dis-toi que c?est un être humain que tu embrasses, car s?il meurt, tu n?en seras pas troublé ". Qui peut parler ainsi ? Un homme c?est-à-dire un vrai père ou un vrai époux ? Ou bien un être qui n?est plus tout à fait des nôtres ? Nous pouvons également songer au célèbre passage de Tartuffe dans lequel Orgon, vantant les mérites de Tartuffe qui lui enseigne " à n?avoir affection pour rien " et qui verrait " mourir frère, enfants, mère et femme " sans s?en soucier autant que cela se voit rétorquer par son beau-frère la fameuse réplique " les sentiments humains, mon frère, que voilà ! ". Ainsi, le précepte stoïcien de détachement par rapport au sensible paraît funeste.
 
N?est-ce ce que l?on reproche à la raison, l?intellect, la science ou la philosophie, à toutes les conduites ne faisant place qu?à ce qu?on nomme significativement la froide impersonnalité des chiffres, du calcul, des concepts, et même de l?abstraction (quel philosophe peut échapper à la critique s'il assume vraiment son rôle ?) ? La volonté philosophique d?écarter toute inclination comme autant d?occasions de troubles ou d?illusions, ne peut-elle conduire à des attitudes qu?on pourra juger bien proches de l?inhumanité et d?une sorte de dureté, d?inflexibilité quasi féroce ? Ne pouvons-nous pas découvrir alors que l?inhumanité peut accompagner certaines démarches qui loin de nous diriger vers le bas prétendent au contraire nous élever vers le haut. ?
 
D?une façon générale, l?intransigeance ou la volonté de pureté sans compromis de l?idéal moral, politique et religieux peuvent conduire à des exigences et à des conduites si démesurées qu?on pourra les dire inhumaines. Nous pouvons constater que ce sont de telles exigences qui peuvent dans la pratique conduire à des actions effrayantes, la supériorité de la fin paraissant légitimer les pires moyens. L?extrême volonté de parvenir à la fin peut rendre aveugle et sourd à toute autre considération. Définir l?inhumain par un principe d?insensibilité peut paraître abusif ou aberrant dans la mesure où ceci risque de nous conduire à juger que la morale telle que Kant la conçoit est inhumaine. Celle-ci est en effet caractérisée par l?exclusion de tout principe empirique et pathologique. Or il est clair que l?exigence inconditionnelle du respect de l?homme, de l?être raisonnable comme personne, exclut radicalement cette négation d?autrui (mentale bien avant que d?être physique) en quoi consiste l?inhumain et n?est pas moins efficace contre toute tentative d?inhumanité. Cependant, quel que soit le souci pédagogique de Kant de ne pas établir le principe moral c?est-à-dire la pure volonté d?agir par respect pour la loi morale sur un socle incertain et ambigu comme l?inclination (même si elle est altruiste et généreuse) et tout en sachant que Kant ne nous recommande nullement d?être misanthrope (même s?il prend l?exemple du misanthrope qui fait le bien par devoir dans la première section des Fondements de la métaphysique des moeurs) pour être vertueux, n?existe-t-il pas dans la rigueur d?une telle analyse et dans sa logicité quelque déficience subtile ? Il y a bien un humanisme kantien en ce sens que Kant ne nous demande pas de rejeter tout sentiment humain. Mais cet humanisme ne peut-il pas avoir des conséquences déroutantes parce qu?il entend considérer la vie humaine sur un mode unilatéral même au nom du meilleur ? Autrement dit, l?inhumain ne risque-t-il pas de surgir lorsqu?on cherche à écarter, à marginaliser, à étouffer ces dispositions, non rationnelles sans doute, mais si indispensables à la vie des hommes malgré leurs éventuelles incertitudes ou faiblesses ?
 
Une célèbre formule de Pascal énonce : " L?homme n?est ni ange ni bête et le malheur est que qui veut faire l?ange fait la bête " (cf.Pensées, 358 dans l?édition Brunschvicg). Autrement dit, l?inhumain peut résulter de la volonté du meilleur comme du déchaînement du pire. Plus clairement encore, la négation ou l?oubli de l?autre comme proche ou semblable, en quoi consiste l?inhumain, procède d?abord de l?oubli ou du refus par l?homme de sa " médiété " pour une forme de vie extrême (vers le haut comme vers le bas) qui déséquilibre ou mutile sa vie proprement humaine c?est-à-dire mixte ou mélangée, ni tout à fait bonne ni tout à fait mauvaise, ni purement spirituelle ni entièrement pathologique. " Fiat justitia, pereat mundus " (que justice soit faite, le monde devrait-il en périr) : à l?exemple de cette justice toute pure prête à appliquer implacablement la règle de justice sous prétexte que le bien doit régner à n?importe quel prix, il y a quelque chose d?inhumain dans la vertu ou le bien ou le meilleur qui considérés unilatéralement se rendraient indifférents à tout le reste (n'est-ce pas votre cas ???) et étoufferaient toute autre considération comme inférieur et indigne au regard d?eux. Ainsi, la critique de Constant vis-à-vis de la morale kantienne insiste sur l?aspect funeste de celle-ci. Un tel devoir pourrait dans certaines circonstances paraître le fait d?une rigidité effrayante et odieusement indifférente (" Fais ce que tu dois, advienne que pourra " ) à des conséquences éventuellement abominables.
 
L?inhumain comme oubli ou comme destruction des dispositions sympathiques a donc pour principe l?exacerbation totale, exclusive, rigide, sans mesure d?un trait de caractère, d?une faculté, d?un désir ou d?une volonté qui aussi bien positive que négative tend à détruire  son porteur (votre intolérance - du moins dans vos propos - n'est-elle pas le signe d'une inhumanité certaine  ?) : l?auteur d?actes inhumains c?est-à-dire destructeurs et négateurs de l?homme est d?abord détruit lui-même, détruit en lui-même. Quand on dit de quelqu?un qu?il n?est pas (ou plus) un homme mais un tiroir-caisse, un ordinateur, une machine ( à calculer, à battre des records, à tuer...) on veut dire qu?il s?est réduit à une fonction, à un but, à une exigence, à un rapport au monde et aux autres si exclusif que tout le reste a été étouffé. Altérant sa vie, cela a altéré sa façon de traiter la vie des autres. C?est pourquoi la passion peut toujours engendrer par son caractère monomaniaque quelque chose d?inhumain et faire du passionné un être monstrueusement indifférent à tout ce qui n?est pas l?objet exclusif de sa passion, un être qui se fait inaccessible aux sentiments humains qui ne peuvent subsister que dans une certaine capacité à se " décentrer " vers les autres, fût-ce sous la forme élémentaire de la cordialité. Nous pouvons ainsi définir le principe de l?inhumanité comme celui de l?unidimensionalité de l?être humain, unidimensionalité dissociatrice qui chasse au profit d?une exclusive exigence toutes les autres considérations et d?abord toutes celles qui sont susceptibles d?atténuer la dureté de nos rapports à l?autre. L?homme inhumain paraît souffrir d?une sorte de mal interne et constitutionnel qui voit l?altération de la dimension sociable, bienveillante, MODERATRICE, compréhensive de l?homme pour l?homme du fait de l?excroissance exorbitante d?une autre dimension : passionnelle, rationnelle, intellectuelle, réaliste ou idéaliste.
 
L?inhumanité est le danger qui pèse sans cesse sur l?humanité. Il est facile pour un humain, l?histoire nous l?apprend, de sombrer dans l?inhumanité sans pour autant s?en rendre compte. Mais l?inhumanité réside moins dans la cruauté extrême des actes que dans leur principe qui réside dans l?unidimensionalité de l?être humain. Faire primer une exigence particulière sur l?ensemble du spectre des activités humaines semble le premier pas vers l?indifférence vis-à-vis des autres humains. Cette unidimensionalité de l?être humain produit le fanatisme et l?intolérance. Elle est la source où se nourrissent les pires actions et les pires pensées. C?est en ce sens que des actes produits par des humains dépassent le strict cadre de l?humanité et peuvent dits " inhumains ". L?inhumanité toujours produite par des humains révèle alors le sommeil de la raison, celui-là même qui engendre les monstres.


Message édité par l'Antichrist le 23-04-2004 à 20:50:17
n°2562141
l'Antichri​st
Posté le 25-04-2004 à 10:57:44  profilanswer
 

Pour revenir au sujet du topic (comment penser le passage par la philosophie - cette sorte de mort que représente aux yeux du commun la pensée philosophique - dans le devenir homme de l'homme - cet homme qui mise tout sur les plaisirs du corps ou qui le retrouve dans l'impensé - ?), il me semble qu'il est possible d'invoquer la notion de crise, crise du corps et de l'esprit tout ensemble (j'ai voulu faire aussi " simple " que possible !).
 
En effet, quand on parle de crise, on entend généralement par là un état de déséquilibre du corps : la crise cardiaque, la crise de foie ou bien la crise d?épilepsie. Une crise est donc en ce sens l?irruption d?un sentiment de souffrance extrême dans une entité (le corps) qu?habituellement je contrôle. La crise existe : il s?agit d?un sentiment de souffrance à l?intérieur de mon corps. Le corps me rappelle que je suis un être vivant, c?est-à-dire un être souffrant. Par l?intermédiaire de mon corps, je sais que je suis un être de souffrance.
 
Mais la crise, sentiment qui vient du corps, contamine la pensée. Pendant une crise corporelle, je ne pense pas. Dans le surgissement critique du corps, la pensée disparaît : on ne pense pas quand on vit une crise cardiaque. Face à la souffrance, la pensée s?arrête. Mais en voulant saisir ce qu?est une crise corporelle, la pensée entre elle-même dans un état de vertige ou de crise (ce n'est pas un hasard si les philosophes atteignent souvent au sublime face à leur propre déchéance !). Face à un corps qui souffre, la pensée ne peut exercer sa fonction : elle est en crise.
 
Peut-on dépasser la crise corporelle à l?intérieur de la pensée ? Que faire pour la pensée devant le mystère du corps ? Comment penser l?énigme de la présence du corps alors que celui-ci se révèle dans des crises pendant lesquelles la pensée ne peut pas penser ?
 
La crise semble une situation de précipice : on peut penser à la crise cardiaque qui, dans une vie, est un moment crucial ou un tournant, surtout si l?on en réchappe. Ainsi, si je sais que j?ai le coeur fragile, j?entre dans une existence différente de mon ancien état de santé. Si je tiens d?un diagnostic médical que je suis sujet aux crises cardiaques, on peut dire que je suis prévenu. Mais je ne connais pas la crise cardiaque. On peut dire qu?elle est en moi, en sommeil ou en puissance. Ce n?est qu?au moment où je fais la crise cardiaque que je la connais puisque j?en fais l?expérience intime. Le médecin, à ce niveau, ne connaît pas la crise cardiaque. Il a le savoir des symptômes mais il n?en fait pas l?expérience intérieure. Il en fait l?expérience scientifique, en quelque sorte du dehors : il ne l?éprouve pas dans sa chair. La crise cardiaque est de l?ordre de l?expérience intérieure. Expérience de la profondeur et non de la surface. La crise cardiaque vaut comme le passage d?une connaissance du dehors à une connaissance du dedans par et dans l?expérience.
 
Je sais ce que c?est, je crois savoir, qu?une crise de nerfs ou une crise d?épilepsie. Je crois en posséder la connaissance. Mais si j?en fais l?expérience, c?est alors que je la connais vraiment. En ce sens, il y a une expérience pure, déliée de toute connaissance. Nous pouvons voir un processus plus complexe : une prétendue connaissance s?efface devant une expérience qui révèle une connaissance véritable c?est-à-dire une connaissance vécue. Il s?agit d?une connaissance dont j?ai fait l?expérience intime. Mais à partir de quoi cette expérience est-elle produite ? Tant que la crise n?est pas apparue, alors je ne la connais pas. Je ne la connais pas puisque je ne l?éprouve pas. Mais au moment de la crise, je suis face à la mise à l?épreuve de mon être dans l?expérience humaine fondamentale : l?expérience de la mort. Dans la crise cardiaque, j?atteins la véritable connaissance de moi-même : la limite de mon être. L?homme qui fait une crise cardiaque la connaît mieux que le médecin. Celui-ci peut fournir les symptômes, peut opérer, etc... Cependant, il n?en fait pas l?expérience. Pour l?homme qui la vit, la vie est en jeu. Il s?agit d?une expérience intérieure ou intime. Rien n?est plus sérieux à ce moment-là : il est aux portes de la mort.
 
Ainsi, c?est en pensant l?Etat comme un corps qu?on parle de " crise économique " ou de " crise politique " : l?Etat se sent proche de la disparition. Lors d?une guerre, l?Etat décrète " l?état de crise " c?est-à-dire l?approche de la mort du corps de l?Etat. On invoque la raison d?Etat pour prendre une décision qui empêche la crise, la béance, la vacuité ou la décadence de l?Etat. Les crises sont des ruptures (révolutions, révoltes, mutineries...) au sein d?un organisme, qu?il soit collectif ou individuel. Le problème se pose alors de savoir si l?après crise fait accéder l?organisme au retour à ce qu?il était (à son calme, à son équilibre) ou si l?organisme se gonfle de ses crises et accède à chaque fois à une nouvelle identité. Suis-je le même après une crise qu?avant ? Je reviens au calme après un moment de trouble ou de crise. Mais est-ce si sûr ? Ne suppose-t-on pas que l?équilibre ou le calme me constituent ? Or je suis humain quand je vis une crise : la crise est constitutive de mon essence. Pas d?organisme sans crise. En l?homme, la crise est un phénomène qui nourrit l?expérience, c?est-à-dire l?histoire qui me constitue. Si j?y survis, la crise n?est pas une rupture. Elle me constitue en tant qu?homme.
 
Mais alors, n?y a-t-il pas crise de la pensée ? Face à la crise corporelle, ma pensée est paralysée. La crise est une discontinuité dans la vie d?un organisme. Mais si celui-ci survit, il poursuit son existence grossie de l?expérience de la crise. Mais alors, pense-t-on la crise en tant que crise ? N?entre-t-on pas alors dans la sphère de la crise de la pensée ?
 
Il s?agit de quitter la crise dans le domaine qui apparaît de prime abord : le corps. L?expérience de la crise dans le corps ou de la crise du corps n?est-elle pas reduplicable dans la pensée ? On commence à penser ou à écrire sur une notion ou un thème quand on ne sait plus ce qu?il veut dire. Tant que l?on croit savoir, on n?interroge pas. Donc, on ne s?interroge pas. On ne fait pas retour sur les pensées qu?on a en soi et dont on ne sait pas si elles sont à soi. Avant de penser véritablement, ne faut-il pas se laver de son prétendu savoir ? Il faut mettre à mort son savoir afin de faire advenir le vrai. Ne se libère-t-il pas un espace pour la crise ? Il semble que la crise de la pensée se donne dans un éclair, dans l?éclair du " ce-qu?il-faut-comprendre ". En un éclair, je prends conscience de mon ignorance. Soudain, je ne sais plus ce que signifie telle notion que je croyais connaître. C?est ce que nous pourrions appeler la crise de la pensée. On pense quand on ne sait plus. On pense donc toujours en état de crise. On est face au rien, au " pas-encore ", qu?il faut faire advenir sous peine d?être confronté au rien. On se trouve face à la nécessité de penser, nécessité au sens existentiel : ce sans quoi je sens que je n?existe pas comme je sens qu?il le faudrait. La crise est donc ce moment particulier qui fait sentir le " ici " et le " maintenant ". Cela devient la chose à penser, la chose la plus importante de mon existence parce que celle-ci est tendue tout entière vers la connaissance de cette chose. Ne faut-il pas alors systématiser ce schéma si l?on veut passer de la connaissance d?une vérité particulière à la connaissance de la vérité ? Si rechercher la vérité a un sens, ne faut-il pas entrer dans une crise volontaire de mise à mort de son savoir ?
 
C?est en ce sens que la crise permet de penser. Quand la pensée est en crise, alors la crise nous permet de penser. Nous ne pensons que dans la crise. La pensée est effectivement pensante quand elle ne connaît pas. C?est parce que le bien connu est trop bien connu qu?il est mal connu pourrait-on dire avec Hegel (cf.Préface à la Phénoménologie de l?Esprit, troisième partie). Nous ne pensons que quand nous nous trouvons dans une position de non-savoir. La philosophie apparaît alors comme la position critique par excellence. On ne pense que dans ce que l?on ne connaît pas et cette position volontaire de non savoir constitue la philosophie. Celle-ci est donc une position critique : elle ne critique pas mais elle est elle-même en crise. Elle est elle-même crise. Elle est crise parce qu?elle se veut crise. Pour paraphraser Socrate, il faut se mettre dans la position de non-savoir : il faut savoir qu?on ne sait pas. Avant de vouloir savoir, il faut vouloir ne pas savoir : il faut se détacher du bien connu. Il s?agit d?une guerre ou d?une révolution entamée contre moi-même en tant que je suis sans cesse rattrapé par le bien-connu et le bien-pensant (c?est-à-dire le pensant qui pense à ma place). Philosopher, c?est donc décréter l?état  de crise du savoir et en venir à l?univers de la pensée.
 
