Forum |  HardWare.fr | News | Articles | PC | S'identifier | S'inscrire | Shop Recherche
1385 connectés 

 


aimez vous être sondé ?


 
17.9 %
 5 votes
1.  Hummm...
 
 
3.6 %
    1 vote
2.  des fois.
 
 
10.7 %
 3 votes
3.  un peu..
 
 
7.1 %
 2 votes
4.  souvent...
 
 
10.7 %
 3 votes
5.  de plus en plus ?
 
 
0.0 %
        0 vote
6.  je ne peux m'en passer !
 
 
3.6 %
    1 vote
7.  c'est irrésistible !!
 
 
0.0 %
        0 vote
8.  tout le temps !!!
 
 
10.7 %
 3 votes
9.  encore, encore !!!!
 
 
35.7 %
 10 votes
10.  plus fort !!!!!!!!!
 

Total : 32 votes (4 votes blancs)
Ce sondage est clos, vous ne pouvez plus voter
 Mot :   Pseudo :  
  Aller à la page :
 
 Page :   1  2  3  4  5  ..  59  60  61  ..  93  94  95  96  97  98
Auteur Sujet :

La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.

n°54666635
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-10-2018 à 15:23:42  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
https://zupimages.net/up/18/41/du45.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion - Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 43.

 

https://zupimages.net/up/18/41/811f.jpghttps://zupimages.net/up/18/41/crqp.gif

 


 La nuit s’accordait dans les voix des créatures de Kramouille qui peuplaient le Mont Chauve, les chouettes, les renards et les loups qui hurlaient en meute à la pleine lune, pour remplir de vie le sombre néant. La communauté de la gnôle bivouaquait près de son feu ardent. Belbit observait Mélisende Byzenet se mouvoir sur sa couche et qui, tournant la tête, agitait ainsi la rousseur de ses cheveux mouvants. Le nain était plus que jamais fasciné par le génie de cette jeunesse volontaire, qu’il désirait avidement lutiner d’union libre, bien que de ce côté elle ne promettait pas vouloir d‘un engagement du corps et du cœur avec lui. L’attitude austère de la jeune fille à son égard venait coller un creux notoire dans son dynamisme, il quitta donc ses couvertures pour aller dans un buisson proche, afin de prendre une décision utile à son mieux-être physique. Les chevaliers dormaient paisiblement, mais Mirlen le mage cherchait le moyen de faire repartir le groupe du pied droit, puisque la problématique de cette grande ville entrevue au loin le chiffonnait. Fallait-il vraiment l’éviter à tout prix ? Ou bien encore chercher à rencontrer ses habitantes, parce qu’elles pouvaient peut-être améliorer leur quête de la fleur de Pinette ? Il savait néanmoins que Mélisende goûtait peu le projet d‘aller dire son bonjour, qu’elle leur avait tracé un portrait édifiant des guerrières habitant ce royaume et qu’elles les traitaient avec mépris de chiennes aventureuses. Ils avaient cependant dans leurs poches le riche héritage de la fée Mélfeualusine et le vieil homme savait bien que l’argent adoucit bien des mœurs implacables et de plans démoniaques. Leur fabuleuse fortune possédait à elle seule le pouvoir de rendre les Amazonardes moins soupçonneuses à leur égard ; l’irrésistible attrait de l’or pouvait donner largement l’espoir qu’elles leur fassent bon séjour en leur cité. Quelle guigne que Mélisende ne soit pas timide, car le magicien savait qu’il allait avoir le plus grand mal à la convaincre de gagner cette ville, qu’elle appelait Lukycuni, car elle qualifiait très partialement la société noire et grinçante qui l’habitait de jouisseuses corrompues. A la vérité, tous les secrets que pouvaient révéler ce nouveau royaume de femmes conquérantes agitaient les pensées de Mirlen, en dépit de l’idée qu’elles n’avaient point larmes de damoiselle, mais plutôt des armes à leur poing. L’audace d’un homme n’égalera jamais le rêve d’une femme. Il avait personnellement grande envie d’entrer dans la lumière et l’architecture de cette énigmatique cité, de rendre visite à ces femmes irrésistibles, de découvrir leurs danses, leurs fêtes rituelles, leurs traditions issues d’un peuple de belliqueuses assez étonnant. Il voulait placer quelques nouvelles notes sur son parchemin de voyage. Ne pouvant dormir, il secoua sa longue crinière grise, éloigna une araignée sournoisement glissée dans son col, puis il alluma sa pipe pour fumer aux étoiles.

 

– Jean-Marie, Jean-Marie, fit Jean-Marie sur un ton plaintif, vu qu’on le sentait parfaitement éveillé, parce qu’il semblait souffrir du cri des loups rôdant entre ses grandes oreilles velues de sanglier des bois.

 

– Voyons donc, Jean-Marie, lui lança Mélisende en murmurant, car elle souffrait de pareille insomnie. Gros épais d’imbécile, a pas de bon sens de claper toute grande son amuse bite pour trois loups en môdit. J’taime ben gros, mais farme ta yeule, parce que je crois ben qu’à t’entendre, je me fais là une criss de montée de lait de tabarnak de saint ciboire de criss.

 

– Vous ne dormez-donc pas, mademoiselle Mélisende ? lui demanda Mirlen, qui brûlait de lui exposer sa nouvelle volonté.

 

– Bin non.

 

– Je me demandais si les maraudeuses du royaume dont nous voyons la ville proche sont si terribles que vous nous le dites. Je pense que nous devrions porter hardiment nos pas vers elles. Il vit la jeune rousse gicler aussitôt hors de ses fourrures, à la seule évocation de Lukycuni, située d‘après ses dires dans la vallée du Mikosik.

 

– Ouin, ben chû tsu ben choké de tsa, tsu niaises-tsu que c’est là qu’on va, nous autres  ? ma te dire, ça me goûte pô d'aller garocher mes souliers ça d'même chez ces tabarwette d’Amazonardes de calisses de bitch en maudit, échétéra. Koudon, dans l’fond stoutes des gouineuses en esti de jare, ces artiss là. Entéka, t’penses ben que j’vais pas donner mon like à courir chez celles-là, plutôt crever de même !

 

– Nous avons largement de quoi payer notre séjour. Je crois que nous pourrons aisément chiffrer la recette d’une bonne amitié avec ces curieuses Amazonardes.

 

– N’import kouâ, t’es donc ben capoté, toué le full débile, vraiment trop mauvais que j’galope trop calvaire avec vous autres. Sont grasses comme des voleuses tes esti de marde de fripouilles, faut calmer ta pompon sur c‘t’idée-là d‘envoyer la team chez ces gens d'même. A crois-tsu qu’elles vont nous offrir bin correc de la fondue au pain blanc ?

 

Ils bataillèrent ainsi verbalement jusqu’au chant du coq faisan sur la conduite à prendre, à la cadence d’un argument par mot, mais Mélisende défendait son point de vue jusqu’au bout des ongles. Soucieux de lui plaire, Bebit prit la relève lorsqu‘il se réveilla, en essayant d’appuyer ses propos d’un charme suggestif, alors que la jeune fille se gavait de sa poutine froide et matinale. Erald de Bavevieux, Hivalanoué et William de Bochibre ne semblaient pas non plus trop hardis pour s’en aller saluer les gueuses énigmatiques. Ce matin-là, alors qu’on sellait les chevaux sous le bleu pâle du ciel, la camaraderie tendait à perdre un peu de sa gaieté.

 

– Bien, c’est avec l’amertume du sage que je dois malgré-tout me ranger à votre idée, mais je trouve cela fort dommage. Voici que cessent ici les terres de la vallée de Bogland et que s’offre à nous la vallée du Mikosik. Prions Kramouille d’avoir fait le bon choix, car nul ne sait ce qui nous attend en ces neufs territoires.

 

Mélisende cessa de pousser ses hauts cris et rangea son arc sur son dos, elle repoussa d’un main ferme Belbit qui désirait l’aider. Il est vrai que l’adolescente n’avait rien d’une poupée et que pour son malheur sans doute, le Huelabit aimait trop les femmes croustilleuses. Comme il la frôlait trop, il échappa de justesse à la baffe en pourboire. Dans le grand silence de la marche, on voyait toujours au nord-est du Mont Chauve les fameuses tourelles grises et les hautes flèches du domaine des Amazonardes de Lukycuni. Devant eux, les forêts de Kramouille étaient restées intactes depuis leur création, point de châteaux, de fermes ou de maisons, nulle route encombrée de carrioles ; les landes qu’ils parcouraient n’offraient à la vue qu’un domaine inhabité et mystérieux. Interrompant la sérénité de la cavalcade qui faisait fuir les lièvres blonds, William fit rire son monde en racontant l’histoire d’un clébard enragé qui avait un jour mordu les fesses d’un archevêque, en sa regrettée seigneurie de Balaizebaloches. « Jean-Marie, Jean-Marie » poussait à tout bout de champ un Jean-Marie goguenard. Mirlen alchimiait sans rien dire et se perdait mentalement dans la compréhension humaine.

 

– Moi, disait Hivalanoué, je n’aime pas la campagne, je ne m’amuse qu’en la vie trépidante de la bonne ville de Fion, bien que sa majesté notre reine Amanda ne nous offre par trop que de tristes motifs pour pleurer.  

 

– Bien justement, lui répondit Erald, nous partons bille en tête pour la sauver de son amour glacé, nul ne saurait l’oublier. Nous trouverons sans faillir la Pinette qui lui rendra la sensualité enfin chaude et plus frémissante, n’ayez crainte.

 

Un bruit confus s’échappa du sous-bois, alors qu’un mouvement vint frémir les branches agitées. Le fracas des branches remuées alerta, on épia avidement sans relever la tête, puis tout à coup un grand filet tomba du ciel, dans lequel s’empêtrèrent les chevaux, ils étaient prisonniers. Un drame horrible venait de s’accomplir, puisque les chevaliers, roulant pêle-mêle dessus le sol peinaient à tirer leur épée. « Jean-Marie » couina l’homme-sanglier en se débattant furieusement. Des buissons qui masquaient les abords, ils virent alors une multitude de femmes en grande armure les entourer, elles tenaient par la laisse des bouledogues menaçants à la langue pendue. La souricière tendue par les Amazonardes venait sans doute d’être savamment calculée.

 

– Alors les pt‘its bizuths, fit une grande bringue portant bouclier long qui avait l’air de commander les autres, comment pigez-vous la saucée ? ça pète déjà moins haut que son cul ? Laissez-filer l’idée de danser le cha-cha, les guignols, ou de foutre un coup pour vous tirer, parce qu’autrement, on vous avoine pour coller fissa pas mal de sang sur vos sabots.

 

Mirlen et les autres avaient bien du mal à comprendre ce langage proche de l’Argoji que le magicien savait parlé dans le Bonanzaza, mais exprimé ici avec un accent très curieux. Eux voulaient simplement être rendus au plus vite dans leur droit. Les coquines se trouvaient nombreuses et fort bien armées, ricanant de leurs proies, tandis que celles-ci gigotaient dans les mailles comme simple fretin, il fallait bien s’avouer vaincus.

 

– Ah p'tain, je t’piss à yeule, comme tsu me vois de proche, hurlait une Mélisende courroucée, je te pète en face, tabarnak ! Viens-don-là que je criss mon poing dans ton chorogne de gang de marquises poudrées, criss de fefi d‘enculée à chevaux !

 

– Tu dégottes, toi, avec ta dégaine de salingue, doit y avoir un sacré bail que t’es pas passée dans le décrassing-room. Tiens, Poussie Morbac, radine, colle-lui donc ta mornifle pour lui flanquer une bonne dégelée !

 

– Ok dac, fit la fameuse Poussie en plantant son javelot dans le sol, je m’en vais la déglinguer, elle va crouter ses ratiches sous la crème de mes gnons.

 

Alors que l’interpellée s’approchait des captifs, Mirlen voyait bien que les femmes aux plastrons métalliques de ce peuple inconnu étaient plus de féroces dresseuses de loups que d’aimables brodeuses ou de blanches mescinetes. Sortant partout du bois, résonnaient les innombrables huées des Amazonardes destinées à encourager Poussie Morbac, pour qu’elle aille durement cogner sur Mélisende.

 

– Allons, mesdames, nous traversons votre royaume pacifiquement. Bele, nostre sainte Kramouille vos doint bon jor, mais votre dure chanson n’a point besoin d’être ainsi clamée, pourriez-vous en requête nous donner votre nom ? Mirlen de la Pérouse s’adressait à celle qui paraissait être à la tête des autres patrouilleuses.

 

– Alors comme ça, vieux schnock, tu veux pas que ma frangine aille scalper la petite gonzesse qui jase en troglobite ? Ça renifle pourtant mauvais pour cette sainte-nitouche de rabouine mal sappée, puisque ta bozobite nous a manqué de respect. Bon, je vois bien que tu essayes de me peloter, mais mon blaze c’est Daenerysk Lémésté et comme tu piges, c’est moi la reine des Amazonardes de Lukycuni. Si vous piquez pas la coursette pour aller jouer les maboules dès qu‘on vous aura déficelés, on peut voir à s’entendre et vous arracher du ballon. Tenez-vous bien peinards, sinon moi et les copines, on vous coupe la biroute. Qu’est-ce que des peigne-derches comme vous faites par chez-nous ?

 

– Nous sommes de la communauté de la gnôle provenant du Fion, fit aussitôt Mirlen à travers le carreau des cordes solides, en saisissant la balle au bond. Nous désirons quérir la fleur de Pinette, une herbe merveilleuse qui doit réjouir au mieux la suavité perdue de notre gracieuse reine Amanda Blair, que Kramouille la bénisse, pour qu’elle atteigne enfin le bonheur et la félicité des amoureuses.

 

La fortune va et vient quelquefois sur un air de chantefable. En entendant ces derniers mots et la raison qui poussait ce groupe d’inconnus à gravir le Mont Chauve, Daenerysk Lémésté s’efforça de calmer Poussie Morbac, puis elle ordonna à ses guerrières de délivrer les prisonniers, sous réserve qu’ils veuillent bien se tenir tranquilles.

 

https://zupimages.net/up/18/41/89ia.jpg


Message édité par talbazar le 25-10-2018 à 11:47:25
mood
Publicité
Posté le 10-10-2018 à 15:23:42  profilanswer
 

n°54677756
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 11-10-2018 à 15:41:18  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/41/5q14.jpghttps://zupimages.net/up/18/41/oeeu.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Arnault Ktembul.

 
https://zupimages.net/up/18/41/3yog.jpg
 
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Alvin Mauvais.

 
https://zupimages.net/up/18/41/7ivd.jpg
 
 
 

n°54694823
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 13-10-2018 à 14:46:28  profilanswer
 

Pourtant essentiels, les beaux ouvrages de la Moyenne Encyclopédie sont difficilement trouvables en librairie.
Malgré tout, envoyez votre argent (on ne donne pas ce que l'on veut) nous verrons ce que nous pouvons faire :

 

Pro-fesseur Talbazar
BP-Iles Caïmans

 

https://zupimages.net/up/18/41/wlie.jpghttps://zupimages.net/up/18/41/61ux.jpghttps://zupimages.net/up/18/41/cvou.jpghttps://zupimages.net/up/18/41/05b5.jpghttps://zupimages.net/up/18/41/822l.jpghttps://zupimages.net/up/18/41/5ax0.jpghttps://zupimages.net/up/18/41/q0vt.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Les frères Magininpeu.

 

https://zupimages.net/up/18/41/oy02.jpg


Message édité par talbazar le 13-10-2018 à 16:04:34
n°54708962
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-10-2018 à 16:21:45  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/42/u76d.jpghttps://zupimages.net/up/18/42/qcoc.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Louis Stiti.

 
https://zupimages.net/up/18/42/8l3i.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : James Oncu.

 
https://zupimages.net/up/18/42/vjsu.jpg
 

n°54729458
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 17-10-2018 à 12:13:24  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/42/ahem.jpghttps://zupimages.net/up/18/42/oeqv.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Arthur Igol.

 

https://zupimages.net/up/18/42/0vgy.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Ernest Imation.

 

https://zupimages.net/up/18/42/an08.jpg

 


Message édité par talbazar le 17-10-2018 à 12:18:14
n°54747160
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 19-10-2018 à 06:14:59  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/42/vdh6.jpghttps://zupimages.net/up/18/42/t8pe.jpghttps://zupimages.net/up/18/42/q7ut.jpghttps://zupimages.net/up/18/42/jeey.jpghttps://zupimages.net/up/18/42/bzm9.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Achille Laglu.

 
https://zupimages.net/up/18/42/bkoi.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Matthieu de Bondieu.

 
https://zupimages.net/up/18/42/d2fg.jpg
 

n°54765275
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 21-10-2018 à 10:41:23  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/42/new2.jpghttps://zupimages.net/up/18/42/uthl.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 62.

