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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°7627613
alcyon36
Posté le 09-02-2006 à 21:33:09  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
je viens de la relire... j'ai mal au crane!!!
la non-philosophie demain j'arrete, c'est pas bon pour mes petites meninges;)


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
mood
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Posté le 09-02-2006 à 21:33:09  profilanswer
 

n°7627658
alcyon36
Posté le 09-02-2006 à 21:37:49  profilanswer
 

la non-philosophie n'est en aucun cas negative


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°7627664
rahsaan
Posté le 09-02-2006 à 21:38:36  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

la non-philosophie n'est en aucun cas negative


 
Ah, ok. :o

n°7627728
alcyon36
Posté le 09-02-2006 à 21:46:00  profilanswer
 

les geometries non-euclidiennes ne nient pas la validite de la geometrie euclidienne


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°7627840
rahsaan
Posté le 09-02-2006 à 21:57:44  profilanswer
 

alterthon a écrit :

Citation :

le canari est au pélican ce que la courtisane est à la maîtresse de maison.  
 


 
Subtil, ça, très bien... :)


 
Je sais pas si ça veut dire grand'chose.  [:raggarod]

n°7629603
l'Antichri​st
Posté le 10-02-2006 à 07:58:35  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

antichrist non plus tu ne m'apprends rien sur Deleuze... je ne parlais de Deleuze que comme cause occasionnale, comme symptome de la decision philosophique, qui est auto-position et auto-donation. le Reel est pour Laruelle le donné-sans-donnation.


 
Comme Ache vous l'a dit, c'est très précisément le programme de la phénoménologie matérielle, retrouver le véritable commencement dans l'épreuve de soi. Nous sommes ici dans l'immanence qui n'est autre que la structure de l'affectivité : ce "Réel donné-sans-donation", c'est la vie elle-même qui s'auto-révèle comme pure affectivité. Le réel est à la fois ce qui révèle et ce qui est révélé, de telle sorte que dans l'immédiation de son pathos, il est toujours un Soi vivant, l'expérience ou la présence à soi ou encore le "se sentir soi-même" que nous sommes sans cesse, sans espoir d'être autre : ce qui est "réel", c'est l'ipséité, l'identité de l'être et de l'apparaître, de l'être et de la pensée, de l'affectant et de l'affecté, dans le sentiment immédiat, dans la présence à soi de chacun de nos pouvoirs par laquelle ceux-ci deviennent effectifs. C'est pourquoi, ce Soi, qui a la matérialité propre à sa structure immanente, à savoir l'affectivité, est irrémédiablement enchaîné à soi, dans l'incapacité de se déprendre de soi dans sa structure ontologique, impuissant à l'égard de soi : il se manifeste à soi comme un "se souffrir soi-même", la jouissance de soi de ce qui est lié nécessairement à soi. L'épreuve de soi n'est donc pas une "unicité" mais une unité, c'est-à-dire le pouvoir de s'unir à soi-même : l'UN n'est pas une affirmation gratuite issue d'un coup de force métaphysique, ni une tautologie vide (l'être est), mais la manière pour le Soi de se révéler à soi dans l'unité de l'épreuve qu'il est, sans doublure. Mais ainsi, on peut tout aussi bien affirmer que le "Réel" (et c'est bien vous qui avez utilisé le majuscule) n'est rien d'autre que l'épreuve de lui-même comme Soi, qui est donc de part en part affective... Votre "non-philosophie" sent donc le réchauffé... Arrêtez de vous "branler" avec une pseudo-philosophie en laquelle vous flattez vos propres limites... et mettez vous au travail !!!

Message cité 2 fois
Message édité par l'Antichrist le 10-02-2006 à 08:03:48
n°7629708
alcyon36
Posté le 10-02-2006 à 09:01:27  profilanswer
 

je ne me branle pas, jessayais just de repondre au mieux de mes capacite à une question. ensuite, je ne suis pas un specialiste de cette vie dont vous parlez, mais si vous faites reference à quelque chose comme les travaux de henry, Laruelle c'est deja exprimé à ce ssujet, il me semble qu'une auto-affection n'a rien a voire avec un donné-sans-donnation, ou une immanence radicale... c'est une philosophie de l'immanence tout au plus, dont l'immanence vaut sans doute celle d'un Maine de Biran. la philosophie n'a toujours su faire qu'un usage unitaire de l'un, c'est un des leitmotiv de Laruelle.
pour finir, votre vie doit etre bien triste, pour que vous repondiez aux gens avec un tel ton... si se "mettre au travail" en philosophie suppose de se remplir la p(e)nse d'une suffisance sans borne,  je prefere rester une dilettante de la philo.


Message édité par alcyon36 le 26-02-2009 à 00:04:57

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°7643192
push
/dev/random
Posté le 12-02-2006 à 00:41:34  profilanswer
 

Tiens les gourous, est-ce que vous conseillez la lecture des écrits de Émile Chartier dit Alain ?

n°7643740
rahsaan
Posté le 12-02-2006 à 02:17:45  profilanswer
 

push a écrit :

Tiens les gourous, est-ce que vous conseillez la lecture des écrits de Émile Chartier dit Alain ?


 
J'aime beaucoup les Propos sur le Bonheur. ;)
 

l'Antichrist a écrit :

Arrêtez de vous "branler" avec une pseudo-philosophie en laquelle vous flattez vos propres limites... et mettez vous au travail !!!


 
Bel exemple d'arrogance et de mépris, excellent pour encourager les novices à se lancer dans la philo...  :sarcastic:


Message édité par rahsaan le 13-02-2006 à 15:12:03
n°7652549
rahsaan
Posté le 13-02-2006 à 15:13:48  profilanswer
 

A la suite du texte que j'avais écrit et posté ici sur la honte chez Deleuze, j'ai tenté de prolonger ce thème.  
 
