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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
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3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
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9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
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10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°17148261
rahsaan
Posté le 05-01-2009 à 19:16:21  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Sinon, j'ai fini L'ontologie politique de Martin Heidegger de Bourdieu.  
Ça, c'est vraiment très bien. :o


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
mood
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Posté le 05-01-2009 à 19:16:21  profilanswer
 

n°17152424
le vicaire
Posté le 06-01-2009 à 08:26:37  profilanswer
 

L'Etre de la Politique ? Pourquoi BHL est-il le seul inspirateur de la gauche française ?


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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17153455
rahsaan
Posté le 06-01-2009 à 11:51:04  profilanswer
 

Ce n'est pas tant l'Etre de la politique chez Heidegger que la politique de l'Etre, dont parle Bourdieu.  
 
Il montre comment la philosophie de Heidegger censure/sublime l'idéologie réactionnaire de son temps ; comment elle correspond à sa position sociale dans l'Allemagne nazifiée et dans le champ universitaire ; et comment Heidegger lui-même a réinterprété son œuvre en allant vers une expression toujours plus euphémisée, en montrant pourquoi il n'a pas renié son nazisme.


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n°17166524
rahsaan
Posté le 07-01-2009 à 14:48:27  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

Mais pour moi, je vois ca comme un cheminement de pensée, rien à voir avec une contradiction....


 
C'est sur l'Anti-Oedipe que Zizek est le plus critique. Il dit que Deleuze a eu deux lectures "plates" : Hegel et l'Oedipe chez Lacan.  
 
Je crois que ce qui échappe vraiment à Zizek, c'est la logique des machines-désirantes, qu'il ramène in fine à l'opposition du Devenir et de l'Etre, de même que le thème des multiplicités qu'il ramène in fine à une question de l'Un et du Multiple.  
Autant dire qu'il passe à côté des nouveautés introduites par Capitalisme et Schizophrénie, et qu'il rabat cela sur des problématiques lacaniennes et badiousiennes. Je dirais qu'il passe à côté du meilleur de Deleuze.  
 
La lecture que Zizek fait de Hegel ne manque pas d'intérêt, elle est même profonde et déroutante, avec son insistance sur ce moment de folie ancré au cœur de la subjectivité ("la nuit du monde" ou encore "l'imagination transcendantale" chez Kant), irréductible à tout ordre objectif de l'Etre.  
 
Pour Zizek, cela va jusqu'au point où c'est le Réel lui-même qui est incohérent, qui est Pas-Tout (formule de Lacan) : il y a une incomplétude constitutive du réel qui fait qu'il n'est pas entièrement cohérent. Ainsi, dans le schématisme kantien, la chose en soi ne peut apparaître que déformée par le filtre de nos facultés, en tant que phénomène ; cependant, pour Zizek, il faut renverser, avec Hegel, cette proposition, et dire que c'est nous qui projetons une idéale chose en soi par delà le flux des phénomènes de l'expérience possible, et que c'est cette projection illusoire, une chose en soi, qui est constitutive de la déformation que nous devons imposer à l'expérience pour la rendre vivable.  
 
Zizek retrouve cela chez Lacan qui, de plus en plus au cours de sa carrière, a affirmé que l'ordre symbolique ne pouvait satisfaire le sujet, que ce dernier ne pouvait jamais s'inclure complétement dans celui-là : d'où l'idée qu'il n'y a pas de Grand Autre -il n'y a pas de substance symbolique qui, au bout du compte, rend compte de notre existence et la soutienne. On passerait ainsi d'un Lacan réactionnaire, pour qui la psychanalyse doit opérer la réintroduction du sujet perturbé dans l'ordre symbolique, à un Lacan révolutionnaire, qui comprend que l'ordre symbolique ne peut pas convenir au sujet.  
 
Il n'y a pas de Grand Autre : c'est pour Zizek une proposition révolutionnaire, au sens où pour lui Lénine ne croyait pas à un sens de l'histoire, à une substance historique, alors que l'édifice totalitaire bâti par Staline ne pouvait perdurer que parce que ses dirigeants s'accrochaient cyniquement au pouvoir et rétablissaient la croyance en ce Grand Autre (le Sens de l'Histoire) dont le Parti aurait été l'incarnation historique. C'est aussi une position matérialiste véritable, pour Zizek, que de saisir cette incohérence du réel car elle peut subvertir l'ordre politique.
 
Le livre de Zizek, La Parallaxe, se propose de tirer systématiquement les conséquences de cette inexistence du Grand Autre. Que se passe-t-il s'il n'y a pas d'ordre symbolique pour soutenir notre existence ? Quelles conséquences en art, en morale, en politique ?...
 
Pour Zizek, la subjectivité est un fragile absolu qu'il faut protéger, car c'est le noyau subversif, émancipateur, de notre être et différents discours (new age, cognitivistes et même marxistes etc.) veulent dépasser ou ignorer le sujet.  
Dans cette perspective, l'évacuation du thème du sujet chez Deleuze ne peut pas convenir à Zizek, et c'est autour de ce point, en fait, que tournent ses critiques.  
Avec l'idée du pouvoir de négativité absolue de la subjectivité (tel que développé dans Le sujet qui fâche), on se rapproche bien de la tendance "schizo" du désir dont parlent Deleuze et Guattari, de même que l'incomplétude du réel pourrait nous rappeler la notion de chaosmos. Toutefois, c'est à partir de là que les divergences sont complètes, et irréversibles.  
 
En particulier, sur la notion de devenir, Zizek fait l'erreur de l'hypostasier, dans Organes sans corps, et de rétablir un Devenir anonyme, impersonnel, face à un ordre de l'Etre réel, actualisé. Mais Deleuze a pourtant assez dit qu'il n'y a pas de devenir en général, que la question "alors qu'est-ce que tu deviens ?" est stupide, qu'il y a des devenirs précis et pas LE Devenir en général, comme synthèse de l'Etre et du Néant.  
Qui plus est, à "U comme Un" dans l'Abécédaire, Deleuze dit bien que l'affaire du philosophe, ce ne sont pas l'Un, l'Etre, les universaux ("tout ça, c'est des bêtises" ). Il est donc vain de faire de Deleuze le métaphysicien de l'Un-Tout ou du Devenir ou autres abstractions creuses.  
 
L'empirisme de Deleuze n'a jamais consisté qu'en une chose, fort simple : se confronter au chaos de l'expérience et tâcher d'en extraire de nouvelles images pour la pensée. En prenant ce fil conducteur pour une lecture de Deleuze, on voit tomber nombre d'obstacles et de fausses questions, et on quitte joyeusement les différentes versions de la métaphysique, qui se présentent toutes comme des échappatoires face à ce chaos (et qui rétablissent une forme de transcendance).  
 
Ce qui n'empêche pas Deleuze de déclarer quelque part (dans un de ses cours ?), "je me sens pur métaphysicien". N'était-ce pas un sommet d'humour ?... Pour détourner une sentence de Nietzsche, disons que je ne croirai jamais à un métaphysicien qui n'a pas d'abord ri de lui-même... Et les critiques de Deleuze ne sont-ils pas bien souvent des penseurs à la nuque raide ? Or, un penseur n'est-il pas, comme l'affirmait un livre récent sur Foucault, quelqu'un qui nous apprend de nouvelles façons de rire ?...


Message édité par rahsaan le 07-01-2009 à 22:27:22

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17173867
chaisedeja​rdin
Posté le 08-01-2009 à 00:46:46  profilanswer
 

Bonjour.
 
Des "opinions" sur Le débat autour du crâne de Descartes qui passionne certains universitaires qui n'ont visiblement pas grand chose à faire.. ?

n°17180409
alcyon36
Posté le 08-01-2009 à 19:03:01  profilanswer
 

je n'ai pas grand chose à faire, enfin je ne fais pas grand chose, mais je ne suis même pas certain de savoir  sur quoi porte le debat dont tu nous parles...S'agit il du trip de Fillon de deplacer le crane du philosophe? Si c'est ca...alors  vraiment, mais vraiment pas d"avis" à donner, si ce n'est que comme toujours, c'est le mort qui saisit le vif.


Message édité par alcyon36 le 08-01-2009 à 19:05:04

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17189654
le vicaire
Posté le 09-01-2009 à 17:49:21  profilanswer
 

Il parle de ça je pense... Que ça soit exhibé comme ça, mouaif..., je vois pas bien "l'intérêt scientifique et muséologique de cette pièce"

n°17189741
rahsaan
Posté le 09-01-2009 à 17:58:58  profilanswer
 

Le seul intérêt serait à la limite d'y chercher la glande pinéale.  [:prodigy]


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n°17190071
le vicaire
Posté le 09-01-2009 à 18:31:50  profilanswer
 

Comme je suis dans "La volonté de savoir" de Michel Foucault, je dirais que c'est une façon pour le Pouvoir d'exercer sa surveillance sur un objet de pensée qui par essence inquiète le Pouvoir.  
Pour Lévi-Strauss ça serait que Fillon veut s'accaparer la puissance de pensée de Descartes en mettant le cra^ne dans la Sarthe.


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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17190435
rahsaan
Posté le 09-01-2009 à 19:14:06  profilanswer
 

La Sarthe, au coeur d'un complot sarkozyste anti-cartésien ? [:totoz]
 
Je ne sais pas si Foucault irait jusque là.  :D


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Posté le 09-01-2009 à 19:14:06  profilanswer
 

n°17191061
le vicaire
Posté le 09-01-2009 à 20:21:05  profilanswer
 

par contre que le Sarthois prépare un complot anti sarkozyste très cartésien, ça m'étonnerait pas.  :lol:


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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17191373
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 09-01-2009 à 21:03:56  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Ce n'est pas tant l'Etre de la politique chez Heidegger que la politique de l'Etre, dont parle Bourdieu.  
 
Il montre comment la philosophie de Heidegger censure/sublime l'idéologie réactionnaire de son temps ; comment elle correspond à sa position sociale dans l'Allemagne nazifiée et dans le champ universitaire ; et comment Heidegger lui-même a réinterprété son œuvre en allant vers une expression toujours plus euphémisée, en montrant pourquoi il n'a pas renié son nazisme.


 
Je ne suis pas un spécialiste de Heidegger, mais à Bibliothèque Médicis, sur LCP, il y a quelques temps,  Emmanuel Faye qui avait écrit, Heidegger ou l'instroduction du nazisme dans la philosophie, et François Fédier, représentant du fils Heidegger en France et gardien de la pensée du philosophe de la forêt noire s'étaient méchamment frités ! Et franchement, Fédier s'était noyé tout seul en affirmant que c'est lui et lui seul, qui permettrait à des chercheurs "adoubés" de consulter les archives du Maïtre ! Bonjour la transparence !


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°17193646
alcyon36
Posté le 10-01-2009 à 02:01:25  profilanswer
 

juste en passant, paceque j'ai pas envie de reecrire un pavé sur le cas Heidegger.
1)les travaux de Bourdieu et de Faye ne sont pas du même ordre...le taf de Bourdieu est plutôt pas mal du tout, et je ne crois pas avoir bcp de chose à modifier (enfin faudrait voir, je lai survolé il y a quelques tps), mais pour Faye c'est juste un gros foutage de gueule d'une incroyable incompetence...
2)ensuite, je partage avec toi et Faye ce souci quant aux conditions d'accès du fond de recherche de Heidegger. Je trouve cela honteux que l'on demande à un chercheur de  montrer patte blanche...

Message cité 2 fois
Message édité par alcyon36 le 10-01-2009 à 02:33:07

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17194279
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 10-01-2009 à 11:11:19  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

juste en passant, paceque j'ai pas envie de reecrire un pavé sur le cas Heidegger.
1)les travaux de Bourdieu et de Faye ne sont pas du même ordre...le taf de Bourdieu est plutôt pas mal du tout, et je ne crois pas avoir bcp de chose à modifier (enfin faudrait voir, je lai survolé il y a quelques tps), mais pour Faye c'est juste un gros foutage de gueule d'une incroyable incompetence...
2)ensuite, je partage avec toi et Faye ce souci quant aux conditions d'accès du fond de recherche de Heidegger. Je trouve cela honteux que l'on demande à un chercheur de  montrer patte blanche...


 
mais à ce moment là, Heidegger et la République française, meme topo


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" Quel est le but du capital ? Le but du capital c'est produire pour le capital. L'objectif, lui, est illimité. L'objectif du capital c'est produire pour produire." - Deleuze || André Gorz - Vers la société libérée
n°17194579
alcyon36
Posté le 10-01-2009 à 12:21:57  profilanswer
 

pas sur de comprendre...


