Ultra Trail du Vercors - 85km 4900m D+
Préambule
Cette année je m'étais promis de me concentrer sur des courses courtes, disons 20-30km. Mais quand j'ai vu que l'UTV partait du village de mon grand-père, j'ai été obligé de craquer ! 85 km, ça dépasse un peu, mais c'est pas grave.
C'est l'objectif de l'année mais la flemme de le préparer dans les formes. Le background sera donc constitué beaucoup de courses, assez réussies en général, mais plutôt courtes, pour un faible kilométrage (1200km début septembre). Les plus longues ont duré 6h, 4h50, 3h20, 3h20. Quelques autres activités pour compléter : un peu de vélo, de rando, d'escalade.
Ça manque un peu de longueur mais l'avantage c'est que j'ai bien travaillé les "relances" toute l'année, autrement dit courir sur les faux plats. S'il y a bien un domaine où j'ai progressé c'est celui-là (les descentes a contrario, bof bof). Or l'UTV est connu pour être spécialement roulant. C'est de la moyenne montagne sur des plateaux, avec un parcours essentiellement en forêt. Une seule vraie montée, au tout début, sur 1000m, le reste du dénivelé positif ou négatif se fera par tranches de 400-600m max, souvent entrecoupées de replats.
Je budgétise entre 11h et 12h et me fais un roadbook un peu conservatif (12h15 je crois).
Il y a 3 courses : le solo 85km, le demi 43km, et le relais à 4 sur les 85km.
Arrivée sur place deux jours avant la course, pas mal de famille est venue tout exprès, j'ai pas mal de pression
Les sensations sont bof à cause d'un tournoi de foot le samedi précédent qui me laisse des courbatures partout. J'ai aussi une douleur à la cheville gauche qui me gêne à la marche. Bon, ce ne sont pas des blessures de course, je suis assez confiant sur le fait que ça se volatilisera dès le départ. Même si je préfère me sentir au top du hip-hop comme je l'étais juste avant mes autres grosses courses (80-90km du Mont Blanc et 110 km à la Réunion).
Retrait du dossard la veille, pas de fioriture, j'aime bien (juste un dossard, un t-shirt et un sac poubelle pour le délestage de mi-course). Le speaker annonce toutes les stars, plein d'actuels ou d'anciens champions de ski de fond, Vercors oblige. La course est parrainée par Marie Dorin et je crois qu'elle est sur un relais. Le seul bon coureur que je connaisse est Pasero, qui sévit régulièrement dans la région lyonnaise, et que j'ai vu faire 2ème du Tour de la Grande Casse à Pralognan il y a 15 jours.
Je reviens à 19h pour le briefing, ça caille sa mère. Consignes habituelles, et le traceur nous raconte plein d'histoires sur le parcours, le balisage, les arbres en travers, les coupes de bois dans la forêt, l'avion anglais qui s'est écrasé en 1944, le passage dangereux neutralisé (marche obligatoire) pour ne pas basculer dans le précipice, le pas entre les rochers qui est équipé d'une main courante à 3 mètres de hauteur, ne vous étonnez pas c'est pour l'hiver, etc. etc.
Mes chaussures sont un peu défoncées mais je les aime bien, je décide de partir avec et de m'envoyer une paire de secours (défoncée mais que j'aime bien) à mi-course dans le sac de délestage.
Après beaucoup d'hésitations je laisse les bâtons à la maison. Je sais que ça aide énormément mais le parcours est tellement roulant que je pense que ce n'est pas la peine. Sachant en plus que même les montées ne sont pas super favorables aux bâtons.
Lans-en-Vercors - Méaudre : 0 - 27km
Lever 4h00. A 4h30 je finis mes tartines devant mon grand-père qui s'est levé. Il me souhaite bonne chance avec quelques mots et un gros prout baveux. Il a 93 ans, c'est touchant !