 

https://zupimages.net/up/18/42/q408.jpghttps://zupimages.net/up/18/42/w6q6.gif

 

Derrière les hauts murs de pierre de la reine Agmydala, où depuis l‘arrivée des pirates galactiques sur Kourdukon on ne dort plus jamais, d’étonnantes noces ont d’abord eu lieu. La bâtisse circulaire au cent alvéoles, close pour la nuit, se dresse orgueilleusement au centre de vastes jardins qui vantent leurs halliers luminescents, survolés de lentes méduses rouges ou d’unicellulaires blancs au contraire très agités. Là, dans cette enceinte hautaine et royale dominant la ville d’Utruss, il semble que les guerriers hors-la-loi d’Isa Djani et Alan Drelon soient venus tout spécialement des étoiles pour vivifier les plaisirs des matriarches du triangle doré. Pendant de longues heures, les loups de l’espace se sont échinés au sein de glorieuses mises en scènes érotiques et de chevauchées corporelles, aussi sublimes qu’insouciantes ; puisque sous la grande statue blanche et assise de la Goween Klito, appelée « Vérité bâtie », eut lieu une intense et prodigieuse activité fébrile. Les forbans devaient en effet s’employer sans relâche à satisfaire charnellement les dames de haut-rang, ils devaient simplement comprendre qu’il s’agissait d’un règlement nécessaire. Toutefois, Isa batailla ferme pour obtenir qu’Alan ne participât pas aux agapes, elle eut finalement gain de cause, en raison de sa condition de femme privilégiée, ce qui lui conférait une certaine autorité. Un pirate qui n’aimait que les hommes et le vieux Brod Put impuissant échappèrent de la même façon et par miracle au courroux des courtisanes, par le même arbitrage de la compagne d‘Alan. Mais pour les autres, ces nobles curieuses, au double-sens du terme, se montrèrent sexy, inventives et vibrantes. Les quelques femmes-pirates furent traitées avec le plus grand respect, mais assignées à résidence en dehors du palais, dans l’ancienne mission du missionnaire de son éminence Ouzy Osburne. Au début, tout se passa bien dans le camp des pirates gracieusement soumis aux caprices de la noblesse et au sein de ces exploits fameux, on peut même dire que les aventuriers galactiques trouvaient un certain contentement. Les hommes étaient grisés par ce festival charnel et perpétuel illuminant les jours et les soirées de cette maison du bonheur. Phallus en action et lancé dans une rythmique forcenée pour contenter les fesses exotiques, le torse nu trempé, chaque voyageur venu du cosmos chantait pour les nobles matriarches sa mélodie de l’extase, au sein d’une prodigieuse activité fébrile et de batailles intimes. Tout en soupirs, les corps s’agitaient, s’arrêtaient, puis temporairement requinqués par de subtiles boissons énergisantes et aphrodisiaques, les flibustiers reprenaient aussitôt goût aux orgies ordonnées par les centrifugeuses de l’amour du palais d’Utruss. Le palais tout entier et ses jardins, dont la végétation passait au fil des heures du rose intense au bleu très lumineux, regorgeait de scènes hautement hallucinatoires et d’agréables délices ; les matriarches palpitaient d’émotions dans les bras des forbans, en attisant au mieux le désir des hommes conquis. Ils passaient volontiers  leurs langues langoureuses entre des lèvres rouges comme du sang. Conviés à l’exploration ultime de la sexualité, toutes les sexualités, ceux-ci goûtaient fort l'absence totale de morale de cette planète isolée du reste de l’univers et proclamaient eux-mêmes un penchant absolu pour cette étonnante absence de morale. Ils picolaient de savoureuses boissons jusqu'au bout de la nuit, étonnés eux-mêmes de leurs surprenantes capacités, puis ils s'endormaient effondrés sur les banquettes tressées. Mais la reine Amygdala et sa fille la princesse Olila, ornée pour l’occasion d’une belle coupe de ses cheveux bleus, les nobles Maïfel Ashion, Ovida Lentonnoir, Amunder Ecstazy, Leuzèbre de Césarienne, Minerve Sgala, Satdisadlir Lkamasut, Colonide Virus et Puella Zueur venaient les réveiller, pour leur faire bien comprendre ce qu’elles attendaient d’eux.

 

La frénésie ne connut que peu d’intermèdes. Car pour remercier les gens des étoiles de leur bonne volonté, il y eut quelques fêtes nocturnes, adoubées par la reine Agmydala elle-même, plumes multicolores posées sur la tête, ensemencée de pollen odorant, sa nudité parfois cachée dans un ample habit écarlate et somptueusement galonné d’étincelants et minuscules champignons vivants. Au milieu des cactus géants luminescents, tous admiraient alors la poésie particulière offerte par les couchers des trois soleils ; ou bien encore le formidable spectacle pyrotechnique d’une pluie d’astéroïdes traversant le ciel à peine assombri de 8495SK-Rolling Stones. Les matriarches offrirent un jour à leur hôtes épuisés quelques tours de carosse à vapeur dans la proche forêt, aussi luxuriante que phosphorescente, promenade insouciante que le chauffeur masculin agrémenta de temps à autres par les joyeux sifflets de son lourd tacot. En étouffant dans la débauche de son grand palais rond les pillards stellaires, la petite meute nymphomane régnant sur Utruss pratiquait son étrange loi au pied du trône monumental de la Goween Agmydala, sous la décoration bucolique des immenses tableaux de méduses accrochés aux murs. Poussant de lourdes portes aux loquets imposants, s’octroyant des festins de plats variés que les pirates ne pouvaient avaler, puisqu’ils se contentaient de pilules nutritives, les matriarches occultaient l’état de guerre de leur royaume en chutant joyeusement sur les tapis délicats. Les virils soldats hors-la-loi d’Isa et d’Alan froissaient les robes, gommaient les maquillages et décoiffaient ces dames, mais les courtisanes omettaient soigneusement de faire la moindre allusion aux troubles qui les opposaient aux légionnaires Jidouilles de Placentia et d’Ovarie. Elles mangeaient rapidement leurs plats, après avoir solennellement salué la reine Agmydala qui présidait devant la longue table, puis les laquais masculins débarrassaient les assiettes, laissant les femmes de la cour se livrer ensuite à leur excès de passion pour leurs costauds velus si bien membrés, au cours de gang bangs déchaînés. Indifférents aux grognements, les  hommes natifs de cette planète baissaient leurs regards soumis et en bons valets, ils tournaient sans faiblir d’imposants ventilateurs à manivelle, afin de rafraîchir les beaux corps avides et agités des membres de la noblesse. Très étrangement, les filles régnant sur Kourdukon n’avaient pas débarrassé leurs amants contraints mais dociles de leurs laserguns, alors qu‘elles devinaient sans doute qu‘il pouvait s‘agir d‘armes, dont elles n‘imaginaient cependant pas le fonctionnement.

 

Il y eut une semaine de tonnerre et de pluie battante : de lourds nuages jaunes montèrent de l'horizon vers le zénith, un vent de plus en plus furieux rida la surface du grand fleuve mauve baignant Utruss. Des éclairs violents éclatèrent dans les nues, des averses diluviennes inondèrent la terre sablonneuse de la ville, où couraient les habitants courbés sous de larges ombrelles végétales. Le niveau des eaux augmenta d’une façon incroyable. Ce fut à la fin de cet épisode pluvieux que les pirates découvrirent, grâce à la sonde, l’existence des rescapés de la Marie-Jeanne. Alan Drelon et Isa Djani, accompagnés de Brod Put et de quelques-uns des flibustiers forcément harassés, avaient été autorisés sur leur demande et sous prétexte d‘imprimer de nouvelles pilules nutritives, sous une bonne garde franchement réticente, à visiter l’épave de la Marie-Jeanne ainsi que leur propre House of shame. La formidable découverte d’un autre vaisseau spatial les avait donc décidé à envoyer discrètement quatre sondes dans la forêt impénétrable, avec la surprise de découvrir ensuite la présence d‘autres navigateurs perdus. D’autre part, il n’avait pas fallu longtemps aux techniciens pour comprendre que la fusée de Basile et Emeline Decock pouvait être réparée, grâce aux pièces empruntées au kitch. Motivés par un instinct salutaire, ils restèrent soigneusement silencieux sur ces importantes découvertes qui changeaient prodigieusement la donne de leur séjour forcé.

 

– Ces nanas sont en guerre, fit Isa, après les informations reçues, elles nous volent notre temps et notre énergie, nous devons joindre ceux de la Marie-Jeanne et nous tirer d’ici.

 

– Oui, lui répondit Alan par implant, toutes ces coucheries aristocratiques commencent d’ailleurs sérieusement à m’échauffer, mais pas comme tu le penses, ma chère Isa !

 

– Je l’espère bien, je te l’ai dit, mon gars, je te les couperai.

 

Toujours encadrés, ils allèrent également rendre visite à leurs propres compagnes confinées dans la mission. Rien dans les rues d’Utruss ne révélait le cuisant et récent massacre de l’escadron parti conquérir le fortin frontalier des Francs-Plaquistes. La ville ne semblait pas alarmée, mais continuellement parcourue par d’indolents virus à carapace dure et de chenilles incandescentes, ses habitants dormaient paisiblement sous la subtile clarté nocturne et se réveillaient comme d’habitude, lorsque le premier petit soleil perçait l’aurore brumeuse de son cercle violet. Un profond sentiment de paix émanait également de la proche forêt à la profondeur insondable. Les pirates ne croisèrent qu’une seule patrouille de femmes armées, en train de suivre sur d’étranges animaux la course d’un pousse-scorie blindé. Les flibustières de la mission se jetèrent dans leurs bras en les voyant arriver, elles montrèrent triomphalement le Space Outlaw Atomic Pistol laissé par Charlie Badelaire et dévoilèrent le drap qui cachait l’holocasteur. Malheureusement, les matriarches avaient saboté sciemment l‘appareil, il se trouvait désormais hors d’usage et le testament du gourou Osburn peut-être perdu à jamais.

 

– Vous savez quoi ? fit une jeune pirate à ses chefs, en prenant son air goguenard, les mecs d’ici ont tous un pénis pas plus grand que l’ongle de mon petit-doigt !

 

– On croit le savoir, avoua Alan, ça rend les nanas du palais un peu trop exaltées à l’égard des nôtres, il va falloir se tirer de cette foutue planète sans trop tergiverser. Les autres en carafe, comme nous, ont dit qu’ils étaient dans le camp adverse, nous devons nous-aussi changer d‘amis, que ça plaise à ces dames ou non.

 

– Ils ont aussi parlé d’une menace qui plane sur nous et qu’elles ne nous laisseraient jamais nous envoler, rajouta Brod, si c’est le cas, nous allons devoir nous battre contre elles. Un cas de figure fastoche, vu qu’elles n’ont que des sabres et des épées !

 

Seulement voilà, les pirates aux neurones peu à peu calcinés se voient à présent garrottés, sous les rugissements obscènes d’une autorité atrocement intransigeante et surtout, au sens propre, absolument bordélique. Sous le regard impuissant et effaré du couple censé les commander, les potes aux formes cadavériques, d'une maigreur effrayante, haletants, épuisés, supplient pour leur repos, mais les matriarches leur mordent cruellement la main, les traitent avec rudesse de bras cassés, condamnent leur mollesse et commandent avec autorité de nouveaux bondissements. Les femmes-sirènes insatiables transforment peu à peu leurs proies en fantômes évaporés, aux regards perdus dans le vague, sans qu‘ils ne paraissent s‘en rendre compte. La démesure des ébats incessants illustre bien la folie sexuelle qui règne dans cette cour de sangsues charmantes, mais Alan et Isa peinent encore à alarmer leurs hommes, il devient cependant évident pour les chefs que tant de gentillesses sexuelles devient non seulement écœurante, mais franchement dangereuse. L’incessant plaisir théâtral du palais d’Utruss, si mauvais pour le cœur, fait sa première victime, puis une seconde, éclairant brutalement la sinistre réalité de cette cour de sorcières, qu’Isa Djani traite désormais sans prendre de gant d’éponges à sperme et de harpies déchaînées, mal déguisées en maudites pornifieuses. Les laquais ordinaires et dociles de cette dynastie dégénérée continuent malgré-tout de lui servir la soupe les yeux baissés, dans les appartements sans sommeil où les matriarches auto-hypnotisées ne s’embarrassent plus des apparats du protocole. Esclave de cette sinistre réalité, un troisième malchanceux finit par s’écrouler devant toutes les dames de la cour, mortellement foudroyé sur le sein trop complaisant d’Agmydala.

 

https://zupimages.net/up/18/42/8vv6.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/42/4ytl.jpg

 


Message édité par talbazar le 25-10-2018 à 11:41:58
n°54786589
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-10-2018 à 15:11:25  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Albert L'Esprit.

 

https://zupimages.net/up/18/43/759e.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Cassandra de Coton.

 

https://zupimages.net/up/18/43/26hn.jpg

 

un petit hommage en passant à Jack Davis :

 

https://zupimages.net/up/18/43/6svn.jpg

 


Message édité par talbazar le 23-10-2018 à 15:18:38
n°54805185
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-10-2018 à 09:52:23  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La jet larguée. Extrait numéro 36.

 

https://zupimages.net/up/18/43/srcc.jpghttps://zupimages.net/up/18/43/5tyr.gif

 

L’émir du Boukistan, Abud Souf Andjogin Bin Sayed Sfini Aî-Pisdebou Piladjavomisabil-Méiladénaïkopié leva le bras pour offrir le poing à son faucon, en félicitant l‘animal parce qu’il venait de magnifier une orbite de haut vol parfaite dans le ciel très bleu.

 

– Mes oiseaux ne connaissent pas le risque du crash, comme ces foutus avions de la Petro Jelly, fit-il à Kadja Felcheik, en replaçant le chaperon de cuir sur la tête du rapace.

 

 Son gardien des petites cuillères qui se tenait près de lui ne répondit rien. Il préféra prendre le volant du gros 4x4, en attendant l’ordre de démarrer pour rentrer au palais. Il était dans la confidence de tous les secrets de son maître et le seul avec lui à savoir exactement ce que transportait l’avion disparu. Même les douanes avaient été trompées. L’objet énigmatique voyageait en valise diplomatique.

 

– Moktar Bouif était ambitieux et malin, il collectionnait les motos de grosse cylindrée, c’est con dans ce cas-là de mourir dans un accident d’avion.

 

– On n’en sait rien, il est peut-être rescapé. L’émir jeta un long coup d’œil paternel sur son faucon sage posé sur le siège arrière du véhicule de luxe, puis il se laissa rêver au spectacle de l’immensité désertique. Vous savez, la vie est un miroir brisé et chaque personne détient son unique vérité, que son propre éclat caresse ou tue. En tout cas, le clan des veuves brasse drôlement de l’air, c’est le cas de le dire, par l’intermédiaire de son avocate, Sonja Sweet Peticoeur. Ses déclarations au sujet du crash passent en boucle sur la chaîne de télé Danmon Kanal.

 

– Je sais bien que vous, vous n’allez pas faire trop de barouf pour le sort de nos ressortissants, principalement des sans-papiers que Paris nous ramenait.

 

– Je tiens quand-même à ce qu’un inconnu n’aille pas trop fouiller ou décortiquer cette épave, vous savez bien pourquoi. Le Nonotetrocon n’est pas un livre de bricolage. Il frissonna à ses propres mots.

 

–  « Ne dort pas à jamais qui sort sous la tonnelle en d'étranges étrons, la force même est mortelle. »

 

– Chut ! Taisez-vous, malheureux !

 

Ils tanguèrent ensuite en silence dans la poussière jaune que les pneus écrasaient à cent à l’heure. Ils avaient hâte de quitter le climat surchauffé, les expressions de leurs faces venaient subitement de peindre un certain malaise.  

 

– Comment s’appelaient les deux autres agents, déjà ?

 

– Al Azif Youkhan  et Abdoul Alhzobdarqred, ils n’étaient pas au courant non-plus de ce qu‘ils protégeaient, n’est-ce pas ?

 

– Bien sûr que non.

 

– Ne vous inquiétez-pas, notre gros bouquin nourrit sûrement les poissons, à l’heure actuelle. Ce n’est pas le vendeur de bibles parisien qui vous l’a vendu qui crachera le morceau. Il doit d’ailleurs en ce moment se dorer la pilule aux Bahamas avec votre argent, celui-là !

 

– Le hasard est rarement un objectif valable, Kadja, je compte plus que jamais sur votre discrétion. Il eut un regard profond et énigmatique, avant de marmonner : il est des circonstances où l’obscurité peut vous éblouir et vous rendre aveugle. Le Nonotetrocon ne ment pas, car qui pose ses rétines sur ses chapitres sulfureux, pour en soulever le voile occulte, aura le cerveau captif, après avoir été captivé.

 

– « Parce qu’il aura accès aux connaissances maléfiques que cachent depuis la nuit des temps les amnésies de l’histoire », oui, je sais. Vous ne me demandez pas ce que j’en pense, mais je vais vous le dire, ce n’est pas plus mal que votre vieux grimoire ait disparu, il n’est pas bon que toute les prophéties se réalisent. Idiot serait celui qui oserait délibérément sauter dans le vide des abysses temporelles, en tournant les pages de ce livre proscrit.

 

– C’est dit avec une élégance parfaite, répondit Abud Souf, mais voyez-vous, le noir et le blanc n’ont pas de valeur l’un sans l’autre. Les hommes ne sont que des somnambules en attente d’être réveillés. L’entité invisible révélée par ce livre est d’une toute autre léthargie. La cruauté du monde ainsi divulguée n’est que le message qu’impose une terrifiante lucidité. Je n’ai jamais eu l’intention de prononcer les paroles déviantes, rassurez-vous, je n’ai cédé qu’au simple plaisir du collectionneur en acquérant ce livre unique et maudit, mais il est irrésistible.

 

– Vous faites ce que vous voulez de votre fortune et vous l‘avez grandement amputée avec cet achat. Je sais bien que vous ne comptiez pas l’utiliser à des fins malhonnêtes, mais je trouve ça néanmoins d’un voyeurisme dangereux et morbide, c’est tout. Sincèrement, je trouve ça heureux que cet avion soit détruit et cet ouvrage avec. Alors que le faucon criait dans son dos un bref huissement indigné, Kadja Felcheik fut presque soulagé, lorsqu’il aperçut les premières maisons du faubourg de Kilapile.

 

Ils attendirent que le soleil irradie ses rayons plus bas sur l’horizon, pour prendre un thé préparé puis servi par une domestique discrète, avec une science heureuse. Abud posa ses lunettes noires sur la table basse en bois précieux, il trouvait que son vis à vis portait une chemise de mauvais goût, en dépit d’un prix probablement élevé. Les deux hommes se connaissaient depuis vingt ans passés aux commandes du Boukistan, bien que l‘émir soit la seule tête officielle du pouvoir, qu‘il tenait de son père. L’un était plutôt pingre et l’autre dépensier, ce qui établissait une étrange balance dans leur rapport. Derrière Kadja, une brise légère agitait par instant le voilage en coton blanc qui obturait la grande porte couverte d’arabesques. Mollement et toujours de la droite vers la gauche. Les palmes vertes des plantes en pot buvaient la lumière blanche que diffusait cette fin de journée. Une belle fontaine en marbre remplie de poissons gloussait discrètement quelques marches plus bas. Très haut, presque imperceptible, un avion de ligne se joua un moment des frontières en osant affronter le ciel illimité, avant de disparaître. Celui-là, pensa Abud en acceptant une nouvelle tasse de thé, aura probablement la chance d’atterrir quelque part. Kadja portait une chemise un brin démodée, mais lui-même ne manquait pas d’une certaine élégance, tout comme sa jeune épouse incarnait un sommet de grâce. Si l’extérieur baignait dans une tranquillité irréelle, en dépit de ces pensées ordinaires l’esprit d’Ayud ne pouvait se départir d’un fond inquiet, puisque son livre rare était perdu et que ce n’était pas seulement une question d’argent. Ce n’est pourtant pas lui qui aborda le sujet en premier.