Nous pouvons dans cette optique penser à la démarche de Paul Valéry face à la coquille (cf. Variétés, V). Valéry se place dans la sphère de l?ignorance radicale. Ayant mis à mort son savoir, Valéry se trouve face à une coquille. Il se pose alors la question : " Qui donc a fait ceci ? ". On suppose toujours un auteur à un objet. Or, face à une coquille dont je ne considère pas l?existence comme allant de soi, je ne peux imaginer un travail humain. Je ne peux pas penser que l?homme est l?auteur de la coquille parce que je ne comprends pas l?utilité de la coquille. Ce que je ne saisis pas comme utile n?est pas compréhensible pour moi. L?utilité est le schème d?intelligibilité de l?objet. L?homme projette son modèle de compréhension sur la Nature tout entière. L?homme, animal technicien, comprend la nature comme technicienne. L?homme ne comprend pas la coquille parce qu?il ne comprend pas l?inutile (comme la coquille). L?homme ne comprend pas la coquille parce qu?il ne comprend pas une fabrication vécue et non " faite " (ou fabriquée). Avec Valéry, nous pouvons donc mettre au jour le fait que l?homme ne pense pas la nature vécue mais une nature déjà humanisée. Mais alors, la nature vécue est de l?ordre du mystère. Il faut se mettre à la penser. Mais cette conclusion n?est possible que parce que l?on se place dans une situation préalable et volontaire de crise de pensée. Il faut ne plus savoir, mettre à mort son arrière-fond de prétendus connaissances, pour s?élever au-delà des apparences du savoir. Ce n?est qu?ainsi qu?on peut penser hors des cadres de la pensée pré-conçue ou du " prêt à penser ", ce n?est qu?ainsi qu?on peut penser. Penser véritablement, ce n?est pas faire jouer des concepts mastondontesques (la Nature chez Valéry) mais c?est aller de l?autre côté du miroir, hors des cadres étroits des notions et des habitudes de penser qui veulent s?imposer.
 
La pensée est donc vertigineuse quand le corps marque sa présence. La pensée ne parvient pas à saisir cette altérité extrême pendant le déchaînement critique du corps. Pour penser cela, et pour penser en règle générale, la pensée doit alors elle-même entrer dans la sphère critique. Ne s?agit-il pas alors de prendre la crise corporelle comme modèle de la pensée, c?est-à-dire du non-savoir ? Ne faut-il pas entrer dans une crise au sens à déterminer et permettant de saisir le sens des crises des corps et (pourquoi pas ?) atteindre à la véritable pensée ?
 
Je suis en crise quand mes limites sont repoussées. Cela vaut autant dans le domaine du corps que dans le domaine de la pensée. Bref, je suis aux limites de mon être. Etre en crise, c?est donc repousser ses limites. La crise est alors le sentiment de mes limites dépassées. La crise est donc à proximité de la mort : dans la sphère de la pensée, je mets à mort mon savoir. Dans la sphère du corps, la crise apparaît à proximité de la mort : la crise cardiaque (sentiment de mort), la crise d?épilepsie (dont les sursauts sont comme des sursauts de possédés), la crise sexuelle (" la petite mort " ). Dans la crise, je vis les limites de mon existence mais aussi de mon essence. La Krisis est donc le bien le moment de la décision mais de la décision qui se fait. Le décisif est l?instant de différence, de la béance : ainsi l?orgasme est-il le moment décisif ou critique de l?acte sexuel. La pensée doit alors penser ces points critiques du corps. L? impensé de la pensée est ce qu?il y a de plus proche d?elle, le corps, comme si la pensée s?écartait naturellement de ce qui est à proximité d?elle. Le plus près est ce qui est le plus rebelle à la pensée. Le corps est donc l?autre de la pensée, l?autre rebelle à la systématisation, à l?intériorisation de la pensée.
 
Il y a donc crise quand il y a ouverture sur la mort : la crise est un moment d?ouverture à l?inconnu. Mais alors le défi de la pensée ne consiste-t-il pas à penser le corps ? En pensant le corps, je mets à mort mon savoir pour entrer dans l?inconnu toujours à proximité de la mort. Penser le corps, c?est penser le changement c?est-à-dire l?écoulement vers la destination humaine : la mort. C?est la présence du non-savoir dans la conscience. La pensée qui pense le corps doit donc s?installer dans la crise du non-su pour saisir les moments de crises du corps, les crises-décisions qui se prennent en moi, et que je ne prends pas. Ainsi le corps, par l?entremise de ses crises, est-il le lieu de l?altérité radicale à la pensée. Nous avons ici un défi d?entendement : penser le radicalement autre. On rencontre le corps dans l?enseignement des manifestations critiques : besoins, désirs, pulsions dont on peut noter l?extrême complexité. La pensée ne peut donc jamais intérioriser complètement le corps à cause des crises de ce dernier. Dans la crise du corps, la pensée est paralysée. Une fois la crise passée, je peux entrer en crise spirituelle afin de mettre à l?épreuve ce que j?ai vécu. Il apparaît que le plus mystérieux à penser pour la pensée, ce n?est pas une réalité éloignée géographiquement d?elle mais bien plutôt le corps. Il faut mettre à mort son savoir pour penser le corps dans ses manifestations les plus diverses et que nous ne pensons pas. Que se cache-t-il derrière cet impensé ?
 
La crise est donc l?irruption d?une mise à l?épreuve de mes limites. Ainsi la crise fonde-t-elle l?angoisse. La crise est l?ouverture à l?angoisse d?être c?est-à-dire le sentiment du passage possible de la vie et de la mort. C?est l?apparition de la mort comme possibilité dans la vie. La crise de foi que vit Jésus au Mont des oliviers est autant la crise de l?abandon du père que la peur devant la souffrance de la chair. La crise est donc un sentiment d?abandon de l?esprit vis-à-vis du corps. La crise met donc en jeu la désincarnation. Etre en crise, c?est sentir que je peux me désincarner, c?est-à-dire que je peux souffrir de la perte de la chair sans savoir si mon esprit est sans le corps. Cette alliance à un corps que mon esprit ne peut comprendre, mon corps se charge de me le faire savoir. La peur de Jésus est liée à son corps, à cette chair dont il ne comprend pas l?existence, c?est-à-dire la création par son père. La crise est donc liée au mystère de mon apparition sur terre, apparition non pas spontanée mais liée à la volonté (même inconsciente) de mes parents. C?est l?engendrement de ma chair qui se révèle en toute crise du corps. Mon corps rappelle à mon esprit que mon humanité est incompréhensible c?est-à-dire que la chair est un point critique en moi. Je ne suis pas une pure pensée : mon corps se charge de me le rappeler. Etre dans la crise, c?est vivre (c?est-à-dire ressentir et non penser) le déchirement de l?incarnation. C?est vivre une expérience christique. La crise du corps révèle le drame de l?abandon du père : dans la souffrance de la chair, il m?est impossible de savoir pourquoi je suis de la chair. Je ne comprends pas pourquoi j?ai été engendré sous forme de chair, cette chair qui me fait souffrir. Le silence du père fait que je reste abandonné, donc seul, devant l?innommable de la souffrance. L?expérience critique est une expérience christique : c?est l?expérience de la souffrance de la chair. Cela est corrélatif de l?incompréhension devant l?intention du père d?avoir un fils susceptible de souffrance et, de toute façon, condamné à la mort.
 
Etre en crise, c?est donc ressentir l?abandon du père qui se manifeste dans la souffrance de la chair. La crise est donc ce sentiment bouleversant de la souffrance de la chair par laquelle celle-ci signifie qu?elle existe. Il s?agit de la sensation de l?abandon de l?esprit. Toute expérience critique est donc la sensation de la présence de la mort dans la vie. La chair rappelle que si le père donne la vie, il donne en même temps la mort. Or, cette ouverture dans ma vie de ma possible mort s?inscrit dans les interstices de la crise. La crise du corps est donc le révélateur du fait qu?en même temps que la vie m?est donnée, la mort l?est aussi. Le drame de l?engendrement voué à la mort se révèle dans la violence et la souffrance des crises corporelles. La crise du corps est donc à penser pour saisir l?homme qui n?est pas qu?une pure pensée. L?homme est humain quand il souffre. La mise à mort du savoir permet de penser les crises du corps. Un espace s?ouvre alors pour penser l?homme et pas seulement l? " homme-quand-il-pense ".


Message édité par l'Antichrist le 25-04-2004 à 10:59:23
n°2567584
oh_damned
Posté le 26-04-2004 à 01:14:52  profilanswer
 

Je plante simplement mon http://forum.hardware.fr/icones/flag1.gif afin de pouvoir lire  à tête reposée les posts de l'Antichrist et son dialogue avec rahsaan.
 
J'avoue que lire l'Antichrist me demande beaucoup d'efforts notamment par manque de culture philosophique et je suis d'ailleurs ravi de lire ses 2 derniers posts, qui me semblent bien + abordables (après les avoir lus en diagonale faute de temps pour une lecture intégrale pour le moment :/)


Message édité par oh_damned le 26-04-2004 à 01:15:23
n°2567982
l'Antichri​st
Posté le 26-04-2004 à 05:31:05  profilanswer
 

Citation :

Sophos, artisan antique - pipeau-tron moderne. Sophos, antique artiste d'une sagesse perdue - moderne philosophe, scientifique de l'improbité intellectuelle : la "vérité" d'hier est le mensonge d'aujourd'hui.


 

Citation :

En transformant la philosophie en science, on tue toute aptitude à la sagesse. Dégoût des assassins de la sagesse.


 
J'aimerai répondre à cette attaque comme il se doit en la considérant comme une authentique question philosophique, en la prenant avec le plus grand sérieux (même si je dois sortir une fois de plus du cadre strict du topic !). Faut-il se tromper pour parvenir à la vérité (ou la question du faux) ? Que les philosophes confirmés se montrent indulgents avec la grande simplicité du propos !!!
 
On entend souvent dire : " L?erreur est humaine ". Pourtant, nous n?aimons pas nous tromper. Quand je me rends compte de mon erreur, je suis gêné. Le faux instaure une gêne dans notre vie. C?est pourquoi, nous aimons prendre notre temps pour éviter de commettre des erreurs : nous faisons des efforts pour rencontrer le moins souvent possible le faux. Il n?y a aucune positivité à tirer de l?erreur et nous la fuyons comme ce qui empêche la vérité. Nous pensons que la vérité n?est possible que comme négation du faux, comme le contraire de l?erreur : dire le vrai, c?est sortir du domaine du faux, c?est adopter une méthode (cf. Descartes, Discours de la méthode) dont nous pensons qu?elle nous préservera toujours de l?erreur.
 
Cependant, nos erreurs sont inéluctables. Si l?erreur est humaine, c?est parce que le faux est notre compagnon dans la vie de tous les jours. La conscience évolue entre le savoir absolu (nous ne savons pas tout) et l?ignorance radicale (nous n?ignorons pas tout) : nous vivons dans le vraisemblable, dans le probable, dans le possible. L?homme de la caverne chez Platon n?est pas une page blanche mais simplement enchaîné à ses croyances et Descartes parlera de l?enfance comme de l?âge de la passivité c?est-à-dire des préjugés, de l?adhésion immédiate. Etre gêné par le faux, c?est penser qu?il ne devrait pas exister. Mais c?est alors préférer un idéal à la réalité : l?erreur est inévitable parce que nous vivons dans la croyance et non dans le savoir.
 
Peut-on se passer de l?erreur et du faux pour atteindre le vrai ? Devons-nous toujours fuir l?erreur ? Mais si celle-ci constitue une nécessité pour la conscience forcément finie, a-t-on le droit de la nier purement et simplement ? Faut-il rejeter l?erreur au nom de la vérité ou bien au contraire la vérité n?est-elle qu?une conquête sur l?erreur ? Mais si le faux est l?autre du vrai, sont-ils encore opposés ou bien entrelacés ?
 
Quand le professeur de mathématiques écrit dans la marge d?une démonstration " Faux ", que veut-il signifier à l?élève ? Il veut lui faire comprendre que sa démonstration est erronée, qu?elle n?est pas celle qui est attendue parce qu?elle n?est pas cohérente et qu?elle recèle une ou des erreurs. Pourtant, l?élève croyait qu?il avait raison et que sa démonstration était valide. Il pensait être dans le vrai et le professeur lui montre qu?il a tort et qu?il a commis une erreur. Celle-ci apparaît comme un scandale : nous ne voulons pas commettre des erreurs. Nous ne voulons pas nous tromper. Nous vivons l?erreur comme un évènement non désirable. Le faux est scandaleux. Plus précisément, la conscience vit le faux comme un scandale, comme un scandalon c?est-à-dire comme une pierre qui fait trébucher sur le chemin de la vérité. Si Descartes engage les Méditations métaphysiques, c?est autant pour fonder en raison les sciences que pour éviter l?erreur et le faux. Dans la fiction méthodologique du Malin Génie (cf. Méditation première, §. 12), nous voyons que l?erreur est un spectre qui pèse sans cesse sur nous. Dès que nous pensons, nous pouvons nous tromper. Nous sommes toujours susceptibles de " sombrer dans l?erreur ". Cette dernière expression est intéressante : nous sombrons dans l?erreur c?est-à-dire que nous ne cherchons pas volontairement à nous tromper mais que nous rencontrons le faux malgré nous. Nous n?aimons pas le faux : nous n?aimons pas nous tromper et encore moins être trompé. Le faux nous gêne : nous avons l?impression qu?il n?est pas humain parce que l?humanité est faite pour trouver la vérité et réaliser la cohérence. Nous aimons réussir un exercice et nous apprécions rencontrer le vrai. Mais nous sommes forcés de constater que l?erreur est toujours présente dès que nous pensons et dès que nous jugeons. Or, ce point est important : comment Dieu peut-il permettre que je me trompe ? Puisque Dieu est parfait, il crée des créatures parfaites : est-ce à dire que l?erreur que je commet n?est pas une imperfection du point divin ? Si Dieu permet que soit inscrite en mon essence la possibilité permanente de l?erreur, c?est que cela est un bien pour la créature finie que je suis. Comment comprendre cela ? Comment comprendre que la présence de l?erreur en moi me fasse plus parfait que si je ne me trompais jamais ?
 
C?est précisément la question de la Méditation quatrième : tant que nous usons de nos facultés comme il faut c?est-à-dire en respectant les règles de la méthode, alors nous ne rencontrons jamais le faux. Si nous ne rencontrions jamais le faux, alors nous serions condamnées à dire sans cesse le vrai et la découverte de la vérité consisterait en un pur jeu mécanique. Nous serions comme des automates dont le mécanisme ne serait jamais encrassé puisqu?il aurait Dieu pour ingénieur suprême. Or, Dieu laisse la possibilité à l?homme de se tromper. Nous pouvons alors demander avec Descartes : " Et certes il n?y a point de doute que Dieu n?ait pu me créer tel que je me pusse jamais tromper ; il est certain aussi qu?il veut toujours ce qui est le meilleur : m?est-il donc plus avantageux de faillir, que de ne point faillir ? " (cf. Méditation Quatrième, §. 6).  Comment est-il possible que la présence du faux soit in fine un bien pour moi, c?est-à-dire une plus grande perfection que le fait de ne jamais me tromper ? Comment cela est-il possible et que cela révèle-t-il de ma nature ? La possibilité de l?erreur n?est-elle pas la marque de notre liberté ? Si nous étions toujours dans le vrai parce que notre nature serait de ne jamais nous tromper, quelle serait la valeur de la vérité ? Celle-ci ne serait que le résultat d?un mécanisme dont nous ne serions pas responsables. Bien sûr, le plus haut degré de la liberté consiste à ne pas tomber dans l?erreur : celle-ci ne cesse pas d?être un scandale pour la conscience. Nous pouvons toujours atteindre le vrai si nous nous servons correctement de nos facultés de connaître. Pourtant, le faux n?est pas inhumain, hors de l?humanité : il constitue notre essence. Faut-il se plaindre que l?erreur soit humaine ? Ou bien la possibilité de l?erreur ne donne-t-elle pas sa valeur à la vérité ?
 
Poussons la logique jusqu?au bout : ne pouvons-nous pas entrer volontairement dans le faux ? Ainsi, pouvons-nous dire le faux alors que nous connaissons le vrai ? Je peux savoir que deux et deux font quatre et affirmer " deux et deux font cinq ". Je peux affirmer le faux en toute connaissance de cause. Quand je le fais, j?affirme ma liberté. Je ne suis pas une marionnette qui dirait toujours le vrai parce qu?elle ne pourrait pas faire autrement mais je peux faire l?expérience de ma liberté, de mon libre-arbitre. C?est ce qui donne sa valeur à notre connaissance : nous ne sommes pas des machines forcées de suivre le vrai. C?est ce qui donne un sens au mérite : nous méritons la vérité quand nous la trouvons justement parce que le faux existe comme ce qui pèse sur nos décisions. L?ombre du Malin Génie plane sur toutes nos connaissances et sur tous nos jugements. Qu?est-ce que cela signifie ? Que le faux plane toujours sur nos pensées. Nous pouvons toujours sombrer dans l?erreur. Penser, c?est donc être exposé à l?autre de la conscience (sous la forme du Malin Génie) : le faux. Le " Malin Génie " représente la part en notre esprit toujours susceptible de se tromper, d?être dans le faux. Cela constitue un autre aspect du scandale du faux : il est toujours là, toujours susceptible d?apparaître si nous nous précipitons et que nous ne conduisons pas par ordre nos pensées.
 
