Forum |  HardWare.fr | News | Articles | PC | S'identifier | S'inscrire | Shop Recherche
3604 connectés 

 


Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

Total : 2656 votes (882 votes blancs)
Sondage à 3 choix possibles.
Ce sondage est clos, vous ne pouvez plus voter
 Mot :   Pseudo :  
  Aller à la page :
 
 Page :   1  2  3  4  5  ..  216  217  218  ..  340  341  342  343  344  345
Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°14790706
le vicaire
Posté le 06-05-2008 à 17:29:23  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

foutre de a écrit :

mais en l'occurence, ce que tu appelles le corps universel, c'est la matière, donc la chimie...
 
j'ai du mal à voir ce que tu entends précisément par idée


T'as pas un truc avec deux jambes et deux bras et quelques pièces rapportées autour ?

mood
Publicité
Posté le 06-05-2008 à 17:29:23  profilanswer
 

n°14790748
foutre de
Posté le 06-05-2008 à 17:34:38  profilanswer
 

je comprends pas ce que tu dis quand tu dis "corps" universel, ni ce que tu entends par "avoir une idée de... pour accepter l'idée d'une greffe d'organe"
 
alors je dis probablement des trucs à côté


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14790868
le vicaire
Posté le 06-05-2008 à 17:46:48  profilanswer
 

Quelqu'un qui accepte une greffe d'organe doit à mon avis se poser des questions, avant, pendant et après. C'est pour cela que je me dis qu'il faut avoir une certaine idée (rapport entre deux choses, éléments, atomes si tu veux) de son corps et de ce qu'est un corps pour accepter cela. Je viens de jeter un oeil sur Merleau pour qui le corps "s'interprète lui-même", une manière de dépasser le dualisme cartésien. Le "Je suis dans mon corps" contre le "Je suis mon corps".


Message édité par le vicaire le 06-05-2008 à 17:49:48
n°14791030
foutre de
Posté le 06-05-2008 à 18:07:28  profilanswer
 

tu lis quoi de lui ? "phéno de la perception" ?

 

je ne sais pas si le gars qui va se faire greffer se pose autant de questions. Du moment qu'on lui propose une solution qui mette un délai au pronostic médical de mort imminente, il dit oui, qu'il comprenne ou pas la méthode... Même la bêtise et l'ignorance aiment bien vivre


Message édité par foutre de le 06-05-2008 à 18:07:59

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14791159
le vicaire
Posté le 06-05-2008 à 18:19:58  profilanswer
 

oui c'est dans la Phénoménologie de la perception... Il y a sans doute des gens que ça n'interrogent pas sur le coup peut être, quand on n'a pas le choix mais après faut vivre avec. Et puis y'a l'entourage, les soignants, le législateur (don d'organes), les trafiquants... Je repense à un film où un soldat anglais n'est plus qu'un tronc, et puis Freaks aussi, sur les "monstres" de foire.

n°14791441
foutre de
Posté le 06-05-2008 à 18:53:27  profilanswer
 

le tronc c'est "johnny got is gun" (johnny s'en va-t-en guerre) mais c'est plutôt sur l'euthanasie que sur la greffe d'organe (et puis sur la relation au père, accessoirement)
 
je crois qu'il y a eu récemment la première greffe de visage... un truc à plus laisser dormir les philosophes lévinassiens... [:tirkyth]


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14792317
le vicaire
Posté le 06-05-2008 à 20:38:39  profilanswer
 

foutre de a écrit :

le tronc c'est "johnny got is gun" (johnny s'en va-t-en guerre) mais c'est plutôt sur l'euthanasie que sur la greffe d'organe (et puis sur la relation au père, accessoirement)
 
je crois qu'il y a eu récemment la première greffe de visage... un truc à plus laisser dormir les philosophes lévinassiens... [:tirkyth]


 :lol: Du Fuck of tout craché !  
oui Johnny got is gun, ce film m'avait marqué quand jeune encore je regardais je ciné club sur la 3ème chaine en couleurs. Ce qui m'avait plu c'était justement le dualisme dans le film, un tronc qui pense, qui sent, qui aime, un homme finalement et pas un morceau d'homme. [:an danvad]

n°14792604
foutre de
Posté le 06-05-2008 à 21:13:55  profilanswer
 

c'est drôle que ce soit Bayard le premier auteur référencé sur ce topic...
 
ça m'amuse aussi "le topic qui donne des idées". en tout cas les citations en notes de bas de page, c'est une jolie idée. et puis c'est sympa d'avoir des nouvelles de saint dizier par ici (même si je préfère vitry le françois... mais les préférences et les déceptions...)


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14795199
mober
Mécréant Notoire
Posté le 07-05-2008 à 00:19:34  profilanswer
 

Citation :

Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?
 
Sondage à 3 choix possibles.
 
1"La république" de Platon
2"La métaphysique" d'Aristote
3"l'Ethique" de Spinoza
4"Essai de théodicée" de Leibniz
5"Critique de la raison pure" de Kant
6"Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
7"L'évolution créatrice" de Bergson
8"Etre et temps" d'Heidegger
9"Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
10"Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi


 
Franchement á part Obiwan-Kenobi j'en citerais pas un !
 
Ca serait plutot la liste des livres a NE PAS lire pour etre un honnête homme.
En tout cas á ne pas lire sans préparation préalable !

n°14796150
l'Antichri​st
Posté le 07-05-2008 à 05:14:03  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Il faudrait que je reprenne autrement mon travail sur la contemplation. Tel qu'il est fait, c'est plutôt un défilé d'auteurs et un aperçu de l'évolution de la notion, des Anciens jusqu'à Nietzsche.  
Il faudrait poser un problème clair.  
 
Or, il y a rapidement une difficulté qui se pose avec la contemplation. C'est qu'à la limite, je ne contemple rien, car je me perds dans la contemplation et ce que j'ai contemplé paraît indicible (sinon ce serait encore de la méditation, ardent désir de Dieu, et pas de la contemplation, perte émerveillée dans le divin).  
Qui plus est, celui qui contemple est dessaisi de lui-même. Si bien que la double condition requise pour qu'il y ait contemplation (au sens d'un évènement) est qu'il n'y ait plus personne qui contemple et que rien ne soit contemplé.  
Plus précisément, il faut un sujet dessaisi de lui-même et un objet vidé de toute sa substance.  
La contemplation n'est en effet pas l'observation, scrupuleuse, attentive, où mon regard constitue la chose en objet à connaître et où l'observateur se constitue en sujet de connaissance, armé de ses facultés et des questions qu'il adresse à la nature, pour découvrir ses secrets.  
 
Plus je me défais de ma subjectivité et plus l'objet disparaît, et plus il y a contemplation. La contemplation fait disparaître aussi bien la subjectivité que l'objectivité.  
Voilà le paradoxe de départ.  
Ensuite, il serait nécessaire de reprendre ce que dit Plotin pour comprendre cette perte dans la contemplation qui, pourtant, n'est pas une perte mais un retour vers l'Un.  
 
D'autant moins de contemplant et de contemplé, d'autant plus de contemplation.


 
Voila, vous commnençez enfin à comprendre ! Mais il faut étendre ce mouvement à l'univers entier, c'est-à-dire joindre immanence et transcendance dans la "Surabondance" qui écarte tout risque de projeter un langage de la possession étranger à la causalité de l’Un. La Surabondance est le ressort qui agit à tous les niveaux de la Procession. Ainsi la Puissance déborde dans la contemplation sans se mouvoir. La conversion vers l'Un est en même temps une conversion du regard vers soi. Ce qui surgit de l’Un est une pensée de soi. La puissance se répand et devient "plurielle". Pensez alors à Spinoza, Nietzsche et Bergson (dans le désordre)...
 
Plotin nous prépare à une véritable cosmologie moderne ! Vous semblez avoir compris que l'idée fondamentale défendue par Plotin, c'est que la totalité noétique ne dépend que d'elle-même. Nous avons avec lui une totalité qui s'auto-produit en se pensant elle-même, qui gère de l'intérieur ses distinctions, un véritable "vivant-en-soi". L'éxégèse plotinienne de la démiurgie du Timée de Platon permet d'interpréter la poiesis, c'est-à-dire la "fabrication". La causalité artisanale du Timée n'étant plus recevable (sinon d'un point de vue didactique), le problème de la participation du sensible à l'intelligible demeure : les formes ne peuvent entrer directement en contact avec la matière. Ce qui informe la matière, ce ne sont pas les formes en elles-mêmes. Si l'on refuse, comme Plotin, l'hypothèse d'un démiurge, alors ce n'est plus seulement cette action d'un être immatériel sur la matière qui "suscite l'étonnement", mais aussi la manière dont l'image procède de la forme elle-même. C'est donc à l'âme que revient la charge de déployer dans le temps et l'espace le contenu des formes intelligibles. En ce sens, elle assume l'équivalent de la fonction "fabricatrice" du démiurge du Timée. L'âme du monde "contemple" ou "reçoit éternellement" les formes pures et produit du même coup, en "réfléchissant" ces formes, en les "divisant", les raisons (logoi) qui sont "comme des rayons lumineux issus à la fois de l'intelligence pure et de l'âme pure". Bref, c'est seulement en tant qu'elle est nature, à son extrémité inférieure, qu'elle agit sur la matière. Le "concept" d'âme, constitué à partir d'une méditation du Timée (cf. 35a) et de la troisième hypothèse du Parménide, correspond, du point de vue exégétique, à toute la dimension processionnelle de la démiurgie platonicienne. Le démiurge plotinien est "double", d'une part le nous, d'autre part le "principe recteur de l'univers", car c'est bien l'âme, ou, pour mieux dire, la dimension psychique, qui assure la liaison indispensable entre le monde sensible et le monde intelligible. Le seul être qui raisonne et prévoit pour produire, c'est l'artisan humain. Ni l'Un, ni le nous, ni l'âme du monde, ni la nature, n'use de telles facultés pour engendrer les êtres qui dépendent d'eux. Pour dire la poiesis qui leur est propre, il faut "travailler" le langage, purifier une pensée sur laquelle le modéle de la techné humaine exerce une influence excessive. Bref, toute production trouve son origine dans une contemplation. "Emanation" dans le traité V,1, "causalité contemplative" dans le traité III,8... exemples de l'expression d'une production non discursive, qui nous permet de dégager le principe philosophique suivant : il ne faut pas chercher l'essence de la poiesis dans un être extérieur à celui qui produit. Au contraire, c'est en tant que l'être coïncide avec ce qu'il est, en tant qu'il est ce qu'il est - c'est-à-dire, dans le langage du traité III, 8, dans la mesure où il contemple l'être dont il dépend, en tant qu'il n'est que pure contemplation -, en vertu donc de son unité, de sa ressemblance avec l'Un, qu'il produit. Et dès lors, la production est immédiate, spontanée, elle ne laisse aucun temps pour une quelconque délibération. Dès lors, elle est nécessaire. Et il faudrait montrer comment ce principe se décline à tous les niveaux de la hiérarchie plotinienne, de l'Un à la nature, de la première à la dernière instance "efficace"...


