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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
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1.  "La république" de Platon
 
 
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2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
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3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
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4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
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5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
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6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
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7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
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8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
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9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
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10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°1868523
l'Antichri​st
Posté le 17-01-2004 à 10:31:31  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Puisque l'un d'entre vous a parlé du Stoïcisme, voici une petite présentation de ce courant.
 
Au delà des images simplistes et défigurantes, le projet stoïcien est celui de la conduite de la vie. Certes il y a un Destin qui s?occupe du cours du monde. Mais celui-ci n?implique pas de supposer une distinction radicale et incommensurable au sein de l?humanité entre le sage, doté de toutes les qualités, et la masse des insensés, la plèbe porteuse de tous les défauts. Aucune opposition dans le Stoïcisme entre la science et l?opinion, le bien et le mal, le beau et le laid. Chacun doit s?intéresser à ce qui ne dépend que de lui (ce qui est proprement humain) et donc se préoccuper de la rectitude de son intention à bien agir. Celle-ci est bonne inconditionnellement. Notre responsabilité d'être humain est tout entière engagée dans ce qui ne dépend que de nous. Comme le tireur à l'arc, image stoïcienne par excellence (cette image est aussi utilisée dans le zen où le tir à l?arc et la morale sont étroitement liés), l'homme est dans une situation particulière. Le tireur fait tout pour que sa flèche touche le centre et atteigne son but mais une intervention extérieure, un coup de vent par exemple, peut faire dévier la trajectoire de la flèche. Dans le domaine de la morale, je peux avoir une bonne intention, et pourtant le Destin peut faire en sorte que mon action, pourtant bien orientée, n'atteigne pas la réalisation conforme à l'intention. Mais la fin de l'action est dans l'intention qui la conduit. Dans l'océan du Destin, une part de liberté surgit donc : le moi, principe des actions morales. Ainsi les écrits stoïciens regorgent de conseils sur la conduite à adopter dans tous les domaines de la vie. Ces écrits ne sont destinés ni au sage (qui connaît par définition tout ce qu?il faut savoir) ni à l?insensé (qui n?y comprendrait rien et qui en raison de sa situation ne pourra prétendre à la sagesse). Or ces écrits sont destinés au progrès moral du lecteur ! C?est, par exemple, ce qui apparaît dans l'oeuvre de Sénèque La tranquillité de l'âme qui constitue une réponse aux inquiétudes de son ami Serenus. Celui-ci exprime sa désolation en ce qui concerne ses faibles progrès dans le domaine de la morale. Il y a donc bien une volonté de se réformer de la part de Serenus ! Comment cette volonté aurait-elle un sens si le stoïcisme n'admettait pas en son sein une place pour le progrès moral ? La réponse de Sénèque serait, elle aussi, énigmatique puisque l'intention de La tranquillité de l?âme est de chercher :
 
" (...) comment il est possible à l'âme de se mouvoir d'une allure toujours égale et aisée, en se souriant à elle-même, en se plaisant à son propre spectacle et en prolongeant indéfiniment cette agréable sensation, s'en se départir de son calme, s'exalter ni se déprimer. "
 
C'est cette même volonté de réforme qui semble animer toute l'oeuvre d'Epictète et en particulier son Manuel (Celui-ci résume les grands thèmes du stoïcisme). S?il faut " garder sous la main " (traduction du Manuel, de Enkhreiridon) cet ouvrage, c?est qu?il y a une visée pratique de la philosophie qui justifie un rassemblement des principes qu'on doit toujours garder à sa portée. Le Manuel d'Epictète est un recueil de représentations philosophiques correctes, capables de guider l'exercice de l'homme désireux de progresser moralement. Le cadre est alors celui de l'éducation. Le lecteur du Manuel est le progressant. Cette idée fait voler en éclat l'image véhiculée concernant le stoïcisme d'une opposition stricte entre le sage et la multitude insensée des hommes ! Car à l'intérieur du champ de la non-sagesse se dessine une partition : d'une part, les non-sages qui ne connaissent pas leur état (les insensés) et d'autre part, les non-sages conscients de leur état (les philosophes). Le Manuel peut donc avoir un auditoire ! Un progrès moral est possible pour l'homme. Or, comment cela serait-il possible sans un processus d'appropriation de l'homme par l'homme ? Il faut donc s'interroger sur le domaine de la philosophie puisque c'est par elle que l'homme agit une " ré-flexion " sur son humanité. La philosophie, en tant qu'elle est une thérapeutique de l'âme, permet d'instaurer l'humanité de l'homme. Celui-ci se libère de tout ce qui n'est pas lui pour s'élever à ce qui est proprement lui-même. S'interroger sur la conception stoïcienne de la philosophie permet de comprendre le rôle de la morale du progressant et donc de statuer sur la place du bonheur dans l'existence humaine.
 
Qu?elle est la finalité de la philosophie ? Voila ce que dit Philon d'Alexandrie :
 
" La sagesse est à la fois théorique et pratique, théorique puisque la philosophie nous conduit à elle par la physique, la logique et l'éthique. Pratique parce qu'elle est l'art de la vie tout entière qui contient toutes les actions. " (cf. Stoicorum Veterum Fragmenta, Hans Von Arnim, Teubner, Stuttgart, 1978, III, 202)
 
La sagesse a une double dimension parce que la philosophie fonde, outre la dimension théorique, la dimension pratique. A partir de là, la philosophie permet à la sagesse d'être l'art de la vie tout entière. La philosophie, en effet, partage la dimension théorique (dans son contenu) et la dimension pratique (dans sa finalité). Autrement dit, la philosophie est une connaissance théorique qui a une visée pratique : elle possède la double dimension et, dans le même temps, elle est dans une logique instrumentale c'est-à-dire en vue de la sagesse. On ne philosophe pas parce qu'on a la volonté de savoir pour savoir ou de connaître pour connaître :
 
" La spéculation n'a d'intérêt et n'est digne du philosophe que si elle sert à fournir une règle d'action. Cette conviction a toujours inspiré les stoïciens, et, à part de rares exceptions, ils se sont abstenus de toutes les recherches d'une portée purement théorique. La morale est donc toute la philosophie, ou plutôt c'est à elle que doit se rattacher toute la philosophie. " (cf. G. Rodier, Eléments de philosophie grecque, " Les Stoïciens ", Vrin, 1957, p. 244)
 
La philosophie vaut dans la mesure où elle est l'art de conduire droitement sa vie. Une fois choisie la philosophie comme règle de vie, alors l'homme atteint son identité. Il se rend digne de son rang. L'homme est effectivement dès lors qu'il la pratique. On est donc déjà dans la finalité pratique quand on pratique la philosophie. Elle ne consiste pas en une activité extérieure à l'existence humaine : par elle on tente de vivre honnêtement. Etre philosophe consiste à tenter le pari de l'humanité c'est-à-dire de vivre une vie humaine. Toutes les dimensions de l'humanité sont ainsi engagées tant dans le domaine de la pratique que dans le domaine de la théorie. La philosophie s'inscrit dans la vie tout entière : elle prend la vie comme lieu de son exercice. Ainsi peut-on confirmer la levée de la prétendue opposition irréductible entre le sage et le non-sage. On ne peut pas diviser l'humanité en deux camps inconciliables. Au milieu de ces deux camps réside la philosophie qui est l'exercice de la sagesse mais qui n'est pas la sagesse elle-même. Le philosophe est donc le milieu entre le sage et l'ignorant. Ainsi doit-il s'exercer à la sagesse. Une place est donc accordée au progrès moral et au progrès spirituel. Mais donner une finalité à la philosophie n'a de valeur que si on la fonde (le fondement permet donc de donner un point de départ à l'aspirant à la sagesse). Il s'agit de trouver le point fixe et stable sur lequel la philosophie va véritablement pouvoir se développer. Sur quel sol la philosophie pousse-t-elle ?
 