J'arrive 15 minutes avant le départ (5h00) avec une bonne polaire car j'ai trop peur d'avoir froid. En fait ça va, peut-être l'adrénaline. Dans le sas de départ je repère PAULETTE, qui sévit sur un forum konkurrent. Il est un peu meilleur que moi mais me dit qu'il vient juste faire des bornes pour la Diag. Ouf, un adversaire de moins ! Quoique, il faut toujours se méfier... Au passage, beau programme estival le PAULETTE : 90km du Mont Blanc, Oisans Trail Tour (87km), EB85, UTV, et donc la Diag.
Le maire donne un top départ à l'arrache, et je pars direct devant. Objectif : être en tête en passant devant la maison (aux 400 mètres) pour être beau sur la photo de ma mère. C'est chose faite aisément, ça ne part pas trop vite. Je souris et je jette ma polaire dans le jardin. En fait, ma mère ne m'aura même pas vu... alors que j'étais tout devant... trop de nuit et trop de frontale. Les photos sont toutes floues sauf quelques unes en queue de peloton une fois les bons réglages trouvés.
Puis ça commence à monter, direction le Pic St Michel. Je connais bien la montée, 1000 mètres tout ronds, je l'ai déjà faite en 1h en bourrinant bien, sinon c'est plutôt du 1h05 1h10. Là, je ne suis pas pressé, mais je garde quand même la tête un bon kilomètre, avant de me faire doubler par deux gars. Je me sens bien, je relance souvent. Je reste troisième jusqu'à mi-montée (auberge des Allières), puis ça se transforme en vrai chemin de montagne et je suis moins à l'aise, je rétrograde progressivement, à mon rythme.
Ça passe assez vite et on atteint les crêtes. Magnifique vue sur Grenoble, sauf qu'il fait nuit et qu'on ne voit rien à part quelques lumières. Là un cousin était monté me voir... Et il ne m'a pas vu. Encore les frontales... Et mon dossard était caché par mon coupe-vent (petit vent frais là-haut ! on doit être proche de 0). Les boules pour lui quand même, après s'être levé avant 4h pour se taper 1000m de D+
Je regarde ma montre : 5h59
Je pensais pas être allé si vite ! On a pris un chemin un peu plus "direct" qu'à mon habitude, certes, mais il y a aussi les 400 mètres supplémentaires entre le départ et la maison... Apparemment les premiers étaient passés juste 2-3 minutes avant.
Petite descente technique dans le noir, c'est rigolo, devant ça n'avance pas trop et je double CANARD qui est au ralenti avec les jambes très écartées. Drôle de technique. Je double un autre gars aussi mais qui s'accroche un peu mieux, et devant je vois un groupe de 3 ou 4, que j'espère rattraper. Petit pierrier, puis on passe en forêt sur un sentier magnifique, peut-être le plus beau passage du parcours. Mais il fait nuit et on ne voit rien. C'est assez plat et assez joueur, sentier plaisir donc. Paf mon pied droit tape et je me retrouve dans le buisson un mètre en contrebas.
Voilà, ça c'est fait. On va dire que ça va me réveiller et que je serai plus alerte ! Je me relève tout de suite et reprends ma poursuite vers le groupe dont les frontales sont encore visibles.
10 minutes après, paf, mon pied droit tape et je me retrouve dans le buisson un mètre en contrebas
Je profite de cette deuxième chute pour ralentir le temps et regarder derrière moi : il y a 2 coureurs juste derrière. J'hésite à les laisser passer mais finalement je me relève juste devant eux. J'ai quand même perdu mon allant et ils me dépassent peu après.
Je les reprends à la fin du balcon quand ça descend raide vers Villard de Lans. Mais je dois m'arrêter faire un lacet. Je les reprends de nouveau dans un faux-plat avant le ravito, qu'on rejoint ensemble en papotant. Il y a un dénommé Patrick et un dénommé Pierre, mais c'est marqué Piertre sur son dossard. Il croit que parce que je suis Lyonnais j'ai fait la Saintélyon plein de fois
On dit du mal de MNS, un coureur en bleu qui a un sac pas très technologique, genre sac de piscine avec de simple lanières en ficelles. On suppose qu'il a de la corne sur les épaules.
Je m'arrête assez longtemps au ravito, le temps de ranger mon coupe-vent et déjà manger un bout. Je regarde l'heure : 6h55. J'avais dit 7h20 à ma famille...