 

– Vous-êtes bien certain qu’il n’existe qu’un seul exemplaire ? interrogea Kadja, en reposant sa tasse qui heurta la soucoupe avec un tintement sec.

 

– La braise se consume en rassemblant ses charbons et s’éteint si on les disperse. C’est en cherchant à unir les esprits invisibles qui rôdent sur la terre qu’un vieil aveugle du nom de Abdul Zinée a compilé le nom des djinns vers 700 a.v notre ère.  Il a sans le vouloir nécessairement réveillé l’armée des ombres malfaisantes et des monstres obscurs enfouis dans la mémoire des temps. Le joyau ne brille que si on l’use pour le polir, la transcription et les prières ténébreuses adjacentes ont redonnées la vue à l’aveugle, hélas son ouvrage est devenu page après page comme un arbre qui engendre des fruits empoisonnés. Il a assombri le mental du vieux messager, au contact des âmes impures qui prenaient corps dans ce livre au départ sans nom, mais appelé plus tard par les grecs le Nonotetrocon. Cet ouvrage savant a rendu les œuvres des entités infernales communicables aux mortels et puis, lorsque Zinée a terminé d’écrire les noms et les formules, les démons l’ont sacrifié de manière horrible, en ne laissant de lui sur le sable du désert qu’un sac de peau vide. Elle a d’ailleurs été utilisée pour en faire la reliure et l’on dit que ce livre s’est écrit avec le propre sang de son auteur.

 

Abud porta ses narines au-dessus de sa tasse pour saisir l’agréable fumet du thé. Kadja cueillait les mots au vol, non sans ressentir un frisson de répugnance. Il levait vers son interlocuteur des sourcils étonnés. Autour d’eux, le décor de la terrasse chargé d’ombres s’emparait d’une lumière ternie, car le soir tombait peu à peu.

 

– Le Nonotetrocon a dénoué le nœuds lunaires qui retenaient prisonniers les forces obscures et les âmes tourmentées, pour en faire un être unique et invisible, car c’était le projet caché de son auteur. Il a lancé cette pierre noire au travers des barreaux du monde lumineux, avec laquelle il voulait la faire fusionner. Les feuillets oblongs d’Abdul Zinée ont été rassemblés pour porter témoignage sur des énergies terrifiantes. Ses mystères sont restés enfermés dans une grotte du désert de Zobi pendant très longtemps, avant que le livre ne soit découvert par un archer romain, qui fut mystérieusement étranglé par une main invisible, devant toute sa légion, elle-même tordue d’une douleur incompréhensible. On perd ensuite la trace du manuscrit, mais lors d’un incendie qui brûla un monastère de capucins français en 1652, il fut le seul élément retrouvé au milieu des cendres, intact et non brûlé. Je ne sais pas comment mon libraire se l’ait procuré, mais mon exemplaire est authentique, c’est bien le fameux Nonotetrocon, croyez-moi !

 

– Vous-êtes tout de même un peu cinglé de vouloir posséder une telle chose, Abud.

 

 La domestique leur apporta des lumignons ouvragés en argent ciselé qu’elle alluma un à un, avant de les poser sur la table, car depuis un bon moment ils parlaient tous les deux dans le noir.

 

https://zupimages.net/up/18/43/s78f.jpg


Message édité par talbazar le 25-10-2018 à 10:08:10
n°54814150
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 26-10-2018 à 07:04:05  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Eglantine Asionaliste.

 
https://zupimages.net/up/18/43/dbqp.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Valentin Turediode.

 
https://zupimages.net/up/18/43/r2ss.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Marc Inbut.


https://zupimages.net/up/18/43/oiwn.jpg


Message édité par talbazar le 26-10-2018 à 07:05:46
mood
Publicité
Posté le 26-10-2018 à 07:04:05  profilanswer
 

n°54830417
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 28-10-2018 à 11:18:23  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Henri Vierpolué.

 

https://zupimages.net/up/18/43/a1ig.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 56 .

 

https://zupimages.net/up/18/43/7nti.jpghttps://zupimages.net/up/18/43/522n.gif

 


 Gros sac imbibé. L’injure était sortie comme ça, avec un naturel que n’avait pas goûté Sisco, puisqu’elle dirigea aussi sec une nouvelle torgniole de sa part sur la joue déjà tuméfiée de Gustavo. Dérision hasardeuse d’un côté, outrance brutale de l’autre, il semblait de première importance de calmer avant tout ces deux joyeux-là, si on voulait sortir de l’hôtel sans ameuter le bon peuple. Une fois Piccolini délié de sa chaise, Angèle lui avait passé les menottes ; mais sans entraves aux pieds, il pouvait marcher librement. Jess le tenait constamment en joue et Sisco également, mais d’encore plus près, puisque la bouche d’acier mortelle du Taurus se collait fortement à son dos en plissant sa veste, un petit trou bien rond et sans lèvres prêt à lui offrir son baiser de feu, au moindre geste suspect. Parce que Sisco lui avait bien précisé en ricanant que s’il venait à faire le con, le fruit qu’il lui logerait dans les entrailles serait à coup sûr béni. Après ce rappel des notions de base de la tranquillité, Gilbert sermonna tout de même Sisco pour son impulsivité, puis il passa un gant de toilette humide sur le visage sanguinolent du tueur de Monique, histoire qu’il fasse le présentable jusqu’à la voiture. Après avoir pris congé d’Angèle, qui devait prévenir Sam Alloma dans la soirée, il quittèrent l’hôtel sans problème ; d’une part parce qu’il n’y avait pas grand monde dans le bar et que leur qualité de flics français pouvait justifier l’arrestation d’un suspect dans l’établissement. Le patron présent n’y vit rien à redire, surtout qu’il s’en foutait, lui voulait juste que cette bande d’intrus fuient son domaine au plus vite. S’ils n’étaient pas de vrais flics, ils étaient forcément de la mafia, dans un cas comme dans l’autre, pour le boss grasseyant du Pacific Marina Inn, il n’était pas nécessaire de faire traîner trop longtemps les civilités. Heureusement pour sa bonne humeur, il n’avait pas encore connaissance du meurtre de la malheureuse Comtesse énuclée, en train de perler à pleines gouttes sanglantes dans la chambre. Gustavo la boucla gentiment et ramassa sa dignité bafouée, il n’avait guère le choix, puisqu’il savait bien que la bise brûlante promise par Sisco n’était pas qu’une simple hypothèse irréalisable.

 

Direction Vineyard boulevard, afin de sortir d’Honolulu en passant le pont de la rivière St Mali, puis Pearl Harbour, pour rejoindre un entrepôt désaffecté près de Makalapa Crater, que Jess Ross en roi du repérage connaissait comme un endroit tranquille. De fait, le grand hangar au sol de béton défoncé et maculé sentait l’huile et la vieille pisse, mais il était totalement vide. Après que Gilbert ait balancé son pied dans une porte mal fermée, on installa Gustavo sur une chaise trouvée dans un bureau pourrissant. Le gangster avait l’air d’un condamné à mort qui s’apprête à être légalement électrifié d’une minute à l’autre. La petite pièce ruinée et poussiéreuse n’avait sans doute pas vu d’humains depuis un bon bout de temps, somme toute ils étaient bien tranquilles pour essayer de tirer les vers du nez de Piccolini. Une espérance sans doute absurde. Sisco colla ses fesses sur le bureau sale, il regardait ailleurs, comme si la situation, la crasse ambiante ou le sort même de l’invité de marque l’indifférait ; il délaissa même sa vigilance pour poser son flingue à côté de lui.

 

– Les gars, ça n’était pas la peine que l’autre faux-jeton essaye de m’assommer, ça fait un mal de chien. A cause du coup de crosse, il avait effectivement une énorme bosse sur le crâne.

 

–  Fais-pas ton cynique, Gus, lui répondit Teddy, tu l’as bien mérité.

 

– C’est pas l’usine à rêve, ici.

 

– Nous, on est de la police et pas des assassins, on aimerait bien que tu nous évites de te chanter une berceuse déplaisante, avant de t’enfoncer dans le grand sommeil.

 

– J’enverrai bien tout de même cette vermine au rayon des antiquités, lâcha Sisco, en reprenant brusquement son pétard dans la main.

 

– Tais-toi, le coupa Jess, pour le moment, on ne t’a pas sonné.

 

– Qu’est-ce que tu veux, renchérit Gustavo en passant la langue sur sa lèvre fendue, y’a de la chaleur dans notre relation, moi et cette crétine de mollasse. Tout ça parce que j’ai un peu cassé les lunettes de sa nympho, ça doit l’émouvoir, forcément.

 

– Bon, coupa Jess, avant que Sisco ne réagisse en se précipitant pour venir jouer avec ses phalanges repliées sa petite mélodie aérienne, fais-pas ton sournois et ne cherche pas la cogne, tu n’es pas en position de la ramener. Je te dis qu’on a pas forcément l’intention de te descendre. Est-ce que tu peux nous dire qui a tué le sénateur Rupin ?

 

– Non, non, je peux pas. Je me doutais bien que toi, tu avais l’air un brin nunuche.

 

– Faut vraiment qu’on baisse ton slip pour te claquer le cul et qu’on te tire les tétons avec une tenaille ? Guy voletait au-dessus du prisonnier pour l‘agacer, fier de ses menaces. Tu vas finir dans une poubelle, Gustavo Piccolini, moi ça me rend triste à l’intérieur.

 

– Toi le poulet, ferme ton bec et va voler ailleurs, tu me fais de l’ombre.

 

– Rupin avait fait charger un container numéroté 87-B sur un bateau nommé le Play boy of the sea, questionna Teddy la fouine sans trop y croire, y’avait quoi, dedans ?

 

– J’en sais rien, des perroquets congelés, peut-être bien.

 

– Tu peux nous dire où sont Martin Smith et Vaya Condios, qu’est-ce que tu sais à propos de Gros Bill et de Van Degaffe ? On ne peut pas effacer Monique, mais je te le promets, si tu nous aides, tu feras certainement de la cabane pour longtemps, mais tu continueras de respirer.

 

– Et tu m’emmènes dans cet endroit dégueulasse, qui n’a pas vu la femme de ménage depuis quinze ans, pour me sortir ça ?

 

– Je te le jure, tu peux t’en tirer. Si on t’a emmené ici, c’est parce qu’on ne tient pas trop à ce que les ricains s’en mêlent, on veux rester entre nous, tu piges ? Si tu nous aides un peu, tu rentres avec nous. On sait bien que tu n’es pas une balance, mais juste deux ou trois réponses et tu échappes à la crise fatale.

 

Gustavo étonnait un peu, parce que si aucun coup n’avait été encore porté, on le sentait réfléchir intensément, on devinait même que sa résolution vacillait. En réalité, il ne voyait dans son semblant de coopération que l’unique possibilité qui lui était offerte de gagner du temps.

 

– Gros Bill est sur Hawaï, ouais.

 

– Ah ben voilà, ou ça ?

 

– Il cire les pompes au toubib, t’as qu’à le chercher, tu trouves un, tu trouves l’autre.

 

– T’es pas précis. Tourne un peu les pages. Gilbert plissait les mâchoires malgré-lui.
 
– Ils se sont inscrits dans un stage de plongée, il paraît que le fond de la mer est joli.

 

– Martin Smith est vivant ?

 

– Je crois que oui. On raconte qu’il bronze dans le coin lui aussi. Le Play boy of the sea, c’était pour le balader par ici, avec sa copine.

 

– On arrive nulle part, tu t’en rends compte ?

 

– Qui te paye, Gustavo ? Jess reprenait la main.

 

– Gros Bill. Disons qu’il aide au financement, j’ai des frais de taille, mais je suis indépendant.

 

– Tu fais chier, elles sont maigres, nos emplettes. C’est pas avec si peu que tu vas sauver ta peau. Donne-nous de la substance, mon gars, on habite pas ici.

 

– Tu veux de la profondeur ? Vous devriez aller cuisiner le professeur Brüder Karamasow, le président de la Samsara Foundation version US, parce que c’est son personnel qui a effacé Rupin et la petite Simone de Boulevard, enfin, en réalité, elle s’appelait Wanna Toktouyou. Il se disait surtout que cet aveu ne les mènerait nulle part.

 

– Mais bon sang, Gustavo, ces choses-là on les sait déjà, figure-toi !

 

– Je confirme, c’est tout.

 

Sisco Matteï rêvait sans doute d’atrocités, mais il sortit de son immobilisme pour se diriger très calmement vers l’interrogé.

 

– Laissez-moi seul avec lui.

 

– C’est pas la bonne idée, fit Guy, en agitant nerveusement ses ailes.

 

– On va peut-être pas résister à une demande si bouleversante. De l’œil, Jess invitait déjà Teddy la Fouine à s’éclipser.

 

– Ok les gars, déconnez-pas, je vous donne du consistant si vous éloignez ce givré de mon oxygène.

 

– Peut-être, approuva Jess, mais file-nous la donc, ta révélation.

 

– Je dois retrouver Gros Bill en mer, au large de Molokaï, pour lui confirmer que vous êtes bien plombés et palper le reste de ma monnaie, un beau pactole, soit-dit entre nous. Son bateau qui mouillera dans ce coin-là devrait porter un pavillon de la Samsara, c’est pas dur de le repérer. Il doit d’ailleurs m’attendre avec un brin de colère, à cause de mon silence.
 
– T’en diras pas plus, hein ? Gilbert admirait pourtant sincèrement l’exploit.

 

– Nom de dieu, laissez-moi ce résidu, maintenant. Sisco se tenait tout près du con de frimeur, il bouillait d’impatience et se montrait quasiment au comble de l’agacement.

 

Cette fois, Jess murmura dans l’oreille de Gilbert, les deux hommes eurent l’air de s’accorder, puis ils quittèrent la pièce, en laissant Matteï seul avec l’assassin de sa femme. Sisco les remercia en faisant preuve d’une ironie grinçante, mais les autres savaient bien que le dialogue qui aurait lieu entre les deux hommes n’allait pas se baser sur un rêve de conciliation. On pouvait même parier que le procès de Sisco allait être un brin bâclé. De fait, la porte à peine fermée, il y eut un coup de feu, suivi d’un horrible hurlement qui dura un certain temps, puis deux autres éclats sonores, suivi d’un grand silence. Lorsque Jess et Gilbert rouvrirent la porte, Gustavo Piccolini gisait affalé sur sa chaise, les yeux crevés par les balles du Taurus, mais il pissait aussi du sang par la braguette. Pas besoin d’être légiste pour résoudre la chronologie des trois tirs.

 

– Il a rien dit de plus, lâcha Sisco, en replaçant sans trembler son flingue dans le holster.

 

– Forcément, fit Guy, en se posant sur l’épaule du cadavre, tu lui as rien demandé.

 

– Pour le moment, on va le laisser-là, il devrait pas être dérangé avant un bon moment par un rôdeur, on filera un coup de fil à Sam Alloma pour faire le ménage. Jess se détourna de la scène brutale sans se torturer, il savait que le gus les aurait trop encombré en restant vivant et qu‘il n‘aurait pas bavé davantage. Il fallait à présent se raccrocher à sa dernière confession, parce qu’il était sûr qu’elle contenait un fond de vérité.

 

Dans la voiture qui avalait Kukui street en respectant la limitation, Sisco avait collé son front contre la vitre, il semblait enfin faire son deuil de Comtesse Monique, on le laissa pieusement mariner dans ses pensées ténébreuses. En manque de pistaches, Guy Ness s’était posé sur l’appuie-tête du siège de Gilbert, lui ne semblait pas vraiment goûter le silence ambiant.

 

– Nous aussi, les perroquets, on a eu notre dose de martyrs. Comme on sait causer, au moyen-âge on passait pour démoniaques et on nous brûlait vivants enfermés dans des cages. J’ai même entendu qu’il y a quelque temps, un capitaine de cargo brésilien a brûlé cent de mes potes dans ses chaudières, pour éviter d’avoir des ennuis avec les douanes, à cause du règlement sur la psittacose. Et une fois, je sais que …

 

– Va dire ça à une association de défense, le coupa brutalement Gilbert, mais s’il te plait, arrête de chanter et lâche-nous la grappe, maintenant.

 


https://zupimages.net/up/18/43/iuvx.jpghttps://zupimages.net/up/18/43/vk66.jpg
Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/43/fyez.jpg

   


Message édité par talbazar le 28-10-2018 à 18:08:23
n°54848233
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-10-2018 à 11:34:48  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/44/6vi6.jpghttps://zupimages.net/up/18/44/9mu1.jpghttps://zupimages.net/up/18/44/e1ro.jpghttps://zupimages.net/up/18/44/n7k0.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Valérie Yetteduman.

 
https://zupimages.net/up/18/44/3kkx.jpg

n°54863926
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 31-10-2018 à 20:33:43  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/44/blk6.jpghttps://zupimages.net/up/18/44/6fks.jpghttps://zupimages.net/up/18/44/j6xz.jpghttps://zupimages.net/up/18/44/jg8o.jpghttps://zupimages.net/up/18/44/zkrz.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Didier Dicace.

 
https://zupimages.net/up/18/44/hhop.jpg
 
Revue de presse.
 
Aujourd'hui : On a retrouvé la cloche.

 
https://zupimages.net/up/18/44/7eem.jpg
 

n°54869394
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 01-11-2018 à 20:28:12  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Jérémie Ladose.

 
https://zupimages.net/up/18/44/393i.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Francis Tématik.

 
https://zupimages.net/up/18/44/j9mt.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Igor Lacaisse.

 
https://zupimages.net/up/18/44/4tjk.jpg
 

Revue de presse.
 
Aujourd'hui : La cloche a sonné.

 
https://zupimages.net/up/18/44/cuie.jpg


Message édité par talbazar le 01-11-2018 à 20:29:07
n°54886150
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-11-2018 à 16:11:19  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Marjorie Tairement.

 

https://zupimages.net/up/18/44/xpc4.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Ralph Lamise.

