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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°9449907
Lampedusa
Posté le 08-09-2006 à 22:18:33  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

pascal75 a écrit :

La philosophie n'est qu'une expression en concepts du monde préconceptuel construit par un auteur et qui le construit. Je verrais ça comme ça.


D'aucuns prétendront qu'il n'y a tout simplement pas de monde "préconceptuel". La réalité serait, à chaque étape de sa "représentation", fabriquée de toute pièce.
Ce qui pourrait être particulier à la philo, en revanche, ce serait la création et l'utilisation de "concepts" propres à cette discipline.
Se poserait alors la question de la pertinence de ceux-ci dans la quête jamais achevée de l'élucidation du monde.

mood
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Posté le 08-09-2006 à 22:18:33  profilanswer
 

n°9449923
Baptiste R
Posté le 08-09-2006 à 22:20:54  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Pourtant il semble que c'est comme ça qu'on fonctionne. On peut bien lire un certain nombre de philosophes (certains s'y prêtent plus que d'autres) sans maitriser tout un appareil de concepts, Nietzsche pour reprendre l'exemple de Lampedusa, c'est à dire en avoir une compréhension préconceptuelle, instinctive, qui n'est pas moins nécessaire, même pour un philosophe, à la compréhension des concepts de celui-ci. C'est un peu saisir le monde dans lequel le philosophe évolu. J'ai fait une expérience de ce type en regardant à la télé un long entretien avec Emmanuel Levinas. J'ai rien compris aux concepts puisque je ne connais rien de lui, j'en ai rien lu, mais pour autant, il y avait dans le docu, par la voix de Levinas, ses attitudes, sa manière d'être, qqc qui passait et qui disait qqc du monde dans lequel se construit sa philosophie.


Le message de Lampedusa n'est pas une compréhension non-philosophique de la philosophie mais une incompréhension philosophique de la philosophie. Il fait à mon avis un contre-sens sur l'éternel retour - dont on peut discuter, et on pourra me répondre que c'est moi qui n'ait rien compris, mais par là nous restons dans un champs déductif, discursif et conceptuel.
C'est le cas de tout le monde sur ce forum (bon, je peux admettre des exceptions) : même le béotien reste prisonnier des méthodes et présupposés classiques. Maladroitement, il essaye de réfléchir comme on a lui appris, il essaye d'imiter ceux qu'il lit (philosophes ou forumeurs) et par là s'offre en pature aux personnes plus savantes. Il essaye de manier le concept mais tombe dans l'opinion. Il essaye - et le fait savoir ; en vérité le béotien est plus infatué que bien des philosophes. Je n'ai jamais vu personne poster pour  livrer une expérience immédiate et naïve (sauf dans les messages les plus développés, car plus on abstrait plus on a besoin d'un truc tout con : l'exemple).


Message édité par Baptiste R le 08-09-2006 à 22:23:06
n°9450001
Baptiste R
Posté le 08-09-2006 à 22:28:36  profilanswer
 

A mon sens, la "compréhension non-philosophique de la philosophie" n'est pas pré-conceptuelle mais, si je puis dire, péri-conceptuelle. Loin d'être une étape vers l'abstraction elle est toujours présente à coté, toujours conjointe à l'activité philosophique la plus complexe.
Peut-être sommes-nous tous d'accord, mais si ça peut aplanir des incompréhensions...


Message édité par Baptiste R le 08-09-2006 à 22:31:28
n°9450047
Baptiste R
Posté le 08-09-2006 à 22:32:11  profilanswer
 

Lampedusa a écrit :

Interprétation "non-philosophique" de l'Eternel retour: il est le pendant de l'absence de sens.
Le "sens" étant entendu ici comme finalité, comme une quelconque "vocation" humaine à accomplir, comme horizon eschatologique.  
La réalisation d'un sens, la mise en œuvre des moyens permettant d'atteindre un but opère dans le cours des choses un changement de nature, et doue le temps d'irréversibilité.
Tant que ce cours des choses permet un retour cyclique à un point de départ, on ne va nulle part.
L'incessant mouvement du flux des événements, comme l'eau de la rivière, suppose des rives immobiles.


Quel est le besoin de rives externes pour penser l'Être ?

n°9450108
Lampedusa
Posté le 08-09-2006 à 22:40:08  profilanswer
 

Baptiste R a écrit :

Quel est le besoin de rives externes pour penser l'Être ?


Je suis tout à fait disposé à admettre la caractère "contresensuel" de ma compréhension de la notion d'Eternel retour, mais à lire ta dernière phrase, il se pourrait que tu péchasses, toi aussi, par une incompréhension simplement non-philosophique de ce que j'ai écrit.
A titre d'hypothèse, bien entendu...

n°9450144
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 08-09-2006 à 22:43:05  profilanswer
 

En fait, c'est beaucoup plus con que ça lorsque Deleuze parlait de compréhension non philosophique de la philosophe. Il en parle, je crois, dans son abécédaire, disant qu'il recevait parfois du courrier de gens qui sont tout à fait en dehors du champs de la philosophie et qui ont trouvé un point commun conceptuel avec ses écrits. Il cite l'exemple d'un club de pliage, des gens qui font des petits bateaux avec du papier, comment appelle-t-on encore ce truc l'origamie ? Et donc Deleuze s'émerveillait de connaître le point de vue d'un plieur sur son livre "Leibniz et le pli".  
 
Cela me fait penser (qu'antichrist me pardonne de nager dans là confusion et la pauvreté, mais là je suis documentairement désarmé) à Malebranche pour qui les idées sont préalables à la pensée, que c'est l'homme qui les retrouve en Dieu, suivant l'ordre qui est la première attribution de l'Etre.

n°9450145
Baptiste R
Posté le 08-09-2006 à 22:43:11  profilanswer
 

Lampedusa a écrit :

Je suis tout à fait disposé à admettre la caractère "contresensuel" de ma compréhension de la notion d'Eternel retour, mais à lire ta dernière phrase, il se pourrait que tu péchasses, toi aussi, par une incompréhension simplement non-philosophique de ce que j'ai écrit.
A titre d'hypothèse, bien entendu...


He bien c'est fort possible. Dans ce cas, que n'ais-je pas compris ?

n°9450163
hephaestos
Sanctis Recorda, Sanctis deus.
Posté le 08-09-2006 à 22:44:29  profilanswer
 

Baptiste R a écrit :

Je n'ai vu personne ici tenter d'avoir une compréhension non-philosophique de la philosophie.


 
N'est-ce pas le cas de tous les non-philosophes ? Ceux qui ne comprennent pas le langage, mais qui n'en ont pas moins des idées ? (moi, quoi :o)
 
La philosophie non-philosophique n'est-elle pas l'équivalent dans cette discipline de la vulgarisation, en somme ?

Message cité 2 fois
Message édité par hephaestos le 08-09-2006 à 22:46:21
n°9450202
Baptiste R
Posté le 08-09-2006 à 22:48:02  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

En fait, c'est beaucoup plus con que ça lorsque Deleuze parlait de compréhension non philosophique de la philosophe. Il en parle, je crois, dans son abécédaire, disant qu'il recevait parfois du courrier de gens qui sont tout à fait en dehors du champs de la philosophie et qui ont trouvé un point commun conceptuel avec ses écrits. Il cite l'exemple d'un club de pliage, des gens qui font des petits bateaux avec du papier, comment appelle-t-on encore ce truc l'origamie ? Et donc Deleuze s'émerveillait de connaître le point de vue d'un plieur sur son livre "Leibniz et le pli".


Ben c'est ça. Par exemple à une soirée en voyant une fanfare, je me suis dit "putain, c'est le rhizome !" La tête de ouam. J'avais l'impression que mère Nature me donnait une médaille.
Finalement, ce n'est peut-être pas plus compliqué que l'épreuve du réel, la confirmation empirique d'une thèse.


Message édité par Baptiste R le 08-09-2006 à 22:49:56
n°9450279
Baptiste R
Posté le 08-09-2006 à 22:53:37  profilanswer
 

hephaestos a écrit :

La philosophie non-philosophique n'est-elle pas l'équivalent dans cette discipline de la vulgarisation, en somme ?


La vulgarisation serait plutôt à cheval sur les deux, puisqu'elle a justement le rôle d'être un pont entre le philosophique et le non-philosophique (ou plutôt le pas-encore-philosophique).
 
 

Citation :


N'est-ce pas le cas de tous les non-philosophes ? Ceux qui ne comprennent pas le langage, mais qui n'en ont pas moins des idées ? (moi, quoi :o)


Hum, peut-être.  :D  Le cas est spécial puisque ce n'est pas de non-spécialistes à spécialistes (ou apprentis spécialistes) mais entre spécialistes de domaines différents.

mood
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Posté le 08-09-2006 à 22:53:37  profilanswer
 

n°9450296
pascal75
Posté le 08-09-2006 à 22:56:26  profilanswer
 

hephaestos a écrit :

N'est-ce pas le cas de tous les non-philosophes ? Ceux qui ne comprennent pas le langage, mais qui n'en ont pas moins des idées ? (moi, quoi :o)
 
La philosophie non-philosophique n'est-elle pas l'équivalent dans cette discipline de la vulgarisation, en somme ?


Ok pour la vulgarisation, d'ailleurs certains philosophes ont été leur propre vulgarisateur (Leibniz et sa "monadologie" ).  
Mais il n'était pas question pour l'instant de "philosophie non philosophique" (késako ?) mais de compréhension non-philosophique, c'est à dire, il me semble, non-conceptuelle, d'une philosophie. Autrement dit, pour reprendre ce que dit Rahsaan, une compréhension par les affects et les percepts. La vulgarisation serait dans ce sens la philosophie qui permet cette compréhension non-philosophique, pour peu qu'on admette qu'elle n'est pas qu'un premier pas vers une compréhension conceptuelle, mais necessaire, même aux philosophes, pour comprendre une philosophie.


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°9450323
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 08-09-2006 à 22:59:34  profilanswer
 

mais si tu exclus les concepts de la philosophie, tu n'es plus dans la philosophie, tu es dans la position du gars qui dit en voyant une démonstration mathématique à laquelle il ne comprend rien : "oh que c'est beau", est-ce qu'on peut parler alors de compréhension non mathématique des mathématiques ?

n°9450469
pascal75
Posté le 08-09-2006 à 23:13:18  profilanswer
 

J'exclus pas les concepts de la philosophie, j'envisage qu'on comprend la philosophie pas seulement par ses concepts. Et je précise que c'est vrai pour tout le monde, y compris les philosophes.


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°9453235
rahsaan
Posté le 09-09-2006 à 12:57:00  profilanswer
 

A propos de la compréhension « non-philosophique » de la philosophie :
 
D’une faculté à l’autre
 
La philosophie est création de concepts selon Deleuze, c’est à dire d’expression de la puissance de penser. La pensée advient comme un événement : un vol, une violence, une transgression, une capture qui nous force à penser et à nous arracher de la platitude toute-puissante de l’opinion (voir Différence et Répétition, « L’image de la pensée ») et à nous confronter à des Idées, qui sont des problèmes à la fois objectifs (ils ne viennent pas de la subjectivité de l’esprit) et indéterminés (leur solution n’est pas toute faite, ils sont ouverts) (cf. idem, « Synthèse idéelle de la différence »)  
Mais les concepts ne viennent jamais seuls : ils sont accompagnés d’affects et de percepts. Dans Spinoza et le problème de l’expression, Deleuze remarquait au passage (mais de façon intuitive, encore embryonnaire) que toute pensée s’accompagne nécessairement de métaphores, et il suggérait qu’elles étaient objectives (c’est à dire qui ne sont pas des créations de la fantaisie, de l’imagination, de la sensibilité subjective). Ainsi, chez Spinoza, les concepts de substance immanente et d’expression vont de pair avec l’image du miroir qui se réfléchit infiniment en lui-même, au point que c’est la pure lumière du reflet qui devient première.  
Déjà Kant montrait que la faculté d’entendement, quand elle pense par exemple l’idée de tyrannie, suggérait à la faculté d’imagination l’idée d’une machine à bras gigantesque. Mais cette suggestion n’est pas subjective : c’est une faculté elle-même qui s’exprime et qui transmet son idée à une autre faculté (ici : de l’entendement à l’imagination).  
 