Mes deux compères sont déjà repartis, et deux-trois autres poursuivants passent sans s'arrêter, dont MNS qui déboule sans dire ni oui ni merde à la pauvre bénévole qui lui dit bonjour et lui demande s'il veut quelque chose. Pas très aimable
Ça reprend en descente et plat sur bitume et chemin dur. Je vois les mecs devant mais l'écart se creuse. Ça devient déjà dur, en fait, après même pas 20km. Pas de panique, je temporise, on n'est pas là pour souffrir. Je croise un oncle et une tante qui m'encouragent (j'ai raté ma mère et un autre oncle).
Montée raide en forêt pour changer de plateau. C'est droit dans la pente, je regrette un peu mes bâtons. Je perds peu à peu la vision sur le gars de devant. Arrivée en haut, petit single entre les arbres, très joueur là aussi, mais j'ai plus le peps pour envoyer vraiment... un peu frustrant. Je double quand même un coureur qui s'est arrêter pour pisser ou enlever sa veste ou les deux, il me dit un truc mais je ne comprends rien.
Descente sur Méaudre par une grosse piste roulante, et sur le replat final avant le ravito, je vois ma mère et de la famille qui me shootent de loin. Je souris comme je peux mais je ne suis pas trop en aisance.
Petit coup de boost au moral en voyant, dans une large courbe, qu'il y a du monde vraiment pas loin.
J'arrive au ravito de Méaudre, encore de la famille qui m'attend, ils me disent que je suis super rapide. Effectivement, j'ai 35 minutes d'avance sur mon roadbook... Apparemment les premiers sont passés juste 10 minutes avant, ça me surprend un peu (près de 3h de course quand même).
Il y a là une speakerine enjouée qui fait des micro-interviews des coureurs, ainsi que le président du club organisateur, un jeune qui a une bonne bouille.
Méaudre - Rencurel : 27 - 42km
Alors là, je me creuse la cervelle. J'ai prévu d'arriver à 10h45 à Rencurel, qui représente la mi-course mais aussi le départ du 43km, à 10h00, par une horde de 400-500 coureurs. Or j'ai 35 minutes d'avance sur le programme, ce qui me fait penser que je peux passer avant 10h00 en forçant un peu.
La portion est courte mais c'est la moins roulante : une montée (600), une descente (800), une montée (400).
Bon ben je repars vaillamment. La montée se passe pas trop mal, je suis absolument seul, je relance péniblement quand ça s'adoucit. J'ai les mollets très durs depuis au moins 1 heure. Ça m'inquiète, je m'étire de temps en temps. Au premier sommet je n'ai rien grappillé sur mon programme, ça me fait douter sur le passage avant 10h00, en même temps mon roadbook est tellement approximatif... Je rattrape BRIGAND ROUGE. Il a pas l'air au top. Il me dit de garder des forces pour la descente qui est casse-pattes.
Bon ben c'est une descente, quoi. Elle est en deux parties, d'abord un peu raide, puis très roulante voire même plate, et raide de nouveau. Pause pipi. Le début de la deuxième partie, au-dessus des gorges de la Bourne, est le passage prétendument dangereux. Une bénévole me dit de marcher sur 150 mètres, tandis que BRIGAND ROUGE et BRIGAND BLEU sont sur mes talons.
Bah eux n'en ont rien à foutre et courent allègrement en dépassant. Bel esprit
Alors j'ai rien compris à ce passage, j'ai pas vu de précipice ("des deux côtés" pourtant), j'ai rien vu de technique... Il y a bien un moment où le sentier est étroit, mais il arrive après la zone "neutralisée"... Au moins j'aurai joué le jeu.
Arrivée tout en bas sur la route, je vois les deux BRIGANDS qui ont pris un peu d'avance, les bougres. Il est 9h20, j'ai du mal à savoir si je suis dans les temps pour être à 10h00 à Rencurel ou pas du tout.