 

https://zupimages.net/up/18/45/64k8.jpg

 


Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 45.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpghttps://zupimages.net/up/18/44/ramp.gif

 

Angèle Boudiou n’aime pas dormir dans le noir, elle ne tire donc jamais ses rideaux. Réveillée par un sentiment d’angoisse à trois heures du matin, elle tourne les yeux vers l’encadrement de la fenêtre. L’ouverture lui offre le spectacle d’une constellation que son frère Gaston n’aurait aucun mal à identifier. Elle s’en fiche malgré-tout des brillances de ces astres innombrables, le mystère insondable de ce vide obscur aurait plutôt tendance à l’effrayer et puis la plus belles des étoiles, à son avis, c’est elle. N’a t’elle pas étincelé au Noël dernier dans la pièce d’Alfonso Planku, en interprétant le rôle de Juanita dans la pièce « Bali Balo » et n’a t-elle pas triomphé au cinquième festival du tricot de grand-mère à Troulbled ? Sa route vers la gloire hollywoodienne ne fait que débuter, car demain, puisque c’est le jour prévu, elle va s’offrir à l’objectif du photographe pour réaliser la réclame de Monsieur Propre, avec publication dans les magazines féminins ; sans parler du concours Miss Blonde où elle est inscrite et qu’elle est certaine de remporter. Devenir une vedette, c’est un métier. Certaines qualités morales étant indispensable, elle est également contre le fait d’édifier des barricades dans les rues, elle ne peut ignorer les agitations violentes de ce mois de mai, mais ils ont de toute évidence peu d’emprise sur son « moi ». Au contraire de Gaston que la chose fait copieusement râler, elle tient toujours compte des appréciations de l’Office catholique inscrits dans les programmes de Télé 7 jours, toujours moins indulgent que la cote proposée par ce grand hebdomadaire de la famille. Elle le précisera, si un jour le guide des programmes TV l’appelle pour faire sa couverture.

 

La lune vient peu à peu présenter son cercle laiteux dans la symphonie pratiquement immobile du ciel nocturne, elle rajoute par sa présence obsédante à l’impression de malaise d’Angèle qui s’agite dans son lit, définitivement privée de sommeil. A la fin de l’année, des hommes quitteront l’orbite terrestre dans le vaisseau Apollo 8 pour aller la frôler et tourner autour. Du fond de ses draps, Angèle trouve à ces aventuriers modernes beaucoup de courage, elle s’imagine poser à côté d’eux à leur retour, pourquoi pas sur la Une de Paris Match, elle serait merveilleuse. Gaston a téléphoné, il va rester un peu à Troulbled avec Emile. Marité Hissedrue est maintenant enterrée, c’est triste, mais comme l’a si bien dit Antigone, c’était une fille perdue. Depuis le départ de son mari, sa belle-mère est absente la plupart des journées, Angèle se demande bien ce qu’elle peut fabriquer, mais elle n’ose pas poser de questions indiscrètes. Elle a l’air si heureuse. Le lendemain de cette nuit d’insomnie, c’est donc en la compagnie de la femme d’Emile que le jeune modèle s’apprête au mieux, pour paraître devant le photographe de la publicité. Angèle a posé sur sa tête un serre-tête de petits carrés d’aluminium assemblés par elle-même, peut-être une des seules concessions vestimentaires qu’elle fera à la mode hippie. En le passant dans ses cheveux laqués admirablement coiffés, elle prend devant sa glace la mine de tragédienne qu’elle s’efforce maintenant d’afficher dans la vie, depuis son arrivée à Paris. Elle porte une robe mauve à mi-cuisse du style Pussycat, un bel accessoire à la mode qui devrait magnifier ses jambes impeccables sur l’Ekta. Une fois prêtes et bien maquillées, elles ont fait venir un taxi pour se rendre toutes les deux vers le studio.

 

En chemin, la 404 blanche va croiser une foule dense de jeunes qui portent des pancartes pour protester contre les jouets d’enfants qui copient les armes. Le chauffeur n’en mène pas large et roule au ralenti, la police ne s’éloigne guère de ce genre d’attroupement. Si seulement ces troublions avaient convoqué la presse, Angèle aurait peut-être essayé d’attirer les flashs sur sa personne, en sortant triomphalement de la voiture.

 

– Tu sais, fait Antigone, on enregistre un plus grand nombre de divorces chez les comédiens, d’après les statistiques. En plus, ce ne sont pas toujours de bonnes mères.

 

– Oui, mais moi je suis encore loin d’être mariée ou d‘avoir des enfants. Dis-donc, quand je serais vraiment célèbre, j’aurais certainement besoin de toi pour dépouiller mon courrier, tu voudras bien ? Il faudra venir en Amérique, tu verras, je recevrais plus de lettres qu’Adamo !

 

– Mais oui, Angèle, tout ce que tu voudras. C’est vrai qu’en ce moment, la jeune enfant aurait pu lui demander la lune !

 

En claquant la portière, pendant qu’Antigone Inseouine de la Nouille règle la course, Angèle Boudiou n’a plus le trac du tout, elle est même particulièrement fière des regards appuyés que lance sur ses jambes le chauffeur, dont elle se croit certaine d’avoir conquis l’âme et embrasé le cœur, bien qu‘il ne soit plus tout jeune. Mises peu après en présence du directeur d’agence, Gabriel Abenlcoco, lequel félicite au passage Angèle pour sa belle photogénie, l’homme leur présente Raymond, le photographe chargé de prendre les photos, dont il n’en gardera qu’une seule pour figurer sur l‘encart publicitaire. C’est si bon de mettre le pied à l’étrier, en prenant contact avec des gens du métier ; bien que le Raymond en question, un trentenaire moustachu au sous-pull orange et odorant déplaise un brin à Angèle, avec sa manière étrange et franchement insistante de la regarder. De regarder son corps, surtout. Il lui rappelle les vieux salaces acharnés à mater sa culotte aux terrasses des cafés, mais là, maintenant, la sœur de Gaston n’a aucune envie de jouer avec cet inconnu à ce genre de jeu lubrique. L’appareil photo qu’il porte autour du cou l’impressionne quand-même un peu. Deux filles de l’agence lui enlèvent le serre-tête d‘autorité, la recoiffe et la remaquille et Angèle n’ose pas protester, mais elle n’en pense pas moins. Elle se retrouve alors en queue de cheval devant le faux décor de salle de bain, où elle s’efforce ensuite au mieux d’être photogénique et de prendre la pose de nombreuses fois, en face du noir objectif de Raymond. Elle se tient debout à le regarder, occupée en souriant à faire semblant de décrasser un lavabo. Elle s’efforce au mieux de faire illuminer son rayonnement intérieur, répercuté subtilement par le vrai miroir posé devant elle. Elle goûte cependant peu le vilain tablier vert qu’on lui a fait mettre par-dessus sa belle robe violette. Angèle se donne corps et âme au champion du monde du nettoyage, elle met tout son cœur à magnifier par sa seule présence la miraculeuse formule exclusive à l’ammoniac. Ensuite, on passe à la fausse cuisine, bien évidemment non-fonctionnelle, comme au cinéma. Angèle sourit encore plus fort, mais Raymond lui dit abruptement de ne pas trop forcer le trait. Elle se contente alors d’imaginer le personnage musclé de la marque, qu’un dessinateur appliquera au premier plan du cliché. En attendant, ce n’est pas le gros balaise imaginaire à boucle d’oreille qui se charge de déloger la saleté, mais la pauvre Angèle. La séance commence un tantinet à la gonfler, parce que sa sensibilité frémissante se rend bien compte que la photo retenue n’aura jamais le panache d’un merveilleux portrait de Mylène Demongeot dans Ciné Paris. Et puis, elle n’aime pas du tout ce Raymond qui lui colle le rouge au front, ni le rythme endiablé imposé par cette entreprise, qui regorge d’assistantes blasées, de secrétaires survoltées et de téléphones rouges.

 

Antigone se charge des histoires d’argent, puis elle s’excuse auprès d’Angèle car elle doit se rendre seule à un important rendez-vous. C’est donc un Raymond insistant qui va reconduire lui-même son jeune modèle chez elle, dans une belle Chevrolet-Corvair. Angèle remarque tout de suite les revues sexy éparpillées sur les sièges arrières, mais elle se garde bien de la moindre allusion. Le photographe se glisse dans le trafic urbain sans regarder sa passagère, ce qui ne l’empêche pas de lui parler :

 

– Il faut que tu sois moins timide, si tu veux réussir, c’est l’élément clé dans ce métier. Je peux t’offrir des relations utiles rapidement, tu as les qualités plastiques pour faire du cinéma. Tu as du charme, de la présence, mais ça ne tombera pas rôti. Il y a des chances à saisir, si tu m’écoutes et que tu te laisses faire. Si tu le souhaites, je te propose de faire gratuitement des photos de toi pour un patron plus exigeant que Gabriel Abenlcoco, la publicité, ça va bien cinq minutes ! Faudrait juste me montrer un peu plus de toi-même.

 

Une impulsion presque irrésistible pousse Angèle à quitter cette auto.

 

– Bien sûr que je souhaite une carrière, mais je ne suis pas une call-girl !

 

– Mais qui te parle de ça ? Ah, tu veux tâter de l’art, oui, évidemment. Je te trouve bien snob et un peu pitoyable. Il ose en disant ces mots poser la main sur la frêle épaule de sa voisine. Allons, écoute-moi, si tu acceptes de me prêter un peu de ton talent, je te promets, tu les auras très vite, tes rôles dramatiques, je connais beaucoup de monde. Hier-soir, j’étais invité dans un dîner avec dix copains, aux côtés de Belmondo. Fais pas ta religieuse, je connais parfaitement le milieu dans lequel tu rêves d’évoluer. Cinquante techniciens pour te regarder pleurer et t’applaudir ensuite, tu imagines ? Si tu as vraiment un don marqué pour la comédie, crois-moi, c’est le moment de me le prouver. Pour être comédienne, faut apprendre à s’exhiber. Dans le plus strict appareil. Tu n’as pas honte de ton corps, tout de même ?

 

Au moment de prendre congé, Angèle a comme un serpent dans la gorge. Elle a toujours pensé que c’est le public seul qui la choisirait, que son énorme talent serait immédiatement reconnu par les réalisateurs. Qu’une actrice ne se déshabille que lorsqu’un scénario l’exige. Elle devine, en regardant la voiture de Raymond s’éloigner, que le plus difficile sur le chemin de la gloire, avant d’être sacrée grande vedette, dépend sans doute de sa chance et de son talent, mais peut-être bien aussi des choix qu’elle doit prendre pour arriver à ses fins. Sur le trottoir, un jeune colleur d’affiches sauvages hirsute vient de passer en courant, la poussant au passage un peu brutalement.

 

https://zupimages.net/up/18/44/iblt.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/44/c3uu.jpg

  


Message édité par talbazar le 05-11-2018 à 11:25:56
n°54892591
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-11-2018 à 11:34:37  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/45/j9rk.jpghttps://zupimages.net/up/18/45/v5pd.jpg

 


Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Adhémar le Groku.

 

https://zupimages.net/up/18/45/fl1p.jpg

 


Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Olivier Ébouché.

 

https://zupimages.net/up/18/45/894j.jpg

 


Message édité par talbazar le 05-11-2018 à 12:09:11
n°54936469
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 09-11-2018 à 09:57:06  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Eric Tusse.

 
https://zupimages.net/up/18/45/echw.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : L'abbé Chamelle.

 
https://zupimages.net/up/18/45/25lu.jpg
 
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Serge Anmajor.

 
https://zupimages.net/up/18/45/t4is.jpg

n°54952236
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 11-11-2018 à 11:38:07  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Gaby Tation.

 

https://zupimages.net/up/18/45/4to1.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Ricky Senbranle.

 

https://zupimages.net/up/18/45/iaq6.jpg

 


Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 91.

 

https://zupimages.net/up/18/45/ot3q.jpghttps://zupimages.net/up/18/45/pw8g.gif

 

Siège transitoire du pouvoir politique, gloire et chef-d’œuvre du maître des chantiers navals de Tépafou, le Pamalrâssé construit par Pubi Senfouyî fendait les eaux bleues du Nil, au gré de ses gros avirons de gouvernail bataillant la dérive. La grandiose folie de bois peint tanguait en avalant les flots calmes, sous le vol paresseux des ibis, emportant avec lui dans ses flancs la pharaonne Néefiertarée et sa nombreuse domesticité. Comme il y avait peu de brise et que les rameurs se montraient nonchalants à produire de l‘écume, certains de ces pagayeurs protestaient même contre le Service royal de travail obligatoire, on avançait lentement. Sous le haut mât issu d’une essence provenant d’une scierie de Syrie, l’amiral Sésoscristop leur tapait dessus avec son fouet, les exhortait à dépasser 30 pallades par minute, tout en ironisant sur ces feignasses qui ramaient le dos tourné à la poupe, tout comme ils tournaient le dos aux progrès de la technique navale. Ils n’avaient qu’à aller se faire embaucher sur une trière de guerre romaine, on verrait bien s’ils rigoleraient toujours. Un des rameurs lui répondit qu’il ne fallait pas trop se vanter, que le vent s’était inventé lui-même et que si toi, le gros con, tout amiral que tu es, tu continuais de fouetter le marin, tu pouvais toujours te fourguer une varangue quelque part. L’effronté argumentait qu’on était pas non plus sur un minable méandre d’oued et que le Nil en son entier, il fallait se le farcir. Ses collègues ne se gênaient pas davantage pour ramer mou, tout en se plaignant comme des chochottes Chaldéennes et crêmées de la terrible morsure solaire, 50°de moyenne selon eux, sans parler de la pénible odeur de transpi des voisins de banc. Sous les cris des cynocéphales qui jouaient les équilibristes au milieu des câbles, pour mieux fuir les gabiers grimpés dans les haubans, la reine bien aimée de l’Egypte jouait donc à cache-cache avec sa suite, histoire de passer le temps. Dans une ambiance apparemment bon enfant, elle trouva tour à tour Trêmouatoli sous un tapis, son nouveau vizir Mer-Amen Tesmich près des couffins entassés sur le pont, puis Tâtsamoul le chambellan derrière un coffre à encens, avant de se lasser du jeu.

 

En réalité, des pensées vengeresses ne quittaient pas son esprit, alors que son dernier amant plein d’ardeur, le Grec Lachedékess, marchait à présent vers l’éternité. Aménorée avait bien entendu été condamnée comme ennemie du peuple, mais nul ne l’avait encore retrouvée. Allongée sous la moustiquaire de sa logette de poupe décorée de ses emblèmes, Néefiertarée n’avait aucune idée de ce que devenait un Grec après sa mort et les prêtres interrogés là-dessus non plus. On savait que les gus de l’Attique ne pratiquaient pas la momification, ni le cannibalisme rituel, ni les citrouilles sculptées, on se rangea donc à l’avis d’un prêtre d’Apopis plus futé que les autres, lequel pensait que ces gars-là devaient tout bonnement grimper à pattes les 3000 mètres du Mont Olympe pour aller rejoindre leurs dieux. Il ajouta même, pour donner sans doute plus de gravité à son avis, que comme ils étaient morts, les Héllènes devaient à coup sûr le faire sans oxygène. Tout le monde salua l’exploit avec respect et admiration, puis il fut décidé d’offrir en pratique un ultime pontage au malheureux Lachedékess. En restant voile au vent, on allait l’enfermer dans un sac en coton, puis le balancer au milieu des vagues en l‘honneur de Sobek et pourquoi pas de Poséidon, en tout cas pour délecter les crocodiles. Pendant la cérémonie, endeuillée mais digne, Néefiertarée ordonna à Sâmgaratte, son guépard apprivoisé, de boulotter un prêtre qui ironisait en douce avec un collègue sur les rites funéraires grecs. Puisque pour lui, disait-il à son voisin en ricanant, si on allait se faire voir un peu chez les Grecs, les fils de Zeus devaient plutôt dans l’au-delà se faire poutrer par les étalons blancs du char de Phaéton, le fils d’Hélios. Un peu plus tard, se léchant les babines, le guépard rassasié ne laissa cependant plus rien de ce prêtre insolent à momifier.

 

Ne pouvant pleurer elle-même la mort de son misérable amant décédé, ce qui aurait constituer un scandale aussi superflu qu’épouvantable, Néefiertarée avait embauché une pleureuse pour le faire à sa place. Une gamine au chômage qui venait de conclure un mémoire sur la dégradation du patrimoine architectural égyptien, une situation qui lui donnait donc de bonnes et multiples raisons de chialer. Elle y alla de si bon cœur et montra tant d’entrain dans l’exécution de ses sanglots, que les prêtres lui promirent en fin de cérémonial qu’elle ferait fureur dans les inhumations, si elle décidait de faire carrière en pleurant dans les petites villes de province. Après un échange de regards pleins de larmes, elle postula plutôt pour devenir femme de chambre de la pharaonne, les gardes de la reine débarquèrent au final la fillette de dix ans sur ce malentendu. Les obligations du royaume allaient rapidement faire oublier Lachedékess, puisque Néefiertarée avait quantité de papyrus officiels à signer, notamment celui que posa sur son bureau Mer-Amen Tesmich et qui commandait de livrer 115 chars de combat aux hébreux, sans les chevaux. Pour la centième fois, le roi de Babylone lui demandait de l’épouser, elle fila l‘attaché de l‘ambassade aux crocs de son guépard déjà gavé et qui pour cette raison le tua, mais le garda pour plus tard. Non, à bord de son lourd et splendide navire Pamalrâssé, ce n’était pas le moment pour la reine de l’Égypte, portant sur sa tête la couronne neret à double-plume, de rêver de promenades insouciantes sur la plage bordée de palmiers. Elle avait beaucoup de boulot pour tenter de redresser la situation financière désastreuse du pays et vivait à son goût des histoires d’amour trop compliquées. Sur la berge, elle fut distraite un instant par les cris de la gamine à nouveau en pleurs, parce que les gardes venaient de trouver sur elle une poignée de bijoux volés. Pendant que la police coupait le nez et les oreilles de la gosse, Néefiertarée descendit dans sa cabine privée, au confort utramoderne, pour rechercher plus de tranquillité. Elle posa sa croix ânkh sur la table de chevet en rotin, puis s’amusa quelques minutes avec le manche d’un sistre qui normalement chatouillait les oreilles, avant de le remplacer par celui d‘un sceptre floral, plus efficace à la contenter. Ensuite, elle passa dans la salle de bain de son duplex maritime, où trônait au-dessus de la baignoire en porphyre un magnifique miroir de bronze intégré. Désormais veuve d’un plouc, l’ironie de l’existence la rendait seule au monde, tout comme les amoureux, tels ces frais mariés Trêmouatoli et son vizir Mer-Amen Tesmich, qui travaillait à plein temps pour sa légende dans la cabine d‘à côté.  Elle se félicitait d’avoir nommé vizir l‘ancien esclave de son ennemie, ce n’était pas le genre destructeur de traditions et ce nouveau dignitaire ne refuserait sans doute aucune médaille. En lui permettant d’épouser sa meilleure amie et dame de compagnie, Néefiertarée se l’était proprement inféodé. Elle alla le voir sans prévenir, le valet de l’exécutif planchait sur la suppression des droits fondamentaux des constructeurs de mausolée, pour aider aux débats lorsque la pharaonne affronterait les grévistes de Larnak. Il était beaucoup plus doué que Phimosis pour gérer les affaires d’état. Le bonhomme bien bâti leva ses yeux fardés vers la reine et posa son calame sur son bureau encombré, où trônait une petite statuette de sphinx au support gravé du nom de Néefiertarée, qu‘il célébrait.

