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Auteur Sujet :

"Ecriture d'un roman d'heroic fantasy" - histoire n°2

n°3350281
Morpion co​smique
acarien à cirer
Posté le 30-07-2004 à 09:51:42  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

Citation :

Ker avait un pichet d'eau en main et buvait tranquillement. Trois corps gisaient sur le sol


 
J'adore  :love: . Si on commence à rencontrer des personnages aussi durs et cyniques que le Démon Cornu (snif snif nostalgie) ça promet!

mood
Publicité
Posté le 30-07-2004 à 09:51:42  profilanswer
 

n°3352810
Tigerlily
Posté le 30-07-2004 à 14:57:36  profilanswer
 

Aprés avoir survolé quelques passages, ça a l'air bien interressant.  :jap:  
 
Puisque j'ai fini le "gros oeuvre" de mon roman à moa, j'aurai le temps d'attaquer ton number two une fois de retour de mes vacances. Alors hop! T'as deux semaines pour pondre encore une dizaine de chapitres  :sol:

n°3369091
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 02-08-2004 à 12:00:01  profilanswer
 

Tiens, quelques questions histoire de pouvoir vous mettre à contribution un minimum, bande de glandeurs  :D  
 
Maintenant que vous avez déjà lu 12 chapitres, vous pouvez vous faire une idée un peu plus précise du style et de l'ébauche de l'histoire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si ça vous donne envie de lire et s'il n'y a pas trop de maladresses.
 
Surtout, pour ceux qui ont lu également le premier roman, est-ce que vous voyez des différences stylistiques entre les deux ? Lequel vous plaît plus pour l'instant ?
 
Merci :p


---------------
Ma chaîne YouTube d'écrivain qui déchire son père en pointillés - Ma page d'écrivain qui déchire sa mère en diagonale
n°3369405
Morpion co​smique
acarien à cirer
Posté le 02-08-2004 à 12:49:05  profilanswer
 

Grenouille Bleue a écrit :

Tiens, quelques questions histoire de pouvoir vous mettre à contribution un minimum, bande de glandeurs  :D  
 
Maintenant que vous avez déjà lu 12 chapitres, vous pouvez vous faire une idée un peu plus précise du style et de l'ébauche de l'histoire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, si ça vous donne envie de lire et s'il n'y a pas trop de maladresses.
 
Surtout, pour ceux qui ont lu également le premier roman, est-ce que vous voyez des différences stylistiques entre les deux ? Lequel vous plaît plus pour l'instant ?
 
Merci :p


 
En ce qui me concerne j'ai préféré le premier roman et ce même si j'admets volontiers que l'histoire n°2 est fort plaisante à lire. J'y vois principalement 2 raisons:
 
-le charisme du Rekk. Les trois héros du deuxième roman me semblent un peu chétifs psychologiquement parlant par rapport au Démon Cornu. On a un peu du mal à les cerner. Il est vrai qu'au début du récit ils sont amnésiques mais bon...
 
- dans le premier roman on avait une vision claire de la "quête" principale, des enjeux. Un père cherche à se venger d'un crime dont on connaît les coupables. Tout le talent du narrateur est de nous faire voir comment le héros va parvenir à ses fins. Dans l'histoire n°2, on est au chap12 et on ne sait pas très bien où vont les héros, où va l'histoire. On les suit un peu au jour le jour. Certains apprécient sans doute ce genre de suspens mais moi ça me fait penser à un feuilleton télé. Chaque épisode amène quelque chose de nouveau mais personne ne peut dire quel sera le dénouement.
 
Cela dit le charme a quand même opéré et je suis aussi accroc que les autres fans.

n°3372248
yulara
Byte Hunter
Posté le 02-08-2004 à 18:06:33  profilanswer
 

heu... j'ai toujours pas lu le 1... mais je peux repondre quand meme? (de toute façon, si tu dis non je prends le gauche :p)
 
y'a une chose qui est sure, c'est que je veux connaitre la suite (d'ailleurs c'est pour quand? :o ).
 
ne pas savoir où le recit va, ne me derange pas. comme ça je peux faire ma propre histoire alternative et donc etre surprise. il y a de l'action, de l'initiation, un zest de fleur bleue. bref, le cocktail que je trouve le plus efficace pour moi.
quant au style, là aussi rien à redire: c'est efficace, agréable, pas de description balzaquienne (de toute façon en general, je n'aime pas les descriptions trop precises, j'aime pouvoir visualiser le monde à ma convenance).


Message édité par yulara le 02-08-2004 à 18:06:57

---------------
Quizz'n'Blind pour tester vos connaissances
n°3388789
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 04-08-2004 à 20:08:29  profilanswer
 

Chapitre 13
 
 
 "Et maintenant, que fait-on ?" grinça Aarel.
 "On se tait, et on attend" répondit Mahlin avec lassitude.
 Cela faisait maintenant plusieurs heures – cinq, d'après les estimations de Mahlin - qu'ils trottaient à bonne allure, mettant le plus de lieues possible entre eux et Bois-Ruisseau. Le jeune homme soupira. Il se sentait près à glisser de la selle tant la fatigue se faisait sentir. Depuis combien de temps n'avait-il pas dormi ? Ses yeux se fermaient tout seul, et seuls les petits coups secs que le cheval donnait aux rênes en avançant la tête l'empêchait de s'assoupir. Ca, et les commentaires d'Aarel, qui montait en croupe sur le cheval de bât qu'ils s'étaient vu attribué.
 Devant eux chevauchait Ker, avec Shani devant lui sur la selle. Le guerrier-mage avançait sans un regard en arrière, comme si ses prisonniers n'existaient pas. Comme s'ils n'avaient pas les mains libres, comme s'ils ne pouvaient pas saisir leurs armes et l'attaquer.
 "Il serait temps de songer à fuir" grommela Aarel. "Je ne tiens pas à être jugé pour un crime que je n'ai pas commis – si même il y aura un jugement."
 "Ne sois pas ridiculement pessimiste".
 "Donne-moi des raisons de me réjouir" marmonna le géant. "Trouve-nous un moyen de fuite. Tu n'es jamais à court d'idées, d'habitude."
 "Ne sois pas ridiculement optimiste" répondit Mahlin en haussant les épaules.
 Les deux retombèrent dans leur mutisme.
 Ils avaient beau n'être entravés par aucun lien, il ne faisait aucun doute qu'ils étaient pris, et bien pris. Que pouvaient-ils faire ? Leur cheval de bât ne distancerait jamais le destrier de Ker, si jamais leur venait l'idée de tourner bride. Et le guerrier-mage s'était réservé une sécurité supplémentaire en prenant Shani devant lui. Il les avait bien prévenus: si jamais ils parvenaient, d'une manière ou d'une autre, à leur fausser compagnie, la jeune fille aurait à payer pour eux. Le plus effrayant, lorsqu'il leur avait dit cela, avait été sa voix, dépourvue d'émotion. Il ne faisait qu'énoncer un fait inéluctable. Qu'ils restent avec lui, et Shani vivrait. Sinon… Mahlin revit brièvement l'expression de l'homme alors qu'il souriait, et il déglutit.
 Le jeune homme avait également songé un instant à profiter de leur liberté de mouvement pour tenter de maîtriser leur geôlier. Après tout, Ker leur avait laissé leurs armes et avait même tendu, sans sourciller, sa hache à Aarel. Quant à savoir où il l'avait récupérée, il n'en avait pas touché un mot.
 Mais, bien sûr, l'homme se comportait ainsi car il savait qu'il n'avait rien à craindre. Les deux jeunes gens étaient moribonds, à peine capables de tenir sur scène, encore moins de se battre. Et Mahlin ne se rappelait que trop bien la mort rapide des gardes dans la prison. Ker savait se servir de son épée.
 Comme si cela ne suffisait pas, une aura de lumière bleutée dessinait comme une sphère autour de l'homme, de Shani, et de leur monture. Un sort de protection, sans aucun doute. Quelle que fût sa fonction et sa puissance, il stopperait certainement tout ce que les jeunes apprentis pourraient tenter.
 Par l'Arc-En-Ciel, dans leur état, même les Couleurs leur étaient inaccessibles.
 Mahlin avait considéré l'idée d'utiliser le Rouge. Mais pour quoi faire ? Si même il recouvrait ses forces de manière illusoire, cela ne suffirait certainement pas à fuir – et il perdrait certainement la vie dans une telle tentative, combien faible il se sentait.  
 Si même ils y arrivaient, Shani restait un otage efficace pour Ker.
 "Nous n'avons pas le choix" murmura-t-il. "Il faut le suivre… pour l'instant."
 "J'ai la désagréable impression de n'avoir que peu eu de choix à faire, ces derniers temps" marmonna le géant, désabusé. "Est-ce qu'il y avait même un temps où nous avions notre mot à dire ?"
 La voix du colosse n'était qu'un bourdonnement dans les oreilles de Mahlin alors qu'il se sentait de nouveau glisser en avant. Comment réfléchir dans l'état où il se trouvait ? Toutes ses pensées se confondaient, et l'envie de fermer les yeux se faisait irrésistible. Pendant un temps qui lui parut infini – une heure, peut-être ? – il tenta de résister.
 Il se sentait glisser, glisser.
 "Hey !" entendit-il vaguement.
 Puis ce fut la chute, dure. Mahlin était au sol, la tête dans l'herbe, les tempes bourdonnantes. Il chercha à se relever, mais il se sentait si fatigué. Il tourna la tête pour voir Aarel reprendre les rênes. L'animal, obéissant, s'arrêta.
 "Qu'est-ce qui se passe ici ?" fit une voix ennuyée.
 De nouveaux sabots entrèrent dans le champ de vision du jeune homme, puis deux paires de bottes, alors que Ker sautait au sol. Loin, très loin, flotta la voix d'Aarel.
 "Mahlin !"  
 Et celle de Shani.
 "Mahlin !"
 Ainsi elle se souciait de lui. C'était bien, très bien. Il se sentait bien.
 "Descendez tous de cheval, nous allons dormir ici. Je vais m'occuper de lui." C'était la voix de Ker.
 Quelques murmures incohérents. Quelqu'un lui posait une question, puis la réponse, nonchalante:
 "Je ne peux pas me permettre de perdre une telle récompense aussi stupidement"
 Mahlin sentit des doigts frais sur son visage, puis il sombra réellement.
 