Contre la métaphore
 
Que sont donc ces affects et percepts ? Non pas des métaphores, au sens de créations de l’imagination subjective. Si Deleuze a d'abord parlé de métaphore, il rejette complètement ce terme par la suite, qui demeure prisonnier d’une compréhension « sédentaire » du langage et du sens, divisé entre sens propre et sens figuré –langage où le sens est d’avance déterminé, assujetti aux mots d’ordres de l'opinion.  
Au contraire, dans l’usage littéral, à la lettre, auquel Deleuze veut atteindre, la métaphore n’a pas sa place : il n’y pas plus qu’un seul degré de compréhension : une compréhension à plat, à une seule dimension, contre la verticalité des sens cachés, superposés en couches, à découvrir par l’interprétation.  
 
L’affect est ainsi défini comme une affection qui dépasse la personne qui l’éprouve. Etre affecté par un objet, c’est en faire l’expérience, le rencontrer, avoir une relation avec lui.  
Mais l’affect exprime ce que Spinoza appelle la partie éternelle de notre être et donc survit virtuellement, en puissance, à l’individu qui meurt. Ainsi, le combat d’Achab contre Moby Dick exprime t-il non le désir d'une baleine bien plus grosse que les autres, mais la confrontation d’Achab avec sa propre démesure.  
De même le percept est une perception qui dépasse en droit la personne qui la perçoit. Percevoir ces fleurs dans le vase, c’est une perception. Mais Van Gogh peignant les tournesols, c’est un percept car l’artiste a peint par ces fleurs quelque chose de trop fort, de trop intense, de trop puissant, qui le dépasse de loin (ainsi que le montre sa correspondance, avec son frère Théo ou les critiques d’art : peindre est une ascèse extrême, mystique, la recherche de la sobriété, de la simplicité absolues, pour pouvoir supporter une puissance d'exister et de créer de plus en plus grande, comme au bout de la vie…)
Percepts et affects sont ainsi du côté de l’hybris, de la démesure. (pour ces définitions, voir par ex. l’ABCDaire).  
 
La puissance d’expression du corps
 
Affects, percepts et concepts forment un trio. Le concept est en rapport avec le cerveau, le percept avec la vue et l’affect avec la peau. Mais ils ne sont rien des évènements individuels. Ils sont au contraire objectifs, singuliers et universels.  
Objectifs car ils expriment une puissance d'être, une virtualité, que nous n'avons pas choisi.  
Singuliers car ils ne se comprennent qu'à partir d'eux-mêmes (contrairement au particulier, qui renvoie à un autre particulier).  
Universels car ils ne concernent pas ultimement notre petite personne empirique, individuelle, mais sont l'oeuvre de la vie elle-même.  
 
Affects et percepts constituent donc la compréhension non-philosophique de la philosophie. C’est à dire que même sans comprendre les concepts d’un auteur, il est possible d’être saisi par les affects et percepts qu’il créés en même temps que les concepts. Affects et percepts accompagnent nécessairement le concept, sans que le philosophe ait cherché à les créer. Spinoza dirait que le concept exprime la puissance de l’esprit, et les affects / percepts celle du corps (ou de l’imagination, qui est l’expression de ce que peut le corps). Or, le désir n’est pas nécessairement conscient, et même la plupart du temps, il n’est que peu conscient de lui-même, ou que d'une petite partie de soi, comme le savaient déjà Spinoza et Leibnitz. Dès lors, nous pouvons commencer à aimer un philosophe sans nous en rendre compte de prime abord.
 
Les doubles du concept
 
Alors, que signifie donc compréhension « non-philosophique » ?
Ce n’est pas à comprendre comme « compréhension qui n’est pas philosophique ». Le « non » de « non-philosophique » n’exprime pas en effet une négation mais doit se comprendre positivement. Et c’est tout le travail de Deleuze dans Différence et Répétition de soustraire le « non » à son sens dialectique, pour lui conférer un sens différentiel, pour que la négation, comme le voulait Nietzsche, fût mise au service de l’affirmation.  
Non-philosophique signifie donc : différente de la compréhension philosophique, mais l’accompagnant nécessairement.
Ainsi l’ombre et le reflet ne sont-ils pas nous, mais ils sont des doubles de nous. Affects et percepts sont ainsi les doubles du concept, son ombre et son reflet : ou plutôt son éclairage et sa répétition sur le mode de l’image. Affects et percepts redoublent le concept comme dans l’Ethique, la chaîne brisée et volcanique des scolies redouble et subvertit l’ordre majestueux et paisible des propositions. ;)


Message édité par rahsaan le 09-09-2006 à 13:14:56

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n°9453368
pascal75
Posté le 09-09-2006 à 13:21:19  profilanswer
 

Excellent. Je suis d'accord avec tout ça, en précisant que Deleuze (d'ailleurs tu le dis) a raffiné au fil du temps ce qu'il entendait par affect, concept et percept, jusqu'à ce qu'il en dit dans "l'image-mouvement". Mais il faut se méfier de ne pas mettre en rapport exclusif avec le corps, les affects et les percepts, qui sont aussi des variétés de la pensée.


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°9453419
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 09-09-2006 à 13:31:16  profilanswer
 

idem, excellent ! je sais enfin ce que veut dire compréhension non philosophie de la philosophie !

n°9453440
rahsaan
Posté le 09-09-2006 à 13:35:07  profilanswer
 

>Pascal : il me semble que le dernier état de l'exposé du trio affect / percept / concept se trouve même dans Qu'est-ce que la philosophie ?. :)
 
>Daniel_Levrai : content de t'avoir éclairé. :)
Il me semble important de comprendre que compréhension non-philosophique ne veut pas dire deux choses :  

  • compréhension approximative, par opinion, à première approche. ex : Spinoza est un philosophe panthéiste qui nous incite à être joyeux, Hegel est un idéaliste pan-rationaliste, Bergson vitaliste etc.  
  • compréhension moindre de la philosophie. Il est vrai que comprendre seulement par affect / percept un concept est insuffisant, de la même manière qu'avoir aperçu l'ombre ou le reflet de quelqu'un est insuffisant pour prétendre l’avoir vu. Cependant le problème n’est pas là : il est plutôt que le concept ne va jamais sans affect / percept et que ce qui nous séduit d’abord, c’est la puissance de ces affects / percepts, parce qu’ils nous ébranlent de l’intérieur, comme si nous étions une cloche sur laquelle on frappe –et cet ébranlement se transmet ensuite à la pensée elle-même et l’aide à s’emparer du concept. ;)

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 09-09-2006 à 13:47:53

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n°9453586
l'Antichri​st
Posté le 09-09-2006 à 14:05:25  profilanswer
 

Très intéressant rahsaan, mais il y aura beaucoup à (re)dire, sur le sens et le rôle de la métaphore (Deleuze n'a pas raison sur ce point...), chez Nietzsche en particulier, sur le symbolisme et le shématisme chez Kant, et sur le renversement de perspective opéré par Nietzsche qui, à l'opposé du shématisme kantien, considère l'image en tant que telle, réflexion qui doit se poursuivre avec ce que Husserl appelait notre "origine épistémologique" (à développer longuement...) et dont l'inspiration se situe au-delà de ce qui pourrait apparaître comme un conflit entre l’art, la science et la philosophie : c'est à la philosophie qu'appartient la responsabilité de montrer que la vérité se déploie dans une zone qui n'est ni subjective ni objective mais propre à la métaphore car les essences ne sont que des métaphores : si les abstracta sont des effets et non des causes, ils correspondent métaphoriquement au monde, donc nous sélectionnent, agissent physiquement, pragmatiquement sur nous ! L’image "naît" pour ainsi dire sans que sa naissance ne fasse question. C’est l’image qui agit et met, par exemple, les membres en mouvement. Le choix des images et de leur sélection, échappe la plupart du temps à la conscience. Dans Le gai savoir (III, §111), Nietzsche décrit le "processus de pensées et de conclusions logiques dans notre cerveau actuel" comme répondant "à un processus et à une lutte d’impulsions qui par elles-mêmes sont toutes fort illogiques et iniques" même si ce combat se livre compte tenu de nos évaluations. Bref, la pensée reste un processus intérieur ou mental, mais qu’il réfère à tout un soubassement physiologique. Loin de la tradition platonicienne, il faut considérer la puissance comme unifiant la vie intellectuelle (penser), la vie affective (sentir) et la vie active (vouloir) : les "affects" et les "percepts" sont des connaissances immédiates du corps et se situent à la jonction de la libre initiative de la conscience, et du dynamisme du corps. L’origine et la fin du "processus symbolique" demeure physiologique en passant par le médium du monde matériel... Comme nous le voyons chez Nietzsche, les valeurs (de la pensée) sont donc d'abord des mots : sous les réalités que désignent les mots, nous trouvont le corps, des états physiologiques, coenesthésiques, lesquels correspondent à une certaine idiosyncrasie.


Message édité par l'Antichrist le 09-09-2006 à 14:35:39
n°9453660
rahsaan
Posté le 09-09-2006 à 14:21:29  profilanswer
 

>L'Antichrist : je vois. :)  
Cela me rappelle le point le plus intéressant (le seul ? :D ) du dialogue Ricoeur / Changeux, déjà évoqué à plusieurs reprises (La nature et la règle, chez Odile Jacob) : comment deux discours se déploient en parallèle chez Spinoza : le discours du corps, le discours de l'esprit, ce qui fait écho à des préocuppations contemporaines sur les rapports du mental et du cérébral.  
Le phénoménologue Ricoeur considère l'intentionnalité d'abord, tandis que le neurologue Changeux étudie d'abord les états mentaux. Et les deux interlocuteurs sont d'accord pour pressentir chez Spinoza un troisième discours qui permettrait de surmonter le dualisme corps/esprit : celui de l'activité, du conatus, qui correspond au 3e genre de connaissance, celui de certaines essences ( = virtualités) singulières de la substance.  
 
(Mais c'est aussi la faiblesse naïve de ces livres de dialogue, avec des interlocuteurs supposés opposés (un prêtre/un chef d'entreprise, un publicitaire/un bouddhiste, un présentateur télé/un homme politique) de croire que la confrontation dialectique va déboucher sur une synthèse supérieure, sur une vérité au-delà des discours particuliers. Et encore l'échange Ricoeur / Changeux est-il de haute tenue, mais il est miné dès le début par le mot d'ordre du dualisme dialectique : "confronter des points de vue opposés, et l'Aufhebung va se produire !"  
Si bien qu’au bout du compte, ils s’écoutent de moins en moins parler, chacun déployant son propre discours, pour finir sur du consensus mou autour de la nécessité de la joie et de la liberté dans les démocraties modernes etc.  [:prodigy] ).  


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n°9453730
l'Antichri​st
Posté le 09-09-2006 à 14:32:44  profilanswer
 

Tout à fait ! C'est la pensée de cette union (même sous ses tentatives les plus maladroites) qui mérite toute notre attention... en particulier dans les études d'histoire de la philosophie.

n°9453800
freaxinthe​night
Posté le 09-09-2006 à 14:46:25  profilanswer
 

pascal75 a écrit :

Ce qui est un peu gênant dans l'attitude de l'Antichrist, c'est qu'il ne laisse pas la place à ce que Deleuze appelle "une compréhension non-philosophique" de la philosophie, nécessaire elle-même à la philosophie. Lui qui, ces derniers temps à cité à plusieurs reprises Deleuze, finalement, n'est pas, au moins sur ce point, deleuzien. Un jour peut-être le siècle le sera, comme disait l'autre, mais ça passera pas par l'Antichrist. Dommage ;)
Encore une fois, j'aimerais bien, ici, (voeu pieux) que le langage technique nécessaire à la philo, ne serve pas de barrière, mais qu'on ait tous (youpeeee... :D) une attitude de passeurs de ce langage, ou d'entremetteurs, ce qui est bien aussi, à l'attention des non-spécialistes.


