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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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1.  "La république" de Platon
 
 
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2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
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3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
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9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
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10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°26850563
alcyon36
Posté le 18-06-2011 à 22:16:01  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
 
C'est une très vieille polémique...je ne pense pas qu'on le saura un jour


Message édité par alcyon36 le 18-06-2011 à 22:17:04

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
mood
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Posté le 18-06-2011 à 22:16:01  profilanswer
 

n°26850967
rahsaan
Posté le 18-06-2011 à 23:28:49  profilanswer
 

Juste pour terminer sur les émotions.  
Le scientifique matérialiste dira : les émotions esthétiques sont en fait des émotions psychologiques. Elles s'expliquent donc soit comme des processus cognitifs, soit comme un ensemble de pulsions psychosomatiques, donc analysables soit par la psychanalyse, soit comme un ensemble de processus physiologiques etc.  
 
L'esthète arrive, et dit : Non, mais vous oubliez la pureté de l'émotion esthétique, qu'elle est désintéressée, qu'en l'éprouvant c'est comme si je ne participais pas à ce monde. Je trouve un salut en elle, je cesse d'être mortel, contingent ; je me sens entraîné vers des sentiments supérieurs, vers une forme sublime d'être ; je ne suis plus seulement moi, je suis vraiment moi, en toute sincérité, j'affronte ce noyau d'inconnu, cet indéfinissable nuit, je caresse le texte, j'échappe à l'"universel journal" (Mallarmé) ; les Muses viennent me murmurer à l'oreille...  
 
Et au fond, on aurait envie de répondre à l'esthète : finalement, l'émotion, pour vous, ce n'est que ça. Un petit envol, un frisson, un bref décollage en apesanteur, une sorte de narcose. Vous avez finalement réduit l'émotion esthétique à la portion congrue. En elle, vous contemplez le vouloir-vivre, vous jouissez d'un peu d'existence pure. Et quand l'émotion retombe, c'est fini, retour à la normale, l'ivresse s'achève et le grouillement de pulsions vulgaires reprend ses droits. C'est du Schopenhauer.  
Dès lors, pourquoi s'étonner que le "matérialiste" n'ait pas trop de mal à négliger une émotion si faible et si peu significative ?... Si l'émotion esthétique n'est plus rien au-delà de l'art des artistes (Nietzsche) et de l'expérience esthétique, si elle ne se prolonge pas au-delà -s'il y a donc une frontière plus ou moins étanche avec les émotions ordinaires- à quoi bon ?... L'ascétisme apollinien finit par éteindre l'émotion : elle la rend exsangue. L'idéalisme parnassien ennuie, ou fait sourire. Violentes et éphémères, quoi d'étonnant à ce que ces émotions passent pour négligeables ? Quand on voit ce que vous avez fait des émotions, on se dit "autant les laisser aux neurologues, qui n'en ressentent rien mais pourront au moins approfondir la connaissance du cerveau et des mécanismes psychologiques"...  
 
Mais Nietzsche voulait qu'on mesure l'émotion non à son intensité mais à sa durée : alors seulement elle serait transfiguration de l'existence, et pas un petit supplément d'âme. Ce pourquoi Nietzsche critiquait violemment l'art des artistes et des spectateurs, qui ne produit que des émotions qui durent le temps du spectacle. Alors là, oui, l'émotion se fondrait dans la vie et n'en serait plus une échappatoire dérisoire. Là, elle serait création continue, et la nier serait nier un processus bien réel, bien substantiel, et cela passerait vraiment pour de la myopie. Mais nier les émois de quelques lecteurs, de quelques héritiers des tenants de l'art pour l'art, quelle incidence  ?...

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Message édité par rahsaan le 03-07-2011 à 00:01:22

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°26853467
rahsaan
Posté le 19-06-2011 à 14:40:15  profilanswer
 

Que peint le peintre ?
 
Difficulté immédiate : La peinture n'a pas d'objet propre. Elle peut tout peindre.  
- Des choses réelles : une forêt, un compotier, un roi...  
- Des choses irréelles (non existantes actuellement) : des scènes mythologiques, le Christ, l'Enfer, une scène de rêve...  
- Des choses abstraites : des lignes, des formes, des couleurs...
 
On ne peut pas définir ce que peint le peintre comme un objet, ou un ensemble d'objets. Faire cela, ce serait simplement proposer une histoire de l'art à partir des objets de choix successivement peints au cours des siècles -ce qui serait à tout le moins une mauvaise histoire de l'art, car cela ne mènerait à rien : il est impossible de simplement définir les sujets valorisés par chaque époque, il faudrait encore comprendre ces choix. Ce qui ne fait que repousser la difficulté : que peint le peintre quand il peint tel sujet ?
 
Le peintre peint certaines choses, par certains moyens (gouache, aquarelle, toile, mur...) en vue de certaines fins (commande privée, commande religieuse, politique etc.)
Difficile dans ces conditions de trouver un invariant anhistorique.
A minima, tout ce qu'on peut dire : un peintre dispose intentionnellement de la couleur sur un support (toile, bois, pierre...). Une peinture, ce n'est jamais que cela, irréductiblement. Un peintre, c'est celui qui sait créer une oeuvre d'art avec de la peinture... ce qui ne nous avance guère quant à savoir ce qu'il fait, en réalité, de cette peinture.  
 
Enjeux :  
1) Dégager la spécificité du travail du peintre et de l'oeuvre d'art. Mais bien partir du point de vue du peintre et de son travail.  
2) Montrer que la peinture n'est pas simplement décoration, ornement plaisant. Le peintre n'est pas un décorateur. Combattre les idées reçues sur la peinture et les mauvaises questions : à quoi ça sert ? ça représente quoi ? pourquoi il a mis du rouge ?...
3) Montrer que le peintre ne copie pas la réalité -qu'il ne cherche pas à représenter le réel.  
4) Plus encore, montrer que le travail du peintre ne consiste pas, en tant qu'il est artiste, à faire une oeuvre offerte au regard du spectateur.
5) On adoptera ici une position internaliste : le peintre définit les critères de ce qu'est la peinture. Opposition à la position externaliste développée par N. Goodman, dans un article de 1977 : "Quand y a t-il art ?". "Ma réponse : exactement de la même façon qu’un objet peut être un symbole – par exemple, un échantillon – à certains moments et dans certaines circonstances, de même un objet peut être une œuvre d’art en certains moments et non en d’autres. À vrai dire, un objet devient précisément une œuvre d’art parce que et pendant qu’il fonctionne d’une certaine façon comme symbole." L'idée, c'est de dire que l'art suppose des circonstances extérieures. Il y a art quand l'oeuvre est exposée dans une galerie, un musée, dans un lieu reconnu comme étant lieu d'art. Point de vue externaliste : celui qui valide le caractère artistique d'une oeuvre, qui, par conséquent, confère sa qualité d'artiste à l'exécutant, c'est le galiériste, le critique ou le commissaire d'exposition, qui font entrer l'artiste sur le marché de l'art. Tout ou presque peut alors devenir objet d'art.
6) Point de vue internaliste qui n'empêchera pas, bien au contraire, de répondre à la question : "quand y a-t-il art ?" Quand le peintre est-il peintre ?...
 
 
 
I/ Le peintre imite la nature
 
a) Pourquoi la question de l'objet de l'artiste se pose-t-elle particulièrement pour le peintre ? Si l'on demandait : "qu'écrit l'écrivain ?", "que joue le musicien ?", "que danse le danseur ?", la question ne serait pas aussi intéressante. Pourquoi ?
La peinture est l'art visuel par excellence. Avant la photographie et le cinéma, il était la reproduction du visible sur un support. Théorie de la mimesis : l'art imite la nature. Dès lors, la peinture est l'art par excellence qui donne l'illusion de la réalité. Il est l'art de référence. Ut pictura poesis, dit Horace : la poésie est comme la peinture. La poésie est de la peinture dite ou chantée.
La peinture est donc l'art qui donne le plus immédiatement l'illusion d'être en présence de la chose : il donne une image qui a l'air d'être identique à l'original, au modèle. Le peintre peint la nature et la conserve sur la toile ou le mur (fresque).  
 
b) En ce sens, le peintre peint aussi bien le visible que l'invisible : il reproduit le visible et donne à voir l'invisible. Platon critique radicalement la mimesis, comme art des simulacres et de la tromperie : le menuisier construit un lit d'après l'idée (l'archétype) du lit. Le peintre, lui, imite le lit : il produit donc une image d'image. Double dégradation de l'idée. Le peintre ne peint pas la chose mais un simulacre. Nous ne devons donc pas nous laisser prendre à son art d’illusionniste, et nous croire en présence de la chose -comme les oiseaux venus manger les raisins peints par Zeuxis. Le peintre aura réalisé un chef d'oeuvre quand il aura si bien imité la nature qu'on s'y laissera tromper. Il aura réalisé une oeuvre plus vraie que nature.
 
 
http://givernews.com/images/photo06/w0103.jpg
Claude Monet, Nature morte, poires et raisin
 
 
c)  Pourquoi commander son portrait à un peintre ? Pourquoi lui demander de peindre telle scène de bataille ?  
Pour immortaliser la personne ou l’événement. Pour que le souvenir en perdure au-delà de la mort, par delà les siècles.  
Nous comptons sur le peintre pour que ne pas sombrer dans l’oubli, pour que la chose peinte soit un témoignage par-delà les siècles. Glorifier le présent (portrait de Louis XIV) et le conserver pour l’avenir. Faire date, laisser une trace.  Pourquoi commander son portrait à un peintre ? Pourquoi lui demander de peindre telle scène de bataille ?  
Pour immortaliser la personne ou l’événement. Pour que le souvenir en perdure au-delà de la mort, par delà les siècles.  
 
 
Nous demandons en fait en même temps trois choses au peintre.  
1) Nous demandons à l’artiste de voir ce que nous ne voyons pas.  La beauté dans la nature. Faire un beau portrait (quitte à embellir nettement le modèle…), exalter la bataille etc. Faire voir « la vie en beau », en plus belle qu’elle n’est.  
2) Nous lui demandons de faire perdurer la scène sensible et singulière, de voir et d’inscrire le temporel fugitif dans l’éternel.  
3) Pour cela, il doit peindre cette chose sensible, cet homme, cette femme, cette scène, et qu’elle continue à plaire même quand les hommes vivants actuellement ne seront plus là pour le voir. Le peintre peint donc l’universel qu’il fait ressortir du particulier. En ce sens, le peintre ne peint ni l'universel, ni le particulier : il peint le singulier, ce qu'est cette chose même et que lui seul peut reproduire à la perfection.  
 
 
http://img.over-blog.com/500x397/0/47/74/11/Turner-au-Grand-Palais/Le-Lorrain-Le-debarquement-de-Cleopatre-a-Tarse.jpg
Claude Le Lorrain, Le débarquement de Cléopâtre à Tarse
 
 
c) Le peintre peint l’absolu : ce qui demeure par-delà la mort, la fuite du temps et l’érosion des choses. Ce qui mérite de rester, ce qui est substantiel et qui manifeste ce que les hommes ont accompli de plus grand. L’absolu comme substance et comme liberté. Celui qui a été peint par Raphaël sait que quelque chose de lui sera sauvé durablement et que la contemplation du tableau suggérera un sentiment d’éternité, de communion entre les hommes par-delà les siècles. Le portrait de Balthazar Castiglione (Louvre) émeut toujours par la beauté simple, virile, sincère, humaine, que Raphaël a su voir dans le portrait de son ami. Il y a là quelque chose qui peut toucher tous les hommes, qui ne meurt pas, qui ne s’épuise pas. Emotion devant une image visible qui garde un témoignage de la vie par-delà la mort. Castiglione est ce portrait affiché au Louvre : il a perdu ses traits accidentels, passagers, changeants. Il reste de lui une vivante présence, qui est l’essentiel en lui. C’est cela que le peintre a accompli. Du relatif et du contingent, il a su extraire l’absolu –et ceci en étant attentif à la singularité même de ce qu’il peignait.  
 
