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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
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9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
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10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°27548601
la pugne
J'peux plus.
Posté le 25-08-2011 à 14:42:44  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

rahsaan a écrit :

Suite ci-dessus :o


 
Et ma question c'est du poulet :o ?


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Posté le 25-08-2011 à 14:42:44  profilanswer
 

n°27548691
rahsaan
Posté le 25-08-2011 à 14:49:02  profilanswer
 

la pugne a écrit :


 
Et ma question c'est du poulet :o ?


 
 
Je t'avais répondu mais j'ai effacé ma réponse.  
Je disais que je répondrai sur Sch. après avoir fini mon texte ;)


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°27548711
la pugne
J'peux plus.
Posté le 25-08-2011 à 14:50:12  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
 
Je t'avais répondu mais j'ai effacé ma réponse.  
Je disais que je répondrai sur Sch. après avoir fini mon texte ;)


 
J'm'en doutais un peu. Ci-mer.


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n°27574325
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 27-08-2011 à 23:15:31  profilanswer
 

pour ceux qui comprennent l'anglais, je vous conseille le génial cours de Rick Roderick sur Nietzsche.
 
http://www.wimpywombat.net/rickrod [...] Condition/
 
C'est rare d'avoir un universitaire aussi bon pédagogiquement
 
http://img.youtube.com/vi/iTD74uL9SII/0.jpg


Message édité par Magicpanda le 27-08-2011 à 23:17:21

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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°27583061
rahsaan
Posté le 29-08-2011 à 10:51:55  profilanswer
 

Suite et fin sur Léopardi :  
 
L'accoutumance
 
Comment devient-on poète ? En lisant et en écrivant de la poésie.  
Comment devient-on logicien ? En lisant des traités de logique et en pratiquant le raisonnement.  
A chaque fois, nous acquérons une nouvelle tournure d'esprit, pour le dire simplement. Nous apprenons à imiter une certaine façon de penser, de juger, de raisonner : nous jouons à penser en logicien, en géomètre, en poète... Léopardi parle de cette faculté propre à l'esprit, qui est d'apprendre à penser de diverses façons et à voir le monde chaque fois d'une façon différente.  
 
La capacité la plus indispensable au petit enfant est l'imitation. L'enfant imite les adultes. C'est chez lui que la capacité de faire comme les autres est la plus vive. Son esprit est encore vierge, donc très vif. Il est attentif à tout, il peut jouer à faire comme les autres. L'adulte, et a fortiori le vieillard, perdent cette faculté d'imitation. Or, penser, c'est savoir apprendre de nouvelles façons de penser. C'est accoutumer son esprit à ces façons de penser, de voir, d'imaginer. Léopardi fait donc découler nos facultés de l'accoutumance : mémoire, habitude, jugement, imagination... L'accoutumance n'est pas à proprement parler une faculté, c'est à dire un outil, une capacité à disposition de l'esprit humain. L'accoutumance est permanente. L'esprit ne cesse de s'accoutumer. Tant qu'il en est capable, il est vivant. Et garder sa jeunesse d'esprit, c'est refuser de se confiner à une manière étroite de penser. La vie de l'esprit n'est pas la persévérance dans une voie unique, mais la souplesse, l'agilité, la vivacité, qui nous permet de nous sentir poète avec Dante, philosophe avec Descartes, scientifique avec Newton etc.  
L'accoutumance a une dimension profondément ludique : nous jouons à penser en logicien etc. Ne retrouverions-nous pas l'illusion comme besoin vital pour l'homme ? Mais dans l'accoutumance, l'illusion n'est plus seulement erreur, elle est pleinement jeu.  
 
Ludique, l'accoutumance serait à la base d'une psychologie léopardienne, s'il avait écrit un traité sur le sujet. L'accoutumance ne constitue pas une faculté spéciale, mais la vie de nos facultés. Sans accoutumance, nous n'aurions pu développer notre jugement, notre imagination etc. L'imitation même en découle, car pour imiter, il faut être capable de changer peu à peu la tournure de l'esprit, lui faire contracter une nouvelle "coutume". On le voit, s'il faut être penseur pour Léopardi, ce n'est pas tant pour l'amour du vrai que pour garder à l'esprit sa jeunesse et sa vie ; du point de vue gnoséologique, le seul gain offert au génie est d'être capable de voir le néant de la vie. Ainsi, seul le génie, qui souvent a perdu ses illusions, sait à quel point celles-ci sont précieuses. Or, l'exercice est tout : ce n'est qu'en s'efforçant de s'accoutumer que la vie intellectuelle peut ne pas être désespérante -c'est ce que semble dire Léopardi.  
 
Lui-même reconnaît qu'au début, la philosophie ne l'intéressait pas. Il était poète. Mais la philosophie étant dans l'air du temps, il a fini par s'y intéresser, par modeler son esprit pour apprendre à écrire et penser en philosophe. Et au fond, la vie des hommes est faite de leur accoutumance : une nouvelle période de l'histoire apparaît, marquée par de nouveaux appétits, de nouvelles coutumes, de nouvelles moeurs. Les hommes aimeront pour un temps cette couleur qui est donnée à leur vie, puis passeront à autre chose. Chaque fois, ils se seront accoutumés, ils auront eu des passions, des illusions, ils se seront battus pour des choses qui leur étaient indifférentes la veille et qu'ils auront oubliées demain. Mais la vie a besoin de ces illusions, et vivre, c'est s'accoutumer. On voit donc naître, de par cette dimension historique de l'accoutumance, une réflexion léopardienne proprement juridique, et même politique : le législateur, le prince, sont ceux qui vont proposer de nouvelles lois aux hommes. Ils devront donc connaître les coutumes en vigueur dans l'Etat, pour que "l'esprit de la Loi" (Montesquieu) soit celui du peuple. Mais simultanément, une nouvelle loi engendrera de nouvelles coutumes. L'homme d'Etat accoutume les hommes à vivre d'une manière différente, inédite. Il prend les moeurs telles qu'elles sont, mais il va insensiblement les changer. Ne serait-ce pas là le travail politique par excellence : modifier les coutumes, amener les hommes à penser, voir, sentir, juger, imaginer, différemment ?... Mais qui est le plus apte à cela : le politique, le philosophe, le rhéteur, le poète ?...  
 
En poursuivant ma lecture, à un rythme très incertain, je verrai comment se développe cette notion, qui me paraît être la plus importante du livre, notion aux dimensions psychologique, poétique, historique et politique. J'ignore si quelqu'un l'a déjà étudiée, dans la mesure où Léopardi, s'il est souvent reconnu comme un grand poète, voit souvent sa philosophie réduite à un nihilisme intellectuel.
De fait, le philosophe le plus proche de Léopardi est bien...
 
 
Schopenhauer
 
Les convergences entre les deux philosophes sont assez évidentes : pessimisme confinant au nihilisme, dégoût des idées modernes (égalité entre les hommes, croyance au progrès de la civilisation) ; ton de moraliste, qui étudie et dissèque les hommes, et les regarde sans complaisance ; écriture littéraire, style soigné, simple et accessible, élégance de l'expression.  
Du point de vue stylistique, Sch. apparaît bien plus cartésien que l'anti-cartésien Léopardi. Sch. est plus sec, plus "carré", et surtout bien plus systématique ("le Vouloir unique" ) tandis qu'avec le Zibaldone, Léopardi nous a laissé des textes divers et variés. De fait, son écriture est plus souple, toujours à la recherche de l'idée et jamais vraiment achevée : Léopardi multiplie les "etc." La vie semble avec lui si changeante, si foisonnante... Il est pris entre le goût de la virtuosité à l'italienne et le goût de l'ordre et de la mesure à la française. Il faut s'imaginer un petit homme bossu et courbé, enfermé dans sa bibliothèque où il consume ses journées, revivant seul l'histoire, un Machiavel difforme et solitaire, un esprit génial, amoureux et débordant. Je ne crois donc pas qu'il faille dire, avec Musset : « Sombre amant de la mort, pauvre Leopardi ». Léopardi était l'amant, le courtisan effréné des illusions, d'une vie belle, riche, solaire. Il n'a, à mon avis, rien d'un romantique : son machiavélisme profond le prémunit de toutes sortes de songes brumeux et des mélancolies vagues où se complaisent ses contemporains. C'est un grand prosateur, un érudit, un philologue, un grand connaisseur de la langue qui éprouve un plaisir manifeste à écrire.
 