C'est marrant, je ne suis -encore une fois- pas d'accord avec toi. Personnellement, j'ai vraiment une lecture des textes de l'Antichrist très affective, qui passe par ce côté "affinité élective", je ne suis pas du tout philosophe "dans l'esprit" et pourtant je sens ce que dit l'Antichrist; pour moi l'Antichrist est un représentant d'une pensée libertaire, par exemple, sa lecture de Nietszche "C’est pourquoi encore, loin de représenter une quelconque fin de l’évolution, qui ne serait rien d’autre qu’un nouvel effet des forces d’uniformisation, rien d’autre qu’une dernière et subtile victoire de l’instinct d’immobilisation qui a partout été la règle, le Surhomme est une simple direction, la visée indéterminée et indéterminable d’une continuation du jeu voulue par l’homme au moment même où le jeu menace de s’immobiliser définitivement." représente l'indétermination ou plutôt la signifie comme une puissance non encore déterminée par un ordre extérieur, (et non comme une négation stérile de l'ordre devant l'immaturité ou la vacuité de tel "adolescent" ou tel "paresseux" ), comme un possible au sens de l'"apeiron" grecque (notion pour penser le fond indéfini et indéterminé à partir duquel naît sans cesse l'infinité des êtres), et il le dit de manière fluide et très agréable à lire.  
En revanche c'est vrai qu'il parle de manière beaucoup plus neutre et schématique des auteurs qu'il aime moins...
Cette question de compréhension non-philosophique n'a pour moi rien à voir avec une histoire de spécialiste ou de non spécialiste, en fait. C'est une question très intime finalement, et qui dépend beaucoup des conditions dans lesquelles tu lis ou tu écoutes un discours. Pour qu'il y ait un passeur, il faut aussi des clandestins, pourchassés par la milice fasciste, ou un smasheur qui s'élève au-dessus du filet à 2m80 sous la menace d'un contre assassin.

n°9453940
hephaestos
Sanctis Recorda, Sanctis deus.
Posté le 09-09-2006 à 15:12:56  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

mais si tu exclus les concepts de la philosophie, tu n'es plus dans la philosophie, tu es dans la position du gars qui dit en voyant une démonstration mathématique à laquelle il ne comprend rien : "oh que c'est beau", est-ce qu'on peut parler alors de compréhension non mathématique des mathématiques ?


 
Si tu y parviens, je pense que oui. Il faut bien entendu que le gars en question voie la beauté de la démonstration à travers l'essence de cette démonstration, et non à travers sa mise en forme ou son contexte particulier.
 
Enfin, la vulgarisation des mathématiques est très délicate, il me semble éminemment difficile de toucher un néophyte complet avec des concepts relevant des mathématiques enseignées à l'université, par exemple. Voir à ce sujet la remarquable série Numb3rs diffusée sur M6, qui échoue magistralement dans sa tentative de vulgariser les mathématiques.
 
La vulgarisation des sciences naturelles est forcément plus naturelle. Et encore. En fait, non. Je sais pas.

n°9453969
neojousous
Posté le 09-09-2006 à 15:16:59  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

>Pascal : il me semble que le dernier état de l'exposé du trio affect / percept / concept se trouve même dans Qu'est-ce que la philosophie ?. :)
 
>Daniel_Levrai : content de t'avoir éclairé. :)
Il me semble important de comprendre que compréhension non-philosophique ne veut pas dire deux choses :  

  • compréhension approximative, par opinion, à première approche. ex : Spinoza est un philosophe panthéiste qui nous incite à être joyeux, Hegel est un idéaliste pan-rationaliste, Bergson vitaliste etc.  
  • compréhension moindre de la philosophie. Il est vrai que comprendre seulement par affect / percept un concept est insuffisant, de la même manière qu'avoir aperçu l'ombre ou le reflet de quelqu'un est insuffisant pour prétendre l’avoir vu. Cependant le problème n’est pas là : il est plutôt que le concept ne va jamais sans affect / percept et que ce qui nous séduit d’abord, c’est la puissance de ces affects / percepts, parce qu’ils nous ébranlent de l’intérieur, comme si nous étions une cloche sur laquelle on frappe –et cet ébranlement se transmet ensuite à la pensée elle-même et l’aide à s’emparer du concept. ;)


Il y a des philosophies qui se prêtent plus à la compréhension des "non-philosophes" ou plutôt à une certaine compréhension immédiate non ? Je pense a Leibniz, dont on peut comprendre le système assez rapidement, de manière un peu grossière à un certain niveau, avant de monter au niveau supérieur en affinant les concepts.
 
Sinon tu as dit :
 

Citation :

Au contraire, dans l’usage littéral, à la lettre, auquel Deleuze veut atteindre, la métaphore n’a pas sa place : il n’y pas plus qu’un seul degré de compréhension : une compréhension à plat, à une seule dimension, contre la verticalité des sens cachés, superposés en couches, à découvrir par l’interprétation.

 
 
Ce n'est pas précisément ce que critiquement Sokal et Bricmont dans Impostures Intellectuelles ? Si Deleuze justifie de manière philosophique le fait de ne pas avoir à justifier les métaphores (même si il abandonne ce mot, je le garde ici), dans ce cas la critique de Sokal et Bricmont (pour rappel : est reproché l'emploi de vocabulaire scientifique à l'extérieur de leur domaine classique d'utilisation, la philosophie, ce qui mène à l'énonciation de sens-sens) ne peut pas atteindre Deleuze. Mais bon, je demande à voir comment il arrive à substituer au concept de métaphore un concept de "compréhension à plat" utilisant une image. A mon avis c'est une tentative d'atteindre quelque chose de mystique, ou plutôt d'inexprimable de manière directe. Mais c'est illusoire...  
Cela m'évoque (à tord ou à raison?) le concept d'inframince de Marcel Duchamp (en gros le fossé entre l'objet et la représentation de l'objet) sauf qu'ici c'est le fossé entre le concept et l'image du concept, fossé que Deleuze voudrait saisir à travers l'image du concept, sans interprétation.
Enfin bref, au moins je comprend mieux comment Deleuze a pu écrire le passage cité dans Impostures Intellectuelles... Mais toujours à mon avis il était grave à côté de la plaque sur ce coup là.


Message édité par neojousous le 09-09-2006 à 15:17:40
n°9454028
pascal75
Posté le 09-09-2006 à 15:24:58  profilanswer
 

freaxinthenight a écrit :

C'est marrant, je ne suis -encore une fois- pas d'accord avec toi. Personnellement, j'ai vraiment une lecture des textes de l'Antichrist très affective, qui passe par ce côté "affinité élective", je ne suis pas du tout philosophe "dans l'esprit" et pourtant je sens ce que dit l'Antichrist; pour moi l'Antichrist est un représentant d'une pensée libertaire, par exemple, sa lecture de Nietszche "C’est pourquoi encore, loin de représenter une quelconque fin de l’évolution, qui ne serait rien d’autre qu’un nouvel effet des forces d’uniformisation, rien d’autre qu’une dernière et subtile victoire de l’instinct d’immobilisation qui a partout été la règle, le Surhomme est une simple direction, la visée indéterminée et indéterminable d’une continuation du jeu voulue par l’homme au moment même où le jeu menace de s’immobiliser définitivement." représente l'indétermination ou plutôt la signifie comme une puissance non encore déterminée par un ordre extérieur, (et non comme une négation stérile de l'ordre devant l'immaturité ou la vacuité de tel "adolescent" ou tel "paresseux" ), comme un possible au sens de l'"apeiron" grecque (notion pour penser le fond indéfini et indéterminé à partir duquel naît sans cesse l'infinité des êtres), et il le dit de manière fluide et très agréable à lire.  
En revanche c'est vrai qu'il parle de manière beaucoup plus neutre et schématique des auteurs qu'il aime moins...
Cette question de compréhension non-philosophique n'a pour moi rien à voir avec une histoire de spécialiste ou de non spécialiste, en fait. C'est une question très intime finalement, et qui dépend beaucoup des conditions dans lesquelles tu lis ou tu écoutes un discours. Pour qu'il y ait un passeur, il faut aussi des clandestins, pourchassés par la milice fasciste, ou un smasheur qui s'élève au-dessus du filet à 2m80 sous la menace d'un contre assassin.


Et bien moi je suis assez d'accord avec toi :D Il n'y a pas de lecture philosophique sans lecture des affects et des percepts qui vont avec les concepts, et évidemment qu'il y en a chez l'Antichrist. Je suis bien d'accord pour dire qu'à sa lecture on n'a pas l'impression de macher un vieux gateau sec, on ressent des choses même si on ne comprend pas tout, évidemment. C'est pas de ça dont il était question dans mes petites interventions successives (qui ne forment pas un tout cohérent, d'ou peut-être la difficulté à comprendre ce que j'ai voulu dire).  
Ce que je veux dire c'est que l'Antichrist fonctionne un peu à la vieille manière classique dans tout ce qu'elle a de belle et d'un peu implacable : on a le sentiment que pour lui tout passerait par les concepts, et il faudrait avoir tout lu, et emmagasiné la somme de concepts dont il dispose pour pouvoir se permettre de dire quelque chose ou de ressentir quelque chose de la philosophie. Je ne fais que rappeler, avec Rahsaan, qu'il y a des lectures que rendent possibles certains philosophes, qui passent aussi par les affects et les percepts, Deleuze cite en exemple "l'éthique" de Spinoza : il y a un niveau pour les philosophes "more geometrico" et une lecture non moins juste, celle du flot des scolies, moins conceptuelle, plus adaptée à une compréhension par affects et percepts. Il y a aussi ces deux niveaux de lecture chez Leibniz, "la monadologie" est un exemple de "vulgarisation" pour reprendre le mot cité plus haut, qui ne nous écroule pas sous une masse de concepts.
Toute la philosophie est faite de cette triade affects-percepts-concepts. Et même si la philo est le travail des concepts, les affects et les percepts sont là, et font partie du monde de chaque philosophe.


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°9456512
rahsaan
Posté le 09-09-2006 à 22:10:55  profilanswer
 

Comme le disait Pascal un peu plus haut, j'ai dû être imprécis concernant les affects/percepts/concepts sur un point : à savoir qu'on ne peut pas dire que Deleuze fasse découler les deux premiers du corps et les troisièmes de l'esprit. Corps / esprit, c'est un dualisme classique, du 17e siècle, que Spinoza traite à sa manière, mais qui n'est pas le problème posé par Deleuze. Mais il m'a semblé que c'était une manière commode d'expliquer les rapports des concepts avec les affects et percepts qui les accompagnent, et qui n'est pas non plus "fausse" comme explication. Seulement Deleuze ne s'exprimerait pas ainsi. ;)
 
>Pascal75 : j'ai feuilleté dans le bus le livre de Vincent Descombes, le Même et l'Autre - 45 ans de philosophie française (1933-1978).
 