 

– Ah c’est toi. La crue bousille pas mal d’édifices, éventre les temples et les assureurs commencent à râler sérieusement.

 

– Ce n’est pas moi qui délivre les permis de construire, ni qui m’occupe du plan local d’urbanisme nilotique, on sait quand-même que la crue revient tous les ans. On n’a qu’a coller les responsables locaux aux crocos.

 

– A propos du mouflet de ta belle-sœur, je pensais à un truc. C’est toi l’épouse royale, enfin Ramassidkouch était plus exactement ton mari, mais tu n’as pas d’enfant, ce qui fait Moisi réellement l'héritier du trône, mais il est encore trop jeune pour régner. Cependant, sa mère Schrèptètnuptèt n’est qu’une épouse secondaire. Or, les textes nous disent qu’un prince né d'une épouse secondaire n’accédera au trône que s’il peut se faire légitimer, en épousant une de ses demi-sœurs, ce que seraient forcément tes filles.  

 

– J’ai pas de fille.

 

– Ben voilà, il ne peut pas régner.

 

– De toute façon, il pourra jamais, parce-que si je le retrouve, je vais lui imprimer mon sceau chauffé au rouge sur le front pour le faire fumer par les yeux.

 

– Ce n’est peut-être pas aussi simple que tu le dis.

 

– Occupe-toi de faire jouir Trêmouatoli et de lui faire des mômes, le reste je m’en occupe. Comme elle ne goûtait plus trop la conversion, elle s’en alla en claquant des sandales. Cet imbécile serait bien capable de concocter en douce une loi d’amnistie ou une saleté de décret d’habeas corpus, comme disent les romains, à l’usage de Schrèptètnuptèt et de son gamin. Néefiertarée avait une vision nettement plus radicale sur la façon de traiter les subversifs.

 

Un peu plus tard, le chambellan Tâtsamoul frappa à la porte du salon privé de la reine, pour annoncer la venue de Gémémébeline-Solucebôté, devenu depuis peu conseiller particulier en maquillage royal. Ce dernier était accompagné par un autre sbire bien habillé, ridé comme un vieux figuier et qui sentait la cocotte à plein nez. Néefiertarée toisa longuement les deux hommes, lesquels en restèrent debout comme des flans sur le plancher de bois brut, puis elle laissa l’ancien représentant en cosmétiques se vautrer à loisir dans le piège de la verbosité polie.

 

– O parfaite réjouissance d’Amon, splendeur du cœur de Maât, bien aimée maîtresse des deux-terres et des diadèmes, divine mère, épouse, fille et glorieuse main de dieu, laisse-moi te présenter ici Baravektonpèt, riche négociant, expert en parfumerie et patron de la caravane Diorjadôr. Un homme si respectable que je compte m’associer avec lui un jour pour ouvrir un institut sédentaire de beauté à Thèbes.

 

La pharaonne matérialisa son agrément en leur offrant de s’asseoir sur le grand canapé en peau de zèbre, rendu presque invisible sous les épaisses et envoûtantes fumées de l‘encens. La reine jeta à l’inconnu un regard plus bienveillant ; une tronche de noble suffète phénicien, brave, riche et libéral, ce parfumeur n’avait pas l’air de vouloir saper le pouvoir royal, il faisait même assaut de galanteries raffinées et de propos d‘une aimable fantaisie. Néefiertarée considéra avec courtoisie cet invité huppé, quand bien même il sentait plus fort la bergamote au benjoin que Trêmouatoli, ce qui passait pour une preuve d‘exploit.  

 

– Vous voulez prendre un verre ? J’ai à mon bord des amphores de vin italien et des barriques de bourgogne.  

 

– Un fameux navire que le vôtre, majesté. Baravektonpèt approuva la proposition de boire une coupe de vin celte, tant qu‘une tête coupée de ces salauds de gaulois n‘avait pas baignée dedans. Majesté, j’ai des choses à vous dire. Voyez-vous, je suis descendu jusqu’à vous en canot rapide en profitant du vent, car je me trouvais récemment avec ma caravane dans la ville d’El-Amarné, où se trouve actuellement votre belle-sœur Schrèptètnuptèt.

 

Du coup, Néefiertarée porta une attention toute particulière au parfumeur, elle joua nerveusement avec son bracelet de bras qui figurait un long serpent doré.

 

– J’étais descendu à l’hôtel Royal Livingstone, où j’ai vu deux hommes de sa suite se faire tuer. Aucun doute, ils portaient des sandales en or et brandissaient des fouets. Ils portaient au front le cobra sacré.

 

– Qui les a tué ?

 

– Deux romains qui voyagent avec la caravane d’une entreprise vendeuse de textiles. Ils sont tous partis avec l’héritier de l’Egypte et sa nourrice. Je pense qu’ils ont déjà quittés la ville.

 

– Tes romains s’appellent Veuquetum Fourlanus et Tampax Nostrum, rien d’extraordinaire à leur action, ils sont en service officiel. Ils n’ont pas tué le mioche, tu dis ?

 

– Au contraire, ils avaient l’air de le protéger.

 

Troublé, l’esprit de la reine devint aussi sombre que le caveau de sa grand-mère Tuméménèrabou. Ces enfoirés de l’ONS paraissaient la trahir, ils n’avaient pas de plus empoisonné Schrèptètnuptèt comme il était prévu et la moutarde commençait sérieusement à lui monter au nez. Par une coincidence étonnante, Tâtsamoul frappa à nouveau contre la porte, il accompagnait un émissaire du général Merdenkorinnanâr parti pourchasser Aménorée. L’homme qui s’appelait Ouymélacéférmé-Jesorpaou demandait en urgence à parler à la pharonne, toute affaire cessante. En agitant son beau collier aux rangées de chaînettes, il jetait des regards explicites pour qu’on vire les deux commerçants.

 

– Vas-y, parle, ces deux-là on s’en fout.

 

– Majesté qui maintient l’ordre du monde créé par les dieux, aimée d’eux, encore plus belle de profil que de face, le général Merdenkorinnanâr vient d’intercepter une fuite dans les services d’espionnage romains, en arrêtant le porteur d’un rouleau qui révèle que Tampax Nostrum est en réalité un agent du contre-espionnage de Rome. Le document saisi est un micro papyrus signé de la main même de Nostrum et portant copie de documents égyptiens classés top-secret, comme la longueur exacte de ton bateau.

 

– Ah le salaud de romain, ah je le savais bien ! hurla Néefièretarée devenue hors d’elle, en levant haut les bras, je veux la tête de ces sales traîtres, par Bastet, la déesse de ma chatte, j’en ai marre de ces récits, je veux de l’action, retourne dire à Merdenkorinnanâr qu’il se rende immédiatement à El-Amarné, qu’il éventre Schrèptètnuptèt et qu’il retrouve ces romains puants, le gosse débile et cette caravane de faux-jetons ; qu’il me ramène aussi cette petite traînée d’Aménorée, puisqu’elle est certainement avec eux. Tous ceux-là, j’ordonne qu’ils me soient présentés vivants !

 

– Ma reine, fit Gémémébeline-Solucebôté, après le départ de l’émissaire et lorsque la colère de Néefièretarée fut un peu calmée, je suis sûr que vous apprécierez l’offre de parfums exclusifs que peut vous proposer mon ami.

 

– Mais bien entendu, majesté, ajouta aussitôt servilement Baravektonpèt, en ouvrant avec empressement sa valise promotionnelle. Que préfère porter notre pharaonne, un parfum pschent orange ou pschent citron ?

 

https://zupimages.net/up/18/45/0jx9.jpg

 

Bon dimanche à mes 23 lecteurs.

 

https://zupimages.net/up/18/45/yx5d.jpg

  



Message édité par talbazar le 15-11-2018 à 05:39:29
n°54971850
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 13-11-2018 à 13:37:57  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/46/9nc6.jpghttps://zupimages.net/up/18/46/roh4.jpghttps://zupimages.net/up/18/46/itsy.jpghttps://zupimages.net/up/18/46/gbas.jpg
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Guy Tare.

 
https://zupimages.net/up/18/46/spvz.jpg
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Raymond Ku.

 
https://zupimages.net/up/18/46/fyf9.jpg

n°55016306
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-11-2018 à 11:59:02  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Xavier Kalfaire.

 

https://zupimages.net/up/18/46/t7jr.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion - Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 44.

 

https://zupimages.net/up/18/46/micf.jpghttps://zupimages.net/up/18/46/k4p0.gif

 

Comme ils chevauchaient dans la vallée du Mikosik, courant sur l’immense plaine de la Fée Konde, le majestueux Mont Chauve se dressait à présent dans leur dos. Les Amazonardes revêtaient des casaques en ocelot aux cols de vison et, si un grand nombre de ces guerrières grimpaient sur des chevaux, beaucoup montaient des buffles rapides poilus à trois bosses, avec des couilles énormes. Des chiens de guerre exténués et semblables à des loups se faufilaient au milieu de la troupe, pour bondir en grondant, lorsqu’un sabot menaçait de calmer leur manège importun. Les louvetières de l’ost riaient alors beaucoup de voir leurs molosses malmenés, certaines poussaient même volontiers leur roncin pour les faire déguerpir plus vite. Elles forçaient de cette manière les terribles chiens à redoubler d’aboiements. En dehors de ces grognements et du tumulte de la farouche troupe en marche, les croassements des corneilles et le couinement des marmottes étaient les seules musiques qui troublaient la solitude herbeuse que l’armée des femmes traversait. Les pointes des lances au manche de houx étincelaient d’éclairs que le soleil leur arrachait, alors qu’il se faisait déjà moins vivace à dorer les dentelures des crêtes montagneuses. L’immense plaine de la Fée Konde, triste et grise, n’offrait aux pieds robustes des coursiers qu’une pauvre herbe rase parsemée de bruyère. Entouré de la horde des combattantes aux cheveux noués, Erald cogna les flancs de son cheval trapu pour aller se mettre à hauteur d’Hivalanoué.

 

–  Pensez-donc, messire, voilà de beaux soudards qui n’ont point besoin de barbiers !

 

– Ni d’un fort et solide palan pour monter sur la selle de leurs sombres Yaks, ces gentes jouvencelles m’ont l’air parfaitement armées et fort bien entraînées, admirez-voir leurs carquois remplis de flèches et ce dur acier qui brille sur leurs bliauds !

 

– Mais je vois également sur leurs seins beaucoup de plastrons en cuir brun mal tanné, corrigea Erald. Je trouve quand à moi que leurs chiens puent comme une fosse d‘aisance. Ce sont des filles du diable à l’épée généreuse, certes, mais mon épieu joli saurait bien tempérer ces fougueuses, suffisamment en tout cas pour leur bloquer la digestion, en leur offrant s’il le faut un deuxième nombril, pas trop loin du premier.

 

– Pénitence, pénitence ! intervint William à brûle-pourpoint en cramponnant sa bride pour les rejoindre, j’ai l’ouïe fine, mon sagouin, confesse-nous que tu penses à une toute autre lance, foutrekramouille !

 

– T’es jaloux, rebouteux, lâcha Mélisende, tsu crois tsu que je ne t’ais point vu renifler le cul d’ces câlisse de criss de faces damnées, toi de même ?

 

– Par notre sainte Kramouille, pas tort, ajouta Belbit à son tour, mais j’avoue, j’en aurai moi-aussi les doigts violacés de vouloir les aimer.

 

– Quin toué ! Point la langue qui t’étouffe, maudit nain, tsu papotes, pi tsu pousses ben ton braire, mais va pas bullshiter, t’aurais le bras trop court, c'est-tu clair ?

 

– Jean-Marie, Jean-Marie, ajouta Jean-Marie.

 

– Corne de bouc ! cessez-donc d’haranguer de la sorte, les calma Mirlen, vous allez nous attirer des ennuis avec nos amies, qu’il est pour le moment hors de question de bénir d’épousailles. Occupez-vous plutôt de mener comme il faut vos roussins, vous voyez bien qu‘elles n’ont pas l‘intention de lambiner pour rejoindre leur cité.

 

– Moi je m’en criss, à fin d’toute, de pogner le menou à ces diantre garces, à ces crap de faces à claque de Ginette à boules, cré-moé, je vas t’dire que s’pa mon bag, master.

 

Belbit sortit sa petite flûte pour jouer un air du pays de la Godée, ce qui lui évitait de répondre à la rouquine qui voulait l‘humilier ; puisqu’il rêvait toujours de patauger avec celle-ci et de plonger à demi-nu dans une fondrière en sa doulce compagnie. Campées sur les selles hautes, les Amazonardes firent passer à tous dans une outre de peau un breuvage fort et exaltant. On voyait bien qu’elles se voulaient cordiales, mais Mirlen préféra éviter de tremper son gosier avec un liquide inconnu. Il est vrai qu’en entrant dans la ville aux cris des chiens hurlants, toute la bande était un peu bourrée. Aux abords de la cité aux remparts impressionnants, ils foulèrent l’herbe au pied d’un gros rocher, près duquel des petites filles graves gardaient un troupeau de moutons. Sur cette pierre grise dominait la statue blanche d’une guerrière magnifiée, dont le bras droit levaient vers le ciel son bouclier rond. Sa main gauche pendue tenait un arc, mais la posture générale était clairement triomphante. Pour Mirlen, cet accueil menaçant voulait tout dire, ils n’entraient pas dans l’intimité d’un peuple de lavandières. Après avoir encore dépassé un vieux fortin balayé par la lumière mordorée de l’heure tardive, la patrouille entra dans la ville de Lukycuni. Revenue de sa mission de routine, le détachement de la reine Daenerysk Lémésté ne revenait cependant pas les mains vides, puisqu’il ramenait des étrangers que les Amazonardes n’avaient pas tués. Les lourdes portes en chêne grincèrent sur leurs gonds de bronze, néanmoins personne n’acclama, la fourmilière urbaine ne s’agita pas tout de suite de voir revenir sa reine en son palais ; mais devant la magnificence déployée par cette métropole isolée, la communauté de la gnôle en resta néanmoins bouche-bée. Au gré de longs paliers soigneusement pavés, les rues montaient en lacets jusqu’au centre de Lukycuni, dominé par une massive forteresse carrée dont les tours fusiformes étaient celles que l’on voyait se détacher de loin. Ces constructions étaient toutes haussées au sommet par de belles coupoles dorées, dont la surface bombée reflétait avec intensité le feu solaire.

 

De cette manière, la ville aux dimensions imposantes répondait de façon splendide à l’astre du jour. Enfermée dans son enceinte pierreuse, la cité ne dormait pas, bien au contraire, car sur le flanc du Mont Chauve, il semblait difficile d‘imaginer la vie intense et fébrile que renfermait la capitale des Amazonardes. Beaucoup de maisons avaient leur façade peinte en rose ou laissaient leur pierre apparente, mais toutes semblaient parfaitement entretenues. Certaines bâtisses s’habillaient d’ombre au gré de grands voiles colorés tendus au-dessus des portes et fenêtres. De belles plantes étranges égayaient toutes les allées. Tout au long des rues étroites qui sentaient la bouse de vache et le crottin des biques, Daenerysk reçut cette fois son ovation. Par extraordinaire, il n’y avait que des femmes dans la ville et aucun homme à l’horizon. Le son d’un gong résonna du haut d’un minaret planté sur la structure massive de son palais rosâtre, fêtant peut-être avec une emphase redoutable l’arrivée de sa propriétaire. Un mystère continuait d’intriguer Mirlen, ce royaume féminin n’affichait aucun blason, il en fit la remarque à ses amis, puisqu’on n’en voyait l’orgueil affiché nulle part. Partout volaient de gracieux oiseaux blancs que les gens de Fion n’avaient jamais observés ; ce n‘étaient ni des mouettes, ni des hérons, mais quelque chose entre les deux. On dépassa d’ailleurs une charmante volière en fer forgé qui leur semblait réservée, située près d’un large et beau bassin débordant d’eau courante.

 

Les tours de la porte s’éloignèrent peu à peu, on poussa en suivant les brigandes au milieu des marchandes de peaux de lapin et des aubergistes qui sortaient des tavernes pour faire les curieuses. En arrivant près de la citadelle royale, il fallut emprunter une large rue non pavée, où les roues des voitures avaient tracé de profonds sillons, mêlés aux empreintes des chevaux. Lâchant la discipline et les ordres militaires, certaines guerrières rentraient déjà chez elles, laissant l’escorte plus clairsemée. Presque statue vivante, Daenérisk Lémesté chevauchait empruntée de sa dignité royale, malgré cela ses sujettes n’avaient d’yeux que pour Jean-Marie. Il semblait évident que l’homme-sanglier de Mélisende plaisait fort aux habitantes. Certaines pariaient que ce colosse dépassait sans doute les quatre quintaux, d’autres désignaient du doigt la tête énorme, quelques admiratrices touchèrent ses fortes cuisses en passant, pour mieux valider la rudesse des poils de cette bête humaine,  plus rêches que ceux des Yacks ; il fallait qu’elles tâtent avec plaisir la dureté de ses muscles. L’autre bête, empochant les compliments sans même chercher à les charmer davantage, tant il était peu fin, se contentait seulement de leur sourire béatement en lâchant ses sempiternels « Jean-Marie, Jean-Marie ». Mélisende poussait rudement les fouineuses du pied, jetait des regards noirs aux plus hardies, enjoignant dans sa langue fleurie toutes ces fendantes à gros cul de décolisser rapidement de d’là, manifestant clairement sa froideur en les menaçant de faire ben fort crisette, si jamais ces marde de grébiches continuaient de pogner son abruti. Erald la supplia de faire malgré-tout bonne entente, mais comme ses autres compagnons, il se lassait lui aussi du tumulte enrichi des hauts cris, puisqu’il était chevalier et non pas une simple bête de ménagerie. Mirlen brûlait quand à lui de se jeter sur sa plume d’oie, pour raconter toutes les choses qu’il voyait, sans doute jamais énoncées dans toute la longue histoire du Bonanzaza de Minouland.  