Message édité par l'Antichrist le 07-05-2008 à 05:25:12
mood
Publicité
Posté le 07-05-2008 à 05:14:03  profilanswer
 

n°14796879
rahsaan
Posté le 07-05-2008 à 10:20:02  profilanswer
 

Il est d'ailleurs à noter que la surabondance peut caractériser aussi bien la contemplation (surabondance des visions et d'énergie) que la production elle-même (là aussi, surabondance d'énergie). C'est la technique humaine qui est surabondance... et l'homme a tendance à projeter cette surabondance sur la nature elle-même, qui aurait tout bien fait selon des bonnes fins, et qui produirait sans se lasser.  
Mais la nature ne se voit que par le filtre de la technique, si bien que ce qu'on dit de la nature est généralement plutôt valable de la technique elle-même : c'est la technique qui poursuit des fins, produit et crée avec abondance et générosité. La belle nature, bien ordonnée, bien cosmologique, c'est la nature contemplée par l'homme qui a acquis une maîtrise technique assurée.
Il y aurait beaucoup à développer sur ce point : on ne contemple la nature qu'au sein d'un milieu technique organisé. Les preuves cosmologiques de l'existence de Dieu, par la beauté et l'organisation de la nature, seraient plutôt des expressions détournées du sentiment de maîtrise technique de l'homme sur la nature -ou l'expression d'un désir d'accroissement de cette maîtrise.  
 
...
 
Dans les théories antiques de la contemplation, nous contemplons Dieu et surtout, le regard de Dieu nous contemple (theoria, la vision, la contemplation et theos, Dieu). La contemplation est enthousiasme (présence de Dieu en moi). Je contemple Dieu et Dieu me contemple, comme l'icône, que je regarde et dont le personnage me regarde droit dans les yeux.
Voir à ce sujet cette excellente page : http://arts.ens-lsh.fr/peintureanc [...] _p6_04.htm, et cette histoire de la vision et des couleurs, des Présocratiques aux Impressionnistes.  
 
...
 
DESCARTES
 
Cette articulation de la production et de la contemplation, elle se fait chez Descartes autour de l'ego, qui, dans les deux cas, y trouve un moyen d'accroître sa puissance (par l'admiration des beautés divines, ou par la maîtrise de la nature). Cependant, j'ai l'impression que Descartes disjoint assez nettement les deux, et donne son autonomie à la production technique, immanente à la nature (par opposition au domaine transcendant de la contemplation).
Souvenons-nous que Descartes a écrit un Discours de la méthode qui est une introduction à trois traités où est appliquée cette méthode : La Dioptrique, les Météores, la Géométrie. C'est donc une nouvelle conception de la vision qui s'amorce avec Descartes et qui rompt avec les conceptions spéculatives de la vision, héritées des Grecs. Il s'agit désormais d'agir sur la nature pour améliorer la vie humaine, par la médecine notamment.  
C'est bel et bien un changement de regard sur le tout de la nature, une conversion métaphysique (phénoménologique) du regard qu'opère Descartes. Non plus le regard spéculatif, mais le regard technique. Cela ne va pas sans conséquence pour la notion de contemplation, qui doit nécessairement prendre un sens différent. Désormais, l'homme peut contempler le fruit de son action sur la nature, qu'il modifie, et plus seulement l'œuvre éternelle de Dieu, la nature, sortie toute faite des mains du Créateur. Cela ne signifie pas qu'avant Descartes, l'homme ne modifiait pas la Nature (l'homme transforme la nature depuis qu'il est homme), mais que la pensée du sujet, qui inaugure la modernité philosophique, est un changement d'appréciation de la valeur de la technique. Technique qui, s'appuyant sur notre connaissance des êtres naturels (les sciences), nous permet de les employer à notre usage et de nous en rendre comme maîtres et possesseurs.  
L'ego affirme ses facultés aussi bien dans la contemplation que dans la production.
 
 
HEGEL
 
C'est Hegel qui retente de nouer le lien entre la sphère de la réalisation de la liberté humaine, sous tous ses aspects (techniques, politiques, moraux, scientifiques, artistiques...), et la contemplation, par la dialectique -dialectique qui est, me semble-t-il, une forme moderne de contemplation par le discours (contemplation qui ne va plus vers des essences divines mais qui contemple l'être-devenu du monde, et plus rien d'autre : la liberté de l'Esprit).
On peut à ce sujet se servir des dernières pages de L'envers de la dialectique de G. Lebrun, dans le chapitre Le cercle des cercles, sur la spécificité de la théodicée hégélienne : l'Esprit a si bien assimilé en lui la différence qu'il ne craint plus de la répéter indéfiniment, chaque fois nouvelle, en sorte que l'Esprit, à chaque étape de l'histoire, reprend cette différence et produit des situations uniques (nul peuple n'est deux fois le dépositaire de l'Esprit du monde, et il n'y a pas de leçon à attendre de l'histoire, qui ne se répète pas), dans une surabondance (le mot est ici parfaitement approprié) et une multiplicité toujours renouvelées.  
Voilà ce que serait la contemplation selon Hegel : la contemplation de l'infinité et de la surabondance des formes engendrées par l'Esprit. Le cercle des cercle, l'infini répétition qui librement produit les différences sans crainte de s'y perdre, la perpétuelle annulation du tout-autre : le cercle autour duquel tournent les cercles uniques que sont les moments et les figures de l'Esprit. Pourrait-on imaginer, dit Lebrun, subversion plus inoffensive de la métaphysique ?
Voilà ce que serait l'enthousiasme et la théodicée pour Hegel : la certitude que l'Esprit se retrouve partout chez lui, qu'il n'y a plus d'inconnu, plus de tragique, plus rien qui échappe à la contemplation.  
 
 
NIETZSCHE
 
En somme, Hegel a donné à la contemplation son extension maximale, dans cet effort pour surmonter le tragique, pour que le tragique ne soit plus une objection contre l'Esprit mais en devienne le moteur. Nous voici donc assurés que plus rien ne nous échappe, car l'Esprit a dépassé le stade où en tant qu'activité du connaître, il chercherait sans cesse à réduire l'altérité, l'inconnu.  
On comprend alors mieux les critiques de Nietzsche contre la connaissance comme expression de la peur face à l'inconnu. Connaître, c'est réduire de l'inconnu au connu, c'est rendre rassurant, stable, prévisible ; connaître c'est domestiquer. La contemplation hégélienne nous rassure : elle nous assure que l'inconnu ne viendra plus jamais menacer l'Esprit, lui qui, infiniment produit sans cesse différences et nouveautés (et c'est en cela que consiste sa Liberté).
 
Ce changement dans la conception du connaître fait dire à Nietzsche que connaître ne doit plus consister à fuir le sentiment de peur mais à l'affronter, quitte à danser près de l'abîme (cf. à ce sujet les déclarations nombreuses qui émaillent le Zarathoustra). Celui qui ne craint plus d'affronter l'inconnu et ce que la vie a de douteux, de redoutable, de terrifiant, conçoit une façon d'aborder la vie avec légéreté et détachement. La connaissance de la précarité et de la fragilité de l'existence en devient euphorisante, car du même coup s'évanouit l'attachement excessif au monde et la lourdeur d'être. C'est, pour Nietzsche, véritablement la définition de l'état de grâce !  
La contemplation de Zarathoustra est celle d'un sans-dieu, et c'est le vide, le rien qu'est ce monde qui est alors l'occasion de la contemplation. On contemple ce monde qui n'est rien, et dont on l'affirme par là-même la pleine et entière existence.  
 
Nietzsche accomplit ainsi cette séparation de la contemplation et du divin, avec la Généalogie de la morale, III, dans la dissertation sur les idéaux ascétiques, qui s'avère non pas une critique de ces idéaux, mais une vaste dissertation sur la contemplation. La contemplation comme expression de la volonté de puissance, qui préfère vouloir le rien ("Dieu" ) plutôt que de ne rien vouloir. La solution que propose Nietzsche est de faire de la contemplation du rien une extase. Pour répondre à cette question de la mort de Dieu et des idéaux supra-sensibles, il invente une contemplation qu'il nomme nihilisme extatique. La contemplation devient mode d'interprétation de la volonté de puissance par elle-même, c'est à dire moyen d'intensification du sentiment "que la puissance croît" (L'Antéchrist, §1-3).
Une fois de plus, Nietzsche parvient à dire et redire qu'il a dit de plus en plus, c'est qu'on retrouve partout la volonté de puissance. Contempler, c'est encore jouer le jeu, répéter la volonté de puissance.  
 
La contemplation est ainsi joie. On retrouve là le self-enjoyment de Whitehead dont parle Deleuze.  
 
...
 
Mon erreur de départ était de lier contemplation et action. Mais il fallait plutôt interroger le lien contemplation/production. C'était ça, la bonne problématique, comme vous le montrez avec Plotin, qui montre que la production découle de la contemplation (pour le dire vite).  
 