 
http://marincazaou.pagesperso-orange.fr/esthetique/fig14/castiglione02.jpg
Raphaël, Portrait de Baldassare Castiglione
 
 
d) Ce que peint le peintre, quoi qu’il peigne, c’est une présence sensible qu’il fixe sur la toile, et qu’il restitue, par l’excellence de sa technique, l’intensité de sa concentration, l’acuité de son regard, la sincérité de son émotion, la puissance de son expressivité. C’est ainsi qu’au plus haut point, nous trouvons la peinture de Fra Angelico, qui supposait chez lui une ascèse mystique : pour peindre, il faut au préalable jeûner, prier, pour se dépouiller de ses passions ordinaires et pouvoir entrer en communication avec une beauté divine.  
Le peintre dépasse toujours son sujet, il l’amène à l’excellence. Le peintre a quelque chose du démiurge : il peut peindre la nature, mais aussi le surnaturel. En ce sens, il peint aussi bien le visible que l'invisible, qu'il restitue dans son image. L'image visuelle rend les morts présents (portrait de famille) et gardera les vivants présents au-delà de la mort. Le portrait dit la vérité du modèle, même quand elle est cruelle : et au plus haut point chez Dorian Gray, quand les vices apparaissent sur la toile tandis que Gray reste jeune et beau. Et quand Vélasquez peint la famille royale, il nous les montre laids, plus vrais que nature, hideuse famille parée d'apparats royaux. Le Brun fait le portrait de Louis XIV (Louvre) et nous montre toute la solitude hautaine du Roi-Soleil, seul parmi les hommes ses sujets.
 
http://www.repro-tableaux.com/kunst/charles_le_brun_3666/portrait_of_louis.jpg
Charles Le Brun, Portrait de Louis XIV
 
 
e) Nous le voyons, le peintre peint la nature, mais il dépasse en même temps la nature (le sensible immédiat) et confère une dimension spirituelle à son modèle. La qualité de la ressemblance ne suffit pas : il faut que l'oeuvre vaille par elle-même. Le modèle meurt, l'oeuvre demeure. Imitant la nature, le peintre la dépasse : telle est le pouvoir propre du peintre, de dépasser le sensible et de manifester dans l'image le génie de l'Esprit, liberté créatrice qui ne peut se satisfaire simplement de l'immédiateté.  
Aussi ne peut-on juger de l'art du peintre comme de l'art d'un décorateur. Le tableau n'est pas fait pour décorer, pour être un apparat accidentel, comme du papier peint, une frise, un vase, un cadre...  
 
N’avons-nous pas proposé une définition intemporelle de l'art du peintre. N'avons-nous pas nié l’inscription du peintre dans son temps ? Le peintre est de son temps. Il peint selon son les critères esthétiques, les contraintes de son époque, les caprices du commanditaire et les canons académiques. Comment échapperait-il alors au fugitif ? Comment survivrait-il au goût de son temps ?...

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Message édité par rahsaan le 19-06-2011 à 15:22:42

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n°26853627
rahsaan
Posté le 19-06-2011 à 15:04:44  profilanswer
 

II/ Le peintre peint la peinture
 
a) Si la peinture devient si libre qu’elle peut tout peindre, alors elle finit, comme ce fut le cas avec la modernité, par devenir même indépendante du sujet peint. Le peintre s’octroie sa liberté par rapport à l’Académie : il refusera désormais les scènes imposées (mythologie, histoire biblique) et les techniques pluriséculaires.  
On n’en a donc pas fini en disant que le peintre peint son modèle à la perfection qu'il le dépasse : car il se pourrait que cet absolu devienne convention académique desséchante. L’absolu n’est alors plus qu'un canon néoplatonicien, qui détourne du sensible, de la vivacité sensible de l’ici-bas. Le peintre prend son indépendance et affirme son génie propre, original, unique en son genre. Ce n'est plus tant un style à l'intérieur d'une école, une manière à soi, comme Le Parmesan parmi l'art italien ou Rubens chez les Baroques : le style devient une création, une recherche permanente. "Au fond de l'inconnu pour y trouver du nouveau" (Baudelaire). Le peintre donne à voir cette recherche et à nous faire ressentir cette émotion de la nouveauté.
 
 
b) Si le croquis, l’esquisse, le dessin servaient auparavant à présenter au commanditaire une version provisoire de l’œuvre, pour lui suggérer ce que sera l’œuvre définitive, le 18e siècle, et surtout le 19e, apprend à aimer l’inachevé pour lui-même. Le dessin vaut mieux que l’œuvre achevée, l’esquisse vivace mieux que le beau trait bien léché, le croquis mieux que la réalisation exemplaire.  
Aussi le peintre Fragonard peut-il se vanter d’avoir réalisé un portrait en une heure de temps –vantardise impensable auparavant, tant il fallait de labeur et de longues heures pour achever une œuvre ! Le portrait de l'abbé de Saint-Non exprime toute la vivacité du regard, le mouvement des vêtements, l’animation du visage : portrait au plus près d’un portrait vivant –non pas figé dans l’éternité, mais animé, là, devant nous. Le peintre laisse libre cours à sa verve :  
 
http://www.insecula.com/PhotosNew/00/00/02/91/ME0000029167_3.JPG
 
Le peintre ne cherche plus tant un modèle à imiter qu'un motif qui sera la trame de départ qu'il poursuivra et qui "lancera" son inspiration. Le peintre ne peint plus l'absolu : c'est la fin de la sphère romantique de l'art (Hegel). Le peintre n'a plus à peindre le contenu de la religion chrétienne : sa peinture devient profane, il revient vers ce monde, vers cette époque en tant qu'elle se saisit elle-même comme inédite : c'est la modernité. Le peintre saisit dans son temps ses plus fortes possibilités, il saisit ce qu'il y a à peindre aujourd'hui : il est fils de son temps.
 
 
c) L’esthétique moderne finit par ne plus considérer le sujet, mais à voir dans la peinture la naissance de l’œuvre. Le peintre montre par sa peinture ce que c’est que peindre. L’impressionnisme est l’œuvre à l’état naissant, à l’état flou, avant qu’elle ne se fixe dans des formes. Il y a encore de l’indéterminé, du mystérieux, dans cette lumière et ce brouillard. De sa myopie grandissante, Monet a su tirer les ressources pour inventer un art nouveau, qui nous montrera directement l'oeil du peintre, son "rayon spécial" (Proust), le monde tel que lui l'a vu et dont il fait ressortir du jamais vu. Le peintre ne peint plus les belles formes : il s'affranchit de la figuration, il libère les formes, les couleurs, les lignes : c'est l'abstraction.
 
http://2.bp.blogspot.com/_DVgfLaE06cQ/TSObH8fsmfI/AAAAAAAAAHc/yDxSQ7pLCOE/s1600/parlementClaude_Monet+londres.jpg
Claude Monet, Le Parlement de Londres
 
Turner est un grand peintre de la modernité : il peint des tourbillons de vapeur, de poussière, de soleil, image des trains modernes à l’assaut de la campagne. La peintre semble en suspension comme les gouttes d’eau sur la vitre. La peinture n’a pas « figé », elle reste encore incertaine, bien plus propre à la rêverie, à l’imaginaire, que le sujet bien défini, bien net. Le peintre peint la modernité en peignant l’œuvre en train de se faire, en montrant que la peinture n’a pour seule sujet qu’elle-même et la rencontre avec le monde ici et maintenant. Comment voir ce qui est à voir ? Comment voir ce qui est sous nos yeux ?
 
http://www.ibiblio.org/wm/paint/auth/turner/i/sun-setting.jpg
Turner, Coucher de soleil sur un lac
 
d) Le peintre ne peut pas tirer sa dignité de la dignité de son sujet. En peignant, il affirme sa liberté créatrice. Et sa résistance aux conventions, aux attentes du public, au mauvais goût bourgeois qui veut éternellement des Vénus bien érotiques ou des scènes de bataille sanglantes, ou des personnages aux poses édifiantes (hypocrisie moralisatrice cachant une concupiscence plus ou moins coupable : dans les deux cas, la morale y perd – la concupiscence aussi !…)
Le peintre s’affranchit des sujets : Manet, avec le Déjeuner sur l’herbe, peint une scène de genre (une partie de campagnes d’étudiants avec une prostituée) dans le format d’une scène « noble » (format de mythologie ou de scène religieuse). Le peintre en peignant transgresse les attentes du public, le choque. Manet repeint la Vénus d’Urbin de Raphaël dans une maison close. Il met le public face à sa vulgarité. Il montre au public ce qu’il voulait voir avec le voile de la beauté antique. Mais en montrant crûment la prostitution, il choque.  
 
e) Le peintre peint un absolu qui n’est plus éternel : il est fils de son temps, et en cela il est moderne, car il a conscience d’accomplir quelque chose d’inédit, d’original. En peignant la peinture, le peintre peint son temps, c'est-à-dire sa modernité, c'est-à-dire l’éternel dans le fugitif : il peint ce qu’il y a à peindre à son époque. Il peint ce qu’il y a à voir de son temps, et il en est à ce titre un témoin. Le peintre peint son temps et cette possibilité pour le peintre de s'affranchir, en ce temps, du sujet. Il nous démontre par là que l'originalité est la valeur-phare de l'artiste moderne. La beauté n'est plus un modèle, elle est toujours surprenante, "bizarre" (Baudelaire), énigmatique, jamais connue d'avance. A chaque fois, elle nous surprend. Nous ne retrouvons plus un canon de beauté, mais la beauté chaque fois neuve, comme si c'était la première fois.
 
Mais comment éviterait-il alors le cliché ? Ne jouera-t-il pas d’ailleurs avec ce cliché ? A force de peindre la peinture, ne tombera-t-il pas dans le cliché pour avoir voulu éviter les conventions académiques (qui garantissaient au peintre qu’il ne flatterait pas le plus mauvais goût du public et résisterait aux effets de mode) ? Le peintre ne sera-t-il pas prisonnier du fugitif, du contingent, de l’accidentel ?


Message édité par rahsaan le 19-06-2011 à 15:18:35

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n°26853721
Profil sup​primé
Posté le 19-06-2011 à 15:16:51  answer
 

rahsaan a écrit :


c) Le peintre peint l’absolu : ce qui demeure par-delà la mort, la fuite du temps et l’érosion des choses. Ce qui mérite de rester, ce qui est substantiel et qui manifeste ce que les hommes ont accompli de plus grand. L’absolu comme substance et comme liberté. Celui qui a été peint par Raphaël sait que quelque chose de lui sera sauvé durablement et que la contemplation du tableau suggérera un sentiment d’éternité, de communion entre les hommes par-delà les siècles. Le portrait de Balthazar Castiglione (Louvre) émeut toujours par la beauté simple, virile, sincère, humaine, que Raphaël a su voir dans le portrait de son ami. Il y a là quelque chose qui peut toucher tous les hommes, qui ne meurt pas, qui ne s’épuise pas. Emotion devant une image visible qui garde un témoignage de la vie par-delà la mort. Castiglione est ce portrait affiché au Louvre : il a perdu ses traits accidentels, passagers, changeants. Il reste de lui une vivante présence, qui est l’essentiel en lui. C’est cela que le peintre a accompli. Du relatif et du contingent, il a su extraire l’absolu –et ceci en étant attentif à la singularité même de ce qu’il peignait.  


 
C'est ce point qui est tendancieux : l'artiste croit-il entrer dans l'éternité ou juste dans le long terme ?
Enfin on sait tous qu'à moyen terme ces tableaux périront, et qu'il n'y aura plus aucune trace de tout cela.

n°26853740
rahsaan
Posté le 19-06-2011 à 15:19:42  profilanswer
 


 
 
Le support lui-même est périssable. Donc l'oeuvre ne durera pas plus longtemps que pourra durer le support (qui peut voir sa "durée de vie" augmentée par la restauration, la copie, la reproduction), mais elle n'en suggère pas moins un sentiment, dès à présent, d'éternité -quoi qu'elle ne soit pas immortelle.