Bon, j'admets que dans ces conditions, ma lecture n'est pas très attentive : cependant, rien qu'à le parcourir et à lire certains passages, je devine déjà le donneur de leçon de logiques à chaque ligne. Il accuse en gros l'ensemble des penseurs cités (les phénoménologues, les existentialistes, les structuralistes, les marxistes, les heideggeriens, les penseurs de mai 68...) d'avoir commis toutes les erreurs, d'avoir passé leur temps soit à se contredire soit à changer d'opinions, d'avoir tenté en vain de "renverser" la métaphysique et d'avoir engagé la pensée dans toutes les impasses possibles... bref Sartre, Derrida, Lyotard, Merleau-Ponty, Deleuze et Cie passent pour une bande de grands adolescents rebelles qui racontent n'importe quoi.  
Ce n'est jamais exposé clairement, mais on le devine aux façons de citer, aux remarques lancées ici et là, aux conclusions qu'il tire... Bref, on a l'impression d'un constat accablant sur l'état de la philosophie française.  
J'ai regardé d'un peu plus près ce qui concerne Deleuze : il lui cherche la petite bête en permanence, il veut démontrer ses contradictions, et ceci sous couvert d'en proposer un compte-rendu objectif. Il croit que Deleuze en appelle à de grands individus désirants capables de s'élever au-dessus de la masse des esclaves...  
Je n'ai même pas voulu continuer, tant ça semblait malveillant sous couvert de distance critique et d'évaluation prudente. Est-ce que ça valait la peine d'écrire un livre pour être si négatif, malgré la façade d'argumentation objective et honnête ?...  [:prodigy]

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Message édité par rahsaan le 09-09-2006 à 22:11:49

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°9458221
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 10-09-2006 à 04:18:03  profilanswer
 

Citation :

(vous avez manifestement toutes les peines du monde à "vivre" la pensée de Nietzsche, à dépasser le stade théorique de la discussion pour vous engager "physiquement" dans la pensée de l’éternel retour... laquelle inclut pourtant sa propre affirmation)


 
 
 
 
 Peut-on reprocher à quelqu'un de ne pas vivre "physiquement" l'Eternel Retour ?  
 
 Le pire, c'est que c'est exactement la remarque que je lui faisais dans le post, il comprenait l'Eternel Retour comme un concept métaphysique qui a pour rôle de remettre à zero l'état des forces pour les redistribuer de manière aléatoire sur le mode de la volonté de puissance, en oubliant que l'Eternel Retour est une épreuve de la pensée, la pensée la plus haute, un Stimmung qui a force de contrainte sur celui qui la subit au point de lui faire voir et sentir le monde de manière totalement différente. Dans son charabia sur l'absence de finalisme historique, sur le fait que le surhomme peut tout au plus être voulu tout en sachant que le hasard de la résultante des forces dans le monde est indéterminable, c'est justement à ce niveau que la pensée de l'Eternel Retour peut agir sur le devenir de l'homme. Ceux qui pourront vivre cette pensée continueront à vivre, les autres cesseront par eux-mêmes (non pas par le suicide, mais par une obédiance à une philosophie genre bouddiste à attendre le Nirvana) et alors seulement le type d'homme nouveau et affirmatif, non plus cette maladie de peau de la terre, prendra la place de l'homme tel que nous le connaissons.  
 
Deleuze a une manière de présenter les choses très intéressante : Au niveau pré-historique, il y a l'homme de type affirmatif, celui qui peut promettre, l'aristocrate. Au niveau historique, l'homme miné par la religion, par les prêtres qui dans leur volonté de prendre le dessus dans la société n'ont pu le faire que par des astuces rhétoriques, des méthodes grégaires, renversant les valeurs de l'ancienne aristocratie par un "non" qui est leur acte créateur, puis le post historique, cette période que Nietzsche appelle de ses voeux, où toute la période historique serait comme un long moment de gestation douloureuse, un mal nécessaire, mais pas au sens du moment négatif de la dialectique hégélienne, plutôt un hasard heureux, sans doute aidé par le philosophie de Nietzsche, mais peut-être pas. Le post-historique est l'entrée du surhomme. (je vois d'ici antichrist "mais jeune homme, toujours aussi confu, pour Nietzsche il ne peut y avoir de direction dans l'histoire, il en a retiré le finalisme, à quoi je répondrai surement  :o )  
 
 
Pour le reste, oui critique radical, c'est pas faux, immoralisme, polémique, Nietzsche ne semble pas verser dans la complaisance envers le christianisme, pourtant on peut trouver des passages où il devient plus nuancé. Il est comme l'homme voyant une région sinistrée qui est pourtant ému devant le grandiose du ravage démesuré.  Je n'ai pas réussi à retrouver le passage où Nietzsche parle avec ce sentiment des catastrophes de la religion chrétienne.  Ces passages s'en rapprochent :"Sommes toute, l'idéal ascétique et son culte moral sublime, cette systématisation génial, cynique et très dangereuse de tous les moyens capables de pousser les sentiments  à l'excès sous le couvert de buts sacrés, s'est inscrit d'une manière inoubliable et terrible dans toute l'histoire de l'homme;..." (La généalogie de la morale, p 172)
"Mais avec elle [la mauvaise conscience] est apparue la maladie la plus grave et la plus inquiétante, dont l'humanité n'est pas encore guérie, l'homme souffrant de l'homme, de soi-même : conséquence d'une séparation violente avec son passé animal, d'un saut, d'une chute dans un nouvel état, dans de nouvelles conditions d'existence, d'un déclaration de guerre contre les anciens instincts sur lesquels s'étaient appuyés jusqu'alors sa force, son plaisir et ce qu'il avait de redoutable. D'autre part, ajoutons-le tout de suite, avec ce fait d'une âme animale qui se tournait contre elle-même, quelque chose est apparu sur terre de si nouveau, si profon, si inouï, si mystérieux, si contradictoire et si prometteur pour l'avenir que l'aspect de la terre en fut foncièrement changé." (La généalogie de la morale, p 95)
 
 
Pour la mort de Dieu, je disais qu'il en existait une dizaine de version différente. Je vais m'expliquer parce que je subodore que l'Antichrist ne comprend pas de quoi je parle.  
 
Dire que la mort de Dieu signifie qu'il n'y a plus de finalisme dans l'histoire, c'est faire de Nietzsche un casseur de porte ouverte. Chez Nietzsche, la mort de Dieu prend plusieurs sens, selon le point de vue que Nietzsche désire prendre. Ainsi, on peut lire quelque part (Zarathoustra), que ce sont d'abord les dieux qui sont morts de rire en apprenant qu'il n'y avait qu'un seul Dieu. C'est évidemment (pas si évident que ça, à dire vrai) en relation avec la pluralisme essentielle à la philosophie de Nietzsche. Un Dieu unique, c'est l'unification d'une chose dans son essence, sa définition, qui est une et intemporelle, niant la pluralité des forces concurrantes et la perspective ou l'inteprétation qui cherche à s'emparer de la chose. Hegel compare le pluralisme des premiers pas de la philosophie à l'enfant balbutiant, les sophistes incapables de définir une chose de manière unique. Or, pour Nietzsche, la philosophie atteint sa véritable maturité dans le pluralisme.
 
Une autre version de la mort de Dieu se trouve dans la généalogie de la morale, la voici : Parlant de l'athéisme comme l'opposition à l'idéal ascétique, N. écrit :" il est bien plutôt l'une des dernières phases de son développement, l'un de ses formes finales et de ses conséquences internes, -il est la catastrophe majestueuse de deux mille ans de discipline en vue du vrai, qui finit par s'interdire le mensonge de la croyance en Dieu. Pour poser la question avec sérieux: qu'est ce qui a remporté la victoire sur le Dieu chrétien ? on trouve la réponse dans mon Gai Savoir, aphorisme 357 "C'est la moralité chrétienne elle-même, la notion de véracité prise dans un sens de plus en plus rigoureux, la subtilité de la conscience chrétienne développée par le confessionnal, traduite et sublimée en conscience scientifique, jusqu'à la netteté intellectuelle à tout prix. [...] Toutes les grandes choses périssent par elles-mêmes, par un acte d'autodestruction [...] C'est ainsi que le christianisme en tant que dogme a été ruiné par sa propre morale, c'est ainsi que le christianisme  doit maintenant aller à sa ruine aussi en tant que morale". Ici, c'est la notion de vérité forgée par la discipline chrétienne qui est à l'origine de la mort de Dieu.  
 
Une autre manifestation de la mort de Dieu, celle où l'homme renie Dieu car il a trop honte de lui même face à cet être qui le voit toujours, qui l'épie dans le moindre de ses mouvements. Une autre version se retrouve dans  l'Antichrist (le livre !), la mort de Dieu est organisé par Paul, pervers qui a falsifié le message de Jesus Christ en transformant une religion au gout bouddiste en religion universelle de la mauvaise conscience et du péché d'avoir tué Dieu que nous ne cessons de payer, dette infinie.  
 
 
Monsieur antichrist, j'aimerais qu'à l'avenir vous vous absteniez de distribuer vos commentaires désagréables. [edit] Merci.

Message cité 1 fois
Message édité par daniel_levrai le 10-09-2006 à 14:06:16
n°9458683
rahsaan
Posté le 10-09-2006 à 10:55:30  profilanswer
 

Il me semble que Daniel_Levrai cite des extraits tout à fait pertinents, d'autant plus intéressants que les éloges de Nietzsche sur la religion sont peu connus : la religion qui discipline, qui intensifie les forces, qui porte au sublime etc.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°9458806
rahsaan
Posté le 10-09-2006 à 11:21:16  profilanswer
 

Prolégomènes à tout message forumesque futur qui voudra se présenter comme réfléxion théorétique sur les rapports de la mémoire cérébrale et de la mémoire électronique.
 
Tout ça pour introduire une petite remarque que je me suis faite, l’autre jour, avec Pascal75. :D
Il y a quelques temps, j’ai posté sur ce topic un message à propos de Leopardi. Et l’autre jour, je me suis rendu compte que j’avais en gros oublié de quoi parlait ce texte. :D
Et c’est là que je me suis dit : vive le forum ! Et surtout : vive moi, Rahsaan, d’avoir posté ce message ! :sol: Parce qu’il me suffisait de relire mon texte pour retrouver que j’y abordais le rôle de l’illusion chez Leopardi.  
Donc la mémoire du serveur HFR avait servi d’extension de la mémoire de mon cerveau. Le stockage d’informations avait suppléé à ma propre mémoire. Si bien qu’il m’est possible d’oublier tranquillement ce que j’ai écrit, sachant que je le retrouverai plus tard.  
Vous me direz que c’est banal : oui mais pas tant que ça, car il ne s’agit pas que de stockage de données brutes (genre bilan comptable ou tableaux boursiers) mais de concept philosophique !  
C’est Nietzsche qui dit : j’écris pour pouvoir me débarrasser de mes pensées.  
C’est à dire pour les oublier et passer à autre chose.  
L’intérêt d’un forum, ça peut être ça : on écrit, et on se vide le cerveau de ce qu’on écrit, sachant que ça reste stocké dans une mémoire morte.  
Bien sûr, je pourrai continuer en disant qu’au fond, le cerveau fonctionne comme un ordinateur : mémoire vive pour la tâche qui nous occupe, mémoire morte pour les souvenirs… mais ce serait au fond banal et façon de parler, comme par métaphore. Considérer le vivant à partir de la machine, développer des théories cognitivistes, fonctionnalistes et autres du cerveau, bon ok…  
Mais il paraît plus intéressant d’envisager la machine à partir du vivant, comme une extension (inerte) du vivant (voir les recherches sur les prothèses, sur les robots…)
 
A côté de cela, on retrouve le problème que Heidegger place au cœur du monde contemporain : non seulement le règne de la spontanéité du sujet, mais aussi la manipulation généralisée de l’étant, interprété comme chose utile, à portée de main pour servir.  Que ce soit les ressources naturelles, la force humaine, sa mémoire restituée sous forme de données, les informations qu’il produit…  
Serait-ce l’annonce du règne de « l’homme mécanique aux parties remplaçables » dont parle Marinetti ?... L’informatique, dit Deleuze, est peut-être aujourd’hui l’une des machines abstraites de savoir dont s’est emparé l’Etat pour assurer son pouvoir…
 
Sur ce, bon dimanche à tous !  [:maestro]


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n°9458821
l'Antichri​st
Posté le 10-09-2006 à 11:22:56  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

Citation :

(vous avez manifestement toutes les peines du monde à "vivre" la pensée de Nietzsche, à dépasser le stade théorique de la discussion pour vous engager "physiquement" dans la pensée de l’éternel retour... laquelle inclut pourtant sa propre affirmation)


 
 
 
 
 Peut-on reprocher à quelqu'un de ne pas vivre "physiquement" l'Eternel Retour ?  
 
