Elle s'ennuyait à crier au milieu de la salle de classe, mais aucun de ses élèves ne l'écoutait vraiment. Déjà la directrice avait été quelque peu coulante sur la façon dont il fallait amidonner les cols des blouses et maintenant on en voyait même certaines avec des cols en angora ou - pour les plus pauvres - en lapin, plus personne ne portait le foulard. Imaginez, ces pauvres bêtes assassinées uniquement pour parer le rebord d'une petite jupe noire, je suis sûr que si l'on faisait la même chose avec des chihuahuas on n'en verrait pas beaucoup de paroissienne à la cathédrale de Chartes à montrer leur col pour bien se faire voir de la cousine qu'on marie. Où allait-on ?  Honnêtement, l'école communale n'était plus ce qu'elle était, dame oui ! Certaines de ses élèves n'étaient pas de mauvaises gens mais la plupart étaient aussi hérmétique à la culture qu'une friteuse Seb en cours de cuisson.
- Yvonne, veuillez, autant que faire se peut me dire de quoi parle le livre dont nous parlons aujourd'hui au lieu de conter fleurette aux garçons de l'école en face.
- Eh bien... euh... Oui madame, c'est l'histoire d'un vieu monsieur qui avant de casser sa pipe...
- Yvonne ! Cessez-donc de faire le trublion. Un peu de serieux je vous pries.  
- Bien Madame, pardon Madame...
- On dit "Je vous pries de bien vouloir accepter mes excuses" quand on est une fille bien élevée, ça ne mange pas de pain.
- Je vous pries de bien vouloir accepter mes excuses
- Madame ! Je vous pries de bien vouloir accepter mes excuses, Madame.
- Je vous pries de bien vouloir accepter mes excuses, Madame.
- Bien reprenons.
- Oui Madame. C'est donc l'histoire d'un vieux monsieur  qui avant de passer l'arme à gauche raconte la vie qu'il aurait pu avoir.
- Bien, la suite ?
- C'était un brave Monsieur qui était orticulteur, il cultivait les renoncultes et les rhododendrons. Il était doué pour ça, les fleurs, je veux dire. Mais au fond de lui il aurait souhaité être ostréiculteur. Ostréiculteur c'est un bon métier d'après lui: on est un peu marin sans jamais être chahuté par le tohu-bohu de la mer. Il avait bien été quelque temps cuniculteur, mais tous les lapins avait commencé à manger ses paterres de fleurs et il avait du tous les abattre. Cela ne l'a pas rendu triste, mais il a mangé du râble de lapin pendant longtemps et depuis il n'aime plus ça.  
- Bien bien, mais ce n'est pas le seul personnage dans ce roman, n'est-ce pas ?
- Non Madame, il y a aussi son fils. Un fainéant qui passe ses journées au boulodrome. Il passe son temps à raconter à tout le monde ses péripéties chez les Paprika...
- Les Incas, ma fille, les Incas, un ancien peuple de sauvage d'Amérique du Sud.
- ... ses péripéties chez les Incas et toutes les fois où il a dansé la sarabande avec des femmes au long cou tubulaire en Afrique. Mais tout cela n'est pas vrai, il passe son temps à raconter des histoires pour pas avoir à aller voir son père qui est très malade (c'est de la gérontophobie, elle a dit ma maman) et qui lui raconte toujours ce qu'il aurait pu faire mais qu'il n'a jamais eut le temps de faire.
- On appelle ça la procrastination ma fille. Le fait de ne rien faire et de toujours remettre au lendemain. Mais parle moi plutôt de la sublimation de la vie du vieux Monsieur à travers ses rêves ?
- Euh... le vieu Monsieur il s'est...euh.... sublimé la tête suite à un machicoulis qui avait une malfaçon et qui lui est tombé dessus.
- Pardon ?  
- Enfin, vous savez Madame, moi, j’dis ça, j’dis rien. J'ai pas tout bien compris le livre. Surtout le moment où le vieux Monsieur il est à califourchon sur la madame qui est sur la carpette. Il joue au cowboy avec son cheval ?
- Mon Dieu.... Mon royaume pour une élève qui aurait fait autre chose que lire sans comprendre !
- Moi, Madame, moi je sais.
- Oui Suzanne, grand bien te fasses, mais laisse un peu participer tes camarades. Personne pour expliquer à Yvonne la situation quelque peu ubuesque qu'elle nous décrit ?
- Moi Madame. C'est simple, vu que le vieux monsieur il bandait comme une pendu à l'idée de la petite somme qu'il avait en bon au porteur suite à sa découverte du virtuose qui savait chanter "Rita, donne moi ton coeur" en contre Ut deux tons au dessus,  il a décidé de se faire sa bonne sans les capotes anglaises en vynil, surpris par son fils qui venait le voir pour une fois, il a pas eut le temps de sortir de la Madame et du coup y'a un p'tit qui est né une année bisextile et qui est donc bien embêté eut égard à ses anniversaires !
- Vous... vous .... vous vous moquez de moi, c'est assez ! Bien je vais aller chercher la directrice et on verra bien ce qu'elle dira à vos parents, petites insolentes ! Et cette fois-ci, ma petite Camille, c'est pas un accident de métropolitain qui vous aidera à vous en tirer.

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bande de fonctionnaires à la retraite en activité