Contemplation et technique. La technique, en tant qu'elle finit par se faire oublier quand elle marche bien (mode d'être de la zuhandenheit chez Heidegger - "l'être-sous-la-main", que j'utilise sans avoir besoin de le voir, tel le volant de la voiture, que je ne regarde pas quand je conduis), la technique, donc, dégage un horizon de visibilité, et possiblement de contemplation. On contemple le travail accompli en contemplant le monde. L'homme qui s'est réalisé dans le monde, par le travail et la technique, contemple le monde qu'il a accompli. Il habite ce monde.
On évite alors l'écueil dans lequel je suis tombé, comme le dit justement Foutre de, c'est d'être "jusqu'au-boutiste" de la contemplation.
La contemplation nous fait-elle oublier le monde ?...


Message édité par rahsaan le 07-05-2008 à 19:20:22

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14797350
rahsaan
Posté le 07-05-2008 à 11:10:29  profilanswer
 

Je voulais revenir sur la discussion entre Foutre de et Pascal75.  
Faut-il réduire la philosophie à être un discours par concepts ?  
Je crois qu'avec Deleuze, on voit très bien pourquoi le concept n'est pas qu'un simple mot. Le concept ne provient pas de la contemplation d'Idées, ni de la réflexion. Le concept est une création qui répond à un problème spécifique. Il y a dans le concept une intensité vitale, presque animale, qui nous saisit, nous happe. Penser par concept, c'est une façon de vivre. Ce n'est pas contempler, ce n'est pas réfléchir, c'est créer !
Je me souviens d'une interview de Deleuze, où il dit en gros que dans D&F, il a pensé par concepts purs : la différence et la répétition. Il est allé en quelque sorte au bout de cette logique discursive par concept, très universitaire (hégélienne ?).  
Ensuite, à partir de la collaboration avec Guattari, il a lié le concept à des vitesses et des intensités nouvelles (politiques, artistiques, nomades...) si bien que le problème n'est plus alors d'arriver à l'expression pure de concepts (l'expression chez Spinoza etc.) mais de s'ouvrir à de nouvelles intensités de vie, par le concept. C'est que Deleuze appelle, dans l'ABCDaire : sortir de la philosophie par la philosophie. Aller à la rencontre des mathématiciens ou des surfeurs (avec la notion de pli, de pli de la vague), par son propre concept.  
Entendu en ce sens, en tant que vitesse absolue (cf. Qu'est-ce que la philosophie ? -il faudrait voir la définition exacte, bien plus complexe), le concept ne nous enferme pas dans le discours. Le concept serait bien le "disjoncteur interne", la "porte de sortie incluse". ;)
C'est à partir de ses concepts que le philosophe rencontre le travail d'autres créateurs.


Message édité par rahsaan le 07-05-2008 à 11:15:45

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14801804
foutre de
Posté le 07-05-2008 à 19:54:08  profilanswer
 

je veux bien qu'on s'accorde sur telle période de la pensée deleuzienne, encore que c'est pas le dernier à dire que le concept suinte, est poreux (et c'est pas du concept qui suinte du concept...), et encore que l'autorité deleuzienne... ne résolve pas tout.
Si je prends Diogène ou ses semblables des deux sexes, je vois bien que copuler sur l'agora, ou s'y masturber, c'est un geste philosophique, qui relève d'une attitude de vie, c'est pas un concept.
Même si je suis le premier à considérer que le philosophe est un éducateur et un enseignant par excellence, je ne crois pas qu'il enseigne uniquement par concept, et je crois qu'il faudrait commencer à avoir un regard pour les pratiques philosophiques non scolaires ou non académiques, et aussi celles qui sont non légiférantes et ne cherchent pas à produire de limites (donc de concept).
Comme dit Valdinoci : "la culture ne pense pas, elle gère et digère des enseignements transformés en renseignements".

 

il y a quelque chose d'intéressante chez deleuze au sujet de l'éducation, que j'ai longuement travaillée, et qui déborde la transmission mimétique et analogique (le même en général) dont est capable le concept :

 
Citation :

Le mouvement du nageur ne ressemble pas au mouvement de la vague ; et précisément, les mouvements du maître-nageur que nous reproduisons sur le sable ne sont rien par rapport aux mouvements de la vague que nous n’apprenons à parer qu’en les saisissant pratiquement comme des signes. C’est pourquoi il est si difficile de dire comment quelqu’un apprend : il y a une familiarité pratique, innée ou acquise, avec les signes, qui fait de toute éducation quelque chose d’amoureux, mais aussi de mortel. Nous n’apprenons rien avec celui qui nous dit fais comme moi. Nos seuls maîtres sont ceux qui nous disent “ fais avec moi ”, et qui, au lieu de proposer des gestes à reproduire, surent émettre des signes à développer dans l’hétérogène. En d’autres termes, il n’y a pas d’idéo-motricité, mais seulement de la sensorio-motricité. Quand le corps conjugue de ses points remarquables avec ceux de la vague, il noue le principe de la répétition qui n’est pas celle du Même, mais qui comprends l’Autre, qui comprend la différence, d’une vague et d’un geste à l’autre, et qui transporte cette différence dans l’espace répétitif ainsi constitué. Apprendre, c’est bien constituer cet espace de la rencontre avec des signes, où les points remarquables se reprennent les uns les autres, et où la répétition se forme en même temps qu’elle se déguise. Et il y a toujours des images de mort dans l’apprentissage, à la faveur de l’hétérogénéité qu’il développe, aux limites de l’espace qu’il crée. Perdu dans le lointain, le signe est mortel ; et aussi quand il nous frappe de plein fouet. Œdipe reçoit le signe une fois de trop loin, une fois de trop près ; et entre les deux, se tisse une terrible répétition du crime.
[b][/b].

 

du maître au disciple, le concept, c'est de l'idéo-motricité, la transmission médiatisé par le code, la langue et le modèle légiféré ; mais il reste l'affect, le face à face humain, l'héritage silencieux de la praxis accompagnée, le corps à corps humain de la pensée comme vécu et le saisissement partagé d'être-là et d(e s)'y tenir...

 

toi rahsaan, ton attitude consiste à promouvoir la définition de concept, faire du concept quelque chose de hors discours. C'est une façon de régler le débat par la sémantique, mais selon ta définition, qu'en est-il du concept de "table", et du concept de "concept" ? S'agit-t-il d'une idée ?
J'ai du mal à penser un concept hors la langue (et donc le signe langagier) dans laquelle il s'exprime... ou alors cette vitesse absolue que tu dis se substituer à l'expression, c'est l'intuition et son immédiateté... Je ne sais pas si pascal75 accepte que la philosophie soit intuition sans langage


Message édité par foutre de le 07-05-2008 à 20:12:05

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14806534
alcyon36
Posté le 08-05-2008 à 04:06:34  profilanswer
 

petite question sur notre ami deleuze...
en relisant le post de Rashaan sur la honte et le pouvoir, ca ma rappelé une ambiguité qui m'a toujours gené chez deleuze.
Comme l'evoque bien Rashaan:

Citation :

En ce sens, la honte est un véritable cri du concept en tant qu’il exprime une intensité de vie. Cri de celui qui étouffe, cri de celui qui menace de périr. Par là même, le philosophe se fait moraliste, et pourrait virer au cynique, à l’esprit de vengeance, au ressentiment qui empoisonne et pourrit ce qu’il touche.


je manque surement de finesse, mais je ne saisis pas un truc, comment Deleuze peut il faire de la honte, honte d'être un homme...etc...un des motifs les plus puissants de la philosophie? je veux dire quel chemin, entre la joie du Nietzsche et la philo et la honte de qu'est ce que la philo?...devenir-reactif de la philo? fatigue de la pensée?
je coince...de toute facon j'ai jamais compris ne serais ce que le titre de ce bouquin...comment Deleuze peut il poser cette question du qu'est ce que la philosophie?...et j'ai beau cherché, j'ai limpression de ne pas comprendre ce qu'il fait dans ce livre...(jpense en particulier au problème des rapports entre Le plan d'immanence, les plans d'immanences et la crucifiction du Fils Spinoza).


---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°14807514
pascal75
Posté le 08-05-2008 à 11:46:18  profilanswer
 

Sur la honte : je crois que Deleuze reprend la distinction de Ruth Benedict entre la culpabilité et la honte, culpabilité individuelle (individuante), morale, et honte de ne pas avoir été à la hauteur dans un groupe (ou de faire partie d'un groupe qui n'a pas été à la hauteur dans telle situation) ("le chrysanthème et le sabre", Picquier poche :p)
Quant à la question qu'est-ce que la philosophie ? elle me parait justifiée pour deux raisons : les tentatives impudentes des "concepteurs" en tout genre pour s'emparer du concept (ça c'était le malheur de Deleuze) et pour éviter par ailleurs les errements d'une philosophie qui serait dans tout et réciproquement. Bref, lui trouver un domaine, un territoire, mais qui soit dynamique. Ca c'est le problème soulevé, il me semble, dans la question du plan d'immanence.


---------------
GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°14809740
foutre de
Posté le 08-05-2008 à 17:43:55  profilanswer
 

Hello pascal,
 
 
je te croyais parti très loin
 
dis-moi si tu peux répondre aux questions que je t'ai posées l'autre jour

foutre de a écrit :

Tu veux exclure le geste schaolin : mais quel amoureux de la sagesse est celui qui ne s'intéresse pas à la sagesse et aux voies d'exploration des voisins ? Il y a pourtant un fossé entre un sport de combat et un art martial (pourquoi ne pas exclure levinas au nom du fossé entre le grec et le juif, et que la torah n'est pas la philosophie plus que le bouddhisme shaolin ? et pourquoi inclure le geste d'observation de Vinci et exclure celui des moines ? est-ce pour faire chasse gardée de la philo au nom de l'europe ? est-ce pour écarter les religions  (mais alors Teilhard ? Pascal ? Th. d'Aquin ? Maïmonide ? Averroès ?) ?).


sachant que je ne confonds pas sagesse et philosophie, ni ne cherche particulièrement à le faire, puisque :

foutre de a écrit :

philosopher me semble pourtant commencer quand on est appliqué au fait que l'existence n'a pas de domaine qui la prédispose, qui lui prescrive ce qu'elle a à être (selon telle sagesse plutôt que telle autre, par exemple), au fait qu'aucun domaine n'est déjà formé et qu'exister va être l'exploration même de ce que peut être un domaine non prescrit pour l'existence.