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17194606
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 10-01-2009 à 12:27:45  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

juste en passant, paceque j'ai pas envie de reecrire un pavé sur le cas Heidegger.
1)les travaux de Bourdieu et de Faye ne sont pas du même ordre...le taf de Bourdieu est plutôt pas mal du tout, et je ne crois pas avoir bcp de chose à modifier (enfin faudrait voir, je lai survolé il y a quelques tps), mais pour Faye c'est juste un gros foutage de gueule d'une incroyable incompetence...
2)ensuite, je partage avec toi et Faye ce souci quant aux conditions d'accès du fond de recherche de Heidegger. Je trouve cela honteux que l'on demande à un chercheur de  montrer patte blanche...


 
1°) Pourquoi foutage de gueule, le travail de Faye ?
2°) Fédier avait été lamentable lors de ce débat, n'arrivant pas à sortir un seul argument valable pour défendre le philosophe de la Forêt Noire.
3°) Fédier, de plus, a bien dit qu'il n'auroriserait l'accès aux archives Heidegger qu'aux chercheurs qu'il adouberait ... C'est qui qui se fout de la gueule des gens . Faye ou Fédier ?


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°17194874
alcyon36
Posté le 10-01-2009 à 13:21:45  profilanswer
 

rire, les deux mon général...
On peut reprocher bcp de choses à Fédier, dont une certaine mauvaise foi, mais c'est dans l'ensemble un assez bon commentateur de Heidegger...Pour cette histoire de l'ouverture du fond , je ne me souviens plus tres bien, mais il ne me semble pas que ce soit Fédier qui s'en charge, mais plutot Herman Heidegger...Ce qui est choquant c'est que Fédier trouve ca normal...
On a ptet pas vu le même débat, dans mon souvenir il me semble que es deux camps étaient assez ridicul...la mauvaise foi de Fédier doublé de l'incompetence de Faye...vraiment tres drôle.
Et le travail de Faye est un foutage de gueule parcequ'il raconte n'importe quoi,  quasi tous ses arguments sont viciés...et au bout du compte après 600pages, il n'arrive pas à démontrer sa thèse selon laquelle la pensée de Heidegger est profondement nazi, voir le nazisme. Qu'on me dise que Heidegger avait des préjugés antsémites, qu'ill etait nationaliste, reactionnaire (normal, pour un mec de la revolution conservatrice) et qu'il a profondement cru pendant quelques années à Hitler et à la reprise national-socialiste de la revolution conservatrice je veux bien, je suis tout à fait d'accord, mais ce ne prouve en aucun cas que sa pensée soit nazie...


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17195068
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 13:46:38  profilanswer
 

>Alcyon36 : tu avais proposé un compte-rendu du livre de Faye sur Heidegger :  
 
http://forum.hardware.fr/hfr/Discu [...] #t11569169
 
Je pense que le livre de Bourdieu est bien plus convaincant, car il évite précisément la fausse question : Heidegger était-il nazi ?
 
Ses méthodes d'analyses sociologiques mettent en évident dans les textes de Heidegger une stratégie de sublimation / euphémisation des discours de la révolution conservatrice en vogue à l'époque.  
D'une certaine façon, Bourdieu prend Heidegger à son piège : plus Heidegger refoule/renie/dénie son nazisme, plus il montre qu'il l'a été. Surtout du fait qu'il ne l'a jamais renié. C'est à dire que Heidegger dénie mais ne renie pas.  
 
La méthode de Bourdieu consiste à ne pas chercher directement d'expressions nazies dans les textes de Heidegger mais à les lire en contexte et à restituer le nazisme de Heidegger non comme expression littérale d'idées, mais comme stratégie textuelle à l'œuvre dans un champ social. On ne pourra pas déceler l'engagement idéologique de H. seulement dans sa vie, ou seulement dans ses textes ; c'est seulement la confrontation des deux qui permet à Bourdieu de retrouver un champ social sous une forme déniée/sublimée au sein même du texte.  
 
Le social n'apparaît dans le textuel que sous forme refoulée (souvenons-nous que le refoulement et le retour du refoulé sont une seule et même chose : le refoulé est produit par son refoulement même, et ce refoulement n'apparaît que comme ce retour même), si bien que la lecture "sociologique" fonctionne ainsi : elle lit dans le texte "pur" ce qui s'y trouve dénié, à savoir la réalité sociale "impure". De cette façon, elle le démystifie en niant qu'il y ait une frontière étanche entre le texte et le contexte : en tant même qu'il est nié, rejeté, expulsé, le contexte se loge au coeur du texte qui a pour fonction de le renier.  
L'ontologie est en ce sens lue comme l'expression indirecte d'une prise de position politique.


Message édité par rahsaan le 10-01-2009 à 18:28:17

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17195145
alcyon36
Posté le 10-01-2009 à 13:57:54  profilanswer
 

                                             
Je repost ce texte, la première version se trouvant sur le forum n'étant pas complete....Pascal75 si tu pouvais la remplacer dans les liens en premiere page...merci
 
 
                                               D’une « lecture » de Heidegger
                      Heidegger : l’introduction du nazisme en philosophie par Emmanuel Faye
 
 
                                                                 « Malheur à moi, qui suis une nuance ! »  
 
                                                                 « La pensée de l’être est le souci porté à l’usage de la langue. »  
 
 
 
 Depuis 1945, ce que l’on peut, sans doute, appeler le « cas Heidegger », vient régulièrement hanter les débats de la scène philosophique. Il est vrai que ce problème est loin d’être mince;  quel sens faut il donner à l’engagement de Heidegger dans le national-socialisme ? Quelle influence un tel engagement a pu avoir dans le développement de sa pensée ?
Ces questions ont d’autant plus d’importance et d’écho, qu’en l’espèce l’auteur est loin d’être un « idéologue » ou un penseur mineur, mais bien, aux dires d’un certain nombre de nos contemporains, d’un des plus grand philosophe que nous ait donné le XXème siècle.
Il est difficile de mesurer l’importance de la trace laissée par Heidegger, tant son influence sur la philosophie contemporaine fut grande, et ce particulièrement en France ; que l’on se permette de citer, sans aucun souci d’exhaustivité, les noms de Sartre, Foucault, Derrida, Levinas, Marcuse, Jonas, Arendt…
 
Comme on peut aisément le pressentir, une telle polémique n’est pas près de prendre fin.
Dernièrement, c’est le brûlot d’E. Faye, Heidegger, l’introduction du nazisme dans la philosophie, qui remobilisa les troupes. Comme toute querelle de cette nature, elle eut le droit à ses tensions, ses invectives, ses insultes et diffamations, ses menaces de poursuites judiciaires, ses pétitions, les rapports de forces et ses guerres de clochers larvés au cœur de l’Université.…même l’Internet se saisit de la question .
Ce livre-événement, fait suffisamment rare pour être souligné, eut l’honneur d’être élevé à la « dignité » d’évènement médiatique. Merveilleux traitement de la presse ayant pour conséquence, la réduction d’une terrible question à la vacuité d’un petit feuilleton.
 
Qu’en est il de la conduite de Heidegger sous le nazisme ? Ce qui est incontestable, c’est qu’il s’est bien engagé auprès du national-socialisme, qu’il fut Recteur de l’université de Fribourg en Brisgau, d’avril 1933 à février 1934. Une telle fonction ne pouvait être obtenue sans le consentement des autorités. De plus, il s’engagea solennellement dans le Parti national-socialiste dès le 1er mai 1933, qu’il ne quittera pas avant 1945. Il participa à des cérémonies et rassemblements officiels, et malgré ce qu’il dira après la guerre, il continua à entretenir des relations avec des personnes installées, et ce, bien après avoir quitté son poste de recteur.  
 Sur ces faits, se greffe l’ensemble des interprétations divergentes à propos de son engagement. Quel a été le degré, la portée, la durée et les motifs d’un tel engagement ?  
Bien que contestables sur bien des points, de nombreux ouvrages historiques ou philosophiques se sont risqués, avec plus ou moins de bonheur et de bienveillance, à répondre à ces questions ; on pense en particulier aux travaux de V.Farias, H.Ott, JP.Faye, P.Bourdieu ou A. Münster. Le plus grand intérêt de ces travaux fut surtout de mettre en lumière la nature de son rapprochement avec le mouvement national-socialiste ; loin d’être une erreur ou le fait d’un simple opportunisme, Heidegger a vraiment cru, un moment en tout cas, qu’un tel mouvement était porteur de nombreuses possibilités de changement, et il y vit particulièrement l’opportunité d’engager sa réforme de l’Université.
 
L’ouvrage d’Emmanuel Faye ne se cantonne pas à chercher à  déterminer la nature et le degré d’engagement du Recteur Heidegger. Sa thèse va beaucoup plus loin que tous ses prédécesseurs ; il n’hésite pas à affirmer que la pensée de Heidegger, dès avant Sein und Zeit et bien après la fin de la guerre, cherche à introduire les fondements du nazisme et de l’hitlérisme au sein de la philosophie. Selon lui, l’ensemble de sa pensée est voué au nazisme et à sa légitimation (légitimation de la sélection raciale, négationnisme ontologique…). De plus, ce qui dans son œuvre semble émettre des critiques sur le régime est postérieur à 1942, et de ce fait, n’est que la conséquence d’une stratégie de dénazification qu’Heidegger mis en œuvre quand il se rendit compte que la fin du régime était proche.
 
La question n’est pas, pour nous, de nier l’importance du cas Heidegger. Notre opposition à la thèse de Faye ne consiste pas à prétendre que Heidegger aurait été le seul et unique Allemand, voire Européen, à être parfaitement dénué d'antisémitisme (sa femme était notoirement antisémite, et lui-même n'était pas dénué non plus de préjugés abjects), ni même, d'ailleurs, à ne pas succomber un certain temps à la fascination pour Hitler et sa rhétorique énergique.  
Il s'agit de comprendre que la pensée de Heidegger navigue à une altitude bien éloignée de ces miasmes d'une banalité absolue, et que la fascination pour la "nouveauté" nazie (une indiscutable fascination dont les raisons tenaient sans doute en partie à son désir de renouveler l'université allemande, et à sa naïveté de croire que l'"énergie" (en réalité l'hystérie) qu'il croyait déceler, comme alors des millions d'autres Allemands et Européens, chez Hitler, allait y contribuer) a pris fin chez lui peu après 1934, de sorte que toute sa pensée, à partir de là, s'acharnera à comprendre et dénoncer les ravages du nihilisme moderne (et avec lui sa forme encore primitive qu'était le nazisme). Voilà le point de désaccord profond avec l’ouvrage de Faye, qui voudrait que toute la pensée de Heidegger, avant, pendant, et après Hitler, eût été nazifiée!
Aussi, il s’agira de mettre en exergue les procédés de lecture douteux de Faye, puis de montrer, par une lecture critique du chapitre neuf, que la pensée de Heidegger ne peut être comprise comme une œuvre de légitimation du nazisme, qu’au prix d’un très malheureux contresens à propos du terme de « métaphysique ».
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Le geste le plus frappant de cette lecture est, sans aucun doute, cette volonté délibérée de dramatiser l’enjeu de son propos, rendant de ce fait impossible un véritable travail d’interprétation de la pensée de Heidegger. Dès le début de son ouvrage,  Faye se fait un devoir de plonger son lecteur dans une atmosphère plus qu’inquiétante :

Citation :

« Nous n’avons pas encore pris toute la mesure de ce que signifie la propagation du nazisme et de l’hitlérisme dans la « pensée », cette lame de fond qui s’empare progressivement des esprits, les domine, les possède et supprime en l’homme toute notion de résistance. La victoire des armes ne fut qu’une première victoire, certes vitale, et qui coûta à l’humanité une guerre mondiale. Aujourd’hui se déroule une autre bataille, plus longue, plus sourde, mais où est en jeu l’avenir de l’espèce humaine. C’est dans tous les domaines de la pensée, de la philosophie jusqu’au droit qu’une prise de conscience est nécessaire (Emmanuel Faye,  Heidegger : l’introduction du nazisme dans la philosophie, p. 7. )

