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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°1657202
Derek De L​int
pas tiptop pour notre jeunesse
Posté le 13-12-2003 à 11:40:54  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

Rahsaan a écrit :

Grandeur et décadence des porte-jarretelles kantiens.
                              /
                          [:afcmetos]


salut toi
moi je recommanderai "la violence & le sacré" de René Girard
et bien sur les Sermons de Jean Tauler :ange:


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j'échange avec vous de par les internets
mood
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Posté le 13-12-2003 à 11:40:54  profilanswer
 

n°1657221
rahsaan
Posté le 13-12-2003 à 11:47:27  profilanswer
 

:hello: m'sieur Filter ! Dolphy be with you !  
 
La paresse comme impératif catégorique.
                       /
                   [:afcmetos]


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1657223
Derek De L​int
pas tiptop pour notre jeunesse
Posté le 13-12-2003 à 11:49:01  profilanswer
 

Rahsaan a écrit :

:hello: m'sieur Filter ! Dolphy be with you !  
 
La paresse comme impératif catégorique.
                       /
                   [:afcmetos]  


je suis plutot hampton (lionel), stitt et patterson en ce moment


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j'échange avec vous de par les internets
n°1657226
Derek De L​int
pas tiptop pour notre jeunesse
Posté le 13-12-2003 à 11:49:40  profilanswer
 

Rahsaan a écrit :

:hello: m'sieur Filter ! Dolphy be with you !  
 
La paresse comme impératif catégorique.
                       /
                   [:afcmetos]  

vais bouffer, à bientot!!


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j'échange avec vous de par les internets
n°1657243
pascal75
Posté le 13-12-2003 à 11:55:32  profilanswer
 

Rahsaan a écrit :

Grandeur et décadence des porte-jarretelles kantiens.
                              /
                          [:afcmetos]


[:aloy] Du fixe-chaussette dans la tradition philologique post-kantienne

n°1657245
rahsaan
Posté le 13-12-2003 à 11:56:11  profilanswer
 

pascal75 a écrit :


[:aloy] Du fixe-chaussette dans la tradition philologique post-kantienne


 
Ah bon ?  :??: Tu ne dois pas avoir la même traduction que moi. Moi, j'ai la Pléïade.  :heink:


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n°1657251
pascal75
Posté le 13-12-2003 à 11:57:13  profilanswer
 

Ah ah... je me gausse, c'est de la traduc de daube, ça, mossieur :o

n°1657278
rahsaan
Posté le 13-12-2003 à 12:07:16  profilanswer
 

Ouais enfin c'est pas moi qui ai acheté la traduction inédite de Nietzsche dans une librairie du Marais : Excès d'homos, Le crépuscule des grandes folles, Le Gay savoir et La généalogie de la pédale.  :p


Message édité par rahsaan le 13-12-2003 à 12:26:57

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1661811
pascal75
Posté le 14-12-2003 à 00:06:44  profilanswer
 

Une citation de Spinoza pour Rogr : "nous expérimentons ici et maintenant que nous sommes éternels".

n°1662807
l'Antichri​st
Posté le 14-12-2003 à 07:28:38  profilanswer
 

Citation :

Le "c'est-à-dire" me paraît pour le moins inconsidéré !
J'imagine que c'était l'idée de Leibnitz.
on pourrait tout aussi bien poser :
"Dieu, c'est-à-dire l'ensemble des forces ou flux telluriques naturels positifs, transitant entre autres par nous, on ne sait trop comment (en l'état actuel de la science)"


 

Citation :

c'est très intéressant !  
pour moi "positif" et "négatif" ce sont des données en quelque sorte matérielles : un proton est du côté du positif, un électron du côté négatif : ceci est invariable, ou alors le proton n'est plus un proton.


 
Beaucoup de confusion dans tout cela ! Mais aussi quelques idées intéressantes (qui vont plutôt dans le sens de la pensée de Leibniz). Je laisse d'emblée de côté le problème du bien et du mal dans la créature dont tu fais l'essentiel de tes remarques : c'est une conséquence du système leibnizien ! On pourra peut-être en reparler après (mais mon texte sur Leibniz est déjà assez éclairant sur ce point, non ?). Intéressons nous d'abord à la monade pour clarifier certains aspects essentiels de la pensée de Leibniz qui correspondent aux termes que tu utilises dans tes posts et que j'ai mis en gras !
 
Tout d?abord, il faut bien comprendre que la monade est l?élément simple par excellence (non étendue et indivisible). La notion cartésienne de res extensa est rejetée. Cela empêche de la considérer comme un atome de matière ! La monade est l?élément simple qui, sur le plan logique c?est-à-dire dans l?absolu ou idéalement, entre dans le composé en tant que simple, et non pas en tant que partie du composé et qui, sur le plan de la réalité, assure l?unité de la composition.
 
Dans l?absolu, la monade entre dans le composé (l?être humain par exemple, comme union de l?âme et du corps, mais ceci reste valable pour les animaux, qui ont aussi une âme, on le verra plus loin !) sans y être : elle y entre de manière négative (ce sens n?a pas du tout celui que tu lui donnes à ton " corps défendant " : " négatif " = mal - ou l?inverse - ; " positif " = bien - ou l?inverse ; et pourquoi pas, quand on ne connaît pas le sens des termes dans un contexte précis on peut dire tout et le contraire de tout !). Si tu es féru de science, tu sais que la moindre parcelle de matière a encore des parties. Dès lors que les atomes sont matériels, physiques, ils sont étendus et sont donc divisibles. On ne peut donc pas penser le simple (c'est à dire le " sans parties " du § 1 de la Monadologie).
 
Sur le plan de la réalité, la monade est l?élément invisible (non phénoménal si tu veux ou encore mental !) ou forme substantielle qui assure l?unité du composé ; non une unité par agrégation (dans le cas des phénomènes en tant qu?ils apparaissent, comme le corps s?il était privé d?âme, automate ou machine complexe sans vie) mais une unité en acte (l?être humain - mais aussi l?animal - est une substance composée parce que l?âme, substance simple ou monade, est le principe interne du changement qui rend le corps vivant). La monade est donc le fond de l?être ! Pour le dire encore autrement, la monade est le principe spirituel (y compris chez l?animal !) du changement (multiplicité) dans l?unité, dans l?identité de l?être. La monade n?apparaît donc pas, elle n?est pas une réalité physique (elle n?est pas atome) ! Elle est par soi c?est-à-dire substance (si tu tiens vraiment à ce terme, le mot atome peut alors avoir le sens " d?atome de substance " ). La monade ou substance simple est fermée sur elle-même. Et c?est bien le cas de l?âme, toujours individuelle donc ! En ce sens, la monade ne naît ni ne meurt : elle est immortelle (alors que le composé est périssable) bien que toujours liée à la matière du corps (différence avec Aristote). L'âme exprime son corps et, en même temps, elle exprime tout ce qui est en relation d'influence avec le corps, c'est à dire l'univers tout entier. La naissance (comme la mort) n?est donc qu?une évolution de la substance composée (avant la génération, l?âme est unie à un corps infinitésimal). Leibniz pense que le corps est un flux et que l?âme est une expression de ce flux, d?un certain point de vue. Dans la génération, l?âme ne change donc pas à proprement parler de corps, parce qu?elle n?est pas plus liée au corps qu?elle n?en est indépendante (ni coappartenance ni séparation : l?âme individue le corps et lui est liée par harmonie). Les deux ensemble forment un tout (un organisme) qui évolue dans la durée, et donc dans le changement perpétuel. Le corps est le point de vue et la marque de la finitude de l?âme : une substance séparée est possible mais elle serait alors infinie et ne représenterait plus selon un point de vue mais dans l?absolu, et c?est la définition de l?entendement divin. L?identité, c?est l?expression. Leibniz veut concilier la variation continue et l?individuation, et doit pour cela concilier la thèse de l?âme dominante et de la matière infiniment actuelle. Il n?y a pas de vivant inférieur, tous les corps sont au même niveau. Leibniz repense le modèle héraclitéen : l?identité en tant que telle est constituée en continuité à partir d?un niveau non perçu et se continue au-delà de ce que l?on peut percevoir. Cela entraîne des répercutions sur la question de la séparation : le flux est en continuité et donc il n?y a pas d?âmes sans corps. Certes il y a séparation, mais cela n?a de sens que pour Dieu. Dieu est entièrement détaché du corps, mais justement il n?est pas une âme. Si la monade est unie au corps, ce qui la caractérise est donc la perception et l?appétition (ou volonté), ce qui permet de donner une âme aux animaux (ils ont une âme sensitive tandis que l?homme a une âme raisonnable), puisque Leibniz dissocie perception (ou pensée, comme le faisait déjà Descartes) et conscience (ou aperception). La monade, comme principe spirituel, fait aussi bien l'unité dans une substance composée consciente (l?homme doué de réflexion) que dans celle qui ne l?est pas (chez l?animal, car l'inconscient est une forme d'esprit dans la perception). En ce sens, le changement des êtres (substances composées) manifeste la qualité intensive des monades : que se soit dans son principe ou dans ses détails (infiniment petits), rien ne peut altérer les monades de l'extérieur. Tout changement se fait par degré au sein de la monade et non par nature en rapport à autre chose qu?elle-même. La monade se veut elle-même. La perception n?est qu?un point de vue de la monade auquel s?ajoute la volonté comme force ou tendance d?une perception vers une autre perception (car une perception ne peut s'expliquer que par une autre perception et non par un mouvement c'est-à-dire par un déplacement corporel). En ce sens, la monade n?est jamais insensible, elle est au contraire toujours affectée. Il y a une transition de degré entre l?inconscience et la conscience (perceptions multiples et confuses, inaperçues → perceptions claires et distinctes, conscientes). Quel rapport entre les monades et Dieu ? Bien sûr Dieu est le créateur des monades mais son action la plus manifeste est d?assurer la coexistence des monades. Dans la monade, le rapport aux autres monades se réalisé par la médiation de Dieu qui accorde selon la raison les perceptions des monades les unes avec les autres comme raisons les unes des autres. Leibniz utilise l?image de la monade « demandant » à Dieu avec raison qu?il lui accorde un certain degré de distinction dans les perceptions : chaque possible possédant en effet une tendance à l?existence comme perfection de la possibilité, cette tendance se manifeste également dans l?entendement divin comme exigence de perception distincte. Chaque perception sera donc réglée en raison des exigences, c?est-à-dire des perfections, de toutes les autres. C?est par cet arrangement qu?il y a réciprocité des actions/passions des monades entre elles : la simple comparaison des substances simples dans l?entendement divin permet de discerner ce qui en chacune oblige qu?on l?accommode à d?autres ou qu?on lui en accommode d?autres. Ainsi tout ce qui est actif ou passif ne l?est que relativement à une autre substance et, actif selon un point de vue, sera passif selon un autre, le plus distinct étant toujours raison (donc agissant) du plus confus. Cette interdépendance des monades constitue le meilleur des mondes possibles. Mais pourquoi ce monde plutôt qu?un autre ? Dans la Monadologie, Leibniz parle de " convenance " : La convenance est une proportion, il y a une arithmétique de la création. La convenance est donc la forme suprême du principe de raison suffisante. La sagesse divine comprend la hiérarchie des possibles en fonction du principe de convenance. La bonté divine est la volonté, en tant qu?elle choisit. Le Dieu leibnizien apparaît donc comme un opérateur (il produit). On a donc : harmonie + variété = bien, en y ajoutant le principe d?économie. Ce qui caractérise l?harmonie universelle, c?est que la multiplicité des monades se diversifie selon la multitude des changements graduels intimes qui les spécifient chacune par rapport à l?autre. Il y a une hiérarchie des substances situées, chacune étant différenciée par le point de vue à partir duquel elle exprime l?univers, et cela forme un tissu varié de clarté dans la perception. Tout se tient, et l?augmentation de clarté dans une monade correspond à une diminution dans une autre. Le tout est harmonique, et chaque monade clarifie une partie du tout que les autres ne perçoivent que confusément. Le tout lui-même est l?ensemble des monades. Dieu réglant le tout règle les parties par rapport à ce tout. Pour que la partie corresponde au tout, il faut que la monade puisse se représenter le tout multiple au sein de l?unité. Mais la monade étant finie, elle ne peut avoir une vision claire de la totalité (cf. DM, § 33). En ce sens, le mal est inscrit dans la nature, il est nécessaire.


Message édité par l'Antichrist le 14-12-2003 à 07:48:15
mood
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Posté le 14-12-2003 à 07:28:38  profilanswer
 

n°1667974
mober
Mécréant Notoire
Posté le 15-12-2003 à 03:33:22  profilanswer
 

mon dieu !!!
 
[:alph-one]

n°1668016
zeayork
Bang Bang, he shoot me down
Posté le 15-12-2003 à 05:43:00  profilanswer
 

:bounce:


Message édité par zeayork le 15-12-2003 à 05:50:05
n°1668927
rahsaan
Posté le 15-12-2003 à 12:21:56  profilanswer
 

Pour l'agrégation de philo, le sujet d'une de mes dissertations d'entraînement était :
"L'identité et la relation."
 
En lisant le post de L'Antichrist sur Leibnitz, je découvre combien cet auteur m'aurait été utile pour traiter le sujet.  [:kytoonoosh ]


Message édité par rahsaan le 15-12-2003 à 12:22:16

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1669761
l'Antichri​st
Posté le 15-12-2003 à 15:08:30  profilanswer
 

Voici aujourd'hui un petit ABCdaire des grands moments du cartésianisme à l'usage des débutants. Pour donner envie de lire (ou de relire) ce philosophe généreux !
 
LA LUMIÈRE :
 
L?impulsion initiale du travail scientifique de Descartes a été la critique de la physique scolastique, tout encombrée encore de l?enseignement d?Aristote en cette matière. Dès ses premiers écrits, Descartes a rejeté ce qui à ses yeux n?étaient qu?idées confuses : les formes substantielles par lesquelles les scolastiques croyaient expliquer la nature des corps matériels ne sont pour Descartes que des mots qui recouvrent l?ignorance de la véritable nature de la matière. Dire par exemple que la lumière est le mouvement des corps lumineux, c?est ne rien dire. Or la lumière est, selon Descartes, le phénomène physique fondamental à partir duquel il va décrire la structure du monde. Mais il y a une grande différence entre la lumière telle que chacun la voit et la cause qui produit cette sensation dans les corps qu?on appelle lumineux (le soleil par exemple). Ce ne sont pas les corps qui sont lumineux, les mouvements des particules matérielles dont ils sont composés produisent dans l?esprit le sentiment de la lumière. Mais il n?y a rien de commun entre la cause matérielle et l?effet sensible. Les qualités sensibles (le chaud, le froid, le sec, l?humide, le dur, les couleurs) sont subjectives, ce ne sont pas des propriétes physiques des corps eux-mêmes. Cette idée, qui pour nous est extrêmement évidente, a mis du temps à le devenir, et Descartes est, avec Galilée, celui qui est parvenu à l?établir et à ouvrir ainsi la voie de la physique. Que sont donc les corps matériels s?ils ne sont pas en eux-mêmes tels qu?on les perçoit ? des choses étendues, figurées et en mouvement ou en repos. Voilà les seules propriétés qui leur conviennent vraiment. Or ces notions sont celles que les géomètres considèrent, ils n?en connaissent pas d?autres. Pour faire une étude scientifique des choses naturelles, une physique donc, il faut utiliser, contre l?opinion d?Aristote, les mathématiques, il faut mesurer et calculer.
 