---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14809827
foutre de
Posté le 08-05-2008 à 17:57:30  profilanswer
 

Alcyon36>
il me semble que honte et fierté ne font qu'un. le diptyque ne devient réactif que si la honte devient la cause première  (j'ai ressenti de la honte à telle occasion, alors je m'efforce depuis de ne plus y tomber) et est toute différente quand elle est l'effet d'une fierté première (parce qu'il m'importe de longue date de ne pas tomber dans tel travers, m'y retrouver suscite de la honte, elle est effet et non moteur).
on retrouve le même genre de distinction chez nietzsche concernant le mépris, notamment quand zarathoustra rencontre son singe : un mépris premier, ou un mépris qui n'est que l'effet secondaire d'un grand amour.
 
je crois qu'il importe avant tout de voir que la honte est un symptôme de population, d'intersubjectivité, de civilisation et pas d'individu. C'est la forme inversée de la complicité : il n'est besoin de rien dire, mais à la place du clin d'oeil, c'est la rougeur qui fait signe.
En ce sens la honte marque un exigence collective, une fierté qui vibre (à la bêtise, à la brutalité, au pollos...), et qui est comme le symptôme d'un souci pour/avec l'autre.
 
Il faudrait aussi clarifier l'influence sartrienne à cet endroit. Quelqu'un a des pistes sur la lecture de sartre par deleuze ?


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14817577
rahsaan
Posté le 09-05-2008 à 16:25:52  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

je manque surement de finesse, mais je ne saisis pas un truc, comment Deleuze peut il faire de la honte, honte d'être un homme...etc...un des motifs les plus puissants de la philosophie?


 
Parce que le philosophe réagit très violemment à cette honte d'être un homme. Il trouve cela intolérable, d'être si laid et si mesquin. Il a honte pour celui qui devrait avoir honte d'être si bas.  
C'est intolérable de supporter cette bassesse de l'homme ; alors le philosophe réclame de combattre cela, comme on pousse un cri. Il n'est plus possible de vivre si bassement. Il faut libérer cette vitalité mutilée par l'homme, mutilée par sa petitesse, sa faiblesse et/ou son ressentiment.  
C'est un cri de vie, une révolte vitale.  
Mais, et je crois que là est l'ambiguïté, ce cri peut devenir un cri de morale, un cri de moraliste, qui voudrait juger de la vie au nom de valeurs transcendantes. Et ce serait une autre façon d'étouffer la vie, que de la juger au nom de la morale, en s'indignant et en condamnant celui qui nous fait éprouver de la honte.


Message édité par rahsaan le 09-05-2008 à 16:47:02

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14817980
foutre de
Posté le 09-05-2008 à 17:38:43  profilanswer
 

c'est intéressant cette idée de valeurs transcendantes comme définissant la vilaine attitude moralisante.
ça me fait penser à l'inflation qu'on constate dans le vocabulaire (et pas seulement dans l'économie) : la langue est toujours obligée d'en rajouter pour exprimer, si bien que des mots très forts à l'origine deviennent progressivement fades, insignifiants ; on peut citer l'exemple de "être navré" qui signifiait encore au 17eme siècle "être profondément blessé" (y compris au sens physique du terme) et qui aujourd'hui ne signifie plus que "être désolé" (qui d'ailleurs est elle-même une expression qui s'éloigne de la "désolation" tendantiellement).
un bon dictionnaire d'étymologie rend cela terriblement sensible.

 

la question que ça m'amène à me poser c'est : comment une valeur initialement comprise comme immanente (immanence de la chair sacrée du christianisme, immanence de la charité et de l'agapê, etc.) devient une valeur transcendante, une autorité ?
On sent déjà le même processus avec "Devenir", que les étudiants en cinéma finissent par sortir à tout bout de champ comme un grigri ; probablement aussi avec "concept" que deleuze se sent obligé de défendre contre les prétendants trop rapidement intéressés, etc.
comment une valeur synonyme de subversion, athétique (c'est éminemment le cas avec la subversion chrétienne à l'époque latine), devient-elle une thèse autoritaire, mécanisée dans son usage, un argument de soumission ?
C'est-à-dire comment une pensée vivante et risquée devient une autorité conventionnelle qui dissimule l'absence de pensée sous son prestige ?

 

Il y a chez un poète comme Ezra Pound le thème de l'usure (au sens usurier également) qui ne laisse pas indifférent dans la mesure où il soulève le problème de l'économie affective et du langage comme monnaie (thème très psychanalytique déjà)...

Message cité 1 fois
Message édité par foutre de le 10-05-2008 à 09:53:45

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14818281
le vicaire
Posté le 09-05-2008 à 18:18:48  profilanswer
 

foutre de a écrit :

c'est drôle que ce soit Bayard le premier auteur référencé sur ce topic...
 
ça m'amuse aussi "le topic qui donne des idées". en tout cas les citations en notes de bas de page, c'est une jolie idée. et puis c'est sympa d'avoir des nouvelles de saint dizier par ici (même si je préfère vitry le françois... mais les préférences et les déceptions...)


As tu fait ton devoir de citoyen ?

n°14818733
foutre de
Posté le 09-05-2008 à 19:08:25  profilanswer
 

ton sondage ?


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14827349
foutre de
Posté le 10-05-2008 à 22:13:34  profilanswer
 

suis allé relire ce que j'avais souligné dans ce livre.
je n'ai rien trouvé qui puisse me permettre de répondre à tes questions, la lecture est trop ancienne.

 

il est probable que comme à l'époque freud articule du mieux qu'il peut son hypothèse de la pulsion de mort et de l'auto-anéantissement tendanciel du sujet, il ait soutenu l'impossibilité d'être heureux absolument. Mais globalement les passages que je viens de relire me semblent plus nuancés.
Rien aperçu sur une drogue parfaite mais des propos sur la puissance infinie de destruction intersubjective atteinte par la technologie humaine et sur la possibilité que des civilisations puissent être considérées comme névrosées au titre que leur développement ressemble à celui des individus (c'est un peu la reprise inversée de la thèse du biologiste Haeckel)

 

voilà tout ce que je peux de mon côté
(mais c'est pas très long à lire (4h grand max), tu peux donc t'aventurer à vérifier ça par tes propres yeux si personne d'autre ici ne te vient en aide)


Message édité par foutre de le 10-05-2008 à 22:14:31

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14828489
foutre de
Posté le 11-05-2008 à 00:01:09  profilanswer
 

la philosophie, c'est le commencement permanent ; alors n'aie pas peur d'aller dans tous les sens.

 

l'idéal c'est évidemment de commencer par les textes les plus ancestraux (épopée de gilgamesh, livre des morts égyptien, bible, loi de mannou, mahabarata) ou chez les grecs, par les auteurs  présocratiques (thalès héraklite anaximandre pythagore empédocle parménide zénon démocrite anaxagore) puis par socrate et ses contemporains (protagoras gorgias hippias...) et ainsi de suite jusqu'à Laruelle, Sloterdijk, valdinoci....

 

mais personne ne fait jamais ça

 

pour cette question d'ordre, je ne peux te donner qu'un conseil : chaque fois que tu en auras l'occasion, lis un auteur en commençant par son premier livre et lis-le dans l'ordre. On a la chance de le faire que pour un nombre étroit d'auteurs mais ça me semble l'expérience de lecture la plus structurante du point de vue de ce que la philosophie peut faire dans une existence (et vis-versa)

 

sinon fais toi une solide culture générale, et plutôt que de craindre d'aller dans tous les sens (c'est vrai, c'est un danger de picorer partout sans ligne de lecture ni problématique), crains avant tout les zones de non curiosité spontanée, de désintérêt, ce que tu écarterais d'emblée.
la base de la philosophie a été énoncée chez Montaigne : rien de ce qui est humain ne m'est étranger (et encore, se limiter à l'humain , c'est déjà super étroit... :D)

 

(d'ailleurs si tu connais pas, les Essais de montaigne, ça vaut le coup de faire une petite visite si tu trouves une version moderne pour ne pas être rebuté direct par la graphie du passé - bon moi  j'adore, mais j'ai appris l'ancien français donc j'ai les outils pour...)


Message édité par foutre de le 11-05-2008 à 08:55:31

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14833602
rahsaan
Posté le 11-05-2008 à 15:44:39  profilanswer
 

foutre de a écrit :

la question que ça m'amène à me poser c'est : comment une valeur initialement comprise comme immanente (immanence de la chair sacrée du christianisme, immanence de la charité et de l'agapê, etc.) devient une valeur transcendante, une autorité ?


 
C'est qu'il est plus rassurant d'obéir à une valeur en la considérant comme une vérité, que de la comprendre et de la vivre. Parce que ceux qui créent des valeurs veulent bien souvent qu'on y obéisse comme à des vérités, alors que ce sont des inventions.


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14833950
foutre de
Posté le 11-05-2008 à 16:46:39  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

C'est qu'il est plus rassurant d'obéir à une valeur en la considérant comme une vérité, que de la comprendre et de la vivre. Parce que ceux qui créent des valeurs veulent bien souvent qu'on y obéisse comme à des vérités, alors que ce sont des inventions.


bizarrement ce que tu dis consonne avec la co-appartenance de la vérité et du pouvoir dans la philosophie telle que la décrivent les laruelliens (je pense à un séminaire très prochainement à paris)

 

Il y a d'ailleurs toute une population philosophique qui nie l'invention dans sa pratique de pensée, à commencer par badiou et les tenants de la philo comme bilan d'époque à la croisée des domaines qui inventent (érotique etc...) ; je pense à son "Manifeste pour la philosophie" (le Seuil). - quelqu'un l'a lu ?


Message édité par foutre de le 11-05-2008 à 16:47:30

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14838758
docmaboul
Posté le 12-05-2008 à 10:34:06  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Il faudrait que je reprenne autrement mon travail sur la contemplation. Tel qu'il est fait, c'est plutôt un défilé d'auteurs et un aperçu de l'évolution de la notion, des Anciens jusqu'à Nietzsche.  
Il faudrait poser un problème clair.  
 
