Citation :
quand on parle de nature avec ou sans "N", je ne crois pas qu'on la considere comme une force obscure. De mon point de vue, la Nature est un concept qui essaie de definir un systeme fermé, a l'echelle planetaire, d'éléments dont les reactions sont perceptibles a l'echelle humaine. c'est comme la meteo, l'evolution des processus depend de tant de parametres qu'on ne peut qu'effectuer des projections. de fait quand je parle de la nature humaine je parle d'un element de cet ensemble. et ma question "Dans quelle mesure un élément de la nature (l'Homme) peut il déterminer l'évolution du tout." peut etre symbolisee par un jeu de plateau: une piece peut elle faire evoluer l'allure du plateau selon son bon-vouloir (principe du libre arbitre), ou ses deplacements sont ils deja imposés par l'ensemble des pieces ?
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Justement, parler de " La Nature ", cest évoquer un vaste ensemble dêtres et de choses (un " système fermé " si vous voulez) dont nous faisons nous-mêmes partie (la nature humaine est " un élément de cet ensemble " ), mais qui pourrait exister sans nous, qui précéderait notre naissance et subsistera après notre mort. Dans cette Nature nous ne sommes quune poussière fugitive. Et pourtant, cette Nature ne serait rien si nous ne pouvions la percevoir. Elle est un spectacle déployé devant moi dont joccupe le centre et que je crée en ouvrant les yeux, que jabolis en les fermant et que je bouleverse dès que je fais un pas. Elle entre dans une perspective qui nexiste que pour moi seul ; elle moffre une variété innombrable de qualités sensibles, de contacts, de couleurs, de sons, dodeurs et de saveurs qui me permettent de discerner les choses les unes des autres, de choisir entre elles pour régler mon action, de reconnaître en elles le double caractère dutilité et de beauté qui leur donne avec moi une certaine affinité. Ainsi, pour lenfant qui vient à la conscience, cette Nature que chacun touche et sent est le Monde qui sétale sous ses yeux et qui lui semble extérieur et indépendant de lui. Le premier réveil de la conscience face à cette Nature qui semble extérieure est donc un réveil conquérant : il est si bien convaincu de lextériorité des choses quil cherche à les expliquer en les assimilant ; le bébé veut tout ingurgiter pour que rien ne reste à lextérieur. A cette boulimie digestive, succède une boulimie de lintelligence qui veut comprendre pourquoi chaque chose est ce quelle est, et pas autre. Nous retrouvons alors le questionnement de nature philosophique. Tout philosophe, en effet, adresse au monde un questionnement logique. Ou plutôt, il le lui impose, puisque son entreprise na dautre but que de trouver du sens à ce qui, de prime abord, nen a pas, quil sagisse de la violence, du désir, de limaginaire ou.... de la Nature (concept-gigogne...). Aposté face à ce qui ne se donne pas à penser, le philosophe sétonne donc : pourquoi de lexistence partout, " cette profusion dêtres sans origine " ? (cf. Sartre, La nausée) : " La nature dans lunivers entier ne montrait quun même visage informe, que les Grecs appelaient chaos, masse brute et confuse " (cf. Ovide, Métamorphoses, I, V.). Cet état de " non-sens ", nous léprouvons comme une affliction intolérable, une sorte de crime perpétré contre la dignité morale de notre raison. Il faut donc que cette apparente impensable réalité dépende dun" logos " essentiel, dune raison universelle dont lintention cachée pourra se dire dans une " parole fondamentale de la métaphysique " (Heidegger). Cest en ce sens quHeidegger montrera que le destin de la métaphysique tient à un coup de force de la pensée humaine, à une décision qui pose en même temps une pensée (logos), une nature (physis), et un cosmos cest-à-dire une nature comme ordre. Autrement dit, la philosophie simpose un dire qui fait écran sur le chaos, sur labsolu désordre. Or ce logos, pensée construite selon des principes logiques, sidentifie à la puissance ordonnatrice du réel. Le Dieu de la métaphysique, lentendement divin, est le modèle de lentendement humain, " créateur " du discours ordonnateur. Et cest pourquoi le philosophe, en mobilisant sa force conceptuelle voulue sur le modèle de la raison divine, se révèle capable de tracer une épure logique de lordre naturel, de saisir lintelligence des choses (lordre des raisons cest-à-dire la méthode nest que la re-présentation, en nous, de lordre immanent qui gouverne toute chose, en dehors de nous). On voit donc que cest la conscience qui fait surgir la Nature