Honte et pouvoir chez Deleuze
 
La honte est causée par une puissance que l’on emprisonne : une puissance qui exprime la vie qui se trouve amoindrie, rapetissée. La honte est donc un motif de la pensée, parce qu’elle provoque en nous un sursaut, non de conscience, mais de répulsion pour ainsi dire viscérale, pathétique. Le pouvoir se dit dans le langage des mots d’ordre, des obligations, des devoirs, des sanctions, comme quand un père parle à son fils ou un ministre, un professeur… prononcent un discours. Ainsi le pouvoir emprisonne la puissance et tout notre langage, de prime abord et le plus souvent (pour reprendre une expression de Heidegger), n’exprime que les mots d’ordre, le pouvoir. Même les contre-pouvoir sont encore des pouvoirs.
Or, le pouvoir ne se produit pas par lui seul : le pouvoir ne peut exister que s’il empêche une autre puissance d’accomplir ce qu’elle peut. Le pouvoir est action inadéquate sur la puissance : le pouvoir ne se rend maître de ce qu’il peut qu’en séparant une volonté de sa puissance propre. Nietzsche dirait que la volonté de domination (de pouvoir) n’est qu’un mode particulier de la volonté de puissance, mais pas son expression, son affirmation la plus haute.  
 
Le pouvoir s’exerce dans un ensemble social. Il est l’exercice même d’une machine sociale, selon certains agencements, certaines coupes sur le flux, la puissance en droit illimitée, mais informe, du monde, ce que Deleuze appelle le champ transcendantal (condition de possibilité de toute expérience réelle). Le pouvoir au sein d’un socius agence donc la puissance, la machine, la fabrique et par là même, crée des lignes de fuite qui menacent sans cesse l’organisation provisoire du social selon des formes. La ligne de fuite libère une puissance qu’un champ social capte -et ce socius n’est que cette captation, cette coupure / flux prélevée sur le chaos.  
Dès lors, pourquoi la philosophie serait-elle intempestive, révolutionnaire ? Elle ne serait qu’un pouvoir si elle n’agissait que comme un contre-pouvoir, c’est-à-dire comme discours visant à renverser l’ordre en place pour le remplacer par un autre. Mais la philosophie, pour une part, tente bien de capter le pouvoir de l’appareil d’État, en quoi elle menace de virer en une machine de pouvoir. Mais pour une autre part, la philosophe fait fuir l’ordre institué, non pour le remplacer par un autre, mais pour libérer la puissance captée et simultanément développée au sein même du pouvoir. Or, le ministre, l’Homme d’État, parle le discours du pouvoir, tandis que le philosophe, sauf s’il vire au cynisme blasé, parle le discours de ce qui fait que le pouvoir non pas puisse s’exercer mais puisse simplement exister : le discours des forces qui tentent d’échapper à l’emprise des sanctions, des codifications qu’on lui impose sans cesse.  
 
En ce sens, la honte est un véritable cri du concept en tant qu’il exprime une intensité de vie. Cri de celui qui étouffe, cri de celui qui menace de périr. Par là même, le philosophe se fait moraliste, et pourrait virer au cynique, à l’esprit de vengeance, au ressentiment qui empoisonne et pourrit ce qu’il touche.  
Selon le marxisme, la philosophie devient entreprise de démystification des discours du pouvoir et science de l’évolution historique, en tant qu’elle décrit les luttes à mener pour l’émancipation des hommes à partir de l’action du prolétariat. Le moteur de l’Histoire est ainsi l’ensemble des contradictions des systèmes de production des sociétés, qui entrent en crise grâce à l’action objectivement révolutionnaire du travail. Mais Deleuze s’amuse de cette idée de contradiction, qu’il trouve encore trop hégélienne, trop figée en tant qu’elle suppose toujours le tout de la société à conquérir. Mais la philosophie ne libère pas des forces en vue de la conquête du monde, de l’État : la philosophie ne s’adresse pas aux dominants. En quoi ici Deleuze bifurque de Marx à Nietzsche : l’État ne permet pas de penser, sinon sur le mode de la bêtise, de la lourdeur, du pouvoir du « plus froid des monstres froids ». L’État est un transcendantal, condition d’impossibilité de la pensée. Ainsi la philosophie, si elle est bien une politique, n’a pourtant pas pour but de mettre au jour les contradictions du système social. Ceci relève encore de la volonté de domination et les contradictions ne valent que pour les organisations molaires, les segmentations dures, les espaces les plus durement striés. Or, le pôle révolutionnaire du désir peut en venir à se localiser en n’importe quelle place du champ social. La révolution n’a pas de lieu privilégié a priori : n’importe qui, individu ou groupe, peut soudain tracer une ligne de fuite, se trouvé pris dans un devenir révolutionnaire.  
 
Ainsi, le philosophe, en tant qu’il expérimente avec prudence pour monter de nouveaux agencements, inédits, « agit contre son temps, c’est à dire sur son temps, [on] l’espère en faveur d’un temps à venir » (Nietzsche). Que l’exercice même du pouvoir, honteux, ignoble, provoque en nous un sursaut est bien le signe que ce pouvoir ne vit que des puissances qu’il capte et que l’artiste, le philosophe rendent actives, visibles. Ambiguïté de la honte, ambiguïté du pouvoir, qui ordonnent à notre puissance de penser de cesser d’agir, de se muer en désir soumission mais peuvent aussi, par contrecoup, provoquer son renouveau et « venir réveiller un jeune homme endormi » .


Message édité par rahsaan le 13-02-2006 à 15:15:56
mood
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Posté le 13-02-2006 à 15:13:48  profilanswer
 

n°7652993
Ache
immatriculé-conception
Posté le 13-02-2006 à 16:02:11  profilanswer
 

Une question : et le scientifique dans tout ça ? Nous trouvons souvent dans le discours philosophique l'allusion (développée ou pas) au travail artistique - comme exhibition de l'invisible par exemple -, et le philosophe est lui-même évoqué comme concentration particulière. Mais alors, où est le scientifique ? Nous pouvons, à la rigueur, dire qu'un scientifique se situe dans l'opérabilité, et que dès qu'il se met à la pensée réflexive, il frôle alors la philosophie - mais nous ne pouvons décemment soutenir que le scientifique ne change pas notre vision du monde toute entière - à moins que toute l'affaire ne se joue précisément entre le visible et l'invisible !! La philosophie, science de l'invisible ? ... Bref, qu'en est-il du scientifique (physicien, biologiste, ...) ? A moins encore que le titre de "scientifique" ne puisse résumer à lui seul un individu, à moins donc que la science ne soit un développement de certaines capacités particulières - et non pas la synthèse de toutes... mmmh ?