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n°26871051
rahsaan
Posté le 21-06-2011 à 09:45:00  profilanswer
 

III/ Le peintre peint ce qu'il voit
 
a) L'esthétique moderne veut que l'oeuvre d'art soit composée à l'occasion d'une rencontre imprévue avec la beauté. Diderot, visitant un Salon, passe devant un clair de lune de Vernet et le trouve quelconque. Quelques pas plus loin, il passe devant une fenêtre et voit le vrai clair de lune. Et soudain, il comprend à quel point le clair de lune de Vernet était réussi, à quel point il avait su exprimer le halo lunaire, l'étrange beauté de la nuit bleutée... L'artiste montre au spectateur ce que c'est que de peindre sur le motif, de se laisser séduire par le visage d'une passante, une tonalité de la lumière, l'odeur d'un quartier... La modernité veut rencontre naïve, spontanée, avec la beauté.  
Le peintre nous montre le monde tel qu'il était à ce moment précieux et favorisé, celui qu'il choisit de retranscrire sur la toile.  
 
b) Mais parce qu'il s'inscrit dans une tradition, qu'il peint toujours à partir de ce qui a été peint avant lui, le peintre n'a jamais affaire à la pure sensation : ne travaille-t-il pas toujours même dans les clichés imposés par la tradition ? Une partie de l'art contemporain refuse l'oeuvre d'art, et a même fini par abandonner la peinture dans les années 1970. Le peintre ne pouvait plus peindre, c'était devenu impossible. N'y avait-il plus rien à peindre ? La peinture était-elle supplantée par le cinéma, la vidéo, les installations ?... Quoi qu'il en soit, la peinture seule n'est plus beaucoup pratiquée aujourd'hui. On ne parle plus tellement de peintre, mais d'artistes plasticiens. La peinture est devenue une image parmi d'autres, dans le flot d'images médiatiques qui coulent chaque jour, et dans lequel l'artiste doit se couler lui aussi, pour essayer sans doute d'imposer d'autres images que les clichés des journaux télévisés, du cinéma le plus commercial, de la publicité.  
 
 
http://www.actu-philosophia.com/local/cache-vignettes/L500xH350/Morimura-5c400.jpg
Yasumasa Morimura, Manet, l’Odalisque (1988)
 
 
c) L'oeuvre d'Andy Warhol est dans ce rapport ambigu de dénonciation et d'utilisation des moyens de communication de masse à des fins promotionnelles. Le peintre se sert des moyens modernes de promotion, pour devenir une vedette. Le peintre devient une star, une idole, et il peint le nouveau monde commercial auquel il appartient désormais. A l'époque de la Renaissance, un atelier d'artiste, avec son maître, ses disciples etc. était certainement une énorme affaire commerciale. De plus, à l'époque, l'originalité n'était pas visée, mais l'excellence. On ne cherchait pas nécessairement à innover dans les sujets, et on ne craignait pas de faire des copies d'oeuvre à partir du moule. La nouveauté de Warhol n'est pas de vouloir vivre de son oeuvre, c'est de peindre cette mise en scène commerciale de l'art.  
 
http://farm1.static.flickr.com/31/96727458_434393623a.jpg
Andy Warhol, Mao Tse-Toung
 
 
d) Le peintre du post-moderne ne peint plus une rencontre inouïe inattendue : il peint au contraire la peinture et ses mauvais clichés. Il détourne, reprend, subvertit, parodie à l'envi tout ce qui s'est fait avant lui. Il joue avec les codes, ose faire du kitsch, du mauvais goût, du vulgaire, du tape à l'oeil. La peinture n'est plus contact direct avec la sensation, elle est toujours une couche d'un mille-feuilles. Ce que peint une partie de la peinture contemporaine, c'est la vulgarité du commerce de masse.  
 
e) La posture d'Yves Klein n'est-elle pas une tentative extrême pour lier deux inconciliables : l'attachement de l'artiste à l'absolu, et les contraintes prosaïques de la promotion ? L'artiste comme créateur doit faire le grand écart avec l'artiste comme personnage social qui doit se mettre en valeur. Klein savait à merveille jouer sur les deux registres : le fou de l'absolu, et le promoteur conceptuel malin, qui vous vendait de l'"espace". Le bleu de Klein, ce bleu unique, à la formule inconnue, n'est-il pas comme le pur fantasme commercial : l'objet unique, indéfinissable, absolu. Notez toutes ces publicités qui vous promettent "le produit Y... et bien plus encore". Notez que la promotion de ce bleu de Klein rappelle la promotion de la formule du Coca-Cola, elle aussi considérée comme unique, cachée dans un coffre-fort etc. La boisson la plus célèbre du monde a donc une formule aussi mystérieuse que ce bleu de Klein, aujourd'hui l'une des "marques de fabrique" les plus célèbres du monde.
 
http://www.centrepompidou.fr/education/ressources/ENS-yves_klein/images/xl/3f00039.jpg
Yves Klein, Anthropométrie de l’époque bleue (ANT 82), 1960
 
 
f) L'idéal serait aujourd'hui pour bien des professionnels de l'art contemporain, un peintre qui ne peindrait qu'en vue de ce que les critiques en diront. Des artistes formatés pour faire tourner les grosses institutions, les grosses expositions parrainées par des milliardaires avec l'aide des pouvoirs publics. La peinture aurait moins d'importance que la communication faite autour d'elle. Le peintre pourrait donc bien peindre ce qu'il veut, du moment qu'il aurait assez de baratin et de culot pour justifier sa "démarche".  
L'exigence d'originalité, libératrice au début, s'est retournée contre les peintres, qui sont tenus (par leurs agents, les critiques, les galiéristes) chacun d'être absolument uniques, et pratiquement de réinventer la peinture à chaque exposition, chaque oeuvre... Et pour le côté faussement démocratique de ces opérations, on affirme que chaque spectateur est libre de se faire une opinion, d'aimer ou pas -règle n°1 des publicitaires : qu'on dise du bien ou du mal de vous, l'essentiel est qu'on en parle.
 
 
g) Cette montée généralisée des clichés, le peintre peut-il la combattre ? Selon Deleuze, la page blanche ou la toile blanche ne sont pas blanches, mais encombrées de tous les clichés, de toutes les mauvaises idées dont il faut faire table rase avant de réussir à créer quelque chose de valable. Cette présence des clichés est vieille comme le monde -ce serait seulement une mauvaise idée récente d'en jouer jusqu'à la nausée, idée caractéristique des "périodes faibles", où l'impudence la plus débridée des gens les moins talentueux peut se manifester sans rencontrer d'obstacle.
La peinture est un art de longue haleine, par rapport à la photographie par exemple. Le peintre n'est-il pas un extraterrestre, ou un homme préhistorique perdu dans le 21e siècle ? Pourquoi encore faire de la peinture aujourd'hui, ces images pénibles à créer et à comprendre ? Ne serait-ce pas paradoxalement pour retrouver un contact direct avec la sensation -percer les couches de clichés audiovisuels grâce au regard du peintre -déchirer un coin de l'ombrelle, affronter pour lui-même ce chaos que les clichés engendrent et contiennent à la fois ?...  
Le peintre ne peint que ce qu'il voit, mais ce qu'il a vu, nous n'avons pas pu, ou pas voulu, le voir et lui nous met face à face. Le peintre s'engage dans une déterritorialisation visuelle : ligne de fuite qui perce l'horizon bouchée des stéréotypes et qui nous fait connaître l'émotion d'une sensation prise sur la toile, vertige des couleurs, des figures et des lignes qui devient comme un enchantement, la magie des couleurs de la vie - alors que le "post-moderne" empêchait prudemment ces sensations d'imprégner la toile -dénégation finalement du geste même du peintre... Contre ce cynisme, la peinture (plus que le cinéma et la photo) ne serait-elle pas un art à nouveau naïf, capable d'un regard vierge sur le monde ?
 
 
http://www.francoisboisrond.com/local/cache-vignettes/L800xH614/arton68-059b8.jpg
François Boisrond, Shéhérazade, 1992


Message édité par rahsaan le 04-07-2011 à 03:31:11

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n°26993997
rahsaan
Posté le 02-07-2011 à 21:09:06  profilanswer
 

LES COULEURS DE LA VIE
 
Que serait notre vie sans les couleurs ? Que serait un monde sans couleur ?  
 
 
La vie en noir et blanc
 
Dans le film Pleasantville (1998 -film qui, je le précise d'emblée, n'est pas un chef d'oeuvre mais entre parfaitement dans mon propos), des adolescents se trouvent projetés dans l'univers d'un sitcom en noir et blanc qui se passe dans les années 1950. Pleasantville est une ville tout sauf "pleasant" : caricature d'une petite bourgade puritaine, avec ses rangées de maisons identiques et leurs carrés de jardin, ses habitants stéréotypés et ses élèves qui s'ennuient à suivre les cours sans vie d'une institutrice sans charme. Pleasantville un monde en teintes de gris, sans fantaisie, sans originalité. Il est d'ailleurs impossible de sortir de la ville, qui constitue donc un monde clos à elle toute seule. La vie y est routinière, sans surprise, chaque personnage jouant un rôle stéréotypé. Les gens y mènent une existence dénuée de tout ce qui fait le charme de la vie. Mais bientôt, les adolescents projetés dans ce monde y sèment le désordre, bousculent les carcans de cet univers rigide et font découvrir aux habitants qu'il y a une vie au-delà de cette quotidienneté grise et sans plaisir (l'institutrice connaît son premier orgasme dans sa baignoire etc.), et à mesure que la joie se propage, les couleurs envahissent la ville : un arc-en-ciel se répand dans les rues et font retrouver à ce monde ses couleurs.  
On le voit, un monde sans couleur est un monde sans vie : sans vie, c'est-à-dire sans charme, sans plaisir, car sans surprise, sans imprévu, sans fantaisie. Or, qui voudrait d'une telle vie ?  
La couleur plaît universellement, et sans concept : toute beauté a une couleur. La couleur est le substrat sensible immédiat de toute beauté. Il ne se trouve personne qui n'aime pas les couleurs. Les couleurs sont la vie. Un vivant ne peut pas ne pas aimer les couleurs. Elles séduisent tout le monde. Quelqu'un qui souffre de troubles dans la vision des couleurs ne vit pas tout à fait dans le même monde que nous. Il vit dans un monde doté d'autres couleurs, monde qui, si nous pouvions le voir, nous paraîtrait étrange, comme une autre planète. On peut déjà noter que plus on voit loin, moins on voit bien les nuances de couleur ; à l'inverse le myope est plus apte à les voir. Le daltonien ne distingue pas bien le rouge et le vert. Ou bien ce peintre évoqué, parmi d'autres cas étonnants, par Oliver Sacks dans son livre L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau : un homme qui voyait très loin, mais n'avait pas les couleurs, et qui devient un peintre et nous présente un univers étrange, bizarre, en noir, blanc et gris.  
Les couleurs sont ce que nous avons de plus immédiat, de plus indéfinissable, raison pour laquelle le dictionnaire est bien peine de les définir : le bleu est la couleur du ciel, de l'eau de mer par beau temps ; le rouge est la couleur du coquelicot etc. On ne peut définir une couleur, on ne peut qu'en donner des exemples particuliers. Il n'y a de couleurs que particulières, propres à un support sensible (vieux casse-tête pour physiciens et chimistes : quand la neige fond, où passe le blanc ?).  
La couleur est ce qui compose notre monde quotidien, notre umwelt, tout un ensemble de référence communes sur laquelle s'appuie la vie sociale, des signaux routiers, des peintures de bâtiments, des décorations etc.. D'où vient cet attrait universel pour les couleurs ?
 