Mais alors, l?erreur ne semble pas s?opposer au vrai mais être en quelque sorte à côté de lui. Si je ne fais pas attention, je peux me tromper. L?erreur est donc toujours présente en filigrane de la vérité. C?est ce que nous signifions quand nous disons que c?est en se trompant que nous apprenons. Cela ne veut pas dire qu?une fois que nous avons appris, nous ne pouvons plus nous tromper. L?erreur rôde toujours. Ne faut-il pas alors penser le vrai et le faux côte à côte et non dans une opposition frontale ? Le faux ne se mêle-t-il pas au vrai ? Le fait que l?erreur soit toujours possible n?est-il pas la marque que la présence du vrai ne fait pas disparaître le faux ? Dire le vrai, n?est-ce pas en même temps dire le faux ?
 
Si le faux et le vrai sont liés, c?est que le vrai n?est vrai que temporairement et qu?il passe dans la sphère du faux. Quand une théorie physique succède à une théorie physique périmée ou sanctionnée, la première n?est plus considérée comme vraie. Et celle qui est considérée vraie ne l?est que pour le temps qu?une autre la remplace. Donc, nous progressons dans le faux qui est un vrai temporaire. La vérité n?est pas absolue : c?est bien plutôt le faux qui l?est dans la mesure où l?esprit humain progresse d?erreur en erreur et non de vérité en vérité. La connaissance apparaît comme une erreur sans cesse rectifiée pour se rapprocher du vrai et non comme la succession de vérités. Nous progressons d?erreur en erreur. Donc, le chemin de la connaissance est pavé de faussetés, de propositions vraies à un moment du processus historique mais fausses c?est-à-dire dépassées ou périmées. La vérité cosmologique d?Aristote est fausseté aux yeux de Galilée et la vérité de Galilée est fausseté aux yeux d?Einstein. Faut-il tomber dans le relativisme et dire que le vrai du moment est un faux du futur ? La marche du progrès est ainsi faite : ce qui est vrai aujourd?hui sera faux demain. Plus précisément, ce que nous croyons vrai peut, à tout moment, devenir faux. Le vrai du moment n?est qu?un vrai en sursis qui va sombrer dans le faux. Dire que la vérité est historique, c?est dire qu?elle est toujours temporaire. Ce que nous croyons, c?est du faux, c?est une vérité dont nous savons fort bien qu?elle n?est que temporaire. Le faux et le vrai sont donc mêlés et comme entrelacés : dès que l?on pose l?un, on pose l?autre. Ce qui est vrai passe dans le faux aussi rapidement que le faux devient vrai. Galilée fait passer Aristote dans le faux comme Aristote fait passer les physiciens ioniens dans le faux. Elaborer une théorie, c?est toujours l?élaborer contre une autre théorie. Le vrai doit toujours s?élever sur les ruines du faux. Mais la revanche du faux (et c?est pourquoi le faux et le vrai sont indissociablement liés) consiste en ceci que la théorie considérée vraie aujourd?hui passera dans le faux, et passera même nécessairement dans le faux. Ce qui est vrai est ce que nous ne croyons pas faux. Ce qui est faux, c?est ce que nous ne croyons pas vrai.
 
N?est-ce pas que le faux (comme le vrai) n?existe que dans la croyance ? Autrement dit, l?esprit ne crée pas le vrai ou le faux mais il les rencontre. L?esprit humain constitue la croyance. C?est cette croyance qui peut être dite vraie ou fausse et jamais l?objet sur lequel porte la croyance. Nous pouvons entendre Russell sur l?importance de la croyance dans le domaine du faux : " L?esprit crée la croyance, mais une fois qu?elle est là, ce n?est pas l?esprit qui la rend vraie ou fausse (...). C?est le fait qui rend la croyance vraie (...) " (cf. Problèmes de philosophie, " Le vrai et le faux " ). Le faux ne se rencontre pas dans les faits : les faits ne sont pas en eux-mêmes vrais ou faux. Ils sont. Ils existent simplement et ce n?est que dans la croyance que nous pouvons atteindre le vrai ou le faux. Prenons la croyance fausse : elle est fausse dans la mesure où elle ne correspond pas au fait avec lequel elle se prétend en adéquation. Nous avons l?habitude de dire que la croyance s?oppose à la connaissance, comme le probable s?oppose au vrai. Mais il ne faudrait pas oublier que la croyance peut être vraie : en ce sens elle dit la vérité. Le faux ne peut qu?être dit : il est dit quand la croyance ne correspond pas à un état de fait. Mais le fait en lui-même n?est ni vrai ni faux. Il peut être dit vrai ou faux. Le faux est donc une construction de l?esprit humain. Sans l?esprit, le faux n?existerait pas. C?est ce que semble écrire Russell : " C?est le fait qui rend la croyance vraie, et ce fait ne présuppose pas l?esprit de la personne qui est le sujet de la croyance ". Il s?agit de penser le vrai en terme de rencontre : la croyance vraie rencontre la vérité du fait. Mais qu?en est-il du faux ? Qu?est-ce que le faux rencontre quant à lui ? Quand j?énonce une proposition fausse, je ne suis pas en adéquation avec le faux mais je constitue quelque chose qui a véritablement besoin de moi pour exister. Le fait qui rend la croyance vraie ne présuppose pas un sujet de croyance : le fait " Il fait froid dehors " ne présuppose pas mon esprit (ne me présuppose pas comme sujet de croyance) puisque si je ne le dis pas, il n?empêche qu?il fera froid dehors. N?est-ce pas le contraire pour le faux ? Quand j?affirme quelque chose de faux, rien ne préexiste à mon jugement. Celui-ci fait apparaître un événement qui n?existerait pas sans moi. Parce que la croyance fausse ne rencontre rien d?autre qu?elle-même, elle est sans lien avec les faits.
 
Et si l?homme était le lieu du sans-lien, c?est-à-dire l?être qui peut s?installer dans un monde faux qu?il constitue lui-même ? Ne faut-il pas penser parfois que le faux existe dans un autre domaine que celui de la connaissance ? L?homme énonce le faux mais ne le constitue-t-il pas aussi de façon sensible ? Le faux en tant que construction n?apparaît plus scandaleux. Au contraire, il est la vérité même de l?oeuvre produite. La fiction est une façon de dire le faux mais une façon plaisante. Le faux que nous contemplons et que nous connaissons en tant que tel nous amuse. Les lieux de l?imagination ne sont pas des domaines de connaissance : ils sont donc faux mais d?une fausseté que nous aimons et même que nous recherchons. N?aimons-nous pas aller au théâtre, au cinéma, dans des lieux imaginaires ou de fiction qui ne relèvent pas de la vérité ? N?y a-t-il pas une façon d?aimer le faux ?
 
Quand le faux se sait tel qu?il est, n?est-il pas agréable ? Connaître le faux en tant que faux et non en le prenant maladroitement pour le vrai, n?est-ce pas une façon de vivre le faux et donc de ne pas s?en scandaliser ? Qu?aimons-nous au théâtre si ce n?est le faux ? Au théâtre, les choses ne sont pas réelles mais représentées. Lorsque nous imaginons vraies des choses qui ne le sont pas, nous sommes dans le faux, sauf si nous avons conscience que nous imaginons. L?esprit humain peut donc considérer comme existantes des choses qui ne sont pas présentes. N?est-ce pas ainsi qu?il faut comprendre le rôle du récit ? Celui-ci peut dire le faux à condition de ne pas vouloir tromper et affirmer qu?il dit le vrai. Le monde de l?art n?est-il pas un monde du faux, un monde où les poignards ne tuent pas vraiment et où l?on peut dire à la fin " Acta fabula est " ? Quand je vais voir une pièce de Molière, je regarde une représentation c?est-à-dire que je suis à deux moments en même temps. Je vis l?expérience du vrai et du faux en même temps : je suis dans une salle de théâtre à Paris et, en même temps, je suis au XVIIe siècle. Je sais que je n?y suis pas et pourtant j?y suis puisque je crois à la représentation et que j?y prends du plaisir. Je vis l?expérience du double : je sais que c?est une représentation mais j?y crois, comme l?acteur joue le rôle d?un autre que lui-même tout en sachant qu?il est lui et un autre. Ce que Louis Jouvet appelle le " mentir vrai " de l?acteur réside dans ce plaisir de mêler le vrai et le faux. Je sais que l?acteur est l?acteur et en même temps le personnage. Je vis l?expérience du deux en un, de la vérité et de la fausseté en même temps. Les deux entités se donnent en même temps dans la représentation : je vis l?alliance du vrai qui a besoin du faux pour être vrai et du faux qui se fonde sur le vrai pour pouvoir être ce qu?il est.
 
Le faux qui s?opposait au savoir avoue ici sa vérité. Quand je suis consciemment dans le faux, je peux être joyeux et vivre une expérience proprement humaine qui m?enrichit. Le faux qui se sait tel aide la vie et ne nous trompe pas. Au contraire, il nous rend sage. Ainsi, pouvons-nous comprendre cette pensée de Spinoza : " C?est d?un homme sage, dis-je, de se réconforter et de réparer ses forces grâce à une nourriture et des boissons agréables (...) et aussi grâce aux parfums, au charme des plantes verdoyantes, de la parure, de la musique, des jeux de gymnase, des spectacles etc... " (cf. Ethique, IV, 45, corollaire 2, scolie). D?où l?importance du récit : si nous connaissons le faux en tant que faux, nous pouvons l?apprécier et il peut nous enrichir. Le faux qui se sait aide et purifie la vie. L?imaginaire " qui se sait " signifie " qui ne se prend pas à lui-même mais sait se penser ". Le faux en tant que fiction, en tant que représentation consciente, avoue sa vérité en ce sens qu?il aide la vie. Il ne s?oppose pas à la vérité mais en son sein peut l?engendrer. Quel que soit le génie de la perspective d?un peintre, la toile est toujours plate. Nous jouons avec le faux de la perspective pour feindre de croire à l?illusion perceptive. Mais nous savons bien que la toile est plate. C?est parce que nous le savons que nous jouissons de ce qui est représenté et que nous ne tombons pas dans l?erreur. A partir de là, nous pouvons comprendre ce que nous reprochons au faussaire. Celui-ci vole notre plaisir. Il copie quelque chose dont le résultat est un faux dont nous allons jouir. Mais la finalité de sa copie est purement et simplement la duperie. Or, nous n?aimons pas la duperie parce que nous n?aimons pas le faux qui se cache et qui nous trompe. Le faussaire veut nous tromper alors que l?artiste veut nous faire vivre une expérience radicalement différente : faire atteindre le vrai à travers le faux (mais le faux qui se connaît lui-même comme faux).
 
La figure du faux qui se sait n?est-elle pas la tragédie ? La tragédie dont parle Nietzsche n?est-elle pas le domaine de la représentation du malheur ? Mais ce malheur est représenté, donc faux. Les personnages meurent, pas les acteurs. Dire que la tragédie est le pont entre Apollon et Dionysos, c?est dire que la représentation me place comme un contemplateur du faux. Je contemple un malheur (la mère tue son fils) mais je sais que cela n?est pas vrai : la mère n?est pas la mère et le fils n?est pas le fils. Je vis l?expérience du faux et j?en prend du plaisir : je vis le fait que la mère est mère et n?est pas mère. Considérer la tragédie avec les yeux de la connaissance représentative, c?est discriminer, c?est ne pas vouloir être dans la confusion dionysiaque. Mais alors nous sommes amenés à nous demander avec Nietzsche : " Comment le laid et le disharmonique, comment le contenu du mythe tragique, peuvent-ils provoquer un plaisir esthétique ? " (cf. La naissance de la tragédie, 24). Comment prenons-nous du plaisir avec le faux ? Nous aimons voir le faux en tant que faux c?est-à-dire voir le faux tel qu?il est en vérité. Cette proposition paradoxale ne l?est pas si nous comprenons que le récit est le lieu de la fiction c?est-à-dire du faux qui se révèle dans la vérité de ce qu?il est. Etre un contemplateur du faux consiste à aimer le faux dans le plaisir esthétique alors que nous l?abhorrons à raison dans le domaine de la connaissance. Nous n?aimons pas nous tromper mais nous aimons être le jouet de notre illusion et nous perdre dans un faux représenté que nous apprécions alors comme tel. Dans la tragédie ou dans l?art en général, nous aimons la façon dont le faux se donne à nous parce qu?il joue avec nous autant que nous jouons avec lui. Nous nous laissons porter volontairement par lui tout en connaissant sa véritable nature de faux. Dans la confusion dionysiaque de la tragédie où nous ne discriminons plus le vrai du faux, le personnage de l?acteur, la vérité de la fausseté, la réalité de la représentation, nous vivons l?expérience esthétique de la beauté du faux. Celui-ci est capable de nous captiver sans nous léser et de nous faire vivre des sentiments que nous ne vivons qu?exceptionnellement dans notre vie. Dans la représentation, le faux est agréable parce qu?il ne dupe pas mais qu?il émeut.
 
Le problème du faux consiste donc à être connu comme tel. Le faux qui se dissimule nous gêne et nous repousse. Le faux qui se représente dans sa fausseté nous amuse : nous aimons l?absurde pour cela. C?est alors que la vérité du faux peut apparaître. Dans le plaisir esthétique, nous vivons agréablement le faux. Le spectacle est la recherche du faux qui révèle paradoxalement une vérité quand il est pleinement lui-même c?est-à-dire quand il s?assume comme faux et qu?il ne cherche pas à tromper. Quand le faux est librement consenti et recherché, il se donne tel qu?il est : un accès à la vérité et non plus son opposé radical.


Message édité par l'Antichrist le 26-04-2004 à 05:45:15
n°2577503
docmaboul
Posté le 27-04-2004 à 12:13:19  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :


 

Citation :


Vous parlez d'humanité (et par négation d'inhumanité) sans savoir de quoi vous parlez (et accessoirement sans savoir ce que parler veut dire !). Pour éclairer votre lanterne, voici une réflexion philosophique (niveau bac) sur la question. L'homme peut-il être inhumain ?




 
Ahhh! ma lanterne... Mais pas un seul: "je cherche un homme!" en plein jour de votre grande lumière philosophique. Comme c'est étonnant lorsqu'on dit la messe en citant Kant, Rousseau, Descartes et Hobbes... Très sérieusement: amen! Et, soit dit en passant, Homo homini lupus, c'est de Plaute.
 
Enfin, encore du baratin typique pour justifier cette forme particulière d'anthropomorphisme voulant que "l'homme" voit "l'humain" à son image. C'est votre fameux "faire d'un cas particulier une règle générale et universelle"... Ainsi le nègre n'est qu'un singe pour le négrier et le nazi qu'un monstre pour le lobotomisé. Dans un cas comme dans l'autre, c'est exactement le même mécanisme.
 
Bref, il est intéressant de noter que, bien involontairement, vous m'avez donné raison en réduisant l'humanité à des êtres "humains" à votre image. Vous auriez pu vous en rendre compte si vous n'aviez été aveuglé par les lumières éblouissantes de toutes vos considérations morales et éthiques sur ce que vous nommez "l'humain".
 
Pour finir, je trouve dommage que vous n'ayez que touché du doigt le problème, en l'occurrence avec le stoïcisme d'Epictete (que vous interprétez, me semble-t-il, de manière erronée). Il y a du "fauve", de la "bête", du "sauvage" en l'humain et bien plus d'humain chez le plus "naturel" des "hommes naturels" que chez l'homme apathique, doué de raison mais à grand peine encore capable de sentiments et de grands sentiments. La haine ou l'amour procèdent d'un même tout par exemple et la frontière est ténue entre ces deux passions. On les oppose toujours à tort alors qu'elles sont complémentaires et n'ont pour opposé que la froide indifférence.
 

Citation :

L’inhumanité toujours produite par des humains révèle alors le sommeil de la raison, celui-là même qui engendre les monstres.


 
Conclusion: on n'en sait pas plus sur l'humain et l'inhumain après vous avoir lu. Ce n'était que de l'éthique, de niveau bac.

n°2577536
PHOENXREBR​TH
Allegro Maestoso
Posté le 27-04-2004 à 12:17:32  profilanswer
 

Moi j'aime bien la philo, c'est une de mes meilleures moyennes :D Je dois avoir dans les 5,5 (sur 6 hein !)


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"Aujourd'hui, les Hommes connaissent le prix de tout mais la valeur de rien." O. Wilde
n°2577998
Circenses
Posté le 27-04-2004 à 13:19:34  profilanswer
 

DocMaboul a écrit :

Ahhh! ma lanterne... Mais pas un seul: "je cherche un homme!" en plein jour de votre grande lumière philosophique. Comme c'est étonnant lorsqu'on dit la messe en citant Kant, Rousseau, Descartes et Hobbes... Très sérieusement: amen! Et, soit dit en passant, Homo homini lupus, c'est de Plaute.
 
Enfin, encore du baratin typique pour justifier cette forme particulière d'anthropomorphisme voulant que "l'homme" voit "l'humain" à son image. C'est votre fameux "faire d'un cas particulier une règle générale et universelle"... Ainsi le nègre n'est qu'un singe pour le négrier et le nazi qu'un monstre pour le lobotomisé. Dans un cas comme dans l'autre, c'est exactement le même mécanisme.
 
Bref, il est intéressant de noter que, bien involontairement, vous m'avez donné raison en réduisant l'humanité à des êtres "humains" à votre image. Vous auriez pu vous en rendre compte si vous n'aviez été aveuglé par les lumières éblouissantes de toutes vos considérations morales et éthiques sur ce que vous nommez "l'humain".
 
