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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
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2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
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3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
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10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°9267930
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 15:53:05  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Peux-tu préciser ton emploi de la notion de "besoin vital" ? N'empeche-elle pas toute possibilité de sortie du réactif et de l'utilitaire (puisque j'aurais beau dire, mes belles idées ne seront jamais que l'expression de petits besoin irépressibles) ?
Et conséquemment, cette perspective ne risque-t-elle pas de tourner en chasse mesquine et pessimiste au réactif et au ressentiment (tu n'est que ça, avoue), puisque nous n'aurons pas les moyens conceptuels de discerner le bon du mauvais, de comprendre le puissant quand nous le verrons ?


Message édité par Baptiste R le 21-08-2006 à 15:54:17
mood
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Posté le 21-08-2006 à 15:53:05  profilanswer
 

n°9267932
rahsaan
Posté le 21-08-2006 à 15:53:10  profilanswer
 

> Mine et Baptiste : Quand Nietzsche propose cette réduction (du contenu manifeste aux besoins vitaux), son problème est de montrer que le monde est volonté de puissance et rien de plus, et rien de moins, c'est à dire que tout discours peut être lu comme l'expression de cette Wille zur Macht.  
Et pour jouer le jeu de la vie, il faut se défaire du besoin absolu d'exprimer une vision du monde, qui n'est jamais qu'une perspective particulière, parmi d'autres. Mais nous nous trouvons devant l'infinité possible des perspectives sur le monde. Et quand un philosophe pose ou ou des problèmes, il se confronte au caractère problématique de la vie : bref, il nous dit comment il a vécu la vie. Vivre, c'est se confronter à des problèmes.  
Impossible de vivre sans s'orienter dans le monde fluctuant de la vie, donc sans limiter la vie pour la rendre vivable. Mais adoucissant la vie, nous nous en séparons et nous finissons par nous enfermer dans nos besoins, par être prisonniers de nos convictions.  
 
Et parce que je n'arrive pas à exprimer correctement ce que je voudrais dire, je me permets de re-citer un passage de cet excellent post, bien plus clair que les miens http://forum.hardware.fr/hardwaref [...] m#t7536462 :
 

Citation :

Nietzsche ne doit pas se lire autrement: il ne prétend pas livrer une vérité clé en main qu'il a découvert dans le le lieu des Idées. Il conçoit sa philosophie comme une interprétation de la réalité qui ouvre un point de vue radicalement nouveau. Nietzsche sans doute conçoit la "vérité" comme un paysage: il ne faut pas se contenter d'un angle de vue, il faut avoir assez de force pour bouger, changer de point de vue afin de profiter de toute la richesse du paysage.  
La philosophie nietzschéenne est donc une machine à briser les certitudes afin d'inciter à la mobilité: ne jamais se laisser dominer par UNE "vérité" soi-disant démontrée, mais toujours dominer ses "verités" afin de toujours rester indépendant et ouvert à de nouvelles "vérités"... La philosophie de Nietzsche n'est donc qu'un tremplin vers de nouvelles connaissances.


 
Si bien que N. ne dit pas : Kant avait tort, moi j'ai raison.  
Il dirait juste : Kant avait tort de croire que nous avions besoin du Moi, du Monde et de Dieu pour penser. La philosophe n'a pas à demeurer prisonnière de nos besoins habituels, empiriques.  
Les problèmes posés par Kant sont valables, mais le philosophe doit être assez fort pour n'avoir pas même besoin de sa philosophie. Elle doit provenir du surplus de vie, de l'excès, pas du manque ou du besoin : elle n'est pas spéculation indispensable mais gai savoir. ;)


Message édité par rahsaan le 21-08-2006 à 15:56:27
n°9267995
rahsaan
Posté le 21-08-2006 à 15:58:23  profilanswer
 

J'ajoute que tout "besoin" n'est pas nécessairement mesquin. Cette tirade sur les récriminations quotidiennes était annexe. :o

n°9268017
neojousous
Posté le 21-08-2006 à 16:00:10  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

>Neos : je pense que tu es passé complétement à côté de l'ABCDaire, qui est passionnant : un condensé de toute la vie et la pensée d'un grand homme, au sommet de la maîtrise de son oeuvre, léguée à la postérité. Un exercice magnifique, lucide, qui donne envie d'y croire et de se battre pour la philo !  
 
Quant à Sartre, moi je vois le lien : sa vie et sa pensée sont aussi sales l'une que l'autre ! :D


 
Ouai bah le début n'est que fadaises. Quelqu'un de moins connu aurait dit ça, tout le monde se serait bien marré. Je dis pas que ya pas quelques trucs intéressants derrière, mais voilà comme dit baptiste R, ça ne me plait pas des masses. (j'ai lu quelques cours de Deleuze sur Spinoza que j'ai adoré par contre).
Soulseek pour les émissions de France Culture c'est top :D

n°9268104
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 16:08:52  profilanswer
 

Citation :

Quelqu'un de moins connu aurait dit ça, tout le monde se serait bien marré.


Moi je me suis bien marré. :-) C'est une question de style et de charme, et d'amour de ceux-ci (qui conviennent ou pas à chacun, doit y avoir une incompatibilité des vitesses et des lenteurs kek'part :gratgrat:). Quand il dit "je n'aime pas les frotteurs", je trouve ça très drôle, très énigmatique, très beau. Il ne nous dit pas pourquoi, pas plus qu'il ne s'explique quand il dit "dix huit ans ? horreur !"à propos de la durée de vie des chats et de Spinoza, mais on comprend d'une certaine manière, il y a quelque chose qui passe (ce n'est pas un simple effet comique).
 
Une piste : Portrait oratoire de Gilles Deleuze, aux PUF.
 
@Rahsaan : reçu.


Message édité par Baptiste R le 21-08-2006 à 16:15:21
n°9268471
neojousous
Posté le 21-08-2006 à 16:39:34  profilanswer
 

Comment tu sais qu'il y une différence entre ce qu'il dit, et du n'importe quoi ? Je veux dire, puisqu'il ne s'explique pas, tu supposes qu'il y a un sens caché profond, mais on peut aussi bien supposer qu'il dit un peu n'importe quoi (en excluant l'argument d'autorité n'est-ce pas). A moins qu'il fasse référence implicitement à des parties de son oeuvre, qu'un non-connaisseur de sa philosophie ne peut saisir ?