 
Les couleurs sans vie
 
Sans l'attrait et la séduction exercée par les différentes couleurs, nous perdrions rapidement goût à l'existence. C'est bien pour cela qu'on parle d'une existence "terne" pour une existence sans joie ; que la grisaille est synonyme de morosité et d'ennui ; que la littérature "grise" désigne la paperasse bureaucratique, volumineuse et rébarbative. Il y a pour cette raison des teintes qui ont l'air d'être sans vie. Des couleurs sans vie. Soit des tons qui évoquent la mort, le morbide (le blême, le blafard), ou la pourriture, la vermine, les excréments (le marron), qui sont associés à la décomposition de la vie, et non à son engendrement (catabolisme, par opposition à anabolisme).  
Sans couleur, la vie n'aurait aucun charme. Et les couleurs qui sont sans vie ne sont pas considérées comme des couleurs, mais comme des teintes qui ne provoquent pas de plaisir : le glauque, le gris-souris, le vert-de-gris, le beige.  
Pourquoi la couleur est-elle donc synonyme de vie ? Pourquoi la couleur est-elle comme la représentation de la vie ?


Message édité par rahsaan le 04-07-2011 à 11:06:52

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n°26996274
Profil sup​primé
Posté le 03-07-2011 à 11:00:29  answer
 

Intéressant  :jap:  
 
J'avais lu sur un site internet :
 

Citation :

   Envisagée dans la longue durée, l’histoire de la couleur bleue au sein des sociétés occidentales est celle d’un complet renversement des valeurs. Pour les peuples de l’Antiquité classique, en effet, cette couleur compte peu. Or aujourd’hui le bleu est de loin la couleur préférée de tous les Européens, quel que soit leur pays d’origine. (…)
 
    Ce qui est certain, (…) c’est que ce goût immodéré des Européens pour le bleu ne remonte nullement à « une lointaine Antiquité ». Il date du Moyen Age central, et plus précisément des XIIe -XIIIe, siècles. On peut même parler pour cette époque d’une véritable « révolution bleue ».
 
    Dans l’Antiquité gréco-romaine, le bleu est une couleur généralement peu appréciée et dont on fait un usage modéré. Pour les Romains, par exemple, le bleu est la couleur des Barbares, notamment des Celtes et des Germains. Non seulement parce que ceux-ci ont souvent les yeux bleus – ce qui à Rome est dévalorisant – mais aussi parce que, chez plusieurs peuples de Gaule, de Bretagne et de Germanie, certains guerriers ont coutume de se peindre le corps en bleu avant de partir au combat. Pour ce faire, ils emploient de la guède, plante dont ils tirent une matière colorante leur servant à se peindre le corps et à teindre leurs vêtements. À Rome, personne ne s’habille de bleu ; ce serait extravagant. Aux dires de César et de Tacite, ce bleu un peu grisé donne à ces guerriers barbares un aspect « fantomatique » qui effraie leurs adversaires.
 
    Le vocabulaire lui-même souligne cette méfiance ou ce désintérêt des Romains pour la couleur bleue. Dire « bleu » en latin classique n’est pas un exercice facile. Il existe certes un grand nombre de mots, mais aucun ne s’impose vraiment. Tous sont en outre polysémiques et expriment des nuances imprécises. Ainsi le mot cæruleus, le plus fréquent pour dire bleu à l’époque impériale, désigne à l’origine la couleur de la cire. Les frontières entre bleu et noir, bleu et vert, bleu et gris, bleu et violet et même bleu et jaune restent floues et perméables. Il manque au latin un ou deux termes de base qui permettraient d’asseoir solidement le champ lexical, chromatique et symbolique du bleu, comme cela se fait sans difficulté aucune pour le rouge, le vert, le blanc et le noir. Cette imprécision du lexique latin des bleus explique du reste pourquoi, quelques siècles plus tard, toutes les langues romanes seront obligées de solliciter deux mots étrangers au latin pour construire leur vocabulaire dans la gamme de cette couleur : d’un côté un mot germanique (blau), de l’autre un mot arabe (azur)…

n°26996296
bronislas
Posté le 03-07-2011 à 11:06:33  profilanswer
 

C'est la thèse de Michel Pastoureau, spécialiste de l'héraldique et de la symbolique des couleurs. Il avait mis en exergue un même renversement dans l'héraldique avec la figure de l'ours, qui est le roi des animaux au début du Moyen-Âge, et dont l'image ne cesse de se dégrader tout au long du Moyen-Âge au profit du Lion.


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mood
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Posté le 03-07-2011 à 11:06:33  profilanswer
 

n°26996334
huygens1
Déterré tous les matins...
Posté le 03-07-2011 à 11:11:46  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Juste pour terminer sur les émotions.  
Le scientifique matérialiste dira : les émotions esthétiques sont en fait des émotions psychologiques. Elles s'expliquent donc soit comme des processus cognitifs, soit comme un ensemble de pulsions psychosomatiques, donc analysables soit par la psychanalyse, soit comme un ensemble de processus physiologiques etc.  


 
Je doute qu'un "scientifique matérialiste" puisse se baser sur la psychanalyse, qui aux dernières nouvelles, n'est pas considérée comme une science.


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- Si le problème a une solution, il ne sert à rien de s’inquiéter. Mais s’il n’en a pas, alors s’inquiéter ne change rien. - Broken Hearts are for Assholes -
n°26996460
rahsaan
Posté le 03-07-2011 à 11:38:22  profilanswer
 

Ajouts ci-dessus : la couleur dans l'art ;)


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n°27004404
rahsaan
Posté le 04-07-2011 à 11:05:21  profilanswer
 

Bon, faut que je reprenne mon texte ci-dessus sur les couleurs de la vie :p J'ai plein de choses à changer. Je l'enlève pour le moment, sauf le début.


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n°27037537
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 06-07-2011 à 23:36:00  profilanswer
 

en train de lire le bouquin de John Gerassi retranscrivant ses entretiens avec Sartre, c'est assez politique et pas très très philosophique mais c'est intéressant et ca donne à voir un autre Sartre


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°27112016
rahsaan
Posté le 13-07-2011 à 20:42:38  profilanswer
 

Entretien avec Pascal Auger autour de Deleuze et du cinéma :  
 
http://actu-philosophia.com/spip.php?article316
 
La fac de Vincennes dans les années 1975-1980. Deleuze et le cinéma. La création au cinéma, autour de la notion d'espace quelconque.  
 
Un témoignage très vivant sur cette époque, sur la passion que Deleuze savait transmettre, et sur la "mystique" de la création en philosophie et au cinéma : comment de telles rencontres peuvent vous bouleverser en vous dévoilant ce que vous n'aviez jamais vu ;)


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n°27138353
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 17-07-2011 à 09:57:20  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Entretien avec Pascal Auger autour de Deleuze et du cinéma :  
 
http://actu-philosophia.com/spip.php?article316
 
La fac de Vincennes dans les années 1975-1980. Deleuze et le cinéma. La création au cinéma, autour de la notion d'espace quelconque.  
 
Un témoignage très vivant sur cette époque, sur la passion que Deleuze savait transmettre, et sur la "mystique" de la création en philosophie et au cinéma : comment de telles rencontres peuvent vous bouleverser en vous dévoilant ce que vous n'aviez jamais vu ;)


 
A propos du cinéma, une analyse intéressante de Roland Barthes dans La chambre claire, notes sur la photographie,  
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Chambre_claire
 
ouvrage qui s'intéresse plus à la photographie, mais qui parle aussi du cinéma, comme transport collectif de l'imaginaire, concomitant avec l'invention du train, transport collectif par excellence ...Parallèle que j'avais entendu dans la bouche de Jean-Luc Godard, qui avait cité, mots pour mots, la phrase de Barthes sans indiquer sa paternité !


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°27138407
leoz
Posté le 17-07-2011 à 10:17:12  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Entretien avec Pascal Auger autour de Deleuze et du cinéma :  
 
http://actu-philosophia.com/spip.php?article316
 
La fac de Vincennes dans les années 1975-1980. Deleuze et le cinéma. La création au cinéma, autour de la notion d'espace quelconque.  
 
Un témoignage très vivant sur cette époque, sur la passion que Deleuze savait transmettre, et sur la "mystique" de la création en philosophie et au cinéma : comment de telles rencontres peuvent vous bouleverser en vous dévoilant ce que vous n'aviez jamais vu ;)


 
 
Merci pour le lien, et pour avoir réalisé l'entretien. C'était fort intéressant, et cela semble donner une image assez juste de Vincennes. Etant étudiant à Paris 8 depuis quelques années maintenant, je peux vous dire que les choses ont bien changé... Non pas tant quant à la qualité de l'enseignement (en tout cas dans l'UFR d'Art, philosophie et Esthétique que je fréquente) mais plutôt dans la politique générale de l'université et de la mise en place forcée de cette saloperie de LRU et de RCE... Je digresse.
 
Je me permets de citer :
 

Citation :

NR : Ce qu’aimait Deleuze, c’était que vous transposiez dans le cinéma des concepts philosophiques, comme lui-même importait en philosophie des concepts venus d’autres domaines.
 
PA : Non, je ne crois pas qu’il y ait de transposition possible. Peut-être que je te comprends mal ou que j’ai mal compris Deleuze, mais je crois qu’en extrayant des concepts du cinéma, il ne prétendait pas que le cinéma fonctionne par concepts. Pour lui, les concepts sont uniquement du domaine de la philosophie, les autres domaines ne fonctionnent pas par concepts, il s’en est expliqué dans Qu’est-ce que la philosophie ?. Et en tout cas il réfutait l’idée d’application de la théorie dans la pratique, donc celle de la philosophie au cinéma, si c’est ce que tu entends par "transposition". Les cinéastes aussi pensent, mais par images.


 
C'est finalement rare de lire des propos simples et justes comme ceux-ci à propos de Deleuze. Je ne donnerai pas de noms (ils sont faciles à trouver), mais quand on voit, par exemple, des compositeurs, écrire des œuvres intitulées Ritournelle ou autre Rhizome, ils semblent ne pas dépasser, ou déplacer, sauf en de bien rares occasions, le mode de la représentation que Deleuze cherchait, quant à lui, à quitter. Ce n'est ici pas le cas de Pascal Auger qui a vraiment lu, et, même si ce n'est sans doute pas à moi de le dire, compris un peu de cette complexe philosophie deleuzienne.
 
Bref, encre merci à toi.


Message édité par leoz le 17-07-2011 à 10:32:31
n°27140233
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 17-07-2011 à 15:31:50  profilanswer
 

une très bonne itw sur Marx et Spinoza en passant par Althusser
 
http://www.canal-u.tv/producteurs/ [...] io_morfino


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°27503139
Kede
Posté le 21-08-2011 à 12:32:09  profilanswer
 

foutre de a écrit :


 
 
plus précisément, c'est :
 
"s'ennuyer quand on est seul, c'est avouer être en bien mauvaise compagnie"
 
 
le style est nettement plus fin. grand art metteur en scène de Cioran...
 
il nous prend au piège : il dit qu'il n'y a personne ; pour ensuite nous asséner qu'il y avait quelqu'un.  
quelqu'un dont les attributs (pour faire aristo...télicien) animent soudain le sens du premier verbe de la phrase - cette phrase fonctionnant sur le modèle de la définition, c'est à dire la représentation en compréhension d'un concept, la formule "x, c'est ..." n'étant rien d'autre que l'identité exprimée verbalement que figurent les deux points des dictionnaires (en grammaire on parle de schéma d'attribution, de verbe d'état, etc.).
et ce quelqu'un qui apparaît ne peut être que le sujet du premier verbe conjugué à l'infinitif, pure généralité du concept.
Deux rapports logiques :
la condition d'extension : quand on est seul, pas à un autre moment
la causalité : on s'ennui parce qu'on est en mauvaise compagnie
 
(non en fait c'est plus subtil : parce qu'il y a cette question d'aveux.
autrement dit la causalité a lieu ailleurs : éprouver de l'ennui quand on est seul, c'est reconnaître (c'est-à-dire énoncer un signe de) quelque chose - pas un lien logique de causalité : le coeur même de la périphrase pour définition, l'identité)
mais parce qu'avouer réfère à une situation de question, il est susceptible d'évoquer la honte, je jugement, le pêché, donc la culpabilité - Cioran fait fonctionner l'imaginaire religieux qu'il passe une partie de son écriture à analyser en tant que moraliste et psychologue égotiste.
 
en quoi consiste le fait de culpabiliser un sentiment, une ambiance, une stimmung (pour faire germanique)?  
en quoi consiste faire d'un sentiment l'aveux honteux d'une situation : une situation d'évaluation sociale. Moi, le seul, en tant qu'autre, jugé... négativement.
 