Après 400 mètres de route ça remonte en forêt. BRIGAND ROUGE est en vue. Il est pas très fringant, décidément c'est pas le meilleur grimpeur du plateau. L'écart se maintient dans le raide mais dès que je peux relancer, il fond et je reviens à sa hauteur. Je lui demande si on est loin du sommet, il me dit qu'il reste 100 mètres, et qu'on devrait être bon pour arriver à Rencurel avant 10h00. Je le laisse sur place.
Sur la fin de la forêt, il y a une ruine et un panneau en bois : "Nos ancêtres ont vécu dans cette chaumière. Ayez une pensée pour eux." J'ai une pensée pour eux.
C'est la descente sur Rencurel, sur une piste carrossable parfois coupée par des singles. On entend le speaker d'assez loin, ça motive. Ca débouche, je vois le village, je regarde ma montre : 9h50, c'est gagné
Pas mal d'applaudissements de la part de tous les coureurs et accompagnants qui glandent là (il y a à la fois ceux du 43 et les 3ème relayeurs, qui ne vont pas tarder à voir arriver les plus rapides de leurs copains, partis de Lans 1h30 après nous).
Comme d'hab je prends du saucisson, cette fois-ci quelques abricots secs, une tartine avec du fromage, un peu d'eau. Mais je ne m'éternise pas pour autant, je veux partir avant le 43km. A ce moment-là, qui voilà ? C'est PAULETTE ! Il a l'air frais le salaud. Je repars. J'ai même pas pensé à mes chaussures de rechange, de toute façon après la descente, vu que la petite brèche de mon mesh avait tenu le coup, j'avais décidé que je les gardais jusqu'au bout.
Rencurel - Gève : 43 - 63km
Bon ben ça roule, ça roule et ça roule encore. C'est dur. J'en ai marre de courir. C'est quasiment plat, mais pas tout à fait quand même. Alors je cours. Mais j'en ai marre. Les jambes sont pas horribles, mais ça tire quand même, et j'en ai marre. Il reste au moins la moitié... Je vais pas bien vite, je m'attends à voir PAULETTE ou BRIGAND ROUGE me rattraper à tout moment, mais il n'y a personne derrière moi. Je pense au chrono, je me dis que c'est gagné pour le sub12h, et que sub11h est en ligne de mire... à condition de tenir bon ! Les premiers du 43 déboulent, vers 10h30. C'est sympa de voir la tête passer, on a tous des mots gentils les uns pour les autres. Les deux premiers ont déjà beaucoup d'avance sur les autres.
Enfin, ça monte vraiment
C'est le soulagement, je monte tranquillement, au moins je ne cours plus. Une cinquantaine de coureurs me dépassent, les allures sont proches, ils ne se rendent plus compte que je suis un solo.
Au sommet je m'étire un peu (comme à chaque arrêt). J'ai des douleurs un peu partout : mollets durs, quadris durs, voûte plantaire douloureuse à gauche (ou à droite je sais plus), et le releveur du pied gauche qui m'embête comme à la pire époque (marathon de Barcelone 2013)
Ce sont ces deux dernières qui m'inquiètent, il ne faut pas que ça dégénère.
Cela étant, la descente, d'abord technique puis roulante, se passe bien. Je reprends même certains du 43, en particulier dans les relances quand ça remonte. Ça fait longtemps que je n'ai vu aucun solo, ni PAULETTE ni aucun BRIGAND ni personne.
Fin de la descente et arrivée à Autrans, ravito. Je suis assez cuit mais ça tient encore.
Il y a un solo, GRAND VERT, qui a l'air complètement cramé. Sa copine est là pour lui remonter le moral. Arrive rapidement TORTUE, un mec en bleu très voûté. Il a l'air énervé, il dit qu'il s'est arrêté 35 minutes à Rencurel pour soigner des ampoules
Il a l'air mal en point mais apparemment il va plus vite que moi vu qu'il m'a rattrapé.
Je repars assez vite, juste après TORTUE et avant GRAND VERT. C'est encore du faux plat, bitume et chemin... Je me cale sur la foulée d'une concurrente du 43 (4 ou 5ème), foulée qu'elle a fort belle. TORTUE est tout proche et l'écart diminue.