LE CORPS :
 
Si la lumière est le fil conducteur de la physique cartésienne, la machine, et plus particulièrement l?horloge, est le terme le plus fréquemment employé par Descartes pour désigner le corps, aussi bien celui de l?animal que celui de l?homme. Dès ses premiers écrits (dans le Traité ? non publié ? de L?Homme), Descartes a pensé pouvoir beaucoup mieux expliquer les diverses fonctions corporelles en comparant le corps à une machine automate qu?en considérant la vie comme quelque chose d?irréductible à la matière. Contrairement à l?enseignement d?Aristote, ce n?est pas l?âme qui pour Descartes fait du corps un corps vivant, animé. On doit pouvoir expliquer les principales fonctions corporelles ? la digestion, la locomotion, la respiration, mais aussi la mémoire et l?imagination corporelles ? comme si elles résultaient d?un mécanisme que Dieu avait voulu rendre automatique, comme une horloge destinée à montrer les heures par la seule disposition de ses roues et contrepoids. Inutile donc de supposer une petite âme qui dirigerait chaque fonction principale et lui ferait réaliser le but pour lequel elle a été conçue. Cette représentation, destinée à un grand avenir (la comparaison du corps avec une machine n?a jamais cessé, de l?horloge à roues à l?ordinateur), constitue une des pièces maîtresses de la pensée cartésienne. Sur elle va reposer la distinction métaphysique de l?âme et du corps, mais aussi l?explication de leur union au sein d?un même être, l?homme ; sur elle aussi s?appuiera l?explication cartésienne de la formation des passions dans l?âme. Car pour comprendre comment les passions se produisent dans l?âme, comme pour savoir comment leur résister, il faut d?abord pouvoir reconnaître l?action du corps seul sur l?âme et donc ne pas sous-estimer son rôle et son influence dans la plupart des pensées et des conduites des hommes. L?importance accordée de tout temps par Descartes à la médecine tient aussi à cette conception de l?automatisme corporel.
 
" Je désire que vous considériez que ces fonctions [ digestion, nutrition, respiration, etc. ] suivent toutes naturellement, en cette machine, de la seule disposition de ses organes, ni plus ni moins que font les mouvements d?une horloge, ou autre automate, de celle de ses contrepoids et de ses roues. " Traité de l?homme
 
LES ANIMAUX-MACHINES :
 
Une idée de Descartes, relative à sa conception mécaniste du corps, a été particulièrement discutée et a soulevé d?innombrables protestations indignées jusqu?à aujourd?hui, celle selon laquelle l?animal agirait en toutes ses actions comme un automate très perfectionné. Cette thèse, ou plutôt cette hypothèse, découle directement de ce que Descartes identifie l?âme avec la pensée dont le caractère distinctif est la connaissance : l?être qui pense sait qu?il pense, et il s?arrange pour faire savoir, par un moyen ou par un autre, ce qu?il pense aux autres. Descartes imagine, dans la cinquième partie du Discours de la Méthode, une sorte de test pour reconnaître une action sensée d?une action mécanique, automatique ou naturelle (seulement dictée par la nature, ici synonyme d?instinct). Si l?on pouvait construire des machines qui eussent les organes ou la figure d?un singe, nous ne pourrions jamais distinguer le singe artificiel du singe naturel... Dans d?autres textes, Descartes précise davantage sa pensée en notant que toutes les actions, et surtout les plus accomplies, des animaux peuvent être expliquées par la structure et la disposition de leurs organes et résulter de l?instinct (nous dirions aujourd?hui : du programme génétique). La perfection même de certaines de leurs actions plaiderait pour le caractère automatique de leur exécution. Au contraire, une action intelligente a toujours quelque chose d?imparfait et d?inachevé, et peut être encore perfectionnée. Parce qu?elle est libre (elle procède de la liberté), elle pourrait être autre qu?elle n?est, elle n?est donc pas strictement déductible des conditions naturelles. La différence entre l?homme et l?animal n?est donc pas une différence de degré ou de complexité, mais bien une différence de nature. Car l?homme, parce qu?il pense, parle ou invente un système de signes destiné à communiquer ce qu?il pense. La parole est le seul signe certain d?une pensée enfermée dans le corps. On peut alors conjecturer que si l?animal ne nous communique pas ses pensées, ce n?est pas parce que nous ne comprendrions pas le " langage " dans lequel il les exprime, mais parce qu?il ne pense pas. Cela ne veut pas dire qu?il ne vit pas ou qu?il n?est pas sensible, mais seulement qu?il n?est régi que par un principe mécanique et non aussi par un principe intelligent.  
   
" Or il est, ce me semble, fort remarquable que  la parole, étant ainsi définie, ne convient qu?à l?homme seul. Car, bien que Montagne et Charon aient dit qu?il y a plus de différence d?homme à homme, que d?homme à bête, il ne s?est toutefois jamais trouvé aucune bête si parfaite, qu?elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d?autres animaux quelque chose qui n?eût point de rapport à ses passions ; et il n?y a point d?homme si imparfait, qu?il n?en use ; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées. Ce qui me semble un très fort argument pour prouver que ce qui fait que les bêtes ne parlent point comme nous, est qu?elles n?ont aucune pensée, et non point que les organes leur manquent. Et on ne peut dire qu?elles parlent entre elles, mais que nous ne les entendons pas ; car, comme les chiens et quelques autres animaux nous expriment leurs passions, ils nous exprimeraient aussi bien leurs pensées, s?ils en avaient. " Lettre au marquis de newcastle, 23 novembre 1646
 
MAÎTRES ET POSSESSEURS DE LA NATURE :
 
Cette expression célèbre utilisée par Descartes dans la sixième partie du Discours de la Méthode lui a été souvent reprochée, surtout dans notre temps où l?on s?inquiète, à juste titre, des conséquences pour l?homme et la nature de la technique. Il est fréquent d?entendre que le cartésianisme est le point de départ de l?appropriation et de la défiguration de la nature. Descartes a été déçu de la très faible portée pratique des savoirs qu?on lui a enseignés. Il cherchait une science qui puisse guider les hommes dans les divers chemins où ils s?engagent. Il espère, dans le Discours, que la philosophie que sa méthode développe sera, à l?inverse de celle de l?Ecole, plus pratique que spéculative. Que faut-il entendre par là ? Certes pas qu?il faille renoncer à rechercher la vérité et accepter d?agir sans connaissance de cause, à l?aveugle en quelque sorte. Par " pratique " il faut entendre : qui puisse être utile au genre humain. Pour cela, il faut pouvoir agir sur les choses, les transformer, au lieu de les considérer comme immuables et intouchables. Les choses naturelles peuvent changer de figures sans cesser d?être naturelles, leurs propriétés peuvent être diversement utilisées sans inverser pour cela leur finalité, car les hommes ne savent pas pour quelles fins Dieu les a créés. Descartes ne prône pas la conquête de la nature par l?homme mais son utilisation intelligente grâce à la connaissance que la physique apporte. Il dit, on l?oublie si facilement, qu? avec une telle connaissance des corps naturels nous pourrions nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Que l?homme puisse véritablement être et se considérer le maître de la nature serait, à ses yeux et par rapport aux principes de sa philosophie, une absurdité doublée d?une puérilité. La maîtrise technique d?un objet n?induit pas une conduite de domination, mais de responsabilité.
 
LA MÉTHODE :
 
" Il vaut mieux, dit Descartes, ne jamais chercher la vérité que de le faire sans méthode. " Ce qui a le plus manqué à la philosophie traditionnelle selon lui c?est la méthode, aussi bien pour déterminer le sujet que l?on recherche que pour tracer la voie qu?il faut suivre pour parvenir au résultat qu?on veut obtenir. Il n?a pas manqué de bons esprits dans les siècles passés, mais sans la vraie méthode ils n?ont découvert que des vérités détachées, et au hasard, car " ce n?est pas assez d?avoir l?esprit bon, encore faut-il l?appliquer bien. " Dès son premier grand écrit, Descartes cherche à élaborer une méthode qui permette à l?esprit de progresser avec assurance dans la recherche de la vérité, dans n?importe quel domaine. C?est d?une telle méthode dont se servent (sans qu?ils le sachent) les mathématiciens : ils partent des choses les plus simples et, grâce à des enchaînements rigoureux d?une vérité à une autre, ils parviennent à des résultats certains. Évidence et certitude : telles sont les deux bouts de la méthode. C?est ce que l?esprit humain recherche par dessus tout, mais que, pour l?instant, on n?a trouvé qu?en mathématiques. Descartes n?a jamais eu en ce sens qu?une seule ambition : étendre à la philosophie, jusque-là le lieu d?interminables et de stériles controverses, l?évidence et la certitude que le respect de la méthode permet d?obtenir en mathématiques. Dans la deuxième partie du Discours, Descartes ramène l?essentiel de la méthode à quatre règles dont l?utilité dépend de la résolution de les appliquer à chaque occasion. La méthode n?est efficace que si, au lieu de demeurer une consigne extérieure à l?esprit, elle est devenue, par un exercice assidu, sa disposition la plus intérieure. C?est pourquoi Descartes prévient les amateurs de solutions miracles : la méthode, dit-il en substance, consiste en pratique et non en théorie.
 
LA NATURE DES IMAGES :
 
Le problème général est : comment une chose peut-elle faire penser à une autre ? par exemple, comment le portrait du roi fait penser au roi lui-même (et non au portrait), ou comment puis-je reconnaître une chose vue autrefois ? Dans ces trois cas une chose est l?image d?une autre : l?arbre que je vois devant moi est analogue à d?autres arbres, je pense au roi dont le portrait est l?effigie, j?ai gardé dans la mémoire l?image de cette personne rencontrée autrefois, et ainsi je peux l?identifier. Si l?on demande encore pourquoi une image fait penser à la chose dont elle est l?image, la plupart répondront que c?est parce qu?elle lui est ressemblante. Descartes donne à ce problème très ancien (et très actuel aussi) une solution un peu différente qu?il vaut la peine d?évoquer. Les portraits, admettons-le, ressemblent à leurs originaux, mais les paroles " ne ressemblent en aucune façon aux choses qu?elles signifient ", et pourtant c?est bien à l?arbre ou au roi que je pense lorsque je lis ou j?entends prononcer ces mots. La ressemblance n?est donc pas toujours nécessaire. Elle n?est pas totale non plus, sinon quelle différence y aurait-il entre l?image et son objet ? Il suffit, poursuit Descartes, que les images ressemblent " en peu de choses " à leurs objets, " et souvent même, leur perfection dépend de ce qu?elles ne leur ressemblent pas tant qu?elles pourraient faire. Comme vous voyez que les tailles-douces, n?étant faites que d?un peu d?encre posée çà et là sur du papier, nous représentent des forêts, des villes, des hommes, et même des batailles et des tempêtes, bien que, d?une infinité de diverses qualités qu?elles nous font concevoir en ces objets, il n?y en ait aucune que la figure seule dont elles aient proprement la ressemblance ; et encore est-ce une ressemblance fort imparfaite, vu que, sur une superficie toute plate, elles nous représentent des corps diversement relevés et enfoncés, et que même, suivant les règles de la perspective, souvent elles représentent mieux des cercles par des ovales que par d?autres cercles ; et des carrés par des losanges que par d?autres carrés ; et ainsi de toutes les autres figures : en sorte que souvent, pour être plus parfaites en qualité d?images, et représenter mieux un objet, elles doivent ne lui pas ressembler " (cf. Dioptrique, IV).
 
LA MORALE PAR PROVISION :
 
Dans la troisième partie du Discours, Descartes, interrompant l?exposé de sa méthode, expose les maximes de ce qu?il appelle " une morale par provision ", nécessaire pour le temps dans lequel sa recherche absolue de la vérité le contraint de remettre tout en doute. Car pendant ce temps, il faut vivre, et vivre, pour Descartes, implique le choix de principes ou de règles qui permettent de s?orienter dans la vie, comme la boussole et le compas sont nécessaires pour la navigation. Pour agir dans le monde, une doctrine est d?une utilité bien moindre que des règles pratiques que l?on suit franchement et fermement. Les trois maximes sont :
 
1) " obéir aux lois et coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m?a fait la grâce d?être instruit dès mon enfance, et me gouvernant, en toute autre chose, suivant les opinions les plus modérées, et les plus éloignées de l?excès... " ;
 
2) " être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m?y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées. " ;
 
3) " tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et changer mes désirs que l?ordre du monde ; et généralement, m?accoutumer à croire qu?il n?y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées... "
 
Comme parallèle à la certitude que l?entendement peut avoir sur des vérités spéculatives, il y a une certitude qui vient de la volonté lorsque l?homme agit et pense avec résolution dans les diverses situations de la vie où il n?est pas raisonnable d?attendre des vérités comme celles que l?on démontre en mathématique et en métaphysique. Dans une lettre à Élisabeth du 4 août 1645, Descartes dit que les trois règles de morales exposées dans son Discours permettent à chacun " de se rendre content de soi-même et sans rien attendre d?ailleurs ". Il indique ainsi clairement que cette morale a pour but de rendre l?homme indépendant, autosuffisant. La morale est moins un code de devoirs qu?un exercice d?affermissement de la volonté ; chacun doit savoir qu?il ne lui faut compter que sur soi. la vertu, dit Descartes, n?est rien d?autre que la fermeté de la résolution. Mais encore faut-il se résoudre à agir, et ne pas se repentir d?avoir choisi une voie qui n?a pas été la bonne, si, au moment du choix, nous avons fait de notre mieux, pour connaître et pour agir.
 
DESCARTES MATHÉMATICIEN :
 
Les maîtres de Descartes à La Flèche ont été frappés des dons exceptionnels de leur jeune élève en mathématiques. Par la suite, Descartes n?a pas cessé de souligner la valeur exemplaire de cette science pour donner à l?esprit le sens de la rigueur et le goût de l?exactitude. Jusqu?au moment où il rédige le Discours de la méthode (dont l?un des essais est La Géométrie), Descartes a pratiqué avec ardeur et bonheur les mathématiques. Sa correspondance avec les plus grands mathématiciens de ce temps ? qui en compte beaucoup (Fermat, de Beaune, Petit, Hardy, Mydorge, Roberval, Desargues, plus tard le jeune Pascal) ? témoigne de son incessante activité en cette matière où il occupe, cela va sans dire, la première place avec Fermat. L?apport principal de Descartes consiste dans l?application des méthodes de l?algèbre (réformée par Viète au début du siècle) aux problèmes traditionnels de la géométrie tels qu?ils ont été pratiqués sans changement majeur depuis l?antiquité grecque (Apollonius et Archimède notamment). C?est parce qu?il veut épargner une inutile fatigue à l?imagination que Descartes invente le moyen d?exprimer les relations géométriques (entre les droites et les courbes) en équations algébriques, fondant par là ce que l?on appellera la géométrie analytique. Pour cela, il utilise le système des coordonnées rectangulaires qui permettent de rapporter les différents points d?une courbe à deux axes ayant même origine (coordonnées dites depuis cartésiennes). Le début de La Géométrie montre bien en quoi consiste cette nouvelle méthode de réduction des problèmes géométriques à ceux, plus simples et plus faciles, de l?algèbre ; après avoir comparé les opérations de l?arithmétique à celles de la géométrie " touchant les lignes qu?on cherche ", Descartes ajoute ceci : " Ainsi, voulant résoudre quelque problème, on doit d?abord le considérer comme déjà fait, et donner des noms à toutes les lignes qui semblent nécessaires pour le construire, aussi bien à celles qui sont inconnues qu?aux autres. Puis, sans considérer aucune différence entre ces lignes connues et inconnues, on doit parcourir la difficulté selon l?ordre qui montre, le plus naturellement de tous, en quelle sorte elles dépendent mutuellement les unes des autres... ". On reconnaît là la méthode des équations algébriques, pour lesquelles Descartes propose une notation qui sera retenue par la suite. Il montre ainsi, comme le formule un de ses amis mathématiciens, " la relation et la convenance mutuelle de l?arithmétique et de la géométrie ". On peut ainsi prendre appui sur l?une pour résoudre les problèmes de l?autre, et réciproquement. Les barrières élevées entre les disciplines tombent, montrant ainsi, comme Descartes l?avait écrit aux premières lignes de son premier grand ouvrage, l?unité de l?esprit humain et son identité à travers les opérations les plus diverses.
 