Cioran en quelque sorte procède en écriture à l'apparition d'un miroir en soi-même, mais profondément, puisqu'il est apparent (phaïnomenon, pour faire grec) sous la forme d'un sentiment : l'intime de la solitude (un truc pas cool si on en croit rahsaan, pas cool parce que justement ennuyeux)
 
Cette phrase de Cioran produit, par sa mécanique logique, sa mise en scène, un cisaillement dans l'unité d'un sentiment, une altération dans l'intime qui, si on me permet cette description métaphorique, "fait abîme" dans l'équilibre de l'unité solitaire du sentiment. du Moi ? en tout cas fait abîme sous les pieds du moi que compose la lecture de la phrase au moment de l'action
 
C'est-à-dire que cela n'est vrai qu'à condition que l'on considère qu'il y a bien jugement, donc altérité et accompagnement social de soi par soi, bref qu'on s'identifie au sens de lecture (le psychodrame) qu'a composé Cioran.
Autrement, si ce spectacle reste un spectacle intime, immanent, alors l'unité du sentiment est maintenu. bref je ne subis pas le jugement parce que je ne me distingue pas plus de celui qui jugerait que de celui qui est jugé, je ne suis que l'épreuve sentimental d'un miroir dans l'ennui (tiens? d'un miroir que m'a tendu Cioran : quelqu'un lui avait demandé, ça ?) : quand je m'ennuie, Cioran est capable de me faire penser ça et sa phrase réveille en moi un jugement, soit du côté de la fatalité (amor Fati, il faut dire), soit du côté du choix (sinon à quoi bon se sentir coupable ; il y faut une dose de liberté)
 
Donc si l'on adhère au mouvement de la phrase de Cioran (moment d'adhésion qui est peut-être le moment métaphysique dont parlait rahsaan : on y croit ou on n'y croit pas, c'est toute l'ambiance de suspicion dont semble constamment procéder l'écriture de Cioran qui fait qu'on est encore susceptible de ne pas s'y livrer, à cette adhésion à l'énoncé), on inscrit en soi, par culture, par mémorisation, par altération, une signification conceptuelle, une représentation pour un sentiment, une signification qui apparaîtra comme son analyse, sa connaissance, sa description... son écriture.
 
ce serait exactement ça l'éducation : la culture comme nomination , c'est un truc primitif au possible.
 
Bon cela dit, les outils d'analyse stylistique, la comparaison avec le premier énoncé incorrect de la citation, montrent bien que la mise en scène, la composition (comme on parle de la composition d'une tableau) de la phrase (on pourrait parler rythmique aussi, protase et apodose, pour faire Klossowskien) induit une duplication, l'apparition d'une altérité dans la solitude, c'est là tout son effet d'éblouissement et d'abysse (analyse micro-mystique ?) : le lecteur se divise à l'instant, sous le vacillement d'un possible jugement, d'une possible position de faiblesse.... d'une possible position de finitude ?
 
 
La question est de savoir si les outils d'analyse logique de l'énoncé que nous fournit une partie de la tradition philosophique nous permettent de penser ce qui s'est passé en nous au moment de cette lecture, de penser cette signification qui vient de s'inscrire. Sentiment de division dans la chair ? effet neurobilogique des connexions cognitives du cortex sollicités par l'activité visuelle ? pire ?
 
en tout cas, le profil d'un sens est apparu, maintenant que nous avons lu Cioran : un énoncé a fait culture d'un de nos sentiments.
Combien disent : "oui, d'accord" à cette éducation intime ? Combien "non" ? on fait un audimat...


Je suis justement entrain de lire Cioran, et cette analyse m'a d'abord impressionné, sauf que la conclusion m'a laissé perplexe [:the dml]  
 

Citation :


(reste à savoir si ma mémoire de la citation n'est pas encore approximative... éducation approximative du sentiment, donc, culture vague...   :( ))


 [:the dml]  
à quoi bon alors analyser un aphorisme de Cioran s'il n'est pas correct ? tout s'effondre.

Spoiler :


sinon up  [:le nouveau shlomo]


Message édité par Kede le 21-08-2011 à 12:32:50

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On est tous en cellule mon petit pote, toi, moi, tout le monde. La vie est une prison. Et la plus terrible de toutes parce que pour s'en évader faut passer l'arme à gauche. Plaisante jamais avec ces choses là. Je vais t'enculer.
n°27503300
alcyon36
Posté le 21-08-2011 à 13:00:55  profilanswer
 

Je suppose que cette une blague et que tu n'es pas sérieux... Mais dans le cas contraire, qu'un aphorisme soit signé Cioran, Nietzsche, La Roche ou même ton serviteur ;), s'il te semble mériter d'être analysé, à quoi bon ne pas le faire? Sachant qu'en l'espèce, si Foutre de s'en souvient sous cette forme, c'est que c'est cette forme là qui a travaillé ses affects, pour s'inscrire définitivement dans sa mémoire...

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 21-08-2011 à 13:07:14

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°27503498
Kede
Posté le 21-08-2011 à 13:45:34  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

Je suppose que cette une blague et que tu n'es pas sérieux... Mais dans le cas contraire, qu'un aphorisme soit signé Cioran, Nietzsche, La Roche ou même ton serviteur ;), s'il te semble mériter d'être analysé, à quoi bon ne pas le faire? Sachant qu'en l'espèce, si Foutre de s'en souvient sous cette forme, c'est que c'est cette forme là qui a travaillé ses affects, pour s'inscrire définitivement dans sa mémoire...


je suppose que ta réponse est également une blague  [:khakha_orbital]  
à quoi bon présenter une phrase comme étant de Cioran, en tirer tout ce qui est possible pour au final dire "ah bah c'est peut-être pas exactement ça en fait".
Ca pourrait ne rien enlever à son réflexion, sauf qu'il se réfère plusieurs fois à la pensée de Cioran et construit son analyse sur celle-ci, en allant jusqu'à retrouver, dans la construction de la phrase, le style de Cioran.

Citation :

c'est cette forme là qui a travaillé ses affects, pour s'inscrire définitivement dans sa mémoire...


Cette remarque me laisse perplexe pour tt ce qu'elle suppose.


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On est tous en cellule mon petit pote, toi, moi, tout le monde. La vie est une prison. Et la plus terrible de toutes parce que pour s'en évader faut passer l'arme à gauche. Plaisante jamais avec ces choses là. Je vais t'enculer.
n°27510590
alcyon36
Posté le 22-08-2011 à 12:21:14  profilanswer
 

Kede a écrit :


je suppose que ta réponse est également une blague


Plus une vanne qu'une blague...
Je trouvais juste ta première intervention particulièrement indigente; il serait sans doute plus intéressant pour nous comme pour toi, soit que tu nous dises si oui ou non il s'agit d'une citation de Cioran, si c'était le cas de nous en proposer un approfondissement ou une autre analyse, et si ce n'était pas le cas de nous fournir l'aphorisme précis...

 

Sur le fond, son analyse de cet aphorisme se subordonne-t-elle effectivement à une analyse du style de Cioran? Si je regarde les passages faisant mention de Cioran:
1)"grand art metteur en scène de Cioran... "/ On peut le dire de tout auteur d'aphorisme n'étant pas dénué de talent
2)"Cioran fait fonctionner l'imaginaire religieux qu'il passe une partie de son écriture à analyser en tant que moraliste et psychologue égotiste."/ ce travail sur le fonctionnement de l'imaginaire religieux n'est pas propre à Cioran, d'ailleurs de mémoire je ne vois pas de grand "moraliste" n'ayant pas travaillé sur cette question, mais je me trompe peut-être je ne suis pas un expert, on me corrigera dans le cas contraire...
3)"Cioran en quelque sorte procède en écriture à l'apparition d'un miroir en soi-même" / idem, ça ne me semble pas un geste propre à l'écriture de Cioran.
4)"c'est toute l'ambiance de suspicion dont semble constamment procéder l'écriture de Cioran" / pour moi c'est le seul énoncé qui fasse directement référence à l'écriture et à la pensée de Cioran...c'est plutôt mince.
Donc je persiste, que cet aphorisme soit ou non de Cioran, "toute" cette analyse ne s'effondre pas, et il ne me semble pas qu'elle soit vraiment construite sur la pensée de Cioran, mais plutôt sur la nature aphoristique du texte... Foutre de aurait pu procéder de même avec Nietzsche, etc...

 

Après, je ne crois pas qu'il soit très intéressant pour ce topic, comme je pense que tu en conviendras, de continuer cette discussion sur ce sujet (enfin libre à toi;)), mais en revanche tu ferais au moins un heureux, et ça serait un peu plus constructif pour ce topic , si tu pouvais développer ton

Citation :

Cette remarque me laisse perplexe pour tt ce qu'elle suppose


ça risque sans doute d'être compliqué de développer tout ce que supposait ma remarque (un beau sujet de philo que le rapport entre Kultur, Bildung et Leib), mais si tu le faisais au moins en partie tu ferais de moi ton obligé;)


Message édité par alcyon36 le 22-08-2011 à 12:59:43

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°27514943
Kede
Posté le 22-08-2011 à 17:51:59  profilanswer
 

je n'aime pas le ton avec lequel tu me réponds, la manière dont tu tentes de me faire comprendre que je ne sais pas. Et en effet je ne m'intéresse à la philo qu'en amateur à peine initié, je serais bien incapable de proposer une analyse détaillée d'un aphorisme de Cioran. Cela dit je m'y intéresse qd même, à mon niveau.  
 
Je dirais donc que ça sent l'agrégé ou le doctorant prétentieux à plein-nez (impolitesse pour impolitesse...)
Il serait néanmoins dommage que le topic philo se ferme encore davantage aux autres, étant donné qu'il est déjà bien peu actif, mais il me semble que ça convient parfaitement à certains ici  [:mlc2]  
 
Cela dit ton analyse ne répond en rien à ma remarque :

Citation :

Donc je persiste, que cet aphorisme soit ou non de Cioran, "toute" cette analyse ne s'effondre pas, et il ne me semble pas qu'elle soit vraiment construite sur la pensée de Cioran, mais plutôt sur la nature aphoristique du texte... Foutre de aurait pu procéder de même avec Nietzsche, etc...


ça ne change rien, puisque le problème n'est pas tant de savoir si l'aphorisme est de Cioran ou de Nietzsche, mais de savoir si, au moins, il est exact.
Evidemment, ça n'enlève rien à la valeur de l'aphorisme en lui-même.  
Mais la dérive est tellement évidente que je ne comprends pas qu'on ne puisse pas la contester en fait  [:the dml]


---------------
On est tous en cellule mon petit pote, toi, moi, tout le monde. La vie est une prison. Et la plus terrible de toutes parce que pour s'en évader faut passer l'arme à gauche. Plaisante jamais avec ces choses là. Je vais t'enculer.
n°27515431
bronislas
Posté le 22-08-2011 à 18:31:19  profilanswer
 

C'est un philosophe Cioran ?  :o  

Spoiler :

(J'espère clore la polémique soit en soulevant une vraie réserve derrière un semblant de question, soit en réconciliant les deux antagonistes autour de l'incroyable prétention de cette fausse-question, mais je me fais peu d'espoirs...  :o )


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Librarything|Last.fm|RYM
n°27518372
alcyon36
Posté le 22-08-2011 à 21:55:02  profilanswer
 

Kede a écrit :

je n'aime pas le ton avec lequel tu me réponds, la manière dont tu tentes de me faire comprendre que je ne sais pas. Et en effet je ne m'intéresse à la philo qu'en amateur à peine initié, je serais bien incapable de proposer une analyse détaillée d'un aphorisme de Cioran. Cela dit je m'y intéresse qd même, à mon niveau.  
 