Schopenhauer dit, parlant du pessimisme* : "Personne cependant n'a été autant au fond du sujet et ne l'a autant épuisé que de nos jours l'a fait Léopardi. Il en est tout rempli et tout pénétré : la dérision et la misère de notre existence, voilà le tableau qu'il trace à chaque page de ses oeuvres, mais pourtant avec une telle diversité de formes et de tours, avec une telle richesse d'images, que, loin de provoquer l'ennui, il excite bien plutôt chaque fois l'intérêt et l'émotion."
 
Si Sch. fait un bel éloge du style de Léopardi, je ne crois pourtant pas que notre bossu de Récanati soit un parfait pessimiste. Je crois que Léopardi a compris la vanité de poser le vrai comme valeur suprême pour l'esprit, qu'il a compris que c'était autre chose qui se jouait dans la philosophie : la santé, la vigueur, la force, voilà ce qu'un philosophe cherche vraiment -Nietzsche n'a cessé de le "marteler". Je crois que c'est le cas aussi chez Sch., qui a toujours cherché à défendre la santé de l'esprit contre les folies diverses et variées qui peuvent l'affecter, et qui ont affecté Sch. lui-même ! Ce que Sch. et Léopardi ont su montré -si leur pessimisme a un sens - c'est que le pessimisme est moins une métaphysique qu'une thérapeutique. On guérit par le nihilisme -mais qui nous guérira du nihilisme ? Et l'envers du nihilisme -qu'on peut bien appeler la joie de vivre - je crois que Léopardi l'a mieux exprimé que Sch. Il y a une légèreté, une danse de l'écriture de Léopardi qu'on ne retrouve pas chez Sch. Pour se plonger et se guérir dans les eaux noires du nihilisme, il fallait être un grand vivant, un amoureux ardent, ce que, me semble-t-il, Léopardi a été.  
 
 
 
 
*Supplément au 4e livre du Monde comme volonté..., chapitre 46 : "De la vanité et des souffrances de la vie", dernier paragraphe.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 29-08-2011 à 11:31:30

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n°27585025
la pugne
J'peux plus.
Posté le 29-08-2011 à 14:08:19  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Suite et fin sur Léopardi :  
 
...


 
Une petite question : s'agissant de l'illusion, évoque-t-il la religion ? Tu mentionnes le patriotisme (on peut rajouter l'amour comme Schopenhauer), mais l'illusion la plus criarde et à mon sens la plus utile à l'homme, c'est bien la religion.  
 
J'envisageais récemment, en discutant avec une amie à qui  la philosophie n'arrache pas qu'un soupir indifférent, que les évangiles aient pu avoir été inventés en connaissance de cause par d'intelligents, athées et créatifs bienfaiteurs de l'humanité. En plus d'être séduisante, cette théorie permet de fermer la bouche à l'argumentation binaire de ceux qui sont si fiers de cracher sur la religion, argumentation composée presque uniquement de :  
 
- la religion c'est débile (réponse : c'est toi le débile, quart d'éclairé)
- la religion é la koz de tou lé maleur du mond!!!!! (la faute à ses nobles inventeurs ou alibi politique efficace, ô inculte ?)
 
NB : Ça me semble assez évident mais je le précise, je ne suis absolument pas croyant en Dieu. Je commence à croire en la religion ceci dit.


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n°27585108
rahsaan
Posté le 29-08-2011 à 14:14:53  profilanswer
 

Léopardi est un patriote italien. Je pense qu'il aime d'un amour charnel la terre et la littérature de son pays. Cela explique qu'il soit anti-Français.  
Sch. est bien plus européen : il peut lire et citer des auteurs français, espagnols, italiens, anglais, allemands, et il n'aime pas ses compatriotes. Je pense que Sch. est assez résolument athée, en cohérence avec sa doctrine de l'absurdité du vouloir. Léopardi est bien plus "torturé" par la religion. Je crois qu'il voudrait arriver à concilier son pessimisme avec son christianisme -tentative des plus ardues    
 
Sur l'utilité et les nuisances de la religion, Clément Rosset a écrit quelques petites choses intéressantes dans Tropiques. Cinq conférences mexicaines. Il dit, avec Cioran, que l'avantage de croire en Dieu, c'est que ça dispense de croire en quoi que ce soit d'autre. En quelque sorte, tu investis toute la folie de la croyance en un seul objet, Dieu, ce qui te met à l'abri de toutes les autres croyances et superstitions. Rosset critique également Onfray. Selon Onfray, les religions oppriment l'homme, l'humilient etc. Pour Rosset, il y aura toujours des fanatiques et la religion n'est qu'un prétexte commode pour eux, pour assouvir des pulsions violentes, qui auraient de toute façon pu trouver un autre "drapeau". La religion a bon dos, en l'occurrence. D'où le paradoxe : le fanatique est celui qui est incapable de croire en quoi que ce soit, et qui essaie, par ses actes extrêmes, de donner le change.
La même superstition, inversée, se retrouverait chez l'anti-fanatique (type Voltaire) : l'anti-fanatique croit que le fanatique croit vraiment à ce qu'il dit. L'anti-fanatique est donc aussi superstitieux que son adversaire.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 01-09-2011 à 20:22:34

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n°27585245
la pugne
J'peux plus.
Posté le 29-08-2011 à 14:27:56  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Léopardi est un patriote italien. Je pense qu'il aime d'un amour charnel la terre et la littérature de son pays. Cela explique qu'il soit anti-Français.  
Sch. est bien plus européen : il peut lire et citer des auteurs français, espagnols, italiens, anglais, allemands, et il n'aime pas ses compatriotes. Je pense que Sch. est assez résolument athée, en cohérence avec sa doctrine de l'absurdité du vouloir. Léopardi est bien plus "torturé" par la religion. Je crois qu'il voudrait arriver à concilier son pessimisme avec son christianisme -tentative des plus ardues    
 
Sur l'utilité et les nuisances de la religion, Clément Rosset a écrit quelques petites choses intéressantes dans Tropiques. Cinq conférences mexicaines. Il dit, avec Cioran, que l'avantage de croire en Dieu, c'est que ça dispense de croire en quoi que ce soit d'autre. En quelque sorte, tu investis toute la folie de la croyance en un seul objet, Dieu, ce qui te met à l'abri de toutes les autres croyances et superstitions. Rosset critique également Onfray. Selon Onfray, les religions oppriment l'homme, l'humilient etc. Pour Rosset, il y aura toujours des fanatiques et la religion n'est qu'un prétexte commode pour eux, pour assouvir des pulsions violentes, qui auraient de toute façon pu trouver un autre "drapeau". La religion a bon dos, en l'occurrence. D'où le paradoxe : le fanatique est celui qui est incapable de croire en quoi que ce soit, et qui essaie, par ses actes extrêmes, de donner le change.
La même superstition, inversée, se retrouverait chez l'anti-fanatique (type Voltaire) : l'anti-fanatique croit que le fanatique croit vraiment à ce qu'il dit. L'anti-fanatique est donc aussi superstitieux que son adversaire.


 
J'ai un peu de mal avec ça : "l'avantage de croire en Dieu, c'est que ça dispense de croire en quoi que ce soit d'autre."
 
Je connais mal la bible et les évangiles, mais il me semble bien que tout le propos de la religion chrétienne est de faire aimer "son prochain" (soit l'humain aussi égoïste et malfaisant que soi, qu'il est difficile d'aimer si on n'y est pas poussé) puisque ce prochain est à l'image de Dieu.  
 
Et puis Onfray il est bien mignon, mais je préfère une oppression intellectuelle douce (essaie d'être meilleur mon fils) à notre libertarisme de demeurés (profite cousin !).
 
D'ailleurs si on part de mon postulat de départ (religion inventée par de gentils philanthropes détestant la barbarie animale), la question sur le fanatisme n'a plus vraiment de sens.


Message édité par la pugne le 29-08-2011 à 14:34:41

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n°27585495
rahsaan
Posté le 29-08-2011 à 14:46:09  profilanswer
 

Le prophète est, selon Spinoza, doué d'un entendement faible mais d'une forte imagination. Il est le plus apte à prêcher la religion car il croit intensément à ce qu'il dit, et il agit sur l'imagination des hommes, de manière à obtenir d'eux de l'obéissance. Il sait quel langage leur tenir pour les séduire, les impressionner et les intimider.  
 
Le type du défenseur de la religion qui serait secrètement athée, mais y verrait tout de même un bien pour l'homme, serait une sorte d'hypocrite parfait, qui parlerait contre sa conviction (l'athéisme), mais au nom d'une conviction supérieure (sortir de l'homme de la barbarie). Il préférerait une civilisation superstitieuse à pas de superstition du tout.  
 