Message cité 1 fois
Message édité par neojousous le 21-08-2006 à 16:39:55
n°9268501
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 16:41:19  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Avec une préface de Clément Rosset. ;)


 
 
 
oui, Clément rosset, qui d'une manière très personnelle avoue avoir réellement commencé à s'intéresser à la philosophie après la lecture de Schopenauer. C'est presque touchant :p

n°9268579
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 16:47:08  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Tu as raison, je l'utilise souvent le  [:prodigy] .  
 :D  
 
Sartre fumait comme un pompier du reste.  
Dans une interview restée fameuse, il a déclaré, vers 1973 je crois, que toute révolution impliquait des morts et que les Soviétiques n'avaient peut-être pas assez tué.  
Dans la mesure où un prisonnier peut toujours s'échapper, alors qu'en collant le bonhomme au poteau...  [:prodigy]  
Bref, bel éloge de la Terreur.  
 
Onfray note que c'est à cette époque que Sartre a été obligé, sur ordre du médecin, d'arrêter de fumer, ce qui représentait un lourd sacrifice pour lui. Et cette déclaration terroriste aurait pu découler de la frustration dûe au manque de tabac.  
Peut-être est-ce voir les "idées" par le petit bout de la lorgnette (un évènement anecdotique déterminant une position idéologique) mais dans l'idée d'Onfray, c'est aussi l'idée (reprise de Nietzsche) que la philosophie est l'expression déguisée de perspectives et de besoins vitaux...


 
 
Oui, une seconde, Nietzsche ironisait quand il disait celà. Il traite Flaubert de cul de plomb, il vante son hygiène toute italienne, mais en réalité, lorsqu'il parle de santé, il parle de la Grande Santé, celle qui n'est pas vraiment lié à un état valétudinaire mais au niveau de puissance de l'homme dans une civilisation donné. Personnellement, je trouve risible de dire que Sartre a eu tel idée à cause de telle prescription médicale, tout aussi risible que les tentatives de réduire la pensée de Nietzsche à sa maladie, sa folie ou sa "psychose maniaco-dépressiveé" (sic)

n°9268675
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 16:56:22  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Comment tu sais qu'il y une différence entre ce qu'il dit, et du n'importe quoi ? Je veux dire, puisqu'il ne s'explique pas, tu supposes qu'il y a un sens caché profond, mais on peut aussi bien supposer qu'il dit un peu n'importe quoi (en excluant l'argument d'autorité n'est-ce pas). A moins qu'il fasse référence implicitement à des parties de son oeuvre, qu'un non-connaisseur de sa philosophie ne peut saisir ?


Quand Deleuze parle des minous ? Mais bien sûr qu'il n'y a aucun sens caché qui serait accessible aux seuls initiés !* C'est aussi con qu'aimer une femme (ou un homme, ne soyez pas hétérocentristes (ou un mouton, ne soyez pas anthropocentristes)) : un mot et un geste semblent à la majorité plats et banals mais te plongent dans le ravissement. Et ses yeux, oh là là...
Pour apprécier à sa juste mesure les cours d'un professeur, il faut bien l'aimer, au moins un peu, d'une manière ou d'une autre, non ? Remember Alcibiade !
 
*Bien que Deleuze ait un concept de "devenir-animal".

n°9268883
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 17:15:05  profilanswer
 

Je voudrais aussi m'insurger (en parlant de mauvaise, j'en ai eu une mauvaise également :d ) contre cette idée que la philosophie de Nietzsche serait de l'énergie pour le lecteur, rendrait fou parce qu'elle est écrite par un fou. Ou encore, qu'il ne faut pas attendre de vérité toute faite de sa part, c'est une nouvelle tournure de pensée, un nouvel élan etc.. D'abord, Nietzsche était un scienfitique. Excellent philologue, Nietzsche est formé à la rigueur intellectuel que cette discipline demande.  
On trouve des moments où Nietzsche se fait plus sérieux, demandant à son lecteur une analyse minutieuse. La généalogie de la morale est un de ces moments. Chaque partie de la dissertation est rédigée dans un ordre précis. Deleuze pourra établir un table détaillée sur cette oeuvre, où l'on découvre une structure rigoureuse.  
Dans ses oeuvres tardives, on retrouve une idée chez Nietzsche, une volonté de mesurer scientifiquement la volonté de puissance, puisqu'il n'y a de science que lorsqu'il y a mesure ( c'est un sujet intéressant, Freud espérait la même chose de la libido, une mesure scientifique qui permettrait de donner une quantité de libido rapporté à un étalon de mesure.)  
 
Je crois que lorsque Nietzsche essaye de voir dans les grands penseurs de l'histoire des états valétudinaires qui correspondent à des idées préconçues morales, il y a une volonté beaucoup plu globale de prendre ces penseurs comme exemplaires et représentatifs d'une culture dont il faut analyser la vigueur selon le noble et le vil, l'affirmation ou la négation, bref, rapporter les valeurs d'une société à une élément générique et matriciel, qui sera la valeur des valeurs.  
 

mood
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Posté le 21-08-2006 à 17:15:05  profilanswer
 

n°9269044
rahsaan
Posté le 21-08-2006 à 17:32:08  profilanswer
 

Tout à fait d'accord, Daniel_Levrai. ;)
 
Cependant, la volonté de puissance serait plutôt démesure. Donc pour la "mesurer", il n'est pas possible d'utiliser d'instruments scientifiques car la VP n'est pas connaissable à titre d'objet. Car qui dit objet suppose régularité, stabilité -ce qui ne constitue pas un donné aux yeux de N. , au contraire.

n°9269158
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 17:46:00  profilanswer
 

Oui, démesure, pour s'en rendre compte, il faut voir la prodigalité de la nature, qui ne cesse de donner. Cela fait écho à Spinoza, affirmant qu'on ne sait ce que peut un corps. "Ce qu'il y a vraiment d'étonnant, c'est le corps" répète Nietzsche.  
Nietzsche désirait un renouveau de la science, qui voit tout en petit, tantôt du point de vue de la causalité, tantôt le point de vue utilitaire, oubliant que la nature donne sans cesse. Nietzsche est clairement du côté de Lamarck plutot que de Darwin.  
Alors, pourquoi chez Nietzsche, cette idée de mesurer la volonté de puissance ? C'est une question que je me pose depuis longtemps, et, je le répète, chez Freud, il y a aussi le même désir de mesurer la libido avec des instruments et des unités.  
Ca ferait un bon sujet de thèse. "Nietzsche et Freud, mesures et démesure"

n°9269213
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 17:50:52  profilanswer
 

Bonne question, oui. Ca me fait penser à :
 
"Là comme ailleurs, l'essentiel ce sont les unités de mesure : quantifier l'écriture."
"Les stratomètres, les déléomètres, les unités CsO de densité, les unité CsO de convergence ne forment pas seulement une quantification de l'écriture, mais définissent celle-ci comme étant toujours la mesure d'autre chose."
Deleuze, Mille plateaux, pp. 10 et 11.
 