Pour établir ce qu'est la philosophie et pour connaître sa finalité, le stoïcisme se fonde sur une certaine conception de l'humanité. Il y a un soubassement anthropologique du système stoïcien. La connaissance de l'essence de l'homme est primordiale dans la mesure où elle permet de distinguer plusieurs types d'hommes à l'intérieur d'un cadre plus large. Il existe d?abord une humanité lato sensu qui se caractérise par son appartenance au genre " animal raisonnable ". C'est l'ensemble des citoyens parvenus à un certain stade de développement qui leur permettent d'avoir une activité plus sophistiquée que celle des animaux. Mais il existe aussi une humanité stricto sensu. Les Stoïciens reprennent ici les acquis du Protagoras de Platon. Par le mythe de la création, Platon explique que l'animal est bien servi dans la distribution d'Epiméthée parce qu'il est assigné à des tâches définies et restreintes. L'homme, quant à lui, n'est pourvu que pour une oeuvre (ergon) qui ne peut être menée à bien qu'aux prix de certains efforts. Il faut donc un intermédiaire qui relie la pure animalité en l'homme et la perfection propre de l'homme. La raison est le principe suprême qui marque l'écart entre l'homme et l'animal. Mais encore faut-il que cette raison se manifeste en acte et non simplement comme pure potentialité. De même qu'un homme qui passerait son temps à dormir ne vivrait pas une vie proprement humaine, on pourrait suspecter qu'une vie qui ne placerait pas la raison en son coeur fût proprement et véritablement humaine. Cette inquiétude est résumée par Epictète :
 
" C'est le signe d'une nature peu douée que de passer son temps aux soins du corps. par exemple de s'occuper interminablement de sa gymnastique, de sa nourriture, de sa boisson, de ses selles, de son sexe. Tout cela ne doit être accompli qu'accessoirement : c'est l'esprit qui doit attirer toute l'attention. " (cf. Manuel, XLI)
 
La vie, dans sa prétention à être humaine, doit tout subordonner au bien moral. Ainsi, le seul mal est le mal moral. On assiste à une transmutation des valeurs : la pauvreté, la maladie et même la mort ne sont pas véritablement des maux. La vie de Socrate est alors un exemple pour tous les Stoïciens :
 
" Voici comment Socrate devint Socrate : dans tout ce que la vie lui apportait, rien ne retenait son attention que la raison. Quant à toi, sans être encore un Socrate, c'est pourtant comme si tu voulais devenir Socrate que tu dois vivre. " (cf. Manuel, LI, 3)
 
L'homme n'est pas naturellement conduit à son humanité. La Nature fournit à l'homme la raison qui est cette instance à partir de laquelle il peut faire éclore sa véritable humanité. La raison est donc l'instance humaine de perfectibilité. Justement, la figure de Socrate cristallise cette prise de conscience de la perfectibilité. Socrate incarne aux yeux des Stoïciens la figure du philosophe c'est-à-dire de l'homme qui prend en charge son humanité parce que sa vie est l'expression de sa volonté philosophique. La philosophie est la science d'une vie convenable et honnête. C'est donc à l'action droite, c'est-à-dire l'action éclairée par la raison que le stoïcisme nous enjoint de nous conformer. La raison s'incarne dans certains hommes dont la vie est exemplaire et tout philosophe, tout aspirant à la sagesse, doit chercher à leur ressembler. A travers la figure paradigmatique de Socrate, nous voyons que la philosophie donne à l?humanité sa forme la plus haute. Comment ? La réponse tient en un mot : la vertu. La philosophie est la science possible de la vertu. En ce sens, elle est guide de vie. Sans elle, l?existence humaine n?a pas de fondement ou de principe. Son développement n?est pas ordonné. Philosopher permet de bien vivre ! Elle est ce dans quoi il faut s?abandonner, trouver refuge. Elle est la protection envers tout ce qui menace par altération la vie humaine. Que signifie alors " bien vivre " ? 1) rétablir l?identité. 2) Penser l?harmonie.
 
1) Rétablir l?identité : le souci de la vie honnête est le souci de la bonne conduite à tenir, ce qui est corollaire de la connaissance de l'essence de l'homme. Quel est le devoir qu'un homme a envers lui-même ? Cette question en appelle une autre : qu'est-ce que mon Moi, c'est-à-dire quelle est mon humanité ? Il s'agit de connaître ce qui est soi (et pas seulement à soi) afin de mener une vie bonne. La connaissance de l'essence humaine est ce qui donne la règle pour vivre une vie honnête. Que nous apprend la connaissance de l'essence humaine ? Elle nous apprend que c'est dans la connaissance de notre véritable moi que nous pouvons atteindre notre nature d'homme. Tel est le fondement de la fameuse différence entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Mon moi, ma véritable humanité, ne réside pas dans la contingence des circonstances extérieures. Par conséquent, on peut faire la différence entre ce qui est indispensable à une vie proprement humaine et tout le reste qui est de l'ordre du superflu. Notre véritable identité réside précisément dans le strict nécessaire. Je ne suis moi-même que dans le maintien de mes conditions naturelles. Pour conquérir mon identité je ne dois pas me soumettre à ce qui ne dépend pas de ma nature : la richesse, les honneurs, la crainte de la mort, etc...
 
2) Penser l?harmonie : les dimensions de l'humanité (théoriques et pratiques) doivent être régies et dirigées par la raison. Mais les stoïciens ajoutent que la raison est le principe des êtres et des événements. Si la philosophie a un pouvoir, c'est parce qu'elle réalise la conformité de la nature humaine avec elle-même et permet donc l'harmonie entre l'homme et le monde. La philosophie révèle cette cohérence de nature c'est-à-dire cette harmonie entre le microcosme et le macrocosme, harmonie fondée sur la raison. Puisque la raison est au principe de tout (des choses et de l'homme) alors l'homme peut s'accorder avec l'Univers. Si l'homme comprend la rationalité qui se déroule alors l'homme peut décider de la place qui lui convient, il peut dessiner sa place. C'est en ce sens que l'homme a la possibilité d'être heureux : il peut établir son identité dans la conformité avec sa nature et avec la Nature.
 
La philosophie doit redresser le bois courbe. Elle renvoie à la trajectoire de la vertu. Par elle le mal est déracinable. S?acquérir pour l?homme, c?est s?acquérir philosophiquement. La philosophie est en ce sens l?instrument de la sagesse. Elle indique et balise le chemin droit. Ce chemin prend pour destination la vérité. Dans son De la nature des Dieux (cf. livre II, chap. 62), Cicéron décrit ce que serait le mouvement idéal d?un esprit parfait. Cet esprit produit trois fruits : la physique, l?éthique, la logique. Pour cet esprit, il s?agira d?abord de connaître la nature (la physique) puis de déterminer ce qui est à rechercher et à éviter (l?éthique) et enfin d?apprécier des conséquences logiques et des contradictions afin d?assurer la vérité du jugement. Ces trois vertus ne sont pas trois types de discours qu?il faudrait passivement écouter, il s?agit d?étapes qui forment un tout organiquement lié : l?existence d?une vie convenable distingue théoriquement des moments pour mieux les unifier pratiquement. Le stoïcisme, à l?image de " l?unité triple " de la philosophie, forme un corps, un organisme dont toutes les parties se conditionnent mutuellement dans un assemblage parfait et qui tend vers une fin suprême : la guérison de l?âme. Le stoïcisme est la systématisation de cette intention ! La volonté de cohérence au sein du stoïcisme n'a pas sa fin en elle-même. Elle se dépasse dans la nécessité, pour l'homme, de vivre une vie humaine c'est-à-dire de faire la conquête de soi. La philosophie est le relais artificiel qui lui permet d'accéder à sa véritable nature. La philosophie doit transformer la vie. Comment l?âme peut-elle être guérie et quels sont les maux dont elle souffre ?
 
La philosophie est vide si elle ne sert pas à guérir les maladies dont l'âme est porteuse. Cette conception forte de la mission philosophique n'est cependant pas originale. On peut trouver chez Socrate, mais aussi chez Epicure, une démarche similaire.
 