Pour finir, je trouve dommage que vous n'ayez que touché du doigt le problème, en l'occurrence avec le stoïcisme d'Epictete (que vous interprétez, me semble-t-il, de manière erronée). Il y a du "fauve", de la "bête", du "sauvage" en l'humain et bien plus d'humain chez le plus "naturel" des "hommes naturels" que chez l'homme apathique, doué de raison mais à grand peine encore capable de sentiments et de grands sentiments. La haine ou l'amour procèdent d'un même tout par exemple et la frontière est ténue entre ces deux passions. On les oppose toujours à tort alors qu'elles sont complémentaires et n'ont pour opposé que la froide indifférence.
 

Citation :

L?inhumanité toujours produite par des humains révèle alors le sommeil de la raison, celui-là même qui engendre les monstres.


 
Conclusion: on n'en sait pas plus sur l'humain et l'inhumain après vous avoir lu. Ce n'était que de l'éthique, de niveau bac.


Tu lui mets quelle note ? [:joce]


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mood
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Posté le 27-04-2004 à 13:19:34  profilanswer
 

n°2578975
docmaboul
Posté le 27-04-2004 à 16:08:17  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :


 
J'aimerai répondre à cette attaque comme il se doit en la considérant comme une authentique question philosophique, en la prenant avec le plus grand sérieux (même si je dois sortir une fois de plus du cadre strict du topic !). Faut-il se tromper pour parvenir à la vérité (ou la question du faux) ? Que les philosophes confirmés se montrent indulgents avec la grande simplicité du propos !!!


 
Il est tout à votre honneur de considérer qu'il y a bien là une question philosophique. Votre longue réponse est, par contre, moins honorable. Je m'explique.
 
Il s'agit toujours de ce sempiternel radotage. Invoquer Dieu pour expliquer le vrai et le faux relève de la pensée magique. On peut pardonner ce fait à Descartes et ses petits copains parce qu'ils vivaient à des époques toutes empreintes de supersitions du même acabit. Depuis, l'eau n'a manifestement pas tant coulé sous les ponts qu'on pourrait le croire. citer et paraphraser Nietzsche dans la foulée, il y a là comme un attentat envers ce philosophe. Passons.
 
Le libre-arbitre; la belle affaire! Retour à la pensée magico-primitive. "Dieu m'a donné, à moi, sa créature chérie et bien-aimée, la possibilité de me tromper. Ainsi, je ne suis pas un automate, encore moins un animal-machine. Et ce cadeau divin m'a été fait parce que le Bon ne veut que le meilleur pour ses créatures..." [Et là, on a l'orgueil qui dégouline de manière quelque peu dégoûtante].
 
Puis, le relativisme sur le vrai et le faux avec leur perpétuel échange. J'ai été quelque peu déçu que, de manière superficielle, vous en restiez à ce mouvement sans pousser l'exposition plus loin. Quelle part de vérité y avait-il dans nos vieilles constructions? Quelle part de vérité y reste-t-il? Cela dénote une conception ("Ce qui est vrai est ce que nous ne croyons pas faux. Ce qui est faux, c?est ce que nous ne croyons pas vrai." ) plutôt manichéenne du vrai et du faux et, pour dire le fond de ma pensée, assez naïve. Est-il si "scandaleux" d'envisager qu'il n'y a peut-être aucune différence entre le vrai et le faux? Que "le vrai qui a besoin du faux pour être vrai et du faux qui se fonde sur le vrai pour pouvoir être ce qu?il est" n'est peut-être qu'une fumeuse construction intellectuelle inapte à rendre compte de la réalité?
 
A la lecture de votre dernier couplet, je crains que vous n'ayez compris correctement le sens que Nietzsche donne à la tragédie et au dionysiaque, au grand Oui à toutes choses et à la perpétuelle fécondité du poète tragique. Le faux et le vrai n'ont plus leur place ici. On sort du domaine de la "vérité", pour entrer dans une autre valeur: la beauté. Si l'on a pas compris cela de Nietzsche, on ne peut comprendre pourquoi Socrate est le décadent type selon lui, le "corrupteur de la jeunesse" et particulièrement du jeune et beau Platon.
 
En conclusion: vous avez effectivement répondu à la question, mais par l'exemple...

n°2579020
docmaboul
Posté le 27-04-2004 à 16:17:30  profilanswer
 

Circenses a écrit :

Tu lui mets quelle note ? [:joce]


 
Je ne sais pas trop. Je serais prof de lycée et il serait un de mes jeunes élèves, quelque chose comme 16 ou 17 sur 20.

n°2579179
oh_damned
Posté le 27-04-2004 à 16:42:27  profilanswer
 

DocMaboul a écrit :

Je ne sais pas trop. Je serais prof de lycée et il serait un de mes jeunes élèves, quelque chose comme 16 ou 17 sur 20.


 
Il me semble me souvenir que l'Antichrist est enseignant en philosophie.

n°2579202
docmaboul
Posté le 27-04-2004 à 16:47:39  profilanswer
 

oh_damned a écrit :

Il me semble me souvenir que l'Antichrist est enseignant en philosophie.


 
Et?

n°2579257
Circenses
Posté le 27-04-2004 à 17:02:10  profilanswer
 

DocMaboul a écrit :

Je ne sais pas trop. Je serais prof de lycée et il serait un de mes jeunes élèves, quelque chose comme 16 ou 17 sur 20.


C'est honnête, mais j'ai l'impression qu'il pensait avoir plus. :lol:


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n°2579264
rahsaan
Posté le 27-04-2004 à 17:03:31  profilanswer
 

Nietzsche ne confond pas le faux et le vrai, pour dire que c'est la même chose. Il dit que le vrai n'est qu'une sorte particulière de faux, c'est à dire d'interprêtation de la réalité, qui la (dé)forme en vue de permettre l'épanouissement d'une certaine forme de vie, c'est à dire d'une formation pulsionnelle.  
Cette formation cherche à accroître son sentiment de puissance en assimiilant de manière heureuse les forces auxquelles elle se trouve confrontée.  
Pour Nietzsche, la morale contre-nature érigée en idéal par le christianisme consiste à valoriser les vies faibles, ratées, maladives, incapables de vivre dans la dimension conflictuelle de l'existence.  
Dès lors, la force d'un vivant se mesure à sa capacité à diluer le moins possible la réalité dans une image rassurante, qui atténue le tragique. S'il n'y a pas d'interprêtation "vraie" (comme l'a cru la philosophie depuis Platon), il y en a en réalité de fausses, car elles sont mensongères, hypocrites, en ce qu'elles refoulent la réalité en la masquant par un idéal issu de pulsions faibles, morbides.  
Le tragique consiste en l'approbation, en l'amour, du hasard. Affirmant le hasard, s'assimilant des forces qui menacent sans cesse de le détruire, mais qui l'amènent à se surpasser, la vie vise toujours plus qu'elle(contrairement au vouloir-vivre qui se répète à l'identique), et s'impose sa nécessité par delà l'arbitraire en laquelle elle vit.  
La vérité comme sincérité face au néant ontologique de la réalité. La nécessité comme assomption heureuse du hasard. La joie comme ce surplus de vie que la vie extrait d'elle-même.


Message édité par rahsaan le 27-04-2004 à 17:06:28

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°2579386
docmaboul
Posté le 27-04-2004 à 17:28:01  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Nietzsche ne confond pas le faux et le vrai, pour dire que c'est la même chose. Il dit que le vrai n'est qu'une sorte particulière de faux, c'est à dire d'interprêtation de la réalité, qui la (dé)forme en vue de permettre l'épanouissement d'une certaine forme de vie, c'est à dire d'une formation pulsionnelle.


 
Nous n'avons pas lu le même Nietzsche me semble-t-il ("Nous avons l'art afin de ne point périr de la vérité" si ma mémoire est bonne). Quant à l'identité du vrai et du faux, je ne parlais pas de lui.
 

Citation :

Cette formation cherche à accroître son sentiment de puissance en assimiilant de manière heureuse les forces auxquelles elle se trouve confrontée.


 
Peut-être...
 

Citation :

Pour Nietzsche, la morale contre-nature érigée en idéal par le christianisme consiste à valoriser les vies faibles, ratées, maladives, incapables de vivre dans la dimension conflictuelle de l'existence.  
Dès lors, la force d'un vivant se mesure à sa capacité à diluer le moins possible la réalité dans une image rassurante, qui atténue le tragique.


 
J'avais compris qu'il s'agissait plutôt d'une morale de philosophes (platonisme - "platonicisme" ??? - du peuple) , à savoir anti-artistique et anti-esthétique: une morale de "véridiques".
 

Citation :

S'il n'y a pas d'interprêtation "vraie" (comme l'a cru la philosophie depuis Platon), il y en a en réalité de fausses, car elles sont mensongères, hypocrites, en ce qu'elles refoulent la réalité en la masquant par un idéal issu de pulsions faibles, morbides.


 
C'est très approximatif mais c'est à peu près cela.
 

Citation :

Le tragique consiste en l'approbation, en l'amour, du hasard. Affirmant le hasard, s'assimilant des forces qui menacent sans cesse de le détruire, mais qui l'amènent à se surpasser, la vie vise toujours plus qu'elle(contrairement au vouloir-vivre qui se répète à l'identique), et s'impose sa nécessité par delà l'arbitraire en laquelle elle vit.  
La vérité comme sincérité face au néant ontologique de la réalité. La nécessité comme assomption heureuse du hasard. La joie comme ce surplus de vie que la vie extrait d'elle-même.


 
Nous n'avons effectivement pas lu le même Nietzsche.
 
Bon. Et à propos de l'inversion de toutes les valeurs? Qu'en avez-vous compris?


Message édité par docmaboul le 27-04-2004 à 17:29:04
n°2579583
rahsaan
Posté le 27-04-2004 à 17:54:29  profilanswer
 

La citation : "Nous avons l'art afin de ne point périr de la vérité".
 
Le dualisme en vigueur dans toute la philosophie sépare le vrai du faux, afin de se garantir un monde véridique, qui nous console de cet ici-bas de tromperie et de conflits. Il y a dès lors dans tout dualisme une vision morale du monde, donc une négation sournoise de la vie.
Or si le vrai n'est qu'une sorte particulière de faux, vouloir inconditionnellement le vrai et rejeter le faux consiste finalement à nier la vie, à chercher une existence sans heurts, une vie de certitude, rassurante. C'est pourquoi la volonté de vérité pourrait être en fait volonté de mort. Volonté d'un au-delà qui nous délivre de l'univers tragique de la volonté de puissance.  
Si la force d'une vie se mesure à sa capacité d'absorption harmonieuse du chaos, la vérité n'est qu'une valeur parmi d'autres, et non la valeur de toutes les valeurs.  
Comme transfiguration mensongère, apollinienne, de l'existence, l'art permet d'embellir la vie, de sublimer les conflits, de la faire s'épanouir dans l'illusion de belles formes. Valorisation du mensonge de la beauté : Platon comme artiste apollinien qui a refoulé Dionysos, donc comme artiste honteux de ses instincs les plus forts. La formule de la décadence : la rupture entre croissance du bonheur et croissance des instincts.  
L'art procure un voile de belles illusions qui nous met à l'abri de la vérité. La grandeur d'un homme se mesure donc à la durée de son extase apollinienne, non à son intensité. Transfigurer la vie par le rêve, lui donner un élan aérien, lui donner la grâce, la souplesse de la danse, lui donner une exubérance dionysiaque (démesurée) que maîtrise Apollon, l'artisan de la mesure humaine. L'ivresse est ainsi l'élèment propre à diviniser l'homme, que Nietzsche cernera de mieux en mieux, notamment dans le Crépuscule des Idoles, où il revient sur la distinction célèbre établie dans la Naissance de la Tragédie.
 
 
Quant à la formule sur l'inversion de toutes les valeurs, elle consiste à établir ce programme :
Les recherches nietzschéennes sur la généalogie de la morale lui ont permis de fouiller dans toutes les luxuriantes formes que la vie a pris dans les différentes formes de culture. Non seulement en Europe, marquée par le règne d'une culture de l'ascétisme nihiliste, mais aussi en Inde, à Rome, dans la Grèce présocratique, chez les Scandinaves, les Japonais.  
Une constante que Nietzsche va dégager de cette étude sera celle-ci : la différence entre les cultures aristocratiques, affirmatrices, conquérantes, et celles marquées, à divers degrés, par le nihilisme, le refus, la négation, la faiblesse.  
Les premières partent d'une triomphante affirmation d'elles-mêmes. Les membres de l'aristocratie militaires (la Grèce, Rome...) se nomment les bons, les triomphants, les aimés des dieux etc.  
Au contraire, en Inde, dans l'Occident chrétien, la dévalorisation de la vie, en faveur d'un arrière-monde d'apaisement et d'anéantissement, est mise en avant.  
 
Quel est le projet de Nietzsche, à partir du constat que l'Europe entre dans la phase terminale du nihilisme, sa phase la plus aigüe ? Soit l'humanité peut s'éteindre lentement dans cette décadence, soit elle peut soudain faire émerger un surplus de vie de cette épreuve ultime du dégôut ; c'est le sens du "oui" qui surgit de la bouche baveuse du dernier homme en Zarathoustra IV.  
Nietzsche reconnaît que l'amour de Dieu a élevé l'esprit de l'homme a des hauteurs d'affirmation inégalées. Cette erreur fut la plus haute, la plus belle jusque là. Nous ne pouvons avoir assez de reconnaissance pour ce qu'a fait l'Eglise en élevant si haut l'esprit de l'homme -même si ce fut par la croyance stupide et obstinée en un Dieu providentiel et même si par ailleurs, l'Eglise a favori le règne des dégénérés et des malades.  
 
Si jusque là, notre amour le plus inconditionnel, notre plus grand espoir fut tourné vers Dieu, vers un Etre éternel, le projet nietzschéen de transvaluation consiste à détourner toute cette force accumulée par le nihilisme pour la transfigurer dans l'affirmation du devenir et du hasard. Ainsi les alchimistes transforment le plomb en or.  
L'éternel retour est l'expérimentation qui doit nous interdire à jamais tout idéal supra-terrestre et pousser à bout notre desespoir en nous obligeant à ne croire en rien d'autre, et aussi fort que nous avons cru en Dieu, qu'au retour infini de la même vie, strictement à l'identique. Non plus accepter son destin, ou seulement le supporter, mais l'aimer.


Message édité par rahsaan le 27-04-2004 à 17:57:14

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n°2579680
docmaboul
Posté le 27-04-2004 à 18:13:09  profilanswer
 

Je reviendrai un peu plus tard sur votre exposé mais en attendant, pourquoi qualifiez-vous donc la beauté de "mensonge"?

n°2579694
rahsaan
Posté le 27-04-2004 à 18:16:07  profilanswer
 

DocMaboul a écrit :

Je reviendrai un peu plus tard sur votre exposé mais en attendant, pourquoi qualifiez-vous donc la beauté de "mensonge"?


 
Parce qu'en exprimant l'idéal transfiguré de nos désirs, la beauté nous masque qu'en réalité dans le monde n'existe rien qui plaise à l'homme : aucune finalité, aucun ordre ni désordre, aucune harmonie, aucune forme durable propre à nous plaire. La vérité du monde est l'état de chaos, en deça de la séparation vie/mort.  
La beauté est mensongère car elle rend le monde beau en le travestissant pour plaire à l'homme.


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n°2583492
l'Antichri​st
Posté le 28-04-2004 à 10:01:05  profilanswer
 

Citation :

Ahhh! ma lanterne... Mais pas un seul: "je cherche un homme!" en plein jour de votre grande lumière philosophique. Comme c'est étonnant lorsqu'on dit la messe en citant Kant, Rousseau, Descartes et Hobbes... Très sérieusement: amen! Et, soit dit en passant, Homo homini lupus, c'est de Plaute.  
 
Enfin, encore du baratin typique pour justifier cette forme particulière d'anthropomorphisme voulant que "l'homme" voit "l'humain" à son image. C'est votre fameux "faire d'un cas particulier une règle générale et universelle"... Ainsi le nègre n'est qu'un singe pour le négrier et le nazi qu'un monstre pour le lobotomisé. Dans un cas comme dans l'autre, c'est exactement le même mécanisme.  
 
Bref, il est intéressant de noter que, bien involontairement, vous m'avez donné raison en réduisant l'humanité à des êtres "humains" à votre image. Vous auriez pu vous en rendre compte si vous n'aviez été aveuglé par les lumières éblouissantes de toutes vos considérations morales et éthiques sur ce que vous nommez "l'humain".  
 
Pour finir, je trouve dommage que vous n'ayez que touché du doigt le problème, en l'occurrence avec le stoïcisme d'Epictete (que vous interprétez, me semble-t-il, de manière erronée). Il y a du "fauve", de la "bête", du "sauvage" en l'humain et bien plus d'humain chez le plus "naturel" des "hommes naturels" que chez l'homme apathique, doué de raison mais à grand peine encore capable de sentiments et de grands sentiments. La haine ou l'amour procèdent d'un même tout par exemple et la frontière est ténue entre ces deux passions. On les oppose toujours à tort alors qu'elles sont complémentaires et n'ont pour opposé que la froide indifférence.
 
Conclusion: on n'en sait pas plus sur l'humain et l'inhumain après vous avoir lu. Ce n'était que de l'éthique, de niveau bac.


