l'Antichrist | alcyon36 a écrit :
Voici un petit commentaire, pour ceux qui veulent
« la philosophie est faite pour lhomme, non pas lhomme pour la philosophie »
La philosophie en tant quelle est ontologie,loin de se confondre avec la politique, en constitue pourtant une sorte de condition de possibilite (auto-reversible). La politique, c'est-à-dire les agencements ou dispositifs (cest selon) qui determinent les rapports entre identite et apprtenances, en ce quelle suppose toujours une determination de lHomme en son essence_ toujours deja divisé dans une appartenance au Monde, dans un être-au-Monde_ en relation avec le Monde, repose sur une certaine economie de la pensee.
Dans la Theologie politique, Karl Schmitt (on connaît son passé) en se referant à la Republique de Bodin, voit da ns la decision de la situation exceptionnelle (et surtout de ce quest la situation exceptionnelle cf art16 de notre constitution) lessence de la souverainete. La sociologie de la decision contemporaine a battu en breche cette idee, mais elle peut surement servir à mettre en exergues, non pas le fonctionnement dun Etat , mais bien plutôt le Geste de la philosophie.
Quest ce que la non-philosophie ? Cest la discipline qui decrit, selon la rigueur identitaire de lUn, du Reel ou de lHomme-en-personne
lidentite de La philosophie, à savoir ce que les non-philosophes appellent la « Decision philosophique ».
Deleuze ecrit, que « le premier caractere du concept, cest doperer un decoupage des choses inedit. ». Pour Deleuze, le probleme qui se pose dans la philosophie ne doit jamais être evaluer à laune du vrai ou du faux, mais par rapport à son interet, à sa nouveaute, à la dose dintempestivite quelle inocule au systeme pour le faire fuir. Ce « decoupage des choses inedit », quel que puisse être son potentiel de subversion, est lie à la vision de Nietzsche ; le philosophe est legislateur, il est causa prima
« il cree des valeurs nouvelles sur des tables nouvelles ». Le but nest pas avoir un nouveau monde, où les nouvelles valeurs et les nouvelles tables daujourdhui seront les valeurs établies de demain !!! La philosophie est par essence politique, en un sens, à la fois fasciste et delirant sur des lignes de fuites revolutionnaires
ce qui compte pour la philosophie ce nest pas lhistoire et ses effectuations, « mais levenement en tant quil depasse sa propre effectuation, cest le devenir comme substance du concept » (Deleuze) :
« Les revolutions, parlons en ! Je veux parler des revolutions quon peut encore montrer parce quelles vous servent, parce quelles vous ont toujours servies
ces revolutions qui sont de lhistoire, parce que les histoires ca vous amuse, avant de vous interesser. Et quand ca vous interesse, on vous dit quil est trop tard,quil en vient une autre. Lorsque quelque chose inedit vous choque, et vous gene, vous vous arrangez la veille, toujours la veille, pour retenir une place dans un palace dexiles, entoure du prestige des deracines
les racines profondes de ce pays,cest vous parait il, et quand on vous transbahute dun desordre de la rue comme vous dites, à un ordre nouveau, vous vous faites greffer au retour
et on vous salut!!!» (Leo Ferre in Il ny a plus rien)
La question du devenir revolutionnaire a son impotance, car comme le souligne justement Deleuze, poser le probleme de la revolution dans lhistoire, cest empecher toute possibilite de revolution
des quon se demande quelle peut etre lavenir dune revolution cest deja la fin, on le connaît lavenir de toutes revolutions, cest la Trahison. Le 11 septembre, cest la trahison de toute revolution, comme toujours, une ligne de fuite revolutionnaire qui finit ligne de mort
pour autant cela nelude pas la question du devenir révolutionnaire de ces hommes. Le philosophe créer des concepts
mais quest ce que créer ? cest resister.
Le philosophes est ce createur de valeurs ou de concepte, il pretend determiner ce qui merite linteret de « lhomme ordinaire ». A la lettre, le philosophe se pose comme ce qui constitue lirreductible dignite de lhomme en son essence. On peut dire, à la limite, que pour un philosophe il existe une necessite dentree en philosophie, pour etre un homme en tant que tel.
