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Jeudi 31 mai, la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a présenté aux représentants du personnel les pistes de réflexion envisagées par le gouvernement (et toujours floues) pour développer le recours aux contrats dans le secteur public. Passage en revue.
Existe-t-il des emplois ou missions pour lesquels le recours au contrat “pourrait/devrait être exclu” ? Inversement existe-t-il des emplois ou missions pour lesquels le recours “pourrait/devrait être privilégié” ? Pour quels emplois ou missions, enfin, le recrutement “pourrait être ouvert de manière indifférenciée à l’emploi titulaire ou au contrat” ? Autant de questions sur lesquelles les représentants du personnel se sont penchés, jeudi 31 mai, lors du premier groupe de travail consacré au développement du recours aux contractuels dans le secteur public.
Un chantier sensible prévu dans le cadre de la concertation lancée par l’exécutif en vue de réformer le cadre statutaire des agents publics. En 2015, plus d’un agent sur 5 travaillant tout ou partie de l’année dans les trois fonctions publiques était contractuel, soit au total 1 280 925 agents.
Comme le prouvent des documents présentés à cette occasion aux syndicats, et qu’Acteurs publics a pu consulter, la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a ainsi présenté les pistes de réflexion envisagées par l’exécutif pour “ouvrir davantage l’emploi public aux agents contractuels”. L’occasion pour cette direction de préciser que si la Constitution consacre un égal accès aux emplois publics, “elle ne fait pas obstacle à une extension de la place du contrat dans la fonction publique”.
“Contrairement à d’autres États membres de l’Union européenne, le bloc de constitutionnalité ne définit pas des domaines qui relèveraient nécessairement et obligatoirement de la voie statutaire”, ajoute dans son document la DGAFP, qui précise que “l’articulation du contrat et du statut relève du législateur”.
Privilège au contrat pour certaines filières
Jusqu’où le gouvernement compte-t-il donc aller dans l‘ouverture aux contractuels ? Les pistes de réflexion avancées en réunion restent encore floues. Néanmoins, à la lecture du document remis aux syndicats, la DGAFP pose assez clairement la question du maintien du recrutement sous statut pour certains métiers. Au sujet des catégories de métiers ou emplois pour lesquels le recours au contrat “pourrait/devrait être privilégié”, la DGAFP cite ainsi les exemples de la filière numérique, des métiers de la communication ou encore de l’immobilier.
Quant aux métiers dont le recrutement “pourrait/devrait” exclusivement se faire sous statut, la DGAFP liste notamment les emplois “nécessairement réservés à des agents placés dans une position statutaire en application des dispositions, principes et valeurs constitutionnels”. C’est le cas notamment des magistrats (judiciaires, administratifs, financiers), ainsi que des fonctionnaires des assemblées parlementaires. Hormis pour des cas particuliers (personnels militaires, administration pénitentiaire), la question de l’adaptation ou non du critère relatif aux fonctions “traditionnellement qualifiées de régaliennes ou qui participent, à titre principal, à l’élaboration d’actes juridiques, au contrôle de leur application, à la sanction de leur violation” est posée par la DGAFP.
Enfin, pour les emplois ou missions où le recrutement “pourrait être ouvert de manière indifférenciée à l’emploi titulaire ou au contrat”, il “existe de nombreux emplois de même nature et reposant sur des compétences analogues dans les secteurs public et privé”, explique la DGAFP, qui cite les exemples des filières administratives et techniques.
“Objectifs contradictoires”
Sans surprise, ni ces propositions ni même la philosophie de la réforme envisagée par l’exécutif ne satisfont les représentants du personnel. “Les textes permettent déjà de recruter des contractuels, estime ainsi Luc Farré, de l’Unsa Fonction publique. Nous sommes prêts à discuter, mais nous ne voulons pas que le recrutement par contrat devienne la norme bien au contraire, il faut améliorer la vie des agents contractuels.” Un constat partagé par Pascal Kessler, de la Fédération autonome de la fonction publique (FA-FP), qui regrette le flou persistant autour des propositions du gouvernement : “On tourne en rond, estime-t-il. Mais dans tous les cas, il est hors de question que le gouvernement vide le statut de sa substance.” “L’exécutif ne se dévoile pas, comme s’il entendait calmer un peu le jeu avec les représentants du personnel, ajoute Marie-Christine Haon, de la CFE-CGC. Malgré tout, ses objectifs restent contradictoires : comment peut-on en effet vouloir mieux assurer la réactivité et la capacité d’adaptation des services en recourant massivement aux contractuels tout en souhaitant mieux prévenir et lutter contre la précarité dans la fonction publique ?” “Augmenter considérablement le nombre d'agents non titulaires pour répondre aux évolutions des services publics, c'est considérer que les fonctionnaires ne sont pas capables d'adaptation”, a de son côté estimé Solidaires lors de sa déclaration liminaire.
Si elle ne “souhaite pas que soient remis en cause les grands équilibres existants entre emploi statutaire et emploi contractuel, issus de la mise en œuvre des accords Sauvadet”, la CFDT se dit “aussi prête à défendre un accès moins discriminant à la fonction publique […] cela peut passer dans certains cas par le recours au contrat”. Pour certains, le contrat “c’est le seul moyen d’accéder à un emploi public […] c’est dans ce cadre de lutte contre les discriminations de tous ordres qui entravent l’accès à l’emploi que la CFDT est prête à s’inscrire”, ajoute l’organisation syndicale.
Prochaine étape de la concertation au sujet des contractuels : le 13 juin, avec une réunion consacrée cette fois-ci aux “nouvelles” formes de contrat, aux conditions d’emploi et aux perspectives d’évolution professionnelle des agents contractuels. Dans une interview qu’il avait accordée à Acteurs publics le 13 avril 2017, quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron avait déjà précisé ses intentions à ce propos. “Aujourd’hui, le contrat de droit public et le contrat de droit privé diffère. Vaste et (polémique) programme en perspective.
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