 Le pire, c'est que c'est exactement la remarque que je lui faisais dans le post, il comprenait l'Eternel Retour comme un concept métaphysique qui a pour rôle de remettre à zero l'état des forces pour les redistribuer de manière aléatoire sur le mode de la volonté de puissance, en oubliant que l'Eternel Retour est une épreuve de la pensée, la pensée la plus haute, un Stimmung qui a force de contrainte sur celui qui la subit au point de lui faire voir et sentir le monde de manière totalement différente. Dans son charabia sur l'absence de finalisme historique, sur le fait que le surhomme peut tout au plus être voulu tout en sachant que le hasard de la résultante des forces dans le monde est indéterminable, c'est justement à ce niveau que la pensée de l'Eternel Retour peut agir sur le devenir de l'homme. Ceux qui pourront vivre cette pensée continueront à vivre, les autres cesseront par eux-mêmes (non pas par le suicide, mais par une obédiance à une philosophie genre bouddiste à attendre le Nirvana) et alors seulement le type d'homme nouveau et affirmatif, non plus cette maladie de peau de la terre, prendra la place de l'homme tel que nous le connaissons.  
 
Deleuze a une manière de présenter les choses très intéressante : Au niveau pré-historique, il y a l'homme de type affirmatif, celui qui peut promettre, l'aristocrate. Au niveau historique, l'homme miné par la religion, par les prêtres qui dans leur volonté de prendre le dessus dans la société n'ont pu le faire que par des astuces rhétoriques, des méthodes grégaires, renversant les valeurs de l'ancienne aristocratie par un "non" qui est leur acte créateur, puis le post historique, cette période que Nietzsche appelle de ses voeux, où toute la période historique serait comme un long moment de gestation douloureuse, un mal nécessaire, mais pas au sens du moment négatif de la dialectique hégélienne, plutôt un hasard heureux, sans doute aidé par le philosophie de Nietzsche, mais peut-être pas. Le post-historique est l'entrée du surhomme. (je vois d'ici antichrist "mais jeune homme, toujours aussi confu, pour Nietzsche il ne peut y avoir de direction dans l'histoire, il en a retiré le finalisme, à quoi je répondrai surement  :o )  
 
 
Pour le reste, oui critique radical, c'est pas faux, immoralisme, polémique, Nietzsche ne semble pas verser dans la complaisance envers le christianisme, pourtant on peut trouver des passages où il devient plus nuancé. Il est comme l'homme voyant une région sinistrée qui est pourtant ému devant le grandiose du ravage démesuré.  Je n'ai pas réussi à retrouver le passage où Nietzsche parle avec ce sentiment des catastrophes de la religion chrétienne.  Ces passages s'en rapprochent :"Sommes toute, l'idéal ascétique et son culte moral sublime, cette systématisation génial, cynique et très dangereuse de tous les moyens capables de pousser les sentiments  à l'excès sous le couvert de buts sacrés, s'est inscrit d'une manière inoubliable et terrible dans toute l'histoire de l'homme;..." (La généalogie de la morale, p 172)
"Mais avec elle [la mauvaise conscience] est apparue la maladie la plus grave et la plus inquiétante, dont l'humanité n'est pas encore guérie, l'homme souffrant de l'homme, de soi-même : conséquence d'une séparation violente avec son passé animal, d'un saut, d'une chute dans un nouvel état, dans de nouvelles conditions d'existence, d'un déclaration de guerre contre les anciens instincts sur lesquels s'étaient appuyés jusqu'alors sa force, son plaisir et ce qu'il avait de redoutable. D'autre part, ajoutons-le tout de suite, avec ce fait d'une âme animale qui se tournait contre elle-même, quelque chose est apparu sur terre de si nouveau, si profon, si inouï, si mystérieux, si contradictoire et si prometteur pour l'avenir que l'aspect de la terre en fut foncièrement changé." (La généalogie de la morale, p 95)
 
 
Pour la mort de Dieu, je disais qu'il en existait une dizaine de version différente. Je vais m'expliquer parce que je subodore que l'Antichrist ne comprend pas de quoi je parle.  
 
Dire que la mort de Dieu signifie qu'il n'y a plus de finalisme dans l'histoire, c'est faire de Nietzsche un casseur de porte ouverte. Chez Nietzsche, la mort de Dieu prend plusieurs sens, selon le point de vue que Nietzsche désire prendre. Ainsi, on peut lire quelque part (Zarathoustra), que ce sont d'abord les dieux qui sont morts de rire en apprenant qu'il n'y avait qu'un seul Dieu. C'est évidemment (pas si évident que ça, à dire vrai) en relation avec la pluralisme essentielle à la philosophie de Nietzsche. Un Dieu unique, c'est l'unification d'une chose dans son essence, sa définition, qui est une et intemporelle, niant la pluralité des forces concurrantes et la perspective ou l'inteprétation qui cherche à s'emparer de la chose. Hegel compare le pluralisme des premiers pas de la philosophie à l'enfant balbutiant, les sophistes incapables de définir une chose de manière unique. Or, pour Nietzsche, la philosophie atteint sa véritable maturité dans le pluralisme.
 
Une autre version de la mort de Dieu se trouve dans la généalogie de la morale, la voici : Parlant de l'athéisme comme l'opposition à l'idéal ascétique, N. écrit :" il est bien plutôt l'une des dernières phases de son développement, l'un de ses formes finales et de ses conséquences internes, -il est la catastrophe majestueuse de deux mille ans de discipline en vue du vrai, qui finit par s'interdire le mensonge de la croyance en Dieu. Pour poser la question avec sérieux: qu'est ce qui a remporté la victoire sur le Dieu chrétien ? on trouve la réponse dans mon Gai Savoir, aphorisme 357 "C'est la moralité chrétienne elle-même, la notion de véracité prise dans un sens de plus en plus rigoureux, la subtilité de la conscience chrétienne développée par le confessionnal, traduite et sublimée en conscience scientifique, jusqu'à la netteté intellectuelle à tout prix. [...] Toutes les grandes choses périssent par elles-mêmes, par un acte d'autodestruction [...] C'est ainsi que le christianisme en tant que dogme a été ruiné par sa propre morale, c'est ainsi que le christianisme  doit maintenant aller à sa ruine aussi en tant que morale". Ici, c'est la notion de vérité forgée par la discipline chrétienne qui est à l'origine de la mort de Dieu.  
 
Une autre manifestation de la mort de Dieu, celle où l'homme renie Dieu car il a trop honte de lui même face à cet être qui le voit toujours, qui l'épie dans le moindre de ses mouvements. Une autre version se retrouve dans  l'Antichrist (le livre !), la mort de Dieu est organisé par Paul, pervers qui a falsifié le message de Jesus Christ en transformant une religion au gout bouddiste en religion universelle de la mauvaise conscience et du péché d'avoir tué Dieu que nous ne cessons de payer, dette infinie.  
 
 
Monsieur antichrist, j'aimerais qu'à l'avenir vous vous absteniez de distribuer vos commentaires désagréables. Je n'ai pas à être traité de cette manière par une personne incapable de prendre des notes correctement et ne sachant pas dissocier ce qui vient de son propre travail intellectuel de celui d'un philosophe comme Deleuze. Merci.


 
Bon, avant de revenir sur le texte de rahsaan, il me semblait opportun, pour répondre complètement à daniel_levrai, d’apporter deux approfondissements à mon précédent message, et la réponse que je viens de lire me conforte dans l’idée que cela s’avère vraiment nécessaire. Avant les critiques, je tiens quand même à remercier l’effort d’explication et de clarification : c’est la première fois (il me semble...) et cela mérite d’être souligné (à quels sacrifices ne faut-il pas consentir pour pousser les gens à faire de la philosophie !!!). Maintenant, pour parler brutalement, je vous reproche justement, depuis le début, de vous complaire dans un "pluralisme" dont vous affublez le malheureux Nietzsche malgré lui pour mieux laisser libre cours à votre vision "romantique" de sa philosophie (c’est un défaut que je constate souvent chez les débutants). Concrètement et dit simplement, vous ne comprenez pas vraiment Nietzsche parce que vous raisonnez "par petits bouts", de façon atomistique, vous allez chercher des aphorismes qui illustrent des bribes d’interprétations, des intuitions éparses (qui parfois trahisent la pensée de l'auteur, mais plus souvent encore font vous contredire ou pire, vous poussent à vous adapter au fur et à mesure aux propos de l'interlocuteur, à la va-vite et sans cohérence), en perdant complètement de vue l’essentiel, le caractère systématique de sa pensée (qui est celui de tout philosophe). C’est très exactement ce que vous faites avec le thème du "surhomme" et surtout avec la "mort de Dieu".
 
Interprétation romantique, disais-je : oui, parce que vous restez à l’évidence focalisé sur les variations de tons d’un texte souvent exalté ou imprécatoire ("Il est comme l’homme voyant une région sinistrée qui est pourtant ému devant le grandiose du ravage démesuré" ), par l’ambivalence des notions abordées ("on peut trouver des passages où il devient plus nuancé" ), par le langage essentiellement métaphorique qui laisse ouverte toutes les interprétations ("se sont d’abord les Dieux qui sont morts de rire..." ), et surtout par le thème, "nietzschéen" par excellence, de l’homme d’exception, l’individu solitaire, ignoré de la masse ignare, de la populace asservie à la soupe démocratique. Vous commettez une erreur fondamentale (souvent constatée chez les étudiants) qui est de confondre les "hommes supérieurs", ces individualités exceptionnelles, libérés de la morale (de type kantienne) et dont l’apparition témoigne de la bonne santé de la culture des peuples, mais que Nietzsche considèrent pourtant comme des "désespérés", des "ratés", et le "surhomme", l’enfant qu’attend Zarathoustra, lequel n’est plus, à proprement parler, un "type" d’homme (dont on pourrait constater l'existence), mais, je le répète, la direction indéterminée et indéterminable qui donne du sens au devenir humain.
 
Vous avez raison de distinguer l’idée du "surhomme" du terme inéluctable d’un mouvement dialectique de type hégélien, ce qui serait le confondre avec "l’homme" et revenir à un idéal chrétien lui-même expression de la longue histoire de la décadence. Vous avez raison de distinguer le surhomme de l’aristocrate des temps "pré-historiques", le "fauve blond" des peuples barbares dont le mode d’action, selon le schème créancier / débiteur que Nietzsche pose comme une constante universelle, est la vengeance comme restitution d’une puissance déséquilibrée ou entamée. Mais vous avez grand tort de suivre aveuglément Deleuze dans sa théorisation de l’homme supérieur, qui fait du surhomme un de ces hommes supérieurs, dégouté du nihilisme dans lequel il se sait lui-même englué ou le place comme son successeur direct : l’enfant de Zarathoustra doit "quitter sa caverne", non comme un "lion" (un maître), ni comme un "chameau" ou un "mouton" (des esclaves), ni même et peut-être surtout comme un "oiseau des mers" ("Alcyon" au chant fabuleux), mais comme la "vache multicolore", l’animal versatile d’une démocratie encore à inventer.
 