La philosophie, et ses dépendances que sont les sciences humaines, pretendent toujours determiner lessence de lhomme comme relation au Monde, aux Autorités, c'est-à-dire lHistoire, la Langue, le Sexe, la Societe
toujours ces melanges dont on a parler, mixtes onto-logiques ou anthropo-logiques, au bout du compte toujours la meme identite onto-noologique. On pense toujours lessence de lHomme celui qui parle, celui qui desir, celui qui subit et créer lhistoire
toujours la meme economies de la pensee que soustend toues politiques, le melange de lessence de lhomme et de ses appartenances au Monde. Pour le philosophe lhomme est toujours aliene en son essence par le monde, le philosophe se veut le heros de lhumanite de lhomme, il veut toujours porter et supporter la plus haute responsabilite.Aussi il pretend à determiner le Reel par la pensee et agir dessus grace à ce systeme de reflet sans miroir. Les non-philosophes postulent que lessence de lHomme nest pas au Monde, lessence de lhomme, ou le Reel-Un (cest la meme chose selon lunitaxe des non-philosophes) est immanence radicale, identite radicalement forclose aux Autorites, à lhistoire, la langue
au Monde, en ce que la « decision philosophique » en constitue la forme, comme pensee-monde.
Les philosophes pretendent determiner le Reel et agir dessus, toujours la meme dualite amphibologique entre theorie et pratique
les non-philosophes pose le Reel-Un comme forclos à la pensee quil determine, sans que celle-ci le determine en retour, de ce fait il nest plus question dagir sur ce Reel, mais au contraire dagir sur la pensee, de produire une nouvelle economie de pensee, qui cesse de rapporter limmanence à letre, mais selon le Reel-Un. Luvre des non-philosophes est la production, non pas dune docte ignorance mais dun savoir indocte, qui consiste à cloner les enoncés philosophiques eet tout plein de suffisance au « Tout-philosophaple », de reduir la philosophie comme un materiau, quil traiter selon les theoremes qui sont tires de la radicale forclusion au Monde,à lEtre,à La philosophie... du Reel-Un, considere comme axiome.
A la lettre le Reel n(est) pas, il nexiste pas
le Reel-Un ou essence de lHomme dans son immanence radicale (à) soi, peut etre dit Un-en-Un. « ne faites pas comme les philosophes
osez inventer la philosophie ! »
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Intéressant mais tout cela n'ajoute rien à la connaissance que nous avons déjà de Deleuze.
Pour Deleuze, comme pour Nietzsche, penser cest "inventer des nouvelles possibilités de vie", de nouvelles façons de penser et de sentir. La pensée est novatrice, intempestive, inactuelle. La philosophie est vivante car elle est avant tout création de concepts. La philosophie ne reçoit plus ses problèmes des autres champs détudes ; désormais, elle est autonome et, quand elle importe des concepts ou des problématiques dautres champs détude, elle les retravaille, les crée tout court. La philosophie existe comme une remise en question des choses car créer, cest résister. De fait, la philosophie na pas à se poser le problème de son commencement ou de sa fin. Elle ne se manifeste pas comme lavènement de la Raison : il ny a pas "la" raison, mais des processus de rationalisation, divers selon les époques et les stratégies.
Si penser, cest créer, alors ce ne peut être fonder, et dès lors la "vérité" nexiste plus en soi mais comme valeur de la pensée. La vérité comme valeur cest "ce vers quoi la pensée se tourne". Ce qui se donne pour vrai participe en dernier lieu dune invention, dune création. Ce qui est créé, ce nest pas telle vérité (proposition ou jugement), mais ce qui permet à cette vérité dapparaître comme vérité ; cest cela un "concept" au sens large que la philosophie crée. Le concept est donc quelque chose qui appartient aux conditions ultimes qui se tiennent derrière ou dans nos vérités, ce nest pas quelque chose d'abstrait ni une proposition. La pensée est une expérimentation, et la philosophie est liée au paradoxe : La "Vérité" vaudrait une fois pour toutes ; elle est donc en dehors des processus mobiles, ab-straite, c'est à dire morte car figée. Il faut considérer larrière-plan sur lequel se développe la pensée et que Deleuze appelle "limage de la pensée". Limage de la pensée est synonyme de manière de penser ; se sont les réquisits fondamentaux (pré-philosophiques) que la pensée implique dans son existence à une époque donnée. Le "vrai" nest pas lélément de la pensée, cest un universel abstrait coupé "des forces réelles qui font la pensée". Ce thème est repris et nommé "plan de consistance" ou "dimmanence" : ce plan nest pas un concept, sinon il y aurait un concept supérieur, "concept des concepts", une sorte duniversel. Ce plan est une totalité "ouverte" et, tandis que les concepts sont "créés", le plan est "dressé". Tout en étant présupposé comme un "sol absolu", le plan ne préexiste pas à la création conceptuelle. Ce plan est fluide, dynamique, il oriente la pensée (cf. image de la mer). Ce plan est objet dune pré-compréhension intuitive, non conceptuelle, et donc la philosophie dépens dune intuition, qui suppose des moyens comme le rêve, livresse, lexcès... Le plan dimmanence récuse la séparation être/pensée, car la pensée est volonté (au sens kantien de faculté qui crée lobjet de ses représentations), "puissance", et donc nest pas une proposition ou un jugement, ces dernières supposant des données, une réalité préalable. Pour que linterprétation de lêtre soit réellement infinie, il faut affirmer lidentité de lêtre et de la pensée. Cest par une même position (ou "interprétation" ) que se distribue la pensée (ou sens) et la réalité (ou être). Penser, cest "inventer de nouvelles possibilités de vie", c'est à dire de nouvelles manières de sentir/penser, car vivre est, pour nous, penser. Cest la vie (non biologique) qui permet de juger de la "vérité" de nos discours.