Message édité par Ache le 13-02-2006 à 16:12:52

---------------
Parcours étrange
n°7653324
rahsaan
Posté le 13-02-2006 à 16:38:15  profilanswer
 

>Ache : Deleuze dit que la science, l'art et la philo opèrent des coupes sur le chaos. L'art par les affects et les percepts, le philosophe par le concept et le scientifique par les notions. Aucun n'a de privilège sur l'autre et il est inutile de chercher à savoir comment hiérarchiser ces activités, ou en pratiquer une synthèse dont personne ne veut. Mais René Thom rencontre Héraclite en parlant des systèmes catastrophiques dans la nature, Changeux rencontre Lucrèce et Spinoza en étudiant le cerveau, Deleuze pense la forme et le chaos à partir de Bacon etc. ;)
 
Je ne crois pas que la philosophie soit la science de l'invisible. Quoiqu'il soit vrai qu'elle attire notre attention sur des choses auxquelles la plupart du temps nous ne prêtons pas attention, donc qui ne sont pas visibles. Mais on en dirait autant de n'importe quelle activité humaine.
Je t'avoue que je ne saisis pas bien ce que tu entends par là : donc je crois que c'est toi qui va devoir nous donner les réponses aux questions que tu poses. :)

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 13-02-2006 à 16:48:54
n°7653682
pascal75
Posté le 13-02-2006 à 17:07:13  profilanswer
 

Deleuze (la vedette de ce topic, décidément :D) dit que la science a pour objet des fonctions.

n°7653966
rahsaan
Posté le 13-02-2006 à 17:38:16  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Deleuze (la vedette de ce topic, décidément :D) dit que la science a pour objet des fonctions.


 
Oui, c'est ça : des fonctions, pas des notions.

n°7654131
Ache
immatriculé-conception
Posté le 13-02-2006 à 17:53:05  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

>Ache : Deleuze dit que la science, l'art et la philo opèrent des coupes sur le chaos. L'art par les affects et les percepts, le philosophe par le concept et le scientifique par les notions. Aucun n'a de privilège sur l'autre et il est inutile de chercher à savoir comment hiérarchiser ces activités, ou en pratiquer une synthèse dont personne ne veut. Mais René Thom rencontre Héraclite en parlant des systèmes catastrophiques dans la nature, Changeux rencontre Lucrèce et Spinoza en étudiant le cerveau, Deleuze pense la forme et le chaos à partir de Bacon etc. ;)
 
Je ne crois pas que la philosophie soit la science de l'invisible. Quoiqu'il soit vrai qu'elle attire notre attention sur des choses auxquelles la plupart du temps nous ne prêtons pas attention, donc qui ne sont pas visibles. Mais on en dirait autant de n'importe quelle activité humaine.
Je t'avoue que je ne saisis pas bien ce que tu entends par là : donc je crois que c'est toi qui va devoir nous donner les réponses aux questions que tu poses. :)


Par "science de l'invisible", j'entendais le savoir que nous permet la philosophie sur nous-même. Ce "savoir" n'est pas à confondre avec "connaissance" : celle-ci peut-être transmissible sans interprétation excessive, comme résultat d'un travail intellectuel/d'expérimentation/d'observation qui nous livre des déductions et des inductions sur des choses qu'on vise de l'extérieur, dont on fait l'objet d'une théorie et d'un discours : bref, la science ! (la connaissance du second genre). Le "savoir", lui, serait entendu comme une coïncidence (quasi)totale avec les processus-même qui seulement permettent la connaissance du dehors. Ces processus sont donc ceux de l'Homme : ils sont la nature de ce qui lui permet la connaissance. Autrement dit, dire que la philosophie nous offre un savoir sur nous-même, c'est dire que le travail philosophique ne porte en rien sur le monde en tant que tel, mais bien plutôt sur ce qui nous permet de parler d'un monde, d'un dehors, et cela au sens commun comme au sens scientifique. Ce "savoir" serait donc plus proche d'une lucidité et d'une épreuve que d'un coup de force hypothético-déductif. Développons cette "idée" : Deleuze, en effet, parle souvent de rencontres, et cela entre l'artiste et le philosophe, le philosophe et le scientifique, etc. Seulement, je pense que ces rencontres ne s'établissent pas sur le même plan : elles ne sont pas "horizontales". Il y a une généalogie des modes d'existence : en plus clair, ce serait dire que le philosophe, et en termes deleuziens, exprime les flux de la machine désirante et connaissante en elle-même, laquelle machine est déjà postulée dès le départ par le scientifique. Et s'il s'agit de rencontres, celles-ci se feraient donc sur un plan vertical - typiquement du transcendantal à l'immanent et inversement. Même quand le scientifique se propose de discourir sur l'Homme, il le fait par définition depuis l'extérieur - et d'ailleurs cette méthode sédimente le "mystère" du rapport entre ce qui est vu de l'Homme et ce que celui-ci "vit de l'intérieur" (d'où un dualisme...). Par "invisible", je veux donc dire que la philosophie prend le mal à la racine !! Mais est-ce dire qu'il n'y a que la philosophie pour nous apprendre sur nous-même ? Bien entendu, on peut admettre qu'une activité humaine quelconque nous offre un certain angle de ce savoir. Seulement, la philosophie en fait quelque chose de fascinant que sont les concepts. Et ceux-ci, quand bien même résultat d'une épreuve auto-révélée, et quand bien même nourris par la connaissance du dehors, gagnent à leur tour une certaine transmissibilité. Est-ce que cette transmissibilité du concept est un fantasme ou un autre coup de force ? C'est tout le bonheur et le malheur de la philosophie !