Le lecteur est prévenu, il avance en terrain hostile ; la prudence de tous les instants semble plus que nécessaire, car il est bien question dans ces lignes, d’une nouvelle guerre contre le nazisme ; bien que ce dernier ait été vaincu par les armes, le lecteur ne doit pas se voiler la face,  ses fondements se sont insinués dans tous les différents domaines de la pensée.  
Comme le titre l’annonce explicitement, la question que soulève le cas Heidegger est « bien celle de l’introduction délibérée des fondements du nazisme et de l’hitlérisme dans la philosophie et dans son enseignement »(p.9). Il est certain que Faye travail son lecteur « au corps », il n’hésite pas tout le long de son étude à affubler Heidegger et sa pensée, des plus sombres qualificatifs ; Heidegger y est dépeint comme « noir » , « pervers » . Le plus significatif semble-t-il, est la façon dont il qualifie les propos de Heidegger avant de les introduire, imposant de ce fait au lecteur, un état d’esprit peu enclin à les découvrir pour eux même ; les propos de Heidegger sont qualifiés d « insoutenable » , de « fangeux » , d’« odieux » , de « nauséeux » , de « maniaque »  et « monstrueux » . Avant toute expérience du texte, le lecteur se retrouve dans l’obligation de rejeter a priori ce qu’il va lire, sous peine de compromission avec le nazisme et donc, avec « la négation radicale de toute humanité comme de toute pensée » (p. 10. ; cf. Heidegger à plus forte raison, p. 162.). On ne peut que constater qu’une telle atmosphère n’est pas propice à une lecture sobre et probe, mais n’est pas non plus, a priori, critiquable en soi. En effet, nous ne penserions pas attaquer une telle démarche, une telle volonté de dramatiser l’enjeu et de prévenir le lecteur dans le cas de textes d’Hitler ou de n’importe quel idéologue du régime. Tout le problème est là. L’engagement de Heidegger est-il tel, qu’il faille introduire une présupposition de nazisme dans la lecture de son œuvre ? N’a-t-on aucun élément qui puisse laisser émerger un doute sur le degré de son engagement ? Force est de constater que de tels éléments existent, à commencer par un certain nombre de témoignage, dont les auteurs, à la différence de Karl Löwith, étaient présents en Allemagne à cette époque(l’article de Hadrien France-Lanord , du 25 mars 2005,  Heidegger : Res loquitur ipsa)  :

Citation :

• Celui de Walter Biemel (Cahier de l’Herne Martin Heidegger, 1983), élève de 1942 à 1944, puis proche du penseur, qui raconte une après-midi chez Heidegger au cours de ces années « Pour la première fois, il me fut donné d’entendre de la bouche d’un professeur d’université, une violente critique contre le régime qu’il qualifiait de criminel. » Puis : « Il n’y a pas un cours, un séminaire où j’ai entendu une critique aussi claire du Nazisme qu’auprès de Heidegger. Il était d’ailleurs le seul professeur qui ne commençât pas son cours par le Heil’Hitler réglementaire. À plus forte raison, dans les conversations privées, il faisait une si dure critique des nazis que je me rendais compte à quel point il était lucide sur son erreur de 1933 »(Jean-Michel Palmier, Les écrits politiques de Martin Heidegger, Paris, éditions de l’Herne, 1968)


Citation :

• Celui de Sigfried Bröse qui a assisté à tous les cours de Heidegger du printemps 1934 à l’automne 1944, et qui fut lui-même destitué de ses fonctions (sous-préfet) par les Nationaux-socialistes à leur arrivée au pouvoir en 1933 : « Les cours de Heidegger étaient fréquentés non seulement par des étudiants, mais aussi par des gens exerçant depuis longtemps déjà une profession, ou même par des retraités ; chaque fois que j’ai eu l’occasion de parler avec ces gens, ce qui revenait sans cesse, c’était l’admiration pour le courage avec lequel Heidegger, du haut de sa position philosophique et dans la rigueur de sa démarche, attaquait le national-socialisme. Je sais également que les cours de Heidegger, précisément pour cette raison – sa rupture ouverte n’était pas demeurée ignorée des nazis – étaient surveillés politiquement. » Lettre du 14 janvier 1946 au recteur de l’université de Fribourg) . (François Fédier, Heidegger : Anatomie d’un scandale, Paris, Robert Laffont, 1988)


Citation :

• Celui de Hermine Rohner, étudiante de 1940 à 1943, qui écrit à propos du penseur : « Lui ne craignait pas, fût-ce dans ses cours aux étudiants de toutes les facultés (où le nombre des auditeurs était tel qu’on ne pouvait pas compter qu’ils fussent tous “ses” élèves), de critiquer le national-socialisme d’une manière si ouverte et avec le tranchant si caractéristique qu’offre sa manière de choisir en toute concision ses termes, qu’il m’arrivait d’en être effrayée au point de rentrer la tête dans les épaules (…) En tout cas, la manière courageuse dont Heidegger s’est singularisé pendant les dernières années du IIIe Reich doit assurément compter dans la balance, car elle pèse lourd, bien plus lourd que ne peuvent se le représenter des auteurs nés après la guerre. » (Publié dans la Badische Zeitung du 13/08/1986).


Citation :

• Celui de Georg Picht, élève à partir de 1940, qui raconte l’histoire suivante : « Je ne fus pas surpris lorsqu’un jeune homme vint me trouver et me dit : “Ne m’interrogez pas sur mes sources d’information. Vous mettez votre personne en grand danger si on vous voit aussi souvent avec M. le Professeur Heidegger.” » (Erinnerung an Martin Heidegger, Pfullingen, Neske, 1977)


De tels témoignages ne peuvent pas être, si facilement, écartés d’un revers de la main, et quant à notre cheminement, ils nous ouvrent la possibilité de découvrir Heidegger sans que la présupposition de nazisme ne s’impose comme principe de lecture. Mais qu’une telle possibilité « s’offre » à nous, ne signifie pas nécessairement que l’on doive la saisir.
En revanche, c’est bien la question que pose Faye, et la manière dont il cherche à y répondre, qui nous impose de ne pas rejeter les doutes sur le degré d’engagement d’Heidegger dans le nazisme. Car, en l’espèce, ce qui a lieu, c’est bel et bien un procès, avec son jugement et sa peine. Il s’agit bien de savoir si la pensée de Heidegger est de fond en comble vouée au nazisme et à sa légitimation, et donc s’il n’est pas nécessaire, et ce de toute urgence, de s’en prémunir :

Citation :

Pour préserver l’avenir de la pensée philosophique, il est également indispensable de s’interroger sur la vraie nature de la Gesamtausgabe de Heidegger, avec les principes racistes, eugénistes et radicalement destructeurs pour l’existence et la raison humaine que ces écrits portent en eux. Une telle œuvre ne peut pas continuer de figurer dans les bibliothèques de philosophie : elle a bien plutôt sa place dans les fonds de l’histoire du nazisme et de l’hitlérisme (Faye, op. cit., p. 513)

C’est dire l’importance et le danger d’une telle démarche, si le verdict tombe contre Heidegger, son œuvre ne devra plus être étudiée comme celle d’un philosophe -et quel philosophe, mais à la seule lumière de son engagement. Ce procès, ou bien plutôt cette logique de chasse aux sorcières, vise la mise à l’index de la pensée de Heidegger. Ce n’est pas une petite chose que d’accuser quelqu’un de nazisme. Surtout que Faye ne dit pas seulement que Heidegger a été nazi de bout en bout, mais plus encore que sa pensée est le nazisme !
Aussi, François Fedier a éminemment raison de rappeler une règle indispensable à la bonne tenue de tous procès, à savoir que "le moindre soupçon légitime que l’on peut concevoir à l’encontre des « thèses » de l’accusation doit faire pencher la balance en faveur de l’accusé, et non de l’accusation ".(Heidegger à plus forte raison, p. 32) S’il est plus que légitime de poser la question des rapports de Heidegger avec le mouvement national-socialiste, nous devons le faire sans présupposer ce nazisme dans notre lecture, en tenant bon sur le respect de la « clause du doute raisonnable ». Ainsi, et c’est la démarche même de l’auteur qui nous l’impose, il nous faut rejeter de toutes nos forces ce mauvais procédé consistant à conditionner le lecteur avant la « révélation », à le placer ,avant toute lecture, dans une situation de choix entre un héroïque combat contre le mal incarné, et la compromission avec « l’ignoble ». Aucune interprétation valable ne peut tenir et maintenir un lecteur sous la pression d’un tel chantage.
A la lecture de ce livre, il est d’ailleurs étonnant (et effrayant) de voir jusqu’où son auteur est capable de pousser la présupposition de nazisme dans sa lecture…à savoir jusqu’au ridicule. Le cas le plus significatif est ce merveilleux passage de la page 180, où Faye dévoile à son lecteur l’étendue de ses « qualités » d’interprète. Ce dernier, reprenant un passage où Heidegger tente d’expliciter l’hymne de Hölderlin intitulé Le Rhin, n’hésite pas à voir, dans un schéma dynamique rassemblant les termes principaux du poème (Geburt, Lichtstrahl, Not et Zücht), une interprétation « ésotérique de la gestation et du sens occulte de la croix gammée » (Heidegger à plus forte raison p.26-27) Une telle méthode de lecture, ne peut pas ne pas faire penser à ce que nous disait Nietzsche de la mauvaise philologie, en l’espèce celle du christianisme s’appropriant « l’Ancien Testament » juif :

Citation :

Il y eut alors une rage d’interprétation et d’interpolation qui ne pouvait certainement pas s’allier à la bonne conscience ; quelles que fussent les protestations des savants juifs, partout, dans l’Ancien Testament, il devait être question du Christ, et rien que du Christ, partout notamment de sa croix, et tous les passages où il était question de bois, de verge, d’échelle, de rameau, d’arbre, de saule, de bâton ne pouvaient être que des prophéties relatives aux bois de la croix : même l’érection de la licorne et du serpent d’airain, Moise lui-même avec ses bras étendus pour la prière, et les lances où rôtissait l’agneau pascal,_tout cela n’était que des allusions et, en quelque sorte, des préludes de la croix ! (Nietzsche, Aurore, I, §84)

A chacun sa croix ! Avec de telles méthodes, n’importe qui peut « lire » à peu près n’importe quoi…D’ailleurs, Faye assume parfaitement sa méthode de lecture indirecte. Il s’agit toujours, de mettre en rapport les textes de Heidegger avec ceux de différents idéologues nazis afin de mettre en exergue la nocivité de sa pensée. Aussi, c’est sans même, semble-t-il, réfléchir sur ce qu’une telle méthode est susceptible de mettre en lumière, qu’il énonce explicitement :

Citation :

Nous avons étudié les écrits de personnalités jusqu’à présent laissées dans l’ombre telles que Erich que, Rudolph Stadelmann, Erik Wolf et Oskar Becker. Par les relations parfois extrêmement proches que leurs auteurs ont entretenues avec Heidegger, ces textes apportent des éclaircissements décisifs sur la dimension raciale qui se trouve au fondement des conceptions de ce dernier. En effet,lorsqu’on observe tout ce qui rattache entre eux, dès les années 1920, et sur fond de doctrine raciale articulée autour du concept de « monde environnant » (Umwelt) des auteurs comme Heidegger, Rothacker, Becker et Clauss, on comprend que l’oeuvre de Heidegger ne correspond nullement à une « philosophie » qui se serait formée avant de rencontrer sur sa route le nazisme, mais bien à une doctrine qui, dès ces années 1920,se fonde sur une conception de l’ « existence historique » et du « monde environnant » qui s’apparente à la doctrine raciale du national-socialisme, telle qu’elle essaime alors dans la vie intellectuelle, sous des formes en partie transposées et masquées. (Faye, op. cit., p. 15)


Citation :

L’essentiel nous semble acquis à savoir qu’il ne sera désormais plus guère possible d’étudier les notions d’historicité et de tenue chez Heidegger sans évoquer les développements correspondants de Rothacker, ou d’analyser les notions de « monde ambiant » et d’ « être en commun » dans Etre et temps sans tenir compte des ouvrages de Clauss (Faye, p.53)


Citation :

« une certaine connaissance des écrits de Ludwig Clauss, d’Oskar Becker, et même d’Alfred Rosenberg , n’est donc pas inutile pour mieux réaliser  ce qui est véritablement en jeu chez Heidegger, à travers les notions d’âme et d’essence. Sans doute faudrait-il aller plus loin et procéder à des confrontations en profondeur entre les textes canoniques de ces différents doctrinaires du nazisme. Car ce n’est pas dans Kant ou dans Hegel que l’on trouvera la clef pour comprendre l’enjeu des commentaires heideggériens de Hölderlin, mais bien dans la comparaison avec les autres mythologues du nazisme. (Faye p. 185.)