Quoi qu'il en soit, il faut se souvenir que l'obéissance est toujours première. On commence toujours par obéir, bien avant de comprendre. Et si on peut passer sa vie sans comprendre, il est impossible de la passer sans obéir. Dès lors, la religion est première, c'est à dire l'obéissance, l'ignorance, la superstition, qui s'accompagnent de docilité (de disposition à apprendre). Ensuite seulement, la docilité peut devenir éclairée, et on peut passer de l'obéissance à la compréhension : on ne prend plus les images religieuses au pied de la lettre (les anges, l'enfer, les langues de feu, la mer Rouge qui s'ouvre en deux...) mais on en comprend le sens réel (comme le fait Spinoza dans le Tractatus theologico-politicus).
 
Schématiquement, le parcours serait celui-ci :  
La loi exige d'abord obéissance, car tous les hommes sont ignorants. Ensuite, ceux qui s'éduquent comprennent la relativité, l'historicité de la loi, son arbitraire aussi. Ils critiquent la loi, veulent la changer, se rebeller contre elle. Puis le sage comprend que la loi est bonne, quelle qu'elle soit, car elle impose au minimum l'obéissance et la discipline, indispensables pour ensuite comprendre. Le sage est capable de croire sans superstition, il comprend la vraie foie, celle qui ne s'en tient plus au sens immédiat de l'allégorie, du symbole, des mythes. Si l'on s'en tient à Spinoza, l'Ethique ne s'adresse qu'à l'homme qui est prêt à surmonter ses superstitions et à vivre enfin conformément à la raison.  
Là où la religion aura enseigné l'humilité, la culpabilité, la responsabilité, la honte etc., celui qui se dispose à la raison comprend que ce sont des fictions destinées à affliger les hommes pour les maintenir dans l'obéissance. Les notions métaphysiques de libre-arbitre, de faute, de bien, de mal, ne sont que des reprises, plus abstraites, de notions religieuses engendrées par l'imagination, c'est à dire par ignorance. Il y a donc un parcours circulaire, qui va de l'obéissance à un ordre imaginaire du monde (vision anthropomorphique) à la compréhension rationnelle de la nécessité du monde (vision directe en Dieu). Le sage peut croire librement, il a surmonté le besoin de croire.


Message édité par rahsaan le 01-09-2011 à 20:24:15

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n°27585818
la pugne
J'peux plus.
Posté le 29-08-2011 à 15:10:15  profilanswer
 

J'imagine que pas mal de curés ayant perdu la foi en vieillissant ont fait semblant de l'avoir encore au niveau paroissial, sans perdre de vue le message de base de leurs évangiles.
 
Hypocrisie lucide pour le bien d'autrui ? Ça me va.
 
Bon après tout ça c'est bien mignon, mais quand une armée de demi-éclairés semi-instruits se serrent les burnes en ricanant, tous fiers   d'avoir levé l'illusion religieuse, on va pas pouvoir faire marche arrière facilement (je suis d'avis que ce serait souhaitable), quel que soit le degré de subtilité atteint par les (vrais) sages.
 
En gros, les auto-proclamés sages (mais pas assez sages) auraient-ils éventé le procédé à tort, irrémédiablement? C'est ce que j'ai compris (et ce que j'applique à la religion) de ton résumé du Zibaldone.


Message édité par la pugne le 29-08-2011 à 15:12:36

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Posté le 29-08-2011 à 15:10:15  profilanswer
 

n°27585870
rahsaan
Posté le 29-08-2011 à 15:14:56  profilanswer
 

Le sage s'adresse moins à l'ignorant qu'au demi-instruit. C'est le cas pour Spinoza ou pour Pascal (critique des demi-habiles).  
Quand on a commencé à s'éduquer, il est inutile de faire marche arrière. Il faut aller de l'avant, et boucler la boucle pour surmonter sa demi-ignorance. Mais il est indispensable de passer par elle : l'erreur n'est qu'un moment de la vérité, dit Hegel.


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n°27586021
la pugne
J'peux plus.
Posté le 29-08-2011 à 15:29:17  profilanswer
 

Ce qui m'attire chez lui, et ce que j'aime chez Schopenhauer, c'est justement cette désacralisation, cette relativisation du vrai.
 
Mais si le vrai peut être néfaste, comment arrêter l'individu dans sa quête, et comment prévenir les dommages qu'il va causer sur son passage (et qu'il prenne conscience de ces dommages en arrivant à la case sagesse ne change rien à ceux-ci) ? A part la coercition , je vois pas.
 
Je vais finir par réaliser que je suis pour l'inquisition ou le national socialisme, en fait (lulz).


Message édité par la pugne le 29-08-2011 à 15:29:54

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n°27586039
rahsaan
Posté le 29-08-2011 à 15:31:28  profilanswer
 

L'usage de la raison n'est pas contraire aux libertés, bien au contraire. Si les hommes ne se battaient que pour des idées... (Il n'y a jamais eu de guerre de philosophies).


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n°27586167
la pugne
J'peux plus.
Posté le 29-08-2011 à 15:41:52  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

L'usage de la raison n'est pas contraire aux libertés, bien au contraire. Si les hommes ne se battaient que pour des idées... (Il n'y a jamais eu de guerre de philosophies).


 
Quand la liberté ne devient in fine qu'un individualisme jouisseur, égoïste, puéril, arrogant et imbécile, peut-être que la liberté elle-même n'est pas le Saint-Graal et qu'il est temps de chercher autre chose ?  
 
Un nouvel évangile que je me propose de rédiger ?


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n°27586333
rahsaan
Posté le 29-08-2011 à 15:53:30  profilanswer
 

La liberté n'a de sens que si elle va avec l'égalité et la fraternité, sinon elle vire à ce que tu dis.


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n°27586534
la pugne
J'peux plus.
Posté le 29-08-2011 à 16:10:01  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

La liberté n'a de sens que si elle va avec l'égalité et la fraternité, sinon elle vire à ce que tu dis.


 
Sauf que le désir de liberté (jusqu'au vol, au viol, au meurtre) est très naturel, chez l'homme.  
 
Le désir de fraterniser par contre ? Si j'avais grandi dans les bois, toi aussi, qu'on se rencontre à 13 ans, l'hiver, on a faim, on se rencontre dans une clairière ou gît un lièvre mort, on fraternise et on se le partage ou l'un des deux tue l'autre à coups de pierre pour ramener le précieux loot dans son terrier ? Et si tu étais une femme je te violerais sûrement de surcroît, en enfournant ma barbaque sur ton dos.
 
Alors comment prôner la liberté chez une espèce qui ne souhaite l'avoir que pour jouir (principalement par l'argent) des mêmes avantages que ceux donnés par la force brute (domination pour et par le contrôle des femelles, du territoire) ?
 
Ça a merdé quelque part les théories du "progrès social", et quand à peu près tout le monde a à peu près à manger à sa faim (disons en Europe occidentale), on voit bien ce qu'on a dans la ventre : des tripes, un peu, et de la merde, beaucoup.

Message cité 1 fois
Message édité par la pugne le 29-08-2011 à 16:11:17

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n°27586609
rahsaan
Posté le 29-08-2011 à 16:15:52  profilanswer
 

Tu n'étais pas le scénariste de Salo de Pasolini, toi par hasard ?  :lol:


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°27586658
la pugne
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Posté le 29-08-2011 à 16:19:16  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Tu n'étais pas le scénariste de Salo de Pasolini, toi par hasard ?  :lol:


 
Je ne l'ai même pas vu, mais je vais y remédier rapidos :)


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n°27586796
Profil sup​primé
Posté le 29-08-2011 à 16:28:57  answer
 

rahsaan a écrit :

(Il n'y a jamais eu de guerre de philosophies).

 

Il y a tout de même des guerres qui opposent des méthodes, des appropriations différentes du monde. Toute la suprématie de l'Occident, si on accepte de l'expliquer autrement que par le hasard, peut s'interpréter comme la victoire de la Tragédie (pour peu qu'on inscrive le Dieu chrétien dans sa continuité), à la fois comme sensibilité et comme méthode. Un système comme le capitalisme, par exemple, n'aurait jamais vu le jour si on avait pas, d'une façon ou d'une autre, intégré la crise, l'imprévu, le mal, au sens large du terme, à une mystique. L'idée que les vices privés font les vertus publiques est une déduction du péché originel, une considération du mal comme une condition indépassable (dans le siècle en tout cas). D'où une vision plus flexible, plus ambivalente et sensible au conflit que le désir de règne terrestre du Messie qu'on trouve chez les sémites ou la planification verticale des mandarins. On s'est battu pour les ressources et le pouvoir, certes, mais autant par nos idées, notre art et notre métaphysique que par les armes. Raisonner, c'est s'approprier une dimension spirituelle, et la contester aux autres.

 
la pugne a écrit :

Ça a merdé quelque part les théories du "progrès social", et quand à peu près tout le monde a à peu près à manger à sa faim (disons en Europe occidentale), on voit bien ce qu'on a dans la ventre : des tripes, un peu, et de la merde, beaucoup.