Message cité 1 fois
Message édité par Ache le 13-02-2006 à 17:59:22

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Parcours étrange
n°7654205
Jp3rF
Posté le 13-02-2006 à 18:00:14  profilanswer
 

Salut
 
Demain j'ai un commentaire de philo :(  
 
J'ai révisé pas mal de trucs, je connais la méthode je pense mais par contre faudrait que j'arrive à justifier mes propos avec des exemples d'autres auteurs vous voyez ? Ca porte sur la conscience/inconscient, nature/culture, Matière/esprit, Empirisme, Plaisir/Désir/Besoin
 
Merci d'avance :p

n°7654225
rahsaan
Posté le 13-02-2006 à 18:02:11  profilanswer
 

La distinction entre connaissance et savoir que tu prends est intéressante. Hegel dirait bien que l'entendement sépare abstraitement le sujet connaissant de l'objet connu mais que la philosophie est au contraire savoir absolu se déployant à partir de lui-même et de ses contradictions.  
Mais je crois deviner qu'en parlant d'auto-révélation, tu penses plus à la phéno tout court qu'à la phéno de l'esprit. :D
Toutefois, une ambiguité de Husserl sur ce point est qu'il demeure malgré tout le philosophe de la reflexivité pure de la conscience sur son pouvoir de visée. Ne reste t-il pas en deça de l'accomplissement hégelien ?  :o

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 13-02-2006 à 18:02:43
n°7654267
Mine anti-​personnel
Posté le 13-02-2006 à 18:08:22  profilanswer
 

Jp3rF a écrit :

Ca porte sur la conscience/inconscient, nature/culture, Matière/esprit, Empirisme, Plaisir/Désir/Besoin


C'est tout?
Il ne te reste plus qu'à lire les 50 pages du topic, tu trouveras sûrement des références qui vont bien.
D'ici demain, t'auras le temps de rien lire de toute façon.
Voilà un conseil qui pourra t'aider je pense: tu prends le petit Robert (Robert 1) et tu regardes la définition de tous les termes que tu viens de citer, en faisant une fiche pour chacun d'eux et en essayant de répérer à quelles distinctions conceptuelles correspondent les différents sens qui y sont distingués.
 
Bonne chance

n°7654295
Mine anti-​personnel
Posté le 13-02-2006 à 18:11:49  profilanswer
 

>Rahsaan: pour la honte chez Deleuze, je sais pas si tu l'as signalé mais Deleuze a trouvé cette idée ("la honte d'être un homme" ) chez Primo Levi ("Si c'est un homme" ). Du moins a cru la trouver, quand j'ai lu le livre, j'ai cherché en vain où Levi la formule.

n°7654393
pascal75
Posté le 13-02-2006 à 18:26:09  profilanswer
 

Pas trouvé non plus, ça doit pas être dans "si c'est un homme". La honte en question, c'est celle d'être un homme, d'être de la même espèce que ceux qui ont pu faire ça, rabaisser autant la vie.

n°7654396
rahsaan
Posté le 13-02-2006 à 18:26:15  profilanswer
 

Mine anti-personnel a écrit :

>Rahsaan: pour la honte chez Deleuze, je sais pas si tu l'as signalé mais Deleuze a trouvé cette idée ("la honte d'être un homme" ) chez Primo Levi ("Si c'est un homme" ). Du moins a cru la trouver, quand j'ai lu le livre, j'ai cherché en vain où Levi la formule.


 
Nous en avions parlé avec Pascal et il m'avait dit la même chose que toi. Donc mystère sur ce point ; pourtant Deleuze n'aurait pas triché, me disait Pascal. D'une manière ou d'une autre, il formule ce concept de honte à partir de Primo Levi.

Message cité 2 fois
Message édité par rahsaan le 13-02-2006 à 18:28:36
n°7654483
Mine anti-​personnel
Posté le 13-02-2006 à 18:34:50  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Nous en avions parlé avec Pascal et il m'avait dit la même chose que toi. Donc mystère sur ce point ; pourtant Deleuze n'aurait pas triché, me disait Pascal. D'une manière ou d'une autre, il formule ce concept de honte à partir de Primo Levi.


Sûrement pas triché mais Deleuze lisait énormément et très vite et sa mémoire a pu lui jouer des tours. Je connais au moins un cas où il s'est manifestement planté, c'est dans son dernier livre, sur la littérature, il parle du "Champion de nage" :D  de Kafka alors qu'il s'agit évidemment du champion de jeûne.

n°7654536
rahsaan
Posté le 13-02-2006 à 18:40:04  profilanswer
 

Pourtant, la notion de honte d'être un homme se rattache bien à ce qu'a dit Primo Levi.

n°7654567
Jp3rF
Posté le 13-02-2006 à 18:42:48  profilanswer
 

Mine anti-personnel a écrit :

C'est tout?
Il ne te reste plus qu'à lire les 50 pages du topic, tu trouveras sûrement des références qui vont bien.
D'ici demain, t'auras le temps de rien lire de toute façon.
Voilà un conseil qui pourra t'aider je pense: tu prends le petit Robert (Robert 1) et tu regardes la définition de tous les termes que tu viens de citer, en faisant une fiche pour chacun d'eux et en essayant de répérer à quelles distinctions conceptuelles correspondent les différents sens qui y sont distingués.
 
Bonne chance


Nature : ce qui est là spontanément sans action de l'homme
 
Culture : ce qui n'est pas là sans l'action de l'homme...
 
Matière : ce qui l'on peut distinguer avec les sens.
 
Esprit : domaine métaphysique, immatériel que dire de plus ?
 
Désir : On en a pas forcément besoin pour aboutir au bonheur mais ça y contribue
 
Besoin : ce qui est nécessaire à la vie
 
Corrigez moi si c'est faux :jap:  
 

n°7654629
Mine anti-​personnel
Posté le 13-02-2006 à 18:50:08  profilanswer
 

Jp3rF a écrit :

Matière : ce qui l'on peut distinguer avec les sens.

Les maths et la philo sont des matières. Est-ce qu'on peut les distinguer avec les sens?
 

Jp3rF a écrit :

Esprit : domaine métaphysique, immatériel que dire de plus ?