Quel est le problème que pose un tel procédé ? On voit bien que ce qu’il cherche avant tout c’est la contextualisation de la pensée de Heidegger. Il faut rappeler que la contextualisation d’une œuvre philosophique, bien que pouvant être utile, n’en reste pas moins plutôt limitée, car tout l’enjeu est à chaque fois, de pouvoir comprendre le sens de cette pensée, en tenant compte de la structure spécifique de son questionnement. Chercher à contextualiser n’est donc certainement pas une faute en soi, surtout en ce qui concerne le cas Heidegger… En l’espèce, la démarche de Faye étant d’établir la culpabilité de Heidegger, de montrer à quel point sa pensée est le nazisme, il faut bien comprendre qu’un tel procédé de lecture indirecte, ne pourra jamais rien établir, le raisonnement étant circulaire. En fait, une telle mise en contexte de l’oeuvre est entachée par la présupposition du nazisme de Heidegger. Car si nous tenons bon sur cette « clause du doute raisonnable », la démarche se doit d’être toute autre ; nous ne pouvons ni ne devons exclure l’hypothèse d’un Heidegger en opposition avec le nazisme, d’un penseur usant de ses « idéologèmes » pour les critiquer, les subvertir…leur faire dire tout autre chose(cf. Léo Strauss, La persécution et l’art d’écrire.) . C’est justement une telle hypothèse, qui pourtant découle de la plus simple probité, que Faye et ses méthodes de lectures ne peuvent envisager. Répétons nous, que doit établir Faye ? Non pas qu’Heidegger utilise des termes d’autres nazis, ou que sa pensée serait contaminée par ses rapports à d’autres individus, mais bien que sa pensée, en elle-même et par elle-même, est le véhicule du nazisme ; ce qui impose tout sauf une lecture « indirecte ». Au risque d’être rébarbatif, sans toutefois viser l’exhaustivité, voici quelques exemples de ces arguments, qui juxtaposant deux éléments concluent à leur identité :
* Heidegger « emploie » certains termes allemand, or ces termes sont utilisés par l’idéologie nationale-socialiste, donc la pensée de Heidegger exprime « les principes les plus extrêmes de l’hitlérisme et du nazisme »(Faye p.18)
 
*Le mot « elementare » est utilisé plusieurs fois par Heidegger dans Sein und Zeit, or ce terme est également utilisé par Alfred Beumler, donc Sein und Zeit est un livre raciste.(p.32)
 
*Heidegger écrit dans une conférence de 1933 (en faveur du mouvement national-socialiste), que les allemands doivent se battrent « comme une race dure », or à la même année Ernst Forsthoff oppose la « race dure  en lutte contre […]  la juiverie internationale », donc Heidegger en parlant de « race dure » pensait également à la « juiverie internationale »(p.112)
 
*Heidegger a écrit que « la structure de l’existence völkisch qui se forme dans le travail et comme travail, est l’Etat », or dans Mein Kampf, Hitler « affirmait que le travail créateur est et serait à jamais antisémite », donc Heidegger partageait cet antisémitisme. (p.128)
 
*Heidegger, en commentant un hymne de Hölderlin, insiste sur le terme Geburt(qui est un des termes centraux de cet hymne), or Rosenberg revient constamment sur le thème de la Wiedergeburt, donc Heidegger dit la même chose que Rosenberg. (p.184)
 
De tels arguments n’établissent rien, si ce n’est le doute du lecteur quant aux méthodes utilisées. Ce qu’il importe de retenir, c’est que, si la volonté de mettre à jour les rapports qu’entretient la pensée d’Heidegger avec le nazisme est légitime, elle ne pourra jamais rien établir de probant tant qu’elle se confinera à une lecture indirecte par contagion et contamination. Il s’agit pour nous, à présent, d’examiner plus en détail la thèse de Faye, et particulièrement ce fameux neuvième chapitre, où il entend établir, non seulement que Heidegger a justifié la sélection raciale, mais en plus que ce dernier  soutiendrait même après 1945, ce que Faye appelle, un « négationnisme ontologique ».
 
 
 
 
 
 
 
 
Avant d’entamer véritablement notre lecture de ce neuvième chapitre, il est nécessaire d’apporter quelques précisions quant aux raisons qui nous poussèrent à choisir spécifiquement  ce passage. N’étant pas question pour nous de nier l’engagement de Heidegger, ce que nous voudrions réfuter, c’est la thèse selon laquelle son œuvre serait vouée au nazisme et à sa légitimation dès avant 1933, et encore bien après 1945. Nous ne pensons pas nécessaire de nous attarder sur la « lecture » que Faye propose de Sein und Zeit  ; parvenir à voir dans ce sommet de la pensée une inscription « dans les fondements même du national-socialisme » demeure pour nous une énigme ; « on ne réfute pas une maladie des yeux ».  
 Comme l’affirme d’ailleurs Faye lui-même, et ce, avec quelques arrières pensées, « à l’époque de son enseignement à Marbourg, Heidegger n’affiche pas ouvertement une position antisémite » … aussi s’il s’agit de montrer le nazisme de Heidegger à cette époque ce ne peut être par la lecture de ses livres, mais seulement par celle des intellectuels qui l’auront « entouré ». Ensuite, et surtout, ce chapitre neuf est, selon les dires même de Faye, « une investigation en profondeur jusqu’au fond le plus noir de la doctrine de Heidegger » .(Faye p. 58)Le chapitre commence par une citation tronquée de Heidegger posant que « le principe de l’institution d’une sélection raciale est métaphysiquement nécessaire » . M. Faye va même plus loin, car selon lui, « au début des années 1940, l’un de ses thèmes les plus obsessionnels n’est autre que la froide légitimation de la sélection raciale, qu’il présente dans son fondement comme métaphysiquement nécessaire » .. Et il s’agit de ne pas se leurrer sur les changements de Heidegger dans ses rapports au national-socialisme,

Citation :

car, en réalité, la seule mutation importante du discours de Heidegger a eu lieu durant les années 1942-1949, et sa motivation est stratégique. Elle est esquissée alors que se profile la défaite du nazisme, puis elle se précise qu’il a dû faire face à l’échec du IIIème Reich, qui signifiait en même temps l’échec total de son œuvre qui en accompagnait le mouvement.(p.397)


Citation :

En 1949, devant le public choisi du « club de Brême », il se risque, dans la conférence intitulée « Le Dis-positif »(Das Ge-stell), à propos des camps d’anéantissement et des chambres à gaz, à une affirmation d’un révisionnisme radical, qu’il se gardera de publier dans son édition des conférences de 1962. Et comme nous le verrons, il ira encore bien plus loin dans une autre conférence, rédigée au même moment mais publiée seulement en 1994, dans la Gesamtausgabe (cf. le négationnisme ontologique)

Aussi, ce qu’il nous faudra principalement montrer, c’est d’une part le fait que Heidegger n’entend pas du tout légitimer la sélection raciale ou soutenir un quelconque « négationnisme ontologique », et d’autre part que la « mutation importante » de sa pensée face au nazisme a bien lieu avant 1942, et ne peut donc être considérée comme « stratégique ».
 
 
 
L’introduction du nazisme dans la « métaphysique »
Cette première approche se veut une lecture du cours de 1935 , intitulé Introduction à la métaphysique. Il faut voire la « lecture » que Faye en propose pour être en mesure d’apprécier les dégâts de son interprétation et sa manière de citer les textes. Dans ce cours, Heidegger tente de présenter, sur plus de 200 pages, la métaphysique à partir de la question de l’Etre. Déjà, il nous faut rejeter cette proposition de Faye selon laquelle :

Citation :

dans la première partie du cours, Heidegger réduit la question directrice de la « métaphysique » à la « question de l’être ». Celle-ci est entendue en un sens qui ne relève plus, de près ou de loin, de la vrai philosophie, laquelle concerne tout être humain et ne saurait donc être confisquée au profit d’un peuple ou d’une « race » (p.403)

Visiblement Faye se pose comme le dépositaire et le garant de la « vraie » philosophie. Pourtant Heidegger n’a jamais dit que cette « question de l’être » ne concernait pas l’homme en général, au contraire, une lecture attentive de Sein und Zeit montre bien qu’il est question de l’homme en général, comme il le rappelle lui-même:

Citation :

Le traité de l’Etre et temps entreprend, sur le fondement de la question concernant non plus la vérité de l’étant mais la vérité de l’Etre, de déterminer l’essence de l’homme à partir de son rapport à l’être et rien qu’à partir de ce rapport, laquelle essence de l’homme dans ce traité est définie en un sens rigoureusement délimité en tant qu’être-là. (Heidegger, Nietzsche II, p. 155)

Ensuite, Faye n’hésite pas affirmer, qu’il faut « considérer, comme il le laissera entendre dans une lettre à Die Zeit de septembre 1953, que le cours de 1935 sur l’Introduction à la métaphysique est tout entier conçu pour conduire l’auditeur jusqu’à l’éloge final de ce qu’il n’hésite pas à nommer « la vérité interne et la grandeur du mouvement » national-socialiste » .(Faye, op. cit., p. 401.) Après une telle affirmation on ne peut qu’être sceptique. Faye nous présente d’abord un Heidegger cherchant stratégiquement, dès avant la sortie de la guerre, à se poser comme opposant au nazisme, pour affirmer par la suite que dès 1953, ce dernier se permet de laisser entendre qu’un de ses cours était « tout entier conçu pour conduire l’auditeur à l’éloge final » du mouvement national-socialiste… que cela soit dit une fois pour toutes, à en croire Faye, Heidegger, en plus de ne pas être un philosophe,n’est pas un stratège très prudent. Soyons sérieux quelques instants, quand Heidegger dit dans sa lettre au Zeit qu’il « est convaincu que le cours supporte de fond en comble les phrases évoquées », il s’agit pour lui de dire, non pas que le cours tout entier vise cet éloge, mais que de telles phrases n’entachent en rien le contenu même de ce cours .(„ … zum anderer bin ich überzeugt, dass die Vorlesung die erwähnte Sätze durchhaus vertragt.“ Heidegger à Die Zeit , 24 septembre 1953.) Par la suite, Faye cite ce passage du cours sur l’Etat, où il est dit « un Etat_il est. En quoi consiste  son être ? En ce que la police d’Etat arrête un suspect. » . Pour tout lecteur, une telle citation fait froid dans le dos. On y voit un Heidegger légitimant la Gestapo et l’Etat hitlérien… enfin c’est ce que Faye voudrait nous faire croire, car si l’on se rapporte au texte même du cours on y lit tout autre chose. En fait, cette citation se situe dans un ensemble d’exemples (sur la craie, la motocyclette, le coq de bruyère, l’orage, la montagne, le portail d’une église romane, l’Etat et le tableau de Van Gogh) où Heidegger cherche à montrer à son auditeur que même si nous disons de toutes ces choses qu’elles sont, nous ne sommes pas en mesure de savoir où est leur être. « Tout ce que nous avons nommé est pourtant, et néanmoins, lorsque nous voulons saisir l’être, c’est toujours comme si nous refermions la main sur le vide »  D’ailleurs, il nous semble judicieux de citer en entier cet exemple sur l’être de l’Etat pour bien mettre en évidence qu’il ne s’agit en aucun cas pour Heidegger de le légitimer.

Citation :

Un Etat_ il est. En quoi consiste son être ? En ceci que la police d’Etat arrête un suspect, ou en ce que, à la chancellerie il y a tant et tant de machines à écrire en action, qui prennent ce que leur dictent des secrétaires d’Etat ? Ou bien est-il dans l’entretien du Führer avec le ministre anglais des Affaires étrangères ? L’Etat est. Mais où se cache l’être ? Se cache-t-il d’ailleurs où que ce soit ? (Heidegger, Introduction à la métaphysique, p. 46)

Enfin, malgré ce que peut laisser entendre M. Faye, quand Heidegger décide de renoncer au terme d’ontologie, ce n’est pas pour faire de l’histoire, ce n’est pas pour s’occuper de « l’existence historique de l’homme », tout au contraire le propos de Heidegger est de montrer que c’est l’histoire qui doit être pensé dans l’horizon de l’être, loin de confondre « l’existence historique de l’homme et le « nous » du seul peuple germanique réuni sous la Führung hitlérienne » . Comme le laisse entendre Heidegger dans ce même cours :

Citation :

si cette situation tenait à ce qui, depuis l’origine, est en marche à travers toute la provenance de l’Occident, à un évènement que tous les yeux de tous les historiens n’arriveront pas à percevoir, et qui pourtant pro-vient autrefois, aujourd’hui et dans l’avenir ? Que diriez vous si les choses étaient telles que l’homme, que les peuples, dans leurs plus grandes affaires et machinations, aient bien une relation à l’étant, et cependant, soient tombés depuis longtemps hors de l’être sans le savoir, et que cela même soit la raison la plus intérieure et la plus puissante de leur décadence ?(Heidegger, Introduction à la métaphysique, p. 48)

On est loin de trouver dans ce cours une « introduction du nazisme dans la métaphysique », mais bien toujours le même cheminement de la pensée de Heidegger sur ce qu’est la métaphysique. Attardons nous quelques instants sur ce point. Quand Faye nous dit que :

Citation :

Cette perversion heideggérienne dans l’usage du mot « métaphysique » atteint un degré tel qu’il va jusqu’à présenter, en juin 1940, la « motorisation de la Wehrmacht » comme « un acte métaphysique » ! C’est pourquoi il est aujourd’hui essentiel de prendre conscience que ce dont nous parle Heidegger sous le nom de « métaphysique » est sans rapport avec la vraie métaphysique ou philosophie première, science des principes et des causes, telle qu’on la voit à l’œuvre chez les philosophes aussi différents qu’Aristote ou Descartes (Faye, p. 407)