Les unités de mesure (ainsi que les règles), c'est un peu beaucoup le projet de "l'Organon post-moderne" qu'est Capitalisme et schizophrénie.


Message édité par Baptiste R le 21-08-2006 à 17:57:00
n°9269291
rahsaan
Posté le 21-08-2006 à 17:59:00  profilanswer
 

>Daniel_Levrai : je n'avais jamais entendu parler de cette idée de mesure. C'est dans un livre ou dans les fragments posthumes ?... peut-être une idée au passage, notée comme ça, mais pas essentiel ?

n°9269372
pascal75
Posté le 21-08-2006 à 18:07:53  profilanswer
 

> danel levrai : la valeur des valeurs dont tu parles est, selon Nietzsche, la vie, rien d'autre. On ne mesure pas la vie, on mesure les valeurs à l'aune de la vie.


---------------
GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°9269447
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 18:15:50  profilanswer
 

Rahsaan, je ne sais pas si Nietzsche évoque quelque part une mesure scientifique des forces, mais il me semble que c'est, explicitement ou non, tout son projet : qu'est-ce que cet instrument de mesure sinon le concept, sinon la volonté de puissance, ce fameux principe évaluateur d'un rapport de forces différencié ?
 
(Gilles Deleuze, Nietzsche et la philosophie, chap II § 9 : problème de la mesure des forces... quel hasard. :))


Message édité par Baptiste R le 21-08-2006 à 18:18:49
n°9270564
rahsaan
Posté le 21-08-2006 à 20:12:55  profilanswer
 

D'accord avec l'idée de mesure d'un rapport de puissance différencié. Toutefois, le type de connaissance impliqué par une telle mesure n'est pas scientifique mais appartient en propre à la philosophie.  
En effet, la science s'intéresse à des objets d'expérience. Or, la volonté de puissance n'est pas objet d'expérience, mais ce par quoi l'expérience peut se donner. ;)

n°9270586
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 20:15:05  profilanswer
 

Ok, laissez moi le temps de retrouver le passage de Nietzsche, et aussi celui de Freud. Je vous le dis, c'est un véritable casse tête, mais ça a l'air très intéressant.
 
Pour la valeur des valeurs, je pensais à la volonté de puissance, mais on peut dire la vie, à condition de bien penser à la vie dans toute sa prodigalité, pas la vie diminuée proche de zero, du "Nirvana" .

n°9270702
rahsaan
Posté le 21-08-2006 à 20:27:45  profilanswer
 

La vie n'est qu'une forme particulière de la volonté de puissance, dit Nietzsche. Et dans Ecce Homo, il en tire la conséquence dernière : pour "connaître" ( = interprêter) la volonté de puissance, il faut soi-même avoir un pied au-delà de la vie.  
La VP est ce qui rend possible la vie mais menace aussi de la détruire en l'obligeant à se dépasser. La philosophie de Nietzsche vise à provoquer l'intensification de la VP, c'est à dire le sentiment que la puissance croît, que la vie s'intensifie.  
Et valeur = perspective = condition de possibilité de vie au sein de la VP = auto-limitation de la VP afin de rendre la vie possible.  

n°9270846
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 20:41:06  profilanswer
 

oui, mais justement, "nous, autres, Hyperboréens", nous connaissons l'art de l'interprétation, nous faisons une généalogie des valeurs, nous rapportons à chaque fois les valeurs d'une civilisation à une valeur supérieur qui est celle de la qualité de la volonté de puissance. Vil ou noble ? maître ou esclave ? volonté de puissance se niant elle-même ou s'affirmant ?  
La voie qu'ouvre Nietzsche dans la philosophie est de proposer une généalogie axiologique. On parle souvent de perspectivisme. "Qui?" et non "pourquoi" ? Quel est le type de celui qui évalue ? C'est à ce niveau, à mon sens, que se situe toute la richesse de la pensée de Nietzsche. La volonté de puissance correspond à un élément différentiel qui assigne à la force un caractère typologique. Lorsque Nietzsche dit "cette morale est celle de l'esclave", "on reconnait le maître", "le maître est celui qui nomme les choses" etc... ce n'est pas par cynisme mais pour créer des types, qui correspondent à une activité, une passivité, une affirmation ou une négation de la volonté de puissance.

Message cité 1 fois
Message édité par daniel_levrai le 21-08-2006 à 20:43:18
n°9270971
rahsaan
Posté le 21-08-2006 à 20:55:03  profilanswer
 

Le cynique méprise les valeurs. Nietzsche est plus cynique que tous les cyniques car il méprise les valeurs établies pour en créer de plus fortes. ;)

n°9271051
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 21:05:02  profilanswer
 

Oui, si l'on veut.

n°9271136
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 21:15:15  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

D'accord avec l'idée de mesure d'un rapport de puissance différencié. Toutefois, le type de connaissance impliqué par une telle mesure n'est pas scientifique mais appartient en propre à la philosophie.  
En effet, la science s'intéresse à des objets d'expérience. Or, la volonté de puissance n'est pas objet d'expérience, mais ce par quoi l'expérience peut se donner. ;)


 
 
Oui... et non. Nietzsche avait vraiment le projet d'un renouveau de la science physique. Il avait par contre une grande admiration pour la chimie qui, selon lui, a une approche dynamique de la matière. Elle pense la substance comme un rapport entre différents éléments qui essayent de prédominer chacun. Bon, je suis tout de même d'accord avec toi, ce n'est pas vraiment le domaine de la philosophie.  
 
Pour la volonté de puissance, aucun problème, on peut la prendre comme objet d'expérience, et même de sensation. Exemple : la joie. De même, le désir, chez Deleuze, peut être une expérience banale. Un accroissement de la puissance provoque une réaction physiologique...
 
Nietzsche aurait sans doute apprécié la physique contemporaine, nettement moins liée au mécanisme et aux notions de cause et d'effet.