 La lune était pleine, dans un ciel sans nuage. L'air était frais et vif, revigorant. La lumière d'un feu de camp jetait des ombres diffuses alentour. Mahlin poussa un léger soupir.
 "Il est réveillé" constata quelqu'un, hors de son champ de vision. Il souleva la tête.
 Ils étaient tous autour de lui. Shani, Aarel. Ker. Il sourit faiblement.
 "On dirait que je ne suis pas mort."
 "Tu m'auras causé du souci" rétorqua Ker. "Mes Pouvoirs sur les Couleurs sont limités".
 Alors seulement, Mahlin remarqua qu'il était attaché au sol, au centre d'un dessin de pierres plates, représentant grossièrement un pentacle. Les pierres luisaient doucement, tendrement, dans la lumière lunaire. La luminosité des torches semblait refuser de se mêler à cette tranquille clarté.
  "Je suis ligoté" murmura-t-il comme pour lui-même.
 Avec un sourire d'excuse, Aarel se baissa et coupa les liens avec un couteau.
 "Tu te débattais, Ker n'arrivait pas à te soigner."
 "Il m'a soigné ?"
 "Cela fait une heure qu'il marmonne des incantations sans s'arrêter"
 Mahlin essaya de se lever et, à sa grande surprise, y parvint. Il se sentait toujours fatigué, mais cela n'avait rien à voir avec la lassitude qui lui pesait auparavant. Soudain, il cilla.
 "Combien de temps ai-je dormi ?"
 "Une quinzaine d'heures, je dirais" fit Ker en se levant, époussetant ses habits. "Du temps perdu."
 Mahlin resta un moment à le regarder sans parler, puis il se massa l'épaule.
 "Merci" finit-il par murmurer, hésitant.
 Ker se détourna en haussant les épaules.
 "Tu vaux plus cher vivant que mort."
 "Quelles que soient tes raisons, je te remercie" insista le jeune homme, se levant avec précaution.
 "Ne me sois pas reconnaissant" ricana Ker, lui présentant toujours son dos. "A terme, tu mourras tout de même"
 Mahlin en resta coi. Ses amis se réunirent autour de lui, alors que le guerrier se levait pour jeter une brassée de bois dans le feu; les flammes brillaient haut et clair et offraient une chaleur bienfaisante au cœur de l'hiver.
 Il n'y avait décidément rien à répondre à cela, rien à tenter pour le moment. Il soupira.
 "Comment te sens-tu" s'enquit Shani, forçant le jeune homme à se rasseoir.
 Mahlin lui sourit vaillamment.
 "Aussi bien que possible. Bien mieux qu'hier."
 "J'en suis heureuse. Merci de m'avoir sauvée" fit-elle simplement.
 Il resta un instant interdit.
 "T'avoir sauvée ?"
 "A Longue-Rivière. A Bois-Ruisseau. Merci."
 Mahlin jeta un regard rapide au guerrier-mage.
 "Ne prononce pas le nom de Longue-Rivière ici" chuchota-t-il. "Nous avons déjà assez de problèmes comme ça."
 "Il sait" fit valoir Aarel en haussant les épaules. "Visiblement, la nouvelle s'est déjà répandue."
 Mahlin gémit.
 "Fabuleux, tout simplement fabuleux." Puis il se tut, car Shani s'était encore rapprochée.
 Il n'y avait pas la moindre trace de moquerie dans ses yeux alors qu'elle lui souriait, des yeux bien plus adultes et désabusés qu'ils ne l'avaient été une semaine auparavant. Elle était dangereusement près de lui.
"J'étais en train de te remercier" rappela-t-elle.
Luttant pour garder les idées claires, il revit rapidement ce qu'il avait fait pour elle dans les deux cas, et soupira.
 "Honnêtement, je ne mérite pas ces remerciements. Je n'ai pas fait grand chose. Celui qui t'a sauvé de la prison, c'est Ker."
 "Tu étais avec lui, n'est-ce pas ?" répondit Shani.
 "Eh bien…" commença-t-il.
 "C'est tout ce qui compte" conclut-elle. Puis elle se releva et marcha vers le feu. Le guerrier leva la tête à son approche. Il avait jusque là été perdu dans la contemplation des flammes, visiblement oublieux de ses prisonniers.
 "Quand mangeons-nous ?" demanda-t-elle, impérieuse. Ker la regarda, le visage inexpressif.
 "Pardon ?"
 "Quand mangeons-nous ? Vous êtes censés nous ramener à vos employeurs vivants. Nourissez-nous."
 Mahlin la regarda avec incrédulité. Le guerrier sourit vaguement.
 "Tu trouveras de la viande séchée dans les fontes de mon cheval. Prends-en."
 "Merci" répondit-elle en tournant les talons.
 "A ton service."
 La jeune fille disparut, happée par l'obscurité. Elle revint quelques temps après avec un lourd paquetage et entreprit de le déballer près du feu. Ker ne lui accordait aucune attention, mais Mahlin et Aarel se rapprochèrent et commencèrent à découper la viande pour la faire cuire. Ce fut durant ce travail que Mahlin remarqua un fait étrange. Il fronça les sourcils.
 "Shani.. ton bras…"
 "Oui ?"
 "Tu te sers de ton bras pour couper la viande ?"
 La jeune fille eut un sourire mi-figue mi-raisin.
 "Notre geôlier m'a guérie il y a quelques heures, je ne sens presque plus rien. Il semblerait que mon infirmité handicapait sa progression."
 "Il a aussi soigné certaines de mes blessures" fit valoir Aarel et, effectivement, ses coupures ne semblaient plus aussi profondes, et les rares qui restaient semblaient saines et en voie de guérison. "Quoique je ne lui ai rien demandé."
 "Je vous veux en état de marcher" fit soudain Ker. Tous sursautèrent au son de sa voix, tant silencieux il avait été jusque là.
 "Mais… vous avez dit vous-mêmes que vous n'aviez pas beaucoup de pouvoir, comment avez-vous pu les guérir ?" demanda Mahlin, intrigué. Il ne se sentait pas en position de poser des questions, mais sa curiosité insatiable reprenait le dessus. Ker lui lança un regard calculateur.
 "Ma spécialité est le Blanc, je suis capable de lancer quelques sorts basiques. Ressouder un os n'est pas très difficile."
 "Mais alors…"
 "Ca a été beaucoup plus difficile pour toi. Tu avais perdu beaucoup de sang, et le peu qui t'en restait était presque entièrement corrompu par le Rouge."
 "Je n'avais aucun os cassé, pourtant.."
 "Là n'est pas le problème. Il est beaucoup plus facile de guérir un os que de créer du sang à partir de rien."
 "Vous n'êtes pas un mauvais homme" fit soudain observer Shani. Ker détourna son attention sur elle.
 "Pardon ?"
 "Vous n'êtes pas un mauvais homme. Vous ne vous comportez pas comme un geôlier le devrait. Vous discutez avec nous, vous nous laissez libres et vous répondez à nos questions."
 Ker haussa les épaules.
 "Vous êtes mes prisonniers. Vous ne pouvez pas fuir. Pourquoi devrais-je me montrer désagréable ?"
 "Pourtant, vous m'avez laissé aller chercher la viande dans vos sacoches de selle. J'aurais pu prendre votre cheval et m'enfuir, vous n'auriez pas pu me rattraper."
 "Je savais que tu ne le ferais pas. Tes amis auraient souffert pour cela."
 Shani soutint son regard.
 "Nous valons plus vivant que mort, c'est vous-même qui l'avez dit."
 "Mes talents de guérisseur sont à double tranchant. Je peux infliger beaucoup de souffrance sans tuer, ni même handicaper" répondit tranquillement Ker. Au son de sa voix, on aurait pu croire qu'il discutait plaisamment avec un ami de longue date. Shani baissa enfin les yeux.
 "Je retire ce que j'ai dit. Vous êtes un monstre."
 "Te voilà plus proche de la vérité."
 "Pourquoi faites-vous cela ?"
 Pour la première fois, une expression qui pouvait passer pour de la surprise passa sur le visage de l'homme.
 "Pour l'argent, quoi d'autre ? Mille cinq cent écus représentent une somme fabuleuse."
 "Vous êtes méprisable."
 "Mais je vais être riche."
 Aarel et Mahlin avaient assisté à l'échange sans mot dire, faisant cuire la viande avec des gestes mécaniques et la mangeant tout aussi mécaniquement. Pourtant, la nourriture méritait qu'on s'y arrête, car son goût était réellement délicieux, et cela semblait faire une éternité que les deux jeunes gens n'avaient mangé. Shani aussi semblait affamée, et elle se décida à abandonner la discussion pour se sustenter. Le silence s'installa, à peine troublé par les bruits habituels d'une plaine la nuit. Ker les regarda un instant manger, puis sortit son épée et commença à l'affûter avec une pierre à aiguiser. Les sweeez sweeez de la lame couvrirent tous les autres bruits durant le repas.
 Puis Mahlin ferma les yeux et se tendit vers les Couleurs. Si jamais ils voulaient s'enfuir, le moment était bien choisi. Ker était assis et devrait se lever avant de pouvoir agir, ce qui lui ferait perdre quelques précieuses secondes. De plus, il ne pouvait s'attendre à ce que ses prisonniers tentent de se rebeller aussi tôt, et certainement pas en plein milieu du repas. Il se tendit vers l'Orange sans hésiter. Une couleur puissante, aux flammes ronflantes. Exactement ce dont il avait besoin.
 Et rencontra un obstacle.
 Entre lui et les Couleurs se trouvait une barrière cristalline, presque invisible mais luisant doucement sous les lumières de l'Arc-En-Ciel. Fronçant les sourcils, il essaya de pousser la barrière mentalement, mais elle ne bougea pas, ne frémit même pas. Il chercha à l'enfoncer, à se jeter de tout son poids sur elle, mais son corps n'était pas réellement là, et il n'arrivait pas à influencer de manière significative l'espace qui l'entourait. Il rouvrit les yeux.
 "Je ne te soignerai pas de nouveau" observa Ker.
 "Pardon ?"
 "J'ai pris soin de placer une barrière entre vous et les Couleurs. Simple mesure de précaution. Je ne veux pas que vous vous blessiez en jouant avec ce que vous ne comprenez pas."
 Mahlin grinça des dents. Aarel, à son côté, remua.
 "Je pourrais vous sauter dessus et vous maîtriser" observa le géant.
 "Mais tu n'en feras rien. J'ai mon épée en main" répondit doucement Ker.
 "Quelle importance, puisque nous allons mourir de toute manière ?"
 Le guerrier sourit légèrement, puis redevint impassible.
 "Parce que vous gardez l'espoir, en toute circonstance. Même maintenant, vous êtes convaincus que vous allez vous en sortir, d'une manière ou d'une autre. Et vous allez attendre votre heure."
 Aarel bondit.  
 L'instant d'avant il était assis tranquillement près du feu, écoutant son geôlier, visiblement découragé; la seconde d'après il fondait sur lui. Dans sa main se trouvait une branche morte au bout enflammé, celle-la même qu'il avait utilisé pour faire cuire la viande.
 "Mahlin, Shani, avec moi !" criait-il.
 Mahlin resta un instant interdit, puis se leva enfin pour assister son ami. Shani était déjà debout.
 Il y eut un éclair d'acier et Aarel poussa un hurlement. La branche tomba sur le sol, coupée net,  alors qu'il portait les mains à son visage. Le sang coulait entre ses doigts.
 Debout devant lui, toujours aussi impassible, Ker rengainait son épée.
 "Je ne t'ai pas gravement blessé, mais tu garderas la marque sur ton visage. La prochaine fois, tu perdras un oeil."
 Il sortit de la clairière d'un pas vif et ne tarda pas à revenir avec un rouleau de corde. Aarel avait cessé de gémir et grognait sur le sol, mais il refusait toujours d'écarter ses mains du visage pour que ses amis puissent voir l'étendue de la coupure.
 "Je n'aimerais pas vous estropier plus que nécessaire. A la moindre incartade, je vous attache pour que vous ne me causiez plus de problèmes. C'est compris ?"
 La lame était de nouveau nue, et désespérément proche du visage de Mahlin. Il déglutit.
 "Ou…oui."
 "Parfait. Asseyons-nous, reprenons le repas, et oublions cet incident." Il se tourna vers le géant. "Cesses de te conduire en enfant. La blessure est peut-être douloureuse, mais elle n'est pas dangereuse."
 Aarel finit enfin par sortir de sa prostration et ses mains retombèrent. Le sang avait déjà cessé de couler, mais une entaille parfaite était désormais visible sur son visage, partant de son arcade sourcillière droite pour descendre jusqu'au bas de la joue. Il leva la tête et une dangereuse lueur brillait dans ses yeux. Pourtant, il finit par s'asseoir.
 "Je vous tuerai" gronda-t-il.
 "Nous verrons cela" répondit plaisamment le guerrier. "Donnez-moi de la viande en attendant." Il prit un morceau près de lui et commença à manger, ne s'interrompant que pour sourire au groupe. "Ne pensez pas que je sois vulnérable lorsque je mange. Si vous voulez vous en assurer, vous y perdrez un œil."
 Son repas se déroula sans que personne ne bouge.
 Mahlin réfléchissait à toute vitesse. Il y avait certainement quelque chose à faire ! Ils n'étaient pas entravés, ils étaient trois, ils pouvaient certainement se débrouiller pour fuir.
 Mais à chaque fois, il revoyait le mouvement fluide et méprisant de l'homme, la manière dont il s'était levé avec une lenteur affectée pour bloquer, paresseusement, l'attaque d'Aarel et riposter d'un simple coup.
 Ils n'avaient aucune chance. Et tous restèrent muets. Shani passa un moment à panser la blessure d'Aarel, versant un peu d'eau sur du tissu et nettoyant la plaie. C'était une coupure parfaitement nette, mais mieux valait ne rien laisser au hasard.
 Ker finit par terminer son repas, s'essuya les doigts, et sourit.
 "Je vois que vous êtes devenus plus raisonnables. Discutons."
 La lune était haute dans le ciel, et il devait être plus de minuit. Malgré les quinze heures qu'il avait présumément passées à dormir, Mahlin se sentait fatigué. Peut-être fut-ce pour cela qu'il répondit avec agressivité.
 "Discuter de quoi ? Nous sommes vos prisonniers, nous ne pouvons rien faire. Vous allez nous amener à vos employeurs, toucher votre or, et le dépenser en filles et en boisson. Qu'y a-t-il d'autre à dire ?"
 Ou peut-être était-ce son impuissance qui le minait ainsi. Il avait toujours rêvé d'être un jour un puissant magicien; ses désirs avaient été exaucés par l'arrivée de Barell Khorr, mais désormais tout cela semblait très loin, et sa carrière prometteuse risquait de s'achever avant même d'avoir commencé.
 "Je te sens amer" constata Ker. Mahlin manqua s'étouffer, mais n'eut pas l'occasion de placer un mot. "Globalement, tel va effectivement se dérouler notre voyage. J'ai néanmoins quelques questions à vous poser, auxquelles j'aimerais des réponses précises."
 "Sinon ?" demanda Aarel.
 "Je ne pense pas qu'il soit utile de repréciser tous ces détails inutiles" fit Ker.
 Shani et Aarel se tournèrent vers Mahlin. Le jeune homme soupira.
 "Quelles questions ?"
 "Voilà qui est mieux."
 Ker recula de deux pas pour s'adosser à un arbre, assis en tailleur, son épée sur les genoux. Il remballa la pierre à aiguiser avec des gestes précis, puis enfin reporta son attention sur eux.
 "Plusieurs questions. Beaucoup de questions. En fait, énormément de questions." Il haussa vaguement les épaules. "Par exemple: ce n'est pas vous qui avez tué le groupe de Chasseurs, n'est-ce pas ?"
 Aarel poussa une exclamation étouffée. Shani posa la main sur son bras pour le calmer et répondre avant lui
 "Ce n'est pas nous."
 "Comment le savez-vous, alors que visiblement tout le monde nous recherche pour cela ?" s'enquit Mahlin.
 "A vous trois, vous ne seriez pas même capables de tuer un seul Chasseur, et certainement pas tout un Groupe. Vous avez du potentiel, mais aucun entraînement."
 Mahlin sentit l'espoir monter en lui.
 "Mais alors, vous nous croyez innocents !"
 "Cela ne change rien aux mille cinq cent pièces d'or que vous valez" observa Ker.
 L'espoir retomba.
 "Oh" fit Mahlin.
 "Vous êtes prêts à nous amener à la mort même en sachant que nous sommes innocents ?" s'enquit Aarel, incrédule.
 "Pour une telle somme ? Oui." répondit Ker.
 "Vous êtes un monstre" siffla Shani.
 "Vous me l'avez déjà dit. Essayons d'avancer un peu et mettons nos sentiments de côté" répliqua Ker sans s'offusquer.
 Mahlin ne parvenait pas à se mettre en colère. Il n'arrivait pas à partager les sentiments de Shani. L'homme en face d'eux semblait ne donner aucune prise aux émotions. Il n'avait aucune haine à leur égard, pas même de l'animosité. Certaines de ses actions suggéraient même de la sympathie, voire de la pitié ? Pourtant, il n'hésitait pas à les vendre au plus offrant, et les mutilerait si nécessaire pour cela. Non, Mahlin ne parvenait pas à se mettre en colère. Il avait trop peur pour cela.
 "Ce n'est donc pas vous qui avez supprimé ce Groupe de Chasseurs" conclut tranquillement Ker. "Mais vous êtes impliqués. Racontez-moi ce qui s'est passé."
 Il se tourna vers Aarel, qui se tourna vers Mahlin. Le jeune homme quêta le soutien de Shani, mais elle le regardait aussi, dans l'expectative. Fabuleux, tout bonnement fabuleux. Qu'allait-il pouvoir dire ?
 "C'est un peu compliqué…" fit-t-il, hésitant.
 "J'ai tout mon temps. Mais je connais la vérité sur certains points. N'essaie pas de me mentir."
 Le jeune homme resta un instant muet, puis perçut un infime signe de tête de la part de Shani. Ce fut assez pour le décider. Ils n'avaient pas grand chose à perdre dans l'état actuel des choses.
 "Tout a commencé par une course que nous sommes allés faire en ville…" commença-t-il.
 Le feu mourut lentement pendant la discussion, les braises s'éteignant les unes après les autres. Aarel tisonna un peu le foyer, sans grande conviction, mais il ne chercha pas à remettre du bois.
 "…c'est alors que notre maître a entonné une incantation gutturale" continuait le jeune homme, frissonnant au souvenir du sort qui en avait résulté. "Visiblement, les Chasseurs savaient ce qu'il cherchait à faire, car tous semblaient terrifiés."
 Ker se pencha en avant, subitement intéressé. Il avait jusque là suivi l'histoire avec une considération polie, un demi-sourire aux lèvres, comme s'il hésitait à démêler le vrai du faux ou, mieux encore, comme s'il savait parfaitement que Mahlin mentait et attendait que celui-ci fasse un faux pas. Mais le jeune homme, jusque là, n'avait dit que la stricte vérité.
 "Tu dis qu'ils étaient terrifiés ?"
 "Plus que terrifiés" murmura Mahlin. "Terrorisés"
 "Le mage blanc semblait hystérique" renchérit Shani. "A croire qu'il savait sa mort inéluctable."
 "C'est donc à cet instant qu'ils sont morts ?" s'enquit Ker.
 "J'y viens" pontifia Mahlin. "Donc, lorsque maître Khorr a commencé son incantation, ils ont cherché à l'interrompre par tous les moyens. Les guerriers-mages tentaient de l'atteindre de leurs armes, tandis que le magicien blanc lançait sort après sort."
 "Et cet autre homme, ce… ce Dous ?"
 "Il ne bougeait pas, comme si cela ne le concernait pas vraiment. D'ailleurs… mais vous allez voir." Pris par son histoire, Mahlin ne pensait plus à Ker comme à un geôlier. Il n'était que son auditoire. Il fit une pause dramatique, puis reprit: "Barell Khorr se tenait au centre d'un pentacle de Garde, et les armes n'ont pas réussi à le toucher. C'est alors que…"
 "Les sombres imbéciles" gronda Ker. "Pourquoi le Mage ne s'est il pas servi de ses Guerriers comme amplificateur de son Pouvoir. Votre maître ne pouvait se battre seul contre huit."
 "Ils l'ont fait" intervint Aarel. "Ils ont essayé de l'engloutir sous les flammes." Il frémit en se rappelant la chaleur qui s'était dégagée de la fournaise à ce moment là. "Mais ça ne lui a rien fait."
 "Impossible."
 "C'est ce qui s'est passé" confirma Shani.
 "Vous nous demandez la vérité" renchérit Mahlin, "à vous de l'accepter."
 Ker secoua la tête, incrédule.
 "Un pentacle de Garde pouvait le protéger contre les armes, même s'il faudrait une puissance impressionnante pour arrêter aussi facilement sept Chasseurs aguerris. Mais cela ne pouvait certainement pas bloquer un sort Amplifié."
 "Peut-être le mage blanc n'était-il pas si puissant que cela" avança timidement Shani.
 Mais Ker secoua de nouveau la tête.
 "Non. Je connais – connaissais – Vil. Ce n'est pas un diplomate, et ses manières sont parfois très brusques, mais c'est – c'était – un puissant magicien; il n'aurait pu être à la tête d'un Groupe de Chasse autrement."
 "Mais…" commença Mahlin.
 "Continue ton histoire, nous verrons après."
 Le jeune homme s'exécuta, relatant avec force détails l'achèvement de l'incantation et les forces terrifiantes invoquées par leur maître. Il avait hésité durant tout son récit à laisser cette partie de côté, ou bien à changer certains détails – comme de faire lancer à Barell un autre sort, tout aussi efficace, mais n'appartenant pas au Noir. Mais, au fur et à mesure qu'il parlait, il s'était rendu compte qu'une simple entorse à la vérité risquait de rendre son histoire plus bancale qu'elle n'était déjà, ce qui n'était pas peu dire. S'il voulait vraiment que Ker le croie, il valait mieux ne pas improviser.
 Donc il parla de la Mort sur son char, de l'odeur putride et de la poussière de tombe, des expressions d'horreur figée dans la mort qu'arboraient les chasseurs... et le guerrier-mage poussa un juron.
 "L'incantation. L'incantation, tu te souviens de certains mots ?"
 Mahlin hésita, puis fronça les sourcils pour donner l'impression de réfléchir. En vérité, il s'en souvenait fort bien, mot pour mot. Il avait toujours eu une bonne mémoire, et ce moment en particulier était resté gravé en lui. Mais il poussa un soupir.
 "Je ne sais pas… je ne me rappelle plus vraiment… Une histoire d'Accord et de Passage, de Sceau brisé..."  
 "Les Sceaux sont brisés, les runes sont détruites" murmura Aarel comme dans un rêve.
 Ker se tourna vers lui, surpris.
 "Que dis-tu ?"
 "Aarel !" grinça Mahlin, espérant stopper le géant par la force de son regard.
 Peine perdue.
 