Or, il y a rapidement une difficulté qui se pose avec la contemplation. C'est qu'à la limite, je ne contemple rien, car je me perds dans la contemplation et ce que j'ai contemplé paraît indicible (sinon ce serait encore de la méditation, ardent désir de Dieu, et pas de la contemplation, perte émerveillée dans le divin).  
Qui plus est, celui qui contemple est dessaisi de lui-même. Si bien que la double condition requise pour qu'il y ait contemplation (au sens d'un évènement) est qu'il n'y ait plus personne qui contemple et que rien ne soit contemplé.  
Plus précisément, il faut un sujet dessaisi de lui-même et un objet vidé de toute sa substance.  
La contemplation n'est en effet pas l'observation, scrupuleuse, attentive, où mon regard constitue la chose en objet à connaître et où l'observateur se constitue en sujet de connaissance, armé de ses facultés et des questions qu'il adresse à la nature, pour découvrir ses secrets.  
 
Plus je me défais de ma subjectivité et plus l'objet disparaît, et plus il y a contemplation. La contemplation fait disparaître aussi bien la subjectivité que l'objectivité.  
Voilà le paradoxe de départ.  
Ensuite, il serait nécessaire de reprendre ce que dit Plotin pour comprendre cette perte dans la contemplation qui, pourtant, n'est pas une perte mais un retour vers l'Un.  
 
D'autant moins de contemplant et de contemplé, d'autant plus de contemplation.


 
Votre travail sur la contemplation est intéressant mais il manque d'une description des mécanismes ou phénomènes psychologiques de l'état contemplatif, ce qui vous amène à des tâtonnements par endroits, à des contresens par d'autres et à des contradictions flagrantes. Typiquement, vous faites de la contemplation une activité sacrée en première partie puis une activité profane en dernière. De même, ce ne sont pas les connaissances retirées de la contemplation qui sont indicibles, muettes, ou presque, mais le processus contemplatif en lui-même, qui est difficilement communicable tout comme il est impossible de communiquer cette perception qu'est le goût (gustatif) à une personne qui en est dépourvue, alors qu'il est possible de lui parler indéfiniment du goût des fraises ou des poireaux. L'Un, comment cela peut-il se vivre? Quelle réalité recouvre ce phénomène de "Un" chez le contemplatif? A quelle "unification" est soumis le contemplatif pour qu'il se mette à parler "d'Un"? Etc, etc, etc.

n°14840012
rahsaan
Posté le 12-05-2008 à 13:44:29  profilanswer
 

Ecoute, si tu sais des choses à ce sujet, n'hésite pas à nous en faire part. ;)


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14841966
foutre de
Posté le 12-05-2008 à 18:42:38  profilanswer
 

la question de l'Un est la question de l'au-delà de l'essence ou de l'au-delà de l'être.
Comme il est déjà peu aisé de parler de l'expérience des essences, de décrire le type de vécu psychologique que nous en avons, se proposer de le faire pour l'expérience de l'Un (d'ailleurs peut-on parler ici de "phénomène psychologique" ?) n'est pas le moindre défi, surtout quand on se donne le matériel plotinien de... "l'hypertranscendance"... type épekeina.

 

pour ceux que la question intéresserait, j'ai trouvé ce pas mauvais texte qui tente d'expliquer la manière néoplatonicienne de répondre de cette saillie de l'épekeina depuis l'allusion que platon glisse à ce sujet dans la république. Il m'a semblé très intéressant...


Message édité par foutre de le 12-05-2008 à 21:43:43

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14843603
foutre de
Posté le 12-05-2008 à 21:42:54  profilanswer
 

par ailleurs, autre question aux lecteurs éventuels de livres de philosophie :
Est-ce que quelqu'un sait des choses sur un certain salanskis, ayant travaillé avec lyotard et enseignant aujourd'hui à Nanterre, et qui aurait fait des rapprochements entre Heidegger et la pensée quantique ?

 

(je me souviens que Baptiste R en avait parlé l'été dernier je crois, mais c'était à propos de husserl et de la philosophie analytique...)

 

merci d'avance


Message édité par foutre de le 12-05-2008 à 23:07:09

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14852785
foutre de
Posté le 13-05-2008 à 20:59:35  profilanswer
 

tiens il semble qu'il n'y ait que deux occurrences de Toni négri sur ce forum...
(voilà, ça fait trois)


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14853896
foutre de
Posté le 13-05-2008 à 22:03:51  profilanswer
 

Récapitulation du modèle herméneutique
La principale thèse de L'herméneutique formelle est que la mathématique, notamment la moderne (la formelle, l'axiomatique) est en profondeur, et à tous les niveaux qui la déploient, la mise en acte herméneutique d'un rapport à des énigmes qui d'un côté la dessaisissent, de l'autre la situent comme cette-discipline-qui-est-familière-de-ces-énigmes.
La textualité mathématique ne se présente pas comme de type interprétatif. Par conséquent, cette thèse passe nécessairement par une certaine façon de recevoir cette textualité « au-delà de l'apparence », aussi bien que par une accommodation du concept herméneutique, nous autorisant à penser comme herméneutique ce qui ne relève pas du genre du commentaire.
Cette possibilité philosophique, on le sait, a été progressivement dégagée par les avocats successifs de la cause herméneutique : si déjà Schleiermacher conçoit l'opération interprétative au plan d'une universalité méthodique la détachant de tout texte particulier, Dilthey transpose l'ambiance herméneutique à notre rapport culturel à toute sédimentation de l'esprit, fût-elle bien autre chose qu'un texte ; et finalement Heidegger énonce l'herméneutique comme immanente à l'existence, ou à la révélation/occultation de l'Être, en telle sorte que sa déterritorialisation est consommée.
Pour ce qui concerne la manière d'envisager l'accumulation savante de la mathématique, le regard que nous essayons d'imposer est bien évidemment un regard qui disqualifie la représentation de l'activité mathématique comme résolution de problème. Il n'y a pas en général pour l'activité mathématique, selon nous, un espace non problématique du problème ni une règle arrêtée de sa résolution possible, il n'y a pas, surtout, lieu de concevoir simplement comme un agir instrumental pertinent l'apport novateur du mathématicien. Nous proposons une tout autre perspective sur les mathématiques, dont nous esquissons maintenant les thèmes et les plaidoyers.
 
Nous soutenons pour commencer que les sujets-clefs que sont l'Infini, le Continu, l'Espace pour une philosophie ou une épistémologie des mathématiques ne sont pas, en quelque manière que ce soit, des objets, des supports substantiels pour une investigation descriptive, mais ce que nous appelons « tenants-de-question », à savoir des pôles d'énigme, des termes au sujet du sens desquels une tradition s'interroge. Il y a, associée à chacun d'eux, une situation herméneutique fondamentale au sens de Heidegger-Gadamer, il retentit une question « Qu'est-ce que l'Infini ? » (resp. « Qu'est-ce que le Continu ? », « Qu'est-ce que l'Espace ? ») tout à fait analogue à la question du sens de l'Être, question qui détermine une communauté - la mathématique - comme son otage. Les mathématiciens sont ceux qui sont dessaisis par l'Infini, le Continu, l'Espace et familiers des mêmes, toujours déjà préjugeant d'eux. Au fil des siècles sont promulguées des versions de ce qui fait énigme (de l'Infini, du Continu, de l'Espace), versions qui s'expriment comme géométries, logiques, théories des ensembles, branches disciplinaires, etc. La mathématique comme herméneutique d'une quelconque de ses énigmes se manifeste comme développement proliférant de théories : un ressort de la prolifération est que chaque version est prise comme relance de la question, volontiers comme régression dans le fondement, conquête d'une signification plus proche du cœur de ce qui fait énigme depuis le début. Ce développement proliférant peut d'ailleurs avoir un caractère bifurquant.
 
Le schéma herméneutique que nous présentons est fondamentalement celui que nous trouvons chez Heidegger et Gadamer. Nous pouvons le symboliser comme ceci :
La spécificité de l'herméneutique formelle est simplement que le trajet herméneutique, au lieu d'y avoir lieu comme un cheminement lexical (de sémème à sémème, avec référence ascendante au classème, investigation du taxème, et autres opérations interprétatives classiques, préciserait-on volontiers en utilisant le langage de François Rastier), se produit comme inscription d'un système et dérivation syntaxique en ce système. Selon notre analyse, dans cette modalité, et relativement aux tenants-de-question majeurs Infini-Continu-Espace, il n'y a pas lieu d'assigner l'herméneutique formelle plutôt à la conception du premier Heidegger de l'herméneutique comme explicitation (Sein und Zeit, § 31-34, et surtout § 63) qu'à la conception du second Heidegger de l'herméneutique comme parole du retrait de la duplication (Qu'appelle-t-on penser ?, « D'un entretien de la parole »).
 
Enfin, il importe de bien préciser qu'on se déclare prêt à considérer comme herméneutique-en-acte, non seulement ce rapport des mathématiques à des noms d'énigme centraux comme l'Infini, le Continu, l'Espace, dont il est assez aisé, dirions-nous, de sentir la proximité avec l'Être heideggerien, mais encore chaque aspect de l'élaboration de thèmes riches et complexes qui se joue en elles : jusqu'à la réécriture réitérée en laquelle consiste tout calcul, en passant par la redéfinition délibérée des objets autour desquels gravite un réseau de problèmes (type : redéfinition de l'objet intégration).

Le problème « théologico-platonicien »

Telle est la perspective que nous avons voulu mettre en avant en proposant notre notion d'herméneutique formelle. Mais comme il arrive souvent, en raison de la confondante inter-susceptibilité du sens, cette perspective, à peine l'a-t-on dégagée, non sans en passer par un difficile débat avec Heidegger, et avec Kant, ainsi que par la lecture synthétique d'un assez vaste répertoire de documents de la mathématique contemporaine, désigne comme urgente toute une série de problèmes philosophiques touchant à des domaines variés. Ceux qui nous ont lu n'ont d'ailleurs pas manqué de nous faire voir tout le travail de mise au point auquel nous nous étions implicitement engagé par notre premier propos.
 