 

Je me demande bien à quoi tu fais allusion ? En quoi consiste cette merde dont l'Occident serait gorgé, ça m'intéresse ?

Message cité 2 fois
Message édité par Profil supprimé le 29-08-2011 à 16:29:17
n°27586826
rahsaan
Posté le 29-08-2011 à 16:31:42  profilanswer
 


 
On ne peut quand même pas parler de guerre. La guerre reste un conflit armé entre deux Etats. On peut parler de guerres de l'esprit, ou de luttes d'appropriation pour des biens intellectuels, mais ce n'est pas pareil.  


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n°27586913
la pugne
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Posté le 29-08-2011 à 16:38:45  profilanswer
 


 
L'Occident est mon exemple de concentration humaine "socialement progressée" (régimes démocratiques libertaires) à peu près nourrie et logée. Dans mon texte ce n'est pas l'Occident qui est gorgé de merde mais l'individu d'espèce humaine, qu'il soit occidental est fortuit.


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n°27586987
Profil sup​primé
Posté le 29-08-2011 à 16:44:22  answer
 

rahsaan a écrit :


 
On ne peut quand même pas parler de guerre. La guerre reste un conflit armé entre deux Etats. On peut parler de guerres de l'esprit, ou de luttes d'appropriation pour des biens intellectuels, mais ce n'est pas pareil.  


 
Certaines guerres n'engagent que des ressources, d'autres engagent une vision du monde (très rarement consciente ou idéologisée, certes). L'esprit n'évolue pas en parallèle de l'histoire ou des contingences de ressources et d'espace, il contribue à la formation du monde, y compris au niveau géopolitique.

n°27587027
Profil sup​primé
Posté le 29-08-2011 à 16:48:10  answer
 

la pugne a écrit :


 
L'Occident est mon exemple de concentration humaine "socialement progressée" (régimes démocratiques libertaires) à peu près nourrie et logée. Dans mon texte ce n'est pas l'Occident qui est gorgé de merde mais l'individu d'espèce humaine, qu'il soit occidental est fortuit.


 
Oui mais du coup je n'arrive pas à voir en quoi ça remet en cause la liberté comme but ou comme valeur ? Si l'humanité est essentiellement un tas de merde, en quoi la brider y changerait quoique ce soit ? Sa nature sera toujours d'exprimer ce que ses individus ont en eux, peu importe de quoi il s'agit.

n°27587354
la pugne
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Posté le 29-08-2011 à 17:22:14  profilanswer
 


 
Si l'homme est une créature malfaisante et égoïste (cf. mon célèbre "le lièvre et le viol" ), présenter la liberté de l'individu comme la valeur et le but surpassant tous les autres me semble être pour le moins foireux.  
 
Puisque l'individu est essentiellement merdique, il faut le transcender. En l'occurence, et pour revenir à la discussion qui a lancé le tout (l'illusion utile), une superstition un peu foireuse mais fraternelle me semble plus bénéfique à la communauté qu'un libertarisme se nourrissant de lui-même.
 
L'Occident (dont je suis un fils respectueux mais lucide) des progressismes puis des individualismes et de la pétasse est une conséquence flagrante de cette sympathique mais néfaste "trop soif " de liberté.


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n°27590579
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Posté le 29-08-2011 à 21:19:31  answer
 

la pugne a écrit :


 
Si l'homme est une créature malfaisante et égoïste (cf. mon célèbre "le lièvre et le viol" ), présenter la liberté de l'individu comme la valeur et le but surpassant tous les autres me semble être pour le moins foireux.


 
Pourquoi ? Les choses ne portent leur devenir qu'en elles-mêmes. Si l'homme est une créature malfaisante et égoïste, il se développera et aménagera le monde en conséquence. Ce qu'il fait. Il utilise tout son génie à se prémunir contre lui-même (à établir des sociétés policées, mais surtout une catharsis), à sortir de lui-même, non pas par une transcendance collective et extérieure, mais par ce qu'il porte en lui, parfois, d'intuition de l'absolu. Or justement, ce qui permet aux sociétés humaines d'être autre chose que le ménagement d'intérêts d'animaux dépourvus de sensibilité (en l'occurrence le divertissement, au sens large, aussi bien métaphysique que commercial), ce sont les individus qui le recèlent, plus précisément le génie individuel. Ce par quoi nous jugeons, ordonnons, qualifions le monde en termes de valeurs, c'est par cette connexion entre l'individu et l'infini, entre l'être individué et l'être absolu, peu importe les noms qu'on lui donne. Chercher la transcendance par le groupe, par l'accouplé, le collectivisé, c'est la façon la plus sûre de casser ce lien, de dépouiller le monde, tel que nous nous le représentons, de sa substance morale, esthétique, logique; en d'autres termes, de ce qu'il peut revêtir à nos yeux comme un visage humain.
 
Peu importe que les gens soient livrés à eux-mêmes, que leur immense majorité ne soit capable, une fois pourvue de liberté, de n'exprimer que leur laideur. Ils ne prendront jamais naturellement une place qui ne leur est pas due. Pour prendre l'exemple de la pétasse, que tu cites (intéressant parce que les bancs des facs de philo, par exemple, en sont infestés), ne seraient jamais allée lire autre chose que le catalogue de the kooples si le projet délirant n'avait pas été nourri, en amont, de leur apporter la connaissance et la transcendance par le biais collectif, sans considération de l'individu. Elle n'aurait jamais exprimé sa laideur hors des cadres définis pour (fringues de merde, télévision, produits de consommation pour demeurés), et donc empiété sur le territoire des gens qui sont faits pour autre chose, si on l'avait abandonné à sa laideur sans l'investir de la prétention d'en sortir. Sa propre liberté aurait été le meilleur rempart contre sa laideur intérieure, et elle s'y serait enterrée. Comme d'autres auraient usé de cette liberté pour produire du divertissement ou de la connaissance, et fait progresser la civilisation un peu plus vers le bien, le tolérable, le confortable, le douillet. Voilà la seule transcendance dont on peut s'embarrasser, le reste est inéluctablement plus foireux. Parce que la pétasse n'est pas ma sœur, et je ne suis pas son frère, aucune illusion utile n'y changera rien. Elle porte en elle le devenir tragique d'être une pétasse et moi une tapette à mèche. [:selfish:1]

n°27594018
la pugne
J'peux plus.
Posté le 30-08-2011 à 09:37:51  profilanswer
 

Concrètement, et quelles que soient ses illusions sur elle-même, une pétasse croyant en l'illusion de Jésus-Christ ressuscité sera-t-elle plus encline qu'une autre à aider un homme qui vient de se prendre un coup de pierre sur le crâne suite à une sombre histoire de viande de lièvre ?


Message édité par la pugne le 30-08-2011 à 09:38:10

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n°27594326
la pugne
J'peux plus.
Posté le 30-08-2011 à 10:11:01  profilanswer
 

Je ne sais pas qui est ce Laurent Chapuis mais je l'aime très fort. Je dois dire que j'avais lu le texte auquel il répond et en avais été étourdi durant plusieurs heures.
 
http://www.lemonde.fr/idees/articl [...] _3232.html


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n°27640046
rahsaan
Posté le 02-09-2011 à 19:24:22  profilanswer
 

Quelques extraits du Zibaldone de Léopardi sur la raison, l'illusion et les passions.  
 