Car, vous ne comprenez pas que "le surhomme est le sens de la terre" (cf. Ainsi parlait Zarathoustra, Des trois métamorphoses). Sur ce point, Deleuze est dépassé : "L’homme est une corde tendue entre l’animal et le surhumain". Cette déclaration cruciale, Zarathoustra a choisi de la faire aux habitants de "la ville en lisière de forêt". Comme pour toutes les villes - réelles ou fictives - que l’on croise dans l’oeuvre de Nietzsche, il s’agit là une métaphore politique : c’est l’image d’un groupe humain et de son organisation. Qu’est-ce que l’homme ? Quels rapports entretient-il avec l’animal et avec le Surhumain ? Nietzsche pourrait-il souscrire à la définition aristotélicienne de l’homme comme "animal politique" ? Compte tenu de la phrase de Zarathoustra citée plus haut, poser cette question revient en fait à vérifier l’équation : "l’animal politique est une corde tendue entre la bête et le Surhumain". Elle signifierait que pour Nietzsche, c’est la politique qui relie la bête au Surhumain : on a déjà beaucoup disserté sur cette définition de la politique comme "Grande Politique", qui établit  les conditions selon lesquelles l’homme, qui est fait pour être dépassé par le surhumain, pourra l’être effectivement. Mais cette équation n’est vraie que si elle ne contredit pas l’exigence fondamentale de la Grande Politique : il faut que l’homme se délivre du ressentiment qu’il nourrit contre l’animal, c’est-à-dire contre le corps, qui est indissociable du ressentiment contre le devenir. Le surhomme n’a donc rien à voir avec ces utopistes rêvant de l’apparition d’une espèce biologiquement nouvelle, ni avec une idée directrice ou "régulatrice" déterminant un idéal individuel : au-delà de ces "heureux hasards", dont nous parle effectivement Nietzsche dans L’Antéchrist (cf. §. 3 et 4) et qui appartiennent encore au type de l’homme supérieur, il reste à vouloir une politique reposant, non sur l’éducation des masses, mais sur une sélection, sur un dressage de forces, de volonté de puissance capable de produire les types les plus élevés de l’humanité. Et cette éducation doit passer par des processus d’incorporation ne laissant aucune place au principe d’égalité fondé sur le dualisme de la "nature" et de la "culture", du corps et de l’esprit.
 
En effet, des premiers textes, d’inspiration schopenhauérienne, consacrés à la vision apollinienne, jusqu’aux aphorismes de 1881 en lesquels s’inscrit la révélation d’où naîtra le Zarathoustra, Nietzsche n’a jamais cessé de mettre en relation le dynamisme de la vie avec la puissance imaginante. Simplement, il a découvert peu à peu, en renaturalisant l’homme, que la fonction créatrice de l’imagination n’est pas le propre de notre espèce. La vie tout entière "imagine", c’est-à-dire produit des schèmes guidant son évolution ascendante, des images-projets qui mettent en œuvre des processus physico-chimiques encore inconnus à son époque (et que nous commençons à peine à découvrir) rapprochant peu à peu l’animal actuel de l’image à laquelle il veut s’identifier. Créer l’image du Surhomme, c’est donc se réinscrire dans le jeu de la vie, c’est rejoindre les forces affirmatives de la vie dans ce qu’elles ont de créateur, c’est se relier à l’énergie cosmique (Nietzsche précurseur de Bergson...). Un fragment non publié de 1882 nous propose cette étrange formule : "Le libre esprit en tant que l’homme le plus religieux qu’il y ait au monde." Qu’est la religion du libre esprit sinon le mythe du surhomme donnant sens à la Terre et reliant à nouveau l’individu savant au cosmos ? Les derniers écrits de Nietzsche, même si la violence de leur ton les éloigne du sens religieux qui a marqué l’ensemble de l’oeuvre, recèlent encore de nombreuses formulations qui font écho à ce sentiment. Nous pouvons lire dans la seconde dissertation de La Généalogie de la Morale : "Pour pouvoir ériger un sanctuaire, il faut briser un sanctuaire : c’est la loi" ? "Eriger un sanctuaire" : trois mots qui résument merveilleusement ce qui est en jeu dans la création de l’image du Surhumain ; image religieuse qui échappera inévitablement à son créateur, image qui engendrera une piété dont nul ne saurait dessiner exactement les contours. Peut-on jamais prévoir ce qu’abriteront les murs d’un sanctuaire ? Nous sommes bien loin de votre "mort de Dieu", même si tout cela n’a plus rien à voir avec le christianisme...
 
La "re-naturalisation" de l’homme signifie donc, d’une part, qu’après une longue période durant laquelle l’être humain a cru s’éloigner de la nature ou s’opposer à elle, il retrouvera un sentiment cosmique qui le réconciliera avec l’univers ; d’autre part, que la conscience, qui nous donne l’impression d’être face au monde, n’est qu’une étape de notre évolution, et que le surhomme atteindra une "innocence" ou une non-conscience qui, sans la moindre régression, donnera à celui qui en bénéficiera une plénitude aujourd’hui difficilement concevable. L’incorporation de l’atome humain au groupe est depuis longtemps (et sans doute depuis toujours) effectuée. Si le philosophe a raison de supposer que l’individu est une réalité postérieure et supérieure au groupe, quel que soit la taille de ce groupe, ce n’est pas avec d’autres atomes que la conscience individuelle doit fusionner, mais avec la nature. Alors que la conscience naïve nous éloigne de la nature par ses fantasmagories idéalistes, l’hyper-conscience des libres esprits, en se réappropriant les projections religieuses archaïques et en dé-divinisant la nature, contribue à replonger l’individu dans l’univers, à re-naturaliser l’homme. A condition qu’il se réapproprie aussi les projections de la science pour en faire le décor d’un nouveau jeu. La science, hyper-conscience de l’individu qui à la force de briser ses anciennes idoles, n’aura de sens que si elle incorpore le surhumain a la nature : si, au contraire, elle éloigne toujours davantage l’homme de l’univers en engendrant une sorte d’"homme théorique", asymptotique, un être contemplant froidement un univers-spectacle, elle n’aura été que le dernier acte d’une pièce absurde. Chez l’esprit libre, la conscience fait signe à la fois vers le passé d’une unité déjà accomplie et vers le futur d’une incorporation attendue.
 
Quoi qu’il en soit, le surhomme reste fondamentalement, au-delà du mythe, une figure de l’homme politique. Je vais devoir reprendre des passages déjà cités. Nietzsche, qui sait lire derrière les mots, voit très bien les implications idéologiques cachées de l'emploi du mot "politique". Qui dit politique dit morale. Ainsi, l'animal politique existe, mais c'est l'humain "trop humain", dressé (par la morale) à vivre en paix avec ses congénères. La morale est cet ensemble de règles, explicites ou non, qui consistent à empêcher que les forces antisociales et entropiques (l'individu, l'irrationnel, le devenir) ne ruinent l'ordre du groupe. Du coup, l'animal politique, produit moral, est un animal grégaire : il n'est pas l'homme que réclame Nietzsche, une "corde tendue entre l'animal et le surhumain". Mais, comme déjà dit, Nietzsche ne propose nullement comme alternative au troupeau un retour à l'animalité sauvage et à la barbarie irrationnelle. Nietzsche sait trop bien à quel point cette sauvagerie-là est elle-même une fiction inventée par l'esprit grégaire comme son envers et son double obscur. S'il utilise beaucoup d'images comme celles de la "brute blonde", c'est en tant que marteau, pour détruire la morale dominante. Il ne propose pas que l'homme régresse au singe et au tigre, mais au contraire qu'il vise le Surhumain. Or, le Surhumain est le produit d'une organisation, l'ultime qualité émergente de l'humanité : il ne peut advenir que là où des hommes sont assemblés et forment un tout organisé, et l'individualiste forcené est aussi loin du surhumain que le socialiste qui ne vit que par le groupe dont il fait partie. Le problème est que les motifs du rassemblement des hommes, historiquement, barrent la route au Surhumain. D'où la question cruciale : peut-il exister un type d'organisation des rapports humains qui ne soit pas moral ? C'est ce que Nietzsche cherche à travers l'utopie des Iles Fortunées. Il examine les sociétés passées, présentes, réelles ou possibles à l’aune de ce double critère : leur rapport à la nature (la forêt et la montagne) et la comparaison avec l’utopie des Iles Fortunées. L'aristocratie, qui construit sur une certaine idée de la hauteur, contribue certainement à l'avènement du surhumain. Mais elle ne sait pas rire, et refoule hors de l'espace civique l'animalité dionysiaque. Ces deux éléments sont repris par le cynique, qui est le premier à comprendre que la véritable surhumanité se trouve dans la transfiguration de l'animal et non dans son refoulement. Mais l'isolement rend fou, ou méchant, à la longue. Et, qui plus est, il éloigne du Surhumain, qui ne peut naître qu'en société. Ce qui ne veut pas dire pour autant que la démocratie moderne soit le régime le plus apte à en assurer la venue, bien au contraire : toute idée de hauteur y est abandonnée au profit de l'idée réductrice d'égalité (qui n'est qu'une égalité de calcul, mercantile et rationalisatrice). Et c'est là, dans ce régime nihiliste, que s'épanouit l'homme "trop humain", l'animal grégaire qui se dit et se fait politique pour se défendre des agressions de la nature, pour rejeter le cynique autant que l'aristocrate. Par conséquent, ce n'est certes pas en tant qu'animal politique que l'homme peut parvenir au surhumain. Mais peut-être, en revanche, en tant qu'animal astucieux. Astu, c'est la ville, mais simplement conçue comme lieu géographique dépouillé de toute référence à la loi, à la citoyenneté, bref comme une polis apolitique. Astu, c'est la Vache multicolore, qui est aussi une forme de démocratie. C'est une démocratie aristocratique et cynique, qui organise de manière subtile les rapports entre des individus solitaires, et entre la nature sauvage et les plus hauts aspects de la civilisation (l'art). Et tandis que les Iles Fortunées sont une utopie alcyonienne, où l'effort et le tragique n'existent pas, la Vache multicolore est un projet historique, une alternative possible à la démocratie moderne.
 
