hop 3eme et 4eme jours pour le 1er et 2eme jour c'est là
26/7/10 Sacy Le Petit / Le Hamel 92km
Après une assez bonne nuit, juste rythmée par le bruit des bestioles gambadants dans les sous bois, je me lève très tôt. Personne n’est passé sur le petit chemin bordant ma minuscule clairière. Je prends mon petit déjeuner et prépare mon paquetage. Je me suis levé très tôt vers 6h de manière à être prêt pour 8h. Le ciel est toujours aussi bas et gris. Je quitte mon petit bois et m’engage à travers champs. Jusqu’ici je n’ai pas pris de grandes routes ou de nationales, uniquement des chemins vicinaux, des départementales. Parfois même de simples chemins de terres à travers bois ou des champs. Direction, dans un premier temps, Ravenel.
Tandis que je m’arrête près de l’ancien moulin/télégraphe de Fouilleuse, un homme approche, la cinquantaine grisonnante. Il marche sur le bas côté, il a aperçu le vélo, il oblique vers moi. On commence à discuter de mon parcours, de mes étapes. Quand je lui dis que je fais en moyenne 70km par jour il me répond « Ah, comme les Allemands pendant leur retraite, c’était 70km par jour, il se dépêchait de retourner chez eux… » Puis il commence un étrange discours sur la mélancolie et le patriotisme, estimant que notre pays n’a plus de volonté et que l’on est embourbé dans une routine. Mais bien sûr. Je coupe court à ce débat et reprends la route. C’est sans doute la conversation la plus bizarre du voyage…
Je remplis mes bouteilles d’eau au cimetière de Noroy puis direction Lieuvillers. Et là très bonne surprise. Le village est superbe, plusieurs fois nommé « village fleuri ». Et sur la grand rue, une maison, richement décorée, aux volets peints, avec des dictons, des phrases. Difficile de passer à côté.
Plus loin je trouve une des rares épiceries ouvertes en ce lundi. Il faut savoir que trouver quelque chose d’ouvert un lundi dans la France Profonde relève de l’exploit: un grand nombre de magasins sont fermés le lundi quand ils n’ouvrent que quelques heures par jour. Puis je traverse Ravenel et sa grande église. De nouveau une petite discussion entre cyclistes. Plus loin je dépasse la limite entre l’Oise et la Somme et je prends une pause bien méritée à Montdidier. J’ai parcouru 40km pour le moment. Et toujours pas de soleil.
Je continue de rouler. Je souffre un peu pour gravir une petit côte à Davenescourt. Arrivé au « sommet » de la côté, je m’allonge dans la pelouse en face du château.
Plus loin sur la route je me retrouve face à mon pire ennemi sur ce voyage: le vent de face. Un solide vent du nord qui me freine et me fatigue très vite. A tel point que je suis parfois obligé de changer de route et essayer de l’avoir de côté. Je suis obligé de m’arrêter plusieurs fois. Vers 16h, alors que je me trouve dans les parages de Fresnoy en Chaussée, je regarde sur mon téléphone s’il n’ya pas un camping dans les environs, surtout pour recharger mes batteries d’appareil photo et de caméscope. Et une bonne douche. J’en suis à plus de 60 km parcourus. Et le camping le plus proche est au Hamel, à près de 30 km. C’est jouable, à condition que le vent de face ne me freine pas trop. Et que le nuage d’orage qui se profile à l’ouest m’épargne….
Je me dirige vers le Quesnel. Je traverse une deux fois deux voies. Les routiers m’apercevant me klaxonnent en solidarité tandis que je m’engage sur la voie de service sur le bas côté. Au Quesnel, je me retrouve de nouveau avec un fort vent de face. Et quelques gouttes m’obligent même à m’abriter sous une grande haie. Puis je traverse le très joli village de Caix et son église, épargnée par les combats de 14/18, du moins en partie.
En face de l’église une invention géniale: le boulanger a installé un distributeur de pain frais. Et comme on est lundi et que les commerces sont fermés, ce simple distributeur apparaît comme salutaire. Plus loin sur la route le vent se fait de plus en plus fort. Je dois m’arrêter de plus en plus souvent. Le compteur affiche 75 km. je sais que c’est pour une sorte de limite, à partir de là, le corps est très fatigué. Mais la perspective d’une bonne douche et d’un vrai repas me booste un peu, surtout quand je vois le premier panneau « camping ».
J’arrive sur le Hamel par une petite colline dominant cette vallée. et là je m’arrête car le paysage est spectaculaire. Sur ma gauche de grands nuages sombres roulent sur le vallon, le soleil réussissant à peine à percer le panache. On dirait une peinture.