 
« L'ennui est la plus stérile des passions humaines. Fils de la nullité, il est père du néant ; par conséquent, étant en soi stérile, il contamine tout ce à quoi il se mêle et tout ce qu'il approche, etc. (30 septembre 1821) » (page 843)
 
 
« Force de la nature, et faiblesse de la raison. J'ai dit ailleurs qu'une opinion, pour avoir une réelle influence sur l'homme, doit prendre l'apparence de la passion. Tant que l'homme conserve quelque chose de naturel, l'opinion le passionne plus que ses propres passions. On pourrait ajouter, à titre de preuves, d'infinis exemples et considérations. Mais comme toutes ces opinions, qui ne sont pas ou n'ont pas l'apparence de préjugés, ne sont soutenues que par la seule raison, elles sont ordinairement impuissants en l'homme. Les religieux (même aujourd'hui, et peut-être aujourd'hui plus que jamais, à cause de la difficulté qu'ils rencontrent) ont plus de passion pour leur religion que pour leurs autres passions (dont la religion est ennemie). Ils haïssent sincèrement les irréligieux (même s'ils s'en défendent) et, pour voir triompher leur système, seraient prêts à n'importe quel [1817] sacrifice (et ils sacrifient effectivement leurs penchants naturels que condamnent leurs principes), tandis qu'ils éprouvent une véritable rage à le voir déprécié et attaqué. Mais les irréligieux, quand l'irréligion naît en eux de la seule et froide conviction ou du doute, ne haïssent pas les religieux, et ne seraient prêts à aucun sacrifice véritable pour défendre l'irréligion, etc. Ainsi, les haines engendrées par une divergence d'opinion ne sont jamais réciproques, sauf si l'opinion est, des deux côtés, un préjugé, ou qu'elle y ressemble. Il n'y a donc pas de guerre entre préjugé et raison, mais seulement entre préjugés et préjugés, ou mieux, ce n'est pas la raison, mais le préjugé seul qui peut livrer bataille. Les guerres, les inimitiés, les conflits d'opinion si fréquents dans les anciens temps, et même encore aujourd'hui, les guerres extérieures comme les guerres intestines, les guerres entre partis, sectes, écoles, ordres, nations, individus -guerres par lesquelles les anciens étaient naturellement ennemis de ceux qui avaient une opinion différente -, n'éclataient que [1818] parce que la pure raison n'entrait jamais dans ces opinions : elles n'étaient que préjugés, ou en avaient l'aspect, et n'étaient faites que de passion. Pauvre philosophie, dont on fait aujourd'hui si grand cas, et en laquelle on place tant d'espoirs. Elle peut être certaine que personne ne combattra pour elle, alors que ses ennemis la combattront toujours plus violemment ; et moins elle aura d'influence sur le monde et les actions, plus grands seront ses progrès, c'est-à-dire plus elle se détachera et s'éloignera de la nature du préjugé et de la passion. N'espérez donc jamais rien de la philosophie ni du rationalisme de ce siècle. (1er octobre 1821.) » (pages 843-844)
 
 
« L'homme et l'animal, toutes proportions gardées, sont raisonnables par nature. Je ne condamne donc pas la raison, qui est une qualité naturelle et essentielle aux êtres vivants, mais je le fais lorsqu'elle augmente et change (par la seule force d'accoutumances indues et artificielles) jusqu'à devenir le principal obstacle à notre bonheur, un instrument de malheur, une ennemie des autres qualités, etc., naturelles de l'homme et de la vie humaine. (1er octobre 1821.) » (page 846)
 
 
« La capacité à s'accoutumer dérive en grande partie de l'accoutumance (générale), dont elle tire consistance, progression, développement, etc. (3 octobre 1821.) » (page 848)
 
 
« Celui qui n'a jamais eu d'imagination, de sentiment, de dispositions pour l'enthousiasme, l'héroïsme, les vives et grandes illusions, les passions fortes et variées ; qui ne connaît pas l'immense système du beau, qui ne lit ni ne ressent, ou n'a jamais lu ni ressenti les poètes, celui-là ne peut absolument pas être un grand, un vrai et un parfait philosophe ; ou plutôt, il ne sera jamais qu'une moitié de philosophe à la vue étroite, aux yeux faibles et insuffisamment pénétrants, quel que diligent, patient, subtil, dialecticien et mathématicien qu'il puisse être ; il ne connaîtra jamais le vrai et se persuadera et prouvera par de possibles évidences des choses tout à fait fausses, etc., etc. [...] » (pages 849-850)

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 02-09-2011 à 19:34:07

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n°27650842
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Posté le 04-09-2011 à 00:48:51  answer
 

Juste pour précision, j'aurais aimé savoir en quoi Nietzsche était opposé à l'ascétisme (situé pour lui dans l'arrière-monde). Auriez-vous une idée ?  :??:  
Nietzsche était-il épicurien ?

n°27651971
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 11:07:30  answer
 

[:polo99991:4]

n°27652481
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 12:43:24  answer
 


 
Pour le rapport de Nietzsche à l'épicurisme, tu devrais jeter un oeil à ma discussion avec Rahsaan page précédente, il m'a déjà donné des éléments de réponse.
 
Pour l'ascétisme, la lecture de la généalogie de la morale, la 3ème partie (Que signifient les idéaux ascétiques) devrait t'aider. A noter qu'il me semble que si Nietzsche critique beaucoup l'ascétisme, il ne le rejette pas totalement non plus. Je suis en train de lire le gai savoir, et il me semble que Nietzsche insiste sur la nécessité de la morale du troupeau, c'est même une condition de la survie de l'espèce humaine selon lui. A charge pour les quelques hommes d'exception qu'il appelle de ses voeux de s'élever et de donner dans la "tentative" (la Versuch) et les choses dangereuses.
 
Dernière précision, Nietzsche dit bien plus que "ça c'est bien, ça s'est pas bien", c'est même son projet que de dépasser ce genre d'oppositions binaires, tu devrais être attentif aux nuances et même aux contradictions (assumées par Nietzsche!)
 
Sur ce je laisse la place aux mieux instruits que moi sur le sujet, pour éventuellement me corriger ou ajouter des choses  :D  

n°27652599
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 13:04:50  answer
 


 
C'est en lisant le résumé de Généalogie de la Morale sur Wiki (que j'avais commencé à lire mais auquel j'avais pas accroché) que je suis venu ici vous demander :
 

Citation :

La Généalogie de la morale pose la question des origines et de la valeur des valeurs issues du judéo-christianisme qui sont au fondement de la morale occidentale contemporaine.
 
[...]
 
Deux questions traversent l'ensemble du livre : comment en est-on venu, non seulement à croire en de telles valeurs, mais également à faire de la négation de soi la substance même de la vie affective et la norme inconditionnelle des sentiments et des actions moraux ? C'est la question de l'origine. Ces croyances sont-elles bénéfiques à l'homme, sont-elles favorables ou nuisibles à sa santé ? C'est le problème de la valeur de ces valeurs.
 
[...]
 
L’idéal ascétique renvoie à la plus profonde mystification, celle de l’Idéal qui comprend toutes les autres, toutes les fictions de la morale et de la connaissance : il s’agit de la volonté de néant.
 
Pour Nietzsche, les idéaux ascétiques sont entretenus et développés par les prêtres ascétiques. À travers eux, « les faibles et les malades » trouvent un espoir de puissance sur les forts. Les idéaux ascétiques sont les subterfuges inventés par les prêtres ascétiques pour pallier la mauvaise conscience et le ressentiment des faibles. Ces idéaux intègrent une affirmation de l'existence de la vérité, ce que Nietzsche rejette. Pour lui, cette notion actuellement ancrée dans nos esprits d'une vérité qui nous est infiniment supérieure et que nous essayons de connaitre, est le fruit de l'influence des prêtres ascétiques depuis deux mille ans.
 
C'est une erreur fondamentale de l'humanité soulevée ici par l'auteur. Il affirme de même que de nos jours (à l'époque de Nietzsche) la science, les anti-idéalistes et, de façon générale, l'ensemble des êtres humains est endoctriné par cet ascétisme vieux de deux mille ans: c'est-à-dire que tout le monde croit toujours à tort qu'il existe une vérité, cet idéal de connaissance. L'auteur évoque cependant la possibilité que les artistes puissent être les seuls à pouvoir représenter l'antagonisme de l'ascétisme, car ils usent du mensonge et de l'illusion dans leurs œuvres (plus simplement ils ne considèrent pas la vérité, mais le faux).
 
Nietzsche conclut cette dissertation et toute son œuvre en affirmant que les idéaux ascétiques apportent un but à l'existence de l'Homme sur Terre. L'idéal ascétique offre un sens à la souffrance et au labeur de l'humanité. La souffrance jusque là injustifiée trouva sa cause dans la faute. L'humain veut ne plus être, il souhaite ne pas souffrir, ne pas vivre, ne pas mourir, échapper à l'animalité, échapper de cette façon à la vie: Nietzsche résume cette situation en une formule simple : « l'Homme aime mieux vouloir le néant que ne pas vouloir... »


 
Bon là j'ai fait que copier le wiki, mais de ce que j'en comprends c'est qu'en gros si on se fait du mal c'est parce qu'on sait que nos valeurs seront meilleures, et que ce sont celles là qui seront jugées après notre mort.
Si les européens ont pour morale "je préfère me faire mal que de faire mal" c'est surtout à cause de la religion chrétienne ancrée dans notre continent. C'est pas faux que nombre de philosophes étaient croyants à son époque.
Et grosso modo je comprend que Nietzsche dit "arrêtez de vous méprendre sur ces hautes valeurs, car elles n'existent pas et ne servent à rien. Vivez votre vie à fond, comme vous le voulez, car il n'y aura pas de jugement dernier"
C'est un peu comme ça que je le traduis.
 
