Citation :
plus complexe ? oui, sur certains aspects, mais pas forcément sur tous. Par exemple, le "peck order" chez les poules permet à chaque individu de connaitre son rang hiérachique dans un groupe de congénaire. Il a été montré qu'en moins d'une heure, les poules connaissaient leur rang parmi une centaine de congénaires, rien que par la reconnaissance des plumes et de la crête. C'est une véritable forme d'intelligence complexe chez un animal qui n'en a pas vraiment la réputation.
Chaque espèce s'adapte en fait à son milieu et au fil de l'évolution perfectionne ses techniques de communication et de socialité pour perpétuer l'espèce. L'homme fait également partie de ce schéma et à ce titre est un animal comme un autre. La frontière est loin d'être claire.
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Décidément, c'est à désespérer ! Vous placez dans votre texte tout ce qu'il faut pour vous faire contredire et le pire vous ne vous en rendez même pas compte !!! Que l'animal possède une forme d'intelligence, personne ne le conteste. Cette intelligence est même irréductible à un simple montage de réflexe. Mais cette intelligence est adaptative, bornée au champ d'application des réactions instinctives (et d'abord l'instinct de survie). L'animal a la capacité d'apprentissage et de réaction appropriée (une conduite de détour). L'homme lui possède un entendement (la capacité de conceptualiser) qui est plus qu'une sensibilité ou qu'un acte de compréhension. Ne vous en déplaise, la différence est énorme car elle détermine le paysage mental, et pour tout dire la nature de cet animal humain voué au sens ! Que vous le vouliez ou non, la question d'une nature animale (et corrélativement celle d'une nature humaine) est philosophique (ce qui ne revient pas du tout à rejeter la science) dans le sens ou il faut une idée philosophique de la nature pour rompre le rapport spéculaire de l'homme et de l'animal. La notion de complexité n'explique rien, elle permet juste d'échapper à une vision créationniste de la nature reposant sur le principe anthropique d'une fin résidant en l'homme en tant qu'être naturel ultime (preuve physico-théologique de l'existence de Dieu). Mais elle est surtout et de fait une façon de nier la spécificité de la nature humaine : il est dans la nature de l'homme de pouvoir s'écarter de la nature, c'est la condition négative de sa liberté (en ce sens, c'est vrai, l'indétermination n'est pas immédiatement l'imprévisibilité...). Etudier l'animal, c'est chercher un ensemble de propriétés mais si ces propriétés existent aussi pour l'homme elles ne le constitue pas indépendamment de lui-même ! En ce sens, la nature n'existe pas pour l'homme, elle n'est qu'un artifice, un mythe lui permettant de se rendre comme " maître et possesseur de la nature " et donc de se dominer lui-même ! Parler d'une simple différence de complexité entre l'homme et l'animal, c'est pourtant avouer clairement sa différence foncière, irréductible : Pour nous , la nature " est ", c'est une illusion fondamentale, la métaphore du divin nous permettant de résister à l'entropie du monde en célébrant un Etat souverain des choses et des êtres ! Sous les " petites " différences de surface doit se manifester l'objet pérenne, l'origine, soustraire au changement qui accable un sujet dont la " complexité " fait aussi le caractère " compliqué ". Refuser sa différence est pour l'homme un oui triomphant à la vie, au-delà de la mort et du changement, la vraie vie, survie globale par la procréation, par les mystères sacrés de la sexualité. Sans l'animal en nous la vie est sans style, rien qu'un mouvement qui court après sa forme sans la trouver. Avec cette nature, je n'existe plus nulle part, je suis, enfin ! Bref, il n'est que trop visible que L'intelligence humaine est un génie ! L'homme est et reste le sujet de sa propre pensée même et surtout lorsque cette pensée lui échappe (j'y reviendrai un peu plus loin) !
Bien sûr, il y a quelque chose déminemment sympathique dans la volonté de re-naturaliser lhomme, de retrouver le fil anthropologique et généalogique, de réinscrire lhomme dans le mouvement dischronique du temps de la vie avec ses décalages, ses retards, ses anticipations, ses régressions et ses renaissances. Comme je le répète depuis plusieurs topics déjà, il faut abandonner le dualisme métaphysique et se rappeler que lhomme est son corps (plus quil na un corps). Lhomme et ses facultés de connaissances sont le résultat dune évolution qui se perd dans la nuit des temps. Dans le corps sinscrit lénigme de la vie et une temporalité étrangère au temps de la physique : le corps-esprit est ce qui fait de nous des animaux voués au sens. Cest la totalité expressive du psychique et du corporel qui génère le sens. Car il y chez l'homme comme chez l'animal un sens du sensible antéprédicatif et prélinguistique, à la fois naturel puisqu'il émane d'un corps en situation et culturel puisqu'il peut se sédimenter et devenir un moyen de communication. Cette expressivité du corps est dautant plus essentielle quelle met en évidence le fait que le sens nest pas spécifiquement produit par la conscience, la pensée, mais est déjà à loeuvre dans lacte perceptif. Ceci est extrêmement important pour réfléchir à la manière dinterpréter les études sur le comportement animal : il ny a pas rupture entre le phénomène expressif corporel et le phénomène linguistique, mais continuité, et ce parce que le corps, compris comme puissance originaire de signifier apparaît comme le médiateur, le lieu et le lien antéprédicatifs en lesquels se nouent lexpressivité du geste comme celle de la parole. Pas de hiatus entre le corps et le