Message édité par daniel_levrai le 21-08-2006 à 21:18:00
n°9271155
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 21:17:31  profilanswer
 

- T'es quoi dans la vie ?
- Hyperboréen

Message cité 1 fois
Message édité par Baptiste R le 21-08-2006 à 21:18:37
n°9271163
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 21:18:35  profilanswer
 

Baptiste R a écrit :

- T'es quoi dans la vie ?
- Hyperbooréen


 
 
 
 :lol:  :lol:

n°9271211
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 21:26:23  profilanswer
 

Sujet de commentaire d'histoire de la philosophie :
Comment Gilles Deleuze prolonge et transforme-t-il le concept de Nietzsche de volonté de puissance ?
 
Je ramasse les copies à trois heures du mat'. Faites comme si je ne connaissais pas la réponse (d'ailleurs c'est le cas).

n°9271220
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 21:27:58  profilanswer
 

Demain ce sera :  
Commentez la phrase suivante d'Alain Badiou : "toute la philosophie de Deleuze peut être comprise comme un approfondissement de l'éternel retour".

Message cité 1 fois
Message édité par Baptiste R le 21-08-2006 à 21:29:49
n°9271240
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 21:30:48  profilanswer
 

héhé, je n'ai jamais compris Deleuze autrement

n°9271264
Baptiste R
Posté le 21-08-2006 à 21:33:18  profilanswer
 

Après-demain :
Le rhizome est-il un tout et la rhizomatique une fondation ?

n°9271282
daniel_lev​rai
Semper eadem sed aliter
Posté le 21-08-2006 à 21:34:49  profilanswer
 

Désolé, je n'ai pas vraiment lu Mille Plateaux (à part le passage SM je crois, bah, j'avais 18 ans)

n°9271312
tartineosp​ordiver
rester humble, mais critique
Posté le 21-08-2006 à 21:38:46  profilanswer
 

pour certains d'entre vous, peut-être que cela peut vous intéresser : il y a un cours de philo, chaque soir de 19 h à 20 h à France culture.


---------------
tartineospordiver
n°9272370
neojousous
Posté le 21-08-2006 à 23:19:09  profilanswer
 

Est-ce que quelqu'un a déjà des oeuvres d'Albert Caraco ? Si oui vous en pensez quoi ? Vu de l'extérieur ça a l'air d'être fascinant...

Message cité 2 fois
Message édité par neojousous le 21-08-2006 à 23:19:29
n°9272426
Mine anti-​personnel
Posté le 21-08-2006 à 23:22:47  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Est-ce que quelqu'un a déjà des oeuvres d'Albert Caraco ? Si oui vous en pensez quoi ? Vu de l'extérieur ça a l'air d'être fascinant...


Un petit morceau:
http://forum.hardware.fr/forum2.ph [...] 0#t7548452

n°9272923
rahsaan
Posté le 22-08-2006 à 00:10:41  profilanswer
 

neojousous a écrit :

Est-ce que quelqu'un a déjà des oeuvres d'Albert Caraco ? Si oui vous en pensez quoi ? Vu de l'extérieur ça a l'air d'être fascinant...


 
Toi qui rechigne aux pensées abstruses, non scientifiques, tu vas être servi...  [:prodigy]  
Pour le très peu que j'ai pu en lire, c'est vraiment de la mystique imbitable.

n°9273016
Baptiste R
Posté le 22-08-2006 à 00:39:46  profilanswer
 

"Il publie une oeuvre volumineuse, dans le genre "nihilisme obscur", bien plus pessimiste que Cioran, qui terrorise tellement qu'elle est totalement boycottée par les éditeurs, la presse et les critiques."
 
Je sais bien qu'il faut distinguer un auteur et le regard peut-être superficiel que certains portent sur celui-ci, mais cette phrase tirée du Wikipédia ne me donne pas envie de découvrir l'auteur. Surenchère ridicule, boniment de montreur de foire. Bouuuh j'ai peur.
 
 

Citation :


pour certains d'entre vous, peut-être que cela peut vous intéresser : il y a un cours de philo, chaque soir de 19 h à 20 h à France culture.


Michel Onfray je présume. Yep, j'ai même écouté deux cours. :D

n°9273082
rahsaan
Posté le 22-08-2006 à 00:51:11  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

Oui, si l'on veut.


 
C'est le cas de le dire. Oui, si on veut !  
 

Baptiste R a écrit :

Demain ce sera :  
Commentez la phrase suivante d'Alain Badiou : "toute la philosophie de Deleuze peut être comprise comme un approfondissement de l'éternel retour".


 
Mwé...  [:prodigy]  A vrai dire, faut se méfier de ce genre de phrases définitives, qui vous résume tout d'un coup... En quoi ça "approfondit" ? Nietzsche ne serait-il pas allé "au bout" de sa pensée ?
Il me semble par ailleurs que l'éternel retour n'est qu'une figure d'un autre thème, qui parcourt l'ensemble de l'oeuvre de Deleuze, de sa pensée, et qui ne sera pleinement exposé que dans le dernier texte, en 1995 : l'immanence.  
Peut-être que c'est là l'oeil du cyclone deleuzien, le point focal, l'intensité pure et infini au coeur du tourbillon conceptuel de Deleuze.  
"L'immanence, une vie". Une vie, ce n'est rien que ça : l'immanence. Et il faut une vie pour "accoucher" d'une pensée de l'immanence pure. :)

n°9273139
neojousous
Posté le 22-08-2006 à 00:59:47  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Toi qui rechigne aux pensées abstruses, non scientifiques, tu vas être servi...  [:prodigy]  
Pour le très peu que j'ai pu en lire, c'est vraiment de la mystique imbitable.


 
Tu me caricatures là... M'enfin ça m'amuse que tu me vois comme ça :D
D'accord, bah je vais passer alors. Je pensais que ça pouvait être sympa en complément de Nietzsch, mais apparament non.
D'ailleurs Nietzsch, autant vu de loin ça me paraissait être quelque chose d'assez étrange, plus je rentre dedans plus je retrouve mes idées, je me reconnais là-dedans. Je crois qu'il va être une source d'inspiration très féconde pendant très longtemp pour moi... Arg j'adore !

n°9273155
rahsaan
Posté le 22-08-2006 à 01:01:51  profilanswer
 

>Neo : bah, c'est pas que je te vois comme ça. Mais disons que toi qui apprécies que les philosophes n'ignorent pas la science, je pense pas que Caraco te satisferait, c'est tout. :D

n°9273197
neojousous
Posté le 22-08-2006 à 01:29:12  profilanswer
 

Bah pour préciser ma façon d'appréhender les choses, je vois les choses axées autour de deux pôles : d'un côté philosophie de la connaissance, métaphysique, épistémologie. De l'autre "philosophie de vie". Ce côté "philosophie de vie" (éthique, politique, recherche du bonheur, etc...) peut parfois ignorer les sciences sans que cela me dérange. :)
Ce qui me gène, c'est la métaphysique creuse (premier pôle) qui ignore le paradigme dans lequel nous sommes propulsés par les sciences :)
Dans les philosophies systématiques, c'est plus compliqué...