Du coup : Nietzsche non croyant et épicurien ?
 
 
Et donc le History of European Morals de William Edward Hartpole Lecky m'intéresserait énormément. Apparemment il n'a jamais été traduit  :(  
J'ai envie de connaitre l'origine de notre morale européenne et de savoir si la religion chrétienne est en effet à aux origines de toutes nos valeurs.

n°27652929
rahsaan
Posté le 04-09-2011 à 13:50:35  profilanswer
 


 
Ces valeurs existent et ont une fonction vitale réelle, sans quoi N ne prendrait pas la peine de les combattre. L'ascétisme, le pardon, la repentance, la culpabilité, l'altruisme etc., sont des valeurs qui à la fois ont structuré la vie humaine tout le temps où elles ont eu une autorité profonde, régulatrice. Mais N voit que ces valeurs sont en train de s'effondrer, qu'elles perdent leur caractère contraignant et impératif. Les hommes, en parole, y adhèrent encore, mais ils ne vivent déjà plus selon ces valeurs. Leur conception théorique du monde ne correspond plus à ce qu'ils font en pratique : de moins en moins de gens sont prêts à se flageller, à se priver, à faire pénitence, à battre leur coulpe, à s'oublier dans leur dévouement aux autres etc.  
L'homme se retrouve désemparé : les valeurs anciennes disparaissent peu à peu, et à la place, aucune autre valeur n'apparaît -sinon des valeurs de substitution, des ersatz, comme les droits de l'homme ou le socialisme. C'est la mort de Dieu.  
 
Donc oui, N refuse qu'on accepte encore de juger la vie à l'aune de valeurs posées comme transcendantes (venues d'un au-delà du monde). Simultanément, N montre que ces valeurs ne viennent pas d'un monde supérieur (ce sont des valeurs vitales, et rien que vitales) et en même temps, ils montrent que ces valeurs sont morbides : engendrées par des être faibles, malades, elles conservent cet état de détresse maladive et le transmettent, contaminent des êtres potentiellement sains avec des valeurs imposant des conditions de vie pour malades. C'est comme enfermer de force des hommes sains et puissants dans un hôpital pour grabataires !  
Ce maintien de conditions de vie favorables au pire type d'homme est nuisible à la fois à la majorité grégaire (le troupeau est contaminé, disons : il perd confiance en soi, en l'avenir, considère l'existence comme une vallée de larmes) et aux êtres qui pourraient constituer une exception (le ressentiment châtie et rabaisse tout homme qui voudrait sortir du "troupeau" ).  
 
N cherche alors à tirer parti de la "mort de Dieu" pour inventer de nouvelles possibilités de vie sur terre, dans une existence débarrassée de la culpabilité et du ressentiment : c'est l'athéisme conquis comme une seconde innocence, donc comme un nouvel espoir de bonheur. On retrouverait là un nouvel épicurisme, un épicurisme d'après la religion chrétienne, un épicurisme pas mort malgré la tentative pour l'enterrer et l'oublier -preuve que la vie peut toujours "repartir", comme une plante vive, en surmontant les pires conditions de vie.  
 
 
 
 
 
Voilà une bonne question nietzschéenne : est-ce le christianisme qui engendre le ressentiment ou bien le ressentiment qui crée le christianisme ? Est-ce la religion qui répand une morale ou bien la religion qui est issue de la morale ?  
Il est impossible de répondre en termes strictement causaux. Il n'y a pas de rapport de production mécanique d'une instance par une autre. Une telle logique ne comprendrait pas le fonctionnement propre à la volonté de puissance. Le recours aux instincts et aux pulsions à l'oeuvre dans un organisme vivant (chez un individu ou une collectivité) permet de demeurer en-deçà des divisions entre obligations rituelles religieuses et contraintes morales. C'est seulement en comprenant cela que nous commençons à perdre pied, et à entrer dans ce que N veut nous faire découvrir.  
 
 
Sur l'influence du christianisme sur l'Europe, tu peux lire Quand notre monde est devenu chrétien de l'historien Paul Veyne. C'est un essai tout à fait lisible (l'auteur est un très bon pédagogue, usant volontiers d'un style oral et familier pour se rendre accessible) : il y raconte la christianisation de l'Empire romain après la conversion de l'empereur Constantin 1er. Il montre ce que ce revirement a d'inattendu et de contingent (de religion persécutée, le christianisme devient religion officielle) et comment nos valeurs modernes et contemporaines ne doivent finalement que peu au christianisme. L'influence des chrétiens, comme il le dit par provocation, se résume finalement à leur présence parmi nous... Paul Veyne, qui aime beaucoup N par ailleurs, s'oppose à lui sur ce point.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 04-09-2011 à 15:00:13

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°27652987
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 13:57:18  answer
 

rahsaan a écrit :


 
Ces valeurs existent et ont une fonction vitale réelle, sans quoi N ne prendrait pas la peine de les combattre. L'ascétisme, le pardon, la repentance, la culpabilité, l'altruisme etc., sont des valeurs qui à la fois ont structuré la vie humaine tout le temps où elles ont eu une autorité profonde, régulatrice. Mais N voit que ces valeurs sont en train de s'effondrer, qu'elles perdent leur caractère contraignant et impératif. Les hommes, en parole, y adhèrent encore, mais ils ne vivent déjà plus selon ces valeurs. Leur conception théorique du monde ne correspond plus à ce qu'ils font en pratique : de moins en moins de gens sont prêts à se flageller, à se priver, à faire pénitence, à battre leur coulpe, à s'oublier dans leur dévouement aux autres etc.  
L'homme se retrouve désemparé : les valeurs anciennes disparaissent peu à peu, et à la place, aucune autre valeur n'apparaît -sinon des valeurs de substitution, des ersatz, comme les droits de l'homme ou le socialisme. C'est la mort de Dieu.  
 
Donc oui, N refuse qu'on accepte encore de juger la vie à l'aune de valeurs posées comme transcendantes (venues d'un au-delà du monde). Simultanément, N montre que ces valeurs ne viennent pas d'un monde supérieur (ce sont des valeurs vitales, et rien que vitales) et en même temps, ils montrent que ces valeurs sont morbides : engendrées par des être faibles, malades, elles conservent cet état de détresse maladive et le transmettent, contaminent des êtres potentiellement sains avec des valeurs imposant des conditions de vie pour malades. C'est comme enfermer de force des hommes sains et puissants dans un hôpital pour grabataires !  
Ce maintien de conditions de vie favorables au pire type d'homme est nuisible à la fois à la majorité grégaire (le troupeau est contaminé, disons : il perd confiance en soi, en l'avenir, considère l'existence comme une vallée de larmes) et aux êtres qui pourraient constituer une exception (le ressentiment châtie et rabaisse tout homme qui voudrait sortir du "troupeau" ).  
 


 
Merci, ça m'a complètement éclairé sur la fameuse citation "Dieu est mort"  :jap:  
 
Une question sous-jacente : peut-on dire que la religion est l'apanage des faibles ?

n°27653389
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 14:38:36  answer
 

 

Je pense qu'il te manque quelques éléments pour bien situer l'enjeu du problème que pose Nietzsche.

 

Effectivement Nietzsche critique les valeurs issues de la morale chrétienne (et qui selon Nietzsche sont les mêmes que celles qui gouvernent nos démocraties). Mais comme je te l'ai dit, il me semble important d'insister sur le fait que tout n'est pas blanc et tout n'est pas noir chez Nietzsche.

 

Nietzsche, plus qu'il ne prétend avoir découvert une vérité absolue (ce qui serait contraire à sa philosophie) remet surtout les pendules à l'heure. Un de ses postulats est que l'être humain est un être qui évalue, interprète et c'est de cette manière que l'être humain vit : en donnant une valeur aux choses, en décrétant que telle ou telle chose est bonne, que telle autre est mauvaise (C'est la volonté de puissance (concept phare de Nietzsche) qui est à l'oeuvre ici). C'est pourquoi selon Nietzsche, toute philosophie ayant existé jusque là n'est que l'expression d'une certaine organisation pulsionnelle de l'auteur de cette philosophie (selon Nietzsche, l'être humain recèle en lui des pulsions, par exemple : pulsion d'amour, de croyance, de cruauté etc...).

 

Pour faire simple : l'être humain est un animal qui interprète, qui évalue, et cela donne des philosophies.