phénomène du langage. Si les animaux communiquent, ont une vie sociale, cest dabord parce que le langage nest pas le simple véhicule dune pensée qu'il aurait pour seule tâche de traduire en l'extériorisant et en la matérialisant, mais qu'il trouve son origine, son point d'ancrage, et son pouvoir de signification dans le corps. Autrement dit, sil y a communication, c'est parce qu'au préalable nous vivons, avons une expérience première du monde qui passe d'abord par notre insertion corporelle - donc se situe sur un sol antéprédicatif irréductible. La parole possède une intentionnalité, un pouvoir d'expression originaire qui puise sa source directement dans le corps et dans l'expérience que ce dernier a du monde. Si lhomme a la possibilité de verbaliser une situation ou une action, ou une pensée, c'est dabord parce quil possède, comme lanimal, en deçà des moyens linguistiques conventionnels qui à chaque signe attribuent arbitrairement une signification, un corps qui nous met en situation et se présente donc comme puissance expressive primordiale. La parole doit donc être assimilée à un geste, c'est-à-dire à une ouverture au monde qui repose sur un acquis existentiel, mais en le transformant, en le revivifiant de l'intérieur. Tout comme le geste est à la fois reprise et ouverture, acquis et créateur, la parole possède ce double aspect en ce qu'elle peut s'appuyer sur un sens usuel, la parole parlée ou être capable de créativité, la parole parlante. Le langage n'est donc réductible ni à un procédé mécanique généré par le corps, ni à un vêtement extérieur de la pensée ; il doit être envisagé à partir de sa source même, la corporéité, entendue comme intentionnalité et puissance signifiante. Une telle conception a pour conséquence de redonner à lanimal le statut dun être capable de signifier. Si lhomme comme lanimal communiquent, avec ou sans langage parlé, c'est parce que le sens émane fondamentalement d'une attitude, d'une manière d'être au monde qui elle même est cohérente, et réciproquement. D'autre part, la capacité expressive du corps est directement liée à un " je peux ", c'est-à-dire à la faculté générale de s'exprimer, non seulement oralement mais gestuellement ou encore par des actes. Dans cette perspective, on voit que tout est langage, que le champ des actions humaines et animales est tout entier régi par le phénomène de l'expression.
Mais qui dit corps dit aussi mémoire ! La culture humaine-animale est portée par le corps tout entier, qui se souvient, qui porte la trace et les marques de toutes les expériences vécues. Il y a une mémoire du corps qui est une mémoire totale, absolue, cest-à-dire proprement culturelle puisquelles ne sont pas effacées par le temps. Faut-il encore appeler mémoire cette faculté de survivance du passé qui n'est liée à aucune conscience de la distance temporelle, mais qui continue à répéter dans un éternel présent chacune des expériences passées, les événements du présent contribuant bien entendu à réactualiser plus ou moins nettement la réaction ancienne ? La mémoire du corps est aussi mémoire du langage, mémoire de l'animal social, et du même coup cette mémoire se fait mémoire collective, imprimant dans le corps, de générations en générations, l'expérience acquise. Ce " matérialisme " ne nie pas le rôle de la conscience, mais situe celle-ci en fin de parcours, aussi bien sur le plan phylogénétique (elle est la dernière et la plus tardive évolution de la vie organique), que sur le plan ontogénétique, la conscience individuelle ne recueillant qu'une partie de ce discours du corps qu'elle mésinterprète le plus souvent faute d'avoir appris à situer sa source dans le temps. La voilà peut-être la plus grande différence entre lhomme et lanimal ! Le savoir de soi, propre à lhomme, a pour destin tragique de briser le lien de lindividu à la temporalité humaine toute entière, lenfermant dans lidéologie de lindividualisme à lorigine du nihilisme moderne (allez jeter un oeil dans le topic " croyez vous en Dieu " pour profiter des positions limpides de DocMaboul !). Lesprit libre qui est lindividu re-naturalisé ne peut plus être cet atome social qui a restreint son horizon aux frontières de sa brève existence, il nest plus cet individu narcissique qui a rompu le lien avec les traditions culturelles du passé qui continue à vivre en lui et quil intègre à son vouloir (doù le rejet du libre-arbitre, quil faut bien distinguer de la liberté effective). La réflexion sur lanimalité [de lhomme] doit nous permettre de construire du non-historique, de léternel, cest-à-dire des valeurs dans un monde profondément marqué par le sens du devenir, le sens de lhistoire et ce afin que la valeur ne se développe plus dans un monde religieux ou métaphysique fondé sur la non-historicité de Dieu ou de lêtre ! Relier lindividu à linfinité du temps, cest retrouver légoïsme sain de la vie prise dans sa totalité. L'aventure culturelle de l'homme, comme toute évolution (biologique ou historique), est confrontée à sa propre puissance uniformisante dans le nihilisme de la civilisation occidentale et, comme pour les mutations biologiques, c'est au hasard social et historique de laisser apparaître des individus (DocMaboul en est un bon représentant, un authentique misologue !) suffisemment conscient de leur différence pour surmonter les épreuves de la " désespérance " et de la décadence. En l'absence d'une providence qui réglerait le jeu de l'évolution humaine, la pensée du philosophe doit retrouver le fil cosmique qui, d'une exception, a marginalisé l'homme à la frontière du monde uniformément réglé de la biosphère !
Message édité par l'Antichrist le 31-08-2004 à 09:37:16