I - LES TERMES DU SUJET
"Langage" désigne en toute rigueur la faculté qu'a l'homme d'exprimer ses pensées à l'aide de signes articulés. Mais aussi tout système de signes utilisé à cette fin, voire la manière d'user d'un tel système (comme dans l'expression "langage ordinaire" ). Le sujet met en jeu ces deux derniers sens du terme "langage".
"Imperfection" peut laisser espérer, soit des perfectionnements apportés au langage, soit, plus radicalement, l'invention d'une langue parfaite.
"Nécessaire" s'oppose à "contingent" ou "accidentel" et signifie "qui ne peut pas ne pas être".
II - ANALYSE DU PROBLEME
Il faut distinguer les niveaux et les champs de manifestation des imperfections supposées de la langue "naturelle" ou "commune". Le langage ordinaire échoue-t-il à exprimer mes expériences les plus intimes (sentiments, sensations) ou les vérités scientifiques et logiques les plus précises et universelles ?
On suppose ici que des imperfections ont pu être constatées. Reste à savoir s'il est possible de les surmonter (provisoirement ou définitivement), et par quels moyens. Suffit-il d'améliorer la langue en fonction des exigences de la raison ? Ou faut-il lui substituer un code artificiel parfait ? A moins qu'il faille se féliciter des imperfections du langage et en jouer.
III - LES GRANDES LIGNES DE REFLEXION
On pourrait dans un premier temps faire le tableau des imperfections apparemment irrémédiables du langage ordinaire : inexactitudes, ambiguïtés... et en déceler la source principale : l'écart entre les règles grammaticales et les lois de la logique.
Il serait possible, par la suite, d'essayer de dégager les stratégies possibles de perfectionnement du langage : réforme ou table rase ?
Enfin on pourrait montrer le bénéfice que la poésie et la spéculation philosophiques peuvent retirer de ce que le logicien stigmatise comme des "imperfections" du langage. Ce qui serait faire de nécessité vertu.
IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE
1 - Dans quelle mesure le langage semble t-il entaché d'imperfections insurmontables ?
Il serait aisé d'alléguer quelques exemples d'ambiguïté qui rendent aléatoire la communication. Mon voisin qui m'entretient du "sens de l'histoire" veut-il dire que l'histoire progresse dans une certaine direction ? Ou qu'elle a une signification ? Le professeur de philosophie qui fait cours sur l'irréversibilité du temps déplore-t-il, ce faisant, la perte de sa jeunesse, ou la stagnation des nuages ?
De même j'ai souvent l'impression que les "mots de la tribu" (MALLARME) sont inaptes à rendre accessible à autrui mon expérience privée. Comme si je pouvais seul comprendre exactement ce que je veux dire en geignant "j'ai mal aux dents".
Inversement, on peut craindre que l'expression d'un contenu de pensée scientifique soit rendue impossible par le flou et l'absence de rigueur des règles grammaticales.
Un énoncé comme "tous les carrés ronds ont cinq angles", en dépit de son caractère d'aberration logique, est grammaticalement correct.
2 - Comment peut-on y remédier ?
Une deuxième partie pourrait s'interroger sur les moyens de remédier à ces imperfections. Peut-être en effet ne sont-elles pas absolument
inévitables !
On pourrait ainsi faire allusion aux efforts de FREGE pour "rationaliser la langue en fonction des exigences de la logique".
Cependant, SAUSSURE avait déjà remarqué que la langue est la moins réformable des institutions sociales : "l'inertie de la masse parlante" opposant un obstacle insurmontable aux initiatives réformatrices. D'où la tentation d'une solution radicale : l'invention d'une langue parfaite dans laquelle chaque terme serait doté d'un sens fixe et univoque.
Cependant, bien des années avant que LEIBNIZ ne consume une grande partie de sa vie à la tentative infructueuse de construction d'une langue parfaite, DESCARTES avait montré dans une lettre à MERSENNE que ce projet était utopique, et "bon à proposer au pays des romans".
3 - Comment repenser le statut des imperfections du langage ?
Il resterait possible, dans une troisième et dernière partie, de reconsidérer la valeur à accorder aux imperfections logiques du langage. Peut-être le "laxisme" des règles grammaticales est-il le revers d'une médaille dont l'avers, plus séduisant, serait la souplesse et la plasticité de langues permettant à tout locuteur d'engendrer une infinité d'énoncés.
Quant aux ambiguïtés, il n'est pas exclu qu'elles puissent donner à penser.
Aux yeux de HEGEL, par exemple, le double sens du mot histoire (l'aventure humaine et la science qui la prend pour objet) est un précieux indice de l'existence d'un "commun fondement interne" de la capacité d'un peuple à agir dans le monde et de la conscience réflexive qu'il en prend.
Quant au poète, il fait son miel des libertés offertes par la syntaxe et de l'entrechoquement des différentes acceptations des vocables.
V - QUELQUES REFERENCES POSSIBLES
On pouvait prendre appui, notamment, sur la lettre de DESCARTES à MERSENNE du 20 novembre 1629 à propos de la langue parfaite.
Est instructif, également, le chapitre consacré à LEIBNIZ par le livre d'UMBERTO ECO sur "La recherche de la langue parfaite".
On se reportera utilement, en outre, à l'étude de FREGE sur "Sens et dénotation", dans les Ecrits logiques et philosophiques traduit au Seuil par CLAUDE IMBERT.
VI - LES FAUSSES PISTES
On pouvait rester en deçà de la question dès lors qu'on n'aurait pas aperçu que l'adverbe "nécessairement" invitait à s'interroger sur la possibilité de remédier aux imperfections supposées du langage.
Par ailleurs il fallait prendre soin de préciser à chaque moment quelle acception du mot "langage" on avait choisi de retenir. A défaut de cette précaution élémentaire, de fâcheux glissements de sens seraient à craindre.
VII - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR
Il s'agit d'un sujet délicat, dans la mesure où pour le traiter complètement il faut savoir profiter de la richesse des termes du sujet.
Par exemple en radicalisant la problématique au long d'un axe : imperfection >perfectionnement >perfection ; autre progression possible nécessité subie >nécessité surmontée >nécessité acceptée joyeusement (=liberté !).