 

On continue : L'être humain est donc composé de pulsions, qui s'organisent sous l'empire d'une seule (une pulsion forte de préférence) qui va dominer (type de l'individu fort), ou qui vont se comporter de manière chaotique (type de l'individu faible). Dans la généalogie de la morale, Nietzsche commence par poser que ce sont des individus de type fort qui ont posé les premières appréciations morales, en décrétant et en donnant aux autres hommes pour loi que telle chose est bonne, et telle autre mauvaise. C'était un temps où les morales nobles dominaient, où des individus fort imposaient leur morale aux individus faibles. Puis sont apparues les morales ascétiques, où des sentiments faibles selon Nietzsche tels que la pitié, le ressentiment ont pris le dessus.

 

Quelle est la différence selon Nietzsche entre ces 2 morales?
          - la morale d'origine noble : elle est créatrice, c'est à dire qu'elle ne se construit pas en opposition à quelque chose. Son auteur s'est comporté en créateur en ce qu'il a donné de lui même une valeur aux choses. Ces idéaux reflètent la force, un certain esprit conquérant etc...
          - la morale d'origine faible (plébéienne, du troupeau etc...) : elle est basée sur le ressentiment, un type d'individu faible a éprouvé du ressentiment par rapport à l'individu fort et a constitué sa morale à partir du ressentiment. Cette morale s'est construite en réaction à la morale noble, contre ce noble qui oppressait le faible. Elle exalte la faiblesse du faible, cela donne morales dont les valeurs dominantes sont la pitié, la négation de soi >>> "booouhh nous sommes faibles et les méchants forts nous oppressent, mais nous, nous sommes vertueux car nous sommes miséricordieux envers notre prochain, avons renoncé à la richesse et aux honneurs...". Le faible, pour supporter sa faiblesse fait de cette faiblesse une vertu, et tient la vertu des forts pour ce qui est mauvais, haïssable. En réalité, le faible sous ses airs gentils est un être gorgé de haine à l'encontre du fort là où le fort n'a pas d'animosité particulière à l'encontre du faible.

 

En résumé : les forts sont créateurs, ils font de leurs évaluations la morale dominante. Les faibles se construisent en réaction à cette morale du fort qui de manière collatérale les oppressent et tiennent pour bon ce que les forts/nobles tiennent pour méprisable.

 

Qu'est ce qui entretient et garde les faibles dans la morale du ressentiment?
>> la promesse d'un au delà, et c'est là qu'interviennent le prêtre et la religion.
L'au delà vient comme une récompense à la vie de souffrance du faible, il se console en se disant qu'après sa mort il jouira d'une éternelle félicité auprès de Dieu là où les méchants nobles se retrouveront à cramer en enfer. Cette promesse entretient les faibles dans leur faiblesse en leur faisant miroiter une éternité heureuse s'ils tiennent pour vertu leur faiblesse.
Voilà en gros le pourquoi des monothéismes (pas des polythéismes, mais c'est une autre histoire).

 

Quel est le problème qui se pose pour Nietzsche?
>> les morales ascétiques conduisent au néant. Toutes les valeurs reposaient sur Dieu, mais une fois la preuve de l'inexistence de Dieu faite, que reste il? Tout s'écroule il n'y a plus de Dieu pour exalter les vertus faibles. Rien n'est plus vrai, "si Dieu est mort, tout est permis" disait Dostoïevski. Avec la disparition de Dieu survient le chaos, 2 millénaires de morale ascétique ont entretenu le faible dans l'espoir d'un au delà, sans cet espoir, il n'y a plus de raison de vivre, le monde cruel devient insupportable. L'individu ne veut plus rien.

 

Quelle est la réponse de Nietzsche?
>> Nietzsche réhabilite certains traits de la morale noble. Il insiste sur le côté créateur de cette morale, c'est la solution au néant. "Dieu est mort" dit Nietzsche, mais pour autant l'homme n'est pas condamné au néant, il peut redevenir noble et faire à nouveau acte de création. A partir de là Nietzsche dresse le portrait de son philosophe de l'avenir qui n'agit pas en fonction du ressentiment, mais qui agit de manière noble, c'est à dire qui crée. En sus ce philosophe de l'avenir va interroger les morales dominantes jusque là et poser la question de leur valeur, favorisent elles la vie? Conduisent elles au néant?
Nietzsche va même plus loin ! il pose la question de la valeur de la vérité. Car en effet, la croyance en la vérité est une croyance au même titre que la croyance en la vérité de Dieu, on a seulement retiré le facteur "Dieu". Nietzsche récuse donc toute vérité absolue. Comme je te le disais au départ, toute morale n'est que l'expression d'un certain type pulsionnel, un individu qui a interprété et donné une valeur aux choses, c'est même la condition de son existence. L'individu ne peut pas vivre sans une certaine forme de croyance, il a besoin de poser des valeurs, sinon il périt nous dit Nietzsche. La solution contre le néant est donc de faire oeuvre de création à nouveau.

 

Pour autant, comme je te le disais, Nietzsche estime que les morales ascétiques ne sont pas dépourvues d'un quelconque intérêt. Il est important de souligner, à mon avis, que Nietzsche ne recherche pas l'élévation de l'ensemble de l'humanité. Les morales ascétiques ont cet intérêt qu'elles permettent la cohésion du troupeau et l'empêche de périr. "Mais cette morale conduit au néant et donc au péril de l'humanité!" me diras tu. Oui! mais vouloir rien, c'est encore vouloir quelque chose! (on pourrait en dire plus sur le sujet, mais je t'avoue que je commence à sécher un peu)

 

Enfin je te cite la fin du § 76 du gai savoir :
 " (...) on a besoin de la bêtise vertueuse, on a besoin de ceux qui battent imperturbablement la mesure de l'esprit lent pour que les croyants de la croyance générale demeurent ensemble et continuent à danser leur danse : c'est une nécessité de premier qui commande et exige ici. Nous autres sommes l'exception et le danger, - nous avons éternellement besoin d'être défendus! - Soit, il y a réellement des arguments à avancer  en faveur de l'exception, pourvu qu'elle ne veuille jamais devenir la règle."

 

Le troupeau est organisé et tenu en laisse grâce aux morales ascétiques. A partir de là une poignée d'hommes d'exception pourra s'exercer à la morale noble et à ce qu'elle a de dangereux, car la morale noble ne reconnaît pas la vérité comme but absolu : elle est une tentative, risquée de surcroît et a vocation à ne rester que provisoire. Surtout et j'insiste encore sur ce point, elle est l'expression d'un type pulsionnel déterminé (avec l'action souterraine de la volonté de puissance, mais ce concept à lui seul mériterait un long post).

 


Et je te répond brièvement sur le "vivez à fond". Il s'agit de l'hédonisme, et pour Nietzsche l'hédonisme est une démission, un narcotique que les derniers hommes s'administrent pour essayer d'oublier le néant qui leur tend les bras. Ce ne peut pas être une solution viable, ce n'est pas faire acte de création que de s'abandonner complètement de la sorte.

 

Voilà  :o
A charge d'être complété ou corrigé par un plus expert que moi  :)


Message édité par Profil supprimé le 04-09-2011 à 15:08:40
n°27653412
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 14:41:44  answer
 

rahsaan a écrit :


Nietzsche prétend qu’Épicure est un décadent, en tant qu'il prend le plaisir comme une fin en soi, comme un moyen d'éviter / d'apaiser la douleur. Or, pour N, l'un ne peut aller sans l'autre : qui accroît ses plaisirs accroît aussi ses possibilités de douleur. La vie est pour N excitations et réactions à ces excitations. Une même expérience pourra être vécue comme de la douleur ou du plaisir, mais les deux sont en fait inséparables. Pour N, il est réducteur de penser que, par nature, un organisme recherche le plaisir, c'est à dire un état de satisfaction et d'apaisement de ses pulsions. Une telle interprétation est partiale et dérivée : elle oublie que, plus fondamentalement, le vivant accumule de la puissance et cherche à la dépenser. Le vivant cherche donc sans cesse à accroître sa vitalité, à se "dépasser". Or, cela ne passe pas exclusivement par le plaisir (car le plaisir n'est que "décharge" d'impulsions).  
 
De ce point de vue, Onfray aurait tort de vouloir faire de N un épicurien.  
 