UN CERTAIN MAUVAIS GÉNIE :
 
Descartes est le philosophe qui a fait du doute la méthode par excellence pour distinguer les connaissances certaines de celles qui ne sont que vraisemblables. Mais, s?il a emprunté aux sceptiques leur instrument, il s?en est servi d?une toute autre façon qu?eux, et surtout dans un but diamétralement opposé à celui du scepticisme. Les philosophes sceptiques ? dit-il en substance ? se sont servi du doute comme d?une fin en soi, ne doutant que pour douter, alors qu?il l?utilise comme pierre de touche de la vérité, dans l?espoir d?arriver à une certitude véritablement indubitable. C?est pour cela que Descartes, dans l?exposition de sa métaphysique, ne limite pas le doute aux choses sensibles, arguant du caractère trompeur des sens ; il l?étend à tout ce que l?esprit peut concevoir et à ce qu?il tient pour le plus vrai, comme les vérités mathématiques. Certes, je peux nier que les choses que je vois de ma fenêtre sont de véritables choses ? car il m?arrive de dormir et de rêver que j?en vois de semblables ? mais comment mettre en doute que deux et trois font cinq ou que le carré a quatre côtés ? C?est alors que Descartes, franchissant la limite du doute naturel, institue un doute " métaphysique ", c?est-à-dire général, radical, et délibérément excessif (" hyperbolique " ) :
 
" Je supposerai donc qu?il y a, non point un vrai Dieu, qui est la souveraine source de vérité, mais un certain mauvais génie, non moins rusé et trompeur que puissant, qui a employé toute son industrie à me tromper. Je penserai que le ciel, l?air, la terre, les couleurs... et toutes les choses extérieures que nous voyons ne sont que des illusions (...). Je me considérerai moi-même comme n?ayant point de mains, point d?yeux (...). Je demeurerai obstinément attaché à cette pensée, et si, par ce moyen, il n?est pas en mon pouvoir de parvenir à la connaissance d?aucune vérité, à tout le moins il est en ma puissance de suspendre mon jugement. " cf. Première méditation
 
" JE PENSE DONC JE SUIS " :  
 
Cette formule ? la plus célèbre de toutes en philosophie ? découle logiquement de la généralisation du doute. Car si je peux douter de toutes choses, y compris des vérités mathématiques, je ne peux pas douter que je doute, ou que c?est moi qui doute. Par conséquent, ce moi qui doute existe. Certes, il n?existe peut-être pas " en chair et en os ", puisque l?existence des choses sensibles a été mise en doute, il se peut que je rêve et que tout ce que j?attribue à ma nature soit faux. Mais il est impossible que, pensant voir toutes les choses, je ne sois pas ou je n?existe pas, moi qui pense ainsi les voir, les toucher et les sentir. Les conséquences de ce raisonnement, si simple en apparence qu?il en paraît tautologique, sont considérables. D?ailleurs la plupart des philosophes qui ont adressé à Descartes (sur sa demande) des objections à ses Méditations ont manifesté leur étonnement devant cette démarche qui inverse, semble-t-il, l?ordre naturel des choses : les choses extérieures ne précèdent-elles pas la pensée que l?esprit en a ? ne faut-il pas qu?il existe un monde extérieur pour que son idée se trouve dans l?esprit ? Non, leur répond Descartes, l?existence de ce monde est extrêmement vraisemblable tant qu?on n?en doute pas, mais elle ne résiste pas à un doute radical et général, alors que seule la pensée de celui qui doute possède la certitude absolue recherchée en métaphysique. Comme il faut commencer par ce qui est le plus certain, le cogito devient avec Descartes le premier principe de la philosophie, " la terre ferme, dit Descartes, sur laquelle j?ai posé les fondements de ma philosophie ". Un nouveau continent s?est alors découvert à lui.
 
" Ne m?avouerez-vous pas que vous êtes moins assuré de la présence des objets que vous voyez, que de la vérité  de cette proposition : Je pense, donc je suis ? Or cette connaissance n?est point un ouvrage de votre raisonnement, ni une instruction que vos maîtres vous aient donnée ; votre esprit la voit, la sent et la manie. " cf. Lettre de mars ou avril 1648 à Silhon
 
LE MORCEAU DE CIRE :
 
Les Méditations métaphysiques, le chef d?oeuvre de Descartes, rompent avec la facture habituelle des ouvrages de philosophie qui sont, pour la plupart (surtout à l?époque de la scolastique dont le long règne s?achève alors), des traités systématiques enchaînant questions et réponses, alourdis d?innombrables références aux commentateurs antérieurs. Dans ces six méditations, Descartes ne cite ni ne mentionne personne, il ne s?appuie sur aucune autorité (pas même celle des vérités logiques), il chemine seul, pas à pas, relatant son expérience comme s?il la formulait à haute voix au fur et à mesure qu?elle se déroule. Ce tête-à-tête que Descartes a avec lui-même s?apparente à ce que Platon appelle le dialogue intérieur de l?âme avec elle-même. Un exemple de cet entretien solitaire ou de conversation à une voix est donné par la célèbre analyse dite du morceau de cire où Descartes, revenant sur le cogito et s?avouant à lui-même qu?il n?est pas convaincu que cette vérité soit bien plus certaine que celle de l?expérience sensible, fait varier en pensée l?aspect d?un morceau de cire de telle sorte que toutes les propriétés que l?on y recense soient changées les unes après les autres. Pourquoi, se demande-t-il alors, dit-on que la même cire demeure alors qu?aucune des propriétés perçues n?est restée la même ? Il en conclut ? revenant par là à l?évidence du cogito renforcée par cette contre-épreuve ? que ce ne sont ni par les sens ni par l?imagination que les choses sont connues, mais par une " inspection de l?esprit ". L?empiriste qui était remonté au créneau est une nouvelle fois repoussé...
 
" (...) d?où je voudrais presque conclure, que l?on connaît la cire par la vision des yeux et non par la seule inspection de l?esprit, si par hasard je ne regardais d?une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire ; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux. " cf. Deuxième méditation
 
LA VÉRITÉ :
 
La vérité consiste dans l?accord entre l?idée et la chose. Cette définition traditionnelle et très respectable de la vérité ne nous avance pourtant pas beaucoup quand on recherche un critère ou une marque certaine de la vérité. Lorsque, comme c?est le cas pour Descartes, on considère l?existence des choses extérieures comme douteuse, il ne reste plus qu?à considérer un jugement ou une proposition tenue pour vraie et se demander alors ce qui la fait telle. Une proposition de cette sorte, Descartes vient d?en découvrir une (et une seule, d?ailleurs) avec le cogito : " Je suis certain que je suis une chose qui pense. " Il ajoute aussitôt : " mais ne sais-je donc pas aussi ce qui est requis pour me rendre certain de quelque chose ? ". En d?autres termes, il se demande s?il n?est pas possible d?extraire, pour ainsi dire, de cette proposition ce qui la rend vraie, et de faire de cela la règle générale de la vérité. " Je pense, je suis " étant l?objet d?une claire et distincte perception, et étant vrai pour cette raison, on peut établir pour règle générale que " toutes les choses que nous concevons fort clairement et distinctement, sont toutes vraies " (cf. troisième méditation). L?évidence prend ainsi la place de la correspondance dans la définition de la vérité. Le risque est très grand ? il n?a pas manqué de philosophes pour le signaler ? de verser dans une conception arbitraire et subjectiviste de la vérité. Mais, d?une part, Descartes se préoccupe de chercher une garantie à l?évidence et il la trouve dans l?existence d?un Dieu vérace (la vérité nécessite la véracité), et, d?autre part, sachant parfaitement que cette règle peut donner lieu à de mauvais usages, il demande à chacun de s?assurer du mieux qu?il peut que l?évidence qu?il ressent en son esprit n?est pas qu?apparente (" Il n?appartient qu?aux personnes sages, dit Descartes, de distinguer entre ce qui est clairement conçu et ce qui semble et paraît seulement l?être ?). Car aucune règle ne dispense de juger.
 
L?IDÉE DE DIEU :
 
A la différence des scolastiques qui partent du monde pour s?élever à Dieu (d?où le nom de preuve cosmologique attaché à cette démarche), Descartes considère seulement les idées qui se trouvent en son esprit et qui sont, dit-il, comme " des tableaux ou des images des choses ". Toute idée représente quelque chose ; telle est sa fonction. L?idée étant comme une copie, la cause de l?idée est l?original dont elle est la copie. Les idées imaginaires (chimères, fictions, fantasmes), ne représentant rien de réel, se reconnaissent justement au fait qu?on peut les composer et les décomposer librement. Ce n?est nullement le cas de l?idée de Dieu pour Descartes : on ne peut pas ôter à Dieu un seul des attributs qui en définissent la nature (la toute-puissance, l?éternité, l?infinité, l?omniscience, la bonté, etc...), ils constituent un ensemble insécable. L?idée d?un être infini (qui se trouve, selon Descartes, en chacun de nous) ne peut pas avoir été produite par un esprit fini, comme celui de l?homme. comment un être fini et imparfait comme l?homme pourrait-il forger ? c?est-à-dire construire de toutes pièces ? l?idée d?un être parfait et infini ? Cette idée n?est pas une fiction (comme par exemple, l?idée d?une montagne d?or), elle représente un être véritable, et le représente fidèlement. Elle excède, dépasse la capacité de nos esprits, et, quoique étant parfaitement concevable et même la plus claire et la plus distincte de toutes nos idées, elle est incompréhensible : l?esprit humain n?en fait pas le tour, ni ne pénètre l?étendue de sa profondeur. Autant de preuves pour Descartes que cette idée a été causée ou mise dans l?esprit humain par Dieu lui-même. De la seule idée de Dieu qu?en philosophe méditant il est allé chercher dans " le trésor de (son) esprit ", Descartes conclut, selon un raisonnement semblable à celui de Saint Anselme, que Dieu existe, qu?il est le vrai Dieu et qu?il ne peut être que vérace. Descartes ajoute, au terme d?une analyse complexe et passionnante, que cette idée qui n?est pas comme les autres idées, que cette idée unique d?un Dieu unique, est en l?homme comme la signature de l?ouvrier sur son ouvrage. Il faut comprendre que l?ouvrage est par lui-même la marque de son créateur. Comme l?a écrit très justement Etienne Gilson, " nous sommes les preuves vivantes de Dieu ".
 
LES PASSIONS :
 
L?étude des passions, commencée en 1645 et achevée avec la publication des Passions de l?âme à la fin 1649, est le dernier grand thème abordé par Descartes. Cette question, différente des principales questions traitées jusque-là dans la philosophie cartésienne, n?est pas traitée autrement que les autres. Dans la préface, Descartes prévient en effet le lecteur : " mon dessein n?a pas été d?expliquer les passions en orateur, ni même en philosophe moral, mais seulement en physicien. " L?originalité de Descartes sur ce sujet tient, une fois encore, à la méthode. Les passions sont des phénomènes naturels de l?âme, il ne faut donc pas gémir ou discourir sur elles mais les expliquer par leurs causes naturelles. Ces causes sont corporelles, les passions que l?âme éprouve en elle-même, au plus intérieur d?elle-même, sont causées par les divers mouvements des nerfs et des esprits animaux qui se produisent à tout moment dans la machine de notre corps. D?où l?importance accordée par Descartes à l?explication des principales fonctions corporelles au début de son traité afin que l?on ne puisse pas confondre ce qui appartient en propre à l?âme ? les actes volontaires ? avec ce qu?elle éprouve en elle du fait de son étroite union avec le corps. Ainsi la colère, la honte, l?indignation, la joie, la tristesse l?amour, la haine et, généralement, toutes les émotions vives et soudaines sont engendrées et entretenues dans l?âme par les divers mouvements qui se font dans le corps, la plupart du temps par réaction avec l?environnement. La nature (référence très présente dans ce traité) a institué les passions afin que l?âme veuille, en temps opportun, ce qui est nécessaire ou utile au corps. Mais Descartes est bien trop attaché à la liberté humaine pour croire un seul instant que le dernier mot sur les passions est dit avec cette explication " physique ". Aussi est-ce du point de vue de l?âme et de ses jugements propres qu?il se place par la suite pour parfaire l?analyse des passions et esquisser au passage sa morale. Car il ne suffit pas de reconnaître qu? " elles [les passions] sont toutes bonnes " ? Descartes voulant dire par là qu?elles ont toutes, selon " l?institution de la nature ", une utilité, un rôle important dans la conservation de la vie ?, il faut aussi indiquer quels sont les moyens de s'en rendre maître avec adresse afin qu?elles puissent nous toucher vraiment sans nous rendre esclaves. Car ce sont " les hommes qu?elles peuvent le plus émouvoir [qui] sont capables de goûter le plus de douceur en cette vie ", écrit Descartes dans le dernier article de son traité.
 
LES ÉMOTIONS INTÉRIEURES DE L?ÂME :
 
Descartes ne cherche pas des remèdes aux passions, non seulement parce que ce ne sont pas des maladies de l?âme (comme disaient les stoïciens), mais parce qu?elles sont " toutes bonnes ". Descartes veut dire par là qu?elles sont toutes bonnes à quelque chose, la nature les ayant toutes destinées à quelque usage. Néanmoins elles peuvent aussi, mal conduites, rendre l?âme " esclave et malheureuse ", comme dans ces situations que nous connaissons tous où nous ne trouvons pas en nous la force de résister à un mouvement de colère, de peur, de haine. Descartes n?oppose pas des lois morales pour faire front aux dangers des passions, mais ce qu?il nomme les émotions intérieures de l?âme " qui ne sont excitées en l?âme que par l?âme même, en quoi elles diffèrent des passions, qui dépendent toujours de quelque mouvement des esprits (animaux) ". Par exemple, en se représentant un bien et en y pensant souvent, l?âme finit par l?aimer et par se l?approprier, mais cet amour, fortement et profondément ressenti, ne la touche pas après avoir touché son corps. En un sens, un tel amour (pour Dieu, mais aussi pour des personnes) est causé par la volonté : on finit par aimer ce que l?on veut aimer, surtout si ce que l?on aime possède une perfection qui le rende véritablement estimable. Un amour d?estime, un amour d?essence intellectuelle, n?est pas moins fort mais plus fort qu?un amour passion, qui ne dure que ce que dure l?émotion corporelle produite par son objet. Ainsi la joie que communique à l?âme l?exercice de la vertu constitue-t-elle " un souverain remède contre les passions ". L?âme n?a plus besoin alors de lutter contre celles-ci, parce qu?elle possède dans ces émotions intérieures la source fertile de son contentement : " afin que notre âme ait ainsi de quoi être contente, elle n?a besoin que de suivre exactement la vertu. "
 
L?HOMME GÉNÉREUX :
 
Le beau terme de générosité est indissociable de la philosophie cartésienne, sans doute parce qu?il en exprime l?intuition la plus profonde. Descartes n?a pas beaucoup écrit sur ce sujet qui le touche pourtant de très près. Cela donnerait raison à Bergson selon qui un philosophe ne parvient jamais à dire ce qui lui importe le plus, et justement pour cette raison. Aristote avait dans sa morale dressé un portrait mémorable de l?homme magnanime (le mégalopsuchès), trop au-dessus de tous les autres pour pouvoir être affecté par eux. Quelque chose de semblable se retrouve dans la définition cartésienne de l?homme généreux, homme avant tout indépendant, qui craindrait de s?abaisser (et c?est là ce qu?il craint par-dessus tout) en demandant ou en extorquant à autrui une faveur. Mais la reconnaissance métaphysique du prix infini du libre arbitre jette un éclairage tout autre sur cette indépendance et empêche qu?elle ne se confonde avec l?orgueil. En effet, le libre arbitre constitue, dans un monde que la science explique désormais mécaniquement, la perfection qui distingue l?homme de tous les êtres naturels. De ce fait, le bon usage du libre arbitre est ce qui distingue les hommes les uns des autres. Le généreux est l?homme qui sait que sa valeur dépend seulement de cet usage, et qu?il ne peut légitimement s?estimer que pour la volonté qu?il sent en lui-même d?user toujours bien de son libre arbitre. " Tous ceux qui conçoivent bonne opinion d?eux-mêmes pour quelque autre cause (...) n?ont pas une vraie générosité, mais seulement un orgueil qui est fort vicieux. " Un homme n?est pas une fois pour toutes ce qu?il est au jour de sa naissance. L?homme se constitue lui-même, et c?est pour cela seulement qu?il est digne d?estime. La générosité, clé de toutes les vertus, consiste alors dans le pouvoir (dont le généreux croit tout homme capable) de la régénération ou de la renaissance. N?est-ce pas sous ce jour que l?homme découvre qu?il porte l?image et la ressemblance de Dieu ? Mais en même temps que cette similitude, ou plutôt à cause d?elle, l?homme aperçoit qu?il est, comme Dieu, le seul maître de lui-même, et que seule cette responsabilité le fait homme. Descartes ira jusqu?à dire que " le libre arbitre est de soi la chose la plus noble qui puisse être en nous, d?autant qu?il nous rend en quelque façon pareils à Dieu et semble nous exempter de lui être sujets ".
 