Des dizaines de milliers de pages.
 

n°7654681
Jp3rF
Posté le 13-02-2006 à 18:57:31  profilanswer
 

Mine anti-personnel a écrit :

Les maths et la philo sont des matières. Est-ce qu'on peut les distinguer avec les sens?
 
Des dizaines de milliers de pages.


 :whistle:  
Matière hum dans le sens de ce qu'on peut voir, ce qui nous entoure etc :??:  
 
L'esprit sinon c'est pas trop définissable beaucoup ont essayé mais...
 
Sinon on a l'opposition des empiristes (Hume je crois) qui dit que toute connaissance doit être acquise par l'expérience et qu'il n'y a aucun moyen autre, il dit d'ailleurs que l'esprit est une table rase, où les caractères s'impriment avec l'expérience ?... Et les idéalistes sont opposés à ça (Descartes) qui dit que toute connaissance est innée mais qu'il faut la travailler...

n°7655630
hephaestos
Sanctis Recorda, Sanctis deus.
Posté le 13-02-2006 à 21:02:35  profilanswer
 

Ache a écrit :

Est-ce que cette transmissibilité du concept est un fantasme ou un autre coup de force ? C'est tout le bonheur et le malheur de la philosophie !


 
Ca veut dire que, pour comprendre la philosophie, je n'ai d'autre choix que de devenir philosophe ?

n°7655641
hephaestos
Sanctis Recorda, Sanctis deus.
Posté le 13-02-2006 à 21:04:20  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Nous en avions parlé avec Pascal et il m'avait dit la même chose que toi. Donc mystère sur ce point ; pourtant Deleuze n'aurait pas triché, me disait Pascal. D'une manière ou d'une autre, il formule ce concept de honte à partir de Primo Levi.


 
C'est la classe d'être pote avec Pascal  :sol:

n°7655676
rahsaan
Posté le 13-02-2006 à 21:09:31  profilanswer
 

hephaestos a écrit :

C'est la classe d'être pote avec Pascal  :sol:


 
Blaise Pascal75.  :sol:

n°7655688
pascal75
Posté le 13-02-2006 à 21:11:46  profilanswer
 

hephaestos a écrit :

C'est la classe d'être pote avec Pascal  :sol:


Je confirme :sol:

n°7655890
rahsaan
Posté le 13-02-2006 à 21:34:28  profilanswer
 

hephaestos a écrit :

Ca veut dire que, pour comprendre la philosophie, je n'ai d'autre choix que de devenir philosophe ?


 
En quelque sorte, en quelque sorte...  
Comment comprendre Van Gogh sans devenir un peu artiste, comment comprendre la théorie de l'évolution sans se faire un peu chercheur et biologiste ?  ;)

n°7655951
hephaestos
Sanctis Recorda, Sanctis deus.
Posté le 13-02-2006 à 21:43:45  profilanswer
 

Pour l'art, je ne peux que désagréer, il existe tout un tas de formes d'art que j'apprécie sans en avoir la moindre connaissance, ni la moindre compréhension. Et si l'on me dit que je dois faire un effort pour apprécier l'art, j'en tourne le dos sans hésiter.
 
Pour la science je ne sais pas, l'exemple en question est suffisament simple pour être compréhenible par n'importe qui doué de la plus élémentaire des raisons (pas tou le monde, je le reconnais), mais pour certains concepts plus élaborés il existe toujours la vulgarisation, qui consiste justement à expliquer aux gens ce qu'est la science sans leur en fournir les clés. Il y en a de trés bons, et je crois qu'il n'est pas nécessaire pour comprendre la science d'aller au delà. D'ailleurs non seulement je crois, mais j'en suis convaincu, connaissant dans mon entourage quelques personnes au bagage académique scientifique nul, qui ont néanmoins compris à propos de la science ce qu'il y avait à comprendre (je crois).


Message édité par hephaestos le 13-02-2006 à 21:44:28
n°7656920
Ache
immatriculé-conception
Posté le 13-02-2006 à 23:24:00  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

... Toutefois, une ambiguité de Husserl sur ce point est qu'il demeure malgré tout le philosophe de la reflexivité pure de la conscience sur son pouvoir de visée.


Tout à fait, chez Husserl il s'agit toujours d'une conscience constituante, d'une conscience intentionnelle - et c'est pour cette raison-même que la phénoménologie ne s'arrête pas à Husserl. La conscience qui est toujours conscience de quelque chose est pleinement mise en lumière par Husserl, mais les fondements que la phénoménologie se propose d'élucider - projet d'élucidation revendiqué par Husserl lui-même - ne va pas s'arrêter sur une conscience constituante. Nous retrouverons un fondement corporel de l'intentionnalité - chez Merleau-Ponty notamment, avec la motricité ; et cette intentionnalité, qui est donc toujours "dépendante" d'un dehors et non distinguée de l'apparition du dehors retrouvera un fondement qui est le soi vivant et sa passivité originaire dans la phénoménologie matérielle. Cette "lecture progressiste" (et très rapide) de la phénoménologie est-elle orientée ? Je pense tout simplement que c'est la plus lucide, et même, on pourrait presque appliquer le principe de parcimonie.

Message cité 1 fois
Message édité par Ache le 13-02-2006 à 23:29:09

---------------
Parcours étrange
n°7657617
Lampedusa
Posté le 14-02-2006 à 00:29:54  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Pas trouvé non plus, ça doit pas être dans "si c'est un homme". La honte en question, c'est celle d'être un homme, d'être de la même espèce que ceux qui ont pu faire ça, rabaisser autant la vie.


 
Bonsoir.
 