 
Comment, en un seul post, devenir transparent ! Tout d?abord votre référence à l?anecdote anti-platonicienne dans laquelle Diogène a une lanterne et cherche un homme " m?éclaire " enfin (après les quelques invectives destinées sans doute à stigmatiser un amour-propre que vous imaginez sans limite !) sur la philosophie dont vous êtes la voix et manifestement le héraut : vous êtes un disciple des cyniques (votre style me fait d?ailleurs penser à celui d?un certain " misologue " qui portait son nom aussi bien que vous portez le vôtre, pour arriver au même résultat : la destruction critique !). Cela dit, Diogène est effectivement intéressant quand il demande : " A quoi sert un philosophe qui philosophe si longtemps sans jamais gêné personne ? " Deux grandes idées soutiennent la philosophie cynique : la forme théâtrale et la défense de la nature, que l?on retrouve aussi dans la philosophie de Nietzsche. Vos références à ma " grande lumière philosophique " ou aux " lumières éblouissantes [et aveuglante...] de mes considérations morales et éthiques ", renvoient trop clairement à la vision nietzschéenne de la cité antique aristocratique (platonicienne) fondée sur l?opposition maître/esclave : en elle la nature n?est certes pas refoulée mais encadrée par le nomos, la loi qui prévient toute démesure. Vous pensez que seule une partie de la nature est acceptée dans " ma " vision de l?humanité, celle du maître (ou plutôt celui qui se fait passer pour tel...) qui " fait l?humain à son image ". Et deslors votre projet est de libérer le côté dionysiaque (attirance du côté obscur de l?asocialité,  irrationalité et non pensé, folie - tient votre pseudo... -) pour lutter contre un ordre immuable où la vérité du sage est étouffée. D?où vos allusions constantes à un conservatisme coupable (" il a coulé de l?eau sous les ponts... " ), à une aristocratie de la raison qui prône l?immobilisme philosophique pour justement maintenir l?ordre des maîtres. En bon nietzschéen vous opposez donc l?aristocratie fixatrice du maître à la transgression du surhumain, personnage cynique capable de rire de cela même qu?il respecte (en l?occurrence la philosophie) puisqu?en lui s?unissent Apollon (le clair) et Dionysos (l?obscur).
 
Comme les cyniques, en effet, vous êtes dans une forme théâtrale. Celle-ci est une méthode joyeuse et ludique vouée à la subversion. Car pour les cyniques (Antisthène, Diogène...) la philosophie se pratique dans la rue. Cynisme vient de " cunos ", le chien. Les philosophes sont dans des endroits, dans une Académie, lieu de cours ésotériques. Pour moquer cette envie de philosopher dans un lieu, Antisthène va dans un cimetière pour les chiens. C?est l?épreuve initiatique pour être disciple. Il faut montrer qu?on est cynique. Il faut incarner la philosophie. Bien plus, les animaux sont maîtres de vérité. Le chien donne le modèle pour les philosophes : il aboie, il mord celui qui le caresse. Ce qui compte pour le cynique, bien avant Zarathoustra, c?est un certain rapport avec le maître ! L?anecdote de la boxe (pugilat) : Diogène menace les gens car il pense que la philosophie doit être polémique, doit inquiéter. On le voit dans une palestre. Il rentre en marche arrière pour faire savoir aux gens qu?ils se trompent tous en entrant en marche en avant. Il invite donc à la transvaluation des valeurs. Le chien se manifeste aussi par son errance. Tout cynique qui se respecte veut se comporter comme un chien : pisser, chier, copuler en public... C?est là son bonheur, un bonheur animal : et " le bonheur de l?animal, qui  est le cynique accompli, représente la vivante justification du cynisme " (cf. Nietzsche, Deuxième considération inactuelle, « De l?utilité et des inconvénients de l?histoire pour la vie », p. 96).
 
Ainsi, comment ne pas penser au saltimbanque qui danse sur un fil au-dessus de la place publique dans Ainsi parlait Zarathoustra et qui se tue en tombant : il est la figure de la contestation apollinienne de la société car dans son mouvement surhumain il amène la hauteur au milieu de l?agora c?est-à-dire la montagne au coeur de la ville. Comme Zarathoustra, vous voulez faire pénétrer la hauteur au c?ur de ce forum, pour que cette petite société soit autre chose qu?un troupeau qui craint le lion (j?imagine qu?il s?agit de moi). Dans le texte cité, l?inhumanité des habitants de la ville réside justement dans leur humanité, celle qui les pousse à se distinguer de l?infra-humain par leur culture (ce n?est que comme membre d?une cité, d'une communauté culturelle, que l'homme peut dépasser l?animal), mais aussi du supra-humain par leur refus de la grandeur (et du danger qui l?accompagne). D?où chez eux cette forme d?inhumanité qui consiste dans leur refus d?enterrer le corps du saltimbanque qu?ils traitent comme un chien (cf. Ainsi Parlait Zarathoustra, Prologue, p. 75). D?où aussi votre référence à ma " lumière " ou à ma " messe ", expressions qui montrent que, comme les cyniques, vous êtes un anti-platonicien. Comment alors ne pas penser à une certaine lecture du Philèbe considéré comme une sophisterie platonicienne (interprétation non platonicienne) : pour Platon, les individus ne sont que des porte-paroles. Ce sont des personnages conceptuels. Les dialogues platoniciens sont du péplum philosophique : il y a des bons et des méchants et contrairement à ce qui se passe dans la vie l?intelligence triomphe toujours de l?imbécillité. Socrate s?en sort toujours et le sophiste n?en sort pas vivant philosophiquement. Mais Platon est mauvais joueur : il caricature les positions, comme celle de Philèbe (qui est hédoniste). On ne respecte pas la pensée de cette personne ; on le transforme en personnage. Que fait Socrate ? Il finasse, il digresse. Il a le rôle titre. Ce dialogue est un règlement de compte. Pourquoi ? L?interlocuteur de Platon est dévalorisé. Dans la fabrication du dialogue, il y a 15 lignes de Protarque et 150 pages de Platon. De plus, ce peu de place est traversé de ridicule. Protarque passe pour un imbécile. Il n?est pas dans le mouvement. Il est passif c?est-à-dire dans la mauvaise posture, celle de la négativité. Bref, il n?est pas respecté. En bon cynique, votre projet est donc d?adopter l?attitude qui fera voir qui joue au maître, qui, à la façon d?un Platon, donne l?illusion de donner la parole aux autres (Platon ne donne t-il pas la parole à l?idée qu?il se fait des autres ?). De votre refus d?être platonisé découle votre critique du mensonge des philosophes qui se veulent des maîtres. Comme Platon, tous les maîtres sont des faussaires. C?est l?inverse de l?histoire de la philosophie qui nous présente Platon comme un modèle de probité. Il fabrique des adversaires faciles à terrasser. Or l?inquiétant, je le concède volontiers, c?est que l?histoire de la philosophie s?élève sur les positions de Platon. Plus les individus citent, plus ils cachent certaines thèses.
 
Ainsi, votre critique cynique de la morale se veut d?abord celle de cet " humain trop humain ", cet humanitairement bêlant qui enferme l?homme dans une idéologie pour qu?il puisse vivre en paix avec ses semblables. A vos yeux, La morale n?est rien de plus que cet ensemble de règles qui consistent à empêcher que les forces antisociales et entropiques (l'individu, l'irrationnel, le devenir) ne ruinent l'ordre du groupe. L'animal politique, produit moral, est un animal grégaire, dépendant de ses besoins (et d?abord se défendre contre la nature) et refoulant ses désirs (ce n?est pas un hasard si l?ascèse cynique d?un Epicure influencera les sensualistes français du XIXe siècle puis Foucault, Lyotard, Deleuze - les philosophes du désir - : Epicure conserve l?opposition phusis/nomos. Le sage peut faire l?économie des lois, du droit. S?il est sage, il n?a pas besoin du nomos car en obéissant à la nature, il est bon. Epicure retient la théorie de Prodicos : il faut choisir entre la vie philosophique et la vie triviale. Epicure invite à une conversion existentielle et il propose une communauté des amis) : il n'est pas l'homme que vous réclamez après Nietzsche, une " corde tendue entre l'animal et le surhumain " (cf. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra). La morale de l?homme politique (policé) nie le grand " Oui " de la vie au profit d?un principe d?égalité voué au calcul. Mais l?homme n?est rien de stable : en lui, l?infra-humain est sans cesse refoulé ce qui ne peut que l?éloigner du surhumain. Car si la philosophie est infatuée au social (l?agora, le centre de la polis, - HardWare.fr centre de la toile ? - lieu de la parole publique, n?est qu?un lieu où l?on vient faire son marché), en est typiquement son produit, seule une pensée " solitaire ", qui est moins une philosophie qu?une forme de sagesse, proche encore de l?instinct animal, peut permettre le dépassement du trop humain. Contre ce qui vous apparaît certainement comme la négativité d?un ressentiment, vous projetez positivement la création du surhumain dans l?ouverture à notre double obscur, l?infra-humain, la nature, l?animal qui n?est " sauvage " que dans l?esprit des maîtres (tenez, je vous met sur une piste pour juger si je suis un maître ou non : n?ai-je pas critiqué la conception de l?inhumanité comme non-humanité, animalité ?) ! Voila pourquoi vous pratiquez dans ce topic la philosophie à coup de marteau, afin de détruire la morale dominante : l?humain doit retourner à l?innocence du " fauve " ! Mais il y a là certainement pour vous une aporie : le surhumain est une qualité politique (non celle de l?individualiste forcené - le cynique), mais l?homme moral, policé, à l?instinct grégaire, empêche cet événement. En bon nietzschéen, vous avez compris que le surhumain se trouve dans la transfiguration de l'animal et non dans son refoulement, mais vous butez sur l?isolement qui rend fou (d?où votre pseudo !). N?est-ce pas le problème de Diogène ? Allumant sa lanterne au milieu de la place publique pour chercher un homme, son bonheur le condamne à passer pour un insensé au milieu de la foule nihiliste ! Comme vous ! Votre question finale était de savoir ce qu?est l?humain : en bon nietzschéen cynique, vous ne manquerez pas de répondre : le lieu sans lieu d'une organisation immorale, c'est-à-dire cynique, qui verra enfin l'union de la nature sauvage et du meilleur de la civilisation : l'art.
 

n°2584560
docmaboul
Posté le 28-04-2004 à 12:27:37  profilanswer
 

Bonjour,
 
Plusieurs remarques pour commencer.
 
Etymologiquement, le Cynisme vient du mot kunikos (littéralement "concernant le chien" ). Kunos signifie chien et kuôn (moins littéralement, "chienne" ) était l'insulte consacrée pour les femmes irrévérencieuses. Ce que l'on nomme désormais cynisme n'ayant plus aucun rapport avec le Cynisme antique, je préfère employer le vocable de la philosophie allemande, à savoir le kunisme.
 
Le kunisme ne prend pas tant racine dans une glorification de l'état de nature, l'état "naïf", que dans l'aliénation dûe à la civilisation. En clair, la liberté du kunisme se trouve dans le rejet des conditionnements sociaux empêchant l'homme d'être lui-même. D'où la glorification de l'animal, d'où la subversion, d'où la falsification de la monnaie ou, plus fidèlement, des traditions. Si je partage le constat, je ne m'engagerai pas sur la voie menant à une régression vers l'animal (déféquant et se masturbant en public par exemple). Je pense que pour s'en sortir, il faut se faire son propre conditionnement ou, si cela peut être plus explicite, son propre lavage de cerveau permanent afin d'atteindre une spiritualité féconde et créatrice, c'est-à-dire afin de perpétuellement s'engendrer soi-même.
 
Ce qui m'a gêné pour répondre à votre longue dissertation sur l'humain et l'inhumain était de ne pouvoir déterminer si vous parliez en votre nom propre ou si ce n'était que le reflet des conceptions communément admises. Comme vous employez régulièrement le "nous", j'ai tranché en considérant qu'il s'agissait à la fois des deux cas.
 
Ensuite, je ne suis pas nietzschéen ni, comme l'ont cru d'autres personnes en d'autres temps et d'autres lieux, spinoziste, stoïcien, kantien ou encore cartésien. Kuniste non plus d'ailleurs.
 
Vous avez tout à fait raison sur le fait que dans ma conception de la pratique philosophique, à notre époque, on se doit d'être parfois joyeux, parfois sérieux, parfois goguenard, parfois acide ou corrosif, mais toujours subversif. A ce propos, vous ne pouvez imaginer comme je regrette cette phrase sur la messe. "Comme c'est étonnant lorsqu'on dit la messe en citant Saint Emmanuel, Saint Jean-Jacques, Saint René et Saint Thomas..." eut été beaucoup plus appropriée :D
 
Pour le coté théâtral, il sera plus évident de prendre le cas de l'histoire. Recevoir un enseignement historique fait de dates, d'évènements, de noms, en somme: de mots, est d'un mortel ennui. Conter l'histoire est une tout autre affaire. Il s'agit alors de faire revivre le passé, d'en faire un golem plein de vie, de sang, de luttes, de rivalités, de larmes, de cris, de joies, de guerres, d'intrigues, de tensions, ... L'enseignement ainsi que la pratique philosophique doivent, à mon goût, suivre le même chemin. Rien n'est plus chiant que de s'enfermer dans l'étude de la critique de la raison pure et, à mon sens, il n'y a là aucune philosophie.
 
Cela nous amène aux amoureux de la sagesse. Mais avant tout, à quoi ressemble le visage du langage des amoureux?
 
Ressemble-t-il à cette ignominie: "Remarque sur l'amphibolie des concepts de la réflexion"?  
([blablabla] De cette manière, on appellera topique transcendantale la détermination de la place qui convient à chaque concept suivant l'usage qui lui est propre, et l'indication des règles à suivre pour déterminer ce lieu pour tous les concepts. [blablabla] On peut appeler lieu logique tout concept, tout titre dans lequel rentrent plusieurs connaissances. Tel est le principe de la topique logique d'Aristote, dont les rhéteurs et les orateurs pouvaient se servir pour chercher, sous certains titres de la pensée, ce qui convenait le mieux à la matière proposée et pour en raisonner avec une apparence de profondeur, ou en bavarder abondamment.
appendice de l'analytique des principes)
 
Assurément et résolument: non!
 
../..
 
[la suite des préliminaires après la sieste]

n°2584748
rahsaan
Posté le 28-04-2004 à 13:01:28  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :


Les dialogues platoniciens sont du péplum philosophique : il y a des bons et des méchants et contrairement à ce qui se passe dans la vie l?intelligence triomphe toujours de l?imbécillité. Socrate s?en sort toujours et le sophiste n?en sort pas vivant philosophiquement. Mais Platon est mauvais joueur : il caricature les positions, comme celle de Philèbe (qui est hédoniste). On ne respecte pas la pensée de cette personne ; on le transforme en personnage. Que fait Socrate ? Il finasse, il digresse. Il a le rôle titre. Ce dialogue est un règlement de compte. Pourquoi ? L?interlocuteur de Platon est dévalorisé. Dans la fabrication du dialogue, il y a 15 lignes de Protarque et 150 pages de Platon. De plus, ce peu de place est traversé de ridicule. Protarque passe pour un imbécile. Il n?est pas dans le mouvement. Il est passif c?est-à-dire dans la mauvaise posture, celle de la négativité. Bref, il n?est pas respecté. En bon cynique, votre projet est donc d?adopter l?attitude qui fera voir qui joue au maître, qui, à la façon d?un Platon, donne l?illusion de donner la parole aux autres (Platon ne donne t-il pas la parole à l?idée qu?il se fait des autres ?).


 
 :lol: C'est bien vrai ça ! Platon a le sens de la mise en scène.  
 
Mais il faut lire à mon sens les dialogues de Platon moins comme des spéculations métaphysiques (j'ai du mal à prendre au sérieux tout cet appareil dialectique... ne serait-ce pas de la poudre aux yeux ?) que comme des pamphlets politiques.  
Qu'est-ce que Platon a cherché toute sa vie à faire, sinon à réformer la cité, en faisant des philosophes les éducateurs des législateurs ? Et pour cela, il lui a fallu montrer qu'il était plus fort que les artistes, car ce qu'il écrivait été plus beau ; plus fort que les sophistes car son discours était plus rigoureux, plus profond, que ses mythes étaient plus beaux ; plus fort que les politiques, car ces conceptions en la matière touchaient au coeur des problèmes.  
 
Il voulait exposer la figure d'un maître en matière de pensée, d'art, de politique, de discours. Il voulait ouvrir la voie aux philosophes-rois, ces hommes complets et universels, supérieurs aux autres et dégagés des contingences de la vie matérielle.  
La plus belle épreuve de force de Platon ne fut-elle pas de laisser la parole à son plus extrême antagoniste, Calliclès ? Gorgias est un rhéteur séduisant, propre à nous plaire. Mais quand tombe son masque, apparaissent les deux travers qu'il dissimule : Polos l'hypocrite et Calliclès le jouisseur individualiste.  
Démesure de Platon de pousser à bout ses adversaires pour les paralyser comme à la lutte, les amener à révéler leur fausseté et à admettre sa supériorité.


Message édité par rahsaan le 28-04-2004 à 13:07:11

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°2585223
rufo
Pas me confondre avec Lycos!
Posté le 28-04-2004 à 13:48:07  profilanswer
 

Romn a écrit :

On dit que les S aiment pas et delaissent la philo ... et pour la majorité de la classe c'est vrai, mais on est quand même 3 a bien aimé. Moi j'aime bien, j'trouve ça marrant.


 
Pareil pour moi, et j'ai pourtant fait S. Bon, y'a certains cours que j'ai pas trop aimés, mais d'autres étaient sympas :) Entre autre sur la parole (le grand classique "peut-on tout dire?" )...

n°2587951
docmaboul
Posté le 28-04-2004 à 18:26:57  profilanswer
 

Pour aller droit au but, le langage des amoureux est poésie, image, odeur, son, sens, sentiment, passion, ...  
 