face à nous. La difficulté dune philosophie de la nature réside précisément dans notre mode dappréhension " des choses ", cest-à-dire la conscience. Il est de la nature de la conscience de se détacher de la nature ! Ce que lesprit constate, en effet, il sen sépare puisquil pourrait le concevoir autrement et quil y a en lui plus de possibilités que celles offertes par le réel. Par la conscience, lhomme est lêtre qui refuse dêtre ce quil est en tant que donné naturel. Toutes ses conduites constituent un processus de dépassement de la nature. Ainsi, le fait de la conscience est de saffirmer par-delà toute présence manifeste, bref dimposer sa culture. La philosophie de la Nature, qui veut rendre compte (ou conte ?) du réel en attestant en nous de la présence du surnaturel, qui cherche à récupérer puis intérioriser quelques bribes de ce réel qui est le non-moi par excellence, peut-elle alors prétendre atteindre quelque chose deffectif en dehors delle ? Quel rapport y a-t-il entre la Nature où je vis et qui me contient, et ce sensible que je vois, que je touche mais que je ne connais que parce que ma conscience lenveloppe ? Dun côté, la Nature " est " partout sans nous (y compris à l'intérieur de nous !), mais de lautre elle nest (et ne naît) quen qualité dobjet fantasmatique (produit par notre entendement) ; le langage de la science nest-il pas autre chose quune illusion fondamentale quélabore le discours humain pour résister à lentropie du monde ? Demblée, la force du concept essentialise linconnaissable en un tout finalisé, où la recherche implique " la croyance en un objet de nature, cest-à-dire un Objet éternel et divin, la Nature " (cf. Clément Rosset, Lanti-nature). Mais y a-t-il un lien, ou quelque subtile connexion, voire une harmonie préétablie, entre le " cours des choses ", apparemment insensé, et notre quête du sens de la vie ? Autrement dit est-il légitime que lesprit de lhomme sapparaisse à lui-même comme hypostase (substitution-dépassement) du réel ?
Dèslors votre questionnement perd son sens car il repose sur des présupposés non questionnés : la Nature n'est qu'une boite noire (l'artifice absolu), elle est le référent suprême, l'unité fondatrice et finale, bref une illusion fondamentale destinée à donner sens à nos investigations. Il y a donc une " nature de la Nature " interne à la boite noire (qui devient ni plus ni moins que l'idéal de totalisation de l'expérience) ? Et c'est pourquoi, vous parlez de " système fermé " : l'expression est révélatrice de votre impensé car pour la science et le savoir humain rien, comme artificiel, ne peut s'opposer au naturel. Sinon, il faudrait considérer une donnée brute, non traitée par la science, non découverte, purement naturelle pour arriver à discerner fondamentalement l'artificiel du naturel. Nous devons accepter que si nous sommes dans ce qui vient, nous ne venions pas de ce qui est. Le Ce qui est n'est que l'identification purement formelle et sécurisante pour notre esprit du Ca marche du bricoleur ! Le Ce qui est n'est que le nom neutre donné à la Nature, ce qui serait commun à la " nature " que nous ne connaissons pas et au monde que nous construisons pourtant. Dans ce contexte d'ensemble, l'artificiel des savoirs et des techniques humaines apparaît comme tout simplement le nouveau. L'artifice est une synthèse nouvelle qui prend réalité (corps) et devient un réel de plus à ajouter à la somme ou ensemble des réels déjà connus, un réel ni plus ni moins " naturel " que les autres... avec à l'horizon de tous ces réels, seulement un réel total (la Nature), supposé unique au moins en son origine. Cette intelligence de ce que la Nature serait en elle-même, et dans le secret de laquelle nous serions par hasard ou par l'entremise de quelque dieu, n'est donc pas une " entrée " intuitive dans la boîte noire. Elle peut être conçue simplement comme un mouvement de pensée intérieur à cette boîte noire, en laquelle nous sommes comme être, dit naturel. Par ce mouvement, nous développerions notre propre pensée du monde qui nous entoure (Monde=contenu de la Nature) sachant que nous ne pouvons avoir, s'il est mis à part, aucune idée d'autre chose. Ce développement progressif, d'abord simple intuition philosophique ou mystique, serait devenu objectivité scientifique vérifiable et opérationnelle. Le c'est comme cela des scientifiques serait donc d'abord et peut-être uniquement le ça marche du bricoleur... mais avec le degré stupéfiant de réussite de la technologie actuelle !
Message édité par l'Antichrist le 28-08-2004 à 07:57:46