Il y a bien une honte qui s'exprime dans Si c'est un homme, mais en l'occurence c'est celle de "n'avoir pas été un homme" : l'un des insurgés de Birkenau, ceux qui ont fait sauté l'un des fours crématoires, a été pris. Il va être pendu sur la place de l'appel, devant tous les prisonniers rassemblés. Avant que la trappe ne s'ouvre, il a le temps de crier :
« Kameraden, ich bin der letzte ! » .
Alors la honte d'avoir été réduits définitivement à l'état de larves incapables d'envisager même de résister assaille Levi et son compagnon. Il clôt le chapitre ainsi:

Citation :

Cet homme devait être dur, il devait être d'une autre trempe que nous, si cette condition qui nous a brisé n'a seulement pu le faire plier.
Car nous aussi nous sommes brisés, vaincus: même si nous avons su nous adapter, même si nous avons finalement appris à trouver notre nourriture et à endurer la fatigue et le froid, même si nous en revenons un jour.
Nous avons hissé la menashka sur la couchette, nous avons fait le partage, nous avons assouvi la fureur quotidienne de la faim, et maintenant la honte nous accable.

n°7658079
rahsaan
Posté le 14-02-2006 à 01:53:27  profilanswer
 

Ache a écrit :

Nous retrouverons un fondement corporel de l'intentionnalité - chez Merleau-Ponty notamment, avec la motricité ; et cette intentionnalité, qui est donc toujours "dépendante" d'un dehors et non distinguée de l'apparition du dehors retrouvera un fondement qui est le soi vivant et sa passivité originaire dans la phénoménologie matérielle. Cette "lecture progressiste" (et très rapide) de la phénoménologie est-elle orientée ? Je pense tout simplement que c'est la plus lucide, et même, on pourrait presque appliquer le principe de parcimonie.


 
Dans tous vos posts sur la phénoménologie, à toi et l'Antichrist, je retrouve l'insistance sur cette passivité originaire, se souffrir-de-soi-même charnel.  
Toutefois, ne faudrait-il pas différencier nettement réceptivité et passivité ?
Il est trop tard pour que je développe mon idée, mais j'en ai une derrière la tête. :D Je vous en reparle très bientôt. :)

n°7662980
Jp3rF
Posté le 14-02-2006 à 18:46:36  profilanswer
 

Voilà commentaire finished :bounce:

n°7675857
rahsaan
Posté le 15-02-2006 à 23:41:55  profilanswer
 

On m'a offert il doit y avoir deux ans maintenant le Zibaldone, l'oeuvre majeure (opera maestra  :D ) du philosophe italien Léopardi (1798-1837), vaste ensemble de notes, de réflexions, de pensées, de considérations sur nombre de sujets.  
A partir de cette masse imposante, que je suis loin d'avoir encore lu en entier, je voulais écrire un texte sur un thème essentiel de l'oeuvre :  
 
La nature et l'illusion chez Leopardi
 
S'intéresser à un penseur consiste à cerner ce qu'il y a chez lui d'irréductiblement original, ce que lui le premier a réussi à exprimer. Or, il m'est apparu que la notion d'illusion est au coeur de la pensée de Leopardi et qu'il lui donne un sens tout à fait inattendu.  
 
A la suite de Clément Rosset, j'appelerai illusion l'hallucination d'un double, le double étant le caractère d'une chose en tant qu'elle est à la fois perçue comme comme elle-même et autre chose. Au sens faible, large, du double, l'autre qui est perçu est simplement différent de la chose (le soleil perçu comme un cercle jaune), mais au sens fort, strict (que nous retiendrons par la suite), cet autre est le contraire de la chose (je m'efforce de croire que ma femme m'est fidèle alors qu'il devient irréfutable qu'elle me trompe).  
Dors et déjà, l'illusion est à tout le moins une erreur de perception et au plus, une tromperie volontaire que je m'inflige, donc dans les deux cas, une imperfection, un défaut, quelque chose de dangereux qui me trompe sur ce que sont les choses et me sépare du réel.
La fonction du philosophe n'est-elle pas éminemment de nous faire perdre nos illusions, d'en dénoncer le danger, de les traquer et de les remplacer par une perception raisonnable des choses ? L'illusion s'oppose à une appréhension véridique de la nature des choses.  
 
Mais alors dans ce cas, pourquoi Leopardi en vient-il au contraire à dénoncer comme gravissime la perte de nos illusions et assimile t-il la perte de nos illusions à la perte de l'état de nature lui-même ?
Leopardi est un disciple de Rousseau, mais un rousseauiste radical, dissident et même finalement opposant à Jean-Jacques. Dans le Discours sur les Sciences et les Arts, Rousseau nous dit que les progrès de la culture, de la civilisation, de ses techniques, ne prouvent pas du tout le progrès de la morale. Il propose pour cela d'élaborer la fiction d'un état de nature où l'homme est naturellement bon, afin de pouvoir juger de l'état actuel d'immoralité de la société. Ainsi les illusions factices de la société masquent à l'homme sa nature dépravée.  
Leopardi lui aussi déplore grandement la perte de nos valeurs et montrent que le monde moderne a perdu ses aspirations les plus hautes et que l'homme a définitivement perdu sa nature bonne.  
En quoi on pourrait effectivement croire que Leopardi est d'un disciple d'un Rousseau mal compris, d'un Rousseau qui nous aurait lancé l'injonction de retourner à l'état de nature, de se "mettre à quatre pattes pour manger de l'herbe", selon la célèbre raillerie de Voltaire. Or, il est bien évident que Rousseau n'a jamais promis cela.  
Mais Leopardi lui, insiste : le monde moderne est radicalement séparé du temps où l'homme était bon par nature ; désormais, l'homme n'est pas capable de grandeur, ni de hautes aspirations civiles, ni d'aider son prochain -en quoi on retrouve encore Rousseau, qui, dans l'Emile, dénonçait l'éducation moderne : celle-ci, mixte, hésitante, n'éduque les hommes ni à être citoyens de leur patrie ni citoyens du monde, si bien que les hommes en viennent à n'être bons ni pour leur patrie ni pour le genre humain. Dès lors, il faudrait choisir : soit éduquer les hommes à être citoyens de leur patrie et leur inculquer l'amour exclusif de leur pays (d'où découlerait nécessairement méfiance et hostilité envers les autres patries) ou bien au contraire les éduquer à rejeter les illusions patriotes afin de se tourner vers l'amour du genre humain lui-même. Mais l'éducation moderne ne fait pas de choix tranché, soit d'inculquer volontairement des illusions patriotes, soit de dénoncer ces illusions.  
 