Je dirais donc que ça sent l'agrégé ou le doctorant prétentieux à plein-nez (impolitesse pour impolitesse...)
Il serait néanmoins dommage que le topic philo se ferme encore davantage aux autres, étant donné qu'il est déjà bien peu actif, mais il me semble que ça convient parfaitement à certains ici  [:mlc2]  
 


Ni doctorant, ni agrégé, ni de capes, ni même fais d'études de philo ou de lettres (je n'ai pas besoin de ça pour être suffisant  :D ), ... tout comme toi je lis de la philo en diléttante...
Mon ton était certes meprisant, mais correspondait assez bien à la manière dont j'ai pris ta première intervention, que j'ai trouvée particulièrement désagréable... il semblerait que je me sois trompé sur ton intention,ayant pris pour de l'agressivité une certaine maladresse, et te présente donc mes plus plates excuses... Quoiqu'il en soit, il serait dommage que tu ne viennes pas nous faire partager tes lectures pour si peu (il n'y a pas que des connards dans mon genre sur ce topic, il y a d'autres genres de connard, et même des pas connard du tout)... par exemple sur Cioran, que personnellement je n'ai jamais lu tu as tout à m'apprendre... Enfin, être actif pour être actif, je ne suis pas certain d'y voir un grand interet non plus;)
 
Ensuite, je tiens à preciser que lorsque je t'invitais à developper ta remarque concernant mon propos sur le rapport entre affects et Bildung, pour le coup ce n'était pas une marque de mépris mais une réelle invitation à exposer ta pensée sur ce point (question qui m'interesse bcp mais que je suis bien incapable de traiter en ce qui me concerne), car ça me semblait plus constructif que notre présent échange; et tu dois bien admettre que la manière dont tu y avais répondu semblait impliquer que tu en avais sous la pédale.  
 
Enfin, sur le fond de ce petit problème, et ce sera ma dernière intervention sur ce point vu que je commence déjà à saouler les autres, mais ca me permettra peut être de te faire comprendre pourquoi j'ai mal pris ta première intervention:

Citation :

ça ne change rien, puisque le problème n'est pas tant de savoir si l'aphorisme est de Cioran ou de Nietzsche, mais de savoir si, au moins, il est exact.

Donc si je comprends bien ton dernier post ce que tu voulais savoir à l'origine c'était si oui ou non cet aphorisme était bien de Cioran et s'il était exact... alors pourquoi diable n'as tu pas posé ta question directement du genre "pouvez vous me confirmer qu'il s'agit bien d'un aphorisme de Cioran et s'il est exact?". Au lieu de ça, tu viens dire "à quoi bon alors analyser un aphorisme de Cioran s'il n'est pas correct ? tout s'effondre." Pour moi, ca pouvait vouloir dire deux choses; soit tu disais que ce ne servait à rien, pour notre connaissance de Cioran, d'analyser un texte qui n'est pas de Cioran, mais ce fait est tellement evident que tu dois bien te douter qu'un mec qui est capable de produire ou de comprendre une analyse de cette facture en est bien conscient (faut pas deconner quand même:)), soit tu considerais qu'un aphorisme ne mérite d'être analysé que s'il est "signé" par tel ou tel, et non pas pour sa valeur propre... Je n'ai pas "osé" t'attribuer le premier sens, d'où ma première réponse, certes assez agressive mais pas trop eu égard à ce qui me semblait être un foutage de gueule caractérisé, car dans les deux cas ca me semblait (et me semble toujours, dsl) une intervention sans grand interet et guère constructive, chose qui me déplait fortement lorsqu'elle s'attaque à une quelconque contribution de ce topic.
Par la suite tu as ajouté que "Ca pourrait ne rien enlever à sa réflexion, sauf qu'il se réfère plusieurs fois à la pensée de Cioran et construit son analyse sur celle-ci, en allant jusqu'à retrouver, dans la construction de la phrase, le style de Cioran. " ce à quoi justement le commentaire de mon deuxième post permettait de répondre que ne reposant pas sur la pensée de Cioran, le fait que cet aphorisme soit ou non de Cioran n'enlevait rien à la reflexion developpée dans son analyse.
Donc voilà, pour moi ce sujet est clos, en esperant que ma suffisance et mon esprit de merde ne nous empêche pas au mieux de bien nous entendre par la suite, et au minimum d'avoir le plaisir de lire quelques unes de tes analyses ou impressions de lecture.
 
Bien à toi.


Message édité par alcyon36 le 23-08-2011 à 09:36:46

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°27518638
alcyon36
Posté le 22-08-2011 à 22:07:07  profilanswer
 

bronislas a écrit :

C'est un philosophe Cioran ?  :o
(J'espère clore la polémique soit en soulevant une vraie réserve derrière un semblant de question, soit en réconciliant les deux antagonistes autour de l'incroyable prétention de cette fausse-question, mais je me fais peu d'espoirs...  :o )


M'enfin?!, comme dirait l'autre... :lol:
je n'en sais foutrement rien je ne l'ai jamais lu...

 

Rien à voir, mais en ce moment je suis en train de rédiger un article sur la question de la Renaissance dans  l'AC de Nietzsche, question qui me permet de développer l'enjeu, au sein de la critique générale qu'il fait du christianisme, de la différenciation qu'il opère entre catholicisme et protestantisme eu égard à l'ERM et à la transvaluation de toutes les valeurs réactives... je m'amuse comme un petit fou, mais c'est assez fastidieux, car celui-ci j'aimerais vraiment le publier dans une revue à comité de lecture.
Et toi, que fais tu de beau?


Message édité par alcyon36 le 22-08-2011 à 22:08:03

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°27520713
Profil sup​primé
Posté le 23-08-2011 à 01:39:38  answer
 

Je drapalise [:drapal] Risqué ici paraît il :o
 
Je me suis lancé dans la philo en amateur voilà une paire de mois :
 
Platon : Le Banquet, Gorgias, Apologie de Socrate, Criton
Hume : Enquête sur l'entendement humain
Sénèque : De la constance du sage, de la tranquillité de l'âme, de la providence, du loisir
Nietzsche : Par delà bien et mal, La généalogie de la morale
Russell : Éloge de l'oisiveté (pas de trop de la philo ça je crois non?)
 
Oui je suis en vacances et j'ai que ça à foutre :o Oui salaud d'étudiant qui branle rien :o Mais après tout je sortirai de cet été moins bête  :D  
 
Merci pour les posts de première page, ils m'ont été très utiles, en particulier pour bien comprendre Nietzsche  :jap:  
Je projette d'ailleurs d'approfondir ma lecture de cet auteur qui est celui qui m'a le plus intéressé pour le moment. Au programme : le gai savoir, Zarathoustra et l'antéchrist.

n°27521384
alcyon36
Posté le 23-08-2011 à 09:18:56  profilanswer
 

Personne n'a été tué sur ce topic, et tant que tu n'es pas un sal chômeur profitant de l'aide de la société pour écrire de pseudos textes sur Nietzsche & co, l'honneur est sauf...;)
Ca ce sont de belles vacances comme je les aime...

 

Pour le GS et Z, ce sont de vraies merveilles à consommer sans modération aucune.
Comme je le disais dans mon precedent post, je suis en plein l'Antéchrist, et ce depuis pas mal de temps déjà. Ce n'est pas le livre que je préfere de Nietzsche, mais c'est tout de même l'authentique texte de la "volonté de puissance", ou plutôt de "la transvaluation de toute les valeurs réactives", donc il mérite un certain interet. Mais si je puis me permettre, je te conseillerais plutôt de lire (dans un premier temps) la Généalogie de la morale (voire peut être même Humain trop humain ou Aurore) plutôt que de te lancer directement dans l'AC... enfin c'est juste un conseil en passant.

 

Très bonnes lectures et vient vite nous en reparler...

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 23-08-2011 à 09:26:25

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°27521708
phyllo
scopus inornatus
Posté le 23-08-2011 à 10:06:01  profilanswer
 

Oserai-je conseiller aussi d'écouter la contre-histoire de la philo d'Onfray sur Nietszche (la construction du surhomme 2009, il me semble) qui est à mon sens une bonne année de ce court (avec la première année).

n°27523576
Profil sup​primé
Posté le 23-08-2011 à 12:39:14  answer
 

alcyon36 a écrit :

Personne n'a été tué sur ce topic, et tant que tu n'es pas un sal chômeur profitant de l'aide de la société pour écrire de pseudos textes sur Nietzsche & co, l'honneur est sauf...;)
Ca ce sont de belles vacances comme je les aime...

 

Pour le GS et Z, ce sont de vraies merveilles à consommer sans modération aucune.
Comme je le disais dans mon precedent post, je suis en plein l'Antéchrist, et ce depuis pas mal de temps déjà. Ce n'est pas le livre que je préfere de Nietzsche, mais c'est tout de même l'authentique texte de la "volonté de puissance", ou plutôt de "la transvaluation de toute les valeurs réactives", donc il mérite un certain interet. Mais si je puis me permettre, je te conseillerais plutôt de lire (dans un premier temps) la Généalogie de la morale (voire peut être même Humain trop humain ou Aurore) plutôt que de te lancer directement dans l'AC... enfin c'est juste un conseil en passant.

 

Très bonnes lectures et vient vite nous en reparler...

 

Je l'ai lue, elle m'a énormément éclairé Par delà bien et mal d'ailleurs. J'en avais globalement saisi la moelle mais certains passages m'avaient posé des difficultés.
Mais oui en effet, ces 2 bouquins ont été un ravissement à lire : ce jaillissement d'idées en apparence désordonné mais qui finit toujours par s'imbriquer à la fin, parfois de manière inattendue.

 
phyllo a écrit :

Oserai-je conseiller aussi d'écouter la contre-histoire de la philo d'Onfray sur Nietszche (la construction du surhomme 2009, il me semble) qui est à mon sens une bonne année de ce court (avec la première année).

 

Ça me sera surement utile, merci  :jap:
J'ai regardé ce documentaire sur Nietzsche, je crois que je l'ai trouvé ici d'ailleurs : http://www.dailymotion.com/video/x [...] ilo_webcam

 

A propos d'Onfray justement, j'ai dans l'idée peut être de lire un de ses bouquins, est ce une lecture intéressante?

 

Je me suis familiarisé avec le bonhomme un peu et j'ai une question : Onfray se revendique nietzschéen et hédoniste, or j'ai cru comprendre que pour Nietzsche, l'hédonisme est une sorte d'anesthésiant dont se servirait notamment le dernier homme pour rendre plus douce sa disparition prochaine (en gros, et si j'ai bien compris). N'y a t il pas là une contradiction dans la position d'Onfray?

 


Merci pour vos réponses :jap:

 

Edit : J'ai vu il y a quelques temps que certains ici évoquaient l'article de Enthoven dans philo mag sur le GPS et la liberté. J'ai le document à disposition et je peux le scanner si l'un d'entre vous le réclame.

 

Message cité 2 fois
Message édité par Profil supprimé le 23-08-2011 à 12:42:55
n°27524034
rahsaan
Posté le 23-08-2011 à 13:31:11  profilanswer
 


 
Bien vu, tu as compris la logique ;)
 
 
 
Bien vu là aussi ;)
 
Nietzsche prétend qu’Épicure est un décadent, en tant qu'il prend le plaisir comme une fin en soi, comme un moyen d'éviter / d'apaiser la douleur. Or, pour N, l'un ne peut aller sans l'autre : qui accroît ses plaisirs accroît aussi ses possibilités de douleur. La vie est pour N excitations et réactions à ces excitations. Une même expérience pourra être vécue comme de la douleur ou du plaisir, mais les deux sont en fait inséparables. Pour N, il est réducteur de penser que, par nature, un organisme recherche le plaisir, c'est à dire un état de satisfaction et d'apaisement de ses pulsions. Une telle interprétation est partiale et dérivée : elle oublie que, plus fondamentalement, le vivant accumule de la puissance et cherche à la dépenser. Le vivant cherche donc sans cesse à accroître sa vitalité, à se "dépasser". Or, cela ne passe pas exclusivement par le plaisir (car le plaisir n'est que "décharge" d'impulsions).  
 