Mais si la pensée ne "fonde" pas le vrai, comment peut-elle éviter larbitraire ? Lêtre ou le devenir sont impensable, et la philosophie doit les affronter avec les moyens du bord, précaires ; les concepts doivent sans cesse se renouveler pour suivre les changements de lêtre. La philosophie est une aventure, qui quitte le sol des certitudes, et affronte le chaos sur des radeaux qui sont des "plateaux". Toute pensée (art, science, philosophie) affrontent le chaos mais avec des moyens différents. Limage de la pensée nest pas lautre de la Raison, mais une autre forme de rationalité, celle du sens, de lévénement, qui relève dune autre logique. Il ny a ni fondement, ni essence, ni sujet transcendantal, mais des "raisons", des processus divers de rationalisations. Foucault développe une théorie similaire dans sa notion des "régimes de vérité" : la vérité nest pas tel contenu propositionnel, évidence ou factualité, mais les règles implicites, les critères, qui, à chaque époque, permettent de "tenir pour vrai". cf. Foucault, Vérité et pouvoir, LArc, n°70 : "La vérité nest pas hors pouvoir ni sans pouvoir... La vérité est de ce monde ; elle y est produite par de multiples contraintes... Chaque société a son régime de vérité, sa "politique générale" de la vérité... Il y a un combat "pour la vérité", ou du moins "autour de la vérité" étant entendu encore une fois que par "vérité" je ne veux pas dire "lensemble des choses vraies quil y a à découvrir ou à faire accepter", mais "lensemble des règles selon lesquelles on démêle le vrai du faux et on attache au vrai des effets spécifiques du pouvoir". cf. Ordre du discours, p. 16. La philosophie de Nietzsche comme celle de Deleuze et Foucault nest pas une philosophie du vrai mais de la véridiction (du dire vrai). Ce nest pas un scepticisme mais la reconnaissance de "pratique communes", variant selon les époques.
On ne pense donc pas en commençant, mais au milieu, dans une immanence pure. Le multiple est pensée avec lidée du rhizome, qui est un milieu, qui "pousse" ses déploiements à partir de nimporte lequel de ses points (contre larborescence). Ce qui compte est lhétérogenèse, un mode de développement qui opère sans quil y ait division dune unité antérieure. Labsence de fondement permet de penser la création de concepts comme expérimentation, comme agencement. La philosophie de Deleuze est avant tout une théorie des multiplicités (événements, singularités, plateaux, rhizomes
) et une théorie de limage de la pensée (dénonciation des obstacles qui défigurent la pensée comme création de concepts, et corrélativement ouverture sur un "penser autrement" ), et ces deux aspects nont de sens que par rapport à limmanence. Cette pensée refuse loriginaire du fondement, car un être immanent, qui réside absolument en soi-même, ne peut quêtre à chaque instant "principe" et "point de départ" de son devenir. Mais cette "centration", ce repli sur soi, nest pas un foyer stable qui couronnerait lensemble, car ce serait sortir de limmanence. Le plan de limmanence ne peut être ramené à un sujet, et lidentité est un entrecroisement de lignes de force, et les multiples dimensions sont "plates". Tout est fait de forces/rapports de forces ou de flux/lignes, car toute force trace une ligne, soit de déploiement et de transformation (ligne de fuite), soit de repos et de stabilisation (strate, segment). La généalogie devient alors cartographie, étude des lignes : "cest pourquoi chaque chose a sa géographie, sa cartographie, son diagramme". Lêtre dans son immanence est à penser comme ce qui est "entre" ou au "milieu" de toutes les lignes dexpansion ; "les choses et les pensées poussent ou grandissent par le milieu, et cest là quil faut sinstaller". "Toutes les multiplicités sont plates en tant quelles remplissent, occupent toutes leurs dimensions : on parlera donc dun plan de consistance des multiplicités, bien que ce "plan" soit à dimensions croissantes suivant le nombre de connexions qui sétablissent sur lui". "Une telle multiplicité ne varie pas ses dimensions sans changer de nature en elle-même et se métamorphoser. A lopposé dune structure qui se défini par un ensemble de points et de positions". La multiplicité est faite de lignes de transformation qui la font changer de nature. Le rhizome "nest pas fait dunités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes". Il est composé de "plateaux", soit des espaces de variation continue dintensités non aimantées par une fin extérieure, et ces plateaux eux-mêmes poussent par le milieu. Ce nest plus lêtre qui est en jeu mais le "et", qui nest pas une simple relation mais lessence même de la relation. Cette nature conjonctive est pensée à partir de la notion dagencement, qui est lunité réelle minimale. Cest une unité de co-fonctionnement qui conjoint des termes ou des lignes essentiellement hétérogènes. Un agencement peut être divisé selon deux axes :
Selon laxe contenu/expression, un agencement comprend dans son hétérogénéité aussi bien des états de chose (des agencements deffectuation) que des énoncés (agencements dénonciation), des mots que des choses.