Madame,
 
Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir, s?il est mieux d?être gai et content, en imaginant les biens qu?on possède être plus grands et plus estimables qu?ils ne sont, et ignorant ou ne s?arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d?avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu?on devienne plus triste. Si je pensais que le souverain bien fût la joie, je ne douterais point qu?on ne dût tâcher de se rendre joyeux, à quelque prix que ce pût être, et j?approuverais la brutalité de ceux qui noient leurs déplaisirs dans le vin, ou les étourdissent avec du pétun. Mais je distingue entre le souverain bien, qui consiste en l?exercice de la vertu, ou, ce qui est le même, en la possession de tous les biens dont l?acquisition dépend de notre libre arbitre, et la satisfaction d?esprit qui suit de cette acquisition. C?est pourquoi, voyant que c?est une plus grande perfection de connaître la vérité, encore même qu?elle soit à notre désavantage, que l?ignorer, j?avoue qu?il vaut mieux être moins gai et avoir plus de connaissance. Aussi n?est-ce pas toujours, lorsqu?on a le plus de gaieté, qu?on a l?esprit plus satisfait ; au contraire, les grandes joies sont ordinairement mornes et sérieuses, et il n?y a que les médiocres et passagères, qui soient accompagnées du ris. Ainsi je n?approuve point qu?on tâche à se tromper, en se repaissant de fausses imaginations ; car tout le plaisir qui en revient, ne peut toucher que la superficie d?âme, laquelle sent cependant une amertume intérieure, en s?apercevant qu?ils sont faux. Et encore qu?il pourrait arriver qu?elle fût si continuellement divertie ailleurs, que jamais elle ne s?en aperçut, on ne jouirait pas pour cela de la béatitude dont il est question, parce qu?elle doit dépendre de notre conduite et cela ne viendrait que de la fortune.

 
DESCARTES ET LA PRINCESSE ÉLISABETH :
 
La rencontre de la jeune princesse Élisabeth constitue sans doute l?un des événements philosophiques et personnels majeurs de la vie de Descartes. En exil en Hollande depuis la destitution de son père, le roi Frédéric de Bohême, Élisabeth, passionnée par les sciences et esprit d?une curiosité universelle, fait en 1642 la connaissance de Descartes à La Haye où elle réside avec sa famille et échange avec le philosophe, jusqu?à sa mort, une correspondance qui ne contient pas seulement les plus belles lettres de Descartes, mais au cours de laquelle Descartes approfondit certains points essentiels de sa philosophie et même donne à celle-ci un horizon qu?il n?eût peut-être pas découvert s?il n?avait pas eu cette occasion de confier ses pensées, au fur et à mesure qu?il les élabore, à quelqu?un dont il est certain qu?il les comprendra. Les principaux points de cette correspondance qui égale en profondeur et en richesse les grandes oeuvres publiées de Descartes sont les problèmes relatifs à l?union de l?âme et du corps (mai et juin 1643) et, dans les grandes lettres des années 1645 et 1646, les problèmes de morale. L?une des grandes questions qu?Élisabeth ne cesse de poser à son ami philosophe, comme si elle s?adressait à un directeur de conscience, est de savoir comment l?âme ? à la fois l?entendement et la volonté ? peut par sa propre force surmonter les désagréments, les vicissitudes, les disgrâces de la fortune ? A la manière de Sénèque ou d?Epicure, dans les limites de la seule philosophie, et presque sans s?appuyer sur les enseignements de la religion, Descartes tente de déduire des vérités mises au jour dans sa métaphysique les raisons qui montrent la supériorité de la vertu et du contentement que son exercice procure à l?âme sur les biens exté-rieurs : honneurs, richesses, pouvoirs... Dans la ligne de ces réflexions, Descartes est amené à donner son opinion sur les livres dont lui parle la princesse, ceux de Sénèque et Le Prince de Machiavel. En ces occasions, il aborde le champ de la politique, et tente d?apporter une solution raisonnée au problème des relations avec autrui, notamment au conflit entre les motifs qui nous poussent au dévouement et ceux qui nous recommandent, ou semblent nous recommander, plutôt l?égoïsme. Sur tous ces points, il ne faut pas attendre que Descartes ait trouvé des réponses définitives et encore moins inédites. Mais il est rare que des questions aussi rebattues aient été repensées et formulées avec autant de clarté et d?intelligence.
 
LES COMPARAISONS :
 
Descartes n?est pas seulement le philosophe avec lequel commencent les temps modernes, il est aussi (ou plutôt, inséparablement) l?un des grands écrivains français, même s?il écrit souvent en latin, surtout lorsqu?il a à exposer et résoudre des difficultés philosophiques encore solidaires du vocabulaire scolastique. Dans les ouvrages qu?il écrit et publie en français (faisant en sorte que la philosophie puisse désormais s?écrire " en langue vulgaire ", comme on disait alors), il donne plus de temps à l?écriture proprement dite, et laisse sa muse le conduire. Une des particularités de ce style ample et sinueux est l?emploi de comparaisons, souvent longues, par lesquelles Descartes cherche à figurer des pensées plus abstraites. On dirait que la comparaison parle d?abord à l?imagination et facilite la transition du problème jusqu?à l?entendement. Par exemple, la comparaison constante du corps avec une horloge, ou avec d?autres instruments (les nerfs comparés à des tuyaux, les esprits animaux au vent qui gonfle les voiles...). La comparaison n?est pas un ornement, elle fait comprendre le moins connu par le mieux connu, à condition que l?on demeure dans le même registre. Ainsi, pour expliquer la formation des souvenirs dans la mémoire, Descartes recourt à l?image des plis que l?on imprime à un linge ou à une feuille de papier et qui font que le papier ou le linge se déplie et se replie plus facilement à certains endroits qu?à d?autres. Connaît-on meilleure façon de faire comprendre la nécessité de se tenir à la décision qu?on a une fois prise que l?image du voyageur égaré dans la forêt et devant marcher tout droit pour en sortir au lieu de zigzaguer pour retrouver son chemin ? De même la comparaison de la philosophie avec un arbre, etc..., Descartes donne-t-il ainsi libre cours à l?imagination ? Au contraire, car la comparaison, à la différence de la métaphore, empêche l?assimilation de deux réalités distinctes en les disposant parallèlement en quelque sorte. Descartes n?écrirait sûrement pas comme Pascal : " L?homme est un roseau pensant ", mais plutôt : L?homme est comme un roseau ; de même il ne dit jamais : le corps est une machine, mais comme une machine.
Ce sont là, si l?on veut, des détails, mais ils expriment quelquefois le style propre d?une pensée bien mieux et plus fidèlement que les exposés officiels qui en sont faits après coup. Requise pour figurer une chose corporelle par une autre (on ne connaît pas une chose tant qu?on ne peut pas la comparer avec une autre, dit en substance Descartes), la comparaison est inversement proscrite dans les matières métaphysiques parce que les choses intellectuelles (l?âme, Dieu) ne peuvent pas être figurées sans être dénaturées. L?usage des comparaisons est bien affaire de philosophie et non affaire de style...
 
LA QUERELLE D?UTRECHT :
 
La publication du Discours de la Méthode et des Essais a fait de Descartes très rapidement un auteur connu dans toute l?Europe savante. Trop, peut-être, car si sa philosophie (entendons par là aussi la physique et, en général, les sciences autres que les mathématiques) lui attire des disciples enthousiastes, elle lui vaut aussi, pour les mêmes raisons, de multiples attaques. Le disciple hollandais de Descartes, Henri de Rey dit Regius, est devenu, grâce à la science cartésienne, un professeur réputé de médecine à l?Université d?Utrecht. Les étudiants affluent à ses cours, désertant ceux des professeurs plus fidèles à l?enseignement scolastique. Le dénommé Gisbert Voet, dit Voetius, alors recteur de l?Université d?Utrecht et professeur de théologie, ne voit pas d?un bon oeil cette progression du cartésianisme au détriment de la scolastique. Dans une lettre qu?il adresse au père Dinet pour se plaindre des attaques du père Bourdin (de l?ordre des jésuites), Descartes commet la maladresse d?évoquer en des termes assez durs les manoeuvres du théologien d?Utrecht à l?encontre de Regius. Il met ainsi le feu aux poudres et déclenche ce qui va devenir la querelle d?Utrecht et qui ne va pas cesser de l?importuner, de le harceler même jusqu?à la fin, ou presque, de son séjour en Hollande. Plaintes devant les magistrats, démarches multiples pour se défendre contre les accusations de Voetius et de ses disciples, ces interminables tracasseries vont jusqu?à lui faire envisager de quitter ce pays où il était venu chercher la paix, l?un des rares pays d?Europe où l?on trouve des biens aussi précieux que la liberté de conscience et de culte, la tolérance... La philosophie cartésienne pouvait-elle s?élever sur un autre sol que celui de la Hollande ? Jamais plus qu?en cette occasion Descartes ne semble avoir pris conscience à la fois de la grandeur de la philosophie (" il n?est pas d?étude plus belle, plus digne de l?homme " ), et de l?hostilité obstinée qu?elle peut quelquefois susciter.
 
DESCARTES ET LA POLITIQUE :
 
Descartes est l?un des rares philosophes à n?avoir rien, ou presque rien, écrit sur la politique. On peut s?interroger sur ce silence et y voir l?effet d?une censure. Bien des textes de Descartes vont dans ce sens. En cette époque de troubles incessants et de guerres civiles, la paix paraît à Descartes (comme à Pascal) le plus grand des biens. Dans le Discours Descartes critique " ces humeurs brouillonnes et inquiètes, qui, n?étant appelées, ni par leur naissance, ni par leur fortune, au maniement des affaires publiques, ne laissent pas d?y faire toujours, en idée, quelque nouvelle réformation ". Dans ce domaine, semble-t-il, Descartes rejette le radicalisme dont témoignent sa méthode et la recommandation de douter de tout. Le danger de la " réformation " lui paraît toujours plus grand et plus sûr que l?hypothétique amélioration qui en sortirait. A une occasion au moins, Descartes a été amené, à la demande de la princesse Élisabeth, à préciser son opinion sur la politique en commentant pour elle Le Prince de Machiavel. Dans cette lettre de septembre 1646, il désamorce l?une après l?autre des maximes machiavéliennes, et réprouve ce qui les rend... machiavéliques. On peut alors voir dans ce retrait une conséquence tout à fait cohérente d?une philosophie qui fonde métaphysiquement la valeur absolue de l?individu et de son jugement, de la liberté, et qui permet de penser les rapports entre les hornmes autrement qu?en termes de conflit et de recherche de pouvoir. Ainsi, dans cette lettre (comme aussi dans quelques passages des Passions de l?âme), Descartes souligne avec force les limites de toute action politique et rejette catégoriquement l?idée, typiquement machiavélienne, que tous les moyens sont bons pour arriver à sa fin. Au contraire, dit-il, il faut d?abord distinguer les princes qui ont suivi " des voies justes " de ceux qui ont usé " de moyens illégitimes ", il faut aussi rejeter les " préceptes très tyranniques " que Machiavel donne à la légère aux princes. Mais surtout ? et en cela consiste la morale non politique de Descartes et son importance précisément dans le champ politique ? Descartes s?indigne que Machiavel ne fasse pas la différence entre les amis et les ennemis, et qu?il absolve par avance les princes qui cherchent sciemment à tromper leurs amis : " J?excepte une espèce de tromperie, qui est si directement contraire à la société, que je ne crois pas qu?il soit jamais permis de s?en servir (...) : c?est de feindre d?être ami de ceux qu?on veut perdre, afin de les pouvoir mieux surprendre. L?amitié est une chose trop sainte pour en abuser de la sorte ". En instruisant la pensée de chacun des moyens qui permettent de résister à la " logique " de l?action politique, Descartes ne fait-il pas oeuvre plus utile que bien des philosophes politiques ?
 
L?UNION DE L?ÂME ET DU CORPS :
 
La conception cartésienne de l?union de l?âme et du corps, qui tient une place essentielle dans cette philosophie, ne manque pas généralement de surprendre, notamment ceux qui croient que le célèbre " esprit cartésien " ne consiste qu?en distinctions rigides et non révisables. En effet, concevoir l?âme et le corps comme deux substances entièrement distinctes (ce que montre la métaphysique cartésienne) ne doit pas nous empêcher de penser, comme nous le faisons ordinairement, que nous ne formons qu?une seule personne dans laquelle l?âme et le corps sont étroitement unies, mélangées même, et agissent continuellement l?une sur l?autre. Seulement, précise Descartes à la surprise de ses correspondants (Arnauld, ÉIisabeth), il ne faut pas chercher à comprendre de la même manière, par un même type d?évidence, ces deux propositions également vraies : que l?âme et le corps sont réellement distincts, et qu?ils ne forment qu?un seul tout dans l?homme (qui n?est pas, comme pour Pascal, un être déchiré entre deux natures contraires). Pour Descartes, l?expérience ordinaire peut être une preuve aussi certaine qu?une évidence intellectuelle. L?une ne doit pas abolir l?autre, il faut seulement les rattacher à leur domaine respectif, et veiller à ce qu?elles n?en sortent pas. C?est pourquoi Descartes, ne cherchant pas à dissimuler son ignorance derrière une imposante construction spéculative, en appelle à l?expérience que chaque homme fait, tous les jours, et sans doute possible, de l?union intime de son âme et de son corps : " Que l?esprit, qui est incorporel, puisse faire mouvoir le corps, il n?y a ni raisonnement ni comparaison tirée des autres choses qui nous le puisse apprendre ; mais néanmoins nous n?en pouvons douter, puisque des expériences trop certaines et trop évidentes nous le font connaître tous les jours manifestement. Et il faut bien prendre garde que cela est l?une des choses qui sont connues par elles-mêmes, et que nous obscurcissons toutes les fois que nous les voulons expliquer par d?autres. " (cf. lettre à Arnauld du 29 juillet 1648). Sur cette même question, il avait écrit quelques années avant à la princesse Élisabeth ces lignes célèbres qu?il est si rare de lire chez un philosophe : " les choses qui appartiennent à l?union de l?âme et du corps ne se connaissent qu?obscurément par l?entendement seul, ni même par l?entendement aidé de l?imagination ; mais elles se connaissent très clairement par les sens. D?où vient que ceux qui ne philosophent jamais, et qui ne se servent que de leurs sens, ne doutent point que l?âme ne meuve le corps, et que le corps n?agisse sur l?âme. " Quelques lignes plus bas, il ajoute ceci, qui peut servir de conseil : " c?est en usant seulement de la vie et des conversations ordinaires, et en s?abstenant de méditer aux choses qui exercent l?imagination, qu?on apprend à concevoir l?union de l?âme et du corps. " La fin de cette lettre dévoile la sobriété assez surprenante du régime de Descartes en matière d?études mais ne peut-on pas aussi voir dans cette confidence une recommandation discrète faite à Élisabeth ? " la principale règle que j? ai toujours observée en mes études (...) a été que je n?ai jamais employé que fort peu d?heures, par jour, aux pensées qui occupent l?imagination (c?est-à-dire aux mathématiques), et fort peu d?heures, par an, aux pensées qui occupent l?entendement seul (c?est-à-dire à la métaphysique), et que j?ai donné tout le reste de mon temps au relâche des sens et au repos de l?esprit. " (cf. lettre du 28 juin 1643).
 
QUELQUES CRITIQUES DE LA PHILOSOPHIE CARTÉSIENNE :
 
De son vivant, Descartes a échangé avec les philosophes et les savants de l?Europe une correspondance où la polémique et la critique souvent sévère des thèses et des démonstrations cartésiennes occupent une grande place. Mais c?est surtout après sa mort et avec la publication d?oeuvres jusque-là inédites que la philosophie cartésienne fait l?objet de critiques d?ensemble, particulièrement dans les milieux influencés par cette philosophie, et par ces philosophes que l?on commence à appeler cartésiens : Pascal, Spinoza, Leibniz.
 