Pris dans votre logique romantique, vous avez beau parler de la mort de Dieu au pluriel ou expliquer "le sens" de la pensée de l’éternel retour, vous restez à l’extérieur, les mots ne sont pour vous que des coquilles vides et ainsi, vous ne pouvez faire autrement que révéler votre propre volonté de puissance nihiliste et votre culture "historique" avide de changement (bref, dans la terminologie de Nietzsche, vous êtes l’un de ces - trop - nombreux "ratés" de l’histoire !). Ce qui est symptomatique dans la partie de votre réponse consacrée à la pluralité des versions de la mort de Dieu, c’est que même en revenant aux textes, vous êtes contraint de répéter mon propos : antichristianisme ne signifie pas athéisme ce qui signifie bien que la critique de Nietzsche va au-delà de l’ambivalence du point de vue : elle est fondamentalement une critique du nihilisme sous toutes ses formes, celui-là même qui s'exprime dans la pensée du "surhomme" comme cet homme supérieur au sens chrétien ! Ainsi, en l’occurrence, c’est vous qui ne comprenez pas le sens du mot "radical" appliqué à l’antichristianisme de Nietzsche : rapportée à l’évolution de la volonté de puissance, à la multiplicité de ses ramifications et de ses configurations, cet antichristianisme ne dépend pas d’une idéologie du progrès, ce qui en ferait encore une interprétation théologique, mais constitue l’étude généalogique d’une chute ou d’une décadence généralisée, accumulée tout au long de l’histoire, l’analyse du développement ininterrompu du "nihilisme" à travers les âges et les cultures, c’est-à-dire l’histoire très ancienne et tragique d’une dépréciation de la vie et des idéaux forgés pour masquer cette dépréciation. Les expressions multiples du nihilisme sont toujours porteuses d’une énergie physique considérable, c’est-à-dire "réelle", matériellement quantitative (la force opérante tend à l’accroissement qui sera puissance, ce qui fait que la valeur n’est autre que le quantum le plus élevé de puissance qu’un homme puisse s’incorporer), mais elles renvoient toutes au renversement de la logique de la dette, et de la vengeance qu’elle entraine, en une logique du ressentiment, comme vengeance sublimée. La généalogie de Nietzsche remonte à l’archè et découvre ce qui était recouvert, c’est-à-dire l’histoire réelle de la pratique et du sens, pose les questions de la provenance. Ainsi, le nihilisme, avec ses formes multiples, correspond à la victoire, à la résurrection des esclaves et se trouve au principe même de la morale, celle-là même dont le "vieux" Kant cherchera à formaliser le fondement en définissant la valeur comme expression de la loi morale universelle, c'est-à-dire à partir de la pureté de l'intention. Comme histoire du ressentiment, le nihilisme est au fondement du socratisme, du platonisme, du kantisme, etc..., du christianisme donc, y compris celui, non-avoué, des "libres-penseurs", des "démocrates", des "socialistes", tous ceux qui croient au "progrès"... Le nihilisme est partout, il est co-extensif à toute activité humaine, à toutes les formes de culture... C'est donc dans l'optique d'une physique de la puissance qu'il faut aborder les "évaluations " de Nietzsche : "Les jugements de valeur de l'aristocratie guerrière ont pour condition une corporéité puissante, une santé florissante, riche, débordante, avec tout ce qui contribue à l'entretenir, la guerre, l'aventure, la chasse, la danse, les jeux de combat et en général tout ce qui contient en soi d'activité robuste, libre et joyeuse." A la vengeance physique de ces guerriers, Nietzsche oppose la vengeance par l'intellect de l'évaluation sacerdotale, qu'il attribue au peuple des Juifs asservis par les Romains (cf. Généalogie de la morale, 1ère dissertation, VII). L'amour chrétien a été le produit de la vengeance par transfert des Juifs contre les Romains. Ainsi le ressentiment devint-il créateur, en tant qu'il accomplit une "vengeance imaginaire" en se retournant en son contraire. Il faut voir que la haine rentrée, dont l'action directe serait la vengeance, s'est transformée, par une alchimie des sentiments, en un amour chrétien, qui est le fruit élaboré du ressentiment, c'est-à-dire de l'action directe impossible. A la capacité d'oubli, force de l'âme, se mêle la capacité de promettre, de contracter et, par là, de s'évaluer soi-même, mais comme l'effet d'un travail de souffrances : "Ce ne fut jamais sans supplices, sans martyres ni sans sacrifices, que l'homme jugea nécessaire de se créer une mémoire". Or, le rapport contractuel le plus ancien est, nous dit Nietzsche, le rapport créancier / débiteur, fondé sur "l'idée que tout dommage doit avoir de quelque façon son équivalent et doit pouvoir être réellement compensé, fût-ce même par une douteur infligée à son auteur". Et tout ce que, depuis, on a appelé "faute", "conscience", "devoir", repose sur cette obligation de la promesse et sur ce nécessaire accompagnement de la cruauté. Telle est l'origine de la plus haute moralité. Alors que désormais la souffrance révolte, on l'admet cependant encore si on lui attribue un sens religieux, selon une logique ancienne des sentiments qui professe : "Tout mal est justifié, dont la vue édifie un dieu" : le "spectateur" divin est le créancier envers qui l'homme paie ses dettes de souffrance et qui se complaît dans la scopie du sacrifice. Le christianisme renversa cette logique en faisant du créancier le rédempteur : "Dieu lui-même s'offrant en sacrifice pour payer la dette de l'homme, Dieu se faisant payer lui-même par lui-même, Dieu comme étant le seul qui puisse racheter ce qui pour l'homme méme est devenu irrémissible - le créancier se sacrifiant pour son débiteur, par amour (le croirait-on?), par amour de son débiteur !..."


Message édité par l'Antichrist le 11-09-2006 à 05:42:00
n°9459874
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 10-09-2006 à 13:40:55  profilanswer
 

D'abord, je tiens à vous remercier de ne pas m'avoir agressé dans ce dernier post. Soit dit en passant, je comprends votre réaction à mon égard à la suite de mon message sur Sartre qui le traitait de façon définitive.
 
Je voudrais ajouter une chose, le livre de Deleuze "Nietzsche et la philosophie", se veut justement un effort de rendre compte du côté systématique de la pensée de Nietzsche, cette différence entre les hommes supérieurs et le surhomme, Deleuze la connait bien sûr. Je crois qu'il en parle dans la quatrième partie de son livre, mettant en rapport l'homme supérieur qui sanctifie l'âne, l'animal qui dit hi-ha, qui accepte les valeurs sans jamais les révoquer.  
En relation avec cette idée qu'il faut préparer l'apparition du surhomme par une grande politique, je conseille la lecture de Peter Sloterdijk "Règles pour le parc humain" et "la domestication de l'Etre".
 
Personnellement, je dois avouer que cette lecture systématique de Nietzsche ne m'intéresse pas vraiment. Beaucoup s'y sont essayé, que ce soit Heidegger ou Deleuze, pour finalement se casser les dents sur la labilité des écrits de Nietzsche. J'ai beau lire Nietzsche à l'aune de ces lectures de grands noms de la philosophie, me dire qu'il y a une rigueur parfaite qui permettrait d'agencer chaque aphorisme dans l'ordre du discours nietzschéen qui serait la matrice de l'ensemble de son oeuvre, je reste toujours circonspect. Je préfère nettement la manière dont Michel Foucault approche Nietzsche. Lorsque celui-ci s'intéresse à l'arrière-plan social du processus de la connaissance au sein d'une société donnée, paramètre qu'il avait délaissé pour étudier de manière exclusive l'écrit et les formes du savoir pour en déchiffrer l'archéologie qui permettrait d'en retirer des règles régissant l'epistémé d'une période de l'histoire, à partir de "Surveiller et punir", Foucault découvre en Nietzsche un matériel d'analyse particulièrement efficace pour l'étude du pouvoir. Les passages que vous avez pris chez Deleuze sont très critiqués, notament par l'entourage direct de Foucault qui travaillait avec lui au Collège de France. Il n'y a vraisemblablement pas eu chez Foucault une philosophie d'inspiration nietzschéenne tenue secrète, un sous-bassement structurant ses études sur la prison ou sur le biopouvoir. Foucault s'est borné à trouver un matériel d'analyse qui, au moment où il allait s'engager sur le terrain du pouvoir, donnait une nouvelle voie à son travail, le permettant de passer outre le marxisme et l'école critique de Francfort, alors incontournables. Mais une fois son apparât théorique mis au point, il pouvait facilement se désolidariser de Nietzsche, il n'a jamais été question pour lui de prier l'Eternel Retour du même soir et matin et de penser à la manière dont le surhomme pourrait sauver la terre.
 
 
Sur la vision romantique : vous avez raison, il faut absolument éviter une approche mièvre, telle que celle d'andré Gide ou Paul Valéry. Il faut prendre Nietzsche comme un penseur de tout premier ordre, dont le niveau conceptuel est à la hauteur d'un Kant ou d'un Hegel. Vous me reprochez de pratiquer cette approche. Sans doute parce que j'ai parfois, comme diraient Baptiste R et Rahsaan, une compréhension non-philosophique de la philosophie qui fonctionne par affects et "percepts" (je n'ai toujours pas compris ce mot en fait). Mais peut-on vraiment lire Nietzsche sans affects ? Un de mes amis a eu la chance de rencontrer Pierre Klossowski, peu avant son décès. Ce penseur et écrivain français vivait la philosophie de Nietzsche, voulait la penser jusqu'à ses dernières conséquences. Je vous conseille vivement "Nietzsche et le cercle vicieux", récemment réédité, m'a-t-on dit, chez Mercure de France. Pierre Klossowski avait des absences lorsque mon ami lui parlait. Alors, il se mettait à parler de l'Eternel Retour, car pour Klossowski, cette pensée, cette "haute tonalité de l'âme", il la vivait à chaque moment, chaque moment devait de son existence devait avoir son "poids", qu'il devait accepter et affirmer.  
Ce cas extrème de ferveur nietzschéenne, excusez-moi de ne pas la faire mienne. Je suis démocrate, je vote souvent socialiste, j'aime les moutons et les prêtres. Je me fiche éperduement de l'avènement du surhomme et l'Eternel retour qui, à mon sens, est une théorie tout aussi discutable que celle de Hawkins sur l'existence d'une infinité d'univers séparés par des distances infinies. Ma lecture de Nietzsche était particulièrement intense à un moment de ma vie, sans doute pour son radicalisme et l'énergie de son style et je garde toujours quelque chose de cette première lecture, par affects.  Depuis lors, j'ai trouvé des penseurs plus intéressants, et puis tout ces gens qui ont trouvé le mot de la fin dans leur philosophie, qui nous parle de l'alpha et de l'oméga, de l'origine du monde et de sa fin, n'est-ce pas foncièrement ennuyeux ?
 
Encore une chose, sur la pluralité des morts de Dieu, je maintiens que Nietzsche a décliné la mort de Dieu une dizaine de fois, chaque fois différente, faisait écho à son pluralisme essentiel.

Message cité 1 fois
Message édité par daniel_levrai le 10-09-2006 à 14:13:56
n°9460082
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 10-09-2006 à 14:15:40  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Prolégomènes à tout message forumesque futur qui voudra se présenter comme réfléxion théorétique sur les rapports de la mémoire cérébrale et de la mémoire électronique.
 


 
 
En somme tu viens de découvrir que l'informatique sert aussi de pense-bête  :sarcastic:

n°9461705
rahsaan
Posté le 10-09-2006 à 18:10:02  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

En somme tu viens de découvrir que l'informatique sert aussi de pense-bête  :sarcastic:


 
Ha ha ! moque-toi donc !  :o  
Je dis précisément qu'il ne s'agit pas que de bête stockage de données, d'une fonction d'aide-mémoire.  
Ce ne serait pas non plus l'idée d'une intelligence artificielle, ou d'Internet comme réserve de savoir, encyclopédie mondiale, ressource infinie de connaissances.  
Là il s'agit de dire que penser aide à oublier, qu'on pense non pas pour mieux connaître mais pour pouvoir oublier et qu'Internet peut devenir une sorte d'annexe du cerveau, non en tant qu'il connait, mais qu'il pense ! :o
Et ce n'est pas valable que pour moi en rapports avec mes messages : par exemple, ce topic permet de retrouver des textes parfois vraiment passionnants, de reprendre le fil d'une pensée.  
C'est bien du rapport pensée / mémoire dont il s'agit.  
Se souvenir, ce n'est pas pensée, mais parfois, il faut se souvenir de ce qu'a dit quelqu'un pour ré-enclencher la petite mécanique de la pensée. :)


Message édité par rahsaan le 10-09-2006 à 18:12:12

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°9461778
l'Antichri​st
Posté le 10-09-2006 à 18:27:33  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

D'abord, je tiens à vous remercier de ne pas m'avoir agressé dans ce dernier post. Soit dit en passant, je comprends votre réaction à mon égard à la suite de mon message sur Sartre qui le traitait de façon définitive.
 
Je voudrais ajouter une chose, le livre de Deleuze "Nietzsche et la philosophie", se veut justement un effort de rendre compte du côté systématique de la pensée de Nietzsche, cette différence entre les hommes supérieurs et le surhomme, Deleuze la connait bien sûr. Je crois qu'il en parle dans la quatrième partie de son livre, mettant en rapport l'homme supérieur qui sanctifie l'âne, l'animal qui dit hi-ha, qui accepte les valeurs sans jamais les révoquer.  
En relation avec cette idée qu'il faut préparer l'apparition du surhomme par une grande politique, je conseille la lecture de Peter Sloterdijk "Règles pour le parc humain" et "la domestication de l'Etre".
 