 " Les Sceaux sont brisés, les Runes sont détruites !
  Démons, répondez à mon appel ! Ce monde est le vôtre
 Rejetez les chaînes du Pacte des Dieux,
 Empruntez la Voie et respectez nos Accords
 Le Sang versé vous ouvrira le Chemin  
 Venez, et obéissez, car la récompense est grande"
 
 Aarel s'interrompit, à bout de souffle.
 "C'est ce qu'il a dit, au mot près. Je pense que je m'en souviendrai toute ma vie."
 Mahlin grinça des dents, frustré. Il aurait aimé garder cette information secrète. Une incantation aussi puissante n'était certainement pas inconnue au sein de l'Ordre des Mages. Or, il n'y avait pas à s'y tromper, c'était un sortilège Noir. Il secoua tristement la tête. Moins ils en diraient sur leur maître, mieux ils s'en porteraient. Il en était convaincu.
 Pourtant, Ker ne donna pas l'impression de reconnaître l'incantation. Il restait les yeux dans le vague, perdu dans ses pensées. Les autres attendaient sans bouger. Il finit par relever la tête.
 "Et quel a été le résultat de cette invocation ?"
 "Eh bien…" commença Mahlin, gêné.
 "Qu'est-ce qu'un démon ?" interrompit Shani.
 "Pardon ?"
 "Qu'est-ce qu'un démon ? Cette incantation parle de démons."
 Aarel s'était lui-même posé la question, mais il n'y avait trouvé aucune réponse. Et il n'aurait jamais songé à demander ainsi de but en blanc à Ker, en plein milieu du récit. Mais ainsi faisait Shani. Il ne manquait plus qu'à Mahlin de commencer à disserter sur le sujet pendant des heures, s'inspirant de ses lectures.
 Mais le jeune homme restait silencieux, les mâchoires crispées. Il paraissait frustré. Aarel resta songeur un instant, puis se détendit. Non, Mahlin ne savait pas non plus de quoi il s'agissait. C'était certainement pour cela qu'il se montrait aussi fermé. Il détestait montrer qu'il ne connaissait pas un sujet.
 Ker n'avait pas l'air plus versé sur le sujet. Il se passa la main dans les cheveux, le premier geste innocent que les jeunes gens aient vu chez lui. Tous ses mouvements, jusque là, avaient paru si calculés, si efficaces…
 "Je ne sais pas" finit-il par avouer. "Mais je n'aime pas cela. Continue ton récit" ajouta-t-il, faisant signe du menton à Mahlin.
 Le jeune homme sursauta, puis acquiesca brièvement.
 "Ils ont été balayés" fit-il simplement. "Tous sont morts sur le coup"
 "Tous ?" s'enquit le guerrier sans plus montrer la moindre émotion.
 "Tous. Presque tous. Laissez-moi terminer" protesta Mahlin.
 Il attendit que le silence se fit avant de reprendre. Encore une fois, il hésita à décrire ce qui s'était passé, puis se lança.
 "Il y a eu… je ne sais pas comment le décrire… une sorte de tache de noirceur qui s'étendait, continuait à s'étendre et nous recouvrait tous. On ne pouvait plus rien voir. Les incantations du mage blanc ont été comme noyées, comme absorbées par ces ténèbres… et j'ai perdu connaissance."
 "Moi aussi" compléta Aarel.
 Shani n'intervint pas. Ce qui s'était passé là-bas était nouveau pour elle. Bousculés par les événements, pourchassés, ses compagnons ne l'avaient mis que brièvement au courant, et n'étaient pas entrés dans les détails. Mais ce qu'ils racontaient actuellement dépassait ses suppositions les plus osées. Etait-ce une idée de Mahlin pour semer la confusion chez leur geôlier ?
 Si confusion il y avait, elle était bien cachée. Ker arborait un visage serein alors qu'il contemplait ses prisonniers.
 "Et lorsque vous avez repris connaissance…" incita-t-il.
 "Lorsque nous avons repris connaissance, nous étions les seuls survivants" fit Mahlin. "Tous étaient morts, dans la même position, un air d'horreur absolue sur le visage. Comme s'ils.. comme s'ils avaient vu la mort."
 Le silence s'installa, et dura un certain temps. Le feu s'était éteint, et la nuit semblait plus froide que jamais. Shani se rapprocha imperceptiblement, mais il ne la remarqua pas. Son attention était fixée sur Ker. Et Ker regardait les étoiles.
 "Voilà une histoire intéressante" finit par dire le guerrier. "Totalement incroyable, mais intéressante". Mahlin esquissa un geste de protestation, mais Ker n'entendait pas se laisser interrompre si facilement. "A peu près aussi incroyable, somme toute, que de voir trois apprentis magiciens se débarasser d'un groupe de Chasseurs expérimentés."
 "Mahlin a dit la vérité !" protesta Aarel.
 "Bien sûr, bien sûr" concéda Ker avec un sourire déplaisant. "Mais ensuite ? Que s'est-il passé ensuite ?"
 Il fallut encore lui raconter le meurtre de Barell Khorr par un Dous qui avait mystérieusement survécu au sortilège, puis la tentative du même Dous de mettre fin à leur jour. Mahlin décrit complaisamment l'homme pour Ker, mais celui-ci secoua la tête.
 "Cela ne me dit rien. Je ne connais pas tous les mages, bien entendu. Mais cet homme ne fait en tout cas pas partie des Violets les plus en vue."
 "Il ne faut pas oublier qu'ils sont les maîtres de l'illusion" fit remarquer Shani.
 "Merci de me le rappeler, petite. Je n'y aurais pas pensé" répondit sèchement Ker. La jeune fille s'empourpra, mais se tut.
 Mahlin bailla malgré tous ses efforts. Il sortait pourtant, aux dires de ses amis, d'un sommeil de plus de quinze heures, mais ses muscles le faisaient toujours souffrir, et cette discussion au coin du feu, dans une pénombre grandissante, l'avait fatigué plus que nécessaire.
 "Vous devez tous être fatigués" constata Ker. "Dormez, vous devrez être en forme demain."
 "Maintenant que vous connaissez toute l'histoire, vous n'allez pas nous aider ?" demanda Aarel
 Ker regarda le géant, surpris.
 "Vous aider ? A quoi faire ?"
 "A comprendre ce qu'il se passe. A trouver les coupables et à leur faire payer"
 "Très peu pour moi" fit le guerrier, haussant les épaules. "Vous avez déjà oublié que je vous livrais au Conseil ?"
 Aarel en resta paralysé. Ker se comportait de telle manière qu'on avait souvent tendance à oublier qu'il était un geôlier, et un geôlier habile qui plus est.
 "Vous portez le blanc" cracha Mahlin. "Rendre justice ne vous préoccupe-t-il donc pas ?"
 "On t'aura mal renseigné. Cela n'a rien à voir" répondit Ker avec mépris. "Je cherche simplement à savoir ce qui s'est passé. La connaissance est un Pouvoir, elle aussi." Il se baissa pour fourrager dans sa besace. "Par exemple, il vous reste encore à m'expliquer comment vous avez pu mettre la main sur ceci".
 Avec un respect évident, il éleva à la lueur des dernières braises les quelques volumes que Mahlin avait emporté du manoir. Les noms de leurs auteurs, en lettres dorées, étaient aisément visibles dans la pénombre. Polis d'Aethron…
 "Où est-ce que vous avez trouvé ca ?" cracha Mahlin.
 "J'ai pris la liberté de récupérer vos possessions sur le cheval de labour que vous montiez, au moment où Aarel s'est fait capturer. Ce n'était pas trop difficile. Le garde prêtait plus attention à sa prime qu'au cheval. C'est compréhensible. Cinq cent pièces d'or représentent une belle somme."
 Avec cinq cent pièces d'or, on pouvait acheter une petite maison. C'était effectivement une belle somme.
 "A vrai dire, vous avez de la chance de valoir si cher; c'est probablement pour cela que votre évasion a été si facile."
 "Pardon ?"
 "Le garde n'a visiblement pas prévenu ses compagnons de la capture qu'il avait faite, dans l'espoir de garder la récompense pour lui seul. Si tous avaient su la valeur de ce qu'ils gardaient, les soldats auraient certainement été plus nombreux, et j'aurais dû faire couler plus de sang pour vous libérer."
 "Tu parles d'une libération" persifla Shani.
 "Vous êtes à l'air libre au lieu de croupir dans une prison" constata Ker. "Essayez d'apprécier la différence." Il haussa les épaules, puis éleva de nouveau le livre. "Ceci ne me dit toujours pas comment vous avez pu mettre la main sur un tel volume. Vous ne vous rendez pas compte de la valeur qu'il peut avoir."
 Mahlin fronça les sourcils.
 "Je suppose que tout mage digne de ce nom possède dans sa bibliothèque des exemplaires des Anciens Mages. Notre maître ne faisait pas exception."
 Ker secoua la tête.
 "Mais il est beaucoup plus rare pour un mage de campagne de posséder un original."
 Les trois jeunes gens restèrent foudroyés.
 ***changement chapitre 8: ne se rendent pas compte que le livre est l'original (n'ont aucun moyen de le savoir)***
 "Un… original ?" finit par balbutier Mahlin.
 "Un original. Ce livre a été écrit par Polis d'Aethron elle-même."
 "Mais… huit cens ans" souffla Shani.
 "Il faut croire qu'il a été bien conservé. Je connais des mages de mon Ordre qui paieraient une somme phénoménale pour le volume que j'ai entre les mains. C'est une question de prestige.. et d'exhaustivité. Les copies ne sont jamais parfaites."
 "Que pouvait faire ce livre dans la bibliothèque de maître Khorr ?" s'enquit Mahlin, perplexe.
 "C'est la question que je vous posais"
 Devant l'absence de réponse, Ker soupira.  
 "Bien; je ne vous ferai pas l'affront de vous demander si vous savez qui a bien pu écrire ce livre ci" Il effleura avec respect la couverture Noire. "Ni pourquoi un mage de campagne en possédait un exemplaire. Simplement posséder ce tome était un acte de trahison. Sa mort était méritée."
 "Taisez-vous !" siffla Shani.
 "Méritée, mais surprenante" continua Ker, imperturbable. "Je me demande qui était votre maître… et ce Dous…"  
 Il ferma les yeux, perdu dans ses pensées. Lorsqu'il les rouvrit, ce fut pour ranger les livres dans sa besace.
  "Maintenant, je vous prierai de bien vouloir vous attacher pour dormir."
 "Nous attacher ?"
 "Je n'ai pas réellement envie de rester éveillé à vous surveiller. Aarel, attache les mains de tes compagnons, puis je t'attacherai moi-même."
 Aarel regarda sans la prendre la corde que Ker avait lancé à ses pieds.
 "Vous seriez vraiment capable de vendre père et mère pour de l'argent, n'est-ce pas ?" cracha-t-il.
 Une ombre passa sur le visage du guerrier, que la pénombre aurait pu dissimuler si ce n'avait été pour les reflets de la lune, en oblique.
 "Si la somme est juste" fit-il lentement. "Tout peut s'acheter et se vendre. Je retirerai mille cinq cent pièces d'or de votre capture, et probablement autant de la vente de ce manuscrit. Je dois dire que c'est une bonne journée."
 Son rire grinça comme une lame sur une pierre de taille.  
 "Vous n'avez aucune morale" continua Shani.
 "Je me vends au plus offrant"
 "Pourquoi recherchez-vous la richesse ainsi ? En tant que guerrier-mage, vous n'êtes certainement pas dans le besoin"
 Ker s'assombrit encore plus, si tant est que ce fut possible.
 "Cela ne te regarde pas. Attachez-vous, rapidement, sans quoi je le ferai à votre place. Je risque de ne pas être tendre avec les nœuds."
 Aarel soupira. A quoi bon résister. Lentement, il attacha Shani, prenant bien garde à ne pas la blesser. Puis il se tourna vers Mahlin. Ce dernier était resté étrangement silencieux, ces derniers temps. Il sursauta, dérangé dans ses pensées, alors qu'Aarel lui prenait doucement le poignet. Il se dégagea d'un geste sec.
 "Attendez !"
 Aarel murmura un juron.
 "Ne complique pas tout, Mahlin. Je ne serre pas trop les nœuds."
 Il aurait aussi bien pu ne pas être là, pour toute l'attention que son compagnon lui porta. Mahlin se leva et s'avança vers Ker.
 "Somme toute, ce n'est qu'une question de prix, n'est-ce pas ?"
 Ker haussa un sourcil, vaguement étonné.
 "Qu'est-ce qui est une question de prix ?"
 "Tout ce que vous faites, vous le faites pour de l'argent. Vous allez au plus offrant."
 "Ecoute, petit, je t'ai dit que cette discussion me…"
 "Si nous pouvions vous payer plus que ces mille cinq cent pièces d'or, nous relâcherez-vous ?"
 Shani et Aarel relevèrent la tête d'un même mouvement, stupéfait. Ker ne semblait pas moins étonné. Il se leva souplement, épousseta ses vêtements et avança vers le jeune garçon.
 "En théorie, oui. En pratique, je t'ai déjà fouillé, et tu ne possèdes rien de bien intéressant. Tout ce que vous aviez de valeur – y compris ces grimoires -, je le possède déjà. Que pourrais bien tu m'offrir d'intéressant ?"
 Mahlin se sentait plus vivant que jamais auparavant. Dans son esprit brillait distinctement un bâton finement ornementé, un bâton d'ébène au pommeau de rubis. Un très gros rubis. Il se revit mettre le bâton dans sa cachette, sous la neige et les buissons, avant d'embrasser le Rouge et de partir pour la ville. Ce rubis…
 "J'ai caché près d'ici une pierre précieuse d'une grande valeur, qui appartenait à notre maître et qui est certainement magique" fit Mahlin. "Je te l'offre contre notre liberté."
 Il entendit vaguement les hoquets de ses amis, puis leur silence alors que la compréhension se faisait jour. Malgré l'obscurité, il était assez près de Ker pour voir la lueur de cupidité qui dansait dans ses yeux, puis disparut, comme mouchée par un vent violent.
 "Décidément, vous êtes plein de surprises" murmura le guerrier. "Mais qui me prouve que tu dis la vérité ?"
 "Moi ! Je l'ai vue également !" intercéda Shani.
 "Moi aussi" renchérit Aarel.
 "Ah, mais votre parole ne vaut pas grand chose. Tout le monde est prêt à mentir pour sauver sa vie" sourit Ker. "Je ne vais pas me mettre en quête d'une chimère alors que j'ai une véritable fortune entre les mains."
 "Elle n'est pas loin" argumenta Mahlin. Comment avait-il pu oublier ainsi le bâton du Maître ? Il fallait dire à sa décharge qu'il n'avait pas été en parfaite santé ces derniers temps. "Maintenant que nous pouvons tenir debout, nous pouvons y être en une demi-journée de cheval. Une journée, au pire."
 "Et je suppose que tu l'as cachée quelque part dans la direction d'où nous venons. Ce qui, en pratique, nous fera perdre au minimum deux jours."
 "Le rubis est vraiment gros" fit Mahlin avec espoir.
 "Bien entendu" ironisa Ker. "Mais dis-moi, qu'est-ce qui m'empêche, si jamais ton histoire est vraie, de te torturer pour savoir où la pierre se trouve ?"
 "Je me tuerai avant" fit simplement le jeune homme.
 "J'en doute. Je pense que je pourrais te faire avouer en une heure, au pire" Le sourire du guerrier était désormais carnassier. "Mais, après tout, pourquoi pas. Je ne suis pas à deux jours près. Amène-nous à ton trésor, gamin, et nous reparlerons."
 "Vous nous libérerez ?" s'enquit Aarel.
 "Si je considère que ce que vous m'offrez vaut dans les deux mille pièces d'or, oui."
 "Mais…" protesta Shani, "vous aviez dit que nous valions mille cinq c…"
 "Ah, mais vous m'obligez à m'écarter de la légalité. Tout à un prix; mais l'illégalité est chère"
 "La gemme vaut plus de deux mille pièces d'or" affirma Mahlin d'une voix atone.
 "Tu voudras bien m'en laisser juge"
 "Donc, si elle vaut vraiment ce prix là, vous nous laissez partir et vous renoncer à nous pourchasser ?" vérifia Shani, sceptique.
 "Oui" fit simplement Ker. "Maintenant, dormez. Nous aurons beaucoup de chemin à couvrir demain. Je ne tiens pas à parler plus de cela ce soir."
 "Mais.."
 "Dormez"
 Aarel tenta de nouveau d'attacher les mains de son ami, qui cette fois-ci se laissa faire. Puis Ker attacha le géant, tirant un coup sec pour vérifier la solidité des nœuds. Le colosse grimaça lorsque les liens entamèrent la chair.
 "Faites de beaux rêves" sourit le guerrier en s'éloignant. Il s'installa à l'autre bout de la clairière, s'emmitouflant dans sa couverture.
 Le silence s'installa sur le campement.
 "Tu crois qu'on peut lui faire confiance ?" murmura Shani, tellement bas que Mahlin dut lui faire répéter.
 "Non" répondit-il franchement. "Mais je ne vois pas d'autre solution. Au pire, nous gagnons deux jours."
 "Je ne savais pas que tu avais caché son bâton. Je pensais qu'il avait été pris par Ker, comme le reste de nos affaires."
 "Une impulsion subite" confessa Mahlin. "Je ne me voyais pas rentrer en ville appuyé sur un tel bâton. Nous étions censés ne pas attirer les regards." Sa bouche avait un pli amer. "Il semblerait que nous ayons échoué."
 Ils discutèrent encore un peu, mais la fatigue ne tarda pas à les emporter. Malgré leurs liens, ils s'endormirent
 
 Ker resta longtemps éveillé cette nuit là. La cupidité dansait dans ses yeux.
 "Si la gemme est réellement aussi grosse…" murmura-t-il, rêveur.
 Il serait riche, alors. Assez pour ce qu'il cherchait à faire.
La gemme, et les livres. Et les trois enfants, bien entendu. Après tout, ils étaient recherchés par la justice. Ce serait malhonnête que de les laisser s'enfuir, bien plus que de trahir sa parole..
 Il s'endormit le sourire aux lèvres.

n°3389585
docwario
Alea jacta est
Posté le 04-08-2004 à 21:55:34  profilanswer
 

"J'ai la désagréable impression de n'avoir que peu eu de choix à faire, ces derniers temps" marmonna le géant, désabusé."
 
je trouve cette phrase bizarre, ca serait pas mieux :
"J'ai la désagréable impression de n'avoir eu que peu de choix à faire, ces derniers temps."
 
