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C’est l’histoire de nos grands-mères ou de nos arrières grand-mères, que nous avons voulu
raconter. Au milieu du XIXe siècle, les femmes qui depuis toujours cousaient, filaient, tissaient,
ont massivement rejoint les usines textiles. Partout en France, du Nord à l’Alsace, de l’Aube à
l’Isère, les générations se sont succédé dans ces immenses fabriques, vite surnommés “les
cathédrales du textile”. Cette histoire concerne tant de familles… Elle a été vécue par l’une de
nos grands-mères, elle s’appelait Gilberte Chaumonot et était entrée à 14 ans à l’usine. Quand
elle évoquait ses souvenirs d’ouvrières, elle était très émue et loin d'imaginer qu'ils pourraient
un jour devenir le sujet d’un documentaire…
Qu’elles aient été couturières à domicile, fileuses ou tisserandes, ces millions de femmes ont
disparu de notre mémoire collective. Le monde ouvrier a toujours été associé aux hommes.
Les femmes sont restées invisibles. Nous voulons, à travers ce film, raconter leur histoire si
longtemps occultée et leur rendre la parole. De mères en filles, elles ont subi les mêmes
injustices.
Pour des générations d’ouvrières, l’usine n’a jamais été un choix mais une nécessité. Avant la
révolution industrielle, les revenus du père suffisaient à nourrir sa famille, mais dès le milieu
du XIXe siècle, les femmes et les enfants pour échapper à la misère, durent aussi travailler. A
cette époque, le code civil considère les femmes, mêmes mariées, comme d'éternelles
mineures. Elles sont soumises à l'autorité absolue du père ou du mari. Leur salaire est de
moitié inférieure à celui des hommes. La loi précise qu’il n’est qu’un “revenu de complément.»
En 1900, le secteur textile rapporte plus que le charbon ou l’acier. Une réussite liée au prestige
de la mode française. Paris compte alors 80 000 couturières à domicile. Dans leurs
mansardes, ces couturières, payées à la pièce, doivent travailler jour et nuit pour échapper à
la misère. Longtemps, elles accepteront leur sort en silence.
Mais l’histoire que nous voulons raconter est aussi celle d’une émancipation. Ces femmes
n’ont pour seuls atouts que leur courage et leur habileté. La couture, pour les plus audacieuses
et les plus talentueuses, est un formidable moyen de promotion sociale. C’est l’un des seuls
domaines où les femmes peuvent devenir patronne. Telle Herminie Cadolle, qui au tournant
du siècle libère les femmes du corset en inventant le soutien-gorge, cinq générations plus tard,
Patricia Cadolle qui dirige cette maison, nous a raconté cette incroyable histoire.
Mais au-delà de ces réussites individuelles, il faut attendre la fin des années 60, pour que les
femmes du textile avancent unis. Mai 68 à Roubaix ne ressemble en rien aux événements
parisiens, c’est ce que nous raconte Marie-Colette Patin, jeune déléguée syndicale. Pour elle,
comme pour des milliers d'ouvrières trop longtemps soumises à leur mari et à leur patron, c’est
une extraordinaire prise de conscience : Elles sont alors bien décidées à vivre et à travailler
autrement…
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