Personnellement, je dois avouer que cette lecture systématique de Nietzsche ne m'intéresse pas vraiment. Beaucoup s'y sont essayé, que ce soit Heidegger ou Deleuze, pour finalement se casser les dents sur la labilité des écrits de Nietzsche. J'ai beau lire Nietzsche à l'aune de ces lectures de grands noms de la philosophie, me dire qu'il y a une rigueur parfaite qui permettrait d'agencer chaque aphorisme dans l'ordre du discours nietzschéen qui serait la matrice de l'ensemble de son oeuvre, je reste toujours circonspect. Je préfère nettement la manière dont Michel Foucault approche Nietzsche. Lorsque celui-ci s'intéresse à l'arrière-plan social du processus de la connaissance au sein d'une société donnée, paramètre qu'il avait délaissé pour étudier de manière exclusive l'écrit et les formes du savoir pour en déchiffrer l'archéologie qui permettrait d'en retirer des règles régissant l'epistémé d'une période de l'histoire, à partir de "Surveiller et punir", Foucault découvre en Nietzsche un matériel d'analyse particulièrement efficace pour l'étude du pouvoir. Les passages que vous avez pris chez Deleuze sont très critiqués, notament par l'entourage direct de Foucault qui travaillait avec lui au Collège de France. Il n'y a vraisemblablement pas eu chez Foucault une philosophie d'inspiration nietzschéenne tenue secrète, un sous-bassement structurant ses études sur la prison ou sur le biopouvoir. Foucault s'est borné à trouver un matériel d'analyse qui, au moment où il allait s'engager sur le terrain du pouvoir, donnait une nouvelle voie à son travail, le permettant de passer outre le marxisme et l'école critique de Francfort, alors incontournables. Mais une fois son apparât théorique mis au point, il pouvait facilement se désolidariser de Nietzsche, il n'a jamais été question pour lui de prier l'Eternel Retour du même soir et matin et de penser à la manière dont le surhomme pourrait sauver la terre.
 
 
Sur la vision romantique : vous avez raison, il faut absolument éviter une approche mièvre, telle que celle d'andré Gide ou Paul Valéry. Il faut prendre Nietzsche comme un penseur de tout premier ordre, dont le niveau conceptuel est à la hauteur d'un Kant ou d'un Hegel. Vous me reprochez de pratiquer cette approche. Sans doute parce que j'ai parfois, comme diraient Baptiste R et Rahsaan, une compréhension non-philosophique de la philosophie qui fonctionne par affects et "percepts" (je n'ai toujours pas compris ce mot en fait). Mais peut-on vraiment lire Nietzsche sans affects ? Un de mes amis a eu la chance de rencontrer Pierre Klossowski, peu avant son décès. Ce penseur et écrivain français vivait la philosophie de Nietzsche, voulait la penser jusqu'à ses dernières conséquences. Je vous conseille vivement "Nietzsche et le cercle vicieux", récemment réédité, m'a-t-on dit, chez Mercure de France. Pierre Klossowski avait des absences lorsque mon ami lui parlait. Alors, il se mettait à parler de l'Eternel Retour, car pour Klossowski, cette pensée, cette "haute tonalité de l'âme", il la vivait à chaque moment, chaque moment devait de son existence devait avoir son "poids", qu'il devait accepter et affirmer.  
Ce cas extrème de ferveur nietzschéenne, excusez-moi de ne pas la faire mienne. Je suis démocrate, je vote souvent socialiste, j'aime les moutons et les prêtres. Je me fiche éperduement de l'avènement du surhomme et l'Eternel retour qui, à mon sens, est une théorie tout aussi discutable que celle de Hawkins sur l'existence d'une infinité d'univers séparés par des distances infinies. Ma lecture de Nietzsche était particulièrement intense à un moment de ma vie, sans doute pour son radicalisme et l'énergie de son style et je garde toujours quelque chose de cette première lecture, par affects.  Depuis lors, j'ai trouvé des penseurs plus intéressants, et puis tout ces gens qui ont trouvé le mot de la fin dans leur philosophie, qui nous parle de l'alpha et de l'oméga, de l'origine du monde et de sa fin, n'est-ce pas foncièrement ennuyeux ?
 
Encore une chose, sur la pluralité des morts de Dieu, je maintiens que Nietzsche a décliné la mort de Dieu une dizaine de fois, chaque fois différente, faisait écho à son pluralisme essentiel.


 
Très intéressant ! Sur le cas de Foucault, je suis assez d'accord avec vous... finalement.

n°9462323
rahsaan
Posté le 10-09-2006 à 20:06:34  profilanswer
 

>Daniel_Levrai : tu dis ne pas saisir ce qu'est un percept, mais ce n'est pas plus difficile à saisir qu'un affect en réalité. `
Spinoza dit que tout corps a un pouvoir d'affecter et d'être affecté.
Donc une affection est l'effet de l'action d'un corps sur un autre.  
Le soleil bronze ma peau, c'est une affection. Je modèle la pâte, c'est moi qui affecte.  
Maintenant un affect se distingue en droit d'une affection, en ce qu'il survit à l'individu qui le ressent, parce qu'il le dépasse et devient universel.  
Le percept est exactement pareil.  
Je perçois les fleurs dans un vase : cette perception cesse quand je m'en vais m'occuper d'autre chose.  
Mais Van Gogh peint les tournesols, Poussin le soleil couchant, Vermeer un intérieur hollandais : les peintres meurent et leurs percepts restent.
 
Le percept est optique, l'affect est haptique. Le percept est une puissance du regard, l'affect une puissance de la peau, du ressenti. L'affect est contact épidermique, le percept contact à distance (visuel).  
Je sais qu'Aristote et Husserl se sont intéressés à ce rapport entre le contact cutané et le contact visuel, la vue étant en fait pensé à partir du toucher, comme un toucher à distance. Ce qui est premier en droit, c'est le contact charnel. Ce qui vient ensuite, comme éloignement, c'est le contact visuel, toujours à distance (d'où découle l'attitude théorique face à un objet qui se tient là devant moi, sous ma surveillance attentive).  
 
Moi non plus je ne crois pas aux lectures systématiques tentées par Heidegger (qui fait à tort de Nietzsche un métaphysicien de la multiplicité sensible) ou de Deleuze (qui veut bâtir absolument un système de la Volonté de Puissance, du Surhomme et de l'Eternel Retour).  
En revanche, les lecture de Patrick Wotling, Eric Blondel, Barbara Stiegler ou Yannis Constantidinès me semblent bien plus pertinentes, bien plus fines et attentives aux subtilités infinies du texte de Nietzsche.  
La réception de Nietzsche au 20ème siècle aurait ainsi comme une Histoire, qui commencerait avec l'âge néanderthalien (Gide et Valéry, avec leurs esprits vieillots de barbons de IIIe République), l'age néolithique (Heidegger pour qui Nietzsche est le stade ultime du nihilisme), la période médiévale (rigueur conceptuelle systématique de Deleuze, comprenant enfin l'aspect de subversion dangereuse de N. ) et enfin la période moderne (Nietzsche, penseur de la civilisation et du jeu dangereux du hasard). Attendons maintenant de découvrir ce qu'en dira le siècle à venir ! :D

Message cité 2 fois
Message édité par rahsaan le 10-09-2006 à 20:11:56

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°9466724
phyllo
scopus inornatus
Posté le 11-09-2006 à 11:31:39  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


Le percept est optique, l'affect est haptique. Le percept est une puissance du regard, l'affect une puissance de la peau, du ressenti. L'affect est contact épidermique, le percept contact à distance (visuel).  
Je sais qu'Aristote et Husserl se sont intéressés à ce rapport entre le contact cutané et le contact visuel, la vue étant en fait pensé à partir du toucher, comme un toucher à distance. Ce qui est premier en droit, c'est le contact charnel. Ce qui vient ensuite, comme éloignement, c'est le contact visuel, toujours à distance (d'où découle l'attitude théorique face à un objet qui se tient là devant moi, sous ma surveillance attentive).  


 
Je suis assez surpris de cette distinction (entre percept=>vue et affect=>toucher).
 
C'est oublier l'ouie, le goût et l'odorat qui deviennent des parents pauvres de la pensée. Il me semblait que le percept était attaché à toute forme de perception sensoriel (ce qui devrait être un pléonasme), çàd au cinq sens pour nous ou éventuellement à des sens supplémentaires pour qui en est pourvu (je pense à certaines espèces animales).
 
Quant à l'affect, du coup, il n'est plus simplement tactile, il est plutôt une composition de percepts (qui provoque une variation de la puissance d'agir chez Spinoza).

n°9473218
Lampedusa
Posté le 12-09-2006 à 01:50:43  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

>
 
(Gide et Valéry, avec leurs esprits vieillots de barbons de IIIe République)


M. Teste, un esprit veillot et barbon IIIe république ?!
Tu rigoles...


Message édité par Lampedusa le 16-09-2006 à 01:41:44
n°9478024
rahsaan
Posté le 12-09-2006 à 17:30:55  profilanswer
 

>phyllo : d'accord pour dire que le percept n'est pas limité à la vue. :)
Mais je ne pense pas que l'affect soit une composition de percept.  
Tu as raison plutôt de dire que c'est ce qui provoque un changement de notre puissance d'agir. Mais cela, ce serait l'affection.  
Et l'affect est une affection qui va au-delà de l'individu. Ainsi, la fêlure de Fitzgerald ou l'épuisement chez Beckett...

n°9479106
phyllo
scopus inornatus
Posté le 12-09-2006 à 19:42:17  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

>phyllo : d'accord pour dire que le percept n'est pas limité à la vue. :)
Mais je ne pense pas que l'affect soit une composition de percept.  
Tu as raison plutôt de dire que c'est ce qui provoque un changement de notre puissance d'agir. Mais cela, ce serait l'affection.  


 
Je crois que ce qu'il y a en plus de l'affection dans l'affect, c'est l'idée de l'affection. (J'ai menti en fait, ce n'est pas exactement ce que je crois, plus précisément, c'est ce que Spinoza écrit : "J'entends par Affect les affections du corps par lesquelles sa puissance d'agir est accrue ou réduite, secondée ou réprimée, et en même temps que ces affections, leur idées" Eth III, déf 3).
 
Du coup effectivement, un affect est loin d'être une composition de percept. C'est plutôt antérieur ou sur un autre registre.
 
Et donc, c'est bien une affection donnée qui est subjective (un rapport entre un corps affectant et un corps affecté) alors que le percept gagne un niveau d'abstraction. En tout cas autant l'affect que le percept peut être optique, haptique, sonore, gustatif, odorant (et j'en passe).
 
 

n°9479865
Baptiste R
Posté le 12-09-2006 à 20:55:34  profilanswer
 

Citation :

haptique


Moi je dis : tactile c'est un très joli mot.

n°9483005
Lampedusa
Posté le 13-09-2006 à 02:40:36  profilanswer
 

Baptiste R a écrit :

Citation :

haptique


Moi je dis : tactile c'est un très joli mot.


Si déjà tu fais dans la délicatesse, nuançons:
Tu dis que tu trouves que "tactile" est un très joli mot?
ou
Tu dis (et affirmes) que « "tactile" est un très joli mot »?
 
Sur le fond, et quel que soit celui de ta pensée, je suis d'accord: "haptique" est à chier, les mecs.
A ce train, nous aurons bientôt "hapticité" pour "toucher", imaginez: "une hapticité vaginale"...
 
(Ouais ouais, mais fallait absolument que je remplisse du vide.)


Message édité par Lampedusa le 13-09-2006 à 02:52:19
n°9486082
neojousous
Posté le 13-09-2006 à 15:05:44  profilanswer
 

:lol:  
 
Pour vous faire saliver, la liste de mes cours du semestre :
Histoire de la philo antique
Histoire de la philo moderne
Philo générale (espérons que ça sera mieux que l'année dernière)
Philosophie des sciences
Philosophie du langage
Chimie organique
Relativité
Histoire de la physique moderne (19-20ème siècle)
Ondes et particules
 
Pas de math pour moi cette année (ou peut-être au second semestre) ! ça va faire du bien... et cette année j'ai réussi à gérer toutes ces matières sans chevauchement. :D

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