Le premier problème est celui que nous appellerions le problème théologico-platonicien. On nous dit : votre conception n'oblige-t-elle pas à penser que l'Infini, le Continu, l'Espace ont du côté de l'en soi une substantialité suffisante pour autoriser la succession des versions qui en sont données dans l'histoire ? En d'autres termes, lorsque nous affirmons que la mathématique reste, depuis l'origine, liée à certaines questions, n'est-ce pas une façon dissimulée de dire qu'elle a commerce avec des objets invariants, objets qu'elle cherche à déterminer en dépit de leur transcendance et leur inépuisabilité ? Ce qui serait une formulation possible du « platonisme fondationnel ».
 
Mais, si l'on devait céder à cette première évaluation, on serait conduit en fin de compte à catégoriser d'une manière encore plus fâcheuse l'herméneutique formelle : après tout, notre discours prétend que l'Infini ou le Continu - dont on suppose désormais qu'il les rétablit dans la dignité de l'en soi - questionnent les hommes, leur demandent quelque chose. Or, un en soi transcendant qui demande, qu'est-ce d'autre qu'un Dieu ? Ce n'est donc pas seulement du platonisme déguisé que nous proposerions, mais de la théologie rampante (l'affinité de la seconde avec le premier n'étant ignorée de personne).
À cette critique, nous voulons répondre deux choses :
- d'une part, nous croyons qu'il y a un problème du rapport entre mathématique et « théologie », problème de leur co-appartenance à quelque chose comme l'apeiro-logie ; le platonisme comme doctrine des fondements a le mérite de ne pas tenter d'étouffer cette épineuse affaire ;
- mais d'autre part, la thèse de l'herméneutique formelle, du moins si on l'entend correctement, ne « tombe » pas dans le platonisme et la théologie comme le décrit l'objection.
 
L'adresse et le tenant-de-question
En effet, dire que l'Infini, le Continu, l'Espace sont des tenants-de-question, c'est dire quelque chose de difficile et d'instable, ce n'est pas pour autant désigner des en soi. Le passage au registre pragmatique de la question, pour nous, a justement cette signification. Le problème qu'on peut appeler problème du dépassement du platonisme, mais qui est aussi tout simplement le problème de l'assomption philosophique du formalisme, devenu le fait juridique englobant la mathématique au cours de ce siècle, est celui de penser « hors l'Être » ce dont la mathématique s'occupe. Mais il se trouve que, tant que j'énonce un référent, le langage conspire à ce que je l'énonce comme participant de l'Être : cette difficulté en quelque sorte logique est au centre de la philosophie depuis l'origine, disons, par exemple, depuis le dialogue du Parménide. Lorsque Wittgenstein, contemporain de l'essor du motif formaliste, a cherché à en dégager la portée générale au sein d'une philosophie du langage et de l'expérience ordinaire, il a naturellement découvert le registre prescriptif comme celui qui, dans le langage, suscite la fuite ou l'échappée hors l'Être : soit qu'il analyse de façon méticuleuse et rigoureuse les figures de la conventionnalité, de la fixation de la règle dans sa valeur de règle, mettant en évidence une cohérence régulative du discours qui échappe à toute assignation naturaliste, soit qu'il analyse la signification de l'éthique en la rattachant à l'idée d'un impératif qui ne renvoie à aucun modèle prédéterminé, c'est-à-dire en fin de compte qui commande indépendamment de l'Être.
 
Faut-il rappeler pourquoi les registres de l'adresse (la prescription, la demande, la question…) ont cette faculté de court-circuiter le règne ontologique ? C'est, essentiellement, parce que vis-à-vis de l'occurrence d'une adresse, la stature ontologique du destinateur ne compte pas. Elle est éventuellement présupposée, mais aussitôt oubliée au profit de ce qui est la grande affaire, et qui est la tension qui s'exerce sur le destinataire. Les ordres ou les questions les plus ordinaires, émis par de parfaits inconnus dont nous ne gardons pas même la mémoire visuelle, se saisissent de nous dans la rue tous les jours (« S'il vous plaît » pour que nous nous écartions, « Vous avez l'heure ? » pour que nous la donnions). L'adresse, même insignifiante dans son origine et sa teneur, fait sursauter, crée l'urgence, cristallise le temps de l'être-requis, au bout d'une sorte de trajectoire instantanée qui certes part du « lieu du destinateur », mais s'effondre aussitôt dans l'effet destinal, laissant le destinateur et son être en arrière. Les filles les plus belles, on le sait, sont généralement plus captives de la demande sexuelle des hommes que leurs consœurs, alors qu'en bonne logique « ontologique », on s'attendrait à ce qu'elles ne fussent sensibles qu'aux hommages de leurs (rares) pairs dans la séduction : mais la vérité est plutôt qu'elles sont plus régulièrement soumises à la demande, et comme pré-acquises, pré-affectées par elle. Le cas ultime où la perte de pertinence de l'ontologie se laisse lire est celui de la relation éthique : devant l'autre homme, je vis une situation d'adresse et je « réponds » me voici, sans même qu'il ait formulé de requête. Si la prestance dans l'être de l'autre homme avait en la matière la moindre pertinence, je ne serais plus dans la relation éthique ; mon assujettissement éthique ne peut qu'être tourné vers sa personne, c'est-à-dire, au-delà de toute détermination ontique, l'instance hors-être par excellence (telle est même, selon Levinas, l'ultime et seule irrécusable figure de Dieu ; thèse dont on mesurera à quel point elle est plus profonde que tout personnalisme).
 
Revenons à notre propos sur le platonisme mathématique. Le registre interrogatif, celui de la question, est pour nous un sous-genre décalé du prescriptif, ayant comme lui la force de nous orienter sur l'autrement-qu'être, mais plus originellement associé à la situation herméneutique en général : l'Infini ou le Continu sont d'abord des tenants-de-question et pas des prescriptions ou des contenus de prescription. C'est ensuite, dans l'élaboration « formelle-herméneutique », que le discours des otages de la question va se soumettre à des prescriptions, comme pour accomplir dans le registre prescriptif une fidélité qui s'est d'abord décidée au niveau interrogatif.
 
De toute façon, ce qui importe pour la présente discussion, c'est que le choix de considérer les choses à partir de la question « Qu'est-ce que l'Infini ? » (le Continu, l'Espace), est délibérément le choix de ne pas penser sur le mode descriptif le rapport des théories successives venant remplir l'herméneutique à ce dont elles sont théories. On resitue le thème dans le registre de l'adresse, si bien qu'en principe il ne doit dès lors plus être conçu comme un être cause de sa théorie, mais comme une sollicitation de sens, à laquelle on cherche à satisfaire.
 
Donc, pour commencer, l'invariance de la question, s'il y en a une, n'est sûrement pas l'indice d'une permanence de l'objet sous-jacent auquel les versions successives tâcheraient de s'égaler. L'invariance de la question est toujours uniquement interprétée ou plutôt interprétable dans l'élément de l'herméneutique mathématique. C'est dans le mouvement de reprise, d'explicitation, de régression dans le fondement, c'est à la faveur du cheminement syntaxique dans la question, de la proposition du texte, que se dessine éventuellement la certitude herméneutique touchant la prolongation du rapport à une même question : ou peut-être faut-il attendre l'herméneutique seconde de l'historien intrinsèque des mathématiques pour en acquérir la conviction, dans certains cas, celui-ci prenant appui sur tout ce qu'il trouve, en fait de documents et de preuves, dont il évalue herméneutiquement que cela fait partie de la situation herméneutique.
 
Le cercle herméneutique est partout, comme il est normal : de fait, les mathématiciens inévitablement intéressés au savoir de leur appartenance à leurs questions et les historiens des mathématiques désireux d'authentifier ces appartenances et le mouvement dans ces appartenances se meuvent constamment dans ce cercle, par leurs discussions et leurs investigations érudites, tout nous convainc qu'il y a là une structure indépassable. L'inévitabilité du mode herméneutique pour apprécier la permanence des questions, et le fait que la décision ou l'invalidation de cette permanence est directement perçue par tous comme une affaire interne à la mathématique peut être envisagé comme preuve du caractère herméneutique de la mathématique elle-même.
 
Lorsque nous avons étudié des cas précis, nous avons parfois jugé devoir conclure à une permanence absolue de la même question : ainsi, dans le cas du continu, la permanence se manifeste tout à la fois par la parenté technique profonde des réponses données depuis l'origine, du système d'Eudoxe au continu-discret de Harthong-Reeb, et, plus encore, par la très étonnante constance du récit informel dessaisissant de l'expérience de pensée du continu, récit dont les diverses versions du continu modulent inlassablement tel ou tel aspect, permettant, deux mille ans après, de mieux comprendre l'alogos de l'irrationnel ou le paradoxe de Zénon. Parfois, en revanche, l'analyse herméneutique de la mathématique en marche incite plutôt à repérer des effets de divergence et de bifurcation dans la question (émergence de la question pure du local avec la topologie, division de la question de l'espace avec le face-à-face moderne du point de vue algébrique et du point de vue différentiel).
 
Mais ne peut-on, malgré cette première mise au point, nous faire le grief du platonisme en tirant argument de cette terminologie qui nous est si chère, celle du tenant-de-question ? Par ce néologisme, n'avons-nous pas, au dernier moment, restitué la substantivité de ce qui devait seulement questionner ? Admettons que le destinateur d'une interrogation ne soit pas aussi immanquablement pris comme étant que le référent d'une description. Nous ne disons pas que l'Infini, le Continu, l'Espace, sont des destinateurs, nous disons qu'ils sont des tenants-de-question ; dans notre discours aussi, par suite, ils sont thématisés. Et nous voilà derechef inculpés de platonisme.
 