Ce point est extrêmement important, car c’est là que se joue tout le contresens qui guide la lecture de Faye et l’empêche de comprendre ce qu’il cherche à commenter. En effet, Heidegger a conféré un sens particulier au terme de « métaphysique », il entend par là la pensée qui depuis le geste platonicien se fonde, à son insu, sur l’oubli du sens de l’être, pour ne se pré-occuper que de l’étantité de l’étant, bref une pensée qui se fonde sur l’occultation de ce qu’il appelle la différence ontologique, différence entre l’Etre et l’étant. Or, nul ne peut ignorer que depuis Sein und Zeit , sans oublier Qu’est ce que la métaphysique , ou encore, Comment dépasser la métaphysique , Heidegger tente ,avec plus ou moins de réussite, de se départir de cette pensée oublieuse du sens de l'être. Afin de faciliter par la suite la mise en exergue du contresens que la lecture de Faye véhicule, citons ce passage récapitulatif, où Heidegger conclut le chapitre de son Nietzsche II, intitulé « Le nihilisme européen » :

Citation :

Depuis le jour où Platon interpréta la propriété d’être de l’étant en tant qu’idea jusqu’à l’époque où Nietzsche détermine l’Etre en tant que valeur, donc tout au long de l’histoire de la métaphysique, l’Etre se voit sauvegardé sans discussion en tant que l’a priori par rapport auquel l’homme se comporte en tant que nature raisonnable. Parce que la relation à l’’Etre pour ainsi dire a disparu dans l’indifférence, la distinction de l’Etre et de l’étant ne saurait non plus devenir problématique [soit »digne de question »] pour la métaphysique. […] La référence à des « idées » et à des « valeurs » et l’établissement de celles-ci constitue l’instrument le plus courant et le plus compréhensible de l’interprétation du monde et de la conduite de la vie. Cette indifférence à l’égard de l’Etre, au sein de la suprême passion pour l’étant témoigne du caractère absolument métaphysique de l’époque. La conséquence essentielle de cet état de choses se montre en ce que les décisions historiales se sont désormais sciemment, volontairement et intégralement transférées hors des districts séparés des anciennes activités de la culture_politique, science, art, société_ dans le domaine de la « conception du monde ». La « conception du monde » est cette structure de la métaphysique moderne qui devient inévitable dès lors que l’achèvement de la métaphysique débute dans l’inconditionnel. […] Cet accouplement de l’idée avec la valeur a fait disparaître dans l’essence de l’idée le caractère de l’Etre et de sa distinction par rapport à l’étant. […] La puissance de la « conception du monde »  s’est désormais emparée de l’essence de la métaphysique. Ce qui veut dire : Ce qui est particulier à toute métaphysique, à savoir que la distinction de l’Etre et de l’étant qui la porte, lui demeure par essence et nécessairement indifférente et « sans question », désormais devient ce qui caractérise la métaphysique en tant que « conception du monde ». Ici se trouve la raison de ce que, à partir du moment où l’achèvement de la métaphysique commence, la souveraineté intégrale et inconditionnelle sur l’étant peut enfin se développer sans plus rien qui vienne la déranger ou la confondre. (Heidegger, Nietzsche II, pp. 201-203.)


On reproche souvent à Heidegger son obscurité. Même s’il est vrai qu’il use, et à dessein, d’une terminologie déroutante à certains égards, ce texte dit clairement ce qu’il en est, pour Heidegger, de la « métaphysique ». On peut ne pas être d’accord avec sa lecture de l’histoire de la philosophie, mais on ne peut lui faire dire le contraire de ce qu’il dit. Cette « métaphysique » que Heidegger met en rapport avec le nihilisme européen, oublieuse du sens de l’Etre, ne peut être présentée comme ce que veut ou préconise Heidegger, tout au contraire. Ce texte nous permet également de mettre en lumière la critique d’Heidegger à propos des « conceptions du monde », n’en déplaise à Faye.
Si la « motorisation de la Wehrmacht » est présentée comme un « acte métaphysique », cela ne revient pas l’approuver, mais à constater et décrire notre époque contemporaine, celle de l’achèvement de la métaphysique,  où la métaphysique de la subjectivité devient « subjectivité inconditionnée de la volonté de puissance », époque du déferlement de la Technique visant la domination de la totalité de l’étant . Nous pouvons à présent poursuivre notre lecture.
 
 
 
L’interprétation de Descartes et de la métaphysique lors de l’invasion de la France
Dans ce passage il est question de l’interprétation de Descartes et de sa métaphysique qu’Heidegger propose dans son Nietzsche. Pendant les premières pages, Faye critique cette interprétation de Descartes et entend démontrer qu’elle ne se fonde sur rien. N’étant pas, comme Faye, un spécialiste de Descartes, il n’est pas question pour nous de contester son interprétation. De toute façon, en l’espèce, la question de la « véracité » des interprétations de Heidegger, qu’elles portent sur Aristote ou Descartes, ne concernent pas notre problème . En revanche, Faye en « résumant » le propos de Heidegger va  fournir de l’eau à notre moulin:

Citation :

Cette conception de «l’histoire de la métaphysique » moderne comme histoire de la subjectivité, où s’égrènent dans une continuité « destinale » implacable les noms de Descartes, Hegel et Nietzsche, a été répétée à l’envi par maints commentateurs depuis la publication du Nietzsche de 1961. Cependant, il ne semble pas que l’on se soit sérieusement demandé comment Heidegger pouvait passer ainsi de la mens cartésienne à la Macht nietzschéenne. Rien ne permet en effet de traduire en termes de puissance l’esprit humain tel qu’il prend conscience de soi dans les Méditations .(Faye, op. cit., p. 435.)

Admettons, comme le veut Faye, que ce passage de Descartes à Nietzsche ne se fonde sur rien. On peut toutefois remarquer que notre interprète lui-même s’accorde sur le fait qu’Heidegger identifie l’histoire de la métaphysique moderne avec l’histoire de la subjectivité. Or, comme nous l’avons montré précédemment, la « métaphysique », et en particulier cette « métaphysique moderne » reposant sur la subjectivité, est bien ce que Heidegger cherche à dépasser. D’ailleurs, Faye lui-même, au début de son ouvrage, dans les passages où il caricature Sein und Zeit perçoit bien que Heidegger refuse de penser l’homme comme sujet , et même bien plutôt, essaie d’effectuer une percée à travers l’opposition sujet/objet. Il poursuit :

Citation :

En outre, si l’on prend en considération les textes supprimés dans le Nietzsche de 1961, on découvre que Heidegger conçoit la subjectivité moderne en un sens radicalement opposé à la philosophie cartésienne. En effet, ce n’est plus à l’esprit et au moi humain qu’il relie la subjectivité : l’attachement au moi n’est écrit-il, qu’une « dégénérescence »(Entartung) de l’être soi-même. Heidegger n’hésite pas à employer à plusieurs reprises, dans ce passage, le terme Entartung qui appartient au vocabulaire racial le plus connoté du nazisme. Ce n’est donc nullement l’être humain dans sa valeur individuelle, mais au contraire le peuple et la nation entendus comme communauté, et donc la Volksgemeinschaft, que Heidegger conçoit sous le nom de « subjectivité »(Faye p.

Ce passage est particulièrement intéressant. Faye voit bien que quelque chose ne fonctionne pas comme il le voudrait. Heidegger parle de « subjectivité » en renvoyant à des notions (communauté, nation, …) qui semblent en contradiction avec elle. Trop accroché à sa vision d’un Heidegger emprisonné dans son nazisme, il ne peut voir dans un tel rapprochement qu’une tentative de légitimer ses conceptions « nazies » de la Volksgemeinschaft. Dans le monde de Faye, les notions de « subjectivité », de « sujets »…ne peuvent revêtir qu’un sens positif. Comme on va le voir, il s’agit de tout le contraire. Pour Heidegger, qui, répétons le, ne cesse depuis Sein und Zeit de chercher à dépasser cette métaphysique du sujet, qualifier de « subjectivité » les conceptions tournant autour de la Volksgemeinschaft constitue clairement une critique  de ces dernières (Et ce cours a été rédigé en 1940, donc bien avant 1942). Notre « lecteur » continue et cite, pensant appuyer son propos :

Citation :

Lorsqu’un homme se sacrifie, il ne le peut que pour autant qu’il est entièrement soi-même_ à partir de l’être soi-même et de l’abandon de son individualité. […]
La subjectivité ne peut en aucun cas être déterminée à partir de l’égoïste ni se fonder sur elle. Cependant il nous est difficile de nous ôter de l’oreille la tonalité fausse de « l’individualiste », lorsque nous entendons les mots « sujets » et « subjectifs ».
Néanmoins, il faut inculquer ceci : plus, et plus universellement l’homme en tant qu’humanité historique (peuple, nation), repose sur soi-même, plus l’homme devient « subjectif » au sens métaphysique. L’accent mis sur la communauté (Gemeinschaft) par opposition à l’égoïsme de l’individu n’est pas, métaphysiquement pensé, le dépassement du subjectivisme, mais bien son accomplissement, car l’homme_ non pas l’individu séparé, mais l’homme dans son essence_ entre à présent en piste : tout ce qui est, tout ce qui est mis en œuvre et crée, subi et conquis doit reposer sur lui-même et s’établir sous sa domination. (Faye pp. 435-436.)

Puis commente:

Citation :

Ce passage nous montre comment, à partir du thème national-socialiste de l’Opfer, du sacrifice qui scelle l’appartenance de l’individu à la communauté, et sous couvert de l’attaque habituelle chez les nationaux-socialistes de l’ « égoïsme » supposé de l’individu, Heidegger identifie en 1940, l’accomplissement de la subjectivité moderne à la domination de la Volksgemeinschaft nazie, et celle-ci à l’entrée en scène de l’homme entendu « dans son essence » !

Le contresens est plus que flagrant. Si en effet Heidegger « identifie » l’accomplissement de la subjectivité moderne à la domination de la Volksgemeinschaft, ce n’est pas pour valoriser, ou reprendre à son compte cette domination, mais pour critiquer ceux (les nationaux-socialistes) qui voulant lutter contre l’ « égoïsme » au travers de la domination de la Volksgemeinschaft, sont loin d’être en mesure de dépasser ce subjectivisme, mais bien plutôt effectuent son accomplissement. Comme le résume assez bien M. Carron ;

Citation :

Les deux attitudes, individualisme et totalitarisme, s’engendrent l’une l’autre, puisque le totalitarisme n’est autre que l’individualisme de la personne placée à la tête de l’Etat, et l’individualisme le totalitarisme de toute personne se plaçant à la tête de l’étant ; la politique ne constitue plus une force susceptible d’éviter la conscience nihiliste, mais au contraire favorise cette conscience(M. Carron, Heidegger:Pensée de l’être et origine de la subjectivité, p. 552)

Un peu plus loin Faye continue sa « lecture », il cite :

Citation :

En ces jours nous sommes nous-mêmes les témoins d’une loi mystérieuse de l’histoire, selon laquelle il vient un jour où un peuple n’est plus à la hauteur de la métaphysique surgie de sa propre histoire, et cela à l’instant même où cette métaphysique s’est convertie en l’inconditionnel .

Puis commente:

Citation :

Cela signifie en clair que pour Heidegger, l’invasion de la France par l’armée allemande est un évènement non pas seulement militaire mais « métaphysique », qui révèle aux Allemands_désignés dans ces pages par l’expression wir selbst_ que la France en tant que peuple n’est plus à la hauteur de la métaphysique instituée par Descartes.(p.347)

Rappelons que ce passage provient encore du chapitre intitulé « le nihilisme européen ». Puisqu’il faut un minimum de précision, notons déjà que Heidegger n’affirme pas que le peuple français n’est plus à la hauteur de la métaphysique de Descartes, mais qu’il n’est plus à la hauteur de cette métaphysique « à l’instant même où cette métaphysique s’est convertie en inconditionnel », c'est-à-dire quand la métaphysique de la subjectivité devient « subjectivité inconditionnée de la volonté de puissance », à savoir justement, le nihilisme européen dans son accomplissement…cette époque de la Technique qui « nécessite » un homme nouveau, capable d’assurer la domination totale de la planète. Il suffit d’ailleurs de citer la suite de ce passage pour voir, et ce sans ambiguïté, où Heidegger veut en venir :

Citation :

Maintenant apparaît ce que Nietzsche avait d’ores et déjà reconnu métaphysiquement : que la moderne « économie machinaliste », la calculation machinalisante de toute action et de toute planification sous sa forme absolue exige une humanité neuve qui aille au-delà de ce que l’homme a été jusqu’alors.[…] Il y faut une humanité qui soit foncièrement conforme à l’essence fondamentale singulière de la technique moderne et à sa vérité métaphysique, c'est-à-dire qui se laisse totalement dominer par l’essence de la technique afin de pouvoir de la sorte précisément diriger et utiliser elle-même les différents processus et possibilités techniques (Heidegger, Nietzsche II, pp. 133-134)

Loin d’être une « légitimation » ou une « apologie », Heidegger se contente, avec l’intercession de Nietzsche, de décrire cette lame de fond qu’est le nihilisme européen se présentant sous la forme de la domination technique. Comment donc ne pas voir, que dès 1940 (et donc bien avant de 1942) Heidegger critique radicalement cette « conception du monde » nationale-socialiste visant la domination et l’exploitation de la totalité de l’étant. Il s’agit enfin, pour nous, de nous interroger sur la véracité de ce que Faye appelle « la légitimation de la sélection raciale ».
 