n°9273228
Baptiste R
Posté le 22-08-2006 à 01:34:05  profilanswer
 

(La citation est de mémoire, j'espère ne pas l'avoir écorché.)
J'accentue son caractère définitif en l'extrayant de son contexte (La Clameur de l'Être). Badiou ne l'affirme pas comme ça, le bouquin fait deux cent pages. Et je n'ai pas lu en entier l'ouvrage de Badiou et ne connais pas assez Deleuze pour tenter une réponse. C'était une question jetée en l'air.
Et puis va donc trouver le concept clé, nodal chez Deleuze... Tourbillon conceptuel, oué : les grands concepts sont diffractés, démultiplés en des arsenaux si vastes qu'on s'y perd. Fichu rhizome, fichu chiendent. Mais oui, je serais d'accord avec toi : l'immanence est le concept qui l'obsède, son intuition première.
 
Ceci étant, j'ai rien pigé au texte "l'immanence, une vie."  :D

n°9326810
l'Antichri​st
Posté le 27-08-2006 à 15:17:30  profilanswer
 

daniel_levrai a écrit :

oui, mais justement, "nous, autres, Hyperboréens", nous connaissons l'art de l'interprétation, nous faisons une généalogie des valeurs, nous rapportons à chaque fois les valeurs d'une civilisation à une valeur supérieur qui est celle de la qualité de la volonté de puissance. Vil ou noble ? Maître ou esclave ? Volonté de puissance se niant elle-même ou s'affirmant ?  
La voie qu'ouvre Nietzsche dans la philosophie est de proposer une généalogie axiologique. On parle souvent de perspectivisme. "Qui?" et non "pourquoi" ? Quel est le type de celui qui évalue ? C'est à ce niveau, à mon sens, que se situe toute la richesse de la pensée de Nietzsche. La volonté de puissance correspond à un élément différentiel qui assigne à la force un caractère typologique. Lorsque Nietzsche dit "cette morale est celle de l'esclave", "on reconnait le maître", "le maître est celui qui nomme les choses" etc... ce n'est pas par cynisme mais pour créer des types, qui correspondent à une activité, une passivité, une affirmation ou une négation de la volonté de puissance.


 
Au milieu d’un tourbillon de messages, plus ou moins intéressants, j’ai relevé celui-ci parce que, partant de la distinction actif / réactif telle qu’elle intervient dans l’ouvrage de Deleuze (cf. Nietzsche et la philosophie, chap. II, "Actif et réactif" ), il amène (malgré ses erreurs) une vraie nouveauté dans la discussion : Nietzsche use de la métaphore et des images pour affirmer le pouvoir de son propre langage contre le pouvoir du langage grégaire. Le langage tel que nous le pratiquons (celui des philosophes ou le parler commun) est il compatible avec la pratique de Nietzsche ? Le discours nietzschéen a t-il le pouvoir, la capacité de se poser en modèle, et / ou de résister au langage grégaire ?
 
Car le risque est grand : la force en effet ne saurait se définir par rapport à la faiblesse : en tant que force, elle ne se réfère qu’à elle-même, ou à une autre force. Dire "voici le discours grégaire : le grand style, c’est le contraire", reviendrait justement à adopter un point de vue... grégaire. Si la critique généalogique est une nécessité pour rompre avec le consensus issu du langage réactif (la volonté de puissance n'est pas seulement ce qui interprète mais ce qui évalue. Interpréter, c'est déterminer la force qui donne un sens à la chose. Evaluer, c'est déterminer la volonté de puissance qui donne à la chose une valeur. cf. Deleuze, Ibidem, 7) "La terminologie de Nietzsche" ), il faut donc inventer un nouveau langage : ce langage nietzschéen sera celui de la polémique ! En aucun cas cette généalogie ne peut être une généalogie "axiologique" ! Nietzsche est le créateur d’un style nouveau, qui donne au langage un pouvoir exceptionnel en dehors de tout jugement de valeur : celui d’être ouvertement l’écho de la volonté de puissance qui l’anime. Cette volonté de puissance n’est pas une volonté de conservation. La volonté de puissance qui trouve à s’exprimer librement dans la polémique est proprement volonté d’être en puissance, d’être en tension : elle est une volonté d’aller au devant de la folie et de la mort, elle réclame la contradiction et le déchirement comme sa réalisation la plus haute, la déchirure tragique entre le plus bas (l’animal) et le plus haut (le surhumain).
 
Pour comprendre le langage de Nietzsche (et partant sa philosophie), il faut alors se livrer à une réflexion sur Astu (et savoir interpréter, justement, le mythe des hyperboréens...) : Nietzsche n’est ni un moraliste, ni un révolutionnaire, voilà l’astuce ! Car toute révolution est politique, donc morale : ce qui s'y joue, c'est le passage d'une morale à une autre, jamais la remise en cause de la morale en tant que telle. Et la transmutation de toutes les valeurs n'est pas une nouvelle morale, mais une tentative d'organisation immorale d'un groupe humain. De plus, il ne faut jamais oublier que le projet de Nietzsche est avant tout un projet esthétique. C'est le regard qui transmute, et non l'action poïétique. Il s'agit donc avant tout chez Nietzsche d'eu-topoï littéraires, et peut-être finalement seule la transformation du regard et par le regard, compte. Car l'astuce est avant tout une ruse d'écriture (et de lecture) : l'invention d'un système philosophique sans principe où "une multitude d'idées dirige", d'un texte aux mille tours qui est une transgression constante des codes verbaux.
 
Avant de revenir sur le détail de cette position, nous pouvons déjà comprendre pourquoi un discours comme celui de Nietzsche est soit rejeté parce que jugé incompatible avec les valeurs qui fondent la vie en communauté (cf. Comte-Sponville, Ferry), soit réduit à une philosophie "acceptable" (Heidegger). Mais finalement, quelle place pour un discours qui assume ouvertement sa force au sein d’un langage qui ne tolère pas d’autre pouvoir que le sien ? Si le langage de la philosophie se fonde sur cette logique réactive que la généalogie a dévoilée, est-il possible de faire une lecture philosophique de Nietzsche ? Etant fidèles aux catégories philosophique, ne dénature-t-on pas Nietzsche ? Et si l’on entre véritablement dans la pensée de Nietzsche, ne sort-on pas de la philosophie (avec l’art) ? La pratique nietzschéenne du langage est un cas-limite.
 