Droit devant, le village du Hamel, niché dans un creux, encore au soleil? Et sur ma droite, au dessus de moi, un mémorial australien de la première guerre mondiale, j’en aperçois les drapeaux claquants au vent. La ligne de front passait ici, les soldats américains appelaient cet endroit « la tranchée de la Poire », the Pear Trench.
Je traverse vite le village, il est impératif que j’installe ma tente avant qu’il ne pleuve. J’arrive enfin au camping, situé à un kilomètre du village, au fond du vallon. L’endroit semble pas mal. Mais je vais vite déchanter. La douche est payante, certes, mais dure tout au plus 3 minutes. Il n’y a pas de lumières dans les sanitaires. Et l’endroit est franchement bruyant. Des ados passeront la soirée à s’engueuler, s’invectiver. Il y a bien une piscine chauffée mais il est trop tard pour en profiter…
Je pose ma tente sous un grand saule pleureur. Tandis que ma bouffe chauffe sur mon réchaud, j’écris mon journal, j’y raconte l’étape du jour. Cela me permettra outre d’écrire ce blog par exemple mais de me rappeler plus facilement les endroits traversés pour situer les photos prises. Au soir de ce troisième jour, 92km parcourus pour cette seule journée, record d’étape pour l’instant, les jambes commencent à me faire sacrément mal. Et un cumul de 210 km depuis mon départ…
27/7/10 Le Hamel / Boiry Notre Dame 81,1km (peu de photos du fait d'un temps de merde le matin)
Quand j’ouvre les yeux vers 7h, j’entends les gouttes de pluie s’écraser sur ma tente. Après une sacrée partie de cache cache la pluie a fini par me rattraper. Même si je suis équipé pour (poncho assez large, sacs poubelles sur les sacs) rouler sous la pluie n’est pas vraiment un plaisir. D’autant plus qu’avec un vélo chargé, le risque de chutes devient plus grand dans les descentes. Comme chaque matin, je ne sais PAS DU TOUT où je vais dormir le soir. Il y a un côté grisant à cela, on se sent très libre, je ne roule pas pour aller d’un point A à un point B. Je me laisse le choix d’aller voir du côté du point C, D ou Z si le coeur m’en dit. Pour seul guide, mon accès internet via mon téléphone. Je sais seulement que je me dirige vers la région d’Arras.
Je dois donc me préparer entièrement dans la tente ( qui est très petite, de taille bivouac). Ranger les sacs, rouler le sac de couchage, envelopper les sacoches dans leur protection. Si la pluie cesse vers 8h, l’eau continue de ruisseler le long des feuilles du saule. Je dois tout déplacer de quelques mêtres. J’arnache le vélo, je commence à le prendre bien en main.
Je prends la route sous un petit crachin, mélangé à une brume humide. Je me rends compte que j’ai bien fait de protéger mes sacoches. Il fait très sombre, on dirait que la nuit va tomber, je roule lentement même si le vent me pousse pour le moment. Je me donne l’excuse du mauvais temps pour me poser dans un café et me réchauffer un peu, vers Sailly-Laurette. A l’arrière du vélo, mon panneau « Paris Berlin » semble apprécier moyennement la pluie, le feutre commençant à dégouliner.
Je repars en direction d’Albert toujours sous une pluie fine. D’après mon téléphone, le temps doit s’éclaircir en milieu de journée. Sur la route, à Morlancourt, je discute avec un autre cycliste. Tandis qu’on traverse le village, je vois divers mannequins de pailles disposés dans les jardins, à l’entrée, ou aux fenêtres des maisons. Je lui en demande la raison. Il m’explique qu’il s’agit d’un concours local, le prix du meilleur mannequin de paille sera remis à Noël.
J’arrive enfin à Albert, l’hôtel de ville domine la grand’ place. J’en profite pour refaire mon stock de nourriture: barres de céréales, de fruits, compote, lait sucré concentré, quelques conserves.
Puis je perds un bon quart d’heure pour retrouver ma route. Un peu lassé de tourner en rond, je fini par m’installer au pied de l’église pour mon repas du midi. Le soleil est de la partie. Juste à côté de l’église, des canons de la Première Guerre Mondiale et le musée de la Somme 1916.