 
La légitimation de la sélection raciale comme « métaphysiquement nécessaire »
Il faut dire que le lecteur de Faye attend ce passage depuis longtemps, son introduction a été soigneusement préparée . Commençant par quelques propos où il continue à développer le contresens dont il est victime à propos du statut de la « métaphysique » dans le cheminement de pensée heideggérien, Faye affirme :

Citation :

En 1941-1942, dans son cours rédigé mais finalement non prononcé sur la métaphysique de Nietzsche, il n’hésite pas à présenter le « dressage (Züchtung) des hommes » et le « principe de l’institution d’une sélection de race » (Rassenzuchtung), comme « métaphysiquement nécessaire » (metaphysich notwendig) !
En outre, Heidegger parle à ce propos de « pensée de la race » (Rassengedanke), en soulignant le mot « pensée ». Il élève ainsi la doctrine raciale à la dignité d’une « pensée », en vue de lui conférer une légitimité non plus seulement historique, mais « philosophique ». Dans cette perspective de froide légitimation des fondements mêmes du nazisme, où la « sélection raciale de l’homme » est présentée comme une nécessité « métaphysique »_ ce qui constitue dans quelque sens que l’on prenne la phrase, une perversion inacceptable dans l’usage du mot_, Heidegger nous conduit jusqu’à la destitution de l’être humain, à l’opposé absolu de la philosophie cartésienne de la perfection de l’homme (Faye, p.440)

Il ne nous semble pas nécessaire d’insister sur ce contresens flagrant…que peut bien vouloir dire « métaphysiquement nécessaire » ? Comme précédemment, à propos de la subjectivité, on voit que dans le monde de Faye, qualifier quelque chose de « métaphysique » revient, inévitablement, à la « légitimer » ou à en faire l’ « apologie ». Il faut remarquer que pas une seule fois dans tout son ouvrage, Faye ne prend la peine de citer dans son intégralité ce passage tant dénoncé. S’il le faisait, le lecteur serait forcé de constater qu’Heidegger continue sa description du nihilisme européen, de cette époque Technique et machinale :

Citation :

En tant que l’exploration de tout étant, susceptible d’être exploitée et dirigée, elles (les sciences) fixent l’étant et par leurs fixations elles conditionnent la consistance ainsi assurée à la Volonté de puissance. Or, la sélection de l’homme ne revient pas à une discipline nivelante et paralysante de la sensualité : la sélection consiste à emmagasiner et à purifier les énergies en l’univocité de l’ »automatisme » rigoureusement maîtrisable de tout agir. Là uniquement où l’inconditionnée subjectivité de la Volonté de puissance devient vérité de l’étant en sa totalité, là même le principe (de l’institution) d’une sélection de race, c'est-à-dire non pas une simple formation de race se développant à partir d’elle-même, mais la notion de race, consciente d’elle-même en tant que notion, est possible, soit métaphysiquement nécessaire(Heidegger, Nietzsche II, p. 247)

On peut donc constater, que c’est seulement quand « l’inconditionnée subjectivité de la volonté de puissance devient vérité de l’étant en sa totalité », que l’institution de la sélection raciale devient « métaphysiquement nécessaire ». Cela ne veut en aucun moment dire qu’une telle institution est susceptible d’être souhaitable ou désirable ; bien au contraire, pour Heidegger, cela ne fait que traduire cette situation dans laquelle l’homme n’est plus en mesure de répondre à l’appel de l’Etre, tout engagé qu’il est dans sa recherche de maîtrise et d’organisation de la totalité de l’étant. Faye poursuit un peu plus loin :

Citation :

« Heidegger laisse alors entendre_ce qui sera amplement développé par maints épigones_ que la métaphysique elle-même et la « subjectivité » cartésienne en particulier seraient les véritables responsables du déchaînement planétaire de la technique, les chambres à gaz et les camps d’anéantissement nazis n’étant présentés, dans les conférences de Brême de 1949, que comme une particularité parmi d’autres du « dis-positif » de la technique moderne. C’est là une forme particulièrement grave de négationnisme, qui nie ouvertement la spécificité de la Shoah_ de la « Solution finale »_ et tend à disculper le national-socialisme de sa responsabilité radicale dans l’anéantissement du peuple juif et la destruction de l’être humain à laquelle s’était vouée l’industrie du nazisme (Faye, op. cit., p. 441.)

Sans partager, loin de là, ce point de vue (peut-on être qualifié de négationniste si l’on ne reconnaît pas l’unicité de la Shoah ?), Heidegger ne cherchant pas à « disculper » les coupables, on peut néanmoins constater que cette critique de la Technique dans les conférences de Brême n’est pas liée à une stratégie de retournement après la défaite de l’Allemagne, car comme nous venons de le voir ce thème était déjà au cœur de toutes ses recherches concernant Nietzsche et son rapport à la métaphysique. Avant de nous attarder sur le soi-disant « négationnisme ontologique »de Heidegger, prenons le temps de prendre connaissance de la lecture qu’il nous propose de Koinon. Dans ces pages, nous verrons se dessiner, à l’insu de notre « interprète », une véritable critique de toute pensée de la race ; conception qui, selon Heidegger, se fonde toujours sur la métaphysique de la subjectivité.
 
 
 
La « pensée de la race » rapportée à l’expérience de l’Etre dans Koinon
Cette partie pousse le ridicule à son comble. Persistant à ne pas comprendre que la métaphysique de la subjectivité est ce que cherche à critiquer Heidegger, il va, tour à tour, citer des bouts de textes qualifiés de monstrueux, d’horribles. Pourtant, et c’est là, sans doute, que le bât blesse, l’ensemble de ces textes constitue une critique radicale des plus cinglante envers toute pensée de l’homme se fondant sur une conception raciale.

Citation :

La pensée de la race, cela veut dire que le fait de compter avec la race jaillit de l’expérience de l’être en tant que subjectivité et n’est pas quelque chose de « politique ». Le dressage-de-la-race est une voie de l’affirmation de soi en vue de la domination. Cette pensée vient à la rencontre de l’explication de l’être comme « vie », c'est-à-dire comme « dynamique »(., p. 460. ; Heidegger critique déjà toute conception de l’Etre comme « vie » dans Etre et temps, §10. Lire également l’excellente étude de Didier Franck, Heidegger et le problème de l’espace, Minuit, Paris, 1986 ; où ce dernier, en cherchant à répondre de l’inachèvement de Sein und Zeit développe une très belle critique des rapports entre vie, incarnation et métaphysique.)

Citation :

Le soin de la race est une mesure conforme à la puissance. C’est pourquoi on peut tantôt le mettre en œuvre et tantôt le négliger. Son maniement et sa promulgation dépendent à chaque fois de la situation de domination et de puissance. Il ne s’agit en aucune façon d’un « idéal » en soi, car il devrait alors conduire à renoncer aux prétentions de puissance, et pratiquer le laisser-valoir de toute disposition « biologique ».
C’est pourquoi, toute doctrine de la race comporte à strictement parler, d’emblée, la pensée d’une prééminence raciale. La prééminence se fonde diversement, mais toujours sur des choses que la « race » a réalisées, réalisations qui sont subordonnées aux critères de la « culture » et autres choses semblables. Mais qu’en est-il lorsque celle-ci, considérée du point de vue restreint de la pensée de la race, n’est plus que le produit de la race ? (Le cercle de la subjectivité.) Ici apparaît au premier plan le cercle oublieux de lui-même de toute subjectivité, qui ne contient pas une détermination métaphysique du moi, mais de l’essence humaine toute entière dans sa relation à l’étant et à soi-même. Le fondement métaphysique de la pensée de la raciale n’est pas le biologisme, mais la subjectivité (à penser métaphysiquement) de tout être de quelque chose d’étant (la portée du dépassement de l’essence de la métaphysique des Temps modernes plus particulièrement). (Pensée trop grossière de toutes les réfutations du biologisme ; donc en vain).


Ce que dit Heidegger est primordial, on peut, comme nous l’avons déjà dit, ne pas partager son interprétation, mais on ne peut pas en faire un apologiste de la « pensée de la race ». Au contraire, Heidegger tente de montrer, qu’une telle « pensée » se fondant sur la subjectivité, ne peut se voir réfuter, par la seule critique du biologisme. D’ailleurs, il est assez troublant que dans un moment de lucidité et d’effroi,  Faye semble entrevoir quelque peu ce que veut dire Heidegger ;

Citation :

Ce qui est monstrueux dans la thèse de Heidegger, c’est qu’il fait du racisme l’expression ultime de la « métaphysique »(Faye p.462)

Faye ne s’arrête pas là, et après quelques remarques filant son contresens sur le sens de la « métaphysique », il finit par citer ces « textes insensés et pervers » ; textes qui constituent, à bien des égards, une critique du national-socialisme :

Citation :

Ce n’est qu’ainsi que l’entrée dans le combat pour la possession de la puissance mondiale reçoit sa portée et son acuité, car cette visée également est un moyen qui est mis sur la voie par la poussée en avant de la puissance. Ces types d’objectifs, tout comme les modalités de leur promulgation et de leur inculcation, sont indispensables dans les combats pour la puissance mondiale ; car la défense des biens « spirituels » de l’humanité, et la sauvegarde de la « substance corporelle » des nationalités doivent partout être retenues comme des tâches à nouveau là où l’étant est dominé de part en part par la structuration fondamentale de la « métaphysique », conformément à laquelle cette réalisation a besoin de la force vitale spirituelle et corporelle tout entière. Mais cette structuration de la métaphysique est le fondement historique du fait que, par-dessus l’explication de l’être comme réalité et efficacité, c’est finalement l’essence de l’être comme puissance qui s’impose au premier plan. Ces visées sont métaphysiquement nécessaires, elles ne sont pas imaginées et mises en avant comme des choses et des « intérêts » fortuitement souhaitables.(., p. 464-465)

Inutile de revenir sur cette critique de la métaphysique de la « subjectivité inconditionnée de la Volonté de puissance », où « c’est finalement l’essence de l’être comme puissance qui s’impose au premier plan ». Les remarques de Heidegger ne sauraient être plus claires, et nous permettent de constater la continuité de son questionnement. Il est enfin temps de nous attaquer au fameux « négationnisme ontologique » de Heidegger.
 
 
 
Du révisionnisme de la réponse à Marcuse au négationnisme ontologique des Conférences de Brême
 Faye commence par reprocher à Heidegger sa « réponse », ou plutôt son silence à propos de son engagement dans le nazisme, et de l’extermination des juifs. Il est certain que qualifier son engagement d’ « erreur » n’est pas le genre de réponse que nous, à l’instar de Marcuse ou de Faye, souhaiterions entendre. Mais, nous ne pensons pas non plus en mesure de juger ce qu’un homme, en son âme et conscience, considère être la réponse la plus judicieuse. Attardons nous plutôt sur ceci :

Citation :

En effet, après 1945, Heidegger, comme nous allons voir, abandonne tout ce qui fonde humainement la philosophie (Faye p. 490)

Ce qui choque tant Faye est un passage de la conférence de 1949 intitulée Das Gestell (le Dispositif), qui a été supprimé par Heidegger dans sa première édition en 1962. Citons, d’un seul coup, ce passage, et le commentaire qui en est donné ;

Citation :

Dans la même énumération, Heidegger se livre à des comparaisons insoutenables :

Citation :

L’agriculture est aujourd’hui une industrie d’alimentation motorisée, dans son essence la même chose (das Selbe) que la fabrication de cadavres dans les chambres à gaz et les camps d’anéantissement, la même chose (das Selbe) que le blocus et la réduction de pays à la famine, la même chose (das Selbe) que la fabrication de bombes à hydrogène.