A ce niveau je retrouve de la famille, dont ma mère et mon grand-père avec son maillot de supporter ! Encore un gros coup de boost. Mais je confie quand même à une tante que j'ai pas envie de courir. "Bah arrête de courir !" me dit-elle.
C'est ce que je fais dès que je suis hors de vue (même pas en fait, je me suis fait grillé ).
S'ensuit une montée en single, des portions raides, des portions faux-plat où je relance... C'est un peu toujours la même histoire en fait. TORTUE est pas loin devant mais j'arrive pas à combler, même quand je relance. Il finit par disparaître et je fais le yoyo avec les gars du 43. Par contre j'ai doublé GRAND ROUGE, un solo qui a l'air complètement à bout, autant que GRAND VERT. Il marche à 2 à l'heure et parle au téléphone à je ne sais qui, pour dire qu'il est complètement cuit. Cool
Les premiers relayeurs commencent à me dépasser, de beaux jeunes hommes qui ont l'air de vrais coureurs (genre pas comme TORTUE ou moi).
Le moral est pas au top (mais pas au fond non plus), j'ai de plus en plus de mal à relancer... Et qui voilà ? C'est PAULETTE ! Revenu du diable vauvert. On court ensemble et on papote. Il s'est arrêté 10 minutes à Rencurel, et remonte tranquillement le classement. On parle des courses, de la Réunion...
Moi j'ai faim. Ça fait deux fois de suite que j'ai faim avant le ravito, alors qu'ils ne sont pourtant pas très espacés. J'ai des réserves mais la flemme de taper dedans. Je crois que j'ai besoin d'un vrai ravitaillement consistant.
On arrive ensemble à Gève, ravito et ultime point de passage des relais. Ça sent quand même la fin.
Mais la fin est longue, je le sais.
Je mange beaucoup, PAULETTE repart très vite vers sa destinée.
A ma grande surprise je vois arriver GRAND VERT et GRAND ROUGE sur nos pas. Je pensais qu'ils étaient hors jeu
GRAND VERT a l'air toujours aussi cramé, toujours aussi consolé par sa copine, sauf qu'il repart quand même avant moi.
De même que GRAND ROUGE, qui a l'air énervé d'être cuit, tout bougon, mais qui repart aussi
Pourtant ça fait à peine quelques minutes que je mange
Ces traileurs ont de la ressource
Gève - Lans-en-Vercors : 63-85km
Cette dernière section est en deux temps (trois mouvements) : les crêtes nord du Vercors jusqu'à la Molière (dernier ravito), puis la descente à Lans que je connais par cœur. Ou presque.
En fait le premier temps est lui-même est deux mi-temps : la montée aux crêtes puis les crêtes proprement dites. On nous avait annoncé un parcours ultra cassant par rapport au dénivelé assez modéré (500-600 D+ à la louche).
En effet, on commence par un large chemin caillouteux en forme de toboggan, mais globalement montant. En fait c'est pas mal, j'aime bien. C'est joueur.
J'ai GRAND ROUGE et deux mecs du 43 en ligne de mire, ça me motive à bien relancer. Je les reprends assez vite, puis encore quelques autres du 43 qui traînent. C'est pas fulgurant mais ça avance.
Arrivée aux crêtes à proprement parler après un charmant passage en forêt et le passage devant le mémorial pour le pilote anglais qui n'a pas vu la falaise (problème de balisage ?).
La vue est belle, mais je regarde pas trop. Le chemin est un single très, très caillouteux. Des cailloux. Des rochers. Des lapiaz. Du calcaire. Du karst. Je sais pas quoi. De la roche blanche avec des trous dedans. Et ça monte. Pas trop longtemps, genre 30 mètres. Et ça redescend. Et ça remonte. Quelques pas sur une bonne terre histoire de soulager les genoux... et ça remonte.
Donc en effet c'est pas super roulant. Je marche gentiment quand ça grimpe, j'arrive encore à "courir" les phases descendantes mais j'ai plus le pas très alerte. J'aime bien ce genre de terrain joueur mais je ne suis plus franchement en mesure d'en profiter. C'est assez long, mais ça avance cahin caha. Maintenant c'est le genou droit qui me fait bien mal, au niveau de la rotule. C'est assez aigu, pas très confortable. Le genou gauche siffle du TFL mais ça reste contenu. Lors d'un énième coup de cul j'arrive à me taper le haut du tibia gauche contre un rocher, simplement en marchant... La flemme de lever la jambe sans doute ! J'ai bien mal sur le coup et ça laisse une petite plaie.