Selon la nature des mouvements dont sont animées les lignes qui les composent, et qui ne cessent de coexister (ils sont pris lun dans lautre) et de sopposer : lignes de déterritorialisation (des lignes de fuite, qui comme variations intensives ou moléculaires échappent aux codifications binaires propres à lautre type de lignes) et des lignes de reterritorialisation, de codification (arrêt du mouvement et répartition des termes fixés dans des oppositions duelles, soit toutes les formes de strates ou segments qui mettent en jeu des dualismes).
La positivité comme création nest pas toujours (mais cest le plus fréquent) du côté des seules lignes de fuite, qui ont leur danger. Les lignes de fuite sengendrent en défaisant les dualismes propres au premier type de lignes. Il peut y avoir un troisième type de lignes, entre deux lignes segmentaires (rigidement fixées dans leur opposition), créatrices, qui poussent par le milieu et qui construisent le plan dimmanence. Mais elle ne sont créatrices que dans leur usage, car cest au milieu que surviennent les dangers que la cartographie doit repérer.
Léquivalent temporel du milieu est une sorte de présent permanent, cest lêtre de lintempestif, il est lactuel de tous les temps en tant quinassignable. Il fait partie du devenir même. Le milieu implique une spatialité spécifique qui nest pas un centre, et une temporalité spécifique. Entrer dans un devenir, cest sortir de lhistoire, cest cela un événement, en tant quil est distinct de son effectuation. Le devenir comme événement est "entre", mais nest pas léchange entre deux termes : il est "entre" comme une ligne de fuite.
Labstrait ne devient extérieur et supérieur au plan dimmanence que grâce à sa connection à une opération de généralisation/unification. Ce qui est séparé peut rester à titre de "coupure" dans le plan. Pour quil y ait transcendance, il faut quil y ait une verticalité, qui procède à lunification. Cette dernière est en "survol" par rapport à ce divers. Mais cette opération de survol ne peut donner de luniversel que dans la mesure où elle simmobilise. Sans labstraction, il ny aurait pas de fixation. Il faut labstraction, pour une fixation, et une unification (généralisation) pour quil y ait de la transcendance.
Le concept deleuzien comme variation intensive nest pas un universel, car luniversel nappartient pas au plan dimmanence mais est dans une dimension superposée et distincte. Soit n les dimensions du plan, luniversel est n + Un, et le multiple et limmanence est n - Un. Le concept deleuzien est une multiplicité. Cest un continuum de variations (un plateau ou une multiplicité). Les connections quopère lêtre sont nécessaires pour en dégager le concept ; les questions ne sont pas "quest-ce que ?", mais "dans quel cas, où, comment... ?". On comprend cela avec le Cogito cartésien : soit les concepts de doute/pensée/être, ce sont des flux ou plateaux, des variations intensives car douter peut avoir des sens différents : doute sensible, scientifique, obsessionnel, métaphysique... De même pour "Penser" : sentir, imaginer, conceptualiser... en sont ses degrés. Ces variations peuvent entrer en rapport de voisinage, et leur permettre de passer de lune à lautre : je doute = je pense = je suis.