Dans les premiers dialogues de Platon, Socrate pratique la philosophie : il est précisément la figure du philosophe dans la mesure où son activité philosophique ou philosophante est sans relâche. Celle-ci permet à l'homme de s'examiner c'est-à-dire de déterminer le sens de sa propre existence. Ainsi le " connais-toi toi-même " delphique doit-il mener l'existence du philosophe. On peut lire à ce propos dans le dialogue de Platon Alcibiade :
 
- Socrate : De ce que nous disions tout à l'heure : qu'il fallait chercher d'abord ce que c'est que soi-même. Or au lieu du " soi-même " considéré absolument, nous avons cherché ce qu'est chaque " soi¬même " en particulier. Peut-être après, cela nous suffira-t-il. Car, apparemment, la partie maîtresse en nous, c'est bien l'âme.
- Alcibiade : Assurément
, " (cf. Alcibiade, trad. E. Chambry, 130 c-d)
 
A partir de la découverte du vrai Soi, on peut juger de la santé d'un individu. Les opinions et les préjugés sont des maladies de l'âme dans la mesure où ils engendrent un déséquilibre. L'opinion flottante, malléable et changeante plonge l'homme dans le déséquilibre le plus complet. Ne possédant pas la science, c'est-à-dire le savoir assuré et stable, l'homme erre ordinairement d'idée en idée sans jamais pouvoir justifier ses positions. Ainsi la philosophie est-elle à l'âme ce que la médecine est au corps. Pour vivre une vie bonne, il faut avoir une bonne conduite. Il s'agit de vivre selon la moralité. Dans Alcibiade, Socrate apprend à Alcibiade qu'un homme ne peut gouverner une cité s'il ne connaît pas au préalable la véritable humanité en l'homme. Ainsi la connaissance de l'âme permet-elle de s'élever au-dessus des opinions flottantes et malléables afin de penser véritablement. Pour Socrate, la thérapeutique du dialogue consiste à interroger et non à apprendre. Socrate ne sait rien : il ne peut donc rien enseigner quant à un quelconque contenu théorique de savoir. Il s'agit d'amener l'interlocuteur à la perplexité c'est-à-dire à lui révéler qu'il est dans la sphère de la croyance et non dans celle du savoir. La fonction thérapeutique du dialogue a donc une double signification. Dans un premier temps, le savoir ne peut venir que de l'individu : penser par soi-même est nécessaire afin de ne pas se situer à l'extérieur de ses pensées c'est-à-dire de ne pas vivre sous le règne de l'opinion. Dans un second temps, il s'agit de se rendre compte de la vanité de son prétendu savoir. La perspective doit changer : l'objet d'étude doit être déplacé de ce prétendu savoir à la quête de soi-même. Le problème est donc celui des valeurs de l'individu. Le projet socratique consiste, pour l'interlocuteur, à dépasser les contradictions inhérentes à sa vie. La réflexion, la remise en question de son savoir et de ses pratiques, permet à l'homme de faire l'acquisition de soi. En ce sens, le dialogue est un processus de guérison : l'homme met sérieusement à l'épreuve sa vie et ses valeurs.
 
Chez Epicure, on trouve également cette idée d'une philosophie-médecine dans la mesure où l'épicurisme conçoit la relation entre le maître et le disciple dans la sphère de la médecine de l'âme. Le vocabulaire médical est extêmement important dans l'épicurisme  : il suffit pour s'en convaincre d'analyser les trois remèdes fondamentaux proposés par cette doctrine : le traitement d'urgence est le tetrapharmackos.
 
" Les Dieux ne sont pas à craindre, il n'y a point de risque à courir la mort, le bien est facile à se procurer, le mal facile à endurer avec courage. " (cf. Epicure et ses Dieux, A. J. Festugière, PUF, collection Quadrige, 1985, p. 99-100)
 
Il s'agit d'éloigner de nous les craintes non-fondées. Le traitement d'urgence s'attaque aux symptômes comme dans le domaine de la médecine, on fait d'abord tomber la fièvre avant d'extirper le mal (la maladie) proprement dit.
 
On passe alors au traitement étiologique. Il s'agit d'extirper le mal et pour cela il faut connaître sa nature. L'état du disciple est celui d'un malade qui sait qu'il souffre mais qui ignore comment se soigner. Il faut alors connaître le remède à la cause de la maladie.
 
Enfin, les traitements hygiéniques cultivent le repos. Le programme des lettres d'Epicure est l'entretien de l'état de santé. On fournit au malade un schéma général qui permet d'interpréter chaque cas particulier en fonction de l'ensemble. Il s'agit d'acquérir un habitus mental afin de parer à toute rechute. Ainsi la thérapie éthique s'entretient-elle jusqu'au point culminant qu'est la vie du sage.
 
Le stoïcisme s'inscrit dans cette lignée qui considère la philosophie comme la médecine de l'âme. Comme pour Epicure, le système stoïcien conçoit les passions et les erreurs comme des maladies de l'âme. Si l'homme ne parvient pas au bonheur, c'est à cause des chagrins de toute sorte. Il faut vaincre la maladie en repérant et en analysant les symptômes.
 
D'où l'analyse que fait Sénèque dans son traité De la tranquillité de l'âme, des différents types de malades : les versatiles, les capricieux, les paresseux, les découragés et les entêtés. Toutes ces maladies conduisent au même résultat qui est le mécontentement de soi.
 
" Malaise qui a pour origine un manque d'équilibre de l'âme et des aspirations timides ou malheureuses, selon que l'on n'ose pas du tout ce qu'on désire ou que l'on tente en vain de le réaliser, et qu'on s'épuise à espérer. C'est une instabilité, c'est une agitation perpétuelle, sort ordinaire des objets en équilibre instable. Ils cherchent par tous les moyens à atteindre l'objet de leurs vaux, se dressent et se contraignent à des pratiques honteuses et malaisées (...) " (cf. Ibidem II, 7)
 
Ce mécontentement de soi trouve son origine dans deux passions-symptômes : l'inquiétude et la crainte. L'inquiétude, au sens propre, plonge les hommes dans la recherche frénétique de la satisfaction des plaisirs et des désirs. Or, on ne peut jamais les atteindre dans la mesure où l'on ne peut clôturer leur possession. Par exemple, l'inquiétude de l'argent pousse à chercher de plus en plus de richesses, et cela de façon illimitée. Le plaisir de l'argent pour l'argent engendre l'envie d'accroître encore et toujours sa fortune. La maladie est là : l'inquiétude conserve la négativité du plaisir. On désire de façon illimitée et on en vient à désirer son désir. Cette logique perverse du désir ne peut donc jamais trouver d'achèvement. Les hommes ne possèdent pas la tranquillité de l'âme parce qu'ils sont toujours hors d'eux-mêmes. L'ignorance de la Providence engendre la logique des désirs impossibles à satisfaire qui rendent malheureux. Cette ignorance débouche sur la stérile agitation des hommes :
 
" Ils rôdent ainsi à l'aventure, quêtant les occupations, et que font-ils ? Non pas ce qu'ils ont résolu de faire, mais ce que le hasard des rencontres leur offre. Leurs courses absurdes et vaines font penser aux allées et venues des fourmis le long des arbres, lorsqu'elles grimpent jusqu'en haut du tronc et redescendent jusqu'en bas pour rien. Que de gens mènent une existence analogue, qu'on appellerait justement une paresse agitée ! " (cf. Ibidem XII, 3)
 
La crainte apparaît alors et finit de plonger l'homme dans le dérèglement. Qu'avons-nous à craindre de la Raison Universelle, Pourquoi, par exemple, craindre la mort puisqu'elle dépend du Destin ? Les hommes vivent dans la crainte de perdre leurs biens : leur vie, leur richesse, leur pouvoir. Inquiets et craintifs : Sénèque décrit en termes terribles les maux de l'humanité. Mais il met surtout en garde contre les dangers de l'action. Celle-ci peut devenir un lieu d'étourdissement, de frénésie, d'ivresse. Agir pour agir est une sorte d'exacerbation et de déperdition qui produit un mouvement dangereux et destructeur. Le stoïcisme veut montrer que l'action sert la vie mais que l'inverse détruit la vie. Les hommes deviennent des fourmis. L'action pour l'action, c'est-à-dire l'action qui n'est pas éclairée par la raison, témoigne non d'un accomplissement mais d'une déchéance. En ce sens, l'humanité offre le spectacle de l'esclavage à l'activité. Le repos est un supplice pour les hommes dans la mesure où l'activité dévore la vie. Sénèque découvre en effet le mal immonde qui ronge l'humanité. La vie n'est plus ce qui trouve dans l'action un accomplissement, elle est plutôt ce qui sert une action devenue omniprésente et toute-puissante. Il y a dans cet " activisme " un caractère envahissant, proliférant et dissolvant. L'action appelant l'action interminablement, Sénèque expose les maux de l'humanité pour les éradiquer. Le sens et la valeur de la comparaison de l'homme du commun à une fourmi se trouvent dans la critique de l'action pour l'action. L'action, qui devrait être un moyen au service de la vie, en vient à gangrener l'humanité. Cette perversion entretenue par la société et le mimétisme social en vient à s'élever au rang de norme.
 