Pascal (qui a rencontré Descartes en 1647 et a parlé avec lui de ses expériences sur le vide) appartient à un milieu assez hostile au cartésianisme, à la fois en désaccord avec la méthode cartésienne dans les sciences, et soupçonnant la philosophie cartésienne de de vouloir demeurer à bonne distance de la religion chrétienne. En témoigne ce jugement sévère (cf. Pensées, fg. 77) :  
 
" Je ne puis pardonner à Descartes ; il aurait bien voulu dans sa philosophie, se pouvoir passer de Dieu ; mais il n?a pu s?empêcher de lui faire donner une chiquenaude, pour mettre le monde en mouvement ; après cela, il n?a plus que faire de Dieu. "  
 
Ce sont pour des raisons inverses de celles de Pascal que Spinoza critique Descartes : l?idée d?un Dieu créateur, l?idée d?une âme disposant librement de ses volontés ne sont que fictions aux yeux de l?auteur de l?Éthique où la critique du cartésianisme est constante, même si elle n?est pas aussi explicite que dans ce passage tiré de la préface de la cinquième partie :  
 
" En vérité je ne puis m?étonner qu?un philosophe, après s?être fermement résolu à ne rien déduire que de principes connus d?eux-mêmes, et à ne rien affirmer qu?il ne perçût clairement et distinctement, après avoir si souvent reproché aux Scolastiques de vouloir expliquer les choses obscures par des qualités occultes, admette une hypothèse plus occulte qu?aucune qualité occulte. Qu?entend-il, je le demande, par l?union de l?Âme et du Corps ? Quelle conception claire et distincte a-t-il d?une pensée très étroitement liée à une certaine petite portion de l?étendue ?  
 
Leibniz n?a pas cessé de ferrailler contre le système de Descartes, comme si cette critique lui était nécessaire pour formuler sa propre pensée. Mais c?est aussi chez ce philosophe que se trouvent les objections les plus profondes qu?on ait faites à la philosophie et à la science cartésiennes (car ce sont les erreurs de cette science que relève d?abord Leibniz). L?une des plus récurrentes porte sur le critère (aux yeux de Leibniz incertain et arbitraire) du clair et distinct pour reconnaître la vérité. Mais Leibniz, soucieux de la conformité de la philosophie et de la religion, cherche aussi à montrer le caractère limité, partiellement vrai seulement, et, dans le fond, dangereux pour la foi, du mécanisme cartésien (cf. Remarques sur les principes de Descartes) :  
 
" Il (Descartes) prétend que, dans l?explication des phénomènes de la nature, il n?est pas besoin d?autres principes que ceux tirés de la mathématique abstraite (...) et il ne reconnaît pas d?autre matière que celle qui est l?objet de la géométrie. J?accorde pleinement que tous les phénomènes particuliers de la nature pourraient être expliqués mécaniquement (...) mais ce qu?à mon avis il faut toujours garder présent à l?esprit, c?est que les principes mécaniques mêmes, c?est-à-dire les lois générales de la nature, naissent de principes plus élevés et ne sauraient être expliqués par la quantité seule et par des considérations géométriques. Ces principes impliquent, bien au contraire, quelque chose de métaphysique... Car en dehors de l?étendue et de ses modifications il y a, inhérente à la matière, la force même ou la puissance d?agir qui permet le passage de la métaphysique à la nature et des choses matérielles aux choses immatérielles. "
 
DESCARTES AU XXe SIÈCLE :
 
Après une relative éclipse au XVIIIe siècle due à l?emprise considérable de la  " philosophie naturelle " de Newton sur le continent, la philosophie cartésienne a connu au XIXe siècle, grâce notamment au " militantisme " de Victor Cousin, un regain d?actualité, mais c?est surtout en notre siècle que Descartes a été philosophiquement présent, principalement ? mais pas seulement ?  dans le courant dit phénoménologique. Husserl a placé tout son projet philosophique sous le signe de Descartes et a intitulé Méditations cartésiennes les conférences données à Paris pour exposer les idées directrices de la phénoménologie. Pour Husserl, le cogito cartésien constitue le seul point de départ véritablement radical de la philosophie. Mais, selon lui, Descartes n?a pas approfondi sa découverte et n?en a pas vu toutes les conséquences. Son disciple infidèle, Heidegger, assimilant bien souvent la phénoménologie husserlienne et le cartésianisme, commence son livre majeur Être et Temps par une exposition critique de l?ontologie cartésienne (fondée selon lui sur le concept de substance) destinée à faire la place à une ontologie fondée sur l?existence. Plus tard, Heidegger ne cessera de multiplier à l?égard de Descartes les insinuations faisant de lui le philosophe de la technique dont le but serait la domination du monde... En France, et non sans rapport avec ce qui précède, la présence de Descartes dans la philosophie est ininterrompue depuis Alain jusqu?à maintenant ? disons Emmanuel Levinas. Fondamentalement, on peut dire que l?inspiration de Sartre est cartésienne. Toute sa théorie de la liberté dérive en un sens de celle de Descartes, et d?ailleurs Sartre, juste après la guerre, a écrit un petit essai sur la liberté cartésienne qui éclaire assez bien... la pensée sartrienne. Merleau-Ponty n?a jamais cessé de se référer à Descartes, notamment à la théorie de l?union de l?âme et du corps. Dans ses notes de travail qui ont été publiées (à la fin de Le visible et l?invisible), de très nombreuses fois Descartes est cité, discuté, critiqué... Il semble que Merleau-Ponty ait toujours eu besoin de Descartes pour préciser et même découvrir sa propre pensée. Dans son dernier écrit, L??il et l?esprit (1960), avant d?exposer ses propres idées sur la vision, Merleau-Ponty expose, en quelques pages d?une densité et d?une intelligence remarquables, la théorie cartésienne de la vision dans La Dioptrique. Enfin, il faut mentionner la reprise philosophique de l?idée cartésienne de l?infini que Levinas a effectuée dans son maître-livre Totalité et Infini (1962). Ces quelques indications sont seulement destinées à montrer que, pour peu qu?elle ait quelque envergure, toute pensée philosophique passe par une explication avec Descartes.


Message édité par l'Antichrist le 15-12-2003 à 17:56:28
n°1670302
rahsaan
Posté le 15-12-2003 à 16:45:55  profilanswer
 

:lol: TRK !  
C'te quote de folie !
 
 :jap:  :jap: L'Antichrist pour cet ABCdaire, que je vais m'empresser de lire.  ;)


Message édité par rahsaan le 15-12-2003 à 16:46:40

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1670313
rogr
Posté le 15-12-2003 à 16:47:55  profilanswer
 

L'Antichrist > merci d'avoir répondu si précisément sur Leibnitz ! (en plus en ayant pris soin de mettre en gras ce qui pouvait se trouver en rapport avec mes lubies [:prosterne])
Mais :
 

L'Antichrist a écrit :

Beaucoup de confusion dans tout cela !  
(...)
quand on ne connaît pas le sens des termes dans un contexte précis on peut dire tout et le contraire de tout


mais justement, mes approximations langagières tentent de cerner ou éclairer des phénomènes (d'ailleurs récurrents et pour certains réitérables quasiment à volonté, ce qui permet une certaine forme d'étude) : loin de moi l'idée de bâtir je ne sais quelle théorie, dans l'abstraction de la pensée. Si c'était le cas je ferais mieux de lire Leibnitz ou un autre c'est sûr, mais il ne s'agit pas de ça...
Pour ce qui est des "flux", "forces" ou comme on veut dire, certes l'expression peut sembler confuse, mais je trouve les mots que je peux pour tenter de cerner des faits : il me faut trouver une "théorie" qui cadre avec ces faits (ce n'est pas aux faits à se plier à telle théorie ! pas plus qu'à l'éventail limité et si lamentablement prédéterminant de mots disponibles, en tous cas lorsque l'on aborde certains sujets). Et pour l'instant je n'ai pas l'impression que c'est dans Leibnitz, aussi brillant qu'il puisse être, que je vais trouver de quoi me faire avancer...  
Par exemple cette histoire de monade est intéressante, mais c'est beaucoup trop théorique et abstrait ! (remarque je dis pas que j'ai tout bien compris [:ddr555]). A partir de, ou sur quels genres d'expériences ("personnelles" ou non) Leibnitz s'est-il appuyé pour construire ça, j'aimerais bien le savoir... En tous cas je ne trouve pour l'instant rien là-dedans qui cadre avec ou fasse avancer mes affaires. Plus que dans la philosophie classique, je crois que c'est plutôt dans la physique quantique que je pourrais peut-être trouver des idées ou concepts adaptés... Ou chez des penseurs comme C.G. Jung dans sa dernière période : mais même lui, que j'ai très vaguement parcouru, m'avait paru un tout petit peu (à peine) à côté de la plaque (mais j'avais entrevu le concept de synchronicité qui m'avait paru tout à fait bien).
En fait pour l'instant c'est surtout dans les Ecritures que je trouve, pas tellement des idées (en tous cas au sens d'explications), mais plutôt des sortes de témoignages, en rapport avec tel ou tel phénomène : ces gens étaient véritablement au coeur de tout (mais il faut lire un peu entre les lignes : l'hébreu messianique n'est pas le français du XVIIIème - en tous cas on est loin là de toute préoccupation scientifique...).
 
Pour ce qui est de négatif et positif : je pose, j'affirme, qu'il existe dans la nature (ou dans la Création, ou comme on veut dire) ce que je peux appeler des "forces" ("flux" ce n'est sans doute pas suffisant), et ces forces, que je n'irais pas jusqu'à nommer "entités" (je vois ça plutôt comme des forces naturelles - bien que certaines manifestations posent problème - des forces naturelles circulant ou agissant selon leurs propres lois ou principes), ces forces peuvent clairement se diviser en deux catégories, de principes absolument opposés : "positif" et "négatif" c'est ce que j'ai trouvé de mieux comme mots à mettre là-dessus. Alors bon, y'en a aussi qui disent qu'ils ont vu des soucoupes volantes... [:spamafote]
Là où ça devient intéressant, c'est que l'humain peut s'orienter (de façon rêfléchie, ou non), dans un sens, ou dans un autre (car ces "forces" sont partout - mais là il faudrait mettre des guillemets à chaque mot - et sont comme à disposition). L'idée de progrès trouve là un immense champ d'application : on retrouve d'ailleurs toutes les idées "pratiques" des stoïciens ou de Descartes (sur le mode "ce que tu pratiques c'est ce que tu seras capable de faire" ) ; mais en fait on a déjà ça dans les Ecritures (avec l'idée de "moisson" ).
 

Citation :

Je laisse d'emblée de côté le problème du bien et du mal dans la créature dont tu fais l'essentiel de tes remarques : c'est une conséquence du système leibnizien !


"bien" et "mal" ça me paraît très confus comme notions (mais tu auras certainement des lumières là-dessus), à priori je ne m'intéressais pas à ça (comme je t'ai dit ces termes m'ont paru très vite voire dès le début dépassés, ou plutôt inadaptés, "hors sujet" ). Simplement, une fois que l'on a bien compris ou saisi (car tout ça est très concret) cette affaire de "forces", négatives ou positives, on comprend que ces "forces" sont naturellement comme le fondement des manifestations ou comportements ou tendances ou orientations qui chez l'humain peuvent effectivement, si on veut et la plupart du temps, se revêtir des mots "bien" ou "mal". Mais encore une fois, "bien et mal" ce ne sont que des concepts, des idées : "forces négatives ou positives" ce sont des choses palpables, des choses de la nature (pas étonnant que le choix d'un mot, pour représenter ou qualifier ces "choses", pose problème). Et le mot "chose" est lui aussi sans doute inadapté, tout ça est difficile à cerner : ce qui est en tous cas palpable ce sont les manifestations ou effets de ces "forces".
J'écoutais l'autre matin sur France Cul [:chris28] une discussion [:rogr] (l'émission de Finkielkraut, avec J. Julliard et je sais plus qui) où il était question du bien et du mal. J'ai été stupéfié de l'absence totale de fondement de leurs réflexions : j'avais l'impression d'entendre parler des enfants. Ils disaient par exemple, comme s'il y avait un grand mystère là-dessous : "un patron à la tête d'un système d'exploitation du travailleur [effectivement c'est mal] peut être quelqu'un de bon, et l'employé exploité, quelqu'un de méchant." Ceci est absolument évident, mais quand on a dit ça on a rien dit ! Et à propos d'autre chose ils avaient l'air consternés et désolés de devoir admettre que oui, sans doute, "le mal est un principe intrinsèque à l'homme". Les pauvres choux ! Et comme la formulation est naïve ! Mais en fait c'est bien plus simple qu'il n'y parait ! Car comme disait l'autre, à propos de l'autre versant : "le Royaume, il est en vous, et il est aussi à l'extérieur de vous".
 
ça me fait penser que j'ai trouvé dans une de mes saintes lectures ce passage :
" Anges et démons sont les personnifications de forces cosmiques (...). L'homme, dans l'achèvement de sa destinée, s'il est le déterminant essentiel, est "aidé" (...) par ces forces qui se comportent comme des entités personnelles et libres. L'homme n'atteint pas seul sa destinée. Il l'atteint avec l'univers."
(Père Henri Le Saux, "Ecrits", Albin Michel)
ce moine bénédictin, qui a passé les 25 dernières années de sa vie en Inde auprès de divers Maîtres, a là touché au centre... (j'apprécie tout particulièrement le "avec l'univers", qui remet bien les pendules à l'heure - mais après tout qui sait). Le reste du bouquin est plus tortueux : il vivait un peu difficilement le fait d'être une sorte de chrétien dissident.
 
autre phrase intéressante (mais il faut prendre des pincettes avec le mot "Dieu", trop connoté) :
 
"Le saint chante et il sait que c'est Dieu qui chante en lui."


Message édité par rogr le 16-12-2003 à 03:51:23
n°1670320
rogr
Posté le 15-12-2003 à 16:49:58  profilanswer
 

TRK > si tu pouvais virer ton quote ([:ddr555]) ça allègerait la page : j'arrive à peine à la faire coulisser... :sweat:

n°1670437
rogr
Posté le 15-12-2003 à 17:06:35  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :

le bon usage du libre arbitre est ce qui distingue les hommes les uns des autres. Le généreux est l’homme qui sait que sa valeur dépend seulement de cet usage, et qu’il ne peut légitimement s’estimer que pour la volonté qu’il sent en lui-même d’user toujours bien de son libre arbitre. " Tous ceux qui conçoivent bonne opinion d’eux-mêmes pour quelque autre cause (...) n’ont pas une vraie générosité, mais seulement un orgueil qui est fort vicieux ".


c'est pas encore assez précis, mais [:zjk] !
ça se précise un peu là :

Citation :

L’homme se constitue lui-même, et c’est pour cela seulement qu’il est digne d’estime. La générosité, clé de toutes les vertus, consiste alors dans le pouvoir (dont le généreux croit tout homme capable) de la régénération ou de la renaissance. N’est-ce pas sous ce jour que l’homme découvre qu’il porte l’image et la ressemblance de Dieu ?


 

L'Antichrist a écrit :

L’une des grandes questions qu’Élisabeth ne cesse de poser à son ami philosophe, comme si elle s’adressait à un directeur de conscience, est de savoir comment l’âme – à la fois l’entendement et la volonté – peut par sa propre force surmonter les désagréments, les vicissitudes, les disgrâces de la fortune ? A la manière de Sénèque ou d’Epicure, dans les limites de la seule philosophie, et presque sans s’appuyer sur les enseignements de la religion, Descartes tente de déduire des vérités mises au jour dans sa métaphysique les raisons qui montrent la supériorité de la vertu et du contentement que son exercice procure à l’âme sur les biens extérieurs : honneurs, richesses, pouvoirs...


Citation :

"(...) une espèce de tromperie, qui est si directement contraire à la société, que je ne crois pas qu’il soit jamais permis de s’en servir (...) : c’est de feindre d’être ami de ceux qu’on veut perdre, afin de les pouvoir mieux surprendre. L’amitié est une chose trop sainte pour en abuser de la sorte."