Or, Leopardi radicalise un tel propos en ce qu'il dénonce que les hommes modernes ont perdu toute illusion, contrairement à ce qui se passait quand l'homme était proche de la nature, qui le faisait vivre selon des illusions naturelles, comme dans la cité grecque ou à la Renaissance : là, alors, l'homme était élevé dans la grandeur, la noblesse, les belles formes, la grâce, la beauté ; mais il aimait son pays ou sa cité exclusivement et il était prêt à faire périr l'Etat voisin par amour de son propre Etat ; il n'avait aucune répugnance à tuer femmes et enfants s'ils étaient ceux de ses ennemis.  
 
Ainsi le desespoir nihiliste de Leopardi ne vient pas de ce que nous soyons prisonniers de nos illusions, de ce qu'il n'y ait rien à faire pour nous raisonner, mais bien au contraire de ce que nous soyons devenus incapables d'être animés par ces illusions, de ce que nous soyons incrédules : or, sans illusion il ne saurait y avoir de grands élans, de grandes aspirations, de grandes oeuvres. Leopardi oppose sans cesse le style souple, riche, vif, original, amoureux, élégant, des grands poètes italiens au français qui, à son époque, devenait la langue la plus véhiculée (comme l'anglais aujourd'hui), langue française qui est selon Leopardi cartésienne, méthodique, géométrique et par conséquent manque complétement d'originalité et ne provoque que l'ennui. Français qui est l'incarnation de l'esprit moderne, esprit dénué d'illusions, et qui ne forme que des hommes petits, mesquins, timides et développent des maux contraires à ceux des hommes antiques : là où ils étaient patriotes et facilement xenophobes, l'homme moderne se veut cosmopolite mais il en vient à préférer les étrangers à ses propres compatriotes, à détester les siens en s'imaginant que les étrangers valent mieux que les gens de son pays.
 
Ainsi la modernité renverse t-elle les illusions : mais là où auparavant elles élevaient l'homme à la grandeur, à présent elles le rapetissent. Privé d'illusions, amoureux exclusif de la vérité, l'homme ne ressent plus qu'un immense vide et se sent séparé du monde : il souffre en permanence du néant profond de son monde car la disparition des illusions qui l'animaient le laisse privé de ressources, seul face à un monde qu'il ressent comme étranger. Mais Leopardi n'est pas romantique (pas plus que ne l'était Rousseau, qui ne croyait pas au génie d'un seul homme au-dessus de la foule, mais aux vertus civiques des Anciens), car il ne prône pas le culte du génie, de l'individu esseulé dans les tourments d'un monde qui ne le comprend, l'esthétique de l'automne, de la mer, de l'infini, de l'aspiration à l'idéal par-delà ce monde. Au contraire, Leopardi souffre que nous ayons perdu tout classicisme, que nous ayons perdu cette belle nature qui était l'accord parfait des hommes avec leurs représentations. Il déplore, sans dire le mot, que le monde soit romantique et recherche, dans la fréquentations des poètes italiens une beauté perdue.  
 
Leopardi pose donc deux problèmes cruciaux : les rapports entre l'illusion et la nature (1) et, plus profondément, la nécessité de l'illusion pour la vie (2) (et Nietzsche à son tour dénoncera le danger de la volonté inconditionnée de vérité, en montrant qu'il s'agit d'un excès de l'instinct jeu créateur d'illusions apollinien ).
 
(1) Rapports entre la nature et l'illusion : la question est, en quelque sorte, métaphysique. La nature des choses désigne ce qu'elles sont et la Nature ce qui produit ces choses mêmes, tandis que l'illusion se réfère à ce que les choses ne sont pas (ainsi le prestidigitateur fait-il semblant de couper une femme en deux là où il y en a deux). Or, Leopardi sous-entend en permanence que la Nature est une illusion d'une part et d'autre part, que la Nature nous commande de vivre de grandes illusions. Or, dit comme cela, il y a contradiction, car on ne voit pas bien si la Nature idéale n'est qu'un produit de l'illusion ou bien son principe même : lequel produit l'autre ?
Cependant, ainsi posée, la question ne rend pas compte ce que dit notre auteur. Le problème n'est pas là. Et nous en venons alors au second point.  
 
(2) La nécessité de l'illusion pour la vie. Car plus profondément, Leopardi nous dit que sans illusion, l'homme ne peut vivre qu'une vie misérable, pauvre, triste, desespérée. Ainsi, c'est la vie elle-même qui crée les illusions pour se grandir, se magnifier. Les hommes qui vivent de grandes illusions sont de grands vivants. Mais ce sont aussi des hommes tragiques : Leopardi cite précisément le cas de Rousseau, comme exemple à l'appui de sa thèse selon laquelle ceux qui ont le plus durement ressenti la vanité des illusions sont ceux qui en étaient le plus animés. Mais il y a un tragique, opposé et dérisoire, de l'homme moderne, qui perçoit ce que lui coûte d'avoir perdu ses illusions. Ainsi, la philosophie est-elle un danger pour l'homme, car elle fait progresser à l'excès la civilisation et la raison, donc éloigne l'homme de son état naturel, qui est d'être à la fois rempli d'illusions, donc ignorant mais puissant, sûr de lui. La philosophie, en conférant le savoir à l'homme, lui ôte ses forces, car sans illusion, pas de volonté d'agir. La civilisation apporte finalement plus de méfaits que de bienfaits, car elle déracine l'homme, désenchante son monde et rend ses ambitions étroites car rationnelles. Ainsi, l'état naturel pour l'homme, à la fois son état originel et son état le meilleur, est-il d'éprouver de grandes illusions et de vivre en accord avec ce que la vie offre de plus haut, l'ivresse de la grandeur, la sublimation parfaite de soi.  
Il y a ainsi une antinomie irréductible entre le bonheur et la vérité pour l'homme. Les illusions les plus fortes sont les plus vaines, mais sans illusion, la vie n'est que vanité. Comment la philosophie pourrait-elle ne pas rabaisser l'homme en mortifiant ses désirs, comment l'homme moderne pourrait-il ne pas s'enfoncer dans le nihilisme en voulant être à tout prix raisonnable ?
Freud disait bien qu'en désirant à tout prix le confort de la civilisation, l'homme moderne gagnait beaucoup de sécurité en perdant beaucoup de bonheur. Telles sont en tous cas je pense les problèmes cruciaux, vitaux, que Leopardi a su formuler.  ;)

n°7683989
pascal75
Posté le 16-02-2006 à 22:30:19  profilanswer
 

J'ai rajouté cette intéressante présentation dans le premier post :)

n°7684011
Lampedusa
Posté le 16-02-2006 à 22:35:14  profilanswer
 

Merci, Rahsaan, de consacrer ces lignes à Leopardi... :jap:  
 