Pour revenir sur votre contribution, si je devais me réduire et me classer dans une catégorie de philosophes, ce serait sans ambiguïté possible celle des mystiques. Le mot "mystère" renvoyait jadis à une tout autre réalité qu'aujourd'hui, à une source de connaissances, une source de clarté, une source de "lumière" même et non pas quelque chose d'obscur, d'ombrageux et d'énigmatique, une sorte de gouffre sans fond.  
 
Sommairement, on devient mystique par initiation. Ainsi en est-il de Descartes, Saint Augustin, Nietzsche ou même... Socrate! En effet, derrière l'allégorie de la caverne, une expérience revisitée par Platon, je vois essentiellement la naissance de Socrate au monde de la philosophie. De là, la maïeutique. Mais comment vient-on au monde? En pleurant, en vagissant, en criant. Nietzsche en traite dans son Zarathoustra ("l'heure du grand mépris" ) et dans le crépuscule des idoles (son expérience de "l'inspiration" ), Descartes dans ses méditations (d'un ton, certes, très badin), Saint Augustin dans ses confessions, ... Pour ces hommes, le voile de Maïa s'est déchiré et leur monde est devenu une source intarissable de connaissances. C'est-à-dire que contrairement à Platon, les mystiques enfoncent les fondations de leur philosophie dans la réalité (enfin, pas tous quand même) et non dans l'idée.  
 
Il n'y a là rien d'irrationnel et je n'aime d'ailleurs pas trop ce terme. J'ai coutume de dire que la raison est un processus qui rationalise et qu'il n'est donc pas judicieux de condamner l'irrationnel parce qu'on s'ôte alors de grandes possibilités de compréhension.  
 
Bref, j'interprète le surhumain de Nietzsche en fonction de mes expériences mystiques. Et d'ailleurs, que dit-il après cette douloureuse déclamation? :  
 
"Quel peut être le plus grand événement de votre vie? C'est l'heure du grand mépris. L'heure où vous prendrez en dégoût votre bonheur lui-même, et votre raison et votre vertu.  
 
L'heure où vous vous direz : "Qu'importe mon bonheur! Il n'est que misère, fange et pitoyable suffisance. Or mon bonheur devrait être une justification de l'existence."  
 
L'heure où vous vous direz: "Qu'importe ma raison! A-t-elle faim de savoir, comme le lion a faim de pâture? Elle n'est que misère, fange et pitoyable suffisance."  
 
L'heure où vous vous direz: "Qu'importe ma vertu? Elle ne m'a pas encore rendu fou. Que je suis las de mon bien et de mon mal! Tout cela n'est que misère, fange et pitoyable suffisance."  
 
L'heure où vous vous direz: "Qu'importe ma justice! Il ne me semble pas que je sois encore tout feu tout flamme. Or le juste est tout feu, tout flamme."  
 
L'heure où vous vous direz: "Qu'importe ma pitié! La pitié n'est-elle pas la croix où l'on cloue celui qui aime les hommes? Or ma pitié ne m'a pas crucifié?"  
 
Vous êtes-vous déjà dit ces choses? Avez-vous déjà poussé ce cri? Hélas! que ne vous ai-je entendu crier ainsi!  
 
Ce n'est pas votre péché, c'est votre plate satisfaction qui crie au ciel, c'est votre parcimonie, même dans le péché, qui crie au ciel.  
 
Où est l'éclair qui vous léchera de sa flamme? Où est la folie contre laquelle il faudra vous faire inoculer?  
 
Voici, je vous enseigne le Surhumain. Il est cet éclair, il est cette folie.  
 
(Ainsi parlait Zarathoustra, prologue, 3)  
 
Aussi, je vous assure qu'il est préférable de passer pour un fou inoffensif que pour un mystère (au sens moderne) sur pattes. Le fou est somme toute plus rassurant, plus "catégorisable", plus connu, moins inquiétant. On peut se dire à son propos "ce n'est qu'un fou".  
 
Malgré cela, je ne suis pas nietzschéen essentiellement parce que les "nietzschéens" passent leur temps à jacqueter sur le christianisme et, ce qui à le don de m'horripiler, sur les "malades", les "ratés", les "faibles". Ah! ce fameux "nouveau parti de la vie exterminant impitoyablement" tout ces dégénérés : comme il serait proche d'un parti nazi! Aussi certains, ne comprenant pas que Nietzsche n'a pas hésité à utiliser dans ses dernières oeuvres le vocabulaire raciste et antisémite en vogue à son époque sans en partager les idées, versent même dans une haine de la judéïté. Je trouve cela détestable et préfère encore la messe philosophique des philosophes de papier. Bref, je veux dire que Nietzsche empêche trop souvent les nietzschéens de penser.  
 
Cela dit, j'estime qu'il est un devoir de situer Nietzsche dans l'histoire des philosophies puis de se situer ensuite par rapport à lui et, partant de là, d'évaluer le rôle de l'art dans la conception qu'on peut avoir de sa propre philosophie et de l'humain.  
 
Vous, comment-vous situeriez-vous?


Message édité par docmaboul le 28-04-2004 à 18:56:02
n°2590727
rogr
Posté le 29-04-2004 à 00:57:31  profilanswer
 

DocMaboul a écrit :

La haine ou l'amour procèdent d'un même tout par exemple et la frontière est ténue entre ces deux passions. On les oppose toujours à tort alors qu'elles sont complémentaires et n'ont pour opposé que la froide indifférence.


 
"d'un même tout" : mieux vaut dire d'un même genre de fonctionnement, mais avec, néanmoins, des modes rigoureusement opposés (mettant en oeuvre des "forces" de principes entièrement opposés) ; maintenant dire que haine et amour, "phénomènes agissants", s'opposent naturellement, c'est autre chose : ce serait plutôt entre deux haines que l'on trouverait de l'opposition...
 "Complémentaires" : je ne sais si le mot est bien choisi. Le jour et la nuit, peut-on justement dire que ce sont choses "complémentaires" ? Maintenant si l'on prend amour et haine pour en faire un ensemble (là où il se passe quelque chose), alors évidemment on peut opposer ça au rien, à la "froide indifférence"...
 
 
PS. Après vérification, on trouve dans le Petit Robert, à "complémentaire" :
5. Electronique. Transistors complémentaires : ensemble de deux transistors de dopage opposé (PNP et NPN) et de caractéristiques appariées.
 
=> "de dopage opposé" : à rapprocher des "modes" ou "principes" opposés dont je causais (+ et - pour parler clair).
=> "de caractéristiques appariées" : à rapprocher de "d'un même genre de fonctionnement".
 
Dans une optique empreinte d'esprit scientifique (spécialité électronique [:aloy]), peut-être est-il possible d'employer le mot "complémentaires" à propos de amour et haine... Il me parait néanmoins de meilleur aloy d'opposer amour et haine : en effet leurs dopages sont effectivement de principes entièrement et rigoureusement opposés. :sol:

n°2590875
rahsaan
Posté le 29-04-2004 à 01:33:47  profilanswer
 

Je savais bien qu'il y avait du dopage dans l'info.  [:maestro]


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°2591463
gosein
Posté le 29-04-2004 à 08:53:23  profilanswer
 

complementaire, systeme heterogene: voir aussi la pensée taoiste..

n°2655229
l'Antichri​st
Posté le 07-05-2004 à 20:04:52  profilanswer
 

Comment je me situe par rapport à tout cela ?
 
Comme il se doit, je commencerais par la fin ! " ...j'estime qu'il est un devoir de situer Nietzsche dans l'histoire des philosophies puis de se situer ensuite par rapport à lui et, partant de là, d'évaluer le rôle de l'art dans la conception qu'on peut avoir de sa propre philosophie et de l'humain." Dans le cadre d’une critique généalogique de la philosophie dont l’objet serait le langage, en tant qu’il inscrit en lui les évaluations dominantes, on peut dire, en effet, que le langage philosophique est souvent un instrument d’occultation de l’expérience esthétique dont il est pourtant issu. Comme philologie, la philosophie doit commencer par une lecture des rapports de forces qui sont à l’oeuvre dans les jugements de valeur. Il s’agit de montrer comment les différentes forces qui sont à l’origine de ces jugements se sont produites - au sens théâtral - et quel était le conflit d’intérêt qui les opposait. Comme le disait Foucault, la philosophie doit d’abord rendre compte de l’émergence des jugements de valeur, de l’entrée en scène des forces, de leur irruption, du bond par lequel elles sautent de la coulisse sur le théâtre (en se servant de l’étymologie, il est possible, comme je l’ai fait, d’exhiber les conditions du surgissement d’un sens...). Ainsi, on philosophe en oubliant que le langage est la traduction métaphorique dans la sphère apollinienne (l’apparence) de la musique dionysiaque, c’est-à-dire de la mélodie originelle des affects. Le langage philosophique a pour destin tragique de s’arracher à son origine purement sensible. Mais cela se paie par la réduction du particulier à l’identique, du divers à l’un. Le concept pourrait ainsi s’appelé dans un langage platonicien (un comble !) le " sépulcre des intuitions ".
 
Ce que Nietzsche appelle la " pensée réactive " n’a donc pas d’abord un sens politique ou social mais métaphysique : la peur de " l’autre ", à l’origine du troupeau humain, est d’abord la peur du nouveau, du déstabilisant, du contradictoire. La logique, la réduction à des cas identiques, cette schématisation, est une invention qui permet de s’approprier imaginairement le réel, de fuir dans la fiction ses contradictions déconcertantes en se mettant à l’abri d’identités stables et rassurantes. C’est pourquoi, la rupture avec la pensée traditionnelle - conçue sur le mode de l’adaequatio rei et intellectus, et visant par là à établir une théorie de la vérité (comme représentation de la nature en soi de la vérité) - est indissociable d’une rupture avec la syntaxe dans laquelle s’est exposée cette pensée. La mise en question de la pensée traditionnelle est inséparablement mise en question des champs lexicaux, syntaxiques et sémantiques où cette pensée s’est déposée, " sédimentée ". D’où le mot de Nietzsche craignant, dans Le Crépuscule des idoles, " que nous ne puissions nous débarrasser de Dieu, parce que nous croyons encore à la grammaire " (cf. Gallimard, 1974, p. 78). Les catégories logiques et les concepts se sont logé au plus profond de notre manière de parler, donc déterminent notre manière de penser. On ne pense qu’en terme de sujet, de verbe, d’attribut... Ainsi, lorsque Descartes décide de " ne comprendre rien de plus en [ses] jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à [son] esprit [qu’il n’eût] aucune occasion de le mettre en doute ", il reste prisonnier de la grammaire, c’est-à-dire de lui-même, comme le montre sa " certitude " (la découverte du principe universel du vrai) du cogito. Vous-même, lorsque vous dites que " ...contrairement à Platon, les mystiques enfoncent les fondations de leur philosophie dans la réalité (...) et non dans l'idée ", vous oubliez qu’il y a une dialectique (une danse à deux !) entre le " réel " et " l’idée ". Précisons ce point en nous arrêtant un instant chez Descartes.
 
Chez lui, en effet, le gênant, c’est l’unité de l’esprit que cet esprit impose au réel (dans mon post sur Hegel pluriel, j’avais déjà proposé cette vision). Il y a un rapport spéculaire de l’objet et du sujet mais le sujet identique à lui-même, un, impose cette unité à un réel plus complexe. Dans cette relation se construit un objet : l’image spéculaire du sujet. La méthode cartésienne est stérile dans le sens où elle subsume la pluralité du réel en confondant tous les contenus. La question de la méthode est donc la question de la réflexion des contenus réels sur eux-mêmes. La méthode du réel ou la méthode de la pensée, c’est la réflexivité même de la logique du réel. C’est une méthode qui est la pensée réelle des contenus réels en exercice. Penser le réel, c’est le produire en le pensant (Spinoza, Hegel). Or, penser le réel c’est le réel qui se pense quand je le pense (Spinoza). Ce n’est pas un sujet qui pose une méthode, non c’est le réel qui se pense lui-même : c’est l’idée de l’idée. Plus je creuse le réel, plus ma méthode est adéquate. Ainsi, les fécondités des méthodes sont liées à des domaines du réel. Il y a des domaines qui appellent les méthodes (Bachelard). On perd alors l’unité vaine et stérile du savoir et l’unité de l’esprit. Car il ne faut pas confondre la question de la vérité et la question de sa connaissance. Si l’on peut parler de multiplicité des domaines du savoir, il ne faut pas confondre cela avec la question de la vérité : le rationalisme, c’est l’idée qu’il y a de la vérité mais aussi que mon esprit peut y accéder. La vérité est alors en elle-même éternelle et universelle. On peut penser qu’il y a de l’être. Si la relation illumine l’être, alors penser, c’est penser des relations, donc le réel est relation, et l’être est relation. La relation n’est pas la relation entre les êtres mais l’être est la relation. L’être se constitue dans et par sa relation. Il s’agit de produire la pensée mais aussi de ne plus penser en termes atomistiques mais en termes de relations. Pour Spinoza la relation c’est le réel. Si je pense par relation, c’est que le réel est relation. Au contraire, l’approche cartésienne avale le réel dans une relation spéculaire dans laquelle je ne conçois que moi-même. Autrement dit, il y a chez lui un principe de " recognition ". En ce sens, le " sujet " est un mode d'exister fondamental, consistant à s'identifier. L’identité ici n’est pas la coïncidence avec soi mais un processus d’identification. Comme connaissance, le sujet ne sort de lui-même vers le connu que pour se retrouver en lui-même en cette extériorité : connaître, c’est reconnaître, et reconnaître c’est s’y reconnaître. Le mode d’être propre au sujet est donc la familiarité, l’impossibilité de l’étranger, de l’étrangeté. Dans la connaissance, le sujet ne se libère pas de son identité. Mais connaître, ce n’est pas reconnaître. Est-ce que la vache qui reconnaît l’herbe, c’est de la connaissance ? Définitivement non ! Pour penser, il faut que quelque chose nous force à penser. La pensée commence avec la violence du réel qui nous force à penser. Sinon, la pensée ne fera que se reconnaître elle-même et, en fait, ne fait que reconnaître les valeurs établies. Depuis Platon on est devant un problème de la pensée qui réduit l’acte de connaître à l’acte de reconnaître. Pourtant, il y a dans le réel des choses qui me dérangent. La construction mentale qui m’amène à croire que la pensée a son identité propre et que c’est de ce point de vue que s’exprime une nature droite de la pensée, n’est qu’une méthode. Pour citer Deleuze, il s’agit là d’un obstacle épistémologique et moral de la pensée du réel. D’où la mauvaise volonté de Nietzsche : il s’agit de casser le consensus de la pensée et donc de faire preuve d’intempestivité. On n’accepte plus les présupposés du discours : c’est la mauvaise volonté de penser. Il n’y a de pensées que violentes, qui déchirent la clôture de la pensée. Le cogito, c’est la clôture par excellence. L’illusion fondamentale de Descartes fût de croire, tout en l’élaborant, à une topologie des concepts, à un code en secret partagé par chaque membre de la Société des amis de la sagesse, de sorte qu’il serait possible, et surtout légitime, d’admettre, d’un air entendu, de quoi il retourne sous les termes de " sujet ", d’" objet ", d’" existence ", etc..., et d’affirmer, par exemple, qu’il n’y a " jamais eu personne d’assez stupide pour avoir eu besoin d’apprendre ce que c’est que l’existence avant de pouvoir conclure et affirmer qu’il existe " (cf. La Recherche de la vérité par la lumière naturelle). Au contraire, il faut rencontrer ce que va faire la violence ; il faut penser une pensée qui va penser contre son image. La vérité est dangereuse et inacceptable : elle nous force à penser autrement. Or, le cogito, ne fait que reconnaître une vérité qui se soumet à des valeurs établies. D’où une critique morale du cogito au profit de l’intempestivité de la pensée. Une pensée qui ne fait de mal à personne, ce n’est pas de la philosophie. La question de la recognition est donc importante : Spinoza y pense justement parce que sa pensée est dangereuse. La pensée ne s’enseigne pas ("...Nietzsche empêche trop souvent les nietzschéens de penser " ) mais se rencontre dans la violence du réel.
 