Cependant, N a toujours combattu tout ce qui relève de la valorisation de la mortification, du rabaissement de soi, du dolorisme et de la culpabilisation. Il a combattu tout ce qui est morbide, mortifère, en particulier dans la religion chrétienne : dévalorisation du corps, du sensible. Contre une telle vision malsaine de la vie, N réhabilite le plaisir, mais un plaisir qui ne serait pas recherché pour lui-même, un plaisir qui serait le symptôme d'une force vitale croissante, en particulier dans le domaine de la connaissance. N refuse un savoir sans plaisir, sans esprit, sans légèreté : il condamne dans le kantisme, et dans l'idéalisme plus largement, l'impersonnalité et l'ennui d'une vie morne et ascétique. Le gai savoir n'est pas un labeur pesant, mais un jeu de séduction entre le chercheur et la vie. En ce sens, N est du côté d'Epicure, d'un épicurisme raffiné, moqueur, vivace, stendhalien, désinvolte.


 
Voilà le post de Rahsaan sur Nietzsche et l'épicurisme  ;)  
 

n°27653417
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 14:42:25  answer
 

Rofl j'ai été grillé, mais je suis fier de mon pavé :o

 

Edit : hop Paul Veyne dans ma liste de lecture, merci Rahsaan :jap:

Message cité 1 fois
Message édité par Profil supprimé le 04-09-2011 à 14:45:48
n°27653536
rahsaan
Posté le 04-09-2011 à 14:58:54  profilanswer
 


 
Impossible de répondre de façon tranchée. Le prêtre est un mélange "de volonté de puissance et de maladie". En prêchant des valeurs, il veut se rendre maître de lui-même, maître des hommes : il aspire à être comme le maître du monde, celui qui va donner un sens à la vie humaine. Sa domination ira-t-elle dans le sens de l'affirmation de la puissance vitale ou de sa dénégation ?  
 
Dans l'Antéchrist, N esquisse une typologie des religions :  
Le brahmanisme comme religion aristocratique, auto-affirmatrice, structurant la société en quatre castes, prête à sacrifier la majorité au bonheur de quelques-uns.  
Le bouddhisme, comme religion "pessimiste", potentiellement nihiliste, prêchant l'extinction du désir, le refus de la violence, la douceur, le non-agir.  
Le christianisme comme religion pessimiste, prêchant le salut dans l'au-delà, et en plus, dénigrant la vie ici-bas, donc propageant un ressentiment agressif.  
 
Le brahmanisme semblerait donc valorisé par rapport aux autres religions (tout comme N dit que l'Islam est une religion qui s'adresse à de vrais hommes). Ce serait un système politico-religieux (un "complexe de puissance" ) pour les "forts". Mais le brahmanisme a lui-même des conséquences catastrophiques sur la majorité du "corps social", par exemple l'interdiction faite aux parias de se laver, qui provoque des épidémies abominables. L'élévation de quelques-uns a donc un coût humain exorbitant pour le reste des hommes. Ce coût n'est pas moins exorbitant dans le christianisme, où la réussite de quelques rares et magnifiques exceptions est sacrifiée à la sécurité des médiocres (Michel-Ange et Raphaël obligés de se soumettre au pape ; Goethe et Schopenhauer isolés parmi les Allemands... ). N rappelle simplement que la mise en place d'un système de dressage et de hiérarchisation sociale se paye toujours au prix fort et que, "qui veut la fin veut les moyens". Il n'y a pas d'établissement d'un système de valeurs qui se fasse à l'économie. Le gaspillage est la règle, le risque d'échec également.  
 
 
De façon générale, le prêtre apparaît, chez N, comme presque totalement aveugle à ce qu'il fait réellement. Il n'a tout simplement pas conscience de son rôle réel, ni de la portée des instruments de dressage qu'il emploie. Ce serait au philosophe de suppléer à cette ignorance fondamentale du prêtre (qui croit au caractère en dernier lieu religieux de ses valeurs). S'il y a bien une faiblesse constitutive des prêtres, c'est de ne pas savoir ce qu'ils font, ni quant à l'origine de leurs actions ni quant leur portée.  


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°27653561
rahsaan
Posté le 04-09-2011 à 15:02:43  profilanswer
 


 
 
Oui très bien ;)
 
 
 
 
C'est bien dit  :lol:

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 04-09-2011 à 15:05:07

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°27653657
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 15:20:15  answer
 

Merci pour ces explications, ça m'éclaire pas mal.
 
En gros, les forts ont besoins des faibles, et vice versa ?
Les faibles sont faibles car ils ne peuvent pas être forts ?
Mais ce sont les forts qui font avancer le système, qui font les révolutions ?
Les faibles en grande quantité seraient la gangrène de la société ?
 
Je suis un peu dubitatif sur "la vérité absolue".
Moi qui croit fortement à un système physique expliquant l'ensemble de l'univers, j'ai toujours cru (et crois encore) à l'établissement d'une vérité absolue expliquant tout ce qui nous entoure, dont notre vie sur Terre.

n°27653822
Profil sup​primé
Posté le 04-09-2011 à 15:49:00  answer
 

 

1/Très délicat comme point. En tout cas, les forts ont besoin de ne pas être importunés par les faibles. Le philosophe de l'avenir est souvent décrit comme un solitaire par Nietzsche, voire même pratiquant d'un certain ascétisme. N'oublies pas, tout n'est pas blanc, tout n'est pas noir avec Nietzsche. Les choses se recoupent, sont nuancées, et parfois se contredisent.

 

2/En très gros, oui. Tu devrais jeter un oeil au premier post pour cette question. Dans la rubrique sur Nietzsche tu as un article "pourquoi protéger le faible?" qui développe cette question.

 

3/Je pense que c'est très délicat de répondre à cette question. Tout dépend de ce que tu appelles "système" et ce que tu entends par "le faire avancer". Quant aux révolution, j'aurais tendance à dire que la révolution française pour Nietzsche est le triomphe d'idéaux faibles. Sache aussi qu'il envoie régulièrement de franches saillies contre le socialisme la démocratie, qui ne sont que les prolongements des idéaux faibles et ascétiques jusqu'à notre époque (toujours selon Nietzsche).

 

4/Les faibles sont toujours en plus grand nombre, ce ne sont pas tellement eux qui sont la gangrène mais leurs interprétations qui risquent de contaminer les forts (pour paraphraser Rahsaan). Le problème est que leurs interprétations peuvent empêcher les forts de s'élever.

 

5/N'oublies pas que Nietzsche est dans la tentative. Il ne faut pas nécessairement prendre pour argent comptant ce qui est dit. Il s'agit toujours d'évaluer la valeur des interprétations. Il ne s'agit pas tant de réfuter la science et ses objectifs que d'interroger sa valeur et la valeur de ses objectifs. Encore une fois, Nietzsche remet plus les pendules à l'heure qu'il ne proclame de vérité absolue. Ce faisant Nietzsche rappelle que la science, quoiqu'elle en dise, n'est pas indépendante. Elle est en fait soumise aux valeurs morales qui ont prévalu jusque ici. Le fait qu'il existe une vérité est un postulat arbitraire, c'est donc une croyance, une interprétation morale. Pour autant, cela ne veut pas dire que la science est vaine.

 

Et puis un autre élément, il y a quelque chose qui nous empêche d'accéder à une quelconque vérité absolue, c'est "l'ingrédient humain" (je sais plus si j'ai péché cette expression dans un texte de Nietzsche ou ailleurs), c'est à dire nous qui percevons avec nos sens, à travers un regard humain. Nous sommes en quelque sorte limités par ce que nous sommes et par nos sens.

 

Je me suis construit cette image pour bien me représenter cette idée : imagine un être qui n'a pas d'yeux. Pour lui toute la vérité est sons, vibrations, sensations tactiles, odeurs. Mais il ne voit jamais. Nous, humains qui avons la vue, en savons plus que cet être aveugle, nous pouvons donc dire qu'il se trompe dans ce qu'il tient pour vérité. Alors, ne pouvons nous pas imaginer qu'il puisse exister un être pourvu d'un sens supplémentaire, voire de plusieurs autres, et que cet être aurait accès à une vision de la réalité plus complète que la notre?

 

Edit : depuis tout à l'heure, je lis le gai savoir et je vois plein d'aphorismes qui pourraient illustrer le rapport de Nietzsche à la vérité, je t'en livre un qui est court et assez frappant :

 

§121 : "- Nous nous sommes arrangé un monde dans lequel nous pouvons vivre - en admettant des corps, des lignes, des surfaces, des causes et des effets, le mouvement et le repos, la forme et le contenu : sans ces articles de foi, nul homme ne supporterait aujourd'hui de vivre! Mais cela ne revient pas encore à les prouver. La vie n'est pas un argument; parmi les conditions de la vie, il pourrait y avoir l'erreur."


Message édité par Profil supprimé le 05-09-2011 à 00:15:25
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