Descartes ! :love: [:prosterne]
 
Pour ce qui est du "Traité des passions", un des passages les plus intéressants me semble être :
 
"Ainsi, lorsqu'un chien voit une perdrix, il est naturellement porté à courir vers elle ; et lorsqu'il oit tirer un fusil, ce bruit l'incite naturellement à s'enfuir ; mais néanmoins on dresse ordinairement les chiens couchants en telle sorte que la vue d'une perdrix fait qu'ils s'arrêtent, et que le bruit qu'ils oient après, lorsqu'on tire sur elle, fait qu'ils accourent. Or ces choses sont utiles à savoir pour donner le courage à chacun d'étudier à regarder ses passions ; car, puisqu'on peut, avec un peu d'industrie, changer les mouvements du cerveau dans les animaux dépourvus de raison, il est évident qu'on le peut encore mieux dans les hommes, et que ceux même qui ont les plus faibles âmes pourraient acquérir un empire très absolu sur toutes leurs passions, si on employait assez d'industrie à les dresser et à les conduire."
(Descartes, Les passions de l'âme, Art. 50)

n°1670564
rogr
Posté le 15-12-2003 à 17:20:42  profilanswer
 

sur le thème du progrès, on pourra méditer à profit ces quelques lignes :
 
"Telles seront tes représentations les plus fréquentes, telle sera ta pensée ; car l'âme est imprégnée de ses représentations."
(Marc-Aurèle, Pensées, V, 16)
 
"Toute habitude, toute faculté sont conservées et accrues par les actes correspondants, l'habitude de se promener par la promenade, l'habitude de courir par la course (...). Il en est ainsi des choses de l'âme : lorsque vous vous mettez en colère, sachez bien que non seulement c'est un mal qui vous arrive actuellement, mais que vous avez accru votre disposition à la colère et que vous avez jeté des broussailles sur le feu. (...) Il est impossible que les actes correspondants ne fassent pas naître des habitudes et des dispositions, si elles n'existaient pas auparavant ou, sinon, ne les augmentent et ne les renforcent."
(Epictete, Entretiens, II, 18)
 
"D'abord condamne-toi pour ce qui est arrivé et, après cette condamnation, ne désespère pas de toi, ne fais pas comme ces lâches qui, ayant une fois cédé, s'abandonnent complètement et se laissent emporter par le courant ; vois les maîtres de gymnastique. Un enfant tombe. " Relève-toi, lui dit-il, et fais encore un effort, jusqu'à ce que tu prennes de la force. " Procède de la même façon ; sache que rien n'est plus maniable qu'une âme humaine. Il faut vouloir, et la chose est faite : l'âme se redresse ; endors-toi à nouveau, et elle est perdue. Sa perte comme son secours viennent d'elle-même. – Et quel bien en aurai-je ? – Que demandes-tu de mieux ? D'impudent, tu deviendras réservé ; de désordonné, rangé ; de malhonnête, honnête ; d'intempérant, tempérant. Si tu cherches quelque chose de mieux, continue à faire ce que tu fais ; un dieu même ne peux te sauver."
(Epictete, Entretiens, IV, 9)
 
"(...) l'expérience fait voir que, si on a eu souvent quelque pensée, pendant qu'on a eu l'esprit en liberté, elle revient encore après, quelque indisposition qu'ait le corps ; ainsi je puis dire que mes songes ne me représentent jamais rien de fâcheux, et sans doute qu'on a grand avantage de s'être dès longtemps accoutumé à n'avoir point de tristes pensées."
(Descartes, Lettre à Elisabeth, 1er septembre 1645)
 
"Et il faut remarquer que ce qu'on nomme communément des vertus sont des habitudes en l'âme qui la disposent à certaines pensées, en sorte qu'elles sont différentes de ces pensées, mais qu'elles les peuvent produire, et réciproquement être produites par elles."
(Descartes, Les passions de l'âme, Art. 161)
=> On portera ici une attention toute particulière au mot habitude.

n°1671251
THE REAL K​RYSTOPHE
ストリートファイターBrasileiro NTSC-J
Posté le 15-12-2003 à 18:56:53  profilanswer
 

rogr a écrit :

TRK > si tu pouvais virer ton quote ([:ddr555]) ça allègerait la page : j'arrive à peine à la faire coulisser... :sweat:


 
spamafote  c le djeunes gotik ki la fait :D


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AC : SW-5993-1459-0978 / dani / THE REAL KRYSTOPHE (Miss) / Pinacolada   Hémisphère sud
n°1677081
rahsaan
Posté le 16-12-2003 à 16:51:04  profilanswer
 

THE REAL KRYSTOPHE a écrit :


 
spamafote  c le djeunes gotik ki la fait :D


 
Ah ben tiens ! le msg a été delete.  :lol:


Message édité par rahsaan le 16-12-2003 à 16:51:15

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1677468
pascal75
Posté le 16-12-2003 à 18:12:19  profilanswer
 

Bon, je reviens à Leibniz et au "message" (:D) de l'Antichrist.
Je connais assez mal Leibniz (préambule) mais ça m'empêche pas d'essayer de saisir quelquechose de son monde et de sa manière de penser et d'enchaîner les concepts. J'ai l'impression (est-ce que je me trompe ?) qu'un des problèmes principaux de Leibniz c'est le rapport entre la perfection divine et l'imprefection des hommes. Il donne assez facilement une première réponse : on ne peut juger de la perfection que dans le tout, même si chaque partie peut à l'occasion être imparfaite, être mauvaise, porter le mal. Mais cette réponse, telle qu'il la formule, engendre d'autres questions qui, elles-mêmes appellent d'autres réponses, ainsi dans une sorte de dispositif virtuellement infini. Ca fait un monde ex trêmement riche et foisonnant où, comme il le dit lui-même (à peu près je n'ai pas la citation exact) "je me croyais arrivé au port mais je fus rejeté en pleine mer". Rejeté en pleine mer par une nouvelle question alors qu'il croyait avoir trouvé la réponse définitive.
N'est-ce pas parce qu'il pose le problème en termes de bien et de mal, contrairement à Spinoza ?

n°1677971
rogr
Posté le 16-12-2003 à 19:46:25  profilanswer
 

Le Penseur Fou a écrit :

Par "etre positif", on entend généralement : "aimer la vie" .
Mais aimer la vie, cela signifie souvent aimer sa propre vie; d'ou un certain égoisme ou un égoisme certain qui peut confiner a la concupiscence ,aux pleurnicheries, a la lacheté et au non-agir.
 
Par "etre négatif" , on entend souvent "ne pas aimer la vie" (telle qu'elle est); mais ne pas aimer la vie, c'est y voir (et parfois ressentir)la souffrance chez les autres etres vivants et pas seulement la sienne propre; D'ou il peut résulter qu'etre négatif ça peut vouloir dire:  
etre altruiste , courageux, compatissant, agissant ...


Citation :

Par "etre positif", on entend généralement : "aimer la vie".


ou "être en accord avec la vie" : et là on sent bien que l'expression a à voir avec quelque principe ou élan positif naturel.
 

Citation :

Mais aimer la vie, cela signifie souvent aimer sa propre vie; d'ou un certain égoisme ou un égoisme certain qui peut confiner a la concupiscence ,aux pleurnicheries, a la lacheté et au non-agir.


Là c'est tout autre chose : "sa propre vie" n'a de sens ou d'intéret véritable qu'en accord avec le grand tout : il faut être bien orienté. On est là au delà des affaires d'ego ou choses du même genre...  
 

Citation :

Par "etre négatif", on entend souvent "ne pas aimer la vie" (telle qu'elle est);


"être négatif" c'est tout simplement être mal orienté : cela n'a pas grand rapport avec "la vie telle qu'elle est" (quelqu'un disposant de toutes les prospérités matérielles désirables pourra très bien être quelqu'un de "négatif" ).
 

Citation :

mais ne pas aimer la vie, c'est y voir (et parfois ressentir) la souffrance chez les autres etres vivants et pas seulement la sienne propre;

 
c'est possible ché pas, faudrait réfléchir [:minusplus]  
 

Citation :

D'ou il peut résulter qu'etre négatif ça peut vouloir dire:  
etre altruiste , courageux, compatissant, agissant ...


ça me paraît très cavalier de dire ça, je vois pas bien le lien. La vertu ultime selon Descartes, la générosité (quoi de plus "positif" dans son principe ou son fondement), me paraît assez en rapport avec les termes "altruiste", "courageux", "agissant". "compatissant" c'est autre chose : là encore il faudrait réfléchir ([:minusplus]²).


Message édité par rogr le 16-12-2003 à 19:52:57
n°1678020
rogr
Posté le 16-12-2003 à 19:54:48  profilanswer
 

THE REAL KRYSTOPHE a écrit :

spamafote  c le djeunes gotik ki la fait :D


tu veux dire que tu te transformes de temps à autres en goth !? [:rogr]
comme ils disaient dans le truc que j'ai vu hier :  
" Comment se porte messire Malvolio ?
- Il tient Belzébuth en respect ! "

[:ddr555]

n°1681895
l'Antichri​st
Posté le 17-12-2003 à 13:23:19  profilanswer
 

Sur la question du bien et du mal, j'aimerai répondre à la fois à Rogr et à Pascal75 (plus au premier qu'au second en fait, il faudra certainement revenir sur le problème du bien et du mal chez Leibniz, j'en conviens), non en suivant Leibniz (qui propose sa réponse, voir le commentaire du Discours) mais en considérant la question dans son fondement essentiel : le mal pour le mal est-il possible ? Existe t-il ? Ce qui revient à se demander ce qu'est le mal (et le bien) ?
 
 
Il semble que toute volonté de faire le mal, pour faire le mal, soit en effet incompréhensible. A moins de penser que l?on puisse vouloir son malheur ? et qu?on puisse le vouloir sans même vouloir le bonheur d?affirmer sa liberté jusque dans le malheur de sa damnation (comme Dom Juan). Pour que le mal puisse être volontaire, il faut qu?il soit voulu et désiré, et donc qu?il soit désirable. Et s?il est désirable c?est qu?il est un bien. Ce qui est contradictoire. Comment donner une positivité au mal, sans en faire un bien ? La raison est-elle à même de penser la contradiction du mal volontaire ?
 
Dans la tradition métaphysique, le mal n?est jamais pensé que comme défaut ou privation du bien (y compris d'ailleurs chez Leibniz !). Et ainsi comme résultant d?un défaut de connaissance du bien. Le platonisme se contente de penser que le mal est le nécessaire contraire du bien ? ainsi qu?il est dit dans le Théétète ( 176 a ) : " Mais il est impossible que le mal disparaisse, Théodore ; car il y aura toujours, nécessairement, un contraire du bien ". Et il ajoute : " Il est tout aussi impossible qu?il ait son siège parmi les dieux ; c?est donc la nature mortelle et le lieu d?ici-bas que parcourt fatalement sa ronde. " Le mal est au bien ce que l?ombre est à la lumière ; ainsi le séjour mortel ici bas est symbolisé par le royaume des ombres de la célèbre caverne du début du livre VII de la République. L?ombre est absence ou privation de lumière, et son complément nécessaire. Le mal provient d?une non-connaissance. De même, chez un philosophe rationaliste tel que Spinoza, le mal provient d?un défaut de connaissance, d?une privation des lumières de la raison. Et non d?une volonté du mal. Mais si l?on y réfléchit, dans toute la tradition rationaliste de la philosophie et de la théologie rationnelle, il ne saurait y avoir une libre volonté du mal, puisque la volonté poursuit nécessairement un bien ? que ce bien existe de façon indépendante et transcendante au désir et à la volonté, comme chez Platon, ou bien qu?il existe du fait même du désir et de la volonté, comme chez Spinoza.
 
On pourrait penser que la tradition théologique chrétienne, en mettant l?accent sur le péché originel, donne au mal une positivité telle qu?il existe non comme un contraire du bien, mais comme un contradictoire du bien. Non comme un défaut du bien mais comme un principe opposé au principe du Bien. Non comme une absence de lumière, mais comme une contre-lumière. Mais ce serait tomber dans un manichéisme (de Zoroastre ou des gnostiques) étranger au christianisme. Car, dans le christianisme (comme dans le Judaïsme et l?Islam), le principe bon et divin triomphe nécessairement du mauvais et satanique, comme la vérité de l?erreur. Certes il existe des forces du mal qui s?opposent effectivement aux forces du bien. Mais elles ne sauraient en avoir raison. C?est pourquoi au plus profond du péché, il est toujours possible d?être sauvé, car la miséricorde divine est sans limite. Et le dernier mot appartiendra toujours à Dieu et non au diable.
 
Satan aveugle ceux dont il abuse de la naïveté plus qu?il ne les délivre de l?erreur en les encourageant à braver la Loi. Ainsi Faust, las de la connaissance, désireux d?un bonheur simple, signe malgré lui son malheur en pactisant avec le diable. De même, Adam et Eve voulaient-ils leur malheur ? Ils voulaient avoir le bonheur de savoir, cueillir le fruit de l?arbre de la sagesse. Ils ont usé certes de la liberté de pouvoir faire le mal. Mais l?auraient-ils fait s?ils n?avaient pas été séduits par le serpent, si leurs volontés n?avaient pas été affaiblies par une puissance du mal dont ils n?étaient pas maîtres ? Ont-ils voulu vraiment le mal qu?ils ont fait et qu?ils se sont faits ? Souvenons-nous seulement de cette parole du Christ sur la Croix : " Père, pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu?ils font. "
 
A y regarder de plus près, l?explication religieuse ? chrétienne ? du mal dépasse la raison. La volonté du mal, si elle existe, est peut-être ce dont la raison ne peut rendre compte. On sait la contradiction, que souligne en particulier Spinoza, à penser que dieu, qui est omniscient, omnipotent, et infiniment bon, crée un homme libre en sachant qu?il usera de sa liberté pour faire le mal. Cela signifie en effet que Dieu, infiniment bon, a permis le mal et voulu au bout du compte le mal. Pascal en revanche est parfaitement conscient de l?irrationalité du dogme du péché originel : " Le péché originel est folie devant les hommes, mais on le donne pour tel. Vous ne me devez donc pas reprocher le défaut de raison de cette doctrine, puisque je la donne pour être sans raison. Mais cette folie est plus sage que la sagesse des hommes " (cf. Pensées, 445, éd. Br.). Et à propos de la transmission du péché commis par Adam et Eve à toute l?humanité, Pascal dit : " Rien ne nous heurte plus que cette doctrine ; et cependant ! sans ce mystère, le plus incompréhensible de tous, nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes... L?homme est plus inconcevable sans ce mystère que ce mystère n?est inconcevable à l?homme. " (434).
 
Irrationalité que Dieu infiniment bon permette le mal au point d?exercer ensuite sa colère vengeresse. Irrationalité que l?homme soit condamné pour un mal commis par Adam et Eve, dont il n?est pas directement coupable. Irrationalité que l?homme soit puni dans l?au-delà du péché qu?il n?a pas la force, sans le secours de la grâce, de combattre, et cependant qu?il est considéré avoir commis volontairement et sciemment pour mériter un châtiment éternel. Cette irrationalité n?est pas spécifiquement théologique. Elle est inhérente à nos jugements moraux et à la pratique du droit. Car on juge et on punit d?autant plus sévèrement le mal qu?on l?estime volontaire, alors même que le mal est une marque de la faiblesse de la volonté. Il y a une contradiction fondamentale à juger qu?un homme a été méchant parce qu?il a manqué de volonté pour faire le bien, et à considérer qu?il a cependant commis le mal volontairement et librement. Spinoza a vu cette contradiction et la lève en affirmant que la volonté n?est pas libre. Ce faisant, Spinoza va contre l?opinion commune.
 
Cette contradiction est au coeur de la philosophie de Kant. Chaque être raisonnable, auteur et sujet de la loi morale, est libre, et comme tel responsable, de ne pas se déterminer selon la seule raison ? mais de se laisser déterminer par son caractère méchant, sa mauvaise éducation, son passé, ses intérêts présents, etc... c?est-à-dire est libre de ne pas être libre. En un mot, l?homme a-t-il la libre volonté que sa volonté succombe au mal ? Si le mal doit être voulu pour qu?il nous soit imputable, peut-il être cependant voulu librement puisqu?il va à l?encontre de la raison et donc de notre liberté ? Kant reconnaît lui-même, comme Pascal, les limites de la raison pour rendre compte de la propension de l?homme au mal. D?où le mythe du péché originel " qui met au début le mal, au commencement du monde, assurément, mais dans un esprit, d?une destinée sublime à l?origine ; ainsi le commencement premier de tout le mal est représenté pour nous, comme incompréhensible de façon générale (car d?où le mal chez cet esprit ?) mais l?homme comme devenu la proie du mal, uniquement par séduction." (cf. La religion dans les limites de la simple raison, I, 4).
 