L'action n'est plus fin authentique mais dégénère en but vide qui s'appelle lui-même. Le stoïcisme veut donc retrouver l'action où le sujet s'accomplit. Ainsi Sénèque exhorte-t-il à ne pas être esclave de l'action. La responsabilité humaine est donc engagée : il faut s'exercer afin de séparer les actions dont la fin demeure vivifiante et les actions dont la fin est " mortifiante ". Le moyen de cette séparation ne réside-t-il pas alors dans la partie la plus humaine de l'homme ? Comment quitter cette dimension aliénante de l'humanité et éradiquer l'inquiétude et la crainte ? Mais d?abord quel est précisément ce mal qui ronge l?âme ?
 
" Pourquoi nous abusons-nous ? Notre mal ne vient pas du dehors ; il est au-dedans de nous, il a son siège au fond même de nos entrailles, et la raison pourquoi nous parvenons à la santé malaisément, c?est que nous ne nous savons pas atteints " (cf. Lettre à Lucilius, 50, 4)
 
La maladie de l'âme a une cause principale : la distance par rapport à soi-même. Les hommes ne se savent pas atteints de ce mal et vivent donc sous le règne des passions et sous le joug des opinions. L'homme est hors de lui-même tant qu'il ne connaît pas son véritable moi. La santé est la conversion de l'erreur et de la passion dans la nature véritable de l'homme. La philosophie a pour objectif d'expulser le mal qui écarte de la santé c'est-à-dire de l'usage droit de la raison. La racine de nos maux réside donc dans l'éloignement par rapport à nous-mêmes. L'ignorance de notre position engendre l'ignorance de notre maladie. Celle-ci n'est pas un virus qui attaque de l'extérieur mais plutôt un cancer qui ronge de l'intérieur. Le mal de l'homme est entretenu par son ignorance. Le malade est donc prisonnier d'un cercle vicieux ou d'un cycle infernal : ne se connaissant pas, il ne connaît pas son mal ; ne connaissant pas son mal, il s'éloigne toujours plus de la connaissance de son moi. Les hommes ne se savent pas malades : tout homme considéré par l'opinion comme bien portant est véritablement un malade qui s'ignore. S'il paraît bien portant mais ne l'est pas, c'est précisément parce que la maladie est englobée dans la logique et de l'apparaître. En ce sens, la maladie de l'âme nous éloigne autant de la stabilité que la maladie du corps nous éloigne de l'équilibre. La philosophie est donc une thérapie de l'âme : elle n'est pas dans l'aire du loisir nais elle est un mode de vie pour être soi-même.
 
Etre soi-même consiste à combler l'écart entre nous et nous-mêmes. Cet écart est justement la cause de la maladie. C'est en constituant sa raison et non en suivant la foule que l'homme peut se libérer du mal qui le ronge. Ainsi Sénèque écrit-il:
 
" Ainsi c'est un danger de s'attacher aux pas de ceux qui nous précèdent ; chacun aimant mieux croire que juger, quand il s'agit de la vie, on ne porte jamais de jugement, on se borne toujours à croire ; nous tourbillonnons et roulons dans l'abîme par la faute de cette erreur qu'on se passe de main en main. Ce sont les autres dont les exemples nous perdent ; nous guéririons pourvu que nous nous séparions de la masse. " (cf. De la vie heureuse, I, 4)
 
Pour rendre effectivement opérante la raison en l'homme, et de ce fait supprimer la maladie, il faut s'écarter de la croyance afin de mieux juger. Il s'agit donc de changer nos opinions, c'est-à-dire de les supprimer. Ce n'est qu'en écartant les préjugés que nous pourrons vivre dans la sphère des jugements libres et non pas sous le joug des opinions, opinions qui, d'une part, n'obéissent à aucun principe normatif et qui, d'autre part, sont contingentes. Le malade est un mort-vivant dans la mesure où sa vie n'est pas humaine. Or il vaut mieux être mort que de vivre mort, de vivre une vie morte. Expulser la maladie n'est pas une platitude : il s'agit, en fait, de s'éveiller à la véritable vie. Il s'agit de délaisser l'empire de la fausseté, de l'opinion pour s'élever jusqu'à la tranquillité de l'âme. Pour cela, il faut se donner les moyens de se guérir et en appeler à la logique des remèdes.
 
Ces remèdes sont ceux exposés dans le Manuel d'Epictète, dans la Lettre à Lucilius et dans De la tranquilité de l'âme de Sénèque, dans Les Pensées de Marc-Aurèle : Tous ces textes s'offrent comme des exercices de direction spirituelle reposant sur l'éducation morale mais aussi et surtout sur le rapport privilégié entre le maître et le disciple.


Message édité par l'Antichrist le 18-01-2004 à 01:01:56
mood
Publicité
Posté le 17-01-2004 à 10:31:31  profilanswer
 

n°1868679
pascal75
Posté le 17-01-2004 à 11:49:44  profilanswer
 

J'ai mis les liens dans le premier post :)

n°1869155
Coxwell
Posté le 17-01-2004 à 13:59:20  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
 :lol:  
J'ai un pote qui passe aussi l'agreg de philo, qui est amateur de Playboy justement, et de pin-ups !  :D  
 
Mais moi, je n'ai que de pieueses lectures...  :ange:  


 
T'inquiète pas, moi aussi  :whistle:

n°1871103
phyllo
scopus inornatus
Posté le 17-01-2004 à 22:15:48  profilanswer
 

Bon, après deux petits posts de l'Antichrist, il est assez dur de revenir à des précisions sur les lectures triviales dont j'avais parlé avant. Je vais me forcer quand même.
 
Donc, le livre de vulgarisation niveau CE1 (si le premier texte de l'Antichrist est niveau terminale) dont je parlais est une 'Histoire illustrée de la philosophie' de Bryan Magee. Il fait partie d'une sélection France loisir qui représente à peu près tout ce que je déteste em matière de littérature mais je dois convenir qu'il contient des 'pré-bases' qui sont intéressantes toujours dans une optique d'inculture crasse mais c'est assez répandue (hors ce topique bien sûr !).
 
A+


---------------
Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1871713
rahsaan
Posté le 18-01-2004 à 00:14:55  profilanswer
 

J'adore les passages de l'Antichrist : pas souvent, mais quand il passe, on s'en souvient !  :D  
Ca ressemble à du largage intensif au dessus d'une ville qui doit être ravitaillée.  :D

n°1871776
Ars Magna
Digitale Gaudium
Posté le 18-01-2004 à 00:27:41  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

J'adore les passages de l'Antichrist : pas souvent, mais quand il passe, on s'en souvient !  :D  
Ca ressemble à du largage intensif au dessus d'une ville qui doit être ravitaillée.  :D  


 
Tu compares ses pavés indigestes au Corned beef en boite des Alliés ?

n°1879005
rahsaan
Posté le 19-01-2004 à 12:32:18  profilanswer
 

Très intéressant ce texte sur Bourdieu.  ;)

n°1880629
phyllo
scopus inornatus
Posté le 19-01-2004 à 16:51:54  profilanswer
 

Oui,
 
Et puis c'est marrant de ne parler qu'en dissertation...
 
-Tu peux me passer le sel ?
 
-Puisque tu me parles de sel, j'ai écrit un petit texte sur la cuisson de la poularde dans 'le banquet' de Platon...  
 