En quoi consiste la critique généalogique chez Nietzsche ? Elle est une lecture des rapports de forces qui sont à l’oeuvre sous des états de fait apparemment simples. Faire la généalogie d’un jugement de valeur, c’est montrer comment les différentes forces qui sont à son origine se sont produites - au sens théâtral - et quel était le conflit d’intérêt qui les opposait. C’est ce que dit Foucault : l’émergence dont rend compte la généalogie, c’est "l’entrée en scène des forces ; c’est leur irruption, le bond par lequel elles sautent de la coulisse sur le théâtre". Son objet par excellence est le langage courant, en tant qu’il inscrit en lui les évaluations dominantes. Le recours à l’étymologie, dans l’optique d’une généalogie du langage, vise ainsi à montrer quelles forces étaient à l’origine du jugement de valeur qui s’est cristallisé dans un mot. Nietzsche, dans ses dernières oeuvres au moins, fait de la philologie une histoire des mots à caractère généalogique. Lorsqu’il écrit : "Je crois pouvoir interpréter le terme latin bonus  comme "le guerrier" : à supposer que j’ai raison de ramener bonus au terme plus ancien de duonus  (comparez bellum – duellum - duen-lum  où me paraît être contenu ce duonus). Bonus  serait donc l’homme de la discorde, du duel (duo), le guerrier : on voit ce qui faisait dans la Rome antique la "bonté" d’un homme" (cf. La généalogie de la morale, I), ou même : "Le latin malus  (que je place à côté du grec mélas) pourrait avoir caractérisé l’homme du commun comme homme de couleur foncée, surtout comme homme aux cheveux noirs ("hic niger est" ), puisque l’indigène pré-aryen du sol italique tranche le plus nettement par sa couleur sur la race blonde des conquérants aryens, devenus ses maîtres", il est clair que son but, en tant que généalogiste, est, se servant de l’étymologie, d’exhiber les conditions du surgissement d’un sens, les raisons de l’attribution d’un nom.
 
Or, pour Nietzsche, le langage est la traduction métaphorique dans la sphère apollinienne (l’apparence) de la "musique dionysiaque", c’est-à-dire de la "mélodie originelle des affects". Traduction métaphorique, car il y a par trois fois saut d’une sphère à une autre : 1) Excitation nerveuse (= la musique dionysiaque) → image. 2) image → mot. 3) mot →concept. A chaque étape, le langage s’arrache  un peu plus à son origine purement sensible. Et chaque étape se paie par une réduction du particulier à l’identique, du divers à l’un. Le concept, dernière fabrication, est ainsi appelé le "sépulcre des intuitions".
 
Si le concept n’est qu’une construction humaine, donc complexe et superficielle, comment en est-on venu à croire qu’il était "la simple vue des choses qui se présentent à notre esprit" (cf. Pascal) ? C’est parce que la nécessité de vivre ensemble impose 1) une base de communication certaine, et 2) que le groupe en tant que tel se protège de l’irruption chaotique du nouveau, du déstabilisant, du contradictoire. Ce sont ces impératifs qui sont à l’origine des catégories logiques, des lois, des taxinomies et, généralement, de tout ce qui conjure le nouveau en le comparant à du déjà vu. Voilà pourquoi la communauté est un troupeau : parce qu’elle existe à cause de la peur de l’autre qui anime chacun de ses membres. Cette peur qui est au fondement de la vie en groupe, Nietzsche l’appelle "la volonté réactive".
 
Pourquoi un si grossier subterfuge n’a-t-il pas sauté aux yeux du premier esprit critique venu ? Pourquoi a-t-il fallu attendre l’invention de la généalogie ? C’est parce qu’avec la grammaire, les catégories logiques et les concepts se sont logé au plus profond de notre manière de parler, donc déterminent notre manière de penser. On ne pense qu’en termes de sujet, de verbe, d’attribut... Par là, la présence de ces catégories fait comme une tache noire, et échappe aux esprits les plus fins : nous raisonnons d’après la routine grammaticale : "penser est une action, toute action suppose un sujet qui l’accomplit, par conséquent..." (cf. Par-delà bien et mal, § 17) De même, le concept de Dieu se trouve également déduit de la métaphysique implicite de la langue. C’est pourquoi : "Je crains que nous ne puissions nous débarrasser de Dieu, parce que nous croyons encore à la grammaire." (cf. Crépuscule des idoles, La "raison" dans la philosophie, §.5). Bref, le langage que nous parlons porte inscrit au plus profond de ses codes la peur, l’impuissance et le ressentiment. Mais parce que dans le langage se joue l’unité de la communauté, il s’agit de réduire les déviances. A ce titre, le langage, même né de l’impuissance, est un lieu de pouvoir, au moins en tant qu’il est une contrainte (cf. les très "nietzschéennes" analyses de Foucault dans l’ordre du discours).
 
Qu’on me permette ici d’introduire, malgré le hors-sujet flagrant, une réflexion sur le pouvoir chez Foucault pour que nous puissions mieux nous rendre compte de ce qu’une telle pensée doit à Nietzsche.
 