C'est quoi ca ? ;)
 Les trois jeunes gens restèrent foudroyés.
 ***changement chapitre 8: ne se rendent pas compte que le livre est l'original (n'ont aucun moyen de le savoir)***
 
sinon very good, et Ker est ....tellement lui meme qu'il devient presque trop previsible.
vivement la suite !

n°3393563
kat'tre
Posté le 05-08-2004 à 12:05:40  profilanswer
 

vraiment bien


---------------
si tu es feignant et que l'envie soudaine te prend de travailler, assied toi et attend que ça passe!!!
n°3395408
Damrod
Posté le 05-08-2004 à 16:09:44  profilanswer
 

Très très bien mais il reste trop de questions sans reponses : alors la suite :bounce:

n°3401089
yulara
Byte Hunter
Posté le 06-08-2004 à 13:46:41  profilanswer
 

arf... deja fini, je veux la suite :cry:
 
j'aimerai bien que Ker devienne leur mentor sous ses aspects rustres :p


Message édité par yulara le 06-08-2004 à 13:46:55

---------------
Quizz'n'Blind pour tester vos connaissances
mood
Publicité
Posté le 06-08-2004 à 13:46:41  profilanswer
 

n°3419472
docwario
Alea jacta est
Posté le 09-08-2004 à 16:43:14  profilanswer
 

up ! :bounce: pour avoir la suite !

n°3429190
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 10-08-2004 à 18:32:08  profilanswer
 

Un dernier chapitre avant les vacances ;)
 

Quatorze

 
 
 
 Brann avançait avec confiance sous la lueur des torches. Ombre il était, et ombre il bougeait. Ses pas ne résonnaient pas sur le sol alors qu'il marchait, et les battements de son cœur étaient aussi silencieux que sa respiration. Sa progression était régulière, presque rapide. Il avait toute confiance en ses capacités, même s'il savait parfois se montrer prudent. Aussi ralentit-il en arrivant devant la porte.
 Ce n'était pas une porte, à vrai dire, plutôt un portail. Un lourd portail de fer forgé, sa poignée délicatement sculptée pour représenter une créature hideusement déformée, ailée, cornue, au rictus sadique. Le sculpteur était arrivé à un tel degré de réalisme que, malgré tout son contrôle, l'homme hésita à poser la main dessus.
 Il n'eut pas à le faire. Avec un chuintement sourd, la porte s'ouvrit. Il rentra.
 La salle était grande, et le peu de meubles qui la décoraient la rendaient encore plus impressionnante. Une table, une simple chaise, une armoire. Le sol était de marbre noir, les murs également. Une douce lueur se dégageait d'eux, une lumière obscure qui pourtant éclairait plus que les rares torches disséminées dans la pièce.
 "Vous commandez, et me voilà" murmura le maître Assassin, mettant un genou en terre devant l'homme qui occupait la pièce.
 Barell Khorr releva lentement les yeux de la vasque dans la contemplation de laquelle il avait été plongé jusqu'ici. Son teint était pâle dans la pâle lumière, plus blanc que la dernière fois que Brann avait eu l'occasion de le voir. Cela faisait trois ans, maintenant.
 "Personne ne t'a vu ?" s'enquit-il en scrutant le visage de son serviteur.
 "Ne me fais-tu plus confiance ?"
 Barell soupira et se détourna totalement de la vasque pour rejoindre son bureau. Il alla pour s'asseoir, mais y renonça et avança la chaise pour Brann. Ce dernier refusa d'un signe de tête. La chaise fut abandonnée dans un coin alors que, sur une impulsion, ils se donnaient l'accolade.  
 "Nous changeons tous, Brann" fit Barell en se dégageant enfin. "Nous vieillissons tous. Même toi, même moi."
 "Je me sens encore jeune."
 Barell se permit un léger sourire.
 "De quand date ta dernière prostituée, mon ami ? Cent ans ? Deux cent ?"
 "Mes appétits ont changé."
 "Bien sûr. Bien sûr. Mais laissons cela. T'es-tu occupé de ce que je t'avais demandé en mon absence ?"
 "Les résultats ne sont pas encore connus, mais j'aurais tendance à répondre oui. Et vous-même ?"
 "Rien ne se passe comme je l'avais prévu". Barell fronça les sourcils, puis sourit brusquement. "Mais la partie n'en est que plus palpitante."
 Ce fut au tour de Brann de froncer les sourcils.
 "Nous ne sommes pas en train de jouer, mon ami. C'est le sort du monde qui se joue ici."
 "Le sort du monde ? Ces années ne t'ont pas changé. Tu es toujours l'homme pour les grandes déclarations et les phrases grandiloquentes."
 "Tu ne peux pourtant pas nier que…"
 "Ne prive pas un vieil homme de ses distractions" rit Barell. "Essaie de te détendre et de profiter du spectacle."
 "Toi, un vieil homme ? Tu me parais plutôt bien conservé" observa Brann en haussant les épaules.
 Evidemment, Barell ne paraissait pas son âge. Ses traits étaient ceux d'un homme d'une trentaine d'année, guère plus, et si quelques traces d'argent pouvaient se voir dans ses longs cheveux sombres, aucune ride n'ornait son visage. Ses habits étaient finement coupés à la dernière mode de l'Empire, justaucorps sombre de lin aux manches bouffantes, sous lesquels jouaient des muscles qui n'avaient rien à envier aux jeunes athlètes. Rien ne laissait à penser qu'il avait pu se faire trucider et enterrer dans la tourbe humide, quelques semaines auparavant.
 "C'est une question d'état d'esprit" conclut Barell en souriant de nouveau. "Viens, mon ami, jette un coup d'œil dans la vasque et dis-moi ce que tu vois."
 "Dans la vasque ?"
 Intrigué, Brann s'approcha. L'eau semblait claire au premier abord, mais il ne se fit pas plus tôt cette réflexion qu'elle se mit à bouillonner.
 "Un grand classique, mais toujours efficace" confessa Barell. Il avait fermé les yeux. "Observe. Ne pose pas de questions pour l'instant, je te donnerai les réponses au moment voulu. Contente-toi d'observer."
 Des questions, Brann en avait pourtant de nombreuses. Les bouillonnements avaient cessé, l'eau avait repris son immobilité huileuse. Mais désormais, il pouvait apercevoir des scènes apparaître, puis disparaître, en l'espace d'un clin d'œil.  
 C'était l'été. Puis l'hiver. Des montagnes se dressèrent vers lui, puis se transformèrent en un torrent furieux, en une mer déchaînée. Il vit des visages d'hommes, de femmes, d'enfants, de monstres difformes à l'apparence terrifiante. Il aperçut brièvement un homme qu'il ne connaissait pas, portant des planches sur ses épaules, perdu dans la brume. Puis la brume envahit tout.
 Il leva les yeux, perplexe. Barell avait toujours les siens fermés, mais il sentit cependant l'attention de son ami se détourner, car il parla.
 "Continue à observer. Nous arrivons au terme du voyage."
 Obéissant, Brann regarda de nouveau, et la scène avait changé. Cette fois-ci, elle ne se dissolut pas comme les autres. A vrai dire, elle paraissait tellement réelle que l'assassin se sentit inexpliquablement attiré en avant, jusqu'à ce que sa volonté  ne reprenne le dessus.
 
 C'était une clairière, et c'était la nuit.
 Dans le ciel, la pleine lune était voilée de quelques nuages, pourtant il y avait assez de lumière pour pouvoir détaillers les personnes présents. Quatre personnes, en vérité. Trois, plus un.
 Brann avait fait la distinction, car l'un de ces individus était libre, alors que les autres semblaient ligotés. L'homme libre dormait paisiblement, adossé à un arbre, une épée nue reposant sur ses genoux. Paisiblement était peut-être un mot trop fort, corrigea l'assassin, en remarquant que la main de l'homme était crispée sur le pommeau de son arme.
 Brann avait eu l'occasion de rencontrer nombre de guerriers ou prétendus tels durant sa longue vie, et se considérait comme assez bon juge en la matière.  Même endormi comme il l'était en ce moment, l'inconnu dégageait une impression de… la même impression qu'un tigre au repos, prêt à bondir au moindre bruit qui viendrait le troubler. Cela ne se basait sur rien de précis, de simples détails, la position des bras, des jambes, la carrure de l'homme et la manière dont il s'appuyait à l'arbre, la cambrure de la mâchoire… autant de détails sans importance, et pourtant si parlants pour les sens aiguisés du maître assassin. L'homme qui dormait ici était redoutable.
 En comparaison, les trois autres n'en étaient que plus insignifiants. Trois jeunes gens, dont le plus âgé ne devait pas avoir atteint les vingt ans, dormaient les uns contre les autres, les mains attachées dans le dos. Cela ne semblait pas les gêner outre mesure: ils dormaient du sommeil de l'épuisement.
 L'un d'eux, le plus imposant, était un véritable géant. Mesurant près de sept pieds, il dormait la bouche ouverte, la tête rejetée en arrière. L'illusion était assez réussie pour que Brann croie l'entendre ronfler. Mais non, cela devait être l'effet de son imagination.
 L'autre garçon semblait plus jeune, les traits calmes dans son sommeil, replié sur lui-même comme l'enfant qu'il n'avait jamais cessé d'être. Il remua vaguement lorsque le regard de Brann se posa sur lui. Il souriait. Malgré ses liens, malgré le froid qu'il devait certainement ressentir, il souriait.
 Pressé contre lui, la tête sur son épaule, comme pour quêter la chaleur qui leur faisait défaut, dormait une jeune fille. Sa respiration était calme, Brann l'examina avec un détachement clinique. Cela faisait longtemps que les femmes ne l'intéressait plus autrement que par esthétisme. Il nota cependant qu'elle était jeune et belle, et que sa position mettait de manière intéressante sa poitrine en valeur. Püis il se retourna vers Barell.
 "Qui sont-ils ?"
 "Une partie du problème, mon ami, voilà ce qu'ils sont"
 Brann leur accorda un second regard, incrédule
 "Ce qui signifie, en clair ?"
 "Nos meilleurs alliés dans ce qui va suivre"
 "Rappelle moi de ne plus jamais te demander d'explication claire" ironisa Brann.
 "Je n'y manquerai pas"
 Brann regarda de nouveau. La scène ressemblait à un tableau champêtre; on pouvait presque entendre le vent murmurer dans les arbres.
 "L'homme a l'air puissant" finit-il par dire, hésitant.
 Mais Barell ne fit que hausser les épaules.
 "Il n'est qu'un inconvénient. Il n'était pas prévu. Mais je dois dire qu'il ajoute du piquant aux choses."
 "Alors, ces trois autres ?"
 Barell sourit.
 "Un verre d'alcool ?"
 Brann hésita un instant, puis s'assit sur la chaise et soupira.
 "Je pense que je vais en avoir besoin, si ce que je suppose est vrai."
 "Ce sont eux" fit Barell.
 "Je savais que j'allais avoir besoin d'un verre."
 Barell rit doucement et marcha jusqu'à l'armoire. Il l'ouvrit, révélant de nombreuses bouteilles alignées dans la poussière d'une obscurité millénaire.
 "Ces bouteilles vieillissent mieux que nous, cher assassin. J'ai récemment bu un petit vignoble qui ne payait pas de mine à l'époque, mais qui est devenu absolument divin avec le temps." Il essuya deux verres sales sur le pli de sa tunique. Il prit une bouteille au hasard, la leva à la lumière des murs, et sourit. "Cela fera l'affaire".
Brann resta silencieux alors que son verre se remplissait lentement d'un liquide ambré. Il ne parla pas non plus tandis qu'Barell se servait, et ce ne fut que lorsque le Sorcier eut pris sa première gorgée qu'il prit la parole.
"C'est donc sur ces enfants que tu fondes tes espoirs ?"
Barell plissa les yeux, tout au plaisir de sa dégustation.
"Oui et non. Disons qu'il me serait… agréable qu'ils survivent, mais ils ne nous sont pas non plus indispensables. Le garçon a du potentiel."
"Lequel ?"
"Les deux, à vrai dire. Mais je parlais du plus petit. Il s'appelle Mahlin"
"Ce n'est qu'un gamin."
"Il a le Noir en lui. C'est tout ce qui importe. Sais-tu combien de temps j'ai dû chercher quelqu'un qui posséderait cette étincelle ? Deux cent ans, au bas mot. Deux cent ans à me cacher. Non, je n'aimerais décidément pas qu'il meure maintenant."
"Il a pris connaissance de ses capacités ?"
"Il s'en rendra compte bientôt. Son ami est un Vert et la jeune fille une Orange, même s'ils ne le savent pas encore."
"Une orange ?" Brann regarda le visage de la jeune fille, si tranquille, si détendu. Elle remuait dans son sommeil. Sa main était désormais sur la poitrine du garçon qu'Barell avait nommé Mahlin. "Elle n'en a pas l'air."
"Ne me dis pas que tu te fies aux apparences, toi entre tous"  
"Tu es sûr de ces informations ?"
"Quand me suis-je jamais trompé, mon vieil ami ?" gloussa le Mage. "Je peux t'assurer que ces informations sont exactes."
"Je suppose qu'ils ont un potentiel intéressant"
"Ils ont été choisis pour cela" répondit simplement Barell.
"Je vois. Et cet homme ? En quoi est-il une nuisance ?"
Le mage se caressa le menton, pensif. Le verre, devant lui, était vide. Il se resservit.
"Disons que les choses n'ont pas tourné comme j'aurais aimé qu'elles tournent. Ils sont sur les routes bien plus rapidement que ce qui avait été prévu, et ils ont une prime sur leur tête. Cinq cent pièces d'or par tête."
Brann siffla entre ses dents. En son temps, il avait assassiné de hauts dignitaires pour dix fois moins. Il était jeune, à l'époque.
"Qui les recherche aussi activement ?"
"A ton avis ?"
"C'était une question stupide" reconnut Brann.
"Je t'ai effectivement connu plus rapide" sourit Barell. "Bref, cet homme est un chasseur de primes qui les a capturés"
Brann eut un ricanement de dérision.
"Et c'est ce trio que tu veux utiliser ? Alors qu'ils sont incapables de se débarasser d'un seul homme en étant trois ?"
Barell haussa vaguement les épaules.
"Laisse-leur le temps. Trois lionceaux nouveaux-nés ne peuvent rien contre une hyène. Et les Couleurs savent que cette hyène là est compétente"
"Belle comparaison. Mais les lionceaux ont généralement une lionne pour veiller sur eux"
Barell sourit, mais ses yeux étaient froids.
"La lionne est morte plus tôt que prévu"
"Oh."
Brann but deux longues gorgées d'alcool pour digérer toutes ces informations. Trois ans que le Maître s'était absenté, trois ans sans nouvelles, et maintenant… ça. Ses propres informations, ses propres réalisations durant ce temps paraissaient soudain bien insignifiantes. Barell semblait considérer ces trois jeunes gens comme dispensables en dernier ressort, mais il savait mieux que personne que ce n'était qu'une façade. Barell n'était pas un homme patient. Il n'attendrait pas deux cent ans de plus si cela pouvait être évité.
"Qu'as-tu l'intention de faire pour les aider ?"
Barell haussa un sourcil.
"Les aider ?"
"Je ne pense pas que tu voudrais que tes protégés tombent entre leurs mains. Et je ne vois pas comment ces gamins pourraient s'en sortir tout seul. Tu devrais…"
"Faire tomber la foudre du ciel ? Incinérer leur geôlier sur place ? Absorber sa force vitale ? Envoyer un démon lui arracher la tête ?" suggéra Barell, serviable.
Brann grimaça.
"L'ironie en moins, cela résoudrait ton problème. Je ne vois d'ailleurs pas en quoi c'est réellement un problème. Je suis sûr que tu pourrais le tuer à travers cette vasque, sans même avoir te déplacer, si tu le voulais."
"En effet… ce qui reviendrait à écrire en lettre de feu dans le ciel pour mes ennemis Je suis en vie ! Je n'ai pas vraiment besoin de ça en ce moment." Il secoua la tête. "Sans compter que les gamins eux-mêmes comprendraient que quelqu'un les protège, et ça, je ne le veux à aucun prix. Il faut qu'ils se croient seuls et abandonnés. Maintenant que les cartes ont été distribuées ainsi, il ne reste plus qu'à jouer la partie au mieux"
"Tu as toujours été un bon joueur" sourit Brann.
"Aujourd'hui plus que jamais, cela me servira. La main que l'on m'a donnée n'est pas brillante… mais c'est ce qui fait l'intérêt de la partie"
Il se resservit. Cela faisait longtemps qu'il n'était plus affecté par les effets secondaires de l'alcool, et il ne prenait pas la peine de compter les verres qu'il buvait. L'alcool lui donnait chaud au ventre.
"De plus, je suis déjà intervenu directement pour eux, une fois. J'ai bien peur que ce n'ait été une fois de trop"
"Oh ?"
"Mahlin allait se faire embrocher par un spadassin un peu trop zélé"
"Et ?"
"Je n'ai pas réfléchi. Je l'ai fait exploser sur place"
Brann grimaça et reposa son verre. Il était adepte de morts plus propres.
"Ce n'est pas ce que j'appellerais subtil"
"Je n'ai pas vraiment eu le temps de réfléchir. Ils se débrouillaient bien, mieux que ce que j'aurais pensé. Je ne voulais pas intervenir."
"Comment l'ont-ils pris ?"
Barell sourit.
"Leur vie a été quelque peu mouvementée ces derniers temps, par chance. Je crois qu'ils n'ont pas réellement eu le temps de réfléchir à cela."
"Et s'ils y réfléchissent ?"
"C'est justement pour cela que je ne veux pas les aider cette fois ci, sauf si l'on m'y oblige. Même une simple crise cardiaque risque d'être trop suspicieuse. Ils montrent parfois un esprit étonnamment aiguisé"
"Oh ?" Brann jeta un regard calculateur à la bouteille, déjà aux deux tiers vide. "Visiblement, cette intelligence ne leur a pas suffi à rester libres. Je ne les féliciterais pas, à ta place"
Barell se permit un petit rire.
"Dans certains domaines, ils sont d'une naïveté et d'une bêtise sans bornes. Prends Mahlin, que pourtant les autres semblent suivre sans discuter. Il a rencontré ce chasseur de primes au détour d'une rue et ne s'est pas une seule fois interrogé sur ses motivations. Il a pris son arrivée comme un signe du ciel et lui a emboîté le pas sans se demander pourquoi l'homme les aidait"
"C'est effectivement étonnant" reconnut Brann de bon cœur, lui qui vivait avec la paranoïa depuis plusieurs siècles.
"Tu n'as pas entendu le plus beau" fit Barell. Son sourire se fit plus large. "Il lui a offert mon bâton en échange de sa liberté."
Par un effet néfaste, Brann était en train de boire lorsque son maître prononça ses mots, et la coupe était à mi chemin de regagner la table. S'étouffant avec l'alcool, il se mit à tousser, la coupe roulant sur le sol et renversant le liquide ambré sur les dalles de marbre. Sous cette lumière, l'alcool avait des reflets de sang.
"Il… quoi ?" finit-il par dire, reprenant à grand-peine sa respiration. Il se força à se détendre devant le sourire amusé d'Barell, toussa encore deux fois puis se racla la gorge. "Ils ont vendu ton bâton ? Le bâton du…"
"Celui-là même."
"Mais… comment l'ont-ils eu en leur possession ?"
 Brann avait de nombreuses questions à poser, mais celle-ci était la première qui lui vint à l'esprit..
 "Une erreur de ma part. Disons qu'il a été utilisé dans des circonstances où il n'aurait pas dû l'être par quelqu'un qui, pour des raisons de cohérence, n'aurait pas dû l'avoir dans les mains."
 "J'aime ta précision" grommela l'assassin. "Ils se promènent donc avec ton bâton ? Difficile de rester discret avec cela."
 "C'est ce que s'est dit le jeune garçon aussi."
 "Tu m'en diras tant. Peut-être a-t-il un cerveau, après tout"
 "Il l'a donc enterré sous un buisson"
 "Je retire ce que j'ai dit. Il n'en a pas."
 Barell se permit un nouveau sourire.
 "Ton ironie me manquait, mon ami."
 "Tu dois bien être le seul à qui elle manquait" observa Brann. "Mais je suis désolé de t'interrompre ainsi dans ton récit. Tu disais ?"
 "Bien entendu, j'ai profité de son geste pour récupérer mon bâton" continua Barell. Un geste de la main, et l'objet apparut dans sa main, captant la lumière dans la semi-pénombre, absorbant la lumière, puis luisant soudain de mille feux.
 "Tu me rassures"
 "Toujours est-il que notre ami Mahlin ici présent" il fit un geste vague vers la vasque "a proposé à leur ravisseur d'acheter sa liberté avec la gemme qui orne mon bâton"
 Brann ne s'était pas autant amusé depuis des années… des décades, voire des siècles. Il se permit même de rire.
 "Tu étais en-dessous de la vérité en disant que la partie pouvait s'avérer amusante, Barell. J'ai beau être conscient de la catastrophe qui risque de nous attendre, je ne peux m'empêcher de prendre intérêt dans cela. Tu dis donc que ce gamin a offert ton bâton en échange de sa liberté ?"
 "De leur liberté. Oui, c'est ce que je dis"
 Brann rit de nouveau.
 "Voilà autre chose. Qu'a répondu le chasseur de primes ?"
 "Eh bien, Mahlin doit posséder un certain pouvoir de persuasion, puisqu'il a condescendu à étudier son offre. Demain, ils devraient revenir sur leurs pas pour retrouver l'objet"
 "Qui ne sera pas là où il l'a laissé, puisque tu le tiens dans tes mains" observa Brann
 "C'est juste. Mais je ne pense pas que leur geolier appréciera la plaisanterie."
 "Tu penses qu'il irait jusqu'à les tuer ?"
 Barell soupira.
 "Non, c'est bien la seule chose qu'il ne fera pas. Il tient trop à la récompense qui lui est promise."
 "Mais il ne les relâchera pas non plus. Les enfants seront dans une impasse."
 "Soyons sérieux, tu penses vraiment qu'il les aurait relâchés si la gemme avait été là ? Il l'aurait prise, bien sûr, mais il les aurait tout de même livrés. Je connais ce genre d'individu. Aucune parole, aucun honneur. Il est prêt à tout, même à un détour de deux jours, sur le début du commencement d'une possibilité de s'enrichir encore plus. Non, il ne les aurait pas libérés."
 "Alors ils sont vraiment  dans une impasse, et il va falloir que tu t'impliques"
 Barell grimaça.
 "Je ne sais pas encore ce qui est le pire. Que les autres sachent que je ne suis pas mort, ou bien que les gamins leur soient livrés. Dans les deux cas, je perds beaucoup."
 "Achète cet homme" suggéra Brann en haussant les épaules. "Si tu lui offres suffisament et que tu le menaces assez, il les laissera partir."
 "L'idée est intéressante…"
 Barell la considéra pendant un instant, mais il finit par secouer la tête.
 "Non. Si jamais il les libérait ainsi, Mahlin et ses amis ne croiraient jamais qu'il a été soudain touché par la grâce. Ils se rendront compte que quelqu'un a payé pour eux. Cela ne passera jamais."
 "Buvons" suggéra Brann, ramassant sa coupe sur le sol
 Boire l'aidait à penser clairement. Il sirota quelques gorgées, les yeux dans le vague. Aussi sursauta-t-il quand Barell frappa du poing sur la table. Il n'était pas accoutumé à de telles démonstrations de la part du vieux mage.
 "Que les Couleurs emportent la prudence. Je vais faire entendre raison à ce mercenaire"
 "Paix à son âme" murmura Brann.
 "Je te prie de m'épargner tes commentaires" fit Barell, mais son sourire atténuait ses paroles.
 "Toi qui cherchais à rester discret…"
 "Les enfants n'en sauront rien. Mahlin espère acheter sa liberté avec mon bâton. Nous allons l'exaucer. Ce guerrier acceptera le paiment, puis les laissera partir. Naïfs comme ils le sont, je ne pense pas qu'ils y trouvent réellement quelque chose à redire. Ils ont payé, il les libère, rien d'étonnant à cela."
 "Et les autres ?"
 Pas besoin de préciser qui étaient les autres. Barell haussa les épaules négligemment.
 "Comme je l'ai dit, on trouve des hommes d'honneur partout. Ils supposeront que cet homme en est un." Il fit une pause. "Il y a un autre avantage à cela; quelques heures après qu'il ait abandonné ses prisonniers, je pourrai le tuer discrètement et récupérer mon bâton sans que personne n'y prête attention."
 "Et comment comptes-tu t'y prendre pour inculquer à ce chasseur de primes le sens de l'honneur ?"
 Un fin sourire.
 "Fais moi confiance"
 