De ce point de vue, Onfray aurait tort de vouloir faire de N un épicurien.  
 
Cependant, N a toujours combattu tout ce qui relève de la valorisation de la mortification, du rabaissement de soi, du dolorisme et de la culpabilisation. Il a combattu tout ce qui est morbide, mortifère, en particulier dans la religion chrétienne : dévalorisation du corps, du sensible. Contre une telle vision malsaine de la vie, N réhabilite le plaisir, mais un plaisir qui ne serait pas recherché pour lui-même, un plaisir qui serait le symptôme d'une force vitale croissante, en particulier dans le domaine de la connaissance. N refuse un savoir sans plaisir, sans esprit, sans légèreté : il condamne dans le kantisme, et dans l'idéalisme plus largement, l'impersonnalité et l'ennui d'une vie morne et ascétique. Le gai savoir n'est pas un labeur pesant, mais un jeu de séduction entre le chercheur et la vie. En ce sens, N est du côté d'Epicure, d'un épicurisme raffiné, moqueur, vivace, stendhalien, désinvolte.

Message cité 2 fois
Message édité par rahsaan le 23-08-2011 à 13:47:40

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°27524552
Profil sup​primé
Posté le 23-08-2011 à 14:10:39  answer
 

rahsaan a écrit :


 
Bien vu là aussi ;)
 
Nietzsche prétend qu’Épicure est un décadent, en tant qu'il prend le plaisir comme une fin en soi, comme un moyen d'éviter / d'apaiser la douleur. Or, pour N, l'un ne peut aller sans l'autre : qui accroît ses plaisirs accroît aussi ses possibilités de douleur. La vie est pour N excitations et réactions à ces excitations. Une même expérience pourra être vécue comme de la douleur ou du plaisir, mais les deux sont en fait inséparables. Pour N, il est réducteur de penser que, par nature, un organisme recherche le plaisir, c'est à dire un état de satisfaction et d'apaisement de ses pulsions. Une telle interprétation est partiale et dérivée : elle oublie que, plus fondamentalement, le vivant accumule de la puissance et cherche à la dépenser. Le vivant cherche donc sans cesse à accroître sa vitalité, à se "dépasser". Or, cela ne passe pas exclusivement par le plaisir (car le plaisir n'est que "décharge" d'impulsions).  
 
De ce point de vue, Onfray aurait tort de vouloir faire de N un épicurien.  
 
Cependant, N a toujours combattu tout ce qui relève de la valorisation de la mortification, du rabaissement de soi, du dolorisme et de la culpabilisation. Il a combattu tout ce qui est morbide, mortifère, en particulier dans la religion chrétienne : dévalorisation du corps, du sensible. Contre une telle vision malsaine de la vie, N réhabilite le plaisir, mais un plaisir qui ne serait pas recherché pour lui-même, un plaisir qui serait le symptôme d'une force vitale croissante, en particulier dans le domaine de la connaissance. N refuse un savoir sans plaisir, sans esprit, sans légèreté : il condamne dans le kantisme, et dans l'idéalisme plus largement, l'impersonnalité et l'ennui d'une vie morne et ascétique. Le gai savoir n'est pas un labeur pesant, mais un jeu de séduction entre le chercheur et la vie. En ce sens, N est du côté d'Epicure, d'un épicurisme raffiné, moqueur, vivace, stendhalien, désinvolte.


 
Merci  :jap:  J'avais senti la nuance mais je n'étais pas arrivé jusque là à l'exprimer clairement.
 
Je vais continuer de suivre ce topic assidument et m'exprimer dans la mesure de mes moyens.  :jap:  

n°27528231
phyllo
scopus inornatus
Posté le 23-08-2011 à 18:27:21  profilanswer
 


 
Chercher la contradiction chez Onfray, c'est un peu chercher une paille dans une meule de foin.
 
(Mais je l'aime bien quand même).

n°27530336
Profil sup​primé
Posté le 23-08-2011 à 21:32:45  answer
 


 
 :jap:  
 
Le système français dans toute sa splendeur.
Les vacances à rallonge et les semaines "vides" de cours, c'est le meilleur moment de la vie pour lire/apprendre.

n°27531384
Profil sup​primé
Posté le 23-08-2011 à 23:03:59  answer
 

phyllo a écrit :


 
Chercher la contradiction chez Onfray, c'est un peu chercher une paille dans une meule de foin.
 
(Mais je l'aime bien quand même).


 
Elle est quand même pas des moindres celle là :D
 
D'ailleurs, une question qui me revient régulièrement depuis que je me suis intéressé à Nietzsche : peut on se dire nietzschéen?  
Je n'en ai pas l'impression. Il me semble que, plus que le contenu qu'il peut avoir, c'est la notion même de dogme que Nietzsche récuse. A partir de là, se présenter comme nietzschéen, c'est un peu faire de sa philosophie un dogme, non?
J'ai conscience que cette analyse est assez grossière. J'ai quand même le sentiment que parfois, Nietzsche présente plus une attitude de réflexion ("l'esprit libre" ) qu'une philosophie à proprement parler (les philosophes à système).
 
 
 
J'ai fini mes cours (examens compris) le 21 avril et je ne reprends que le 12 septembre. Je te laisse imaginer le temps que j'ai eu, et que j'ai encore (un peu) à ma disposition :o A ma décharge, je voulais faire un stage, mais le système interdit ce genre de démarche aux gens de bonne volonté qui voudraient profiter d'un peu de temps libre pour se former (j'arrive en master 2 quand même, tout est bon à mettre sur un cv maintenant).
 
Bref 3615 mylife :o  
 
C'est vrai en tout cas, je n'ai jamais autant appris de ma vie, et je redoute le jour où j'aurais moins de temps pour satisfaire ma curiosité.  
Et on arrive à l'éloge de l'oisiveté de Russell qui est tout de suite un peu moins hors sujet. C'est un peu ce genre de sentiment qui m'a fait lire ce bouquin. Peut être un peu naïf dans le ton mais je crois que ça fait un peu partie du bonhomme. Il y critique le travail en tant que valeur suprême et aliénante et y fait l'éloge de l'otium, le loisir actif et savant.
 
D'ailleurs, pour aborder Russell, quel bouquin vous me recommandez? Avec sa pipe et son air de vieillard gentil, j'ai toujours imaginé ce type dans un rocking chair au coin du feu. Du coup ça donne envie d'aller s'asseoir et d'écouter ce qu'il a à raconter.

n°27531586
rahsaan
Posté le 23-08-2011 à 23:25:09  profilanswer
 


 
Oui, c'est ça. N recherche un certain type de lecteur, les bons lecteurs qui seraient capables d'entrer dans sa logique. Mais il ne veut pas à proprement parler des disciples.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°27546457
rahsaan
Posté le 25-08-2011 à 11:38:55  profilanswer
 

Quelques notions de Léopardi
 
Le Zibaldone n'était pas à l'origine pensé comme un livre. Il réunit en fait des propos sur des thèmes très variés, qui auraient donné matière à plusieurs traités, de politique, d'esthétique etc. Mais ces traités n'ont pas été écrits. Il nous reste donc ce riche mélange, le Zibaldone. Léopardi écrit jour après jour, des remarques qui vont de quelques lignes à plusieurs pages, qui traitent de tous les sujets qui intéressent les humanités : la langue, la civilisation, la poésie, l'étymologie, la religion, la politique... Malgré la dispersion apparente des thèmes, on retrouve des préoccupations constantes et certaines lignes de questionnement profondes. Si le Zibaldone est tout sauf un traité, il mérite pourtant d'être lu en intégralité.  
 
J'ai dû acheter ce livre vers 2005, quand il est sorti chez Allia et j'en avais un peu parlé sur ce topic à l'époque (sur le thème de l'illusion notamment). Aujourd'hui, je ne l'ai toujours pas fini. Je le lis de temps en temps, de façon tout à fait irrégulière, de sorte que je n'en ai lu que 800 pages, sur plus de 2000 au total.  
 
Assez toutefois pour cerner quelques notions récurrentes et les présenter brièvement, projet que j'ai depuis de nombreuses années et que je ne m'étais jamais décidé à faire.  
 
 
Les illusions
 
L'illusion n'est pas considérée par Léopardi comme un trouble passager, une erreur de perception, mais comme une faculté indispensable à l'homme. C'est la nature qui a voulu que l'homme se fasse de grandes illusions et qu'il en retire de grands bienfaits.  
Illusion que ma patrie est la plus belle, que les lois de ma nation sont les meilleures : illusions patriotiques, naturelles à l'homme, qui est porté à aimer ses semblables et à haïr l'étranger. C'est pour Léopardi la condition primitive de l'homme, à laquelle Jésus s'est opposé. Mais avant le christianisme, l'homme a toujours cru fermement à la supériorité de son peuple sur les autres et ces préjugés, cette xenophobie étaient des passions indispensables pour conserver la cohésion du groupe.  
L'illusion a un rôle vital et social.  
 
Un autre type d'illusions, plus positives, mais solidaires des premières -et aussi voulues par la nature- sont celle de la grandeur de l'homme, qui lui inspirent de grands projets, de grandes oeuvres d'art. Nous retrouvons ici le double sens d'illusion : elle n'est pas qu'erreur, mirage, préjugé, elle est ludique (dans illusion, nous trouvons ludus, le jeu). Jouer le jeu de la vie tel que l'a voulu la nature, c'est jouer, c'est créer, aimer, trouver du charme à la vie et en exalter la beauté. Pour Léopardi, ce sont les premiers poètes italiens, tels que l'Arioste, le Tasse ou Dante qui étaient encore plein d'illusion, de jeunesse d'esprit, de "sève". Ils étaient proches de la nature parce qu'ils avaient encore une langue naturelle, souple, vive, inventive, originale, nuancée, autrement dit une langue pleinement vivante.  
 
Léopardi réhabilite donc comme une faculté ce qui est habituellement considéré par les philosophes comme un trouble des facultés. De plus, il montre le caractère naturel et vital de l'illusion. Loin que l'esprit humain soit originairement fait pour chercher la vérité, il est "maître d'erreurs et de faussetés" pour pasticher Pascal. Mais ces prédisposition à l'erreur a été voulue par la nature comme un bien pour l'homme : pour quil reste solidaire de sa patrie, qu'il croit en lui, en l'avenir, en la vie.  
C'est avec l'artiste que l'illusion devient la meilleure. Dans l'art, l'homme se sent plein de lui-même, capable d'agir, de créer, d'aimer. Un artiste est celui qui ne recule pas devant le faux, qui en joue pour créer un univers, une oeuvre. Il ne se laisse pas prendre au faux, il le rend beau. Il est celui qui peut jouer avec les illusions, tandis que l'homme du commun en sera seulement le jouet (les illusions seront chez lui préjugés).  
 
 
Pour Léopardi, la grande ennemie des illusions est...
 