Devons-nous nous en tenir à cet échec de la raison pour rendre compte du mal ?  
 
La tradition depuis Socrate confond mal et malheur, bien et bonheur. Or Kant est le premier à avoir séparé la question du bonheur de celle du bien moral. Il s?agit de faire son devoir, non pour être heureux, mais pour être dignes d?être heureux. Non pour atteindre le bonheur, pas même celui du Paradis, mais par respect de la loi morale, et par delà, par respect pour la dignité de l?homme (en sa personne comme en celle d?autrui), pour sa liberté. L?homme veut nécessairement être heureux mais son devoir moral l?arrache à cette nécessité. On comprend alors que l?attirance pour le bonheur empêche l?homme de faire le bien et qu?il est pleinement responsable du mal qu?il fait, en sacrifiant à ses intérêts et à ses inclinations. Dès lors il y a chez Kant les moyens de penser rationnellement la liberté de faire le mal. Et cependant Kant se refuse à penser que le mal puisse être le principe d?une libre conduite, puisque celle-ci ne peut être que contraire à la raison. Comment la liberté pourrait-elle résider dans une volonté opposée à la raison ? Puisque volonté et raison sont toujours associées chez Kant. De ce point de vue, Descartes paraît plus audacieux : ce peut être un bien à nos yeux d?affirmer notre libre arbitre en décidant le mal (théorie du libre-arbitre).
 
Ne peut-on penser une liberté de faire le mal égale à la liberté de faire le bien ? Non que la volonté de faire le mal puisse être jamais semblable à la volonté divine toujours parfaitement bonne. Mais n?est-ce pas cette constante référence à Dieu qui empêche de penser réellement le mal ? Chez Descartes comme chez Kant. Il faut penser " la mort de Dieu " pour penser sans contradiction le mal et la possibilité de jamais désirer et vouloir le mal. Le mal ne vient pas plus de Dieu que d'une puissance démoniaque. En voulant assigner un fondement théologique à la conscience morale (du bien et du mal), on s?empêche de penser l?origine du mal.
 
Qu?est-ce en effet que le mal ou le bien ? D?abord des interdits. Interdits sociaux et moraux (qui relèvent autant des moeurs que de la morale) transmis de génération en génération et qui fondent une civilisation. Des interdits entourés de sacré. Interdits qui selon G.Bataille canalisent la violence que porte en lui-même le couple formé par la sexualité et par la mort. Mais ces interdits signifient en même temps la violence qu?ils inhibent. L?interdit, nécessaire pour la vie en communauté, indique ce qu?il veut cacher, valorise ce qu?il condamne. L?ambiguïté de tout interdit moral est fondamentale. L?interdit autour du cadavre signifie à la fois notre attachement à la vie et la fascination pour la mort. Les interdits sexuels signifient à la fois notre répulsion et notre fascination pour ce qu?ils interdisent. Fascination-répulsion que nous retrouvons autour du sacré. Ainsi ce n?est pas tant dieu qui fonde la morale, que nos interdits moraux qui sont à l?origine de notre fascination ? comme de notre répulsion ? pour Dieu, ou de ce qui revient au même, de notre répulsion ? ou de notre fascination ? pour le Diable.
 
Mieux l?interdit appelle nécessairement sa transgression. L?expérience de l?érotisme, selon Bataille, est l?expérience même de la transgression d?un interdit. " L?expérience intérieure de l?érotisme demande de celui qui la fonde une sensibilité non moins grande à l?angoisse fondant l?interdit, qu?au désir menant à l?enfreindre C?est la sensibilité religieuse qui lie toujours étroitement de désir et l?effroi, le plaisir intense et l?angoisse " dit Bataille. Les transgressions des interdits peuvent même être organisées rituellement dans de nombreuses sociétés, lors de fêtes ou de carnavals aux débordements sans limite. La guerre est peut-être une de ces transgressions des interdits valables  en temps de paix, rituellement et régulièrement organisées par les sociétés humaines.
 
L?obligation du bien n?existe que par l?interdit du mal. Il suffit de relire la table des lois. Ses commandements sont principalement des interdits : " Tu ne tueras pas ". Le bien n?est pas le contraire du mal mais son contradictoire. Cela même qui le repousse, l?exclut. L?interdit porte en lui la possibilité de sa transgression. C?est bien là ce qui distingue la loi morale et la loi juridique d?une loi naturelle. Une loi de la nature implique l?impossibilité de la transgresser : elle définit une nécessité. La loi morale, juridique, politique, religieuse implique la liberté de ne pas être respectés ; elle définit une obligation. Obligation n?est pas nécessité.
 
Seul Kant en pensant la liberté au fondement de la morale ouvre la voie de penser la possibilité du mal volontaire. Mais alors ce n?est pas tant la raison qui définit la liberté, qu?un principe qu?il faut situer au-delà de la raison, qui est à la fois au fondement de la raison et de la déraison. Une liberté qui me rend capable de raison : de poser la loi morale, de m?y soumettre en dominant ma sensibilité et ma nature ; et de déraison : de faire de la désobéissance à la loi un principe de conduite, et ainsi de tenter de faire du mal un principe universel de conduite (comme les nazis qui plaçaient hors de l?humanité les Juifs et pensaient que tout être raisonnable devait penser ainsi), et non l?effet de la soumission à une maxime particulière. Car la raison suppose son contraire, ou plutôt son opposé, non un défaut de la raison qui serait la sensibilité, mais une anti-raison, une contre-raison.
 
L?humanité a son contraire, ou plutôt son opposé, non dans l?animalité et sa dépendance  à l?égard de la nature, mais dans l?inhumanité. Non dans une sensibilité pathologique mais dans une déraison. Non dans une faiblesse passagère mais dans une folie essentielle qui consiste, non pas simplement à faire passer son bien (ou son bonheur) avant le respect de la loi morale par ignorance de son bien véritable, mais à nier l?humanité de l?autre, en attentant à sa liberté et à sa dignité, et par là même à sa propre dignité ? lesquelles ont pourtant infiniment plus de prix à nos yeux à tous, que le bonheur.  
 
 
Nul n?est méchant volontairement. Oui si l?on entend que nul ne veut de plain gré et en toute connaissance de cause, son malheur. L?homme peut vouloir le malheur d?autrui, pourvu que ce soit pour son bien. Ne serait-ce que pour le bonheur d?affirmer sa propre liberté. L?homme peut aussi, inversement, vouloir son malheur, si c?est pour le bien d?autrui. Mais le malheur est une chose, le mal en est une autre ; le bonheur est une chose, le bien en est une autre. C?est pour avoir confondu l?un et l?autre ? en prétendant, comme il le dit dans le Ménon, que personne ne veut le mal puisque personne ne veut son malheur ? que Socrate au fond nous a laissé un sophisme qui heurte l?opinion de tout un chacun et qui est contraire à la pratique ancestrale du droit et de la morale. Aristote a bien vu que la formule socratique constitue un sophisme ? à moins de mettre sur un même plan Oedipe qui fait le mal involontairement, frappé par le destin, et Médée qui tue ses enfants, dans une vengeance meurtrière. Le premier est hanté par le repentir, pas vraiment la seconde. Aristote a le mérite de ne pas vouloir théoriser la morale, et de prendre au sérieux les opinions communes en matière de morale. Car peut-on réellement fonder, en raison, - théoriquement ? la morale ? Qu?est-ce qui peut jamais fonder la vérité d?un jugement de valeur éthique ? ? demande par exemple Wittgenstein dans sa conférence sur l?éthique (publiée in Leçons et conversations ). Les notions de bon ou de mauvais ont toujours un sens dès lors qu?elles sont relatives à la poursuite d?une fin déterminée, fin au regard de laquelle il est possible de vérifier si une chose a bien ou mal rempli sa fonction ou sa destination. Ainsi un homme peut-il être un bon médecin ou un bon musicien. Mais un homme peut-il être bon dans l?absolu ? Cette notion de " bon dans l?absolu " dépasse les limites de ce que le langage peut jamais dire de vrai ou de faux. Mais Kant montre précisément que l?action morale n?est pas technique (ni pragmatique) ? qu?elle ne consiste pas à savoir quel est le bon moyen d?arriver à une fin (qui serait l?utilité ou le bonheur) ; elle est à elle-même sa propre fin. Son seul objet est le respect de la dignité de la personne humaine. Cette dignité qui n?a pas de prix, et dont le respect est inconditionnel. Cela ? et à cet égard Wittgenstein n?a peut-être pas tort ? c?est un postulat métaphysique, au fond, que rien de rationnel ne justifie a priori en dépit de ce que veut montrer Kant. Celui-ci part d?un fait moral. De la conscience morale qu?il dit être un " fait de la  raison ". Un fait de l?humanité, oui, un fait de la liberté, oui. Mais de la raison ? (On peut en douter. Quelle raison pourra jamais me convaincre, comme dirait Sade, que l?homme que je tue a plus de prix que celui d?un être vivant quelconque ?). Le fait moral est un fait de liberté. C?est que la liberté est à la fois ce qui fait les hommes capables de raison, et partant d?humanité, et ce qui les fait capables de déraison, et partant d?inhumanité. L?homme a la liberté de nier l?humanité, en sa personne comme en celle d?autrui. Mais que vaudrait en effet la liberté humaine si elle n?était confrontée sans cesse à la possibilité de sa négation ? à la possibilité de son auto-négation ?


Message édité par l'Antichrist le 18-12-2003 à 04:14:08
n°1683285
l'Antichri​st
Posté le 17-12-2003 à 16:35:15  profilanswer
 

Citation :

Je connais assez mal Leibniz (préambule) mais ça m'empêche pas d'essayer de saisir quelquechose de son monde et de sa manière de penser et d'enchaîner les concepts. J'ai l'impression (est-ce que je me trompe ?) qu'un des problèmes principaux de Leibniz c'est le rapport entre la perfection divine et l'imprefection des hommes. Il donne assez facilement une première réponse : on ne peut juger de la perfection que dans le tout, même si chaque partie peut à l'occasion être imparfaite, être mauvaise, porter le mal. Mais cette réponse, telle qu'il la formule, engendre d'autres questions qui, elles-mêmes appellent d'autres réponses, ainsi dans une sorte de dispositif virtuellement infini. Ca fait un monde ex trêmement riche et foisonnant où, comme il le dit lui-même (à peu près je n'ai pas la citation exact) "je me croyais arrivé au port mais je fus rejeté en pleine mer". Rejeté en pleine mer par une nouvelle question alors qu'il croyait avoir trouvé la réponse définitive.
N'est-ce pas parce qu'il pose le problème en termes de bien et de mal, contrairement à Spinoza ?


 
Une autre oeuvre de Leibniz permet d?aborder de front le problème du bien et du mal : l?Essais de Théodicée (Sur le bonté de Dieu, la liberté de l?homme et l?origine du mal, 1710).  
 
Dans le § 20 de la première partie, Leibniz montre qu?il y a trois sortes de mal :
- un mal métaphysique (imperfection de la créature)
- un mal physique (souffrance)
- un mal moral (péché)
Les deux derniers ne sont pas nécessaires, mais seulement possibles, et il s?est trouvé de cette possibilité dans le monde que Dieu a choisi de faire passer à l?existence parce qu?il l?a jugé le meilleur des mondes possibles (un monde où tout est lié et tout répond à tout, y compris le mal !). Dieu a donc permis le mal plutôt qu?il ne l?a voulu. Pourtant, c?est bien Dieu qui actualise le possible : ainsi il contribue activement à l?existence du mal. Il est cependant la cause du matériel du mal et non du formel du mal : fondamentalement, le mal vient de l?imperfection originelle de la créature (tu l?as très bien compris Pascal75 !). En ce sens, le mal moral (le péché) provient d?une cause déficiente plutôt qu?efficiente (l?imperfection de la créature) : le mal est limite, privation (voir mon post précédent pour élargir cette idée au problème général du mal). En ce sens, je répète que le mal chez Leibniz est une conséquence de son système de l'harmonie préétablie (et non sa cause, comme tu le laisses entendre : " N'est-ce pas parce qu'il pose le problème en termes de bien et de mal, contrairement à Spinoza ? " ). Il faut donc comprendre que l?action positive de Dieu est limitée par la limitation/privation de la créature. Ainsi notre jugement nous trompe parfois ; et nous péchons parfois en voulant ce que nous croyions être le bien. Notre liberté est un choix spontané mais déterminé (toute inclination a une raison).
 
En effet, dans les §§ 36 à 46, Leibniz montre que les actions des hommes (ou futurs contingents) sont déterminés mais contingents (non nécessaires), donc pas absolument certains. Une vérité devient nécessaire si Dieu la prévoit, mais c?est une nécessité hypothétique qui ne suffit pas à rendre une action absolument certaine ; Mais alors Dieu connaît toute la nature des choses et la vérité est prédéterminée (donc ni contingente ni libre) ? Dieu voit tous les compossibles possibles mais sa volonté choisit une préordination déterminée des choses (non conditionnée), sans toutefois que cette détermination soit nécessitante : certitude objective, ou détermination, n?est pas vérité nécessitante. Dieu se contente donc de voir en détail la chaîne des déterminations libres qui dans la notion de chaque substance lie chaque état au précédent et au suivant : ainsi la prescience est parfaite et la liberté aussi. L?âme est donc un automate spirituel, et elle demeure libre et ses actions contingentes tout en étant prévues par Dieu. Les événements en effet n?ont rien par eux-mêmes de nécessaire, et l?enchaînement des causes et des effets incline sans nécessiter, même hypothétiquement. D?autre part cet ordre n?empêche pas les miracles, qui y étaient compris dès le premier moment.
 
Pour comprendre cela il faut une théorie de la prédestination : c?est précisément ce que nous offre Leibniz dans les §§ 76 à 105. Dieu a voulu le salut de tous les hommes par volonté antécédente (pétition de principe en faveur du bien = maximum), mais sa volonté conséquente (immédiatement effective = le meilleur = l?optimum) est soumise à la limitation des créatures. Mais s?agit-il d?une prédestination absolue ou relative ? Il faut distinguer destination et prédestination. Les pécheurs sont destinés à être damnés parce qu?ils sont tels, mais ils n?y sont pas prédestinés (il n?y a pas de réprobation absolue : elle est relative à l?impénitence prévue des pécheurs). Dès lors se pose une question : Comment la justice et la bonté divines se manifestent-elles dans ses actes touchant le salut ?
 
1) Comment l?âme a pu être touchée par le péché sans qu?il y ait injustice divine ? Trois thèses possibles : préexistence de l?âme qui paye ici les péchés d?une vie antérieure ; traduction (l?âme est issue per traducem des âmes de ses géniteurs, et le péché est ainsi héréditaire) ; création. C?est ce dernier point qui pose les plus gros problèmes. Il implique en effet une définition de l?âme (à partir d'Aristote) : l?âme est forme ou entéléchie, c?est-à-dire tendance à la perfection. Or la perfection de la puissance est l?action (l?âme peut donc se comprendre comme force, effort, conatus). Mais quelle est son origine ? Elle n?est pas tirée de la matière. Elle est indestructible (comme toutes les substances) et immortelle (indestructibilité morale). La génération de l?animal n?est donc qu?une transformation, un développement à partir d?une préformation. Les âmes préexistent dans leurs ancêtres jusqu?à Adam. Mais comme Leibniz ne voit pas de moyen de passer naturellement du sensitif au rationnel (puisque les âmes germinatives ne sont, dans la semence, que sensitives), il conclut que Dieu accorde par " transcréation " la raison à l?âme qui est " héréditairement " touchée par le péché (puisque toutes les âmes ont été créées d?un coup).
 
2) L?âme ainsi corrompue suffit-elle à la damnation sans le baptême (et sans qu?il y ait eu péché actuel) ? Les opinions théologiques sont diverses (limbes, damnation, etc... §§ 92-95). La damnation est une dure sentence, de même que la damnation de ceux qui ne sont point convertis et donc pas touchés par la grâce : cela signifierait qu?en dehors de l?Alliance, point de salut ? La grâce peut donc s?étendre à ceux qui sont hors-sacrement (enfants et barbares). Quant aux moyens de cette grâce en acte, ils sont infinis et passent notre compréhension.
 