 
 
 Quelque part, un hibou hulula.
 Ker ouvrit les yeux, et regarda la lune, pleine, dans le ciel. Quelque chose l'avait réveillé, et ce n'était pas un hibou. Il avait appris depuis longtemps à faire abstraction des bruits normaux de la nuit, des bruits normaux de la forêt. Mais quelque chose ne tournait pas rond.
 L'amulette, contre sa poitrine, était chaude contre sa peau, et sa température continuait à augmenter. C'était cela qui l'avait réveillé. Un peu plus, et cela atteindrait la limité du supportable, surtout par contraste avec le froid ambiant. Quelque chose n'allait pas du tout.
 Ker avait dû sa vie de nombreuses fois à son instinct, et à d'autres moments à cette amulette. Il ne prit pas la peine d'observer les bois, ni de tendre l'oreille avant d'agir. En un instant, son épée fut dans sa main; la seconde d'après, il était debout, tous ses sens en alerte, toute trace de sommeil disparue de ses yeux.
 Un rapide coup d'œil lui permit de voir que ses prisonniers dormaient paisiblement – du moins, aussi paisiblement que les liens leur permettaient. Ce n'étaient certainement pas eux qui avaient causé cette alerte. Plus le danger était grand, plus l'amulette chauffait. Et jamais elle n'avait autant brûlé contre sa peau. Il se mit dos à l'arbre contre lequel il avait dormi, et attendit.
 La nuit était trop calme. Le hibou était le premier et le dernier bruit qu'il avait entendu depuis son réveil. Pas de bris de branches, pas de frôlements dans les buissons, pas un murmure.  
 Puis le vent se leva, lentement, doucement, s'emmêlant dans les replis de sa cape et les franges de ses cheveux. Des odeurs étranges assaillaient ses narines, des odeurs venues de son passé, qu'il avait déjà senties à certains moments dans sa vie, des moments importants. Pourtant, il ne parvenait pas à mettre un nom sur ces fragrances. Des souvenirs désagréables lui remontèrent à l'esprit, des scènes auxquelles il n'avait plus repensé depuis des années. Et il identifia enfin l'odeur.
 C'était l'odeur de la tombe, du charnier, de la terre retournée sur la chair putréfiée. C'était l'odeur d'un caveau ouvert dans un cimetière désert, l'odeur d'un massacre sous un soleil ocre. Cela évoquait l'obscurité, la mort, l'oubli et la décrépitude.
 Ker serra fermement son épée, se refusant de trembler. Ses mains étaient moites sur le pommeau, et il doutait de pouvoir désserrer son étreinte si même il le voulait. Ses terreurs les plus primitives remontaient à la surface, des frayeurs d'enfant,  des peurs d'adulte.
 Il se força à rester calme. Depuis combien de temps n'avait-il pas connu la peur ? Cela devait faire des années qu'il vivait ainsi. Rien ne l'avait jamais affecté comme cette simple odeur venait de le faire. Jamais il n'avait chancelé. Il s'était déjà battu dans des circonstances désespérées, et avait courtisé la mort avec joie – d'aucuns diraient avec espoir.
 Alors pourquoi ?
 Pourquoi maintenant, pourquoi cette nuit ? Pourquoi se sentait-il si faible et si fragile, comme un nouveau-né ? Pourquoi se retrouvait-il aussi nu que cette nuit, cette fameuse nuit où… Il secoua la tête avec colère.  
Le vent soufflait de plus en plus fort, insidieux et sombre. La lune jetait désormais une lumière menaçante sur les ombres alentour, et il se surprit à respirer plus fort, essuyant de temps à autre la sueur qui coulait sur sa tempe, son souffle se condensant en buée à peine sorti de ses lèvres crispées. L'odeur se faisait de plus en plus forte.
"Qui va la ?" demanda-t-il doucement, se sentant ridicule. Il ne tenait pas à réveiller ses prisonniers. Ou bien y tenait-il ? Un peu de compagnie ne lui ferait certainement pas de mal. Il fit un pas vers eux, hésitant, cherchant à rassembler ses pensées.
Et Mahlin ouvrit les yeux.
Son regard était de braise, semblant absorber la lumière alentour puis la restituer en de lentes pulsions. Avec lui soufflait le vent, et avec lui s'imposa l'odeur de charnier, de mort et de désespoir.
"Mahlin ?" demanda Ker.
Le jeune garçon continuait à le regarder sans un mot, de ces yeux qui ne cillaient pas. Avec un bruit sec, la corde qui liait ses poignets céda et glissa au sol. Il posa ses mains libres alternativement sur le front de Shani et Aarel, et murmura quelques mots. Ils remuèrent dans leur sommeil. Puis il poussa doucement la jeune fille de côté, et se leva.
"Qu'essaies-tu de faire ?" demanda Ker, les doigts crispés sur son arme. "Comment t'es-tu libéré ?"
Mahlin ne répondit pas.Il avança d'un pas, et l'obscurité se déplaçait avec lui.
"Un pas, et tu êtes mort" prévint Ker, grinçant des dents. Il leva son arme.
Mahlin sourit, presque tendrement, et écarta les bras, désarmé.
Ils restèrent un instant ainsi, sans bouger, puis le guerrier baissa sa lame. Et sourit.
"Maudit sois-tu ! Tu as trop de valeur pour mourir, mais je n'hésiterai pas à mutiler tes compagnons. Explique-moi ce que tu cherches à…"
Ker bougea au milieu de sa phrase. Son épée jaillit en avant alors qu'il adoptait le mouvement Indigo. Fluide comme l'eau d'une rivière, puissant comme l'eau d'un torrent, il bondit vers Shani, qui dormait toujours d'un sommeil étrange. Avec un tel otage, tout était possible.
Du moins fut-ce ce qu'il tenta de faire. Le mouvement entier ne lui prit pas plus d'une seconde, mais soudain il sentit ses muscles se tendre.  
"Que…" commença-t-il.
Puis il hurla, car la douleur venait de remonter dans son bras. L'épée tomba de ses doigts engourdis, et ce fut à son tour de tomber à genoux. Il chercha à retrouver un appui, mais une main invisible le souleva du sol et le projeta contre un arbre proche. Il heurta l'écorce avec violence, et l'air s'échappa de ses poumons avec un sifflement rauque. Puis il retomba sur le sol enneigé, tête la première.
"Quelle impétuosité" observa Mahlin. "Quelle rapidité. Quelle vigueur."
Son ton était moqueur. Sa voix était bien plus basse et profonde que sa voix habituelle, avec des subtiles harmoniques qui faisaient penser à un chant. Il n'avait pas fait un geste. Ses yeux rougeoyaient toujours.
"Par les Couleurs…" murmura Ker.  
Il était encore en vie. Sa respiration était rauque alors qu'il cherchait à reprendre son souffle, et il porta ses doigts à son côté. Il avait certainement une ou plusieurs côtes brisées. Sa main le brûlait, comme chauffée à blanc. L'amulette, contre son torse, flamboyait comme jamais, lui indiquant que son adversaire était terriblement dangereux. Comme s'il ne s'en était pas rendu compte. Il grogna. Ce gamin ? Un adversaire ?
"Toutefois" interrompit Mahlin  "tout cela ne te mènera nulle part avec moi. Reste calme et ne bouge plus. Je ne voudrais pas te blesser plus que nécessaire."
"Maudit…" commença Ker. La douleur avait disparu soudainement, mais elle avait été remplacée par un vide total. Plus aucune sensation ne remontait de ses mains, comme si elles étaient mortes. Il risqua un regard rapide vers ses prisonniers, à sa droite.
Malgré le bruit qu'ils avaient tous deux faits, Shani et Aarel dormaient encore. A dire vrai, ils semblaient dormir plus profondément que quelques instants auparavant. Rien à attendre de ce côté là, pas même une diversion.
Ker baissa la tête en signe de soumission. Il devait tout d'abord chercher à comprendre. Quelqu'un… non, quelque chose avait pris possession de Mahlin. Il ne pouvait en être autrement. Le gamin ne pouvait avoir de tels pouvoirs.
"Qui êtes-vous ?" finit-il par demander. "Vous n'êtes pas Mahlin."
"Non"
Il attendit que son adversaire en dise plus, mais en vain.
"Que voulez-vous ?" fit-il en désespoir de cause.
"Que tu restes calme et ne bouges plus. Je crois te l'avoir déjà dit"
Le guerrier obéit, complaisant. Il lui fallait attendre, comprendre. Il y avait certainement un moyen de se sortir de cette situation. Discrètement, il fit jouer les doigts de sa main gauche. Le moindre mouvement lui était pénible, mais ils bougeaient. C'était une progression.
L'entité prit son silence pour un assentiment.
"Parlons" fit-il. "Ou plutôt, écoute." L'odeur de charnier refluait lentement, mais le vent était toujours aussi mordant. "Tu vas faire quelque chose pour moi." Ker hocha la tête, attendant de voir où l'homme voulait en venir. "Les enfants que tu as fais prisonniers. Tu vas accepter leur offre, prendre la gemme qu'ils t'ont promis, et les relâcher."
Ker en oublia de remuer ses doigts.
"Pardon ?" bredouilla-t-il, stupéfait.
"Il n'y a pas de pardon qui tienne."
Le guerrier lutta pour se relever; le mage ne fit rien pour l'en empêcher.
 "J'aimerais comprendre. Qui êtes-vous ? Vous semblez diablement bien informé"
 "Diablement est le mot qui convient. Je pense qu'il serait sage de ta part de m'obéir." Des yeux si brûlants.
 Ker était désormais debout. Ses jambes menaçaient de le trahir à tout instant, mais sa dignité retrouvée lui permettait de réfléchir plus sereinement.
 "Si je refuse ?"
 "Je te réduis en cendres"
 "Il semblerait que je n'aie pas vraiment le choix, eh ?" fit Ker avec un petit rire rauque. "Mais je ne comprends pas vraiment ce que vous voulez de:moi."
 "C'est pourtant clair. Je te l'ai dit."
 "C'est justement cela que je ne comprends pas. Vous pourriez me tuer tout de suite. Je ne suis pas tellement stupide que je ne me rende pas compte de votre force. Alors pourquoi me demander de les relâcher ? Vous arriveriez au même résultat dans les deux cas."
Ker avait conscience de ne pas parler en sa faveur, mais il cherchait à comprendre. Et à gagner du temps, alors que, de nouveau, il testait les doigts de sa main gauche. La douleur était supportable. Bien.
"J'ai un certain respect pour la vie humaine" sourit Mahlin.
"Ne vous moquez pas de moi" cracha Ker. "La vraie raison."
L'entité resta un instant silencieuse. Ker crut un instant avoir dépassé les limites de sa patience, trop tôt, bien trop tôt. Mais, non, l'autre lui répondit.
"Je préférerais rester discret. Faire bouillir ton sang serait tout sauf propre. Oh, je n'hésiterai pas à le faire si les circonstances m'y obligent, mais je ne serais pas contre trouver un arrangement."
Ker resta un instant silencieux. Son bras ne l'élançait plus.
"Vous voulez que j'abandonne ces enfants à vos soins ?"
"A vrai dire, j'aimerais qu'ils ne se doutent de rien. Qu'ils n'apprennent pas mon existence. Je te fais confiance pour improviser. Après tout, tu as la meilleure raison du monde pour les abandonner"
Le guerrier-mage haussa les épaules, vaguement amusé malgré sa situation.
"Ils valent mille cinq cent pièces d'or. Personne ne les laisserait partir sans une bonne raison."
"Je suis une bonne raison" grinça Mahlin.
"Ce n'est pas ce que je voulais dire" L'épée était à quelques pas d'ici, sur le sol. Il s'assit négligemment à côté d'elle. "Vous pensez vraiment que ces enfants vont me croire si je leur dis que je les laisse en liberté, que j'ai été touché par leur jeunesse, que je leur souhaite bonne chance ?" il eut un rire amer "Ca me paraît compromis."
L'entité soupira.
"Tu n'écoutes jamais rien. Je t'ai dit que tu prendrais leur gemme. Tu vas donc simplement te montrer homme d'honneur et respecter ta parole. Tu…"
Ker frappa. Il avait fait son choix. Il préférait perdre cinq cent pièces d'or que la totalité de la somme. La mort de Mahlin serait un exemple pour tous.
Sa main qui jusque là caressait machinalement son menton, comme s'il s'intéressait réellement aux paroles du fou devant lui, jaillit et se referma sur son épée. La douleur explosa de nouveau dans ses doigts, mais il serra les dents et continua son mouvement de balancier. Sa main gauche plongea sous ses vêtements pour saisir sa dague. Son adversaire ferma les yeux en voyant la lame filer vers sa gorge.
Le sang coula.
Une goutte de sang, vermeille, unique, brillante, perlait au cou de l'enfant, là où la pointe de l'épée s'était enfoncée. De moins d'un centième de pouce.
Mahlin baissa les yeux, ses yeux si inquiétants, et sourit. Jamais le vrai Mahlin n'avait arboré une expression aussi sinistre.
"Bien tenté, mon ami. Tout était parfaitement exécuté. N'importe quel mage n'aurait pas eu le temps de réagir."
Ker lutta contre la paralysie qui le saisissait, sans aucun succès. Il en aurait pleuré de frustration. Si proche du but. Une fraction de seconde plus tard, et Mahlin serait mort, une épée en travers de la gorge. Cela aurait probablement causé la mort de l'entité par contrecoup, également. Cela aurait réglé si élégamment tous les problèmes. Comment un mage, même puissant, pouvait-il accumuler tant de puissance en fermant les yeux si peu de temps ? Un simple battement de paupières; c'était tout bonnement impossible.  
"N'importe quel mage… mais pas vous" fit-il.
"Pas moi" acquiesca Mahlin, levant la main. "Et je vais maintenant devoir te punir."
Quelques secondes après, Ker commençait à hurler.
 Lorsque le jeune homme ferma enfin le poing, toute idée de révolte avait disparu du guerrier. La haine brûlait en lui, mais il prit bien garde de ne pas la montrer alors qu'il essayait de relever la tête, mélangeant sa salive à la neige fondue. Il lui fallut plus d'une minute pour parvenir à se mettre à genoux. Il resta dans cette position.
 "Bien" fit Mahlin. "Reprenons sur des bases saines. Tu vas suivre ces enfants jusqu'à l'endroit où ils ont caché la gemme. Tu vas la prendre, et tu vas les quitter, respectant la parole que tu vas leur donner. C'est bien compris ?"
 Malgré son état, Ker parvint à rire faiblement. Des bulles de sang éclataient entre ses lèvres. Il gémit, rassemblant ses forces pour parler.
 "Si ce n'est pas moi qui… les capture, ce sera… quelqu'un d'autre. Ils… valent trop cher… pour être libres" Mahlin fronça les sourcils. "Ils seront… repris… bientôt… et alors.. que ferez…vous"
 Ker laissa sa phrase se terminer en un long soupir, presque un râle. Il sentait la nausée l'envahir, mais il ne ferait pas ce plaisir à son tortionnaire. Jamais.
 "C'est effectivement un problème" observa Mahlin.
 "Des dizaines de… de chasseurs de primes les… poursuivent" parvint à articuler Ker.
 "Parler doit t'être douloureux" fit Mahlin, compatissant. "Il vaut mieux pour toi n'ouvrir la bouche que pour dire quelque chose d'intéressant." Ker grinça des dents, impuissant. "Bien, attaquons le problème par un autre angle. Tu vas protéger ces enfants"
 Ker en resta muet, ce qui était pour le mieux, car il n'aurait certainement rien dit d'intéressant. Il avait du mal à penser clairement. L'usage de ses muscles lui revenait progressivement, et avec lui la douleur.
 Mahlin s'accroupit devant lui, lui soulevant la tête. Son sourire était carnassier.
 "Eh bien ? Que penses-tu de ma proposition ? Je sais qui tu es, mon ami, je sais pourquoi tu te fais appeler Ker, et je connais ton habileté à l'épée. Utilise-là pour les protéger"
 "Je ne…veux.." commença le guerrier.
 "Qui t'a parlé de vouloir ? C'est un ordre que je te donne. Je ne serai pas toujours là pour regarder par dessus ton épaule, mais j'ai là quelque sorcellerie intéressante qui pourrait nous aider."
 Ker perdit connaissance miséricordieusement durant l'incantation. Lorsqu'il retrouva ses esprits, les yeux rouges le regardaient toujours.
 "Tu es lié avec ces enfants, mon ami. Lié pour la vie. Lié pour la mort. Qu'un seul d'entre eux meure, et le contrecoup te tuera. Protège-les, mon ami. Protège-les bien. Ta vie en dépend. Et ne meurs pas avant terme, cela me chagrinerait."
 Ker sentit la douleur disparaître en lui, fondant comme la neige sous son corps, disparaissant en cristaux, jusqu'à ce que toutes ses sensations reviennent. Il porta sa main à sa bouche, perplexe, mais aucune trace de sang ne vint rougir ses doigts.
 "Illusion !" gronda-t-il. Mais l'entité qui était en Mahlin se contenta de rire.
 " Non, mon ami. Je suis le Maître de la Mort. Bien sûr…" le flamboiement des yeux disparut "…certains diront que la mort même est illusion…" Mahlin battit des paupières et tomba en avant "…car c'est un voile si facile à déchirer…"
 Et Ker se retrouva seul dans la clairière.