Citation :

En prononçant une telle phrase, Heidegger s’exclut lui-même de la philosophie et montre qu’il a perdu tout sens humain. Après avoir exalté, dans ses cours, la motorisation de la Wehrmacht comme « acte métaphysique »_et l’on sait que les premiers gazages eurent lieu dans des camions_, il se sert maintenant du caractère planétaire de la technique moderne pour nier la spécificité irréductible du génocide nazi et l’associer à l’une des manifestations les plus banalisée de la technicisation de l’existence, à savoir la transformation de l’agriculture en industrie d’alimentation motorisée.(Faye p490-491)

Nous tenons là un gros morceau. Que dire ? Déjà, il faut remarquer  qu’Heidegger ne dit en aucun cas que l’industrialisation de la production alimentaire et les camps d’exterminations sont « la même chose ». En allemand, « la même chose » se dit dasselbe. Or ce que nous devons préciser c’est que Heidegger prend soin d’user d’une formule spécifique das Selbe . Que cherche donc à nous dire Heidegger ? Il se contente de décrire ce qui constitue une ignominie, à savoir, qu’en effet il s’agissait dans ces camps d’exterminations d’une production de cadavres, et c’est bien là que se situe l’ignoble, comme l’on entend produire des bombes ou quoique ce soit d’autre. Ne nous trompons pas, ce qui est horrible ce n’est pas le propos de Heidegger sur les camps d’exterminations, mais bien ce qui s’est passé dans ces camps. Le propos de Heidegger ne cherche en aucun cas à « banaliser », au contraire, il met en lumière la singularité dans tel évènement. C’est à peu près la même erreur que commet Faye, à propos de ce passage tiré de la conférence intitulé Die Gefahr (Le Danger):  
La suite après le message de Rashaan


Message édité par alcyon36 le 10-01-2009 à 14:48:03

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17195336
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 14:23:46  profilanswer
 

La lecture de Bourdieu permet de comprendre l'erreur de Faye : c'est de vouloir trouver directement chez Heidegger l'expression d'un engagement nazi, par exemple en la cherchant mot à mot.  
 
Or, Bourdieu montre que cette expression ne pouvait être qu'indirecte : H. ne reprend pas directement les mots des auteurs de la révolution conservatrice ; il ne répète pas littéralement Spengler ou d'autres. Il euphémise ce qu'ils disent en fonction des règles propres au champ philosophique dans lequel il se situait, et par là-même, opérait une reformulation philosophique de l'idéologie de son temps ; c'était ainsi qu'il se l'appropriait, non en la décalquant telle quelle.
En démystifiant le texte philosophique, Bourdieu démystifie aussi les lectures immédiatement idéologiques de la philosophie.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 10-01-2009 à 14:26:14

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17195490
alcyon36
Posté le 10-01-2009 à 14:45:50  profilanswer
 

Suite et fin
 
C’est à peu près la même erreur que commet Faye, à propos de ce passage tiré de la conférence intitulé Die Gefahr (Le Danger) :

Citation :

Des centaines de milliers meurent en masse. Meurent-ils ? Ils périssent. Ils sont tués. Meurent-ils ? Ils deviennent les pièce de réserve d’un stock de fabrication de cadavre (Bestandstücke eines Bestandes der Fabrikation von Leichen).Meurent-ils ? Ils sont liquidés discrètement dans dès camps d’anéantissement. Et sans cela_ des millions périssent aujourd’hui de faim en Chine.
Mourir cependant signifie porter à bout la mort dans son essence. Pouvoir mourir signifie avoir la possibilité de cette démarche. Nous le pouvons seulement si notre essence aime l’essence de la mort. Mais au milieu des morts innombrables l’essence de la mort demeure méconnaissable. La mort n’est ni le néant vide, ni seulement le passage d’un étant à un autre. La mort appartient au Dasein de l’homme qui survient à partir de l’essence de l’être. Ainsi abrite-t-elle l’essence de l’être. La mort est l’abri le plus haut de la vérité de l’être, l’abri qui abrite en lui le caractère caché de l’essence de l’être et rassemble le sauvetage de son essence.
C’est pourquoi l’homme peut mourir si et seulement si l’être lui-même approprie l’essence de l’homme dans l’essence de l’être à partir de la vérité de son essence. La mort est l’abri de l’être dans le poème du monde. Pouvoir la mort dans son essence signifie : pouvoir mourir. Seuls ceux qui peuvent mourir sont les mortels au sens porteur de ce mot.(Faye p.492)

Loin d’y voir une quelconque disculpation des exactions nazies, Heidegger qualifiant lui-même Hitler de Hauptverbrecher dans les années 40, ce texte constitue une profonde méditation sur ce qu’est l’extermination. Il n’est pas question pour Heidegger de dire que « personne n’est mort dans les camps d’anéantissement, parce que personne de ceux qui y furent exterminés ne portait dans son essence la possibilité de la mort » .  
Comme le rappelle Faye, cette conférence se situe dans la continuité de celle portant sur La question de la technique. A ce propos, Heidegger nous apprenait que ce « Danger suprême » n’est autre que l’époque de la technique, entendu comme mode d’apparaître qui se rapporte à la totalité de ce qui est.

Citation :

La centrale hydro-électrique est installée (gestellt) sur le Rhin. Elle le somme(stellt) de livrer sa pression hydraulique, qui somme à son tour les turbines de tourner, rotation qui entraîne la machine dont le mécanisme produit(herstellt) le courant électrique pour lequel la centrale régionale et son réseau sont commis(bestellt) à la distribution. Dans le domaine de ces conséquences qui s’enchaînent à la commande (Bestellung) d’énergie électrique, le Rhin lui-même apparaît comme quelque chose de commis.(p.Heidegger, La question de la Technique in Essais et conférences, p. 21-22.)

Or justement,  « dès que le non-célé ne concerne même plus l’homme en tant qu’objet mais exclusivement en tant que fonds, et que l’homme, à l’intérieur du sans-objet, n’est plus que le commissionnaire du fonds (Bestand) _l’homme marche à l’extrême bord du précipice, à savoir où lui-même ne doit plus être pris que comme fonds (Bestand). »  Dans sa conférence sur die Gefahr, où Heidegger cherche à décrire ce qui se passe dans un camp d’extermination, ce que peut vouloir dire mourir dans un tel « contexte », il met expressément en évidence qu’une telle « organisation » n’est possible que  lorsque l’homme lui-même est compris comme « pièce de réserve d’un stock de fabrication de cadavre ».
 
 
 
 
Ce que nous voulions mettre en exergue, c’est d’une part qu’une lecture qui chercherait à établir les fondements nazis de la pensée de Heidegger, ne peut en aucun cas recourir aux procédés de lecture dont Faye use ; cette démarche étant circulaire, elle ne fait que présupposer ce qu’elle est censée établir. De plus, la thèse selon laquelle Heidegger ne changerait ses relations avec le mouvement national-socialiste seulement après 1942 et uniquement dans la visée stratégique de s’en sortir sans être trop entaché par son engagement, ne repose que sur une « flagrante » mésinterprétation sur ce qu’est la métaphysique aux yeux de Heidegger et son statut au sein de son cheminement. A nos yeux, les cours sur Nietzsche sont autant de preuves évidentes de l’hostilité radicale de sa pensée avec ce que l’on peut comprendre de l’entreprise nationale-socialiste. A dire vrai, il nous semble même, mais cela n’était pas le but de ce travail, que malgré les rapports qu’a pu entretenir Heidegger avec le régime, sa pensée est par elle-même et en elle-même, hostile au nazisme.
Sans doute, avons-nous traité durement l’ouvrage de Faye, mais en l’occurrence notre ironie n’avait d’égale que le manque patent de rigueur et de probité qui transpire de sa « lecture ». Pourtant, c’est bien dans le sens de Faye que nous voudrions conclure. Même si une telle question mérité d’être traitée avec plus de sérieux que ne le fait cet ouvrage, il ne nous semble pas souhaitable pour autant, que des chercheurs soient dans l’obligation de montrer patte blanche afin de pouvoir accéder aux archives de Heidegger, et ce, quelque puissent être leurs préjugés à son égard.


Message édité par alcyon36 le 10-01-2009 à 14:48:57

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17195533
alcyon36
Posté le 10-01-2009 à 14:53:14  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

La lecture de Bourdieu permet de comprendre l'erreur de Faye : c'est de vouloir trouver directement chez Heidegger l'expression d'un engagement nazi, par exemple en la cherchant mot à mot.  
 
Or, Bourdieu montre que cette expression ne pouvait être qu'indirecte : H. ne reprend pas directement les mots des auteurs de la révolution conservatrice ; il ne répète pas littéralement Spengler ou d'autres. Il euphémise ce qu'ils disent en fonction des règles propres au champ philosophique dans lequel il se situait, et par là-même, opérait une reformulation philosophique de l'idéologie de son temps ; c'était ainsi qu'il se l'appropriait, non en la décalquant telle quelle.
En démystifiant le texte philosophique, Bourdieu démystifie aussi les lectures immédiatement idéologiques de la philosophie.


Enfin, il pourrait reprendre les mots des auteurs de la revolution conservatrice, ca ne prouverait pas grand chose...Déjà, ces auteurs ne peuvent pas être assimilé mecaniquement au nazisme, revolution conservatrice et nazisme ne sont pas le même chose. Et surtout, que des ideologèmes se retrouvent dans la pensée de Heidegger c'est evident, toute la question est de saisir le traitement qu'il leur fait subir...
Serait sans doute tres interessant de faire de même avec d'autres auteurs, comme Deleuze ou autre....

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 10-01-2009 à 14:59:16

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17195612
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 15:07:41  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :


Et surtout, que des ideologèmes se retrouvent dans la pensée de Heidegger c'est evident, toute la question est de saisir le traitement qu'il leur fait subir...


 
C'est exactement la question de Bourdieu.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17195663
alcyon36
Posté le 10-01-2009 à 15:15:27  profilanswer
 

faut vraiment que je le lise à tête reposée....mais j'ai vraiment pas envie en ce moment;)

Citation :

Un exemple de non-sens : quand Zizek aborde les machines-désirantes, il dérive aussitôt sur un "devenir-machine" (??) et de là passe à la question des machines contemporaines et du rapport entre le corps et ses prothèses techniques. Or, si ces questions sont intéressantes (qu'est-cela modifie à mon corps d'être assisté par une machine ou même que ma vie en dépende ?), cela n'a rien, strictement rien à voir avec les machines-désirantes.  


là jai un peu la flemme, et je cherche pas à defendre ce que dis Zizek je ne l'ai pas lu (en revanche je suis tout a fait ok avec lui, il me semble que l'interpretation deleuzienne de Hegel est plate et particulierement orthodoxe. Pour Lacan c'est plus complexe, le passage de logique du sens à l'AO est plutot marrant. Quand on lit bien l'AO, on peut voir que D et G font tout un taf de discrimination tendant à distinguer Lacan de certains de ses disciples...) en revanche, dire que ca n'a strictement rien à voir avec les machines desirantes, c'est aller un peu trop vite, et ce particulierement pour le capitalisme et les problemes de lassujettisement et de l'asservissement machinique...j'essaierai de reprendre ce point une prochaine fois...
 
Pour ce que tu dis sur l'ontologie, tu reprends le celebre coup de gueule de notre ami Zourabichvili...ce dernier a bien raison d'insister sur la reprise post-kantienne de la problematique de Deleuze, mais le probleme me semble plus compliqué. Déjà, c'est bien Deleuze (et jusque dans Qph, où il parle du plan d'immanence et de la co-genèse entre la matière de l'être et l'image de la pensée...)) qui ne cesse au debut de parler d'ontologie, de dire que la philosophie est de l'ontologie, d'univocité de l'être, d'être du sensible...etant entendu qu'affirmer que la seule ontologie est celle de l'univocité revient à exploser l'ontologie traditionnelle. Après, on pourrait biensur reprendre Nietzsche, et dire que si Deleuze parlait d'ontologie à ses débuts il ne s'agissait que d'un masque...enfin je ne sais pas trop, mais ca meriterait qu'on y reflechisse un peu plus...ne construit il pas une sorte d'ontologie evenementielle? (du genre "a quelles sont les conditions d'un evenement pour que tout soit evenement?)
 

Citation :

Autant dire qu'il passe à côté des nouveautés introduites par Capitalisme et Schizophrénie...

qui sont à tes yeux? ;)

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 10-01-2009 à 15:43:16

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17195848
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 10-01-2009 à 15:44:36  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

faut vraiment que je le lise à tête reposée....mais j'ai vraiment pas envie en ce moment;)


 
1°) Je pense que Faye a certainement instruit "à charge" contre Heidegger, donc je veux bien adhérer à votre démonstration.
 
2°) Par contre, j'ai trouvé hallucinant le comportement de Fédier qui se posait en gardien des oeuvres d'Heidegger, notamment des archives privées. Et il a bien dit qu'elle serait accessible aux chercheurs "bien intentionnés" !! En agissant de la sorte, Fédier est "contre-productif" et renforce l'idée que les archives privées du philosophe allemand ont quelques choses à cacher ! Sans parler, évidemment, de l'attitude du "philosophe" Fédier qui devrait oeuvrer pour la transparence au lieu de se faire censeur.
 