(huit pages)
 
...Donc ce n'est pas le sel en tant que sel qui est important mais bien le contenu du contenant (la salière) et l'effet du contenu sur la poularde ontologique.
 
Edit: ortho encore


Message édité par phyllo le 20-01-2004 à 10:11:30

---------------
Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1880702
pascal75
Posté le 19-01-2004 à 17:04:54  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Très intéressant ce texte sur Bourdieu.  ;)  


Oui (quoiqu'un peu HS :D). Et spéciale dédicace à tous les faluchards et apparentés. Il y avait eu un topic là-dessus il y a qq temps.

n°1881408
rahsaan
Posté le 19-01-2004 à 18:43:41  profilanswer
 

Skoi "faluchards" ? Un surnom d'étudiants d'une certaine école ?  :heink:

mood
Publicité
Posté le 19-01-2004 à 18:43:41  profilanswer
 

n°1888721
l'Antichri​st
Posté le 20-01-2004 à 20:15:03  profilanswer
 

J'ai supprimé mes deux derniers posts pour ne pas modifier l'esprit de cet excellent topic consacré avant tout à nos lectures philosophiques. Désolé !

n°1889268
rahsaan
Posté le 20-01-2004 à 22:06:13  profilanswer
 

L'Antichrist a écrit :

J'ai supprimé mes deux derniers posts pour ne pas modifier l'esprit de cet excellent topic consacré avant tout à nos lectures philosophiques. Désolé !


 
C'était lesquels ?  :heink: C'est dommage de supprimer des posts en tout cas  :( , un peu de HS est sans conséquence.  ;)

n°1889498
pascal75
Posté le 20-01-2004 à 22:42:47  profilanswer
 

Ah oui, remets-les, j'avais pas fini de les lire :)

n°1890193
rogr
Posté le 21-01-2004 à 00:06:12  profilanswer
 

idem je pensais les lire plus tard ! [:zoutte]

n°1892472
phyllo
scopus inornatus
Posté le 21-01-2004 à 13:11:45  profilanswer
 

Et les rajouter en lien vers une page oueb ?
 
Je n'hésiterais pas y cliquer dessus pour ma part mais je suis d'accord avec l'antichrist sur sa (toute) dernière analyse.
 


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Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1892503
Kyle_Katar​n
Posté le 21-01-2004 à 13:15:44  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Skoi "faluchards" ? Un surnom d'étudiants d'une certaine école ?  :heink:  


Yep

n°1895296
phyllo
scopus inornatus
Posté le 21-01-2004 à 20:15:32  profilanswer
 

Une autre proposition concernant les textes de l'Antéchrist:
 
Créer un autre topic "le topik du texte de philo" où l'on en discuterait à batons rompus, de ces textes et d'autres si d'aucun se le sentent, éventuellement des extraits de philosophes illustres (=morts ?) .
 
Cela permettrait de se renvoyer la balle entre les deux topics.
 
Voilou.


Message édité par phyllo le 21-01-2004 à 20:42:02

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Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1897361
rahsaan
Posté le 22-01-2004 à 01:20:44  profilanswer
 

Celui-ci fonctionnant bien, on pourrait sinon élargir son champ d'application : plus seulement les livres qu'on a aimés, mais aussi publier des textes et des explications, comme fait l'Antichrist.  ;)

n°1897409
phyllo
scopus inornatus
Posté le 22-01-2004 à 01:36:01  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Celui-ci fonctionnant bien, on pourrait sinon élargir son champ d'application : plus seulement les livres qu'on a aimés, mais aussi publier des textes et des explications, comme fait l'Antichrist.  ;)  


 
Ouais c'est sûr mais je crois que les textes bruts sont assez rebutants pour ceux qui n'ont pas franchi le cap de 'vouloir' lire (ou faire) de la philosophie et garder un topic sur les lectures qui y amènent, des "voies d'accès" me paraît important.
 
Après, c'est le rapport qui importe et si les textes de l'Antichrist m'intéresse, quand ils prennent le pas sur les pistes de lectures, je trouve cela dommage. Et d'ailleurs je pense qu'il est intéressant de lire certains de ces texttes après avoir tâter du texte qu'il décrit-critique-analyse.
 
Je serais également intéressé par l'avis sur la question de l'Antichrist.


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Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1910279
phyllo
scopus inornatus
Posté le 23-01-2004 à 22:19:23  profilanswer
 

Bon tant pis...
 
 
 
Sinon pour reparler des lectures de philo (tout de même), je viens de finir 'La naissance de la tragédie' de Nietszche.
 
Nul.
 
 
 
 
OK posez les guns, je déconne.
 
Juste que c'est une lecture qui nécessite une sérieuse culture classique, qui nécessite aussi une certaine connaissance de concepts kantien ou issu du Monde comme volonté de Schoppenhauer.
 
Malgré tout, les 30 pour cent que j'ai pu comprendre (10 pour cent ? vous êtes vaches...) m'ont permis de situer un peu mieux quelques propos de M. Onfray (pas monsieur hein, Michel).
 
Et puis cela n'a peut-être pas beaucoup d'importance quant aux idées exprimées mais c'est chiément bien écrit et cela fait toujours plaisir.
 
Enfin, on tremble un peu en constatant que la génèse de l'art (de la musique à l'architecture) vu par les nazis s'est clairement inspiré de ces écrits.
 
Et pis j'me ferais bien une chtite tragédie grec bien dionysiaque pour voir...


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Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1924943
pascal75
Posté le 26-01-2004 à 16:47:38  profilanswer
 

[:lune]


Message édité par pascal75 le 26-01-2004 à 16:50:11
n°1924961
rahsaan
Posté le 26-01-2004 à 16:50:38  profilanswer
 

Phyllo : je te conseille de lire Le crépuscule des idoles, où tu trouveras des paragraphes qui reprennent, réinterpretent et prolongent la Naissance de la Tragédie.  ;)

n°1929116
phyllo
scopus inornatus
Posté le 27-01-2004 à 08:22:58  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Phyllo : je te conseille de lire Le crépuscule des idoles, où tu trouveras des paragraphes qui reprennent, réinterpretent et prolongent la Naissance de la Tragédie.  ;)  


 
Déjà, les textes divers qui suivent dans l'édition folio essais sont intéressants. A dire vrai, je conseillerais de les lire en premier pour ceux que la lecture de 'La naissance de la tragédie' peut tenter.
 
Merci, cela dit...


Message édité par phyllo le 27-01-2004 à 08:23:17

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Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°1977793
pascal75
Posté le 03-02-2004 à 21:16:52  profilanswer
 

Petit up pour ce topic qui le vaut bien. Et pour dire que les praguois ou je suis actuellement ont une culture epoustouflante. (et des claviers de merde, mais c,est un autre probleme :D)

n°2135346
phyllo
scopus inornatus
Posté le 26-02-2004 à 10:53:52  profilanswer
 

Up
 
Alors quoi, y a plus personne qui lit de la philo ??
 
Bon perso, je suis dans "Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science" de mister Emmanuel Kant, dit 'le bout-en-train de Königsberg'.
 
Ce bouquin à le mérite d'être beaucoup plus accessible que 'la Critique de la raison pure' dont il ne dispense pas de la lecture mais semble-t-il en constitue une bonne introduction. Ce n'est pas de moi mais de l'auteur de la préface de l'édition (Vrin).
 
Autre bon point, un bon petit site web en propose une lecture commentée ce qui permet de réfléchir de manière constructive (oserais-je dire critique ?). C'est ici.
 
A bientôt.