 

Les guerrières se séparèrent enfin et la promenade cessa quand s’ouvrirent les portes du château sur la grande cour. Au cri d’une Amazonarde lancé à travers le guichet, le pont fut levé. La reine entra chez elle, forte d‘une garde désormais réduite, sous la vigilance des archères qui veillaient aux créneaux. Sans attendre, elle manda de réunir le conseil de la couronne. La communauté de la gnôle fut donc conviée à passer derrière un rideau tissé de fils d’or alourdi de gemmes miroitantes, avant de pénétrer dans une vaste salle. De hautes colonnes de marbre noir lambrissé d’argent pur soutenaient la voûte, tous ces piliers étaient surmontés d’admirables chapiteaux sculptés dans une pierre aussi rouge que le sang. Tour à tour, alors qu’elles s’asseyaient sur de grands sièges, la souveraine des Amazonardes présenta aux étrangers celles qui comptaient à ses côtés pour veiller sur son royaume.

 

– Mes blaireaux, certains visages vous sont connus, d’autres non, mais voici mes baronnes de confiance, qui point ne sont persilleuses ou pétardières. Mais faut piger, c’est bien moi et moi seule la taulière de ce bled. Elle pointa tout à tour le doigt vers les femmes présentes, lesquelles hochèrent brièvement la tête à l’écoute de leur nom : Lagourdass Kisenlbrie, Lapétass Anselfie, Bèldejour Mochlanoui, Misengard Yadlèrpès, Sonkusur Lakomod, Délisse de Sister, Arlette Davidson, Poussie Morbac, Sonya Laporte, Biotie Fiul.

 

– Nous sommes honorés, fit Mirlen, parlant au nom de ses amis. Toutes ces dames feraient chef-d’œuvres en peinture, car mon œil ne ment point. La chaleur de cet accueil m’émeut et me donne larmes aux yeux. Il tâchait dans le même temps de deviner ce que chacune de ces femmes hautaines avait dans l’esprit.  

 

– Merci bien du tuyau, vieille cloche, mais beau discours dans lequel j’éviterai tout de même de foncer. Du côté de mézigue, je sais peser le client et vous n’avez pas l’air trop méchants, j’espère juste ne pas me gourer en vous laissant la vie. Bien, on va siffler de suite le gorgeon pour se salir le nez tous ensemble, sans vous tabasser ni vous suriner, et puis on vous filera baignerie, des couvrantes pour la pioncette et une piaule propre dans mon donjon. Ce soir, on fera craquer la ventrée, ce sera fumée divine, oisons, chapons du meilleur prix, moutons et bière. Faut qu’on vous dise que bientôt, on va galoper faire notre razzia nuptiale chez ces tricards de Frissons, le royaume d’à côté, pour qu’on aille aider par la force leurs plus beaux mecs à se vider les burettes.  

 

– Ah bon, fit Erald.

 

– C’est comme ça qu’on se maintient, ici.  Tant qu’on est pas rombière, on garde les petites gonzesses qu’ils nous plantent dans le bide et on leur renvoie les garçons pour qu‘ils se démerdent avec. Naturellement, comme on est du genre saladières et qu’on aime bien chercher la rogne, on se bagarre pas mal à chaque fois. Nos petits sabreurs de Frissons sont jamais joices de partager leur traversin avec des filles comme nous. Surtout qu’après, c’est salutas jusqu’à la prochaine fois ! Ce qui fait qu’on est toujours obligé de leur coller une bonne trempe, avant qu’on les choppe par le colbac, puisqu’on les vérifie un par un, histoire d’éliminer les schtouillards. Nous, les dames de Lukycuni, si on croque la baston, on n’aime pas trop se rôtir le trou à pipi en tirant la crampe, hein, ma grande seringue, pas d’accord ?

 

– Pas la peine de parler de bibi, ça m’a bien calmé l’abricot en folie pour un moment.

 

Visiblement, Bèldejour Mochlanoui avait dû connaître quelque souci de ce côté-là. Pour Mirlen, une information capitale possédait à présent la plus grande importance, puisqu’il existait dans la proximité relative de Lukycuni un royaume voisin, par ailleurs pour le moins hostile aux Amazonardes, des gueuses qui n‘étaient pas plus fleurs vibrantes que veloutées. Le soir, Mélisende Byzenet eut l’honneur de passer la première à l’étuve, après avoir refusé l’offre de Belbit de lui masser le dos. Les autres plongèrent ensuite tous ensemble dans la baignoire pour profiter de la même eau, à laquelle une domestique Amazonarde rajouta plus tard un délicieux broc brûlant.

 

– Vous avez ouïs la reine, un vent d’acier va bientôt pleuvoir sur les Frissons, dit Hivalanoué en se passant avec vigueur le gant de crin sur le torse. Ces malicieuses ne sont point doulces femmes à passer la charrue.

 

– Ce n’est point notre guerre, ajouta Erald, il nous faut déguerpir de cette ville sitôt possible, je n‘aime pas le regard que me lancent leurs satanés chiens aux gros colliers à pointes.

 

– En attendant, je suis las et fourbu, fit William, cette baignade est un délice. Il y a plus chier à mourir et combastre moult vaillamment que fuite villaine.

 

– Messires, vous êtes hommes de cœur et bons chevaliers, dit Mirlen, en rinçant avec les doigts sa longue barbe blanche pour en chasser les poux qu’il nommait perles de Kramouille, agissons en grande vaillandise. Lorsque nous aurons dépassé le Mont Chauve, nous verrons de nos propres mirettes le fameux volcan du Guilidoris dont jamais nous ne fûmes si proches. Là estoit, sur le col du Baizeboudin, que pousse notre fleur de Pinette, nous n’en sommes plus guère éloignés. Nous devons jurer de ce qui a été arrêté entre nous depuis notre départ du Fion, car vous êtes tous bons compagnons.

 

Seul William de Bochibre ne disait rien. Il regardait les autres se donner l’accolade, mais il avait le cœur dur, car ses amis auraient été mult esbahis de le savoir en réalité homme de l’Emperieres Ovoïde Métoian  LXIX, empaleur de Kiess et roi de Mouyse. Lui n’oubliait pas qu’il se gardait le droit de cueillir la Pinette pour lui-même. Puisqu’en faisant ainsi, il épouserait la reine Amanda Blair en doulce mie, serait loué pieusement par ses sujets et procéderait sagement. Pour celui que Kramouille voudra aider, jamais au monde n’éclatera plus grande joie dans son cœur. C’est pourquoi, pour que les autres ne le voient point sourire, le traître satisfait glissa doucement sous l’eau tiède sans rien dire, en se plaçant les mains sur la poitrine, comme s’il gisait en bière. Quand le bain fut fini, après un assez long temps, Jean-Marie se plaça bien droit sous la fenêtre en répétant son nom. Des Amazonardes ravies se plurent alors à vider l’étuve par grands seaux, pour déverser leur contenu jaunâtre sur le géant poilu, ravi de prendre cette salutaire douche froide qui réveillait délicieusement son intérieur de bête.

 

https://zupimages.net/up/18/46/7uud.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/46/jv5u.jpg


Message édité par talbazar le 10-12-2018 à 04:47:52
n°55084142
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-11-2018 à 15:09:53  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/47/zuu9.jpg

 

Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : Man and Dog-Miguel Macaya 1964.

 

https://zupimages.net/up/18/47/12mt.jpg

 

https://zupimages.net/up/18/47/7zqx.jpghttps://zupimages.net/up/18/47/1z8x.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 63.

 

https://zupimages.net/up/18/47/b1k2.jpghttps://zupimages.net/up/18/47/5bh6.gif

 

L’éclair a frappé soudainement dans le désert de Mars, où les mineurs indépendantistes ont imprimé une véritable ville souterraine sous la forme d‘un tuyautage de modules en plastarbone, multiple, dense et compliqué. Au mépris des lois galactiques qui interdisent ce genre d’action, le général Digoule a donné l’ordre depuis l’espace d’envoyer sa mort illégale. Suite à l’action longue distance aussi précise que dévastatrice du missile HFR 412, le cratère de surface atteint des proportions extraordinaires et les premiers niveaux du PC de Fanch Yoland sont totalement pulvérisés, sur une profondeur de 216 mètres. Les structures les plus proches de l’impact n’ont pas résisté au formidable coup de boutoir en provenance de l’orbite martienne et le Tsar se montre satisfait. Quand bien même il y aurait des survivants, il vient d’enterrer vive l’armée ennemie dans son trou à rat, bien incapable de répliquer avec une telle ampleur, ses appareils et moyens d’action militaires sont sans doute en grande partie hors d’usage. De fait, les troupes gouvernementales au sol observent que le brouillage des communications n’est plus aussi efficace qu’auparavant, leurs messages passent mieux et cette annonce réjouissante fait dire au nouveau maître de Mars que sa guerre sera bientôt terminée ; mais il tient à peaufiner encore les estimations avant d‘ordonner l‘assaut final. Il est cependant trop tôt pour qu’il aille en personne observer les dégâts. En attendant et pour satisfaire ses troupes, il a ordonné une cérémonie exceptionnelle à bord de son vaisseau amiral Sharsherman Flash Space Patrol Z-01, avec distribution de coïne, concert de trois jours et aimable participation pornifiante des nonnes et des moines de son éminence. Une célébration frénétique rarement vue sur une durée aussi longue dans un bâtiment militaire. Placé devant le fait accompli, le congrès est tétanisé, l’audace irresponsable de Digoule met Mars dans une situation d’isolement proprement indéfendable, en face de l’ensemble des défédérations comme du tribunal galactique ; puisque cette façon outrageante pour les lois établies de régler un conflit intraplanétaire est absolument inédite.

 

Après l’humiliation de la cour sélénite par la Terre et l’évasion des mis en examen, l’exaction martienne porte en effet un coup terrible à l’ordonnancement des équilibres politiques du cosmos. Certains mineurs natifs de Io commencent même à s’agiter, parlant ouvertement d’offrir une possible indépendance à la lune jupitérienne. Le regard porté sur la situation face aux troubles internes de la planète rouge et la volonté de redorer le blason de la cour ont déjà fait admettre, de façon informelle, aux représentants des différents systèmes défédérés que le général maintient Jolie Goyette et Suzanne Magouine en détention abusive. Un avis que le général tenu au courant de cet avis balaie bien évidemment pour l’instant d’un revers de main. Le général ne semble attentif qu’à une seule réalité, Fanch Yoland et Karela Borounie sont toujours en vie. Tout comme Flash Gourdin, dont il espère le suicide bientôt programmé rapidement par les avocadocs. En attendant d’en savoir plus, Digoule a gelé les avoirs martiens de l’armatrice Vaness Parada et enfin décidé que la loi martiale s’appliquerait à l’ensemble de ses vaisseaux commerciaux de faible et moyen tonnage, désormais cloués comme les autres sur leur orbite. La SGL (Sanchez-Gomez-Lopez) corporation a timidement fait part de sa réprobation, sans insister pour ne pas être accusée de traîtrise. Alors qu’elle avait jusque-là profité d’une incroyable bienveillance de la part du congrès martien, tous les passe-droits de Parada sont officiellement supprimés. Le Tsar sait pertinemment que le transbordeur interstellaire de la puissante administrante, le Ladies no shirts free drinks, s’abrite désormais dans les parages terriens, mais les motifs qui poussent cette dernière à le défier sont flous et lui échappent encore.

 

Au sol, dans les tréfonds d’Utopia, c’est le chaos et la désolation. Combattant pour leur part dans l’esprit des conventions, les rebelles viennent de recevoir un coup foudroyant sans précédent, une explosion fatale qui a provoqué des milliers de morts. Regroupés principalement par sécurité au-dessous du niveau N320 qui fonctionne par ailleurs toujours correctement, les survivants se savent à présent installés dans une survie fragile. Le missile qui a dévoré la surface, en détruisant la plupart des véhicules indispensables, a pulvérisé un grand nombre des systèmes de ventilation, des générateurs de puissance et plusieurs réservoirs d’eau et d’oxygène. L’armée des mineurs indépendantistes se trouve donc de fait en sursis, possiblement plongée à l’agonie. Tous les paliers supérieurs touchés par l’impact sont désormais inhabitables et les soldats manquent à présent d’énergie pour forer correctement de nouveaux tunnels ou  imprimer de nouveaux modules ; ils sont donc proprement pris au piège. L’idée d’une reddition anime d’ailleurs un grand nombre de consciences, d’autant plus que les chefs ne sont plus présents. Les dernières coms donnaient Yoland et Borounie réfugiés dans une serre agricole du côté d’Agannippe Fossa, une base éminemment fragile et facile à détruire. Un jeu d’enfant, même, si la force gouvernementale décidait de réitérer une frappe provenant de l’espace. Ainsi, le silence des leaders se combine à la situation matérielle désastreuse que vivent à présent les rebelles, terrés et plongés dans l’impuissance au sein des secteurs de leur base souterraine encore viables.

 

Peu après la terrible déflagration, remontant en combinaisons étanches et ignifugées du N320 vers les niveaux impactés, antirads et lances au poing, les hommes et les femmes se lancent à l’assaut des incendies dans un tournoiement de fumées dangereuses, pour sauver quelques systèmes vitaux, avant une incandescence plus généralisée qui porterait préjudice aux niveaux inférieurs. D’autres qui les suivent se perdent dans les estimations des dégâts et leur incidence sur la survie de la communauté, mais nul besoin d‘être expert pour admettre que la catastrophe est considérable. L’estimation des fuites est cependant considérée nulle à partir de 310, ce qui se montre tout de même rassurant à court terme. Adriena Karembar, qui commande la base et dont l’ami est porté disparu, a réuni en urgence ses principaux officiers dans un bureau installé au milieu d’une salle de sport du 400, dans le but d’établir un premier bilan, il est évidemment épouvantable. L’épuisement mène au silence, la brune capiteuse, élégante et pleine de charme, capable en temps normal de sourire spontanément autant avec ses grands yeux sombres qu’avec ses lèvres fines, fait donc un effort certain pour répondre aux débats houleux qui l‘assaillent de questions. Les hommes et les femmes réfugiés autour d’elle dans ce secteur récréatif ont les visages graves, eux aussi sont silencieux et soumis au péril mortel engendré par la situation inattendue, puisque la destruction partielle du quartier général fait entrer la guerre dans une phase nouvelle.

 

– On crève de chaleur, fait un capitaine en haussant le ton pour se faire entendre, mais merde, quelqu’un peut pas couper cette putain d’alarme !

 

– Donne-moi plutôt le dernier rapport au lieu de geindre, lance Adriena au chef de division.

 

– Il nous reste 8512 hommes, 2369 sont déclarés perdus au dernier comptage, peu de blessés, les portes étanches à 300 ont bien tenu le choc, au dessus c’est la cata et tout ce qui roule ou vole est bon pour le parc à ferraille. Les scaphandres sont en nombre suffisant, le carbo est maintenu, l’hydrogène aussi, les imprimantes nutris des centrales alimentaires en 408 et 410 sont fonctionnelles et permettent de tenir, le recyclage tourne rond, on a encore de l‘eau en quantité. Trois centres médics en 305, 306 et 310 restent opérationnels et disponibles mais les coms sont complètement perturbées. Pour le moment, la casse est jugulée.

 

– Je l’avais dit à Fanch d’installer un bouclier antimag, lâche un autre type de l’état-major connu pour ses colères terribles, mais c’est trop tard pour gémir, à présent.

 

– Le congrès se moque des lois, cette méthode honteuse est une trahison, estime un autre adjudant-chef, en faisant les cents pas autour de la large table circulaire et escamotable. Puis il stoppe enfin son corps d’athlète à la carrure imposante pour fixer Adriena. Le calme est temporairement revenu, mais ce n’est qu’une illusion, l’atmosphère reste lourde de menaces, parce que maintenant, les troupes défédérées vont certainement débarquer ici pour nous déloger. L’alimentation des imprimantes modules est HS, on a plus les moyens de construire de nouveaux tunnels. Va falloir se débrouiller pour remonter et les attendre, dans le canyon. Digoule n’enverra probablement rien depuis son vaisseau pour épargner ses propres troupes.

 

– Ouais, c’est exactement ça, reprend le colérique, il faut gagner la surface, activer toutes les mines traçantes, puis repartir au combat sans attendre afin d’établir une nouvelle ligne de feu. Ce salaud de vaisseau procède sans doute actuellement à l’évaluation de son tir, ce qui nous offre une accalmie temporaire dont on peut profiter. Mais il n’y a pas de temps à perdre. Nous n’avons pas trois solutions, soit nous restons cloîtrés ici pour les attendre, soit nous remontons pour prendre l’offensive.

 

– Vous vous bercez d’illusion, fait un médecin général, le cœur de la base tient bon pour l’instant, mais je vous rappelle que les garages et les modules de maintenance  sont  détruits. Il nous reste peu de véhicules en surface, disséminés sur des distances plutôt longues. A mon avis, l’aventure va se terminer, nous n’avons plus l’avantage sur Utopia et nous sommes sans instruction de Fanch et de Karela, dont on ne connaît pas actuellement la position exacte. Ils ont probablement dû quitter la ferme pour ne pas mettre sa population en danger. Mais ils sont peut-être morts, j’estime qu’il n’est pas question de lancer le reste des hommes au hasard là-haut pour repousser un danger qui reste flou.  

 

– Tu ne serais pas en train de parler de reddition ?

 

– Je dis simplement que la force n’est plus de notre côté. On ne peut pas rester enterrer éternellement ou combattre désormais à pied sous le feu des Panzigs qui seront parfaitement au courant de nos positions. C’est suicidaire. Voilà la réalité du drame collectif dans lequel on est plongé. Reprendre l’engagement maintenant va certainement nous coûter bien trop cher, pour une issue hasardeuse !