À vrai dire, nous pourrions ici, tout simplement, renvoyer nos contradicteurs à la note 1 de la page 19 de L'herméneutique formelle, où nous nous expliquions de notre usage de « tenant-de-question » : nous avons repris la traduction de Sachverhalt de François Fédier, dans un contexte (celui de « D'un entretien de la parole ») où le mot est clairement dit par Heidegger ne pas désigner une chose. Pour nous, les tenants-de-question sont des thèmes portés par le registre interrogatif, et en tant que tels essentiellement exempts du registre ontique. Bien sûr, il est difficile, voire tout à fait impossible à un certain niveau, de penser cela. De même que penser comme un « état » ce qui est en fait un « porteur de virtualité » - un vecteur quelconque de l'espace de Hilbert scène d'un phénomène quantique - est jusqu'à un certain point impossible : nous racontons cette autre difficulté dans « La mathématique de la nature, ou le problème transcendantal de la présentation », dans ce même volume. Une telle pensée, pourtant, la théorie quantique nous la demande, et l'on peut même dire qu'à beaucoup d'égards, elle l'obtient de nous. L'impossibilité, en l'occurrence, est l'impossibilité de reprendre dans la perspective ontique ce qui a été posé de façon purement modale, alors qu'avec le tenant-de-question, ce qu'on éprouve comme difficile, c'est de penser de façon non ontique ce que la langue, en le nominalisant, présente de façon au moins comme-si-ontique.
Pourtant, c'est bien tout cela qu'il faut penser, ces terminologies conçues pour susciter des conceptualisations instables sont bien venues dans la mesure où elles disent la vérité des situations de la pensée. L'Infini, le Continu, l'Espace, ne se présentent ni comme des objets décrits ou à décrire, ni comme des autrui interrogeants mais plus exactement comme des thèmes dont la cohérence de thème est soutenue par l'adresse : ils font thème dans l'exacte mesure où un contexte nous délivre l'énigme du thème avec le thème. Il y a une situation d'adresse, émanant d'un comme-si-autrui, derrière la thématicité de ces thèmes.
 
Un tenant-de-question, cela dit, n'est pas sans rappeler une esquisse idéelle de structure selon Lautman : il s'agit pour nous comme pour Lautman d'un contenu pré-articulé, ce qui veut dire qu'une seconde articulation du contenu vaudra comme la première articulation, parce qu'une chose telle qu'un contenu non articulé, en fait, ne se rencontre évidemment jamais. Mais, dans la description de Lautman, ce qui soutient le contenu pré-articulé comme tel, ce qui soutient son pré-, c'est la réserve « platonicienne » de la dimension idéelle : le contenu est tout de même de l'Être, mais de l'Être naissant, de la pure dynamique d'Être. Et son articulation est une genèse. Pour nous, ce qui soutient le pré-, c'est la valeur d'adresse de la question. Le tenant-de-question, traduit en termes de l'herméneutique textuelle classique, c'est le divers discursif non encore construit comme texte, mais qu'une demande, déjà, nous enjoint de présenter comme texte, ce qui est la première étape de toute interprétation. L'Infini (le Continu, l'Espace) comme tenant-de-question, c'est, à chaque fois, telle ou telle version reçue de l'Infini, en langue naturelle ou en langue formelle, mais dépossédée par le sens d'énigme de l'énigme de la capacité de produire l'effet référentiel, comme un texte normalement textualisé (de façon non interrogative-prescriptive).
 
Herméneutique formelle et construction de mondes
L'évocation des idées de Lautman nous permet fort naturellement d'aborder le second volet de l'imputation de platonisme qui nous est faite. On nous dit en effet que dans la ligne qui est la nôtre, nous devrions être platonicien pour rendre compte de la prolifération de la pensée mathématique, notamment thématico-objective : de son caractère de construction de mondes. Lautman, lui, peut comprendre ce devenir protéiforme : sa théorie « platonicienne » met au principe du développement de la mathématique l'idée comme vecteur dialectique du devenir. Mais l'idée peut avoir un destin divergeant, la téléologie de l'idée n'est nullement regardée, en général et a priori, comme répétitive. À rebours, la téléologie de l'interprétation est le retour au même, l'herméneutique est presque universellement prise comme confirmative, et pour tout dire, conservatrice.
 
Universellement, avons nous dit : pas tout à fait. Les pragmatistes américains, Putnam, Rorty, Heelan par exemple, mais aussi, à leur façon, Dreyfus, Winograd et Florès, invoquent tout au contraire l'herméneutique comme la faculté de déstabiliser les contraintes de signification où se laisse enfermer la volonté de dire le vrai dans la conversation. Ils font recours à l'herméneutique contre le dogmatisme logiciste, cognitiviste, positiviste. C'est au moins un symptôme qu'il faut inclure dans le dossier, bien qu'il ne soit pas relevant pour le débat, l'herméneutique n'étant pas prise par ces auteurs au sens de l'herméneutique formelle.
Pour en revenir, avant d'argumenter sur le fond, au dossier, comment ne pas entendre, dans la critique qui nous est faite, la récurrence des objections de Habermas à l'encontre de Gadamer ? L'insistance philosophique de Gadamer sur l'incontournabilité de l'inhérence herméneutique à son horizon paraissait à Habermas enfermer tout sujet dans l'obédience à sa traditionalité : il faisait donc valoir, contre ce conservatisme, un point de vue critico-révolutionnaire.
 
Mais où est, dans le fond, la force de cette argumentation ? Ma situation herméneutique n'est pas autre chose que la somme de mon appartenance à des questions. Pourquoi serais-je plus essentiellement limité par le cercle des questions auxquelles j'accède que, par exemple, par la région de l'étant que j'atteins ? En un sens, je suis limité, des deux côtés, inexorablement : cela s'appelle la finitude. Ce que je peux proposer, inventer, connaître, rêver, est essentiellement borné par ma finitude dans tous les registres, le perceptif autant que le conversationnel. En même temps, la frontière de chacune de ces finitudes est mouvante : la technologie élargit le champ perceptif humain, bien qu'elle fasse toujours converger le perçu médiat, instrumental, vers l'appareil perceptif « traditionnel », celui du corps propre ; de même, le domaine des questions qui me questionnent s'enrichit sans cesse avec la planétarisation de la communication, bien que, sans doute, les questions qui me sont transmises depuis une altérité culturelle ne m'atteignent qu'à travers la transduction préjugeante de mon horizon de signification. De tout cela, qui n'est que la structure irrécusable de la finitude, ne résulte pas clairement à nos yeux l'idée que la conscience herméneutique de la finitude soit conservatrice.
Mais venons en au cas de l'aventure bimillénaire de la mathématique, et au problème de la construction. Il est très manifeste que la mathématique a mis au monde un vaste univers d'objet. Le « paradis de Cantor », dont nous serions menacés d'être chassés, est bien un jardin où toute une faune, et toute une flore s'épanouissent. Le sentiment du caractère créateur de la pensée mathématique ne peut qu'être vif, en une époque encore marquée par l'entreprise et l'esprit bourbachiques, sous les auspices desquels le paysage fut à tel point renouvelé. De plus, tout ce complexe thématico-objectif fut déployé dans un dessein explicite de rupture : il fallait, par exemple, conceptualiser l'espace de manière non-euclidienne, axiomatiser le continu de façon non géométrique, inventer ces grands théâtres de problèmes que sont la géométrie algébrique et la topologie algébrique. On avait besoin de toujours plus d'objets et de termes pour dire exactement avec quelle généralité pouvait s'accomplir chaque affirmation-de-configuration, la signification de telles généralités demandant elle-même, au plan du problème fondationnel de la théorie des ensembles par exemple, à être inventée dans une convention adéquate.
 
Mais faut-il concevoir ce faire sur le modèle d'un pràttein concret, empirique, faut-il concevoir cette invention comme le communisme nous enjoignait d'imaginer l'accouchement de la société et de l'homme nouveaux : table rase et création tangible d'artefacts, de concrétions non signifiantes par elles-mêmes ? la dékoulakisation et l'industrie lourde ?
Cela ne nous paraît pas du tout en accord avec l'esprit de la mathématique. Qu'on le veuille ou non, celle-ci n'avance pas sur le mode de la découverte ou de la fabrication d'effectivités inouïes, ou de la mise au rancart successive de ses théories. Le face-à-face non dialogal de l'effectif-rencontré (ou produit) et de l'énonciation purement descriptive (ou démiurgique) n'est pas le mouvement historial de la mathématique, il est plutôt une image qui résulte d'une assimilation mutilante de la mathématique à la physique (ou du moins à une certaine idée primitive, en partie incontournable, qu'on peut se faire de la physique).
 
Si nous avons un peu de mémoire herméneutique, de fidélité, nous savons bien que la promotion des géométries non euclidiennes était un effort pour repenser à un niveau plus profond l'essence de l'espace, en s'appuyant tout d'abord exclusivement sur des « modèles intérieurs » des nouvelles géométries. L'axiomatisation du continu est ouvertement, explicitement une tentative de rejoindre le continu immémorial en éliminant son flou (et cela n'empêche pas Cantor de « construire » R - par les suites de Cauchy). La topologie algébrique, la géométrie différentielle et la géométrie algébrique ont valeurs d'interprétations, tout à la fois du tenant-de-question espace, et de ces méta-tenants-de-question eux-mêmes que sont les grands « noms de branche » de la mathématique. À la vérité, on repère, immanents aux constructions, des effets d'interprétation multiples et enchevêtrés, opérant à plusieurs niveaux. Par exemple, il est inhérent à la topologie algébrique de « transporter » l'information topologique recelée par les espaces homonymes dans les objets algébriques que sont les groupes d'homotopie ou d'homologie. Mais qu'est-ce que « transporter de l'information », en lui trouvant un nouveau « contexte », sinon en quelque manière traduire ou interpréter ? Il n'est pas difficile, cela dit, de voir que ces constructions sont éminemment sous la gouverne de questions que l'épistémologue attentif à l'herméneutique formelle reconstitue : ainsi la question « quel est le propre topologique de R ? », qui est implicitement la question « comment caractériser le continu dans le référentiel de la spatialité profonde (dévoilé par l'interprétation topologique) ? ». Par ailleurs, la constitution de la topologie algébrique interroge l'essence de la branche géométrie, ainsi que la géométrie algébrique le fait de son côté. Nous avons quelque peu exposé ces dimensions de l'herméneutique géométrique (au sens large) moderne dans le chapitre III de L'herméneutique formelle.
 