Il s’agit donc de parler un langage qui soit ouvertement l’écho de la volonté de puissance qui l’anime. Lorsque vous critiquez, je cite, " un enseignement historique fait de dates, d'évènements, de noms, en somme : de mots... ", vous vous opposez à cette sorte de volonté de puissance qui , chez les prêtres-philosophes (" ...on dit la messe en citant Saint Emmanuel, Saint Jean-Jacques, Saint René et Saint Thomas... " ) prétend imposer à tous les valeurs de l’éternité et de la pérennité et refuse le monde sensible (l’infra-humain). En véhiculant ses préjugés métaphysiques, le langage permet au maître de dominer le groupe en contrôlant ce qui sera dit (le langage instrument de pouvoir) ! D’où la glorification, chez Nietzsche et ses disciples, de la volonté de puissance comme négation de la volonté de conservation : il s’agit d’aller au devant de la folie et de la mort, en recherchant la déchirure tragique, la tension extrême entre le plus bas (la " bête ", l’infra-humain) et le plus haut (le surhumain). Autrement dit, le mode spécifique de " présence discursive " du langage est celui d’une " présence-absence ", de sorte que la réflexion sur le langage est en jeu dans des configurations de concepts qui apparemment n’exposent pas une telle réflexion mais que celle-ci habite de façon cryptée et diffuse, en les faisant travailler, comme on le dit d’une pièce de bois. En philosophie, le sens excède toujours la signification. Car il n’y a langage précisément que là où le mot et la chose ne peuvent coïncider : de même que Hegel montrait comment, dans le chapitre " Force et Entendement " de la Phénoménologie de l’Esprit, les concepts unilatéraux, propres à l’entendement séparateur, laissaient échapper la dimension de vie et de mobilité des phénomènes qu’ils sont censés exprimer, de même il faut insister ici sur le langage comme sur la conscience rigoureuse de la non-identité entre le concept et les objets auxquels, du fait de sa généralité, il se rapporte par subsomption, restant ainsi comme à la surface de ce qu’il voudrait saisir, com-prendre (d’où, chez Nietzsche, la valeur du style aphoristique). Le " plus " de la langue philosophique n’est pas dans ce que vous appelez la " lumière " mystique, sorte d’aura cristallisant une indistinction immédiate du mot et de la chose et transformant nécessairement le langage en un " jargon " qui revêt chaque mot d’une signification quasi-magique, d’un pathos singulier. Tout au contraire, la langue dit plus que ce qu’elle signifie dans l’enchaînement même de ses phrases, du fait de l’écart, du jeu irréductible logé entre le mot et la chose, et dont la dialectique n’est autre que le concept lui-même. En d’autres termes, l’excédent inhérent au langage ne définit aucun lieu mythique abritant, tel un Saint Graal, le Sens auquel on pourrait rapporter, comme à un étalon du penser, chacune de nos significations. Il s’agit bien plutôt de soupçonner ce que la dialectique a à charge de mettre en pleine lumière : que le langage ne saurait manifester la pensée sans, du même coup, la trahir. D’où une sorte de présence " en creux " du sens, pris dans les " plis " du texte, à la fois constitutif de la pensée à l’oeuvre et masqué par elle. C’est ainsi que j’interprète votre " ...la raison est un processus qui rationalise et qu'il n'est donc pas judicieux de condamner l'irrationnel parce qu'on s'ôte alors de grandes possibilités de compréhension. "
 
Cela signifie que la vérité n’est pas au bout du chemin, mais elle est le chemin lui-même. Elle n’est pas un au-delà du langage, mais l’impulsion animant toute forme de langage. " C’est toujours à contrecœur que j’ai demandé mon chemin, j’y ai toujours répugné. Je préfère interroger les chemins eux-mêmes, et les essayer. Essayer et interroger, c’est ma façon d’avancer... " (cf. Ainsi parlait Zarathoustra, " de l’esprit de lourdeur ", 2). Les chemins dont parle Zarathoustra sont les vérités propres à chaque type de penseur, leur discours, leur pratique du langage. Et la polémique est la confrontation avec ces penseurs, qui teste la validité de leur pensée. Elle est l’épine dorsale d’une philosophie à coups de marteau. Se confronter à l’histoire de la philosophie n’est donc pas tant " Conter l'histoire... " que se confronter à l’autre de sa propre pensée qui sans lui n’existerait pas. Certes, l’histoire ne doit pas rester un simple rappel du passé par la mémoire, le souvenir. Le souvenir est une représentation isolée, froide, fixe, morte. Il est pour nous du positif. Se remémorer la vie passée, c’est l’objectiver c’est-à-dire la tuer. En elle nous ne rencontrons pas notre âme et c’est pourquoi nous nous intéressons à ces résidus comme à des fossiles étranges, des curiosités. Nous les tenons pour des pièces de collection, des meubles de musée et nous nous amusons à les décrire, les cataloguer, les étiqueter, les rangers dans des casiers, les manipuler de temps en temps. Or, depuis Hegel, nous savons que le retour du passé doit être la source d’une vie nouvelle. Les oeuvres du passé ne sont pas périmées. Non seulement les philosophies ne se réduisent pas à un catalogue de souvenirs morts mais encore notre esprit peut s’installer en elles, s’y nourrir, y respirer, y vivre. A l’objectivation des images-souvenirs, il faut opposer l’aliénation du présent, de l’immédiat, dans l’assimilation de l’étranger. L’histoire de la philosophie est donc essentielle parce que grâce à elle nous rompons avec l’esprit de notre époque, nous nous séparons de nous-mêmes, nous nous aliénons en cherchant à intérioriser le passé pour en faire la matière première d’une nouvelle production. En tant que philosophe, nous devons retrouver l’instinct " d’agression " ! La polémique est une expression libre de la volonté de puissance. Or, chercher un adversaire à sa mesure, comme l’a toujours fait Nietzsche, c’est chercher la mesure de sa propre force pour la maîtriser. L’instinct sauvage peut alors se transformer en une forme belle : le grand style : " Un mot sur mon art du style en général. Communiquer par des signes - y compris par le tempo de ces signes - un état, ou la tension interne d’une passion, tel est le sens de tout style : et si l’on songe que la diversité des états intérieurs est chez moi exceptionnelle, il y a donc chez moi beaucoup de possibilités de styles - l’art styliste le plus versatile qu’homme ait jamais maîtrisé. " (cf. Ecce Homo, " Pourquoi j’écris de si bons livres ", p. 281).
 
Ainsi, vous avez raison d’en appeler au " langage des amoureux " ! La première qualité de l’écrivain de grand style est la richesse intérieure, le feu de la passion. Le grand style doit faire vivre la " mélodie originelle des affects ". La vie et l’écriture sont liées. L’écriture doit être comme un souffle (cf. Par delà bien et mal) ou, mieux encore, comme le rythme de la musique (cf. Le Cas Wagner). L’écriture amoureuse doit être la musique d’un amour passion, sauvage et sans larme. Bref, il faut laisser parler Dionysos à l’intérieur même du langage philosophique. Cependant, si le grand style procède de l’ivresse dionysiaque, le philosophe la maîtrise et aboutit finalement au calme apollinien. Comme tout langage : un langage dionysiaque, expression immédiate des passions, est un non-sens. Mais alors que l’esprit réactif à l’oeuvre dans le langage commun refoule le dionysiaque, le grand style l’accepte et le sublime : " Il faut avoir un chaos en soi pour donner naissance à une étoile qui danse ". Pour Nietzsche, l’aphorisme était l’exemple le plus aboutit de cette sublimation de grand style mais cela peut être vrai pour n’importe quel type de discours : " Maîtriser le chaos que l’on est : contraindre son chaos a devenir forme ; devenir nécessité dans la forme : devenir logique, simple, non équivoque, mathématique ; devenir loi - c’est là la grande ambition. " (cf. Fragments posthumes, Tome XIV, p. 48).
 
Entrer en philosophie, c’est donc comme entrer en esthétique. Comme pour l’artiste, le philosophe n’est pas celui qui tient un discours mais celui qui inspire, qui propage de la force, qui propage des états esthétique : la connaissance philosophique c’est du vertige (une désorientation radicale), qui n’est pas une lucidité supérieure (" clarté ", " lumière " ) comme vous le dites mais, au contraire, le choc par lequel les mots sont rendus à l’opacité que l’idéologie de l’identité croyait pouvoir dissoudre. La naissance à la pensée philosophique qui donne le vertige est la manifestation " en surface ", d’un mouvement plus profond, " souterrain " : une dialectique qui ne se nourrit plus que de sa propre dynamique. Tel est fondamentalement le phénomène tragique de l’acte de philosopher : la dialectique est vertige devant l’ouvert, l’absolument Autre, bref Dieu ! Car après la mort du Dieu moral (le Dieu kantien de l’impératif catégorique) quel retour de Dieu (" comme un retour de flamme " ) risque de nous détruire (à tout le moins nous brûler) lorsque le divin va prendre un autre visage ? Comment le sacré, le saint, le divin vont-ils nous jaillir à la figure ? Relisons les quelques pages qui précèdent la section consacrée au Savoir Absolu dans la Phénoménologie de l’Esprit, où Hegel démontre que l’athée et le religieux sont du côté de la bribe et de l’image et sont donc du même côté sans la savoir. Le plus athée des athées accorde une existence à Dieu en disant qu’il n’existe pas, ne serait-ce qu’en le nommant (au moment de la négation). C’est pourquoi Pascal disait préférer les athées aux faux croyants inquiétants (qui comme Descartes sont " inutiles et vains " ) qui ne considèrent pas Dieu " sensible au coeur " mais qui veulent démontrer son existence. Ce qui fait d’eux les pires des athées ! La parole de Nietzsche n’est-elle pas, au contraire, celle du Christ, celle du médiateur entre Dieu et l’homme ? Le saint ou le sacré ou le divin n’est-ce pas Nietzsche lui-même, c’est-à-dire le Philosophe ? Philosopher, s’ouvrir au vertige de l’absolument indéterminé, c’est être le crucifié, " fondre " pour laisser le divin passer en soi. Déchirer le " voile " comme vous dites, c’est se retrouver vis-à-vis, sans médiation, devant l’océan du divin, c’est-à-dire devant " l’océan infini de substance ". D’où la " folie " qu’il faut mettre en relation avec l’extrême tension de l’esprit. Une fois de plus, je ne peux être qu’en désaccord avec votre interprétation de la liberté : " Je pense que pour s'en sortir, il faut se faire son propre conditionnement ou, si cela peut être plus explicite, son propre lavage de cerveau permanent afin d'atteindre une spiritualité féconde et créatrice, c'est-à-dire afin de perpétuellement s'engendrer soi-même. " Si l’acte de philosopher doit être l’expression d’un amor fati (amour du destin : affirmation totale du destin : si je dis oui pleinement à un instant alors je dois vouloir tout ce qui a précédé et tout ce qui a suivi. Je trouve en un instant une adhésion entière à mon existence) celui-ci finit par se renverser dans un ego fatum (si je suis un fatum, c’est-à-dire une parole ou un destin, alors le " je " peut disparaître). La parole doit prendre le pas sur l’identité personnelle ! Votre mystique implique une dépersonnalisation, une négation de celui qui saisie une telle rupture, qui en elle même est porteuse de folie. La véritable folie, c’est l’altérité qui vous met au tombeau !


Message édité par l'Antichrist le 10-05-2004 à 18:27:50
n°2658665
l'Antichri​st
Posté le 08-05-2004 à 12:07:11  profilanswer
 

Citation :

Qu'est-ce que Platon a cherché toute sa vie à faire, sinon à réformer la cité, en faisant des philosophes les éducateurs des législateurs ? Et pour cela, il lui a fallu montrer qu'il était plus fort que les artistes, car ce qu'il écrivait été plus beau ; plus fort que les sophistes car son discours était plus rigoureux, plus profond, que ses mythes étaient plus beaux ; plus fort que les politiques, car ces conceptions en la matière touchaient au coeur des problèmes.


 
Un aspect essentiel de la parole sophistique vous échappe pourtant, qui fait du sophiste une figure de l'anti-platonisme bien plus respectable que ce que l'histoire en a retenu classiquement !
 
Platon pose la nécessité politique de posséder une science pour appuyer la pratique. Or cette science semble, aux yeux de Platon, être mise en danger par la pratique sophistique, car le sophiste est celui qui dit pouvoir enseigner toutes les connaissances sous leur aspect purement pratique : il ne sait pas forcément, mais il " rend capable de ". Démasquer le sophiste, c’est libérer de l’illusion d’une science politique falsifiée pour ouvrir l’espace d’une science philosophique de la politique qui soit univoque. Le sophiste, évoluant dans la parole équivoque, laisse place à tous les retournements, et son habileté à plaider montre à quel point il risque de se borner à une justification après coup de tous les actes effectués plutôt qu’à une détermination a priori de ce qui devrait être réalisé. Le sophiste est toujours dans le temps des actes, le philosophe se doit de penser sub specie aeternitatis.
 
Le discours sophistique a en effet ceci de permanent chez Platon qu’il ne s’occupe jamais de la détermination d’une vérité concernant les choses ou les idées qu’il vise, mais toujours de la détermination d’un effet à produire. En ce sens, la vérité sophistique est d’emblée inconciliable à la vérité platonicienne : le sophiste ne se soucie en effet pas de l’existence d’une norme transcendante dans la conformité à laquelle on trouverait la vérité. L’idéalisme lui est étranger, et c’est précisément sur ce point que Platon attaque ses interlocuteurs sophistes : il combat chez eux (dans le Théétète et Protagoras en particulier) les héritiers d’un relativisme qui puise ses lointaines racines dans le mobilisme héraclitéen. Ce relativisme s’oppose directement à la détermination de critères fixes et fiables dans la connaissance des vérités non seulement naturelles (ce dont Socrate ne s’occupe presque jamais, et Platon pas beaucoup), mais aussi morales. Platon cherche un savoir vrai, alors que les sophistes ne sont pas des savants : leur vérité ne réside que dans l’effectivité de leur discours.
 
Jugé à l’aune du discours philosophique, le sophiste ment donc, et il ment nécessairement puisqu’il ne vise pas le vrai. Le sophiste sera donc accusé d’utiliser un discours pseudos, c’est-à-dire faux et mensonger (les pseudologia, que l’on peut traduire indifféremment par discours mensongers, fables, charlataneries, désignent ainsi des discours qui sont creux). Mais ce creux ne se définit que comme absence de référence sémantique articulée à une science de ses objets : le discours sophistique ne vise jamais la vérité comme adéquation du discours à l’être. Au contraire, le sophiste affirme que cette adéquation est elle-même une illusion, et que le discours est auto-référentiel : il ne renvoie légitimement à rien d’autre qu’à des relations discursives (c’est-à-dire un locuteur, des relations de composition et d’ornement internes, et un auditeur, voire un auditoire). L’effort platonicien va donc consister à ramener les sophistes sur le terrain d’une vérité savante qui par principe ne les concerne pas : il leur demande des comptes sur leur propre discours.
 
C’est donc sur le terrain du vrai que Socrate cherche à ramener les sophistes (de même que dans l’Alcibiade ou le Politique il cherche à les rendre comptables de la connaissance qu’ils exposent). Or le sophiste se veut pharmacologue plus que médecin, technicien plutôt que scientifique : il y a dans la démarche sophistique une part d’empirisme qui fait de la vérité un but inapproprié à la tâche de la parole humaine.
 
Jetons un oeil sur les définitions du sophiste pour s’en convaincre. L’étranger, qui discute avec Théétète, propose plusieurs définitions qui sont toutes apparemment satisfaisantes. Le sophiste se trouve successivement assimilé à un chasseur, spécialisé dans la chasse aux hommes en vue d’obtenir un salaire en enseignant la vertu (223a) ; puis à un commerçant négociant des connaissances relatives à la vertu et nécessaires à l’âme (224d) ; puis à un combattant du discours qui pratique l’éristique à propos des idées générales dans le but de gagner de l’argent (226a) ; puis à un purificateur de l’âme qui cherche à en extirper l’ignorance par la réfutation (231a).
 
Toutes ces définitions sont vraies, et cette simple constatation montre déjà le danger de la sophistique : elle fuit la saisie rationnelle des catégories, elle déjoue les rigidités du discours. Le sophiste est insaisissable, et il est significatif que chacune de ces définitions aboutisse à une " vérité " sur le sophiste : ce qui dans la sophistique est aux yeux de Platon anti-philosophique, c’est une équivocité qui permet à plusieurs affirmations dissemblables d’être vraies en même temps. On retrouve les illusions qu’annonçaient déjà les premières phrases.
 
Mais cette diversité de définitions comporte un autre enseignement : lorsqu’il parvient à énoncer la dernière définition, l’étranger montre une certaine réticence. Il lui semble en effet que cette définition fait trop d’honneur au sophiste. Il adopte alors une nouvelle formulation : " la réfutation des vaines prétentions à la sagesse n’est pas autre chose à nos yeux que l’art véritablement noble de la sophistique. " (231b)
 
Cette précision trahit le besoin platonicien de sophistique : en tant qu’outil nécessaire pour invalider les faux savoirs, la sophistique est un art noble, que Socrate lui-même a pratiqué. Il y a dans cette réticence de l’étranger l’aveu du statut troublant du sophiste : bien qu’il soit en lui-même un adversaire, c’est un " animal très divers " qui par certains aspects n’est pas si loin de la véritable philosophie.
 
C’est alors que l’étranger reprend le problème : le principal défaut du sophiste, c’est qu’il parle indifféremment de toute chose, alors que l’on ne peut tout savoir : une partie de son discours doit donc nécessairement être fausse ou illusoire. La diversité qui le rendait difficile à définir se retourne ainsi contre lui : il est si divers qu’il n’est pas fiable, et qu’il doit être suspecté de mensonge. Or le mensonge implique que l’on puisse nommer ce qui n’est pas : il est donc nécessaire, pour définir le sophiste comme un artiste de l’illusion, d’assurer d’abord la possibilité ontologique de l’erreur, c’est-à-dire de définir un mode d’être du non-être. C’est là que se trouve le véritable enjeu du dialogue, et l’intérêt du débat entre Platon et la sophistique.
 