 
La raison
 
La raison est la faculté qui définit la modernité, depuis Descartes : capacité à bien juger, à discerner le vrai du faux et à bien conduire ses pensées. L'illusion s'oppose terme à terme à la raison, en ce qu'elle est source de préjugés, qu'elle confond le réel avec l'irréel et conduit nos pensées par des chemins imprévus.  
La raison est pour Léopardi contre-nature. Son développement a pour conséquence le développement des sciences, des techniques, la recherche d'une politique plus juste, et donc la fin de toutes sortes de préjugés qui animaient jusque là l'esprit humain. Cela signifie pour Léopardi que l'homme s'arrache à son état naturel d'ignorance et que ce gain de raison se paye par une perte d'illusions. Finalement, le rationalisme mène au nihilisme : la découverte de la nature réelle des choses laisse l'homme face au néant de son existence et à l'absurdité du monde. Dépouillé de ses illusions, l'homme est comme vidé du meilleur de ses forces vitales. Ainsi, l'homme moderne perd confiance en lui, en ses pouvoirs ; il ne peut plus concevoir de grands projets ni ressentir ce qu'un poète peut ressentir du charme et de la beauté de la vie.  
La raison marque le triomphe de la civilisation, qui est, selon Léopardi, toujours un affaiblissement de l'homme. On retrouve là la querelle qui traverse tout le 18e siècle, entre les Anciens et les Modernes : les Modernes étant les partisans des Lumières, de la raison, du progrès, de l'histoire ; les Anciens les partisans de la tradition, de la grandeur de l'état primitif de l'homme. Léopardi hérite de cette question et semble, à première vue, résolument du côté des Anciens. La civilisation domestique l'homme, le rend faible, petit, mesquin, calculateur. La disparition des préjugés nationaux, au profit de la recherche de valeurs universelles, affaiblit les Etats et laisse l'homme désorienté . La vérité ne convient pas à l'homme, qui n'en retire que dégoût de vivre et ennui.  
La modernité est donc profondément tragique : elle a pleinement porté ses fruits, mais ces fruits sont amers. L'homme a obtenu ce qu'il voulait (le progrès, le confort technique, la vérité dans les sciences etc.) mais la satisfaction de ce désir n'est pas un bienfait. Incapable de voir autre chose que ce qui est, l'homme perd sa capacité créatrice.  
C'est parce qu'il a su penser ce tragique de la modernité, y voir un problème, que Léopardi est un vrai penseur, un grand philosophe. Poète et philosophe, Léopardi est partagé entre l'illusion et la raison, entre les puissances du faux et le pouvoir du vrai. Penseur il l'est, en tant qu'il ne tient pas la valeur de la raison pour acquise, qu'il ne croit pas sans critique à l'intérêt de la philosophie.
 
Parce que l'expression de la raison passe bien sûr par le langage, elle influence le développement des différentes langues. Et pour Léopardi, la langue moderne par excellence, la plus anti-poétique de toutes, c'est...
 
 
La langue française
 
Tout le monde fait que les Français sont cartésiens. Léopardi interroge ce fait : le cartésianisme de la langue française et sa valeur de symptôme de civilisation.  
Le français est une langue géométrique, analytique, scientifique, "froide". Elle s'oppose à l'italien tel que le chérit Léopardi, langue de la nature, du sentiment, de vivacité, de la souplesse d'esprit. Le français est technicien, rationaliste. Il a ce défaut, redhibitoire aux yeux de Léopardi, d'être totalement dénué d'originalité. Il ne se prête pas aux inventions. Léopardi déplore donc, à son époque, la prééminence prise par le français, langue impérialiste, qui cherche à dominer les autres. Plus finement, Léopardi voit dans le français une sorte de sous-langue, comme si le français était un penchant de chaque langue. Chaque langue aurait son "français", c'est à dire sa tendance à devenir codifiée, analytique, rationnelle, et donc à perdre ses attaches avec sa source vivante, la nature.  
 
L apprécie au contraire l'italien et l'espagnol parce qu'elles sont des langues latines qui ont su se défaire du latin. Elles ont acquis leur vie propre, c'est à dire leur génie propre, leur "couleur". Le français, lui, reste "empêtré" dans le latin et le grec. Notre orthographe est donc très compliqué, nos règles de grammaires sont nombreuses et parfois incompréhensibles (le fameux accord du participe passé employé avec l'auxilaire "avoir" ) et elles toutes leurs exceptions. L'italien et l'espagnol ne sont débarrassées des y, des ph, elles se sont délestées de ces racines grecques comme d'un fardeau.  
Quand on veut défendre l'orthographe française, on dit souvent que la conservation des racines grecques rend la langue plus riche, car plus proche de ses origines, donc plus susceptible de donner aux élèves l'envie l'apprendre les langues anciennes. Au contraire, l'orthographe et la grammaire trop simples de l'italien ou de l'espagnol serait un appauvrissement. Léopardi, lui, n'a aucun scrupule à défendre une langue plus simple, épurée de complications inutiles. Il critique les académies qui, en voulant conserver la langue en l'état en fixant des règles complexes et strictes, finissent par entraver l'évolution de la langue, et donc l'empêchent de vivre librement. On le voit, Léopardi est ici résolument moderne, et ne croit pas du tout aux arguments des académiciens. En voulant légiférer sur les règles de la langue, on ne conserve de celle-ci que la partie la moins belle, la moins vivante, et on brime son génie propre.  
Dans de très nombreux passages de son livre, Léopardi compile des faits étymologiques, quant aux racines, à leur évolution du latin à l'italien -preuve que parler et écrire une langue dont les mots n'ont pas une orthographe à s'arracher les cheveux n'empêche pas d'étudier et de goûter les langues anciennes. Notre penseur a lui-même passé des années enfermé dans une bibliothèque, à apprendre seul les langues anciennes et plusieurs modernes, étudiant sans arrêt, jusqu'à se rendre poitrinaire et bossu.  
 
L'étymologie est utilisée chez Léopardi pour étudier les transformations et les changements qui font la vie des langues, pas pour prêcher la conservation de structures qui grèvent la langue plus qu'elles ne la solidifient. Les Français ont donc un amour-propre mal placé quand ils défendent bec et ongles le maintien de règles qui n'appartiennent pas en propre à leur langue. Léopardi est du côté d'une langue vivante, à la fois populaire et poétique, riche de nuances et d'influences diverses. Une langue qui soit comme un jeune homme (ou une jeune fille) encore pleine de ses forces, de sa grâce, pas une langue de vieillard méticuleux. Ce n'est donc pas une moindre difficulté de traduire et lire Léopardi en français, langue qui, à l'en croire, serait celle qui traduirait le plus sa prose, donc sa pensée. Le Zibaldone en français : n'est-ce pas une chimère contre-nature ?
 
Comment Léopardi peut-il être moderne quant à l'évolution de la langue, donc de la culture, alors qu'il semble par ailleurs condamner la civilisation moderne ?  
 
 
Les illusions de la modernité
 
Ce que redoute donc Léopardi dans la modernité, c'est un affaiblissement des facultés humaines, le dépérissement d'une civilisation coupée de la nature. Il pourrait passer pour un nihiliste, un rousseauiste radical prônant le retour à la nature. Il peut aussi passer pour un pessimiste et un cynique : il est vrai que lorsqu'il s'intéresse à la politique, c'est en disciple de Machiavel. Il est résolument réaliste : il étudie les hommes tels qu'ils sont, pas tels qu'ils devraient être. Il constate que la modernité a elle aussi ses illusions : celle de la fraternité universelle, de la rupture des barrières nationales, de l'entente entre les hommes. S'il ne la condamne pas franchement, il en montre toutes les difficultés : de telles valeurs modernes sont contre-nature, elles vont contre ce que l'homme a toujours été jusque là. Et elles pourraient être -nous sommes ici proches de Nietzsche - l'effet d'un épuisement de la civilisation. L'idéalisme moderne apparaîtrait comme une illusion de la raison, une illusion proprement moderne. Mais une illusion bien pâle, bien faible, qui n'engendrera pas de grands projets et exposera l'homme à d'amers déceptions quand il constatera que la bonté de l'homme n'est peut-être qu'une chimère.  
Léopardi incarne bien ce déchirement propre à la modernité : connaître la vérité et regretter les illusions perdues, parler en philosophe et rêver d'une expression poétique pure, avoir la capacité de regarder le réel en face et désirer une beauté illusoire. Pris entre la jouissance morose de la vérité et la conscience de la supériorité du beau sur le vrai, Léopardi est amené à chercher une solution à ce dilemme. Ayant connu la passion de la connaissance et la déception devant le vrai, il n'en perd pas pour autant son intérêt encyclopédique pour la culture et l'homme.  
Qu'est-ce qui est vrai, constant, inchangeant en l'homme et dans sa culture ?  
 
 
Le relativisme
 
Nombre aphorismes vont dans le sens du relativisme : les moeurs, les coutumes, cherchent selon les lieux et les époques. Rien ne dure, aucune règle n'est universelle, l'histoire est une vaste fresque où l'on ne saurait trouver de continuité ni de sens. Il arrive que Léopardi ait recours à Dieu : le monde est fait ainsi car Dieu l'a créé comme il l'a voulu. Mais cette création dépendant du libre-arbitre divin, le monde aurait pu être autrement. Ainsi, la vérité reste relative à Dieu. Le monde n'aurait pu être différent de ce qu'il est que par un décret divin. Il est donc nécessaire que le monde soit relatif, contingent. (Léopardi est ici proche, consciemment ou non, de Descartes, pour qui la création des vérités éternelles dépend de l'arbitraire divin : Dieu aurait pu vouloir que 2+2 = 5.)
Il n'y a donc pas à chercher une vérité définitive sur l'homme, sur l'histoire. On peut en revanche regarder en face ses moeurs, politiques en particulier : la politique est rapport de force, volonté de domination, appétits, ambitions. L'homme est naturellement impitoyable pour les étrangers, intolérant envers les moeurs des pays voisins, sans scrupule quand il doit nuire à un ennemi. Sur cette base relativement invariante, car voulue par la nature pour le bien de l'homme, les cultures sont très variables, il n'est pas possible de les cataloguer systématiquement.  
 
Quoi qu'il reconnaisse le relativisme des cultures, l'éventail indéfini des moeurs humaines, Léopardi ne voue pas pour autant l'esprit humain à l'ignorance totale. Ignorant, l'homme l'est naturellement. Et il semble que la connaissance du vrai le ramène à l'ignorance dont il est parti : l'homme inculte est plein d'illusions, le génie voit au contraire le monde dans son néant et regrette les illusions. Entre les deux, celui qui est à moitié instruit (le demi-habile dirait Pascal) pourfend les illusions au nom du vrai, preuve qu'il est encore plein d'illusions et qu'il n'a pas compris l'importance de celles-ci.  
Nous n'aurions le choix qu'entre divers formes d'ignorance : l'ignorance non-sue du rustre, l'ignorance incomprise de l'homme cultivé, l'ignorance pleinement consciente, et morose, du génie. Dans aucun cas, il n'y aurait de véritablement activité de connaissance, du moins pas d'activité saine, féconde. La connaissance ne serait au mieux qu'une stérilisation de l'esprit. Le problème qui se pose à Léopardi est moins de savoir si la connaissance est possible, que de savoir si la connaissance est désirable. Ne faudrait-il pas envier le grossier paysan qui ne se pose aucune question et vit sur les quelques préjugés que l'Eglise lui aura inculqués ? Ce qui serait, de la part de Léopardi, un désaveu final et sans appel de la philosophie. Une misosophie appuyée sur le nihilisme et le relativisme...  
 
Pour autant, je crois que Léopardi propose une solution très originale à la question de la connaissance, solution qui ne suppose aucun ordre du monde, ni d'idées innées, ni de facultés a priori. Et qui, de plus, nous montre la beauté du savoir, de l'activité de connaissance, donc en quoi l'étude et la culture sont bonnes et désirables. Solution proprement philosophique, qui sauve l'homme de l'ignorance et du dégoût. S'il vaut la peine de penser et de s'intéresser à la culture, c'est qu'il existe en l'homme une faculté que Léopardi nomme...
 
 
L'accoutumance
 
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Message édité par rahsaan le 29-08-2011 à 11:32:28

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n°27546968
la pugne
J'peux plus.
Posté le 25-08-2011 à 12:26:18  profilanswer
 

Woaw, intéressant.


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n°27546990
la pugne
J'peux plus.
Posté le 25-08-2011 à 12:29:04  profilanswer
 

Niveau écriture, plaisir de lecture, ça donne quoi ? Genre comparé à Schopenhauer ?


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n°27547896
rahsaan
Posté le 25-08-2011 à 13:55:58  profilanswer
 

Suite ci-dessus :o

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 25-08-2011 à 13:56:09

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°27548601
la pugne
J'peux plus.
Posté le 25-08-2011 à 14:42:44  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Suite ci-dessus :o


 
Et ma question c'est du poulet :o ?


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