Arrivée à la Sure, qui signe la fin de la crête, sur un magnifique panorama. Le signaleur m'annonce 10ème. Très bien ! Je regarde ma montre et j'essaye de faire des calculs pour le sub11h. Je compte au bas mot 1h45 pour la descente finale que je connais par cœur, il faudrait donc arriver à 14h15 max à la Molière. Il est 13h45. On est à combien de temps de la Molière ? Je connais un peu le coin (pour l'avoir fait à vélo surtout) mais je me souviens plus. Ah, voilà ! Un panneau indique 1h15. Ça va être tendu ! Avec la fatigue j'aurai du mal à tenir 3 fois la vitesse des panneaux jaunes. D'autant qu'on ne coupe pas au plus court, un nouveau panneau indique 1h25.
Là le terrain est un large chemin à peu près plat (vallonné quand même), très herbeux, très facile à courir. Mais j'en ai marre de courir tout le temps
Théoriquement on peut aller très vite dessus, mais évidemment ce n'est pas mon cas. Je fais avec les moyens du bord. Je sais pas à quelle vitesse, ça fait longtemps que la batterie est finie, de toute façon je n'ai regardé que l'heure depuis le début. Je suis tout seul, c'est bucolique. Le moral est plutôt bon, je sais que la course est réussie maintenant. J'aurai droit à la part de tarte. Seul enjeu, le sub11h, et ramasser les morts qui se présenteraient.
En débouchant sur l'alpage, mon oncle et ma tante m'attendent en VTT. Ils me demandent comment ça va, s'ils ne me dérangent pas, si c'est pas gênant de parler... Ben non pas du tout. Ça c'est vraiment un truc que les non initiés ont du mal à imaginer : sur une course longue, on peut parler sans problème, le souffle est extrêmement bas. Déjà à 15 je peux à peu près bavarder, alors à 9-10 !
Ils m'accompagnent 300m jusqu'au ravito, où ma mère m'attend pour prendre des photos. Je les ai vues, j'ai pas l'air frais.
Le petit garçon qui badge m'annonce 11km jusqu'à l'arrivée. Je l'engueule en lui disant que non, c'est plus que ça ! Je connais bien ! D'ailleurs c'est marqué sur le profil imprimé sur le dossard : 17km.
Devant les TUC je retrouve PAULETTE. "Ah ben t'es là toi !" Je le pensais envolé loin devant. Il ne répond pas, concentré, et repart.
Dernières bouchées, je dis à ma famille que je mettrai entre 1h30 et 2h pour redescendre. J'essaye de me souvenir combien de temps j'ai déjà mis... 1h, 1h30 ? A pied, à vélo ? Tout s'embrouille. De toute façon, s'il y a 17km, il faudra pas loin de 2h. La descente est roulante mais il y a encore de petites crêtes toboggans à passer d'abord. Il est à 14h30, c'est mort pour le sub11h mais ça devrait approcher les 11h15, ce qui me satisfait largement.
J'ai PAULETTE en ligne de mire avec une féminine du 43. Il va pas très vite, je me dis que je peux lui fausser compagnie dans la descente un peu plus tard...
Ben non, comme d'habitude quand j'ai ce genre d'idée, il me distance et disparaît. Je rejoins la féminine seule, puis un autre gars du 43.