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Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°2272420
rahsaan
Posté le 15-03-2004 à 21:40:36  profilanswer
 

Amie Zizza, rejoins-nous !  [:itzo97]


Message édité par rahsaan le 15-03-2004 à 21:41:29
n°2272430
pascal-san
Posté le 15-03-2004 à 21:42:02  profilanswer
 

Tiens au fait : Bachelard à lire et à relire. Faudra que je m'y remette :)

n°2272562
rahsaan
Posté le 15-03-2004 à 21:57:02  profilanswer
 

Je suis en train de lire Matière et Mémoire de Bergson.  
Extremement difficile, mais passionnant.  
J'ai lu et compris avec facilité La pensée et le mouvant, du même auteur.  
Mais ce livre est très complexe, et d'une intelligence rare. Bergson reformule à son compte le vieux problème du dualisme du corps et de l'esprit : comment ces deux dimensions existent-elles ensemble ?  
La mémoire est un cas privilégié pour étudier cette question.  
Nous croyons que notre système nerveux sert à préparer des représentations de la réalité, qui doivent coller plus ou moins à elle.  
Bergson montre qu'il n'en est rien : orientée vers l'action, et non la contemplation, le corps se représente dans la réalité ses capacités d'agir sur les objets qui l'intéresse. Il ne crée pas de représentations, mais sélectionne en fait dans la totalité du réel les aspects qui serviront pour l'action qu'il prépare.  :)


Message édité par rahsaan le 15-03-2004 à 21:57:21
n°2272698
zizza
Posté le 15-03-2004 à 22:10:12  profilanswer
 

bonjour!!! moi j'ai lu: "éléments de philosophie" d'Alain, "la république" de Platon, et il faut que je lise "l'éthique" de Spinoza, "les méditations métaphysiques" et "le discours de la méthode" de Descartes. je n'ai pas encore fini Alain ni Platon, mais c'est génial, je vous le conseille à tous!!!!
gros bisous

n°2272706
pascal-san
Posté le 15-03-2004 à 22:10:54  profilanswer
 

Et au début de ce livre il explique sa conception de ce qu'est une image, des pages célèbres pour ceux qui s'intéressent au sujet.

n°2272714
pascal-san
Posté le 15-03-2004 à 22:11:38  profilanswer
 

zizza a écrit :

bonjour!!! moi j'ai lu: "éléments de philosophie" d'Alain, "la république" de Platon, et il faut que je lise "l'éthique" de Spinoza, "les méditations métaphysiques" et "le discours de la méthode" de Descartes. je n'ai pas encore fini Alain ni Platon, mais c'est génial, je vous le conseille à tous!!!!
gros bisous


Excellent :)

n°2280515
rahsaan
Posté le 16-03-2004 à 21:08:20  profilanswer
 

Quelques petits élèments sur la psychanalyse.
 
Loin de moi l'idée d'expliquer de fond en comble la discipline initiée par Freud.  
Juste quelques petits rappels pour comprendre de quoi il s'agit.  
 
Dissipons quelques idées reçues :  
- Freud n'a pas "découvert" l'inconscient.  
- Non plus que la sexualité des enfants. Il prétendait plutôt parler d'un problème que tout le monde connaissait sans savoir se l'exprimer.
- Freud se réclamait d'une méthode expérimentale appliquée à des sujets. Aussi est-il excessif de dire de prime abord que la psychanalyse soit une science. Sa méthode se veut scientifique.  
 
Des penseurs avant Freud ont en partie théorisé l'inconscient.  
Pour Spinoza, le désir déborde largement la conscience, si bien que l'on ne peut prendre que tardivement de ce que l'on désire, qui est équivalent pour Spinoza à ce que l'on est, ce qui en nous agit.  
Pour Leibnitz, nos perceptions conscientes sont composées d'un grand nombre de perceptions inconscientes, indiscernables les unes des autres. Exemple privilégié : le bruit des vagues, qui est un ruit d'ensemble dans lequel on ne distingue pas le roulement de chaque vague.  
Il y a donc bien une sphère de l'infra-conscient.  
La chose est encore plus claire chez Nietzsche : la conscience n'est qu'une faible partie de notre corps. L'appareil pulsionnel qui nous constitue dépasse très largement cet organe faible et tardif qu'est la conscience. Loin d'être un donné primordial, un "instinct divin" (Rousseau), elle s'est formée pendant la préhistoire de l'humanité.  
C'était donc quelques exemples de l'inconscient pré-freudien.  
 
Quelle est donc la nouveauté que peut revendiquer Freud ?
Avoir voulu théorisé scientifiquement l'inconscient, en avoir proposé une méthode de déchiffrement expérimentale, fondée sur le témoignage de patients. Faire "parler" permet véritablement, par le jeu des libres associations, de faire apparaître les conflits pulsionnels en jeu dans le sujet.  
Freud aboutit ainsi à faire de l'Oedipe une expérience fondatrice de la libido de l'enfant : ce dernier doit en passer par cette phase de complexe pour se libérer. Symboliquement, il désire épouser sa mère et tuer son père pour rendre possible cette union.  
Après l'Oedipe intervient une période de latence, apaisement qui se termine à l'adolescence.  
Par la suite, il retrouve Oedipe dans la loi, au niveau politique. Cette fois, la transgression, le meurtre symbolique, le dépassement ne sont plus possibles.  
 
La vie en société suppose en effet un abandon pulsionnel de la part du sujet. Il y a bien une spontanéité du désir qui crée sans cesse des tensions, et qu'il cherche à apaiser (cet apaisement est précisément le plaisir : je réduis la tension en obtenant ce que je désire). L'anthropologie pessimiste de "Malaise dans la civilisation" étudiera la capacité d'agression spontanée d'un homme à l'égard de son voisin, même sans raison.  
Dès lors, puisque la vie sociale exige des renoncements pulsionnels, donc une mortification du principe de plaisir et du Narcissisme (la bonne image flatteuse que nous nous faisons de nous), il faut espérer, selon Freud, que l'instinct de mort ne finira pas par prendre le dessus.  
A noter que l'introduction de l'instinct de mort (Thanatos) est assez tardive. Elle s'est imposée à Freud car il ne pouvait expliquer le fonctionnement de la libido uniquement comme instinct sexuel (Eros), même sublimé. Freud a donc ajouté l'instinct de mort, comme capacité de destruction résultant d'une incapacité à sublimer son désir et agressivité gratuite.  
Sublimer son désir signifie en effet retarder une satisfaction immédiate dans l'espoir de l'obtenir par des voies détournées et plus fines : l'art comme sublimation de la sexualité.  
Autre méthodes de sublimation : l'humour, beaucoup pratiqué par Freud, pour se jouer des contraintes que nous impose le réel, et y trouver une satisfaction détournée. L'humour noir de celui qui rit de ses malheurs pour s'en alléger.*  
 
Bon voilà, c'est un peu sommaire sur certains points (je n'ai pas évoqué le développement libidinal avec les stades oraux, sadiques-anaux et du miroir). J'ai surtout parlé de la théorie, et peu de la méthode thérapeutique elle-même, et des écoles de Jung et Lacan, autant de points que je connais peu.
 
EDIT
 
*Petite anecdote pour l'exemple : au moment de s'exiler pour les Etats-Unis en 1938, Freud (qui est d'origine juive) doit signer des papiers de décharge pour la Gestapo et la Croix-Rouge par lesquels il reconnaît avoir été bien traité par les officiers nazis. Il signe le papier, et ajoute cette mention : "Je puis recommander la Gestapo à tout le monde."