Tandis que je mange, quelques personnes viennent discuter avec moi – toujours l’éffet du panneau. Je croise aussi un vieux couple d’Anglais venus visiter les champs de batailles des environs. Le mari me demande si je fais ça pour mon plaisir ou pour une cause. Je lui réponds que je suis en vacances et que j’ai envie de découvrir des pays que je ne connais pas du tout. Je n’ai encore jamais mis les pieds en Belgique, en Hollande ou en Allemagne. Donc, curiosité. Je leur raconte aussi l’anecdote du papy croisé quelques jours plus tard, toujours fringant à 80 ans sur son vélo. La femme acquiesce. avec une regard malicieux et assène avec un bon humour anglais »Ah c’est trop tard pour lui, dit elle regardant son mari, il est trop vieux… »
Je repars, toujours plein nord. Toujours un peu de vent mais nettement plus supportable que la veille. Et tandis que je me fatigue à gravir une côte, mon regard se porte sur la droite, vers le lointain. J’aperçois alors la sillhouette du monument de Thiepval, monument britannique érigé en mémoires des soldats tombés lors de la Bataille de la Somme. Je décide alors de rebrousser chemin – ah c’était bien la peine de perdre de suer sang et eau 15 minutes sur cette côte.
je repars ainsi en sens inverse. Je passe par Authuille, petit village niché en bas de la colline. Sur l’entrée d’un garage, un dessin naïf représentant un soldat français de 14/18, avec la mention 1917/2007. Tout le petit village ne manque pas de charme avec ses petites fermes, et son ruisseau coulant à l’ombre.
Pour gravir la côte au dessus d’Authuille, je suis obligé de descendre du vélo et de le pousser, une première depuis mon départ de Paris. Sur le bord de la route, un banc public, don de l’Ecosse pour aider à la reconstruction du village après la guerre. Il y a des monuments commemoratifs tout le long de la route. Du plus intime au plus imposant.
J’arrive enfin au monument. Très beau, très sobre. Difficile ne pas être ému.
Je reste là quelques minutes, surveillant du coin de l’oeil un épais nuage noir qui recouvre peu à peu la colline. Au centre de l’edifice, de petites croix posées en souvenir. On vient honorer la mémoire d’un soldat ou d’un bataillon. Là une plaquette laissé par une classe anglaise. Un couple cherche un nom dans l’épais registre recensant les soldats tombés lors de la bataille.
En repartant je dois m’abriter quelques minutes d’une pluie éparse. Plus loin, je vois que la route est détrempée, j’ai réussi à éviter un méchant grain. Vers Miraumont, j’entends une voiture arriver derrière moi. Elle me klaxonne avec insistance. Quand elle me dépasse, les occupants me font de grands signes, me saluent. Je me rends compte qu’il s’agit du couple d’Anglais croisé plus tôt à Albert…
Je franchis les limites du département et me voilà dans le Pas de Calais. Presque aussitôt je me retrouve recouvert de petits moucherons. Assez désagréables, je tente de m’en débarasser mais chaque fois, je les écrase en masse et ce génocide me laisse les bras et les mains gluants. Je dois souvent m’arrêter pour me rincer. Plus loin, encore mieux. Deux gus en voitures tunnées en pleine course sur la départementale m’obligent à me rabattre en urgence sur le bas-côté. Le Pas de Calais fait honneur à sa réputation….
Après un arrêt dans un cimetière pour me laver de la couche de moucherons, je me decide à chercher un endroit pour dormir. Tandis que je suis sur le bord de la route entrain de vérifier ma carte, une voiture passe très près, le mec à l’intérieur pousse un grand cri histoire de me surprendre. Décidément. A noter que cela sera les seuls « incidents » sur la route….
Mon camping est à une trentaine de kilomètres, non loin d’Arras. j’en suis à 50km parcourus. J’espère que mes jambes tiendront. Premier souci mécanique, un saut de chaîne. Plus loin, tandis que je grignote, le vélo, mal assuré, chute lourdement sur le côté. Il commence à se faire tard, je n’ai qu’une envie, me poser. J’arrive enfin au camping de Boiry Notre Dame vers 20h, un peu crevé. Le camping est somme toute classique mais agréable. Larges pelouse, douches gratuites. Beaucoup d’anglais. Dans un coin des Bretons jouent au palet breton. Un vrai havre de paix, qui n’a rien à voir avec le camping piteux du Hamel. Vraiment appréciable après une longue journée de route…
Après une bonne douche, j’ai tout juste le temps de manger et d’écrire mon journal avant que le temps ne fasse des siennes, avec une bonne averse. Mais selon l’accueil du camping, demain la météo devrait être clémente. Reste que la pluie tapant sur les paroies de la tente est une bien jolie et efficace berceuse….
voilà la suite ce week end, beaucoup de taf là
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Acceuil /Que se passe-t-il quand un gouvernement décide que le travail est un devoir ?