On serait bien en peine d'opposer sérieusement la « construction », au sens de la création de thèmes, de cadres et de problèmes à l'herméneutique formelle au sens où nous la prenons. Les mathématiques mettent en échec la conception commune selon laquelle la plus grande prolifération est la fille du scepticisme, de l'iconoclastie, de la révolte. Elles sont un discours révolutionnaire-pieux, mutant-fidèle. Elles ont enfanté un univers de textes, une involution distribuée d'énigmes d'une ampleur phénoménale, peut-être sans équivalent dans l'histoire de l'intelligence, et ce en restant obstinément attachées à l'ensemble, complexe et résonnant, de ce qui, faisant énigme pour elles, les faisait elles.

Expliquer ou comprendre

Mais l'objection que nous considérons procède peut-être plutôt d'une demande d'explication naturaliste : la prolifération des constructions de la mathématique est prise comme un fait que la caractérisation herméneutique de la mathématique ne saurait pas expliquer. Un point de vue comme celui de Lautman, à nouveau, sera jugé acceptable parce qu'il rend raison du foisonnement thématique en présentant philosophiquement sa genèse selon l'idée. Bien que cette présentation soit philosophique, elle relève d'une philosophie qui dit le pourquoi de ce qui advient, d'une philosophie qui administre des raisons entrant en concurrence avec les causes qu'une science exhiberait. L'idée tient sous une figure philosophique le rôle d'un sujet producteur ; il y a certes quelque mystère à ce que ce sujet producteur ait besoin de l'incarnation dans les théories pour gagner sa fécondité, qu'il ne puisse, au plan propre qui est le sien, jamais faire plus qu'esquisser, mais l'important est qu'il est un terme infini, non assujetti à une situation (un faux sujet, au sens radical que nous voudrions revendiquer pour le terme - nous y viendrons), donc on peut le créditer d'un devenir luxuriant en ayant le sentiment qu'on a du même coup rendu raison de ce devenir.
 
Notre présentation philosophique de la mathématique comme herméneutique formelle est tout autre, elle est tout autrement philosophique. Montrer qu'il y a des questions, et que l'efflorescence des théories se comprend largement comme assomption de la question, reprise, relance, régression dans le fondement des questions, à tous niveaux, c'est sans ambiguïté ne rien expliquer. Nous n'avons pas introduit l'instance de la question, le tenant-de-question, la valeur interprétative des axiomatisations et des preuves comme les pièces d'une « dynamique herméneutique » en termes de laquelle nous prétendions expliquer la prolifération. Il ne s'agissait pas même d'en rendre raison à partir d'un terme métaphysique à l'éminence duquel nous demanderions que les mathématiciens se reconnussent redevables de leurs mondes. Nous espérons seulement avoir fourni les moyens philosophiques de comprendre la prolifération et la conservativité de la mathématique pour ce qu'elles signifient : de les comprendre comme elles demandent à l'être. L'idée est de conquérir un regard « correct » sur ce qui se passe, en un sens qui fédère la précision descriptive et la justice à l'égard de ce qui est voulu. Mais notre point de vue refuse d'entrer dans une régression explicative


---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14854382
rahsaan
Posté le 13-05-2008 à 22:33:10  profilanswer
 

[:wam]
 
C'est quoi ce texte ?  :lol:


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14854801
pascal75
Posté le 13-05-2008 à 22:58:25  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

[:wam]
 
C'est quoi ce texte ?  :lol:


C'est de Salanskis (le philosophe au bon lait de brebisss) :p


---------------
GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°14855565
rahsaan
Posté le 14-05-2008 à 00:00:49  profilanswer
 

Ou bien au jus de chaussette ? :p


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14855588
pascal75
Posté le 14-05-2008 à 00:03:08  profilanswer
 

Directeur de l'UFR de philo de Nanterre :p


---------------
GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°14856097
rahsaan
Posté le 14-05-2008 à 00:59:20  profilanswer
 

Un endroit où l'on refuse d'entrer dans les régressions explicatives et où l'on explique le pourquoi de ce qui advient. :p


Message édité par rahsaan le 14-05-2008 à 01:04:03

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14856542
foutre de
Posté le 14-05-2008 à 06:52:30  profilanswer
 

en tout cas j'aime bien sa façon d'herméneutiser les tenants-de-question de la mathématique. C'est assez bien visé du point du vue de l'imaginaire thématique qui fait la relevance de nos activités de  calculateurs effrénés.
je ne pourrai pas travailler cependant mon niveau de culture mathématique suffisamment haut cette année pour en succuler les détails.

 

j'espère que ça en mettra d'autres en appétit

 

bonne journée


Message édité par foutre de le 14-05-2008 à 07:35:04

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14857187
rahsaan
Posté le 14-05-2008 à 10:14:56  profilanswer
 

> Foutre de : Je lisais le dossier proposé avec l'édition critique de L'évolution créatrice de Bergson. On y trouve un article de Ruyer, dont tu parlais. C'était vraiment intéressant. Il évoque l'exemple bergsonien du Sphex ammophile, insecte capable de paralyser sa proie sans le tuer. Bergson s'en sert pour étudier l'instinct. Mais on lui a reproché de mécomprendre l'instinct, qui pourrait s'expliquer de façon purement mécanique, sans faire intervenir de savoir-faire de la part de l'insecte.  
Ruyer pour sa part défend Bergson en discutant, en gros, ce point : la technique employée par le Sphex est-elle purement mécanique ou bien y a-t-il des rudiments d'intelligence instinctive chez lui ? Sait-il s'y prendre avec ses pinces pour paralyser, ou bien ne fait-il qu'agir mécaniquement ?
Le texte est vraiment technique mais il n'est jamais rebutant à lire. A la fin, il montre comment les intuitions bergsoniennes ont pu anticiper sur certains développements des sciences de la nature -conformément au vœu de Bergson lui-même, pour qui le philosophe, par intuition, peut anticiper sur les développements de l'intelligence scientifique.


Message édité par rahsaan le 14-05-2008 à 12:37:06

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°14859183
docmaboul
Posté le 14-05-2008 à 13:59:36  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Ecoute, si tu sais des choses à ce sujet, n'hésite pas à nous en faire part. ;)


 
Je vous ai dit l'essentiel, à savoir que la contemplation, ce n'est pas "l'infini mis à la portée des caniches", comme le voudrait votre dernière partie :) Plus qu'une problématique, il me semble qu'il vous manque un fil conducteur. A votre place et afin de trahir le moins possible l'objet de mon étude, je suivrais celui de la perception (la contemplation en tant que mode supérieur de sensation et de perception), partant des traits les plus manifestes et plus évidents, union ou contact avec l'Un, la totalité, le Dieu, l'infini, l'univers, peu importe le nom, l'ivresse, le délice, le côté "divin" de ces expériences mystiques particulièrement intimes, l'illumination, la félicité, la béatitude, l'extase, etc., le tout en vue d'établir dans un premier temps une morphologie psychologique de ce mode, puis de montrer qu'il y a une isomorphie certaine avec les idées, connaissances et autres propos cosmogoniques en découlant (modulo les rajouts et modifications effectués a posteriori). Par exemple, cela peut probablement expliquer de manière plus accessible comment se fait-il que l'objectivité et la subjectivité disparaissent d'un point de vue intérieur: à savoir que, par différenciation, la force des sensations et de la perception que l'on a de soi et de ce qui nous entoure est tellement supérieure à l'état normal, habituel, que l'ancien "moi" semble disparaître et se disloquer au profit de cette nouvelle identité, fusion, union, entre soi et les choses, incarnée dans ces sensations et perceptions nouvelles. Autrement dit, c'est un moment de pure subjectivité qui ne peut se comprendre autrement, à une première personne qui n'existe plus, que comme pure objectivité. Cela revient au même que de dire que la subjectivité et l'objectivité disparaissent dans la mesure où la distance entre le sujet et l'objet a été abolie, noyée dans cette sensation d'absolu. Cela permet aussi probablement d'expliquer comment la contemplation est devenue à peu près impossible dans cet enfer que nous nommons modernité. Mais c'est votre travail, non pas le mien.


Message édité par docmaboul le 14-05-2008 à 14:01:16
n°14866057
foutre de
Posté le 14-05-2008 à 23:45:47  profilanswer
 

rahsaan>
j'ai pas cette édition critique, ça a l'air bien. En tout cas ça consonne bien avec le peu que je connais de ruyer qui est un franc défenseur de la pensée animale. ce que tu rapportes est très séduisant, je veux dire l'étude d'un cas. Il faudrait que j'aille le feuilleter en bibliothèque


Message édité par foutre de le 14-05-2008 à 23:46:10

---------------
« Une force presque nulle est une force presque infinie dès lors qu'elle est rigoureusement étrangère au système qu'elle met en mouvement »
n°14914769
neojousous
Posté le 19-05-2008 à 17:04:43  profilanswer
 

Cela dépend des gens. C'est une réaction assez courante d'angoisser ou de flipper en mettant en doute des choses acquises, stables dans notre environnement. Mais après, avec le temps, ce scepticisme devient familier,  et on se rend compte que cela ne change pas grand chose à la vie en elle-même.

mood
Publicité
Posté le   profilanswer
 

 Page :   1  2  3  4  5  ..  216  217  218  ..  340  341  342  343  344  345

Aller à :
Ajouter une réponse
 

Sujets relatifs
La Philo du Jour : le Désespoir ?????Où es-tu ? Dans ton e-cul ! Premier FAI Grolandais !
Recherche un titre, une chanson, une musique - Lire le premier post!Paiment via Visa Premier en £ -> Charges ?
Les bons s'en vont en premier et en plus ils ne se reproduisent pasLivres sur alapage
la chine lance son premier homme dans l'espacePhilo : Que vaut une preuve contre un préjugé ?? quelques idées ???
[Philo] Corrigés du bac 
Plus de sujets relatifs à : Philo @ HFR


Copyright © 1997-2025 Groupe LDLC (Signaler un contenu illicite / Données personnelles)