Message édité par Grenouille Bleue le 10-08-2004 à 18:32:44
n°3429427
yulara
Byte Hunter
Posté le 10-08-2004 à 19:06:49  profilanswer
 

rah j'adooooooooooore!!! c'est quand la suite? :bounce:
 
heu... juste un truc quand meme, comment shani peut-elle poser sa main sur la poitrine de malhin si elle est ligotée?


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Quizz'n'Blind pour tester vos connaissances
n°3429841
docwario
Alea jacta est
Posté le 10-08-2004 à 20:13:50  profilanswer
 

c'est excellent !
je n'osais plus espérer que Barell soit encore vivant.
 
Maintenant t'as pas le droit de nous laisser comme ca ! on veut la suite !!!
 
encore une fois, c'est excellent !

n°3502308
kat'tre
Posté le 19-08-2004 à 15:02:30  profilanswer
 

quand revient-il de vacance?


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si tu es feignant et que l'envie soudaine te prend de travailler, assied toi et attend que ça passe!!!
n°3568713
sthery
Posté le 26-08-2004 à 16:22:48  profilanswer
 

kat'tre a écrit :

quand revient-il de vacance?


 
si on savait :(

n°3625802
yulara
Byte Hunter
Posté le 01-09-2004 à 13:35:45  profilanswer
 

il me semble bien qu'il est reviendu, donc quoiqu'ils deviennent mahlin, shani et aarel, hein?
on veut connaitre la suite nous :bounce:


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Quizz'n'Blind pour tester vos connaissances
n°3626210
foularou
Posté le 01-09-2004 à 14:12:26  profilanswer
 

C kler s'il est la va falloir qu'il poste la suite :)

n°3626322
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 01-09-2004 à 14:19:50  profilanswer
 

La suite arrive demain, juste le temps de se remettre du décalage horaire entre ici et l'ile d'Aix  :lol:


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Ma chaîne YouTube d'écrivain qui déchire son père en pointillés - Ma page d'écrivain qui déchire sa mère en diagonale
n°3626543
foularou
Posté le 01-09-2004 à 14:35:43  profilanswer
 

cool

n°3635450
kat'tre
Posté le 02-09-2004 à 12:22:12  profilanswer
 

enfin  ;)


Message édité par kat'tre le 02-09-2004 à 12:23:59

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si tu es feignant et que l'envie soudaine te prend de travailler, assied toi et attend que ça passe!!!
n°3635975
daviso
En 2005, j'enlève le bas
Posté le 02-09-2004 à 13:32:27  profilanswer
 

On est demain...


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DaViSo http://daviso.free.fr
n°3636593
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 02-09-2004 à 14:28:34  profilanswer
 

daviso a écrit :

On est demain...


 
Ouais alors toi, déjà que je te file un coup de main pour déménager, tu ferais mieux de pas insister, hein  :D  
 
Voici donc le chapitre 15, car... pendant ce temps... à Vera Cruz...  :bounce:  
 
Chapitre 15
 
 
 "Allons, ne remue pas comme ça" réprimanda gentiment Thullya.
 Le cheval ne donna pas l'impression d'entendre. Il ne répondait jamais à la voix de la jeune fille. Cela lui convenait. Les gens étaient tellement bruyants – surtout ces derniers jours.
 "Non, ca ne fait pas mal" protesta-t-elle alors que l'animal remuait nerveusement. "Et les servantes disent toujours qu'il faut souffrir pour être belle…".
 Du moins était-ce ce qu'elles disaient, avant de la plonger dans un bain bouillant pour la nettoyer et lui donner une allure plus présentable.
La brosse se prit dans un nœud de crins. Il résista un instant, puis céda à la vertueuse colère de la jeune fille. Petit à petit, la saleté de la chevauchée laissait place à la robe bai de la jument. D'épais nuages de poussière s'élevaient par intermittence mais Thullya, avec l'aisance que confère une longue pratique, n'en paraissait pas plus incommodée, agitant la main pour purifier l'air lorsque cela s'avérait nécessaire.
"Aidez-moi, vous autres !" lança-t-elle aux deux hommes qui la regardaient faire sans bouger.
Vêtus de mailles, portant une tunique aux armes du Duc, les soldats se regardèrent.
"Eh bien, ne restez pas plantés là ! Prenez une brosse, et aidez-moi !"
Les deux restèrent immobiles, hésitants. Le plus vieux, qui devait avoir au moins vingt-deux ans, si ce n'est plus, regarda l'étable sale avec dégoût. Elle était prête à parier qu'il était le genre d'individu à donner sa monture aux soins des valets d'écurie sans jamais réellement y mettre du sien. Sa cuirasse luisait à chaque éclair, visible  par les nombreuses fenêtres, le faisant ressembler à un héros de légende. Elle n'avait pas besoin d'un héros pour l'instant,  mais d'une main pour passer la brosse.
"Faut-il que ce soit un ordre ?" fit-elle, impériale, se dressant sur ses petits pieds. Ses sabots raclèrent sur la paille.
De nouveau, les soldats échangèrent un regard. Résigné, cette fois-ci. Le premier alla jusqu'à enlever son casque pour fourrager dans ses cheveux, l'air hésitant. Puis il s'empara de l'outil  que la jeune fille lui tendait, et commença à brosser le cheval.
"Moins fort !" s'exclama Thullya presque aussitôt. "Pour qui la prenez-vous, la pauvrette ?"
"La pauvrette ?" s'enquit le garde.
"Petit-pas, ma jument !" s'indigna-t-elle. "Tu l'étrilles comme une mule ! Tu ne comprends décidément rien à rien ! Fais attention ! Considère sa peau comme la mienne ! Elle est certainement aussi tendre que la mienne !"
Le soldat hésita à grommeler un assentiment, mais décida de tenir sa langue. Il se sentait fatigué et n'avait pas la force d'argumenter. La diablesse avait passé sa journée à cheval : Il commençait à comprendre pourquoi les soldats étaient si peu à se bousculer pour l'honneur de faire partie de sa garde personnelle..
"Allons, allons, ca y est presque" rassura-t-elle sa monture. "Les maladroits ne vont plus te faire mal."
De fait, le travail de fond était terminé, ou peu s'en fallait. Il allait maintenant falloir nettoyer le dessous des sabots, vérifier que…
 "Ah, la voilà !"
 Thullya sursauta. Le tonerre gronda, et la pluie s'engouffra par la porte de l'écurie, brutalement ouverte. La foudre déchira le ciel, éclairant la scène pendant un bref instant avant de replonger la scène dans l'obscurité.
 Soeur Nora, grande et digne sous l'ombrelle qui l'abritait de la pluie, se tenait dans l'embrasure de la porte. Un mince filet d'eau coulait sur son visage, son nez émacié, ses lèvres sèches. Thullya recula d'un pas. Soeur Nora avança pour combler l'écart, et sa main jaillit avec une vivacité étonnante. Dans un grand froufrou de robes, elle attrappa le bras de la jeune fille et la tira hors de l'écurie. La jument regarda placidement la scène. Les deux gardes s'écartèrent avec autant de soulagement que d'amusement.
 "J'étais en train de…" commença Thullya.
 "Vous n'étiez en train de, rien du tout, jeune fille ! Il ferait beau voir que j'écoute vos sornettes ! Suivez-moi, dépêchez-vous ! Et lâchez cette brosse dégoûtante !"
 La marâtre la tenait fermement par la main en avançant, et il n'y avait pas d'autre choix que de la suivre; Thyllia eut un regard navré pour son cheval, entre les mains des deux gardes, mais elle avait assez de bon sens pour ne pas argumenter avec la vieille femme lorsqu'elle prenait cet air là.
 Cet air là, c'était un mélange de colère, de vertueuse indignation et d'horreur non-feinte alors qu'elle se retournait tous les deux pas pour observer sa prisonnière. Dans ses yeux brillaient alternativement la lassitude et le dégoût.
 "Mais regardez-vous, princesse !" fiinit-elle par dire, plissant le nez. Plisser le nez ne lui faisait pas ralentir l'allure, et la jeune fille était bien en peine de suivre, trébuchant, essuyant de sa main libre l'eau qui coulait dans ses yeux. Elle n'avait pas la protection de l'ombrelle, et la pluie tombait à seaux. "Dans quel état êtes-vous ? Que les Couleurs me pardonnent, qu'avez-vous fait avec ces soldats ? Vous vous êtes roulés dans la boue ?"
 Thyllia avait bien une réponse à lui donner, mais elle doutait que la vieille dame apprécie la pique.
 "On est allés galoper" marmonna-t-elle, les yeux rivés sur le sol pour ne pas glisser.
 Sœur Nola se rendit enfin compte que la jeune fille était sans protection sous la pluie et, avec un sursaut, lui tendit son ombrelle. Mais le porche n'était plus qu'à quelques mètres, et bientôt tous deux furent à l'abri. A voir l'expression de la marâtre, Thyllia sentit que le véritable orage allait bientôt éclater.
 "Galoper ?" fulmina la vieille femme, le visage d'autant plus rouge qu'elle sentait un mince filet d'eau glisser dans l'échancrure de sa robe. "Galoper ? Par ce temps ? Mais vous êtes complètement inconsciente, ma fille !" Elle leva les bras au ciel. "Pourquoi moi, Dieu du Foyer, pourquoi moi ? N'ai-je pas assez de mal à lui faire réciter ses leçons qu'elle doive aussi me fausser compagnie ?" Elle grinça des dents. "Je vois au moins que vous avez pris la peine d'emmener des soldats avec vous. Il ne manquerait plus que vous vous fissiez enlever. Les contrées environnantes ne sont pas aussi sûres que vous semblez le croire, vous savez."
 "Ce n'est pas moi qui leur ai demandé de venir" grogna Thyllia, boudeuse. "Ils ont insisté à me suivre, et après ils se sont plaints quand je suis partie dans la forêt."
 Au moment où les mots quittaient ses lèvres, elle se rendit compte que ce n'avait pas été la meilleure chose à dire.
 "La forêt ?" glapit la Sœur. "Mais vous avez complètement perdu l'esprit ? Vous avez vu le temps qu'il fait ? Ce n'est pas étonnant que vous soyez couverte de boue comme si vous aviez nagé dans la fange. Pourquoi cela ne me surprend-il pas ?" Elle frappa son front de sa main. "Je sais ! C'est parce que vous me faites la même chose depuis quinze ans que j'ai à m'occuper de vous !"
 L'ironie passa loin au-dessus de la tête de la princesse. Quinze ans ? Elle avait su monter à cheval à un âge tendre, certes, mais la vieille femme exagérait tout de même. Thyllia hésita à protester, mais l'expérience lui avait montré qu'il valait toujours mieux la laisser vitupérer jusqu'à ce qu'elle se calme. Affichant un masque de contrition aussi faux que forcé, elle commença à serrer ses longs cheveux dans ses mains, essorant méthodiquement la botte de foin qu'ils étaient devenus.
 "…dangereux !" était en train de dire Sœur Nola. "Vous êtes beaucoup trop inconsciente pour une princesse, ma fille ! Je devrais vous interdire de voir cette jument, voilà ce que je devrais faire. Ca vous apprendrait à vous…"
 Elle s'interrompit alors que Thyllia reportait son attention sur elle, soulevant altièrement le menton comme la princesse qu'elle était effectivement, affichant une expression aussi digne que ses cheveux mouillés, ses vêtements trempés, ses bottes souillées, et la flaque d'eau qui s'agrandissait sur le sol le lui permettaient
 "Je ne suis pas votre fille" glapit-elle "et vous ne pouvez pas m'interdire de voir Petits-Pas ! Je vous l'ordonne ! Je veux voir mon père ! Je veux lui dire comment vous me traitez !"
 Les yeux de la vieille femme s'agrandirent de surprise, mais elle se reprit vite. Thyllia crut l'entendre murmurer "enfant gâtée", mais cela devait être son imagination.
 "Pour le voir, vous allez le voir. C'est lui qui m'a demandé d'aller vous chercher et, princesse ou non, si vous ne vous dépêchez pas de vous changer et de vous rendre présentable, je vous jure que je vous fesse comme je le faisais autrefois. Et je suis certain que le Duc votre père comprendra parfaitement la situation lorsque vous lui direz pourquoi je vous ai rougi le derrière." Son ton monta. "Alors si vous ne voulez pas que je prenne les mesures qui s'imposent, jeune fille, je vous conseille de monter dans votre chambre, de prendre un bain chaud et de donner ces vêtements putrides aux serviteurs. Je suppose qu'ils sont irrécupérables, et qu'il faudra les brûler. Si ce n'est pas malheureux… une si belle étoffe…"
 Sur le pourpoint de la jeune fille, sous la poussière et la boue, pouvait encore vaguement se distinguer un corbeau tissé en traits d'or.
 "Je ne veux pas voir mon père" bouda la jeune fille.  
Sœur Nora haussa un sourcil.
"Oh ? Je croyais que vous brûliez d'envie d'aller confesser quelle Sœur indigne j'étais. Vous allez en avoir l'occasion, mais pour l'heure, dépêchez-vous de m'obéir et de filer vous laver et vous changer ou, le Dieu du Foyer en soit témoin, je mets ma menace à exécution. Si à trois vous n'êtes pas là haut…"
Thullya jeta un regard alentour. La pluie avait fait fuir la plupart des gens de la Grande Cour, là où normalement, un marché bigarré aurait dû se tenir. Mais il y avait toujours les sentinelles, abrités sous des recoins des murs, qui observaient l'altercation avec un amusement non dissimulé. Et il y avait les deux gardes qui, du seuil de l'écurie, discutaient plaisament en agitant parfois la main dans leur direction.
"Vous n'oseriez pas !" gronda la princesse, fixant courageusement la Sœur.
"Un…" commença la vieille dame.
"Je vous ferai fouetter !" hurla la princesse, tapant du pied, éclaboussant les environs.
"Deux…" avertit Sœur Nora, avançant de manière menaçante
"Vous n'avez pas le droit ! Gardes !" appela la jeune fille, reculant d'un pas.
Personne ne vint. A vrai dire, les soldats semblaient soudainement absorbés dans l'observation de leurs pointes de lance et de l'état de décrépitude des murs. Avec cette pluie, réalisa la princesse, ils n'avaient certainement pas entendu ses appels. Ce devait être ca.
"Tr…."
Thullya tourna les talons et courut vers l'escalier de sa chambre. L'eau qui luisait sur ses joues ne venait pas uniquement de la pluie.
 