Comme chez Nietzsche, le pouvoir pour Foucault est un rapport de forces, ou plutôt tout rapport de forces est un rapport de pouvoir. Le pouvoir n'est pas une forme (ex. : la forme-Etat), et le rapport de forces n'est pas entre deux formes. La force n'est jamais singulière mais toujours en rapport avec d'autres forces, si bien que toute force est dans sa définition même rapport et pouvoir. La force n'a pas d'autre sujet ni d'autre objet que la force. La violence n’est qu’un concomitant ou un conséquent de la force, mais non un constituant, car la violence porte sur des corps, des objets ou des êtres déterminés dont elle détruit ou change la forme, alors que la force n'a pour objet que d'autres forces. Elle est pur rapport. Les catégories de pouvoir sont : inciter, induire, détourner, limiter, rendre facile / difficile... De fait, le pouvoir n'est pas essentiellement répressif (puisqu’il incite, suscite…), il passe par les dominés autant que par les dominants (puisqu'il passe par toutes les forces en rapport). L'exercice du pouvoir est un affect puisque la force se définit elle-même comme pouvoir d'affecter d'autres forces. Affects actifs : inciter, susciter, produire ; affects réactifs : être incité, être suscité, être déterminé à produire. Affects actifs et réactifs sont des vis-à-vis obligatoires. La force affectée a une capacité de résistance. Chaque force implique des rapports de pouvoir car elle peut affecter et être affectée. Le pouvoir d'être affecté est la matière de la force, le pouvoir d'affecter est la fonction de la force. Mais tout cela est saisit hors d'un rapport concret : le panoptique est la pure fonction d'imposer une tâche ou une conduite quelconque à une multiplicité d'individus quelconques. On ne se préoccupe ni de la tâche imposée, ni à qui on l'impose. Le panoptique s'applique à tout, il est donc une catégorie de pouvoir, une pure fonction disciplinaire. Foucault le nommera diagramme, fonction "qu'on doit détacher de tout usage spécifique", comme de toute substance spécifiée. Une autre fonction émerge : gérer et contrôler la vie dans une multiplicité quelconque à condition que la multiplicité soit nombreuse (population) et l'espace étendu ou ouvert. Les deux fonctions pures dans les sociétés modernes seront l’anatomo-politique et la bio-politique, et les deux matières nues seront un corps quelconque et une population quelconque. Le diagramme sera répartition des pouvoirs d'affecter et d'être affecté, c'est la présentation des rapports de force propres à une formation. Le diagramme est aussi le brassage des pures fonctions non-formalisées et des pures matières non-formées. Entre pouvoir et savoir, il y a une différence de nature, une hétérogénéité, mais il y a aussi présupposition réciproque et capture mutuelle, et il y a primat de l'un sur l'autre. Hétérogénéité car le savoir est relation de formes et le pouvoir rapport de forces. Le Savoir passe par des formes, et est donc segmentarisé, alors que le pouvoir passe par des points singuliers qui marquent l'application d'une force, ou l'action / réaction d'une force par rapport à d'autres, c'est à dire un "affect" comme "état de pouvoir toujours local et instable". Le diagramme est donc aussi émission de singularités. A la fois locaux, instables et diffus, les rapports de pouvoir n'émanent pas d'un point central, d'un foyer unique de souveraineté, mais vont à chaque instant "d'un point à un autre" dans un champ de forces. C'est pourquoi ils ne sont pas localisables dans telle ou telle instance. Foucault dira que le pouvoir renvoie à une micro-physique, où "micro" ne veut pas dire miniature, mais où il s'agit d'un domaine nouveau, un nouveau type de relations, une dimension de pensée irréductible au savoir : liaisons mobiles et non-localisables. Le savoir chez Foucault est stratifié, le pouvoir est stratégique ou non-stratifié. Les sciences de l'homme ne sont pas séparables des rapports de pouvoir qui les rendent possibles. Il ne faut pas dire que les sciences de l'homme découlent de la prison, mais qu'elles supposent le diagramme de forces dont la prison dépend elle-même. De même les rapports de forces resteraient presque virtuels (en tout cas non-sus) s'ils ne s'effectuaient dans des relations stratifiées qui composent des savoirs. On a un complexe pouvoir-savoir qui lie le diagramme à l'archive. Les rapports de pouvoir sont des différentiels et déterminent des singularités (affects). L'actualisation qui les stabilise, les stratifie, est une intégration qui consiste à les aligner, à tracer une "ligne de force générale". Il n'y a pas d'intégration globale mais une multiplicité d'intégrations partielles. Les facteurs intégrants, les agents de stratification, constituent des institutions : Etat, Famille, Religion, Production, Marché, Morale, Art... Les institutions ne sont pas des essences mais des pratiques qui n'expliquent pas le pouvoir (puisqu'elles en supposent les rapports et se contentent de les fixer, sous une fonction reproductrice et non productrice) : il n'y a pas d'Etat mais une étatisation. Pour chaque formation historique il faudra se demander ce qui revient à chaque institution existant sur cette strate, c'est à dire quels rapports de pouvoir elle intègre, quels rapports elle entretient avec d'autres institutions. Si la forme-Etat a capturé tant de rapports de pouvoir dans nos formations historiques, ce n'est pas parce qu'ils en dérivent mais c'est parce qu'une opération d'étatisation continue s'est produite dans l'ordre judiciaire, familial, sexuel, économique etc... visant à une intégration globale. L’Etat n'est pas source des rapports de pouvoir mais les présuppose. Le gouvernement est premier par rapport à l’Etat, si on entend par gouvernement le pouvoir d'affecter sous tous ses aspects. Le caractère le plus général de l'institution (Etat ou autre) consiste à organiser les rapports supposés de pouvoir-gouvernement (rapports moléculaires ou micro-physique) autour d'une instance molaire (le souverain, la loi, le père, l'argent, le Dieu, le sexe (selon les différentes institutions). Une institution a nécessairement deux pôles ou deux éléments : des appareils et des règles : elle organise des champs de visibilité et des régimes d'énoncés. L'actualisation n'intègre qu'en créant aussi un système de différenciation formelle. Dans chaque formation, une forme de réceptivité constitue le visible et une forme de spontanéité constitue l'énonçable. Ces deux formes ne coïncident pas avec, mais dérivent du pouvoir d'être affecté (réceptivité) et du pouvoir d'affecter (spontanéité). Il ne faut pas confondre les catégories affectives du pouvoir (inciter, susciter...) et les catégories formelles de savoir (éduquer, soigner...), qui passent par voir / parler et qui actualisent les premières. Selon les institutions, les visibilités et les énoncés atteindront des seuils qui les rendent politiques, économiques, esthétiques. Les rapports de forces déterminent des points singuliers (un diagramme est toujours une émission de singularités). Entre ces points il y a une régularité (mot voulant dire : la courbe unissant entre eux des points singuliers). L'énoncé est la courbe qui unit des points singuliers, c'est à dire qui actualise des rapports de force. Mais les points singuliers eux-mêmes, avec leurs rapports de force, n'étaient pas déjà un énoncé. Le visible va intégrer les points singuliers sous forme de tableaux. Donc le tableau-description et la courbe-énoncé sont les deux puissances hétérogènes de formalisation, d'intégration. Il y a primat du pouvoir sur le savoir car, sans les rapports de pouvoir, les relations de savoir ne pourraient rien intégrer. Mais, réciproquement, les rapports de pouvoir non intégrés seraient évanouissants : d'où la présupposition réciproque. Le pouvoir, considéré de manière abstraite, ne parle pas et ne voit pas : il s'exerce seulement à partir de points innombrables. Ne parlant ni ne voyant lui-même, le pouvoir fait voir et parler (c'est la manière dont les points seront liés en courbes et vus en tableaux qui fait les différentes institutions). Si les rapports de pouvoir impliquent des relations de savoir, en revanche celles-ci présupposent ceux-là. Si le pouvoir n'est pas simple violence, c'est non seulement parce qu'il passe par des catégories qui expriment le rapport de la force avec la force, mais aussi parce que, par rapport au savoir, il produit de la vérité en tant qu'il fait voir et parler. On pourrait croire que le diagramme est lié aux sociétés modernes, mais en fait chaque formation historique stratifiée renvoie à un diagramme de forces comme à son dehors. Il y a diagramme dans nos sociétés qui veulent contrôler une population ou gérer la vie, mais il y avait aussi diagramme lorsque le but était de prélever ou de décider de la mort (autres sociétés). Le diagramme se distingue des strates. Seule la formation stratifiée lui donne une stabilité qu'il n'a pas par lui-même (il est instable, agité). Il y a un devenir des forces qui double l'histoire. Dès lors le diagramme, comme ensemble des rapports de forces, n'est pas un lieu mais un non-lieu : ce n'est plus un lieu que par les mutations. Le diagramme communique avec la formation stratifiée qui le fixe, mais il communique aussi avec les autres états instables de diagramme. C'est pourquoi le diagramme est toujours en dehors des strates. Les forces du dehors (dehors différent d'extérieur, qui est une forme) nous disent que ce n'est jamais le composé historique et stratifié qui se transforme, mais ce sont les forces composantes, quand elles entrent en rapport avec d'autres forces issues du dehors (stratégies). Pouvoir d'affecter ou d'être affecté, le pouvoir est rempli de façon variable, suivant les forces en rapport. Le diagramme comme détermination d'un ensemble de rapports de forces n'épuise jamais la force, qui peut entrer sous d'autres rapports et d'autres compositions. A côté des singularités de pouvoir, dans un diagramme, se développent des singularités de résistance qui tendent à rendre le changement possible. Ainsi, un champ social résiste, et même résiste plus qu'il ne stratégise. Pour Foucault, l'universel et l'éternel sont des effets globaux qui viennent de certaines répartitions des singularités, dans telle formation historique et sous tel processus de formalisation. Sous l'universel, il y a le jeu du singulier. L'universel est donc toujours postérieur. Quand le diagramme de pouvoir abandonne le modèle de souveraineté pour fournir un modèle disciplinaire, quand il devient bio-pouvoir, bio-politique des populations, prise en charge de la vie, c'est la vie qui surgit comme nouvel objet du pouvoir. Alors le droit renonce au droit de mort du souverain, mais il laisse faire des génocides car l'ennemi n'est plus juridique mais est infection. Quand le pouvoir prend la vie pour objet, les forces de résistance sont aussi des forces de vie et se retournent contre le pouvoir. Quand le pouvoir devient bio-pouvoir, la résistance devient pouvoir de la vie, pouvoir vital qui ne se laisse pas arrêter aux espèces, aux chemins et aux milieux de tel ou tel diagramme.
 