Message édité par rahsaan le 16-03-2004 à 21:08:38
n°2280596
rogr
Posté le 16-03-2004 à 21:23:23  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

(...) La chose est encore plus claire chez Nietzsche : la conscience n'est qu'une faible partie de notre corps. L'appareil pulsionnel qui nous constitue dépasse très largement cet organe faible et tardif qu'est la conscience. Loin d'être un donné primordial, un "instinct divin" (Rousseau), elle s'est formée pendant la préhistoire de l'humanité.  
(...)

bien sûr que si : d'ailleurs c'est très bien expliqué dans "2001 l'Odyssée de l'espace". (et rappelle-toi que Rousseau a toujours raison - tiene razon ).
Bon je continue à lire la suite :D


Message édité par rogr le 16-03-2004 à 21:24:10
n°2280643
rogr
Posté le 16-03-2004 à 21:28:50  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

(...) Bon voilà, c'est un peu sommaire sur certains points (je n'ai pas évoqué le développement libidinal avec les stades oraux, sadiques-anaux et du miroir). J'ai surtout parlé de la théorie, et peu de la méthode thérapeutique elle-même, et des écoles de Jung et Lacan, autant de points que je connais peu.

pour ça tu peux consulter les spécialistes du topic "blabla" [:aloy]

n°2283782
rahsaan
Posté le 17-03-2004 à 11:00:04  profilanswer
 

rogr a écrit :

pour ça tu peux consulter les spécialistes du topic "blabla" [:aloy]


 
S'ils veulent nous en dire quelques mots ici, ils sont les bienvenus.  ;)

n°2289109
rogr
Posté le 17-03-2004 à 22:55:38  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

S'ils veulent nous en dire quelques mots ici, ils sont les bienvenus.  ;)


Citation :

les stades oraux, sadiques-anaux et du miroir


Pour le stade oral je te recommande Meg, pour le stade sadique-anal tu ne trouveras pas mieux que Xamoth et Caleb, enfin pour le stade du miroir il y a Goret, encore que ce dernier puisse sans doute s'illustrer de la plus brillante façon et avec la même facilité dans chacun des trois stades.
[:itm]

n°2289222
xenodis
Posté le 17-03-2004 à 23:08:21  profilanswer
 

osama a écrit :

L'alchimiste, de Paulo Coehlo


 
Philosphie de comptoir :)
 
sérieu je l'ai lu et j'ai trouvé ca d'une nullité.

n°2289261
Magicpanda
Pushing the envelope
Posté le 17-03-2004 à 23:12:35  profilanswer
 

Faut lire du Lipovetski sur l'hyper modernité :o

n°2298054
pbman
Pouquoi ça plante
Posté le 19-03-2004 à 04:13:32  profilanswer
 

Un petit livre intéressant "les Cyniques grecs" qui reprend les écrits des fondateurs et tenant du courant cynique qui est à la base de la pensée contestataire que l'on retrouve tout au long de l'histoire de la philosophie.

n°2301337
rahsaan
Posté le 19-03-2004 à 15:58:48  profilanswer
 

Pbman a écrit :

Un petit livre intéressant "les Cyniques grecs" qui reprend les écrits des fondateurs et tenant du courant cynique qui est à la base de la pensée contestataire que l'on retrouve tout au long de l'histoire de la philosophie.


 
Qui en est l'auteur ? Qu'est-ce tu en as retiré ? Quels sont les modes de leur contestation ?  :)

n°2301940
l'Antichri​st
Posté le 19-03-2004 à 17:07:17  profilanswer
 

Voici une petite présentation de la Critique de la raison pure de Kant, surtout envisagée du point du vue du temps. Bonne lecture !
 
" Critique " est à entendre au sens juridique : examen des limites. " De " : sens de génitif objectif et subjectif (autocritique). " Pure " : a priori (nécessaire et universel). La CRP est une philosophie transcendantale : qui s'intéresse à la façon dont nous nous rapportons aux objets ; elle fonde la possibilité des jugements objectifs (ici, a priori). On n'a donc affaire ni à une recherche psychologique, ni à une psychanalyse de la science.
 
Du point de vue critique de la vérité, l'essentiel du travail philosophique kantien, c'est la Logique transcendantale. Mais quant à la signification de ce travail, un autre aspect décisif est le caractère inaugural de l'Esthétique transcendantale. Cela tranche avec les approches classiques antérieures. Ainsi, l'interrogatoire sur le temps s'inscrit dans un cadre neuf. Et celui-ci a un sens ontologique, même si Kant prétend délaisser l'ontologie : cette inauguration marque essentiellement la finitude du sujet. Pour connaître un objet, il faut que quelque chose lui soit donné dans l'intuition sensible. La connaissance et même la pensée se rapportent à ce donné. Le sujet fini ne pourra jamais accéder à un savoir absolu. Le temps comme forme a priori de la sensibilité, et non comme concept, montre que nous sommes le temps et ne pouvons avoir sur le temps le point de vue extérieur d'un entendement infini atemporel. Le sensible ne se laisse ainsi pas dissoudre dans la logique. Que le temps ne soit pas un concept est une thèse capitale pour un philosophe succédant au XVIIe siècle.
 
La CRP est une Logique : elle se demande quand nos connaissances sont valables. C'est une logique générale : elle se demande quand notre raisonnement est valable. Elle a donc aussi un aspect normatif : elle peut imposer une discipline pour aboutir à des connaissances valides. La critique part d'un " fait " : l'existence de la science. Mais cette existence recèle l'universalité et la nécessité inhérentes à nos facultés de connaître : Kant n'est pas lié historiquement à Newton au point de pouvoir être condamné par la suite à ce seul titre. La science révèle simplement les jugements nécessaires et a priori dans la mesure où nous ne suivons pas seulement l'expérience, mais où les structures de la subjectivité la rendent possible.
 
La question que se pose Kant est donc : à quelles conditions des Jugements Synthétiques A Priori sont-ils possibles ? Nous pouvons critiquer les prétentions du dogmatisme philosophique = la prétention d'aller de l'avant avec une connaissance pure tirée de certains concepts sans avoir recherché comment et de quel droit elle va ainsi de l'avant. Le dogmatisme de Descartes ou de Leibniz a beau prouver par raisonnement ses thèses (ex. Méditations Métaphysiques, III), la raison s'y déploie hors de ses propres limites qu'elle ignore. Mais Kant critique de Hume vise aussi le scepticisme : nous avons réellement des connaissances a priori vraies : il faut sauver la physique mathématique, qui n'est pas une vérité humaine seulement probable. Le problème de Kant n'est pas seulement de mettre en évidence les bornes de notre connaissance (ce qu'a fait Hume) mais de critiquer la raison, non de la censurer, mais d'en déterminer les limites par le savoir a priori de ce qu'il est possible de savoir a priori. Il y a plusieurs limites :
 
1) D'abord celles de la connaissance en général. Il faut distinguer phénomène / chose en soi dès l?Esthétique transcendantale, sachant que je ne peux jamais connaître que des phénomènes. La chose en soi est ce qui échappe à toutes les conditions de notre connaissance. La science est ainsi soumise par le sujet à des conditions qui lui sont propres : les Formes A Priori de la Sensibilité (FAPS), espace et temps et de l'Entendement, catégories et principes. C'est là la révolution copernicienne : le sujet détermine l'objet et non l'inverse. Les FAPS ne se laissent pas ramener à des déterminations intellectuelles. Kant s'oppose à Leibniz pour qui le sensible n'est que de l'intelligible confus. Leibniz pense l'espace et le temps comme des apparences qui du point de vue d'un entendement infini sont réductibles.
 
2) Ensuite, il faut séparer rigoureusement dans la science les éléments purs et les éléments empiriques et dans le cadre des éléments purs ce qui relève de l'intuition pure sensible et ce qui relève de l'entendement. Projet anti-leibnizien de discontinuité entre le sensible et l'intelligible, entre la chose en soi et le phénomène. La raison humaine est finie, limitée ; mais ne connaître que des phénomènes c'est aussi dire que la nécessité naturelle et le déterminisme (temporel) sont limités au monde des phénomènes. Au-delà de ces conditions il n'y a plus de nécessité, d'où la possibilité de la liberté, condition de toute moralité, d'où aussi la possibilité de sortir du temps.
 
Kant présente le caractère actif de la connaissance comme une révolution qu'il compare à la révolution copernicienne dans sa préface à la seconde édition (note). L'idée de Kant est que Copernic a expliqué les mouvements apparents des planètes à partir du regard des hommes : on a l'impression que les planètes ont une trajectoire errante parce que nous sommes en mouvement. C'est le point de vue de l'homme qui devient déterminant. Or, nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes. La science n'est pas la contemplation passive des objets extérieurs. Nous devons tirer de notre raison des hypothèses à mettre ensuite à l'épreuve. Les objets sont des phénomènes réglés par les facultés du sujet et son activité de connaissance. C'est cela que révèle la science moderne. Cf. la référence à Galilée et Toricelli : Galilée détermine à l'avance son hypothèse du mouvement uniforme et non accéléré. La nature est prédéterminée dans ce qu'elle est par la raison. Est phénomène tout ce qui se laisse intégrer dans une représentation qui précède l'expérience. Le kantisme en ce sens est bien un rationalisme et pas un naturalisme(Aristote).
 