Le concept est ce qui connecte de telles lignes de variation (plateaux) suivant leur compatibilité propres. Lespace consistant de co-variation ou de co-fonctionnement, cest le concept ou le rhizome. Il ny a pas de rapports de compréhension (genre) ou dextension (espèces) dans le concept, il ny a que des rapports dordination, et les composantes du concept ne sont pas des constantes/variables mais de pures et simples variations ordonnées selon leur voisinage. Pourquoi cette théorie du concept comme différenciant, une liaison de singularités intensives groupées de manière consistante, et non lidentité fixe dun ensemble de déterminations abstraites et universelles ? Parce que lêtre est devenir (Héraclite), variation infinie des déterminations. Tout change selon des degrés de vitesse différents, tout est affaire de lenteur/vitesse. La montagne le plus immobile a des vitesses de changement. Il ny a que des flux dans les choses et dans la pensée elle-même, car ces deux dimensions ne sont pas séparables. Un plateau, un concept, se forge dans un plan à deux faces, plan de consistance ou dimmanence, qui comprend dun côté la pensée et de lautre lêtre. Dans les concepts philosophiques, la chose est créée en étant construite, dans un même geste de position/indication. Tant quun concept arrive à tenir des déterminations qui le composent à titre de variables, il a une consistance qui fait sa force, c'est à dire sa vérité. Les choses sont de telles lignes à démêler, et donc le concept doit exprimer ces lignes de force et de tension, les circonstances ou les limites de variation. Le concept se rapporte donc à des "événements" (rencontres, croisements de lignes...) et non à une essence.
Le concept ne peut éviter lunité : il est lunité de multiples déterminations. Lunité, le commun, nest pas un universel, mais une mise en commun, une connection de variables. Cest une unité de co-fonctionnement, de co-variation ayant une consistance. Mais comment cette consistance a-t-elle son unité ? Cette unité se fait par un parcours transversal des composantes (traits qui composent le concept). Il y a quelque chose qui passe de a à b, qui est une zone ab où les deux termes ne sont plus distincts. Le point conceptuel ne cesse de parcourir ses composantes, mais ce parcours est un survol. Ce survol est incessant, et sans lui il ny aurait pas dunité du concept. Le concept est une ritournelle. Cette vitesse de survol doit être "infinie", non seulement pour que le parcours soit incessant, mais aussi pour que lunité du point conceptuel se donne comme point. Le concept doit être co-présent sans distance à toutes ses composantes ou variations. Les éléments du plan (les traits diagrammatiques) ou les traits intensifs du concept ont en commun la vitesse infinie. Entre ses déterminations et le concept, il ne peut y avoir de distance (pas de "représentation" ). Lunité deleuzienne nest quune vitesse, infinie, interne au multiple, et qui nimplique aucune dimension supplémentaire. Le concept deleuzien est un tout qui totalise ses composantes, mais il coordonne des singularités, des traits intensifs, et non des abstractions (concept comme ensemble de singularités).
La transcendance est toujours un repos, elle arrête le mouvement. La création de concepts ne peut avoir lieu sans que soit dressé un plan dimmanence, comme image de la pensée et "milieu" de la connexion des variations intensives, les multiplicités peuplant toujours un plan dimmanence. Mais la grande tentation est dattribuer limmanence à quelque chose (Matière ou Esprit par ex.). Rapporter le plan dimmanence à un fondement entraîne la constitution de grands transcendantaux. Le plan dimmanence sinstaure comme un crible sur le chaos.
Comment se fait-il quil y ait pluralité des plans dimmanence, et en même temps un seul plan ? Il est unique puisquil est "variation pure". Le plan dimmanence est feuilleté, car chaque plan a sa manière à lui de faire de limmanence. Chaque plan particulier ne retient ou prélève du chaos que les traits (diagrammatiques ou dorientation, et qui cartographient limage de la pensée) quil peut plier ensemble, mais il ne peut tous les retenir sans devenir linfini du chaos. On ne peut penser quen ralentissant ou sélectionnant quelques déterminations que la pensée peut plier, lier et stabiliser ensembles. Mais, avec ce ralentissement, nous réintroduisons de la transcendance, nous nous rendons prisonniers dun horizon relatif, et limmanence est toujours à recommencer pour les êtres lents que nous sommes. La philosophie nest pas de lordre de lavant/après, elle na pas dhistoire, elle est devenir, coexistence de plans et non succession de systèmes.
On a donc chez Deleuze :
un héraclitéisme des flux, et cest un mobilisme des singularités, des intensités. Les formes et les structures ne sont que des dépôts momentanés et superficiels.
un pluralisme des différences, comme différences de vie et de pensée. Mais cest un pluralisme différencié, puisque ces différences dans les modes dexistence ne sont pas indifférentes mais se différencient, en sens et en valeur, selon leur teneur en vie, en inventivité et en création.
Limmanence est celle de la vie elle-même, et cest au sein de cette vie que se déploient les diverses formes de pensée. Message édité par l'Antichrist le 09-02-2006 à 20:13:59
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