Quelques instants plus tard, flottant dans un grand baquet d'eau chaude, elle poussa un soupir d'aise. Se frotter derrière les oreilles comme la Sœur le lui disait, ou bien peigner ses cheveux, voilà une corvée bien ennuyeuse. Mais se laisser aller à rêvasser dans la chaleur des nombreuses cheminées de la pièce, voilà qui faisait du bien après une chevauchée aussi épuisante.
Bien entendu, elle n'en avouerait rien à la Sœur. Parfois, il lui semblait que la vieille femme la traitait comme une enfant, malgré ses quinze ans passés. C'en était exaspérant. Frustrée, Thullya agita vaguement les jambes pour contempler les remous qu'elle créait, puis se renfonça dans son bain alors que deux servantes frappaient, puis entraient timidement dans la pièce.
Evidemment. Elle aurait dû s'en douter. Jamais Sœur Nora ne lui ferait confiance sur le chapitre de la propreté. La princesse hésita un instant à renvoyer les deux jeunes femmes, mais cela ne ferait aucun bien si réellement la vieille marâtre leur avaient demandé de s'occuper d'elle. Elle ne voulait pas voir de nouveau ses ordres désobéis. Ces maudits gardes. Elle allait leur montrer !
Toute à ses pensées de vengeance, elle se laissa placidement nettoyer, la boue tombant par plaques de ses bras, de son corps. La peau resurgissait enfin. Oui, elle avait été sale. L'eau du bain tournait lentement au marron alors que les servantes s'activaient.
"Moins fort !" grogna-t-elle tout de même lorsque la brosse glissa fortement sur la pointe d'un sein. Elle avait l'impression qu'on l'étrillait, qu'elle se trouvait à la place de Petits-Pas. Petits-pas… ces incapables n'avaient certainement pas terminé de le nettoyer ! La jument allait être dégoûtante demain !
"…chance, princesse" gloussait une des servantes. Thullya reporta son attention sur elle. Qu'avait-elle dit ?
"On raconte qu'il est aussi beau qu'il est fort" confirma la seconde avec un hochement de tête. "Et ces barbares sont montés comme des…"
La phrase se termina en rires. Thullya fronça les sourcils.
"De quoi parlez-vous ?"
"Pincez le nez, princesse"
Elle eut à peine le temps d'obéir, soudain inquiète, quand une main douce mais ferme se posa sur sa nuque et lui enfonça la tête sous l'eau. Elle ressurgit comme un de ces bouchons de liège que l'alchimiste lui avaient montré il y avait peu. Elle toussa et suffoqua. L'eau sale lui piquait les yeux.
"Ca ne va pas marcher" protesta la seconde servante. "L'eau est trop sale. Il va falloir la changer." Elle porta la main à sa bouche. "Je ne voulais pas dire… princesse…"
"C'est bon, c'est bon. Changez l'eau" admit Thullya de mauvaise grâce. "Que disiez-vous tout à l'heure ? Sur les barbares ?'
L'une des filles s'éclipsa un instant, pour revenir courbée sous le poids de deux lourds seaux d'eau fumante. L'autre s'était emparée des longs cheveux de la princesse et les démêlait d'un air narvé, tout en marmonnant pour elle-même.
"Si ce n'est pas malheureux… des si beaux cheveux… comment faire pour les laver en si peu de temps…"
La bonde fut enlevée, laissant l'eau sale s'écouler dans les rainures des pierres en direction du trou qui conduisait aux douves. La princesse frissonna dans le baquet vide. Il faisait décidément très froid ici. Bientôt, l'eau propre et chaude coula sur elle avec un hhssssssss de satisfaction, et elle put cesser de grelotter pour s'intéresser de nouveau à la conversation.
"Que disiez-vous sur les barbares ?" insista-t-elle.
Les deux filles se regardèrent.
"Qu'ils sont mont…"
"Non, avant" coupa impatiemment la princesse. "Que disiez-vous avant"
De nouveau, la danse de la brosse sur sa peau. Décidément, l'eau se noircissait rapidement.
"Nous parlions de la chance que vous aviez, princesse" commença l'une, radieuse.
"Le Prince Darnael est réputé très beau, et un excellent guerrier qui plus est."
"Un galant homme"
"Meme si c'est un barbare"
"Un homme fort !"
"On raconte qu'il peut tuer des ours à mains nues !"
"Un véritable héros des légendes !"
Thully avait du perdre le fil quelque part. Avoir sa tête régulièrement plongée dans l'eau ne facilitait pas la compréhension.
"Pourquoi dites-vous que j'ai de la chance ? De quoi parlez-vous ? Qui est ce prince que vous…" Sa tête repartit sous l'eau dans un grand nuage de bulles, puis ressurgit "…que vous vantez ainsi ?"
L'inquiétude monta en elle alors qu'elle observait les regards chargés d'incompréhension qui se posaient sur elle. L'une des deux, la plus jeune, qui ne devait pas avoir plus de seize ans, finit par dire, hésitant:
"Eh bien, princesse, votre fiancé ! Votre père ne vous a pas encore mis au courant ? Le brave et courageux Darnael de la Maison du Nord. C'est tellement romantique"
Pour la première fois de sa vie, Thullya se retrouva à manquer de mots. Sa bouche s'ouvrit et se ferma comme un poisson hors de l'eau, tandis que le rouge lui montait lentement aux joues, tant de colère que d'embarassement. Non, tout simplement de colère.
"Quoi ?" finit-elle par coasser.
"Oh, vous n'étiez pas au courant" gémit la servante.
"Oubliez ce que nous avons dit" fit l'autre
"Ne bougez plus, laissez-nous vous laver derrière les oreilles"
Il était bien question de se laver derrière les oreilles. Thullya, continuant à chercher quoi dire, finit par pousser un hurlement de rage libératoire. Toujours hurlant, elle écarta les servantes et se dressa dans son bain, puis sortit du baquet.
"Je veux voir père !" rugit-elle
"Princesse ! Votre bain !" se désola la jeune servante.
"Les couleurs emportent mon bain ! Où sont mes vêtements ?"
 