Il faut distinguer entre raison et entendement. En général, penser, c'est se représenter quelque chose par concepts ; le pouvoir des concepts est celui de se former des représentations générales qui sont des règles de détermination pour les cas singuliers (jugement déterminant). Raison et entendement sont donc caractérisés par le pouvoir des règles. Mais la raison est au-dessus de l'entendement en ce qu'elle fournit à ce dernier les principes de ses règles : la raison est la faculté des principes (" Prinzip " ). Les principes (" Grundsätze " ) de l'entendement ne sont que les siens. Tel est, par exemple, le principe de causalité selon lequel un effet dérive d'une cause dans le temps selon une règle. Ce principe est à l'oeuvre dans tous les principes de la physique. Mais l'entendement a un rapport nécessaire à l'intuition. Le principe de causalité n'a aucun sens en dehors de cette condition. Ainsi, Dieu n'est pas " cause " du monde, parce que les objets de dieu et du monde ne sont pas donnés dans une expérience sensible, et que le terme de cause change : on a la causalité, non efficiente, mais créatrice. La raison n'a pas de rapport direct à l'intuition, mais elle pose que nous pouvons faire un usage extensif de ses principes. Elle élabore ses Idées. Elle pose a priori que tout est régi par le principe de causalité, que nous pouvons tout connaître comme la physique mathématique connaît le monde. On peut poser aussi qu'il y a une finalité dans l'origine de tout. Ainsi la raison, dans certaines idées qu'elle fournit, permet d'orienter la connaissance.
 
Distinguer l'intuition de l'entendement est requis pour constituer une connaissance ; Mais il faut distinguer aussi entendement et raison pour permettre de penser les idées qui n'ont pas de rapport adéquat à l'expérience mais peuvent orienter la connaissance. L'intuition nous permet de saisir le particulier donné, tel objet ici et maintenant ; elle donne quelque chose, elle nous affecte, nous sollicite. Le concept de l'entendement permet de saisir le général, mais sans intuition il reste vide. L'application du concept à l'intuition se fait par les règles du schématisme. De même sans concept l'intuition est aveugle et le donné ne s'organise pas. L'idée de la raison est la pensée proprement métaphysique. Avec l'idée, nous voulons penser l'inconditionné et l'absolu. La raison rationalise intégralement le réel. D'où la distinction entre l'usage régulateur que nous pouvons faire de ses idées comme principes anticipateurs pour la connaissance et l'usage constitutif (ontologique), que nous devons nous interdire.
 
Kant légitime un certain usage des idées (par ex. celle de finalité). Nous pouvons concevoir tout ce qui est comme organisé, mais cela relève du " comme si " et non du " c'est ". Dieu dans la science peut jouer un rôle en tant qu'entendement archétypal qui a une idée du tout de sa création, nais nous ne pouvons faire qu'un usage régulateur de ce point de vue, qui ne peut jamais être pris d'abord qu'à partir du nôtre. Nous n'avons pas de connaissance du monde tel qu'il est en soi. Cela traduit notre finitude.
 
cf. Descartes. Seulement Descartes pense la finitude par rapport à un absolu : elle est manque, imperfection, qu'il faut tenter de dépasser, à tout le moins de mettre entre parenthèse. Sans connaître la volonté de dieu ni ses desseins, je peux connaître sa nature. Quand nous connaissons la nature par la physique mathématique, nous la connaissons comme Dieu, sauf pour la finalité. Projet rationaliste intégral d'un effort métaphysique de dépassement de la finitude (du temps humain), qui s'achève par la mort. D'où l'immortalité de l'âme, la vérité absolue... Vieille ambition : se situer au plan de l'éternité, dans l'Antiquité par l'héroïsme immortel, ou la stabilité philosophique dépassant le devenir. La ligne directrice de la métaphysique, c'est la sortie hors du temps. Leibniz / Descartes ont tous deux tendance à ramener le temps à une représentation intellectuelle. Le temps mesure la distance entre notre point de vue et le point de vue absolu ; on part du relatif, pour mieux le fonder dans l'absolu. Y parvenir, c'est relativiser le temps. Cette thèse est poussée à l'extrême chez Leibniz où le temps est un concept qui s'abolit sous le regard de dieu. Le mouvement de la connaissance, c'est le passage de l'intelligible confus (le sensible) à l'intelligible sans reste.
 
Kant opère ici un renversement radical : l'absolu est pensé par rapport à la finitude. La sensibilité définit l'être du sujet, elle n'est plus un obstacle épistémologique, mais une caractéristique ontologique indépassable. Il n'y a d'intuition que sensible et la réceptivité, passivité a priori, est indispensable à la donation de tout objet dans le temps et dans l'espace sensibles. Connaître, c'est unir la forme du concept et le donné sensible qui nous affecte dans la sensation. L'expérience du savoir est toujours une " intuition pensante " (Heidegger).
 
Par suite l'idée d'une science achevée renfermée dans un entendement infini n'a pour nous qu'une portée régulatrice : c'est un idéal subjectif. La révolution copernicienne sacrifie l'absolu à la finitude et au temps : elle est la fin de toute ontologie au profit de l'analytique.
Le statut du temps est étroitement lié chez Kant à la conception du sujet comme sujet définitivement fini.
 
Qu'en est-il du discours critique qui énonce cela ? Problème : la philosophie elle-même se présente comme intemporelle. La philosophie veut dire la vérité. Nous sommes assignés au temps et cependant la philosophie construit un discours qui compte y échapper. La vérité philosophique refuse d'être historique : elle prétend ne pas être affectée par le temps. Ce pourquoi la philosophie hégelienne entreprend la critique de Kant en montrant la rationalité du réel historique. Le logique est historique ; l'historique est logique. La philosophie retrouve sa vocation d'auto-présentation de l'absolu.
 
Mais où la métaphysique classique repose en Dieu, même lorsqu'elle ne commence pas avec lui, la CRP commence par une Esthétique transcendantale. Question : Kant lui-même reste-t-il fidèle à son commencement ? Que devient le temps dans la 2nde édition, ou dans la CRPQ, qui nous parle de causalité par liberté, alors que la causalité dans la CRP est toujours la détermination d'une relation temporelle par un concept ? Le pb du temps ressurgit tout au long de la CRP, tandis que l'espace après la question de l'ET disparait [?], dans l'Analytique et dans la Dialectique.
 
Le but de Kant est de rechercher si et comment la métaphysique est possible comme science. Nous est-il possible de connaître des objets a priori tels que le temps et l'espace, sans le secours de l'expérience ? y a-t-il des jugements synthétiques à priori (JSAP) ? Jgt analytique a priori, ok : explicite un concept sans étendre la connaissance (ex : le corps est étendu). Jgt synthétique a posteriori, ok : j'ajoute une détermination venant de l'expérience (ex : le corps est pesant). Mais JSAP ? Ce problème de la relation des principes et des concepts à des objets de l'expérience est la recherche fondamentale de la CRP, la question transcendantale (Intro, VII) : " J'appelle transcendantale toute connaissance qui ne s'occupe pas tant des objets que de notre manière de connaître des objets dans la mesure où celle-ci [ce mode de connaissance] est possible a priori ".
 
La CRP est une connaissance a priori de ce qui rend possible une connaissance a priori (autre formule de l'autocritique de la raison) et de ce qu'il est possible de connaître ainsi. Elle est partiellement une science puisqu'elle énonce des JSAP dans la Logique transcendantale : les principes de l'entendement. L'Esthétique transcendantale quant à elle dégage les éléments permettant a priori d'établir quelque chose à propos des objets. Nous avons une précompréhension de ce qu'est l'être des choses avant que des choses ne nous soient données. A l'occasion de la connaissance, le sujet se révèle à lui-même, ce qui se manifeste exemplairement avec la science moderne. Les objets se règlent en effet sur les JSAP. A la base de toute connaissance et au fondement de tout ce qui est pour nous, il y a de l'a priori non conceptuel et non empirique.


Message édité par l'Antichrist le 19-03-2004 à 17:09:35
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