 

Avant que le capitaine énervé ne puisse lui répondre vertement, le chef de la structure médicale est appelé à rejoindre en urgence la clinique du 305 soudainement tumultueuse de vie, puisqu’elle vient de recevoir une vingtaine de gars hébétés, la plupart atrocement défigurés.

 

– Pouah, fait l’officier costaud après le départ précipité du médic, sous un fanal de lumière verte qui se met brièvement à clignoter, ce gars pue la défaite à plein nez. Le pire, c’est qu’il va faire des émules. Beaucoup ne voudront plus se battre, s’ils n’ont plus d’engins pour les appuyer.

 

– N’empêche qu’il n’a pas tort, tempère Adriena, l’environnement de la base est devenu sacrément hostile pour notre liberté. Pas la peine de nous gonfler d’insultes, il n’est pas question de se rendre, ni de fuir notre destin. Nous ne seront pas les victimes de l’histoire, la cour galactique va sans doute offrir à Digoule un procès croustillant. En réalité, la cause reçoit un supplément d’âme avec ce drame de prétoire, le congrès ne tardera pas à connaître le revers de la médaille pour ce qu’il a autorisé dans une opacité totale. Ce sont les administrants et les grandes compagnies d’armateurs qui distribuent les capitaux, je doute qu’ils vont se satisfaire d’un résultat aussi erratique et la guerre n’est pas terminée. Je vous rappelle que le business martien est complètement gelé et que tout ce que demandent les armateurs, c’est de débloquer rapidement le trafic, pas forcément de nous éliminer.

 

– Alors ?

 

– Alors, on va s’adapter au contexte, tenter de joindre Fanch et Karela, compter sur le travail législatif intergalactique, examiner le meilleur moment pour quitter la base et étudier le bon moyen de repousser l’adversaire, de manière à lui reprendre la zone s’il se pointe ici. Rétablissez au mieux nos fréquences, je veux un inventaire précis des engins d’escorte, de transport et d’appui qui nous restent en dehors de la base, même les plus lointains, afin de procéder à leur regroupement. On verra ensuite pour engager un processus d’assaut. Nous n’allons pas rester sur la défensive et il faut sortir au mieux de ce casernement forcé.

 

– Sortir tout le monde là-haut va se montrer plutôt coûteux en énergie, je pense toutefois que si on en fait la priorité, on doit y arriver. L’idée de quitter la base est insupportable, mais en surface, avec des effectifs peut-être moins importants, c’est nous qui devrons décider du lieu de l’affrontement.

 

– Mettez tout ça en place et occupez-vous de clore le bec en douceur aux défaitistes. Il est vital que nous n’ayons qu’un seul point de vue sur la situation. Digoule veut sa guerre finale, nous allons lui donner.

 

Une fois restée seule, Adriena Karembar glisse son corps longiligne par une trappe très étroite percée dans le plancher, pour descendre l’échelle qui la conduit de tunnel en tunnel vers une salle moins confinée. Dans la pièce blanche surchargée d’équipements de fonctionnement concernant l’exploitation du niveau, quelques rebelles en train de s’activer autour du matériel la salue respectueusement au passage. Dans son implant, la chef de la base peut constater la faille produite sur le brouillage des communications puisqu’elle reçoit, sans aucun parasite, le message clairement audible d’un bauobersoldat de la SGL, l’enjoignant à une reddition immédiate et inconditionnelle.

 

https://zupimages.net/up/18/47/dx9l.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/47/801u.gif

 


Message édité par talbazar le 27-11-2018 à 07:09:41
n°55099940
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-11-2018 à 09:08:59  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Gilbert Egagne.

 
https://zupimages.net/up/18/48/abdn.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Antoine Ettemarie.

 
https://zupimages.net/up/18/48/7n31.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Catherine Océros.

 
https://zupimages.net/up/18/48/338x.jpg
 

n°55133052
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-11-2018 à 09:06:17  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : L'abbé Kane.

 
https://zupimages.net/up/18/48/swg7.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Yves Apastaire

 
https://zupimages.net/up/18/48/sxnd.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Jacques Euduc

 
https://zupimages.net/up/18/48/uug4.jpg
 

n°55153412
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 02-12-2018 à 11:21:01  profilanswer
 

En exclusivité, quelques captures d'écran de la formidable série en cours de tournage, tirée par HBFLIX de notre sympathique roman.

 

https://zupimages.net/up/18/48/6028.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La jet larguée. Extrait numéro 37.

 

https://zupimages.net/up/18/48/0c31.jpghttps://zupimages.net/up/18/48/szqm.gif

 


 Dans les entrailles de l'épave immergée dans la boue, la Chose qui dormait depuis des milliards d’années vibrait et palpitait sans matière, à l’unisson des ultrasons émis par les boîtes noires. Ces dernières pulsaient toujours sous la queue incendiée restée sur le tarmac, mais dans l’autre carlingue enfouie au fond du marais, l’esprit des ténèbres percevait parfaitement le signal des petites balises, dont le blindage rouge sang contenait le CVR et le FDR, les données audio et les paramètres de vol enregistrés avant le crash. Au fond de la soute envahie par la vase, gisait le coffre d’acier contenant le Nonotetrocon écrit avec du fluide vital humain, où s’éveillait lentement la matière informe et l’essence monstrueuse de Ghduluh, le sombre démon qui avait autrefois dévoré l’auteur du grimoire. A l’image d’un cristal noir entré en résonance avec les minutes terribles précédent l‘accident, la Chose louée par les prières de l’ouvrage s’était déjà amplement nourrie des cris d’angoisse lancés dans l’appareil, un véritable déchaînement de terreur glacée qui avait ranimé l’indicible horreur à la vie. La sublime catastrophe avait comblé d’extase l’effroyable créature affamée, assoiffée par l’épouvante causée par la tragédie de cette débâcle aérienne inespérée. Elle avait bu les morts avec délectation. Maintenant, les ondes émises par l’engin délabré franchissaient les parois du coffret, glissaient entre les pages jaunes des archives karachiques, dopaient Ghduluh comme autant d’incantations sauvages, en l’incitant à se manifester. Les fréquences régulières liaient entres elles les formules et les prières vénéneuses arrachées du néant, l’exhortaient à s’échapper du Livre pour entrer en création et lâcher sur le monde son souffle mortel. Les signaux irriguaient la funeste entité tapie dans la fange, en lui faisant miroiter la présence toute proche d’organismes vivants. Le nuage sans apparence n’avait pas besoin de voir ou de respirer pour se convaincre de leur réalité, la vie infestait en abondance l’île de Badigooince, dans ses multiples manifestations. Toutefois, Ghduluh focalisait son attention sur les humains, dont l‘existence physique se confirmait d‘heure en heure à l‘ectoplasme maudit. A présent, les fréquences inaudibles ranimaient le vieux monstre sans âge qu’avait déjà évoqué le scribe de la mort Abdul Zinée, en traçant simplement son nom avec son propre sang. Les gammes ultrasonores extirpaient l’horreur de son berceau de végétaux décomposés, le conviaient au festin des âmes, l’appelaient à se repaître de l’atrocité, ouvraient pour lui toute grande la porte des enfers pour y pousser ses victimes innocentes. Ghduluh n’avait pas besoin de cœur ou de cellules pour accomplir son funeste ouvrage, il n’était qu’un bruissement de l’air saturé de poison. Ghduluh ne possédait ni griffes ni yeux, il n’était qu’un esprit sans substance provenant du bas monde et dont la sieste millénaire se terminait enfin, pour marquer sans pitié ses victimes du sceau de sa propre damnation. Il lui fallait des sacrifices, il lui fallait hanter les hommes trop bien heureux de cette terre, investir leur esprit, leur appliquer le châtiment suprême et nourrir sa vengeance à leur dépend ; car Ghduluh prospérait et vivait avant tout de la peur qu’il infligeait aux êtres qu’il décidait d’éliminer. La chose primitive se gorgeait d’un air irrespirable et à chaque minute, elle devenait plus puissante, détaillant hors de son coffre les terres inondées, la jungle touffue et surtout, surtout, le haut volcan où s’agitait à ce moment une troupe conduite par un met de choix. La flamme sacrée cognant dans la poitrine de cet écervelé semblait très attrayante, le Livre maudit devint brûlant. Il y avait d’autres gens au cœur de la forêt, beaucoup d’autres, mais la Chose les délaissa, leur tour viendrait plus tard. Affermi par son but odieux, Ghduluh s’échappa hors du grimoire qui le retenait jusque là prisonnier, glissa par la serrure de sa cage métallique et mué en une sorte de fumée impalpable, il remonta des profondeurs aux miasmes presque liquides. Les singes sur les branches virent avec inquiétude se dissoudre aussitôt l’ectoplasme au contact de l’air, un vent glacé qui les plongea soudain dans une crainte incommensurable. Ghduluh en tua deux, pour honorer ceux qui avaient permis sa résurrection, il s‘attarda un peu dans le marais, de manière à se repaître en grande volupté du chant de leur petit râle pathétique. La peur animale n’avait cependant pas la qualité de l’effroi humain.

 

Le tonnerre éclata subitement sur la montagne qu’arpentait Eloi de Pouillet et ses fidèles. Un éclair brillant illumina le groupe harassé qui chercha au plus vite l’abri d‘un buisson. Avec leurs arbalètes sur les épaules, les hommes et les femmes jetaient au guru des regards furtifs, comme si leur chef avait le pouvoir de faire cesser d’un simple geste cet orage violent, dont les bourrasques tordaient les palmiers comme de simples pailles. La plus fragile des désignées alla se réfugier entre les bras secourables de son guide, il s’efforça de la rassurer en lui caressant les cheveux.

 

– La pluie nettoie ce vieux monde poussiéreux, mes frères et mes sœurs, encore un effort et nous atteindrons le sommet pour y bâtir la nouvelle Jérusalem. Ayez confiance en moi, puisque je vous promets pour bientôt la paix ultime et surtout,  jugez bon de rendre hommage à mes visions. Bientôt, vos vies agitées vont prendre sens, nous serons délivrés pour toujours et vos cœurs éclairés par ma lumière s’en réjouiront. Je vous conduis sur le chemin du bien, sans pitié pour les ignorants, la vérité est une charge que je veux vous aider à supporter avec joie et résignation. La petite se pressa plus fort contre lui, la main d’Eloi lui caressa le téton avec volupté. En vérité, mes très chers amis, mes frères et mes sœurs, vous êtes les plus belles créatures de dieu. Pouillet se délecta encore un instant du sein droit de sa protégée, avant d’ordonner à la troupe galvanisée par ses paroles de reprendre sa marche sous l’averse tropicale, alors que l’orage redoublait pourtant de force.

 

Il y avait bien évidemment quelque chose de mystique dans cette progression des fidèles qui déambulaient dans la jungle sous leurs vêtements trempés. La pluie torrentielle qui s’abattait sur eux s’accompagnait de bourrasques qui arrachaient les feuilles des arbres. Parvenue presque au sommet du volcan, la compagnie dominait à présent la beauté sauvage de l’île qui s’étalait en couronne à ses pieds. Ceux qui suivaient le guide en courbant leur échine mouillée se contentaient d’avancer en combattant leur fatigue, ils n’avaient plus envie de réfléchir. Ils unissaient leurs forces et la seule chose qui comptait à présent était de gagner le sommet, de se reposer et de calmer leur faim. Il était tellement bon de se sentir unis et vivants, la présence des compagnons et la grande idée de leur but leur donna un regain d’énergie pour grimper, puis Eloi de Pouillet estima qu’ils étaient enfin arrivés. Au-dessus de la clairière choisie, le soleil brillait à nouveau en majesté.

 

– N’oubliez pas que nous dépendons les uns des autres, vous pouvez à présent vous partager la nourriture et vous restaurer. Sa portion de singe bouilli servie par la petite blonde ne fut cependant pas la plus mince ni la moins choisie. N’oubliez pas non plus, manger est important, mais notre communion sacrée l’est encore plus !

 

Tant qu’il ne viendrait pas heurter l’opinion générale, les choses se passeraient bien. Le ciel franchement bleu lui donnait un regain de confiance en sa mission, c’est à cet endroit que se dresserait sa cathédrale et en attendant, ses ouailles allaient s’attacher à construire quelques cabanes, bien qu’ils aient peu d’outils disponibles. La vue sur l’océan était magnifique, après leur repas et un temps de repos, les gars et les filles brassaient déjà les feuilles des palmiers et les entassaient près de lui, pris d’un affairement communicatif. Pouillet jugea que ce n’était sans doute pas le moment de se retirer pour faire l’amour à la gamine. Il se leva pour se mettre lui aussi à la tâche, et s’offrit même pour soulager aimablement de leur charge le couple des plus âgés. La fonction de prophète n’empêchait pas d’être psychologue, c’était même la meilleur façon de la maintenir. Le mot d’ordre était solidarité et partage, la communauté avait confiance en lui, il espérait sincèrement ne pas avoir un jour à braquer son pistolet contre eux. Les voix joyeuses s’associaient au caquetage des oiseaux, la vision de la jungle était de toute beauté, la vie collective que le guru s’apprêtait à dominer se montrait intéressante, il règlerait à sa manière tous les conflits, avec juste ce qu’il fallait dans l’attitude pour se montrer aimable et souriant, tout en montrant la plus grande fermeté dans ses principes. Il était en pleine forme physique, inondé d’amour saint pour sa formidable vision, dont la céleste inspiration s’accompagnait du son éclatant des trompettes embouchées par le chœur des anges. La nature sauvage et inviolée l’environnant lui composait une Ode divine parfaitement savourée, ses pensées jouaient de la flûte et les fidèles mettaient en place le toit d’une troisième hutte. Le maître satisfait approuva leur ouvrage, la main fièrement posée sur la hanche, avant de donner un baiser sur la bouche de sa sœur désignée. Le frottement des voix dans son dos et les rires assurés se chargèrent de le persuader que les autres approuvaient, il délaissa gentiment la fille pour rappeler à tous ce qu’ils allaient par devoir accomplir sur ce site extraordinaire. Ils prièrent tous ensemble, en levant haut les bras, Pouillet avait demandé qu’ils réunissent un cercle autour de lui, la paix et le recueillement transcenda le groupe comme s’il incarnait un organisme unique, on communiait avec le Tout, on s’abreuvait à la force de vie au sein d’une expérience hors-norme et forcément essentielle. C’est dans ces moments-là que le guru affichait la plus grande bienveillance à l’égard de ses fidèles, mais il savait bien dominer complément ses sujets, lesquels avaient somme toute choisis de le suivre de leur plein gré. Deux jours après leur arrivée au sommet du volcan, ils étaient justement plongés dans leur extase collective, psalmodiant bras en l’air et yeux fermés, lorsque passa rapidement au-dessus de leurs têtes cette saleté d’hélicoptère.

 

https://zupimages.net/up/18/48/e9di.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/48/id8p.jpg


Message édité par talbazar le 07-12-2018 à 05:48:38
n°55196080
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-12-2018 à 19:49:52  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/49/9nhg.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/2jgj.jpg
 
https://zupimages.net/up/18/49/74ll.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/u04k.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/n9cu.jpg
 
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Francine-Emma de Kartié.

 
https://zupimages.net/up/18/49/zpou.jpg

n°55223833
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 08-12-2018 à 08:13:48  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/49/axwb.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/i7ef.jpg

Le congélateur muséographique.
 
Aujourd'hui : August Roeseler pour le magazine Fliegende Blätter - 1908.

 
https://zupimages.net/up/18/49/1vhc.jpg
 
https://zupimages.net/up/18/49/gm79.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/g1f0.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/wafq.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/8sw2.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/e6q0.jpg

n°55235208
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 09-12-2018 à 15:10:41  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 57.

 

https://zupimages.net/up/18/49/9s1z.jpghttps://zupimages.net/up/18/49/e6cb.gif

 

Porte close, Martin Smith admirait le merveilleux corps dénudé de Vaya Condios. Sauf que les plumes exposées par ce couple d’oiseaux n’étaient pas vraiment les leurs, bien que les seins en profil d’avion pointés sous le nez du faux privé ne puissent faire illusion. Van Degaffe ayant lui-même endossé la parfaite apparence du détective, il la trouvait bien gironde à virevolter à poil devant lui, la maquerelle des bouis-bouis. Provisoirement métamorphosée en sublime créature, Blanche Pearl minaudait effectivement à outrance, portée par l’exaltation d’une certaine intimité ; il temporisa l’enthousiasme du vieux clone en lui proposant de trinquer d’abord avec un Jack Daniels. La créature sexy approuva du menton à la fois la dose et l’ajout de quelques glaçons dans son verre. Le bellâtre à la belle carrure qui lui faisait face n’avait plus rien du nabot plissant ses yeux myopes sous ses horribles loupes ; dans la peau élégante de Martin, le savant jouait les beaux gosses et observait cette féminité exposée sans cacher l’évidence de son désir. La situation scabreuse ne semblait déplaire ni à l’un ni l’autre, puisque le rêve érotique se mariait de façon parfaite à l’illusion, Blanche cambrait la croupe et retrouvait sous les traits de Vaya le plaisir d’être séduisante, Van Degaffe fêtait les retrouvailles d’une joyeuse sexualité. Ces deux êtres improbables interprétaient donc leur rôle avec une sincérité brûlante, comme si leur nouvelle apparence n’était en réalité qu’un simple déguisement charnel, propre à magnifier la licence la plus débridée. Le toubib glissa la main sur la douce cuisse de Blanche pour s’aventurer vers son sexe délicat, en partageant avec elle une conscience décisive. Elle-même s’engagea à mettre en forme le pénis demandeur et ne cacha plus son émotion, puisque aucune joie ne se partage mieux que le plaisir sexuel. Ils se troublaient conjointement de leurs caresses insistantes sur les corps effrontément empruntés, sans aucune culpabilité, puisqu’au bout du compte, ils restaient eux-mêmes en se sachant troublés par leurs propres émotions. Ils se regardaient avec un regard neuf, la vieillarde décatie ainsi renouvelée incarnait avec brio une féminité de la chair presque fragile et Hubert s’engageait sur un même parcours d’abandon, cultivant une fausse identité dont ils savaient très bien tous les deux qu’elle ne pourrait durer. Il y avait en effet forcément quelque chose de fortement excitant dans cet ultimatum biologique, puisque l’adénoplastie moléculaire mise en œuvre par les appareils de Degaffe ne leur offrait qu’une douzaine d’heures à vivre dans le corps d’un autre, avant un retour complet dans leurs anatomies propres. Van de gaffe n’était pas le genre de mec à prier le bon dieu avant d’aller se coucher et affublé de ce physique solide, il n’y avait pas de danger qu’il ne vienne à s’essouffler trop facilement dans l’effort. Sous l’insistance des doigts de ce dernier qui pétrissaient ses fesses parfaites, la poitrine de Blanche aux joues joliment carminées se souleva doucement, sans quelle ne veuille chercher à dissimuler le moins du monde son propre trouble. Atténuant provisoirement cette fusion passionnelle, ils se séparèrent tout de même un instant pour savourer leur boisson.

