Analyse des concepts, d'abord !!!!
L'apparence désigne à la fois le fait d'apparaître et ce qui apparaît. C'est de ce double sens que provient le dualisme entre l'essence et l'apparence, soit le double problème du mode de donation de l'essence et de la réceptivité de l'apparence. Car, l'apparence désigne le fait de se montrer, de se rendre présent, donc l'acte par lequel l'essence se manifeste, et l'impression produite sur un autre, l'effet, la manière dont est reçue l'apparence. Dans les deux cas, l'apparence désigne une relation, un mouvement qui médiatise l'accés à l'essence (pour une subjectivité).
C'est ce statut de médiation qui fait question et qui explique que l'on puisse affirmer à la fois que l'apparence trahit (en ce sens elle est toujours trompeuse) et révèle l'essence. Il faut alors distinguer l'erreur de l'illusion.
A partir de là, quel lien dégager entre l'apparence et l'essence pour s'éloigner de l'apparence illusion ? Afin de montrer que ce qui est donné dans l'apparence est réellement donné, on peut s'appuyer sur la distinction kantienne entre le phénomène, la chose en soi et l'apparence : le phénomène comme apparaître (et non comme apparence trompeuse) désigne la façon dont le réel se présente à nous dans les formes de l'intuition (l'espace et le temps). On peut ainsi toujours connaître plus précisément l'essence des choses comme phénomène (dans les lois scientifiques, par exemple), mais jamais accéder à l'en soi.
Dans l'Esthétique (p. 29-30), Hegel nous aide à aller plus loin en prenant le cas de l'art : il y a une essentialité de l'apparence artistique qui fait que ce que nous appelons " réalité " est une apparence plus trompeuse que l'apparence de l'art.
Une nouvelle question se pose alors : la volonté de chercher à tout prix derrière les apparences ne risque t-elle pas d'engendrer un certain terrorisme, non seulement intellectuel mais également politique ?
Quelques pistes pour une lecture de Platon (cf. Thééthète 156e, Philèbe 38 c-d, Ménon 97b-98a, tout le Phédon, l'Hippias Majeur):
Du point de vue du sujet, l'apparence est ce qui se présente en premier et s'impose comme un donné. C'est pourquoi elle est reléguée au niveau du monde sensible, et opposée à un monde plus difficilement accessible voire inaccessible : le monde caché, " intelligible ", des " essences ", des " formes ", de " l'en-soi " ou des " Idées ". Platon oppose à ce titre les " choses dans leur vérité " (ta onta tê alêtheia) aux choses " dans leur apparence " (onta phenomena). L'apparence est toujours en attente d'intelligibilité. Le visible est sauvé par l'invisible et la rationalité, transcendante à l'apparence. La réalité non perçue de l'ousia est plus réelle que la chose sensible. La diversité contradictoire que l'apparence donne à voir rompt en outre avec l'exigence de pensée qui requiert l'unité du même propre à l'essence (ti esti). Dans l'Hippias Majeur, Platon montre ainsi que le fait d'alléguer de multiples exemples de choses belles (une belle cuillère, une belle jeune fille, etc...) n'est d'aucune efficacité pour découvrir l'unité de l'essence du Beau. Ainsi, l'apparence a bien une réalité, mais sa signification (comparativement à celle de l'essence) est illusoire.
Maintenant, au boulot !!!!
Pistes à suivre :
Arendt H., Essai sur la révolution, " la question sociale " tel Gallimard, p. 137-167.
Aristote, De l'Âme, III, 3, 427b 27. Métaphysique, R, 4-6.
Freud, L'avenir d'une illusion, §.6 (pour la distinction entre l'erreur, l'illusion et l'apparence).
Hegel, Esthétique (Introduction, I, 3 et II, 1) trad. Jankélévitch en Champs Flammarion.
Heidegger, Questions I, " De l'essence de la vérité ", tel Gallimard, p.163 à 164.
Nietzsche, La naissance de la tragédie, I.
Kant, Critique de la Raison Pure, " Esthétique transcendantale ", I, I, §.8, III.
Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (pour l'analyse du rapport entre l'être et le paraître).
Message édité par l'Antichrist le 14-02-2003 à 06:29:42