Platon se trouve alors conduit à remettre en cause le monisme parménidien pour assurer la possibilité du non-être : il rejette ainsi l’idée d’une multiplicité de genres purement séparés, ainsi que l’idée d’une multiplicité mêlée sans limites, pour adopter la thèse d’une multiplicité de genres communiquant entre eux selon des règles spécifiques. L’être fait partie de ces genres, comme le mouvement, le repos, le même ou l’autre. Chacun d’entre eux participe à l’être en tant qu’il est, mais participe aussi au non-être en tant qu’il n’est pas tous les autres. Ainsi la possibilité ontologique du non-être rend possible le discours faux. Ce jeu de distinctions et de participations limitées et organisées fait de l’être lui-même une structure discursive (la comparaison est d’ailleurs explicite dans le Sophiste, 259e-262d). Le philosophe s’attache donc à découvrir cette grammaire de l’être (à mettre en relation avec mon post précédent !) pour y établir des distinctions vraies et produire un discours vrai ; le sophiste au contraire s’établit dans le non-être et s’y familiarise, et apprend à dire des choses qui sont en elles-mêmes des éléments du discours viables, mais qui ne correspondent pas à la réalité des choses existantes.
 
Si ce long détour par une ontologie articulée permet à Platon de définir le sophiste comme un artiste de l’illusion, il est clair que le lieu où se détermine cette possibilité est le découpage de l’être en genre articulés par des relations déterminées de participation et d’exclusion. Ce n’est qu’en faisant du discours une reproduction non pas doxomimétique (imitation fondée sur une simple opinion, propre au sophiste et à ses auditeurs) mais savante (imitation fondée sur un savoir, c’est-à-dire sur une appréhension adéquate de ce qui est) de la réalité que le philosophe peut exercer son art : la dialectique n’est pas autre chose qu’un discours qui cherche à retrouver les distinctions et les appariements réels des genres de l’être. Inversement, la sophistique sera fausse en ce que son discours ne cherchera pas à correspondre à ces structurations réelles : le discours sophistique ne se préoccupe que de produire les effets de sa propre conviction (pour séduire, persuader, et gagner un salaire). D’un côté, on bâtira une politique de l’apparence, fondée sur la séduction, de l’autre côté, on définira une dialectique politique, qui rapportera les réalités empiriques à un savoir abstrait et stable.
 
Mais ce que vous ne voyez pas, c’est que cet effort platonicien correspond précisément à un effort inverse des sophistes : il y a, face à cette ontologie dialectique, une ontologie sophistique qui remet en cause la définition de la vérité (comme adéquation) telle que Platon la fournit dans le Sophiste. Cette ontologie se trouve essentiellement chez Gorgias.
 
Gorgias, en effet, est l’un des sophistes les plus intéressants, parce qu’il articule sa rhétorique sur un Traité du Non-être, développant ainsi les fondements ontologiques de sa pratique du discours. Ce traité nous est parvenu en partie par Sextus Empiricus (Contre les mathématiciens, VII, 65-87). On a tendance, il est vrai, en le lisant vite, à en faire un simple nihiliste : les trois propositions principales s’y prêtent en effet :
 
a) ni l’être ni le non-être n’existent.
b) si l’être existait, il serait impensable.
c) si l’être était pensable, il serait indicible.
 
Cependant, à bien lire le texte, les thèses de Gorgias ne relèvent pas du nihilisme. Le jeu d’inférences et d’oppositions logiques par lesquelles il parvient à démontrer que le non-être n’existe pas, que l’être n’existe pas, et que les deux ensemble ne peuvent pas exister non plus est un exercice typiquement sophistique. Il s’agit, en effet, de pousser au maximum les paradoxes logiques d’un problème donné (ici, l’être de l’être et du non-être) jusqu’à la démonstration de la thèse que l’on s’est proposée. Ainsi, à le prendre au sens strict, le discours de Gorgias montre tout simplement qu’il n’est pas possible d’énoncer une affirmation quelconque sur l’être ni sur le non-être : c’est l’impossibilité de toute ontologie qui est l’enjeu et la conclusion de cette première partie du Traité du Non-être. Nous n’avons tout simplement pas à parler de l’être en général ou du non-être en général, parce que ces entités n’ont pas d’être discursif tenable. Dès ce premier stade, le problème de la vérité change de nature : il est en effet radicalement impossible de statuer de façon définitive sur ce qui est, puisque précisément l’être n’a, pour nous, pas d’être. C’est de cette première mise en cause du discours que la suite tire les conséquences. Gorgias ajoute en effet : " que même s’il existe quelque chose, cette chose est inconnaissable et inconcevable pour l’homme " (§ 77).
 
La démonstration est très simple : " si nos pensées ne sont pas des êtres, l’être ne saurait être pensé ". " les pensées n’ont pas l’être pour objet " (§ 78) puisque si c’est le cas, " tout ce qui est pensé existe, de quelque manière qu’on le pense " (§ 79). Il lui suffit de développer quelques exemples particulièrement aberrants de ce principe pour conclure à son impossibilité. Argument concomitant : si les pensées ont l’être pour objet, elles ne pourront avoir le non-être pour objet. Or il est manifeste que certaines de nos pensées ont le non-être pour objet (Scylla, la Chimère, etc..., sont des objets pensables). " Donc, conclut-il, l’être n’est pas objet de pensée et est insaisissable " (§ 82).
 
Distinguant ainsi les objets de la pensée de la réalité existante, Gorgias définit très clairement le domaine dans lequel se meut la pensée : il s’agit de la fiction. Bien sûr, en parlant de fiction à propos de la pensée telle que la définit Gorgias, il ne s’agit pas de reprendre le jugement platonicien selon lequel le discours sophistique n’est qu’une pseudologia. La fiction n’est pas ici la pseudologia (puisque le mensonge impliqué par le mot pseudologia exigerait une définition préalable du discours " vrai " ) mais la caractéristique de toute pensée. La pensée est autre chose que l’être, ne peut le viser, le saisir, le modifier. Il y a là beaucoup plus que du simple subjectivisme : Gorgias développe tout simplement la thèse que nous n’avons pas d’accès au plan de l’être par la pensée, et que le plan dans lequel se meut notre pensée est quelque chose de singulier, différent de tout ce qui existe. La question qui se pose est alors de savoir ce que notre parole peut véhiculer.
 
S’appuyant sur une doctrine de la sensation qui distingue radicalement les différents sens entre eux ainsi que les sens et leur désignation dans le langage, Gorgias pose alors l’indicibilité de l’être en arguant précisément de cette séparation des genres. Puisqu’en effet chaque sensible est proportionné à un sens, nous ne pouvons pas " révéler à autrui " les êtres en utilisant le seul moyen que nous possédions : le discours : " Car le moyen que nous avons de révéler, c’est le discours ; et le discours, il n’est ni les substances ni les êtres " (§ 84). Le discours est autre chose que les êtres, et bien qu’il résulte de leur impression sur nous, il ne peut pas les révéler : " Aussi n’est-il pas possible de dire que le mode de réalité du discours est le même que celui des objets audibles ou visibles, de manière à lui permettre, en prenant appui sur la réalité de l’être, de signifier la réalité et l’être " (§ 86).
 
Ainsi, comme le dit Sextus Empiricus, " le critère de la vérité s’évanouit " (§ 87). En effet, l’abandon de toute possibilité de coordination entre le discours et les objets rend impensable une quelconque adéquation à l’être. C’est donc bien par-delà le vrai et le faux que se situe le discours de Gorgias, au sens où vrai et faux se diraient de ce qui est adéquat ou inadéquat à l’être. Cette adéquation étant rendue impensable, on peut dire que tout discours est faux, au sens où il est autre chose que l’être. Mais cela ne peut pas fonctionner comme une critique d’ensemble du discours sophistique : dire que le discours des sophistes est faux, cela ne signifie pas qu’il soit vain. Il n’est en effet pas faux au sens du non-vrai, c’est-à-dire du réfutable : il est faux au sens où la vérité conçue comme adéquation a été invalidée par une ontologie appropriée. Pour ne pas commettre de confusion entre les deux interprétations, il faut reprendre avec précision le problème de la signification : que le discours tel que Gorgias le définit ne puisse pas signifier les choses, cela n’implique pas qu’il ne signifie rien. Il faut distinguer deux façons de comprendre la " signification " : le discours tel que le comprend Gorgias ne peut rien désigner, mais cela ne l’empêche pas de faire sens. Gorgias dit clairement : " le discours ne manifeste pas l’objet extérieur, au contraire, c’est l’objet extérieur qui se révèle dans le discours " (§ 85).
 
Ce qu’il faut comprendre de la façon suivante : le discours est le seul milieu dans lequel se construise quelque chose comme une manifestation. Autrement dit, il n’y a pas de vérité ni même de sens extra-discursif, et en aucun cas la vérité ne peut consister dans le rapport que l’on fera entre le discours et une autre chose que lui, extérieure à lui, qu’il manifesterait.
 
Conclusion :
 
Primo, la sophistique est en effet au-delà du rapport vrai-faux. Elle relève d’une production réglée d’effets, qui se joue dans le petit groupe (forum, discussion, harangue, discours officiel ou d’apparat). Secundo, et pour cette raison, elle est en revanche porteuse d’un autre sens de la vérité : la convention. C’est ce sens qui rend le Sophiste nécessaire, et avant le Politique : la convention, qui ne peut jouer que sur de petits groupes, certes, a toutefois l’avantage de fournir une norme tout à fait recevable de la vérité, et (qui plus est) une norme pratique. Ainsi le sophiste vient interférer en permanence dans les projets du philosophes : lorsqu’il s’agit de rappeler aux hommes le souci de soi sans professer de science, la sophistique est très proche. Lorsqu’il s’agit de refonder le lien politique sur de nouvelles bases, à nouveau le rival sophiste est très proche. Dans les deux cas, cette proximité n’est pas seulement une rivalité sur le même terrain : il s’agit d’une confusion possible (" l’art véritablement noble de la sophistique " est très proche de ce que pratiquent les personnages de Platon).
 
Platon est bien sûr très réticent face à ce discours essentiellement orienté vers ses effets, puisqu’il juge qu’une vérité qui se produit dans le discours, s’y transforme, s’y enseigne et s’y met en jeu chaque fois ne mérite pas son nom. La sophistique est trop relativiste dans ses présupposés ontologiques pour que la théorie de la connaissance de Platon la supporte (en ce sens, le socratisme n’était-il pas plus proche de la sophistique que le platonisme, qui cherche à s’en démarquer ?). Mais que donne ce risque dans la sphère politique ? Il donne essentiellement l’idée de l’absence de la science politique : pour le sophiste, il ne peut pas exister de lois, d’ordre ou de constitution absolument bonnes, puisqu’elles sont toujours et en tout issues de la pratique collective du discours.
 
A la fin du sophiste, on atteint une conclusion : le sophiste est doxomimétique et non imitateur savant, parce qu’il ne peut pas y avoir de science au sens où l’étranger en parle ici. On n’exclut le sophiste que pour faire taire celui qui dit que la science politique est introuvable parce qu’impossible, mais le reste de la quête platonicienne sera marqué par cet avertissement, doublé du fait que la proximité sophiste-philosophe a été nettement indiquée dans le cours du dialogue. On passe alors au Politique. Mais cela est une autre histoire !


Message édité par l'Antichrist le 08-05-2004 à 12:13:38
n°2658672
Slyde
Liznard of the Coast
Posté le 08-05-2004 à 12:11:55  profilanswer
 

anncha a écrit :

Je suis étudiante en philosophie, et je voulais savoir ce que pensait en général les gens de cette matière. Quand je dis que je suis en philo, on me regarde avec des yeux l'air de dire que je suis folle. Mais pourquoi la philosophie est-elle aussi détestée alors que c'est passionnant !!!


 
Ne rapporte rien, à part un poste de chercheur en emploi à l'ANPE.


---------------
Le topic du QLRR et FIRE - Knowledge is power. Power corrupts. Study hard, become evil.
n°2659612
rahsaan
Posté le 08-05-2004 à 15:35:19  profilanswer
 

>L'Antichrist : quoique pas parfaitement dans le détail, je connais pourtant les grandes lignes de la pensée sophistique, leur relativisme et leur conventionnalisme. Ce que je disais n'allait donc en rien contre ce topo, par ailleurs intéressant.

n°2659635
Thief
Posté le 08-05-2004 à 15:39:44  profilanswer
 

Slyde a écrit :

Ne rapporte rien, à part un poste de chercheur en emploi à l'ANPE.


le professorat ca existe  :hello:

n°2663546
pascal-san
Posté le 08-05-2004 à 23:54:23  profilanswer
 

Slyde a écrit :

Ne rapporte rien, à part un poste de chercheur en emploi à l'ANPE.


C'est pas parce que, malheureusement, c'est pas, en ce moment, valorisé socialement, que ça ne vaut rien. C'est même très formateur, les études de philo.

n°2664949
jm1981
- - - - - - - - - - - - - - -
Posté le 09-05-2004 à 08:44:49  profilanswer
 

plantage de [:drapal]
 
il y a des postes un peu long :D mais c'est plutot interessant ;)


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Lexi lin gua @ traducteurs FR DE ES IT GB
n°2714037
docmaboul
Posté le 14-05-2004 à 15:39:44  profilanswer
 

Bonjour,
 
je suis assez d'accord lorsque vous énoncez que "le langage philosophique est souvent un instrument d’occultation de l’expérience esthétique dont il est pourtant issu" mais je trouve cela incomplet. De manière plus simple, je pense que la philosophie moderne occulte l'expérience et que cela a pour effet qu'elle n'aide pas à vivre mieux sa vie. Le tout petit manuel d'Epictete est plus philosophique, à mon sens du terme, que toutes les oeuvres de Kant, de Descartes et d'Heidegger réunies. On peut juger un philosophe sur les problèmes du commun des mortels auxquels il s'attaquera et, en particulier, à celui de la souffrance.
 
Je dois dire que je n'aime guère ces déblatérations de philosophes sur le langage. Celles des linguistes sont préférables. Ils nous apprennent que la musique se danse plus qu'à deux entre le réel et son idée et que de nombreux niveaux sont nécessaires. D'ailleurs, Heidegger aurait été linguiste, il n'aurait jamais écrit un ouvrage aux détours des plus fumeux sur ce qui n'est... qu'une césure. "l’être est la relation" et oui! répétons-le encore une fois: le verbe être n'est qu'une césure et en chinois, il n'existe même pas.
 
Bon, je ne sais pas comment vous le dire alors autant le faire franchement: votre long message m'a profondément emmerdé. Vous parliez de vertige - en ce qui me concerne, c'était celui de l'ennui. Je vais tout de même l'emmener pour y répondre au calme et qu'on en finisse avec le langage, la vérité et Nietzsche.
 
A bientôt.

n°2714573
pascal-san
Posté le 14-05-2004 à 16:39:04  profilanswer
 

DocMaboul > je réponds à ta réponse, etc.
Je ne pense pas que la philosophie moderne occulte l'expérience, c'est même celle-ci qui en fonde une partie et pas seulement chez les modernes. Ce qui est intéressant, ce que j'aime dans la philosophie, c'est lorsque l'expérience qu'elle nous apporte ne consiste pas à en rester à l'expérience vécue. Alors, me semble-t-il, c'est de la grande philosophie :)
 
Edit : "Nous expérimentons ici et maintenant que nous sommes éternels".


Message édité par pascal-san le 14-05-2004 à 16:39:59
n°2716271
phyllo
scopus inornatus
Posté le 14-05-2004 à 20:13:09  profilanswer
 

Spinoza ins't it ?

n°2716387
rahsaan
Posté le 14-05-2004 à 20:28:26  profilanswer
 

>DocMaboul : "L'être n'est qu'une relation" dis-tu... ça a peut-être des implications plus fortes, qui mériteraient mieux qu'une restriction. L'être est pleinement la relation.  :)


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°2716506
Tharkun92
Posté le 14-05-2004 à 20:47:39  profilanswer
 

anncha a écrit :

Je suis étudiante en philosophie, et je voulais savoir ce que pensait en général les gens de cette matière. Quand je dis que je suis en philo, on me regarde avec des yeux l'air de dire que je suis folle. Mais pourquoi la philosophie est-elle aussi détestée alors que c'est passionnant !!!


J'ai toujours trouvé que la philosophie n'était pas interressante car trop détachée de la réalité. Quand on m'a enseigné la philosophie, j'ai eu l'impression que les philosophes étaient perdus dans leur "monde des idées", dans lequel les raisonnements se font différement du monde réel.
Quand j'écrivais un devoir de philo, j'étais obligé de me mettre dans un état d'esprit différent, pour raisonner comme eux...
Donc pour moi la philo est uniquement une forme de masturbation intellectuelle quoi. [:spamafote]

n°2716612
satchie
http://satchie.free.fr
Posté le 14-05-2004 à 21:01:18  profilanswer
 

Tharkun92 a écrit :

J'ai toujours trouvé que la philosophie n'était pas interressante car trop détachée de la réalité. Quand on m'a enseigné la philosophie, j'ai eu l'impression que les philosophes étaient perdus dans leur "monde des idées", dans lequel les raisonnements se font différement du monde réel.
Quand j'écrivais un devoir de philo, j'étais obligé de me mettre dans un état d'esprit différent, pour raisonner comme eux...
Donc pour moi la philo est uniquement une forme de masturbation intellectuelle quoi. [:spamafote]


 
J'ai toujours trouvé que la philosophie était interessante car très proche de la réalité, elle permet de comprendre le monde avec intelligibilité au même titre que d'autres sciences (anthropologie, sociologie, mathématiques, histoire...).
Ex: la compréhension du libéralisme, les questions éthiques, la laicité... tous ces thèmes sont traités par les philosophes. Personnellement ca me remet en question...
 
Donc pour moi la philo est une forme de masturbation intellectuelle au même titre que d'autres sciences qui impliquent une compréhension de notre monde. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Pour moi oui, ca permet de me reveiller de mon sommeil dogmatique  ;) .


Message édité par satchie le 14-05-2004 à 21:02:01

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