Quelques remarques complémentaires: je ne partage pas l'opinion selon laquelle "le desespoir nihiliste de Leopardi ne vient pas de ce que nous soyons prisonniers de nos illusions, de ce qu'il n'y ait rien à faire pour nous raisonner, mais bien au contraire de ce que nous soyons devenus incapables d'être animés par ces illusions...", en fait je ne crois pas que ce "désespoir nihiliste" provienne de quelque lieu bien identifiable; c'est une donnée, un tempérament, une "sensibilité", pratiquement une condition à-priori de sa perception des choses et de son rapport à la vie. Dans cette perspective, c'est ce nihilisme premier qui détermine en fait le statut des illusions, la "néantisation" initiale du monde valorisant en retour ce qui en regard de la caducité du réel apparaît alors bien plus substantiel que le réel lui-même. Il y a de nombreux passages dans le Zibaldone qui vont dans ce sens, en voici l'un d'eux:

Citation :

Il semble absurde et pourtant il est exactement vrai d'affirmer que, tout le réel étant un néant, il n'est rien de réel et de substantiel au monde que les illusions.


Il faut avoir à l'esprit quel type d'homme était, physiquement, Leopardi: un nabot contrefait, repoussant, le mot n'est pas trop fort; voici un témoignage de son ami august von Platen, cité dans la préface des Canti:

Citation :

Le premier aspect de Leopardi a quelque chose d'absolument horrible quand on se l'est représenté d'après ses poésies. Leopardi est petit et bossu, son visage est pâle et souffreteux et il aggrave ses mauvaises conditions par sa façon de vivre, car il fait du jour la nuit et vice versa. Sans pouvoir bouger et sans pouvoir s'appliquer à quelque chose, à cause de l'état de ses nerfs, il mène une des vies les plus misérables que l'on puisse imaginer.

Avec ces dispositions, j'ose prétendre que quelle que fût l'époque où il vécût, il aurait été, pour ainsi dire, "hors du coup", hors de la vie des hommes, et arc-bouté là-contre...
 
La présentation de Leopardi comme "philosophe" est certes tout à fait possible, mais il n'est pas du tout, je crois, un théoricien systématique, un penseur soucieux avant tout de rendre compte de ce qui est; sa réflexion n'est pas, à mon avis, dissociable d'une sensibilité, comme dit plus haut, et le fait est qu'il est l'un des plus importants poètes italiens.
Or sa condition de poète, d'artiste, imprègne totalement ses essais; à tel point que je ne connaisse pas de nihilisme exprimé de façon aussi vibrante, de noirceur aussi irradiante que la sienne. On a évidemment évoqué Schopenhauer, pour parler de son pessimisme; mais je trouve que ce dernier est un terne et morne fonctionnaire de la pensée à côté de Leopardi qui a littéralement vécu sa déréliction, et en a bu la coupe jusqu'à la lie.
Là est mon second point de désaccord: Leopardi est un grand romantique. La distinction entre classicisme et romantisme , ou entre Aufklärung et Sturm und Drang est en fait toujours assez artificielle et Leopardi est probablement l'un des derniers artistes à pouvoir, même plus ou moins, prendre place dans l'une ou l'autre de ces catégories. Mais si l'on s'en tient à cette définition, très rapide et approximative, mais je crois valable et pratique: «...Le romantisme tend à promouvoir un style d'existence dans lequel l'action, l'émotion, la passion jouent les premiers rôles; dans le domaine de la connaissance même, elle dresse contre l'image d'une investigation patiente, contrôlée, discutée, le modèle d'un savoir direct, indécomposable, intraduisible. » (G.G. Granger, Essai d'une philosophie du style), ou encore à l'opposition de l'esthétique du "sentiment" ou de la "délicatesse" face à celle de la "raison", alors je crois que Leopardi appartient plutôt au romantisme. Voici encore deux citations du Zibaldone" pour illustrer l'esthétique de Leopardi:

Citation :

...Décrivant en peu de touches, ne montrant que peu de choses de l'objet, les anciens laissaient l'imagination errer dans le vague et l'indéterminé de ces idées enfantines qui naissent de l'ignorance de tout. Et une scène champêtre, par exemple, peinte par un poète antique en quelques traits et, pour ainsi dire, sans horizon, suscitait dans l'imagination ce céleste ondoiement d'idées floues et brillantes, d'un romanesque indéfinissable et d'une étrangeté, d'une merveille infiniment chère et douce, semblable à celle qui faisait les extases de notre enfance.


Citation :

L'homme ne désire pas savoir mais sentir infiniment.


Message édité par Lampedusa le 17-02-2006 à 00:15:36
n°7684425
rahsaan
Posté le 16-02-2006 à 23:17:24  profilanswer
 

>Lampedusa : merci pour ta réponse, que je crois très juste et très éclairante pour comprendre Leopardi. Je l'avais abordé d'une façon très philosophique, presque trop technique et je sens que tu fais bien de rappeler sa sensibilité littéraire, poétique profonde.  :jap:


Message édité par rahsaan le 16-02-2006 à 23:19:55
n°7684962
Lampedusa
Posté le 17-02-2006 à 00:14:01  profilanswer
 

Ce sont deux façons complémentaires d'aborder les choses.
 
The whole man must move together...  :)

Message cité 1 fois
Message édité par Lampedusa le 17-02-2006 à 00:23:48
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