Il y a encore des relances à faire, du faux plat, quelques racines, je suis usé, j'ai mal aux genoux. Je donne ce que j'ai mais j'ai du mal à me mettre ventre à terre. Cela dit ça avance vite, les deux difficultés principales (mini coups de cul) passent très rapidement. Quelques portions plates avant la descente, je regarde la montre : 15h00. Début de la descente proprement dite : 15h15. Je regarde les panneaux, il reste 500 de D-, je me dis que finalement je ne suis pas si loin, le sub11h est carrément jouable en fait. La descente est régulière, comme mon rythme. Point de vue au-dessus du village, j'entends le speaker, on n'est vraiment pas loin... On coupe le chemin pierreux par deux agréables singles en forêt. Je divague gentiment. Je prends une planche de bois et un morceau de charbon, et j'écris "Ici j'ai embrassé la fille que j'ai tant aimée. Ayez une pensée pour les amoureux" et je la cloue à un arbre. Je croise un collègue de mon cousin qui était avec lui au Pic St Michel à 5h40, soit 11h plus tôt dans la journée. Il me reconnaît à mon dossard et m'explique en courant derrière moi qu'on s'est ratés ce matin. Le single débouche de nouveau sur le chemin principal, peu avant de traverser la route. On est à quelques encablures du village. 15h35. Le sub11h est dans la poche !
Redescente au niveau du plateau, traversée de la départementale. Il faut encore traverser le village tout entier, 1km5 nous annonce un bénévole. Du trottoir, du bitume, j'ai de la compagnie avec divers coureurs dans l'euphorie du dernier kilomètre (des relayeurs, des gars et une fille du 43). C'est pas la foule mais il y a quand même un peu de monde qui applaudit. Derniers virages après la salle communale, plus que 300 mètres, j'allonge un peu la foulée et je passe l'arche.
10h45, 10/450
https://www.strava.com/activities/2689502708
Je cherche ma famille, elle n'est pas là... En même temps j'ai descendu en 1h15 au lieu de 2h annoncées... Bon ils arriveront peu après. Je suis rincé, rincé. Ravito d'arrivée, félicitations de la famille, bise du grand-père, photos, douche, bière, massage, puis je pars récupérer une amie qui vient d'arriver et avec qui on a prévu de randonner 3 jours dans les Hauts Plateaux (spoiler : on ne fera pas ça ).
Que dire ?
La course : orga top, parcours de moyenne montagne, très, très roulant, beaucoup de forêt. J'ai pas parlé du temps mais c'était parfait : beau et froid.
Quant à ma course... c'était pas facile ! Il y a eu des moments plus cool que d'autres mais je n'ai quasiment jamais été en aisance, en euphorie. J'avais l'impression d'être en damage control permanent. Je pense que j'étais pile poil au-dessus de la ligne de flottaison en permanence (ou en-dessous, je sais pas comment tourner la métaphore). Bref j'ai tout donné. Après j'ai pas eu de vrai souffrance non plus, ni de giga coup de mou c'était juste un peu dur, tout le temps. Usant.
Donc je pense que j'ai plutôt optimisé. C'est toujours frustrant sur le coup car on sait qu'on est capable d'aller plus vite que ça, bref on a l'impression de se traîner, mais c'est le jeu de la distance. Au final le chrono est bon, un poil meilleur que ma fourchette basse (assez pifométrique). Ça fait 8 km/h. Pasero a mis 1h à tout le monde mais après je ne suis qu'à une trentaine de minutes de la 2ème place, c'est honorable. Je mets 4h55 sur la première moitié et 5h50 sur la deuxième (top 50 du 43km), ce sont des dégâts limités comme il faut. J'ai ITRAisé le top15 (au fait PAULETTE m'aura pris 5 minutes dans la descente pour finir main dans la main avec un autre, peut-être GRAND VERT ?) et c'est du solide gaillard sup700 avec de bonnes références en long/ultra.
L'aspect familial était super chouette. Après avoir connu le supportariat amical/HFRien aux 80km du Mont Blanc, et "amical++" à la Réunion, c'était encore une autre manière d'encourager, mais toujours avec un enthousiasme communicatif et encore des souvenirs qui resteront.
C'était donc, somme toute, une super course, même ce ne fut pas du plaisir intense en continu
Le corps a été bien marqué, surtout les genoux, mais j'ai quand même pu randonner gentiment le lendemain et le surlendemain (20 et 30 bornes )... Maintenant ça va être repos, au moins quelques jours
Allez, l'an prochain c'est sûr, je me concentre sur les courtes distances !
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J'aurais voulu être un businessman