3°) Le cas Heidegger n'est pas neutre, évidemment, car le philosophe allemand a une légion de thuriféraires. Je me rappelle d'un débat à Apostrophes, entre Victor Farias, pour son livre Heidegger et le nazisme, Jorge Semprun et Jean-Michel Palmié, auteur d'un beau Weimar en exil, et Semprun, qui disait avoir lu l'allemand dans le texte s'était montré assez virulent contre les deux autres.
 
4°) La personnalité de Jean Beaufret, médiateur de la pensée heideggérienne en France, n'a pas arrangé les choses ...
 
http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Beaufret
 
et a plutôt contribué à mettre de l'huile sur le feu !


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°17195946
alcyon36
Posté le 10-01-2009 à 16:07:50  profilanswer
 

je suis tout à fait daccord avec chacun de tes points...mais tant que ma propre lecture de Heidegger, ou la demonstration d'un commentateur, ne me montrera pas que sa pensée est nazie, je persiste à y voir l'une des plus belle et grande philosophie du XXeme. ;)  (et puis quelle langue tout de même!)
 
enfin, il me semble que Beaufret a quand même pondu quelques jolis textes...


Message édité par alcyon36 le 10-01-2009 à 16:43:30

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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°17196631
le vicaire
Posté le 10-01-2009 à 18:02:06  profilanswer
 

Dans "La volonté de savoir", Foucault avance l'idée que le droit n'est qu'un instrument de domination de la monarchie. Et que les critiques qui ont porté contre la monarchie, notamment au XVIII ème siècle, n'ont jamais renversé cette idée, c'est-à-dire que c'est d'abord dans le pouvoir juridique que se tient l'exercice de la domination et non dans une monarchie-juridique qui serait au-dessus des lois. En gros on a renversé la monarchie mais pas l'instrument de son pouvoir, ni même le pouvoir tout court qui se "coule" dans le juridique.
Puis Foucault évoque un courant de pensée au XIXème qui lui a critiqué le droit en démontrant qu'il n'était pas le pouvoir, pire qu'il était une manière d'exercer la violence, "de l'annexer au profit de certains". Comme Foucault ne cite jamais de références, ni sources, avez-vous une idée de ce à quoi il se réfère ?

Message cité 1 fois
Message édité par le vicaire le 10-01-2009 à 18:05:12

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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17196658
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 18:05:35  profilanswer
 

Citation :

Citation :

Autant dire qu'il passe à côté des nouveautés introduites par Capitalisme et Schizophrénie...

qui sont à tes yeux? ;)


 
 :lol: Je me triture les méninges depuis une demi-heure pour formuler une réponse satisfaisante.  
 
Non mais, il y a des réponses évidentes, de la nouveauté des moyens d'expression (ton familier, 'célinien', avec des gros mots dès le début) aux nouveaux concepts qui font irruption (ligne de fuite, coupures / flux, machines-désirantes...), ces deux nouveautés, d'expression et de contenu, contribuant à provoquer des ruptures de la chaîne signifiante (cf. la conférence de Zourabichvili sur la littéralité) et une rupture avec le ton universitaire admis en philosophie. Il y aurait plein de choses à dire : Pascal75 me souffle le rapport au freudo-marxisme et à la production désirante.  
 
*
 
Dans L'abécédaire, à D comme Désir, Deleuze retient que le désir est fondamentalement construction d'un agencement : désirer c'est construire un agencement. C'est une conception constructiviste du désir.  
Cela s'oppose à la psychanalyse sur trois points :  
1) le désir est une usine et pas un théâtre (il est productif, pas représentatif)
2) le délire n'est pas parental ou familial, mais géographico-politique. On délire sur l'histoire, la géographie, les tribus...
3) le désir met en œuvre plusieurs agencements, des agencements collectifs.
 
Le délire n'est pas une petite affaire privée : le délire est cosmique. Deleuze voudrait que ce soit ça qu'on retienne de son livre.  
 
(Incidemment, cela me fait songer que pour Zizek, le fragile absolu, c'est le noyau de négativité au coeur de la subjectivité ; un tel fragile absolu pour Deleuze, ce serait le désir en ses agencements, et le risque permanent que ça tourne mal).  
 
*
 
La nouveauté, c'est simplement qu'il y ait d'un coup beaucoup de nouveautés. Il y a un immense élan libérateur, très printanier, d'allure joyeusement anar, qui envoie tout promener et rien que ça, c'est une belle réussite.  
 
Et puisque le but de l'affaire consiste en la percée de lignes de fuite, il faut suivre les lignes qui nous emmènent le plus loin, c'est à dire les processus de déterritorialisation absolue.  
A mon sens, c'est le devenir-imperceptible qui constitue, sinon le dernier mot, du moins le point ultime vers lequel Deleuze et Guattari tendent.  
Pourquoi ne pas lire les deux volumes de Capitalisme et Schizophrénie à partir du devenir-imperceptible, en faisant comme si c'était vers cet horizon que tout tendait ?...  
 
Bien sûr, nous dit Deleuze, dans tout départ, il y a déjà le retour. Quand nous fuyons, nous sommes déjà en train de revenir ; mais peu importe, puisqu'au retour, on ne nous reconnaîtra plus. Cette légende serait en quelque sorte le coeur mythique et schizo de ces deux livres. Partons, et revenons, et on ne nous reconnaîtra plus.  
 
Donc oui, les trois devenirs suivants me paraissent bien pour définir la nouveauté de ces deux livres : le devenir-imperceptible, le devenir-tout le monde, le devenir-invisible.
Il n'est pas étonnant, de par leur nature même, qu'ils soient une partie assez discrète de l'oeuvre de Deleuze. La meilleure, à mon avis.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 10-01-2009 à 18:51:42

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°17196673
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 18:07:21  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

Puis Foucault évoque un courant de pensée au XIXème qui lui a critiqué le droit en démontrant qu'il n'était pas le pouvoir, pire qu'il était une manière d'exercer la violence, "de l'annexer au profit de certains". Comme Foucault ne cite jamais de références, ni sources, avez-vous une idée de ce à quoi il se réfère ?


 
Si c'est la thèse selon laquelle les rapports de droits fixent et rendent durables des rapports de pouvoir au profit des classes dominantes, alors il n'y a pas de doute que c'est du marxisme dont il s'agit.


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n°17196981
le vicaire
Posté le 10-01-2009 à 18:47:39  profilanswer
 

c'est bien ce que je pensais aussi... mais pour Foucault, Marx n'a toujours pas "coupé la tête du roi"...

Message cité 1 fois
Message édité par le vicaire le 10-01-2009 à 18:49:47

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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17196991
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 18:49:44  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

c'est bien ce que je pensais aussi... mais pour Foucault, Marx n'a pas "coupé la tête du roi"...


 
En effet. Pour Foucault, il s'agit de penser le pouvoir sans le roi. Le pouvoir n'est pas détenu pour un agent, il n'est pas exercé par quelqu'un. Le pouvoir n'est pas une proprieté.  
Les stratégies de pouvoir sont collectives.


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n°17197096
le vicaire
Posté le 10-01-2009 à 19:05:45  profilanswer
 

belle définition de la démocratie... quoique si celui qui exécute n'est que le dépositaire, le commis, la bouche, de ces pouvoirs, un roi quelconque par exemple, il n'est plus le pouvoir... Mais bon j'ai pas encore fini, moi qui croyais que ça parlait sexe :lol:

Message cité 1 fois
Message édité par le vicaire le 10-01-2009 à 19:07:14

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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17197179
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 19:18:07  profilanswer
 

le vicaire a écrit :

belle définition de la démocratie... quoique si celui qui exécute n'est que le dépositaire, le commis, la bouche, de ces pouvoirs, un roi quelconque par exemple, il n'est plus le pouvoir... Mais bon j'ai pas encore fini, moi qui croyais que ça parlait sexe :lol:


 
Hé non, l'histoire de la sexualité de Foucault ne parle pas beaucoup de cul :D


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n°17197321
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 10-01-2009 à 19:41:08  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
En effet. Pour Foucault, il s'agit de penser le pouvoir sans le roi. Le pouvoir n'est pas détenu pour un agent, il n'est pas exercé par quelqu'un. Le pouvoir n'est pas une proprieté.  
Les stratégies de pouvoir sont collectives.


 
Il est marxiste ?


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°17197465
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 20:06:19  profilanswer
 

Au sens où il pense que Marx est incontournable pour toute analyse historique, oui ; cependant, Foucault a toujours fait sa propre philosophie et il n'est donc pas marxiste au sens strict du terme.


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n°17197467
le vicaire
Posté le 10-01-2009 à 20:06:50  profilanswer
 

non ou alors comme Marx est marxiste...


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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°17197522
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 10-01-2009 à 20:14:30  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Au sens où il pense que Marx est incontournable pour toute analyse historique, oui ; cependant, Foucault a toujours fait sa propre philosophie et il n'est donc pas marxiste au sens strict du terme.


 
Oui, je le subodorais ... Mais en quoi Foucault se distingue-t-il de Marx ?  


---------------
L'arrière-train sifflera trois fois.
n°17197774
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 20:51:18  profilanswer
 

Tietie006 a écrit :


 
Oui, je le subodorais ... Mais en quoi Foucault se distingue-t-il de Marx ?  


 
Sur la question du pouvoir, justement, et sur les moyens de s'en émanciper. Foucault s'interrogeait sur le désir même que nous av(i)ons de la révolution ; Marx, pour le dire vite, est dans le cadre d'une théorie globale d'émancipation de l'être humain par la lutte contre l'oppression dont il est victime.  
 
Foucault, lui, se considère comme un intellectuel spécifique : il ne croit pas à une théorie globale, qui serait soutenue par l'intellectuel, et qu'il aurait à enseigner au peuple pour lui dire comment faire pour devenir libre. Bref, il ne croit pas à une théorie totale qui changerait totalement la pratique.  
D'où sa posture revendiquée d'intellectuel spécifique : il s'intéresse à un champ particulier d'exercice du pouvoir, en prison, dans le cadre de la sexualité etc. Il croit à des changements localisés, à des combats ponctuels, pas à un grand récit d'émancipation du genre humain.  


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n°17198566
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 10-01-2009 à 22:23:24  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
Sur la question du pouvoir, justement, et sur les moyens de s'en émanciper. Foucault s'interrogeait sur le désir même que nous av(i)ons de la révolution ; Marx, pour le dire vite, est dans le cadre d'une théorie globale d'émancipation de l'être humain par la lutte contre l'oppression dont il est victime.  
 
Foucault, lui, se considère comme un intellectuel spécifique : il ne croit pas à une théorie globale, qui serait soutenue par l'intellectuel, et qu'il aurait à enseigner au peuple pour lui dire comment faire pour devenir libre. Bref, il ne croit pas à une théorie totale qui changerait totalement la pratique.  
D'où sa posture revendiquée d'intellectuel spécifique : il s'intéresse à un champ particulier d'exercice du pouvoir, en prison, dans le cadre de la sexualité etc. Il croit à des changements localisés, à des combats ponctuels, pas à un grand récit d'émancipation du genre humain.  


 
Ce serait plutôt la théorie de Lénine, exposée dans Que Faire, en 1903, où le Parti, dépositaire de la vérité historique est l'avant-garde du prolétariat. Prolétariat, qui sans le Parti (ceux qui savent) ne peut aboutir qu'à une conscience trade-unioniste, mais ne peut tutoyer la conscience de classe. Conception élitiste de la révolution, assez saint-simonienne et scientiste, qui part du principe que ceux qui "savent" doivent gouverner. Très platonicien comme matérialisme ! ! Foucault ne réintègre-t-il pas l'individu dans toutes ces histoires d'arrière-monde ?


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L'arrière-train sifflera trois fois.
n°17198756
rahsaan
Posté le 10-01-2009 à 22:50:36  profilanswer
 

Je me souviens de pages de Foucault où il montre que le développement de l'individu se fait en même temps que le développement de l'État moderne. L'individu a des velléités de résistance à l'État, il veut s'en émanciper, mais en même temps, s'il n'y a pas d'État pour garantir les droits de l'individu, celui-ci ne peut plus exister.  
 
Voilà le dilemme propre à l'individu. [:spamafote]


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n°17198778
Tietie006
Dieu ne joue pas aux dés.
Posté le 10-01-2009 à 22:53:27  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Je me souviens de pages de Foucault où il montre que le développement de l'individu se fait en même temps que le développement de l'État moderne. L'individu a des velléités de résistance à l'État, il veut s'en émanciper, mais en même temps, s'il n'y a pas d'État pour garantir les droits de l'individu, celui-ci ne peut plus exister.  
 
Voilà le dilemme propre à l'individu. [:spamafote]


 
On en revient à Hobbes, alors, et son Leviathan, non ?


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L'arrière-train sifflera trois fois.
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