Un article très intéressant , source : efinancialcareers.fr
« Les banquiers en M&A ne méritent pas leur salaire ! »
10 May 2007
William D. Cohan*, ancien managing director chez JPMorgan Chase & Co, aujourdhui chez Lazard Frères, explique pourquoi les professionnels des fusions-acquisitions ne méritent pas de sasseoir sur leur montagne de dollars
Fin mars 2007, linfo tombe : le volume global des opérations de M&A annoncées sur les trois premiers mois de lannée a atteint 1,1 trillion de dollars, un record pour un premier trimestre. Les banquiers daffaires qui ont travaillé sur ces opérations sont aux anges. Ils vont, avec leur établissement, ramasser et se partager quelques 5 milliards de dollars de commissions.
Mais alors que ces derniers sapprêtent, une fois de plus, à essayer leur nouvelle Ferrari 612 Scagliettis ou encore Bentley Continental GTs, il est plus opportun que jamais de se demander pourquoi ces professionnels sont-ils aussi bien payés ? Que peuvent-ils donc bien faire qui justifie des salaires de plusieurs millions de dollars ?
Pas de sueur mais beaucoup dargent
A la différence des investisseurs, des entrepreneurs et autres nababs du capital investissement et des fonds spéculatifs, les banquiers daffaires ne prennent aucun risque financier zéro ! en échange de leur rémunération excessive.
Pour ceux qui lignorent, les banquiers en M&A fournissent des conseils spécialisés à leurs clients sur les fusions, les acquisitions et les désinvestissements. Ces missions peuvent être conclues avec succès en lespace dune semaine pour une fusion de deux sociétés cotées. Plus souvent, ces opérations prennent des mois, voire des années, avant daboutir.
Il existe une autre catégorie de banquiers daffaires - le banquier « coverage » - qui possède des compétences moins pointues que les banquiers en M&A. Il est en charge des « relations globales » avec le client et, dans ce cadre, responsable de la « mobilisation des ressources de la banque » et de tous ses produits (dette et souscription dactions, recherche, gestion de fortune, clearing). Le banquier « coverage » a également la lourde tâche daccompagner ses clients au Super Bowl, Final Four et autres Masters, ses commissions nétant perçues quune fois lopération terminée. Des tâches pas toujours épanouissantes
Il est vrai que pour ces professionnels, les heures sont longues, les voyages éprouvants et ingrats, sans parler de la promotion interne qui est darwinienne et souvent insignifiante. Le vieil adage qui circule selon lequel « Vous ne connaîtrez pas vos enfants, mais vous connaîtrez très bien vos petits-enfants » est malheureusement proche de la réalité.
Les rémunérations excessives finissent toutefois par gommer tous ces désagréments : les managing directors des meilleures banques de Wall Street touchent chaque année plusieurs millions de dollars, les meilleurs dentre eux pouvant facilement dépasser la barre des 10 millions, surtout lorsque les marchés sont porteurs. En guise de comparaison, les avocats de Wall Street sont payés 750 dollars de lheure.
Nen déplaise à Adam Smith
Une chose est sûre : ces énormes commissions ne sont pas basées sur les règles de libre concurrence, pas plus que le prix du litre dessence ne repose sur la loi de loffre et de la demande.
Tout comme lOPEP, les prix des services en M&A sont fixés par un cartel regroupant les quinze premières banques de Wall Street, les mêmes dune année sur lautre. Celles-ci utilisent une « grille uniforme dhonoraires », où chaque commission équivaut à un pourcentage qui fluctue en fonction de la taille de lopération : plus celle-ci est importante, plus le pourcentage est faible. Pour les augmentations de capital, la fixation du montant des commissions est encore plus rigide : 7% pour une introduction en Bourse et 3% pour une émission dobligations à haut rendement. Si les pourcentages sont faibles, les montants réels des commissions sont énormes.
Contrairement à lOPEP, les banques de Wall Street ne se réunissent pas formellement pour sentendre sur les prix. Elles sont bien trop rusées pour commettre un délit aussi flagrant. Par contre, il existe une forme plus subtile de connivence, pointés du doigt par leurs concurrents. Cest un secret de polichinelle : pour les plus grandes banques, le mot dordre est de ne pas faire de vagues. Exit, par exemple, les réductions de prix. Bien que cela se produise de temps en temps...
Néanmoins, il faut être deux pour danser le tango : les dirigeants dentreprises sont les premiers à accepter de payer des commissions astronomiques aux banquiers daffaires. En partie à cause du cartel mais également parce que les présidents de conseil dadministration considèrent que les conseils quils obtiennent des banquiers sont pour eux la meilleure assurance, au cas où les choses tourneraient mal. Les commissions versées sapparentent donc à une prime dassurance.
Lheure du changement est arrivée
Les banquiers daffaires enclins à plus de modération pourraient tenter de mettre un peu dordre dans la tarification. Mais il faut regarder choses en face : les banques de Wall Street nont jamais été très douées pour se remettre en cause.
En conséquence, le temps est venu pour les dirigeants dentreprise, de conseil dadministration et autres actionnaires de démanteler le cartel des commissions des banquiers daffaires. Darrêter de dépenser des millions pour des services qui valent bien moins. Et cela nest pas utopique : il suffit de constater combien les commissions bancaires peuvent chuter quand les banques de Wall Street doivent elles-mêmes mettre la main au portefeuille. Prenez donc modèle sur Lazard qui, pour sa propre introduction en Bourse en mai 2005, a payé des commissions bien en dessous du marché : 5% au lieu de 7%, ce qui lui a permis déconomiser quelques 17 millions de dollars. Autre exemple : les commissions que Blackstone sapprête à payer aux banques de Wall Street pour son introduction en Bourse anticipée sont si faibles quun banquier impliqué dans lopération nhésite pas à parler de « charité ». Tout ce dont il faut, cest donc un peu de courage
Message édité par dkgb le 10-05-2007 à 18:45:55