3) Restent ceux qui manquent quant à l?intention : n?est-ce pas Dieu qui leur a refusé cette intention ? Il ne suffit pas de dire que Dieu n?est point obligé de les sauver : il faut qu?il ait des raisons de ne pas le faire. Il y a bien choix, mais les raisons de détail nous dépassent : nous savons seulement que le monde est généralement le meilleur et que chaque homme est tel parce que comme tel il est nécessaire à ce meilleur des mondes (et nécessaire en tant qu?il est tel, conformément à sa possibilité que Dieu a conçue, c?est-à-dire avec ses péchés)
 
Conclusion de la première partie : on doit raisonnablement croire, même faute de le prouver toujours démonstrativement, que Dieu est parfaitement sage, juste et bon.


Message édité par l'Antichrist le 18-12-2003 à 04:10:32
n°1689179
rogr
Posté le 18-12-2003 à 12:07:54  profilanswer
 

Nom d'un schtroumpf de nom d'un schtroumpf !
voici ce que j'ai trouvé :
 
" Dans la pensée hindoue traditionnelle, Shakti est le pouvoir fondamental d'impulsion du cosmos. Mais Bouddha a infléchi cette notion et elle est devenue la source, le fondement des actes personnels. Dans le bouddhisme, l'action signifie la relation entre la cause et l'effet du kharma, et l'effet se divise en deux aspects, positif et négatif, ou, plus exactement "effet aimé" et "effet non-aimé". Shakti, la puissance cosmique fondamentale, se dit Karitra. "
(Taisen Deshimaru, "Zen et vie quotidienne", Albin Michel, coll. "Spiritualités vivantes" n° 47, p. 259)
 
c'est trop fort c'est parfait c'est exactement ça ! :ouch:  
 
L'attention portée sur effet "aimé ou non-aimé" est intéressante (effectivement, si on regarde bien, c'est finalement quelque chose de cet ordre qui fait dire : "ça c'est positif" ou "ça c'est négatif" ).  
Sans doute il ne faut pas aller jusqu'à identifier "bien" avec "aimé", "mal" avec "non-aimé", ça doit être plus compliqué que ça. Par contre poser "positif = aimé" et "négatif = non-aimé" est intéressant : en effet chacun des deux courants ou ondes ou forces ou principes (positif ou négatif), est quelque chose (car il s'agit là de "choses" et non pas d'idées) dont les effets peuvent être clairement sentis : et c'est effectivement un senti, que l'on peut sans doute cataloguer comme "aimé" ou "non-aimé", qui fait dire de tel phénomène : ceci est d'ordre positif (ou négatif).
A noter que "aimé" ce n'est pas exactement la même chose que "agréable". Dans une citation suivante il est question de "contentement" ou "mécontentement" à la place de "aimé" et "non-aimé", c'est intéressant. Mais encore une fois : il faut réfléchir pour mieux cerner tout ça [:minusplus]

n°1689198
rogr
Posté le 18-12-2003 à 12:11:07  profilanswer
 

L'Antichrist > je relirai et requoterai des choses dans ton texte car il y a vraiment matière (là j'ai hélas pas beaucoup de temps), pour l'instant je rebondis juste sur un détail :
 

Citation :

Il semble que toute volonté de faire le mal, pour faire le mal, soit en effet incompréhensible. A moins de penser que l'on puisse vouloir son malheur – et qu'on puisse le vouloir sans même vouloir le bonheur d'affirmer sa liberté jusque dans le malheur de sa damnation (comme Dom Juan). Pour que le mal puisse être volontaire, il faut qu'il soit voulu et désiré, et donc qu'il soit désirable. Et s'il est désirable c'est qu'il est un bien. Ce qui est contradictoire.

 
ceci ne semble pas très clair.
Il y a cette citation dans le même bouquin cité plus haut :  
 
"(...) le kharma ne se réfère pas à des lois abstraites ou philosophiques. Ses effets s'apprécient à partir des données subjectives du contentement et du mécontentement. Dans le bouddhisme, ces sentiments donnent un sens véritable au bien et au mal : toute action bonne est source de contentement intérieur, toute action mauvaise de mécontentement. Notre esprit intérieur est le juge implacable de nos actions."
 
On pense d'ailleurs à cette phrase de Balzac mais qu'aurait aussi bien pu prononcer Rousseau : "Notre conscience est un juge infaillible, quand nous ne l'avons pas encore assassinée" ("La peau de chagrin" ).
Mais c'est là que ça se précise :
 
"Toute action qui n'est pas juste, même si dans l'immédiat elle satisfait l'ego, amène ensuite un sentiment de remords (plus ou moins diffus, selon l'égoïsme de chacun). (...) L'effet du kharma ne se manifeste pas dans le futur immédiat ; la conséquence immédiate d'une mauvaise action volontaire est souvent une réjouissance, sinon une telle action ne serait pas. Mais cette satisfaction ne présente que la première phase des effets, qui sera suivie d'une deuxième phase plus profonde et plus lourde, la phase du mécontentement. Aussi toujours, lorsque nous agissons, devons-nous considérer le résultat kharmique futur dans sa totalité et non du seul point de vue de la satisfaction immédiate qui résulte de l'action."
(Taisen Deshimaru, "Zen et vie quotidienne", Albin Michel, coll. "Spiritualités vivantes" n° 47, p. 265-266)
 
C'est toujours par ignorance, par aveuglement, ou par un défaut dans le calcul des joies et des peines sur la distance, que nous nous fourvoyons : personnellement j'ai toujours trouvé inattaquable la sentence de Socrate "nul n'est méchant volontairement", ça me paraît la base de tout, on peut sonder ces 4 mots sans relâche.
A noter que "une mauvaise action" n'est pas forcément équivalent de "faire le mal" au sens de "méchant" (se livrer à la débauche par exemple ce n'est pas être méchant, sauf éventuellement et en tordant le cou aux mots, envers soi-même). Mais encore une fois il faudrait réfléchir [:minusplus]

n°1690103
Ryan
Foupoudav
Posté le 18-12-2003 à 14:12:50  profilanswer
 
n°1690132
pascal75
Posté le 18-12-2003 à 14:15:39  profilanswer
 

Le kharma, tout ça, ça doit être très bien, mais c'est pas de la philo, faut pas tout mélanger :)

n°1690458
rogr
Posté le 18-12-2003 à 14:54:04  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Le kharma, tout ça, ça doit être très bien, mais c'est pas de la philo, faut pas tout mélanger :)


ceci est je le sens le prémisse à d'immenses réflexions (tu penses bien que c'est pas si simple que ça), mais là j'ai pas le temps ! :'(
 
ryan > 'rci pour les liens j'explorerai ça :jap:

n°1693110
rahsaan
Posté le 18-12-2003 à 21:09:51  profilanswer
 

Je crois que ne se trouvent pas dans la liste les Pensées de Pascal75.  :D  
 
C'est pourtant un ouvrage excellent, où l'auteur nous raconte les secrets de son avatar, de cette ligne blanche qui voyage, inlassablement, sur ce fond bleu intense... On lit comme un roman cette chronique du temps qui passe blablabla :lol:  
 


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°1693130
pascal75
Posté le 18-12-2003 à 21:12:51  profilanswer
 

rogr a écrit :


ceci est je le sens le prémisse à d'immenses réflexions (tu penses bien que c'est pas si simple que ça), mais là j'ai pas le temps ! :'(
 
ryan > 'rci pour les liens j'explorerai ça :jap:  


Merci en tous les cas de m'avoir signalé que c'était pas si simple que ça  [:486dx]

n°1693134
pascal75
Posté le 18-12-2003 à 21:14:22  profilanswer
 

Rahsaan a écrit :

Je crois que ne se trouvent pas dans la liste les Pensées de Pascal75.  :D  
 
C'est pourtant un ouvrage excellent, où l'auteur nous raconte les secrets de son avatar, de cette ligne blanche qui voyage, inlassablement, sur ce fond bleu intense... On lit comme un roman cette chronique du temps qui passe blablabla :lol:  
 
 


J'y tiens à mon gif animé, je suis un des derniers à en avoir encore un. Marc y veut plus :/

n°1693447
rogr
Posté le 18-12-2003 à 22:34:39  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Merci en tous les cas de m'avoir signalé que c'était pas si simple que ça  [:486dx]


mais c'est tout naturel ! http://monsite.wanadoo.fr/CelticCircleCineZone/images/6-picture4.gif

n°1694054
pascal75
Posté le 19-12-2003 à 00:12:05  profilanswer
 

Le 17ème siècle a sans doute été le plus grand siècle pour la philosophie, celui des idées claires et distinctes. A ce propos, les deux commentaires de l'antichrist, l'un sous forme d'abécédaire du cartésianisme et l'autre sous forme d'une explication du texte de Leibniz, sont épatants. Je les ai rajoutés dans le premier post.


Message édité par pascal75 le 19-12-2003 à 00:13:01
n°1694227
rogr
Posté le 19-12-2003 à 01:11:14  profilanswer
 

http://phpp.free.fr/BonjourBoGosse!.jpg

n°1695039
pascal75
Posté le 19-12-2003 à 11:00:36  profilanswer
 

Une question que je me pose à propos de Leibniz et qui rejoint peut-être d'un certain côté celles des sages orientaux et du nirvana : il y a-t-il pour l'individu tel que le conçoit Leibniz, la possibilité d'avoir à un moment au moins, une idée du tout ? ou alors est-ce que nous sommes réduits à n'être que de misérables points de vue sur celui-ci, qui ne comprendront jamais rien à rien ?

n°1695828
rogr
Posté le 19-12-2003 à 13:13:15  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :

Dans la tradition métaphysique, le mal n’est jamais pensé que comme défaut ou privation du bien (y compris d'ailleurs chez Leibniz !).

Pourtant les "forces du mal", qu'il faut plus justement nommer "forces négatives de la nature", existent bel et bien, elles ont leur puissance et leur principe propres. Il faut prendre ça en compte il me semble avant toute réflexion un peu trop abstraite sur "le bien et le mal".

Citation :

Et ainsi comme résultant d’un défaut de connaissance du bien.

Ceci peut rester vrai : d'un strict point de vue individuel il suffit d'être bien orienté pour en quelque sorte laisser de côté toutes les tendances "négatives". Mais, encore une fois, les mots "bien" et "mal" sont dans les phrases quotées ci-dessus d'une grande confusion : il y a mélange, ou plus exactement manque de discernement, entre deux niveaux : d'une part ce qui est (les forces de la nature "positives" ou "négatives" ), et d'autre part les concepts de bien et mal, instruments immatériels d'une réflexion philosophique abstraite (à fortiori lorsque cette réflexion ignore le premier niveau...).

Citation :

Le platonisme se contente de penser que le mal est le nécessaire contraire du bien – ainsi qu’il est dit dans le "Théétète" ( 176 a ) : " Mais il est impossible que le mal disparaisse, Théodore ; car il y aura toujours, nécessairement, un contraire du bien ". Et il ajoute : " Il est tout aussi impossible qu’il ait son siège parmi les dieux ; c’est donc la nature mortelle et le lieu d’ici-bas que parcourt fatalement sa ronde. "

Grave erreur. Cette phrase présente d'ailleurs quelque part une sorte de contradiction naturelle avec la phrase "le mal est le nécessaire contraire du bien."

Citation :

Le mal est au bien ce que l’ombre est à la lumière ; ainsi le séjour mortel ici bas est symbolisé par le royaume des ombres de la célèbre caverne du début du livre VII de la "République". L’ombre est absence ou privation de lumière, et son complément nécessaire. Le mal provient d’une non-connaissance.

A titre individuel certes, et aussi dans le sens d'aveuglement. Mais encore une fois le "mal" est davantage qu'une ombre : le "mal" est sous-tendu par ses puissances propres. Mais enfin c'est un fait que les puissances "positives" écrasent facilement les "négatives" (d'un strict point de vue individuel, il y suffit d'un peu d'industrie, comme disait Descartes).

Citation :

De même, chez un philosophe rationaliste tel que Spinoza, le mal provient d’un défaut de connaissance, d’une privation des lumières de la raison. Et non d’une volonté du mal. Mais si l’on y réfléchit, dans toute la tradition rationaliste de la philosophie et de la théologie rationnelle, il ne saurait y avoir une libre volonté du mal, puisque la volonté poursuit nécessairement un bien – que ce bien existe de façon indépendante et transcendante au désir et à la volonté, comme chez Platon, ou bien qu’il existe du fait même du désir et de la volonté, comme chez Spinoza.

Là ça se complique horriblement : il y a le problème de la volonté proprement dite de faire éventuellement le "mal".
L'approche bouddhiste apporte quelque chose : il y a l'idée d'un "mal" qui ne se révélerait comme tel qu'après un certain temps (la "volonté" est attirée vers quelque chose qui parait dans un premier temps "aimable", "sujet de contentement" - pour ne pas dire "désirable" ). Mais mélanger tous ces termes aussi inconsidérément, par exemple "désir" et "volonté", crée une grande confusion : on dirait un jeu de construction pour essayer d'agencer entre elles des pièces (les mots), et lorsque un agencement à peu près convenable s'est trouvé on est content (et après on grave ça dans le marbre et on va se coucher ?).  
 

pascal75 a écrit :

Une question que je me pose à propos de Leibniz et qui rejoint peut-être d'un certain côté celles des sages orientaux et du nirvana : il y a-t-il pour l'individu tel que le conçoit Leibniz, la possibilité d'avoir à un moment au moins, une idée du tout ? ou alors est-ce que nous sommes réduits à n'être que de misérables points de vue sur celui-ci, qui ne comprendront jamais rien à rien ?

"comprendre", "idée", avec comme outils les mots, c'est trop vite limité (ou trop vite à côté de la plaque) : ces choses ne sont qu'un des aspects des capacités de l'humain à "appréhender", dans un sens général, tout ce qui l'entoure. Il faut bien garder en conscience que les mots ne sont que des mots (je ne sais plus quel auteur les a nommés "putains" ), et qu'un système aussi brillant soit-il ne se détachera jamais d'un aspect "jeu de construction". Saint François d'Assise, dans ses ravissements devant le grand tout, ou même devant les petits oiseaux  (il baignait littéralement dans tous les grands "flux" positifs de la nature), ne formait peut-être pas une grande "idée" du "tout" : il était néanmoins fort avancé il me semble dans "l'appréhention" de ce "grand tout".  
 
 
" Les mots que nous mettons sur les réalités terrestres  
entraînent l'illusion,
ils détournent le coeur de ce qui est Réel
vers ce qui n'est pas Réel.
Celui qui entend le mot "Dieu" ne saisit pas le Réel
mais une illusion ou une image du Réel.
De même les mots Père, Fils, Saint-Esprit, Vie, Lumière,
Résurrection, Eglise, tous ces mots ne disent pas la Réalité ;
nous le comprendront le jour où
nous auront fait l'expérience du Réel. "
("L'Evangile de Philippe", logion 11. Traduction Jean-Yves Leloup, Albin Michel, 2003)
 
 
PS. mais bon je continuerai à quoter le texte de L'Antichrist [:sweet purple]  
(tu avais expliqué une fois la signification de ce nom mais je ne me rappelle plus :??)


Message édité par rogr le 19-12-2003 à 23:06:59
n°1695966
pascal75
Posté le 19-12-2003 à 13:37:14  profilanswer
 

Rogr > quand t'es pas d'accord avec quelqu'un ou une manière de penser, si tu penses que ça a un intérêt à le faire savoir, il ne suffit pas de dire

Citation :

les concepts de bien et mal, instruments immatériels d'une réflexion philosophique abstraite

.
Ici, encore une fois, c'est philo. Je comprends tout à fait que la philosophie ne te convienne pas et que tu trouves, comme Ryan par exemple, que la méditation, le bouddhisme ou l'indhouisme sont des outils plus adaptés pour parfaire ta vision des choses. Le mieux ce serait quand même de créer un topic pour ça, non ?
Quant à réfuter sauvagement comme tu le fais et dans un même élan d'enthousiasme Leibniz puis Platon (peut-être d'autres encore, je n'ai pas lu la suite de ton message), ça aurait un peu de consistance si t'en avais lu au moins une ligne pour essayer de comprendre, mais là, visiblement non  [:486dx]


Message édité par pascal75 le 19-12-2003 à 13:48:36
n°1696043
rogr
Posté le 19-12-2003 à 13:44:58  profilanswer
 

http://www.mufs.man.ac.uk/images/stills/exorcist.jpg

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