Il est temps de le dire ouvertement, les "types" auxquels se confronte Nietzsche ne sont que des constructions rhétoriques, et non des jugements de valeur (ou alors vous retombez dans le langage grégaire...). Nietzsche s’oppose à une figure représentative, presque à une caricature. Ainsi de Schopenhauer et Wagner : "En gros, de même qu’on saisit une occasion par les cheveux, je saisissais par les cheveux deux personnages typiques, déjà célèbres, et qui pourtant n’avaient pas encore été bien analysés, afin d’exprimer quelque chose, afin d’avoir sous la main quelques formules, signes, moyens d’expression de plus" (cf. Ecce Homo, Les "Inactuelles" ). Avec ce procédé rhétorique, Nietzsche se rapproche de Montaigne, qui construit dans ses écrits une "série de relations dialogiques" (Bakhtine) avec les penseurs qu’il cite, et surtout de Pascal, qui lui aussi cherche à représenter les thèses les plus caractéristiques des "personnages" qu’il construit. Mais alors que chez Montaigne ce procédé est celui d’un sceptique -  "puisque je ne sais rien, je préfère laisser parler les autres" -, et que pour Pascal il n’est qu’une arme destinée à suppléer les manques de la méthode géométrique, chez Nietzsche la même démarche acquiert une autre dimension : tous ces types sont comme les personnages d’une fiction, c’est-à-dire des types possibles, que Nietzsche teste par la polémique, comme un romancier qui teste des possibilités d’action ou de pensée à travers les personnages qu’il crée. C’est dire que la vérité pour Nietzsche n’est jamais au bout du chemin, mais elle est le chemin lui-même. Comme le dit Jaspers, elle n’est pas un au-delà du langage, mais l’impulsion animant toute forme de langage. Les chemins en question (dont parle Zarathoustra) sont les vérités propres à chaque type de penseur,  leur discours, leur pratique du langage. Et la polémique est la confrontation avec ces penseurs, qui teste la validité de leur pensée. Elle est l’épine dorsale d’une "philosophie à coups de marteau".
 
Dèslors, la bonne question n’est pas "pourquoi ?", ni même "qui ?", mais "où ?" : la typologie ne concerne pas seulement et pas d’abord les individus, mais tout corps où se déroule des rapports de force. Le corps est donc un paradigme organisationnel. C'est un lieu stratégique, à la fois topos littéraire et point de convergence de nombreux thèmes fondamentaux de la pensée de Nietzsche. Notamment, le rapport problématique animal / humain / surhumain se noue et se dénoue dans le réseau métaphorique de l’espace et de son environnement (la ville avec l’animal grégaire, le philosophe, l’homme du logos, la montagne avec l’aigle, le serpent et surtout l’ours, la forêt avec le barbare, "la brute blonde", le lion homérique, mais aussi le Saint qui, semblable à Zarathoustra, éprouve le dégoût des hommes, les îles fortunées, le pays des hyper-boréens, patrie de l’Antéchrist, le sage qui dépasse l’humanité parce qu’il l’assume d’un bout à l’autre : de l’animal à l’homme supérieur, de la forêt à la montagne, et enfin la ville appelée "La Vache multicolore" (Die bunte Kuh) avec l'homme démocratique, cet homme versatile, ce type actif d'adaptation, qui transforme la nature en art).
 
Tout cela demandera un (long) développement : dès que possible...

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Message édité par l'Antichrist le 27-08-2006 à 18:12:12
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