Ce fut une princesse furieuse qui fit irruption dans la grande salle ducale. Si ses habits étaient propres, on ne pouvait en dire autant du reste de son individu. Ses cheveux, en particulier, flottaient en masse informe derrière elle, à peine séchés, non coiffés, paquet d'algue accroché sur son crâne.
"Père !" gronda-t-elle en rentrant.
Puis elle se tut et rougit, car même au plus haut de son arrogance, elle savait qu'un Conseil ne devait pas être dérangé.
A son arrivée, une dizaine de têtes se tournèrent vers elle du même mouvement. Ils étaient tous là, les conseillers de son père. Même le vieux Brasson qu'elle n'avait pas vu depuis des années, immobilisé qu'il était par un accès de goutte, lui qui avait autrefois été un des plus grands maîtres d'armes du duché. Il y avait aussi le sénéchal, et l'intendant, et le Maître des Armées, et le Chef de la Garde, et d'autres visages qu'elle ne pouvait identifier, même s'ils lui semblaient familier.
Simon, duc des marches du nord et pair de l'empire, fut le dernier à se tourner vers elle.  
C'était un homme de haute taille, dans la fleur de l'âge. Il portait actuellement le manteau pourpre de sa fonction, tenu par une agrafe d'or représentant un corbeau aux ailes déployées. Thullya l'avait entendu dire à maintes reprises que ce faste l'ennuyait, et il tâchait de se montrer avec le moins possible. En vérité, il ne portait sa cape que lors des réunions importantes et des festivités. Et les festivités, au château, étaient rares ces derniers mois, avec l'hiver qui n'en finissait pas.
"Thullya ! Où sont tes manières, petite princesse ?"
Petite princesse. C'était ainsi qu'il l'appelait lorsqu'ils étaient seuls. Mais jamais, au grand jamais, il ne dirait ces mots devant ses conseillers. Que se passait-il donc ?
"Père…" commença-t-elle;
Père soupira.
"Prends un siège, ma fille. Nous avons à discuter." Il fronça les sourcils alors qu'elle avançait, hésitante, consciente des nombreux regards posés sur elle. "Par les Abysses gelés, je croyais avoir demandé à Sœur Nora de s'occuper de toi ! Serait-ce un effort trop grand que de te coiffer de temps en temps ?" Il soupira de nouveau.
Quelque chose devait réellement le tracasser. Le duc jurait rarement, et ne réprimandait pas sa fille en public. Lorsque le maître d'armes lui avança un siège, elle s'assit avec soulagement. Ses jambes étaient molles, tout d'un coup.
Elle regarda rapidement tous les conseillers. Tous la saluèrent civilement, en accordance avec l'étiquette. Tous semblaient attendre quelque chose.
"Messieurs, veuillez avoir l'obligeance de me laisser un instant avec ma fille" ordonna le duc, débouclant sa cape comme si elle lui pesait. "Je vous rappellerai tantôt"
Les conseillers se regardèrent, puis se levèrent un à un. Le bruit de leurs bottes sur le carrelage s'affaiblit progressivement, jusqu'à ce que la lourde porte de chêne se referme sur eux.  Un seul homme resta, confortablement installé dans son fauteuil, auprès du duc. Un lourd manteau de brocard de couleur flamme le couvrait de la tête aux pieds; le capuchon était rabattu sur sa tête, comme toujours. Thullya en était reconnaissante. Les servantes dans le château murmuraient que son visage était ravagé, que ce n'était plus qu'une caricature boursouflée, emmaillotée jour et nuit dans des bandages imprégnés d'une décoction d'herbe-de-paix pour calmer la souffrance.
 Temao donnait des cauchemars à la princesse, et il était le sorcier personnel de son père.
 "Laisse-nous, toi aussi" fit le duc en agitant vaguement la main. "Je dois m'entretenir avec ma fille en privé"
 L'homme se pencha en avant, deux yeux incandescents brillant sous son capuchon.
 "Messire, mes conseils…"
 "…ne me seront d'aucune utilité pour l'heure. Va."
 Le mage s'inclina, puis marcha avec raideur jusqu'à la sortie. Thullya ne se rendit compte qu'elle retenait sa respiration que lorsque la porte se ferma derrière lui.
 "Il me fait peur" avoua-t-elle dans un souffle.
 Son père eut un petit rire.
 "Ne te fie pas à  tes yeux. Il manque certainement de prestance, mais c'est un des meilleurs conseillers que je puisse avoir. Et ses pouvoirs me seront certainement utiles en cas de guerre" Il redevint sérieux. "Même si nous n'en sommes pas encore là, les Couleurs en soient loués."
 Thullya resta silencieuse, agitant ses pieds dans le vide. Les fauteuils étaient taillés pour des adultes, et elle n'avait jamais été très grande. Son père ne l'avait certainement pas convoquée pour parler de magie. Soudain, les discussions des servantes, chassées de son esprit par la peur que lui inspirait Temao, revinrent au premier plan.
 "Je ne veux pas me marier" fit-elle, catégorique.
 A peine avait-elle dit ces mots qu'elle les regretta. Peut-être la rumeur était-elle fausse, peut-être tout ceci n'était-il que ragots de domestique. Combien ridicule elle serait, alors ! Mais le regard perçant que lui lança son père confirma ses craintes.
 "Tu es au courant" constata-t-il.
 Tout se mit à tourner autour d'elle. Elle serra fermement ses petits poings, grinçant des dents pour garder le contrôle d'elle-même. Il avait confirmé ! Il venait de confirmer !
Lentement, le monde se stabilisa.
 "Alors… c'est vrai ?" murmura-t-elle, désemparée.
 "Que sais-tu de tout cela ?" demanda le duc, doucement. Il la regardait avec une tendresse qu'il lui avait rarement montrée ces dernières années, alors qu'il était trop occupé à être pair de l'empire pour se mêler d'être père de sa fille.
 Thullya renifla. Elle ne pleurait pas, mais renifler lui faisait du bien.
 "Rien" avoua-t-elle finalement. "Des discussions de servantes."
 "Les murs ont des oreilles, dirait-on" soupira son père. "Particulièrement ici, où les nuits sont venteuses." Il fit une pause. "Et ces servantes t'ont-elle dit à qui je te destinais ?"
 Malgré tous ses efforts, les yeux de Thullya s'embuèrent de larmes. Elle se mordit la lèvre jusqu'au sang pour rester calme, mais la douleur ne contribua qu'à la faire pleurer davantage. Le duc la dévisagea, incrédule.
 "Eh bien ?" finit-il par demander. "Que se passe-t-il, que tu pleures ainsi ? Cela fait longtemps que je ne t'ai pas vue dans cet état"
 "Cela fait longtemps que tu ne m'as pas vue du tout" murmura-t-elle, amère.
 "Les affaires du duché…" commença-t-il.
 "Avec qui dois-je me marier ?"  
 Les sanglots s'étaient arrêtés aussi rapidement qu'ils avaient commencé. Le duc la regarda reprendre contenance et s'essuyer les yeux. Il se leva, lui tournant le dos.
 "J'ose espérer que tu seras contente de mon choix. L'homme que tu vas épouser est réputé vaillant et courageux. Il est courtisé par de nombreuses femmes, mais c'est ta main qu'il désire."
 "C'est un sauvage, un barbare, un nordique sans éducation !" cracha Thullya. Elle s'était rendue compte à un âge très tendre qu'il était bien plus agréable d'être en colère que d'être malheureuse.
 Son père se tourna enfin vers elle, haussant un sourcil.
 "Pardon ?"
 "Tu veux me marier à Darnael !" asséna-t-elle, furieuse. Ses cheveux épars tombaient en masse devant ses yeux alors qu'elle secouait la tête. Elle les écarta d'un geste rageur.
 Le duc ne s'alarma pas outre mesure. Il n'était pas homme à perdre son calme. A dire vrai, elle ne l'avait jamais vu en colère, ni hausser la voix, de sa vie.
 "Ce ne sont plus les murs qui ont des oreilles" finit-il par soupirer, "c'est de la véritable sorcellerie. Je m'émerveillerais donc toujours de l'habileté des servantes à discuter sur le moindre commencement de lambeau de rumeur grapillée au détour d'un couloir." Il leva les yeux pour affronter le regard de sa fille. "Eh bien oui, c'est lui. On le dit  bien fait de sa personne, et robuste. Je ne pense pas que tu protesteras contre mon choix."
 "Mais je ne veux pas me marier !" protesta Thullya. "Ni avec lui, ni avec qui que ce soit !"
 "Tu as quinze ans, bientôt seize" objecta le duc. "J'ai reçu de nombreuses propositions te concernant. Ta sœur s'est mariée à quatorze ans, et n'en est pas plus malheureuse."
 C'en était trop.
 "Ma sœur, ma sœur, toujours ma sœur ! Je ne suis pas elle, et elle n'est pas moi ! Je ne veux pas me marier !"
 "Je crains fort que tu n'aies pas le choix. J'ai déjà donné mon accord pour votre union. Le Prince de la Maison du Nord est en chemin actuellement."
 Thullya retomba, comme foudroyée.
 "Alors mon opinion ne compte pas" murmura-t-elle, rêveuse.
 "J'ai bien peur que non. Mais, encore une fois, j'ai choisi le meilleur parti pour toi. Sais-tu que le vieux Senechal, au Palais de l'Empereur, m'a demandé ta main également ?"
 "Le Sénéchal ?"
 Thullya gardait à l'esprit l'image d'un homme capable d'être son grand père, ou son arrière grand père, avec des vieilles mains parcheminées, qui l'avait faite sauter sur ses genoux quand elle était allée à la cour, enfant. Elle eut une grimace de dégoût.
 "Tu vois" sourit le duc. "Je pensais bien que tu n'apprécierais pas. Et pourtant, sa richesse est immense, probablement une des premières de l'Empire."
 "Il est vieux et il est laid !" protesta la princesse.
 "Justement. J'ai cherché à te trouver un mari aussi jeune que toi, et avec une flatteuse réputation. A vrai dire, je suis presque étonné qu'il ait accepté. Les rumeurs qui flottent sur toi, jeune fille, ne sont pas aussi bonnes."
 "Les rumeurs ?"
 Son père avançait maintenant sur elle, index brandi comme une épée.
 "On raconte que tu passes tes journées à cheval. Que tu ne te laves que lorsque tu en es obligée, que tu tires une grande fierté de l'emmêlage de tes cheveux. On dit que tu fuis systématiquement tes précepteurs, et que tu mènes la vie dure à ta gouvernante, la pauvre Sœur Nora. On chuchote que tu ne sais ni lire ni écrire, et que tu préfères la compagnie des bêtes à celle des humains. Dis-moi un peu quel prince voudrait d'une princesse comme toi ?"
 Chacun de ses mots était comme un coup de couteau, d'autant plus qu'il enfonçait doucement son doigt dans ses côtes à chaque mot. Elle grogna, cherchant à s'écarter.
 "Ce n'est pas vrai !" protesta-t-elle. "Qui ose dire ça ?"
 Son père ouvrit les bras, l'air étonné.
 "Eh bien, les gens. Les serviteurs, les soldats, les servantes !"
 "Et tu ne les punis pas ?"
 Le duc eut un  petit rire.
 "Eh, en voilà une belle justice, bastonner les gens pour avoir dit la vérité"
 Les joues de la princesse s'empourprèrent d'indignation.
 "Ce n'est pas…"
 "Ce n'est pas vrai ?" coupa son père, toujours souriant.
 Thullya baissa les yeux, rouge de colère. Oui, elle aimait se promener dans la forêt, et galoper, galoper, galoper ! Bien sûr, elle préférait l'amitié de sa jument Petits-Pas à celle des garçons d'écurie, mais ils étaient si bêtes aussi. Et qui voudrait s'enfermer dans une salle sombre et humide pour s'éreinter les yeux à apprendre la lecture, alors que les livres étaient tellement ennuyeux ! La vraie vie, elle était là, dehors, dans les champs et les bois et les prés. On lui disait que ces livres contenaient le savoir, et que certains autres racontaient des histoires fantastiques de chevaliers et de princesses, de rois et de monstres. Mais, pour elle, tout cela n'était que de l'encre à peine sèche, à l'odeur nauséabonde, qui lui donnait mal à la tête.
 "Mais je ne veux pas me marier…" murmura-t-elle de nouveau, le désespoir s'emparant d'elle.
 Se marier, renoncer à cette liberté, à ces chevauchées… A ce château, certainement, à son enfance… partir dans un endroit qu'elle ne connaissait pas… dans le nord, en plus ! Au beau milieu du froid et de la neige !
 "La question n'est pas de savoir si tu veux te marier, mais si le prince voudra de toi une fois qu'il t'aura vue" considéra son père, l'air critique.
 "Comment ça ?"
 "Eh bien, il ne faut pas oublier que c'est un garçon très admiré, à qui de nombreuses filles font les yeux doux. Peut-être ne verra-t-il rien d'intéressant en toi"
 Thullya ne pouvait pas croire à la cruauté de son père.
 "Je vaux n'importe laquelle de ces truies nordiques, et plus encore !" hurla-t-elle, furieuse.
 "Je ne pense pas que c'est ce qu'il dira. A mon avis, il froncera le nez devant l'odeur d'écurie que tu sens maintenant encore, alors que j'avais demandé à ta gouvernante de te laver."
 Les larmes coulèrent de nouveau sur les joues de la jeune fille, larmes de colère et de frustration, remplaçant celles qu'elle avait versé par désespoir. Les dernières étaient plus salées sous la langue.
 " Ce n'est pas vrai ! D'abord, je suis sûr que ses catins du nord sentent la graisse de mammouth et la viande avariée… Et puis je peux me laver, et… et elles n'ont pas mes cheveux !"
 De fait, cela faisait depuis l'âge de trois ans qu'on lui répétait combien magnifique était sa chevelure, et quelle chance elle pouvait avoir. Qu'elle devrait les chérir comme un trésor, et qu'elle serait certainement d'une rare beauté plus tard. On le lui avait dit ! On le lui avait promis !
 Mais son père ne cilla même pas.
 "Tes cheveux ? Tu veux parler de cet amas d'algues trempées que tu as sur la tête ? Ils ont certainement été beaux un jour, mais ils ne valent plus rien dans l'état où tu les a mis. N'importe laquelle de ces "catins", comme tu les appelle, a certainement des cheveux plus luisants et mieux peignés"
 "Ce n'est pas vrai !" répéta Thullya, incrédule. Comment son père pouvait-il se montrer aussi cruel. "Quelques coups de brosse, et mes cheveux seront bien plus brillants et beaux que les leurs ! Ton prince ne pourra pas détacher ses regards de moi ! Il oubliera bien vite ces videuses de poisson du nord !"  
 "Bien sûr, bien sûr" soupira son père. "En attendant, Darnael – prince Darnael, devrais-je dire – arrivera ici dans quatre jours. Je doute que tu sois capable d'être présentable d'ici là."
 "Ca ne me prendra pas plus d'une journée !" défia Thullya, refoulant ses larmes. "Je vais te montrer ! Je vais lui montrer !"
 "Je n'en crois rien, mais rien ne t'empêche d'essayer" admit le duc, haussant les épaules.
 La jeune fille lui lança un regard furieux, puis se leva et s'enfuit de la pièce. Elle allait lui montrer ! Elle allait lui prouver !
 Ce ne fut qu'arrivée dans ses appartements qu'elle se prit à se demander si elle n'avait pas été quelque peu manipulée.
 Mais cette pensée dérangeante ne l'empêcha pas de houspiller ses servantes et de leur ordonner de lui trouver une brosse à cheveux.
 
 
 


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Ma chaîne YouTube d'écrivain qui déchire son père en pointillés - Ma page d'écrivain qui déchire sa mère en diagonale
n°3637229
foularou
Posté le 02-09-2004 à 15:21:02  profilanswer
 

Nouvelle apparition :)  
J'avoue que cela m'a un peu surpris, je ne m'y attendait pas du tout.
En plus pour le moment j'avoue ne pas voir de lien entre les chapitres précédents. L'espace d'un instant me suis demandé si c'etait l'introduction d'un nouveau roman. Néanmoins je te fait confiance pour retomber sur tes pattes.


Message édité par foularou le 02-09-2004 à 16:04:18
n°3637576
yulara
Byte Hunter
Posté le 02-09-2004 à 15:50:08  profilanswer
 

heu... ben... pareil que Foularou... c'est confusant mais je sens que je vais bien l'aimer cette Thullya :p


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Quizz'n'Blind pour tester vos connaissances
n°3637791
foularou
Posté le 02-09-2004 à 16:07:45  profilanswer
 

En fait moi ce qui me choque le plus c'est qu'elle n'apparait qu'au 15éme chapitre, peut etre aurait il fallu en parler plus tôt parce que la le lecteur est désarconner

n°3637858
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 02-09-2004 à 16:12:12  profilanswer
 
n°3637897
Tigerlily
Posté le 02-09-2004 à 16:14:40  profilanswer
 

Ben oui, pas besoin de donner le CV de chaque personnage dans le chapitre 1!
J'aime bien découvrir de nouveaux persos en plein milieu du récit. Ca relance la curiosité, ça donne du rythme.

n°3638039
foularou
Posté le 02-09-2004 à 16:26:02  profilanswer
 

Je n'ai rien contre le fait que de nouveaux personnages apparaissent en milieu de récit bien au contraire sinon ce serait ennuyant. ce qui me "choque" (c'est un peu fort j'avoue) C'est qu'on arrive la comme un cheveux sur la soupe, on ne s'y attend pas personne n'a fait une allusion a cette Thullya dans les chapitres précedents, elle est la et c'est tout.  
C'est ce qui me pose problème. Comme le but de ce topic c'est de critiquer (positivement ou négativement) je me permet de faire part de mon avis. Néanmoins, j'ai apprécié ce chapitre, et j'attend la suite avec hâte.

n°3638283
yulara
Byte Hunter
Posté le 02-09-2004 à 16:49:08  profilanswer
 

je rejoins Foularou. je trouve que ça fait tres "premier chapitre" et c'est surprenant de le voir en quinzieme position. et ce qui me "choque", c'est que l'on ne peut faire absolument aucun lien avec les chapitres précédents: que des nouveaux personnages, des lieux nouveaux, etc... mais bon j'ai p'te raté quelquechose :p  
enfin je sais pas, en le lisant, je me demandais si j'étais bien en train de lire la suite de l'histoire, surtout que jusqu'à present les nouveaux persos (que ce soit Ker ou l'acolyte de Barel) étaient introduits dans l'histoire [:yulara]


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Quizz'n'Blind pour tester vos connaissances
n°3638440
deidril
French Geek Society Member
Posté le 02-09-2004 à 17:02:36  profilanswer
 

Personnellement cela ne me choque pas vraiment. Peut être que si le livre était découpé et construit en parties, dont une s'appellait Tullya, cela vous choquerait moins. ( L'importance de Tullya n'est que pure spéculation de ma part )
 
C'est très difficile de présenter ici un livre directement bien construit quand on écrit les chapitres comme un feuilleton et qu'on les livre après. Je crois qu'il ne faut pas être regardant quand à l'enchainement des chapitres.
 

n°3638491
foularou
Posté le 02-09-2004 à 17:06:39  profilanswer
 

deidril a écrit :

Personnellement cela ne me choque pas vraiment. Peut être que si le livre était découpé et construit en parties, dont une s'appellait Tullya, cela vous choquerait moins. ( L'importance de Tullya n'est que pure spéculation de ma part )
 
C'est très difficile de présenter ici un livre directement bien construit quand on écrit les chapitres comme un feuilleton et qu'on les livre après. Je crois qu'il ne faut pas être regardant quand à l'enchainement des chapitres.


 
 
Je pense qu'avec Yulara nous ne critiquons pas on a juste exprimer ce que l'on a ressenti au moment de notre lecture. Personnellement je ne me permettrais pas de critiquer loin de la puisque les écrits de Grenouille Bleue ainsi que les tiens me permettent de m'evader l'espace d'un instant de mon travail. D'ailleur au sujet de tes ecrits, LA SUITE :p

n°3638543
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 02-09-2004 à 17:10:16  profilanswer
 

L'objectif avoué est justement de faire une cassure brutale, pour amener le lecteur à se demander "erf, qu'est-ce qu'elle vient foutre là celle-ci ?"
 
C'est ce que j'appelle, en référence à la Cité de la Peur, un VeraCruz.
 
Après, toutes les suppositions sont ouvertes pour savoir en quoi ces personnages peuvent avoir un rôle à jouer dans l'histoire future :D
 
Mwhaahahahaha <--- rire maléfique


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Ma chaîne YouTube d'écrivain qui déchire son père en pointillés - Ma page d'écrivain qui déchire sa mère en diagonale
n°3638614
deidril
French Geek Society Member
Posté le 02-09-2004 à 17:17:22  profilanswer
 

Grenouille Bleue a écrit :


C'est ce que j'appelle, en référence à la Cité de la Peur, un VeraCruz.


 
Effectivement, comme ca on comprend mieux.  
 
Pendant ce temps, dans une galaxie très très lointaine...
"Luke tu me passe le sel ?"

n°3640202
Xzero
Croaaaaaaaaa ?
Posté le 02-09-2004 à 19:33:11  profilanswer
 

.


Message édité par Xzero le 17-02-2011 à 16:22:23

---------------
Proverbe du corbac : Vu d'en haut ça donne pas envie.
n°3640467
Xzero
Croaaaaaaaaa ?
Posté le 02-09-2004 à 20:05:29  profilanswer
 

.


Message édité par Xzero le 17-02-2011 à 16:22:25

---------------
Proverbe du corbac : Vu d'en haut ça donne pas envie.
n°3640477
Xzero
Croaaaaaaaaa ?
Posté le 02-09-2004 à 20:07:24  profilanswer
 

.


Message édité par Xzero le 17-02-2011 à 16:22:26

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Proverbe du corbac : Vu d'en haut ça donne pas envie.
n°3645070
yulara
Byte Hunter
Posté le 03-09-2004 à 09:59:26  profilanswer
 

Grenouille Bleue a écrit :

L'objectif avoué est justement de faire une cassure brutale, pour amener le lecteur à se demander "erf, qu'est-ce qu'elle vient foutre là celle-ci ?"


ah bah si c'est ce que tu voulais faire, à priori c'est réussi :lol:


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Quizz'n'Blind pour tester vos connaissances
n°3692060
foularou
Posté le 08-09-2004 à 11:21:22  profilanswer
 

UP du mercredi :p
 
La suite Bactracien azuré

n°3757632
kat'tre
Posté le 15-09-2004 à 18:50:40  profilanswer
 

heu c'est pas toi qui disait vouloir t'en tenir a un chapitre par jout? serais tu un comique????


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si tu es feignant et que l'envie soudaine te prend de travailler, assied toi et attend que ça passe!!!
n°3794549
Grenouille​ Bleue
Batracien Azuré
Posté le 21-09-2004 à 10:45:51  profilanswer
 

kat'tre a écrit :

heu c'est pas toi qui disait vouloir t'en tenir a un chapitre par jout? serais tu un comique????


 
Les circonstances ont quelque peu changé - j'en suis désolé.

mood
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