 

– J’ai chaud, fit Blanche à son étrange amant, ce volcan est carrément caniculaire et la climatisation de vos locaux est toujours capricieuse.

 

– Nous tirons toute l’énergie nécessaire à l’ensemble des bâtiments en plongeant directement dans le magma, il y a certes quelques inconvénients à vouloir contrôler cette formidable matière première. Savez-vous que le nom latin de canicule veut dire petite chienne ? C’est ainsi que les anciens nommaient Sirius, une étoile très lumineuse de la constellation du Grand Chien qui se couche l’été avec le Soleil. C’est pourquoi les antiques associaient Sirius aux grandes chaleurs d’été.

 

– Je vous promets de mon côté une soirée torride, monsieur le savant. Elle laissa glisser son doigt fin sur la joue bien rasée du faux Martin. Il frissonna une peu sous le court parcours de ce geste sensuel. C’est moi votre petite chienne, pour le moment.

 

– Je n’en doute pas, Mahomet n’a t-il pas dit que dans l’extase, un lit de pierres devient plus suave qu’un matelas de plumes ? Il regretta aussitôt cette affirmation un poil explicite et préféra se lancer dans une nouvelle exploration du corps de cette femme sublime. La tentatrice qui perdait tranquillement la boussole insista avec un souffle précipité pour qu’il la prenne debout, là, tout de suite.

 

– Vous voulez que je vous dise, trésor, lui répondit-elle avec la bouche en cœur, je suis certaine que la position du missionnaire était sans doute enseignée de façon pratique par les missionnaires eux-mêmes.

 

Au terme de leurs ébats torrides et de la polyphonie des cris exaltés qui égayèrent leur nuit, vint le moment où le temps devait inexorablement sanctionner la possibilité de vivre dans un corps différent. Van Degaffe fit descendre un peu les draps, pour admirer une dernière fois la poitrine de Blanche, parce qu’elle était encore pour une heure ou deux encore celle de la voluptueuse Vaya Condios. Cessant la singularité d’une union dissoluble, il leur fallait à présent retourner au labo pour se soumettre au scanner 5d, se câbler au détecteur et contrôler au mieux l’inversion de la bi-transmutation pour annuler sans risque la décorporation génétique. Une étape délicate non dénuée de dangers, mais pour l’instant toujours réussie, qui ne laissait au couple que le regret d’une intense sublimation. Van Degaffe ne mélangeait pas les expériences, Blanche Pearl avait décidé de renoncer provisoirement à rajeunir elle-même, préférant se mouler dans une apparence étrangère. Lui-même prince cynique d’une certaine forme de décadence, le savant avait renoncé à toute analyse des contradictions de la vieille maquerelle et de la complexité de ses motivations. Il lui suffisait que l’ancienne patronne du Tripoli accepte de venir le retrouver de temps à autre sous les traits de Vaya. Les feuilles des arbres n’ont pas toutes le même vert et en réalité la transformation physique l’amusait trop, il avait tellement de plaisir à contrarier la nature, dont il devenait pour quelque temps le maître grâce à son génie, en dépit de ses ennemis. Ce n’était pas la fin du monde qu’il mijotait au fond de ses éprouvettes, mais le début du monde, il possédait en lui tellement d‘idées pour imaginer tant de futurs différents. Son carnet disparu regorgeait de projets à la complexité croissante. De retour dans son laboratoire et ayant réintégré son apparence, il était là debout, au milieu d’appareils énigmatiques aux lignes parfaites, pour reprendre en solitaire son existence souveraine. Il se pencha sur la cage de Belle 2K10, le cobaye supposé remplacer Echo 16. Deux jeunes assistants surveillaient sans rien dire ses travaux mystérieux. Le scientifique s’apprêtait à transfuser au rongeur un peu de son nouveau plasma prometteur, lorsque Joe Gangsta vint l’interrompre soudainement. L’homme de main était accompagné par Pitou le Tatoué et Ricki le Dingo qui patientaient dans son dos. L’insistance de l’homme qui désirait lui parler obligea Van De gaffe à oublier son rat, puis à occulter sur un écran quelques considérations sur la culture de cellules pluripotentes induites qui allait sans doute lui faire obtenir un nouveau brevet ; il se méfiait de tout le monde, y compris de ses propres hommes. Même si Joe Gangsta, ce crétin au pistolet coincé dans la ceinture, n’aurait pas su inventer l’eau tiède. Ses mentions honorables, cette ordure les avait obtenues en prison.

 

– Que me voulez-vous ?

 

–  Brüder Karamasow a tenté de se suicider, Grand Tonio l’a trouvé dans sa baignoire, il s’est coupé les veines avec un morceau de miroir, on l’a conduit de justesse au bloc médical, le toubib dit qu’il est à présent hors de danger. Karamasow clame qu’il a fait une erreur en perdant son cobaye, mais qu’il ne pourrait supporter de ne plus être à la tête de la Samsara outre-Atlantique, comme vous l‘avez paraît-il décidé.

 

– Quel imbécile, de confondre travail et amour-propre ! Moi je ne dépense pas une fortune pour un simple logo ou des brochures idiotes, voir me préoccuper d‘un cadre fiscal optimisé. Ce gars a de la chance d’en connaître un rayon sur la pluripotence des cellules et sur ma méthode personnelle de vieillissement réversible, mais j’ai encore malheureusement besoin de lui. Quand il ira mieux, collez-le avec les autres, ils se chargeront de le dissuader de remettre ça, en tout cas mieux que vous. Peut-être arrivera t-il à faire cracher spontanément à Smith où se trouve le carnet de bord que j’ai hélas perdu. Nous avons lui et moi une problématique commune, mais la construction de mes savoirs a encore besoin de ce type. Je le veux en pleine forme et sous haute surveillance.

 

C’est ainsi que le poignet bandé, le directeur déchu fit son entrée en se chatouillant l’avant-bras, dans le loft confortable déjà occupé par Martin Smith, Vaya Condios et F. Gordon Strazdinovsky. L’homme à l’aspect sévère les salua d’une voix grave et presque enrouée. Mais en réalité, son expression prouvait qu’il montrait peu d’intérêt pour cette nouvelle compagnie, avec qui il allait devoir désormais partager l‘habitat, dans l‘endroit le plus secret du monde.

 

– Qui êtes-vous ? lança Martin Smith, en regardant l’inconnu avec un air un brin suspicieux.

 

– Eh bien, je m’appelle Brüder Karamasow et jusqu’à hier, je veillais en tant qu’administrateur principal aux intérêts américains de la Samsara Foundation.

 

https://zupimages.net/up/18/49/0578.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/49/ecih.jpg

 


Message édité par talbazar le 11-12-2018 à 10:34:24
n°55277712
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 13-12-2018 à 15:08:52  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/50/6shm.jpghttps://zupimages.net/up/18/50/8dui.jpghttps://zupimages.net/up/18/50/kfoe.jpghttps://zupimages.net/up/18/50/06lf.jpghttps://zupimages.net/up/18/50/k18z.jpghttps://zupimages.net/up/18/50/08n7.jpg
 
Le congélateur muséographique.
 
Aujourd'hui : Saul Tepper (American, 1899-1987). The Patient, Saturday Evening Post interior illustration, 1927.

 
https://zupimages.net/up/18/50/hdqb.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Léopold Derdehollande.

 
https://zupimages.net/up/18/50/jty9.jpg
 
 
 

n°55291527
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-12-2018 à 09:58:22  profilanswer
 
n°55354960
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-12-2018 à 17:06:59  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/51/w6gi.jpghttps://zupimages.net/up/18/51/3hop.jpghttps://zupimages.net/up/18/51/9do3.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 46.

 

https://zupimages.net/up/18/51/4b3b.jpghttps://zupimages.net/up/18/51/rd5m.gif

 

Rue Saint Lazare, les bâtiments qui encadrent la vie trépidante de Paris proposent en ligne de fuite un ciel uniformément bleu et de bonne augure. Dans l’un de ces immeubles de pierre crème, sans rien dire à Antigone, Angèle a finalement pris rendez-vous avec Raymond. Cédant au pouvoir d’attraction du moustachu, elle a en définitif accepté de poser nue devant le photographe, sur la promesse de rencontres futures très utiles. Le style vestimentaire assez stricte qu’elle affiche ce jour-là, pantalon et tricot lâche, contraste néanmoins avec l’objet de sa destination. Une apparence discrète qui traduit peut-être dans son choix une forme de refus inconscient d’aller offrir avec autant d’insouciance ses formes avenantes devant l’objectif. En marchant vers son but, la jeune fille est tiraillée par de multiples contradictions qu’elle s’efforce d’évacuer au mieux, puisqu’elle a fait son choix. Il est aussi question qu’elle reçoive pour ce sacrifice une rémunération conséquente, mais pour Angèle, cet aspect financier de la proposition n’est pas ce qui compte le plus, elle espère bien davantage en révélant ses précieux charmes. Raymond s‘est montré là-dessus très persuasif. Il a subtilement réussi à la mettre en confiance, en l’appâtant sur le fait que ces clichés osés allaient la propulser plus rapidement vers un avenir radieux. Sur le mur devant lequel elle s’arrête enfin, une main de la rébellion qui couve dans les rues a peint en noir « Quand la jeunesse à froid, le monde entier grelotte », mais Angèle aurait plutôt chaud ; elle doit admettre que son appréhension n’est pas exempte d’une certaine excitation. Il ne va pas être question de proposer à l’appareil de Raymond un jeu d’actrice élaboré, mais simplement d’offrir au monde l’éclatante évidence de sa beauté naturelle, une situation qui ne devrait pas demander un effort insurmontable pour évacuer son trop-plein de pudeur. Angèle Boudiou se persuade d’ailleurs que vedettariat et timidité excessive ne peuvent faire bon ménage, elle a donc décidé de faire pleinement confiance au photographe professionnel, pour qu’il magnifie sa nudité. Elle croit au projet proposé et espère sincèrement que le résultat final sera à la hauteur de ses espérances. Tout le monde a sa chance, mais il faut sans doute donner énormément de soi-même pour recevoir beaucoup, c’est en gardant à l’esprit cette logique développée habilement par Raymond que la sœur de Gaston grimpe l’escalier de l’étage, pour se rendre dans l’appartement transformé en mini-studio.

 

L’homme se montre avenant et lui présente son meilleur sourire, il lui parle de tirages limités, de cahier bonus dans une revue américaine, de couvertures de romans, il lui parle de carrière, de mise en avant spectaculaire grâce au doux sacrifice qu’elle concède, il tire avec efficacité sur la bonne corde et s’efforce avec brio d’être rassurant. Il lui propose de rehausser le rouge de ses lèvres dans la salle de bain, place dans son attitude une joyeuse désinvolture qu’il veut communicative, le photographe se montre bavard et assure à son modèle qu’elle est un véritable cadeau du ciel, tout en se préoccupant d’un important souci de luminosité. Raymond est rompu à l’art de la persuasion, puisqu’il se proclame maître de la mise en scène érotique. Puis il le prouve aussitôt en collant sous les yeux d’Angèle quelques photos de joies filles nues déjà réalisées, de belles photos sobres prouvant ainsi qu’il est doué pour sublimer le corps féminin et la beauté des femmes, en couleur ou noir et blanc. L’esprit d’Angèle admire les images et vogue malgré elle vers un désir de fortune, de grande villa, de Bentley dans le garage et d’un mari aimable. En dépit de la cuisine minable et l’aspect vraiment quelconque de l’appartement, les dernières craintes de la jeune fille finissent par s’évaporer, alors que ses grands yeux naïfs se perdent sur l’immense rideau blanc et la forêt des projecteurs encombrant le salon tout entier. Un espace voué de toute évidence au seul mitraillage photographique. Autant de preuves matérielles que Raymond est dans son domaine de compétence, alors qu‘il exprime encore avec force le plaisir qu‘il ressent de travailler avec elle et surtout pour elle. Il l’abreuve d’un discours aussi savant qu’épatant sur le langage des yeux. Soudain très calme, Angèle, devenue assez fière de sa propre audace et complètement rassurée, est prête à s’effeuiller pour sa gloire personnelle, aveuglée par les intenses lumières de l‘aventure prometteuse braquées sur elle, puisque le photographe vient en sifflant d‘allumer tous ses projos. Dans le cœur battant d’Angèle qui s‘efforce de prendre un air angélique et presque virginal, coule le flot impérieux de la liberté, elle est à présent impatiente d’offrir son corps d’adolescente sublime aux outils de l‘artiste confirmé. Elle n’est pas cependant venue là pour lui jouer du Shakespeare mais pour montrer son cul.

 

– Je me déshabille ?

 

– Non, attend un peu. J’ai besoin de confronter les points de vue, je dois te dire que j’attend des confrères, mode et cinéma, peut-être un producteur, c’est important que tu sois vue par d’autres que moi. Ils prendront des clichés eux-aussi, c’est normal, mais seuls les miens compteront, au final. Eux, c’est juste pour se faire une bonne idée sur ton potentiel. Ton rôle, c’est juste de donner le meilleur de toi-même, si tu veux que ta réputation suive au niveau du plus large public possible.

 

– Ce n’était pas prévu. Prise d’un excès d’angoisse, Angèle ressent pour le coup un brin d’affolement à l‘idée d‘être exposée face à des inconnus.

 

– Allons, tu ne vas pas m‘apprendre les règles du métier, tout de même ? J’attend un autre modèle, aussi.

 

A peine a t-il terminé sa phrase qu’une fille de l’âge d’Angèle sonne effectivement à la porte. Une belle brune aux beaux yeux rieurs, très à l’aise dans une robe largement décolleté sur un buste magnifique. Elle embrasse Raymond comme s’il s’agissait de le croquer. Cette concurrence soudaine heurte un instant les sentiments d’Angèle, laquelle doit combattre sans trop le montrer un brin de jalousie. L’inconnue s’appelle Barbara et son salut cordial ne rassure pas pour autant celle qui s’estime à présent sa rivale. Cette intervention décevante n’était pas non plus prévue, d’autant plus que cette nana n’a pas l’air d’avoir froid aux yeux, mais plutôt d’être sans aucun complexe une fille qui ose être une fille. De toute évidence, ce n’est pas la première fois qu’elle pose pour le photographe, mais ça n’empêche pas qu’Angèle ressente un désagréable sentiment de trahison.

 

– On a beaucoup de monde, aujourd’hui, Raymond ? Lance la fameuse Barbara qui s’allume sans façon une Royale.

 

– Un peu. Bon, je vais faire quelques clichés, pour montrer à Angèle comment ça se passe.

 

– Ok boss, fait Barbara, en tombant sa robe sur le champ. Elle se présente alors entièrement nue, sans aucun sous-vêtement, sous le regard perplexe d’Angèle.

 

Presque aussitôt, Raymond prend ses photos avec son appareil monté sur un trépied, Angèle est fascinée par les poses de plus en plus obscènes qu’il préconise et que Barbara exécute sans perdre le sourire, puisqu‘elle semble rompue à cet exercice. Un quart d’heure plus tard, on sonne à nouveau à la porte, un panel de types s’engouffre dans le couloir, cinq en tout. Deux jeunes et trois vieux habillés comme tout le monde, ils sont tous équipés d’appareils photos bon marché.

 

– Messieurs, je termine avec Barbara et je suivrais avec Angèle, qui débute dans le milieu, n’en dites pas trop, je ne veux pas l’intimider.

 

Mais la troupe de ces étrangers n’est pas bavarde, elle profite juste de l’étrange séance en cours pour photographier Barbara à son tour, sans cacher une évidente excitation. Barbara montre tout, se tient les seins, écarte grand les jambes et se penche en avant, offre ouvertement une intimité que l‘époque ne rasait pas encore, elle prend des poses vraiment vulgaires, les projecteurs l’inondent d’une lumière trop violente. Angèle est prise d’un vertige étrange, partagée entre répulsion et tristesse, il lui semble que ce qui est en train de se pratiquer devant elle, c’est tout sauf de l’art. La prestation pornographique explicite offerte par la brune acrobate vise une performance bien différente. Bien loin des clichés presque sages montrés par Raymond tout à l’heure, sans doute astucieusement triés par lui au milieu des plus inoffensifs. En proie à un certain malaise en observant les poses aguicheuses et lubriques de Barbara, puis la mine réjouie des observateurs occupés à la flasher, Angèle qui pleure à chaudes larmes va s’isoler un moment dans la salle de bain ; parce qu’elle a enfin compris. Il s’agit-là tout bonnement de pornographie confidentielle. Raymond n’est qu’un salaud de prédateur qui loue de très jeunes filles pour les soumettre aux voyeurs de la ville, en offrant à ces hommes contre une grasse contribution de pouvoir les photographier sous toutes les coutures. Des photos d’art, ah oui, tu parles ! Désemparée et triste, sous le regard ironique de Barbara et la moue indignée des « invités », Angèle aux illusions détruites va quitter en colère l’appartement avec précipitation, non sans avoir auparavant giflé l’autre espèce d’ordure, sans lui avoir offert ne serait-ce que l‘ombre d‘un poil.

 

https://zupimages.net/up/18/51/sinc.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/51/l8w0.jpg


Message édité par talbazar le 23-12-2018 à 23:01:44
n°55362596
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-12-2018 à 14:00:53  profilanswer
 

Le congélateur muséographique.
 

 

Aujourd'hui : Walter Frederick Osborne - Feeding the Chickens [1885] .

 

https://zupimages.net/up/18/52/66mr.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Jean Foutre.

 

https://zupimages.net/up/18/52/2caq.jpg

 


Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Les frères Capucins.

 

https://zupimages.net/up/18/52/azbe.jpg

 


Joyeux Noël à tous !


Message édité par talbazar le 25-12-2018 à 14:19:34
n°55388588
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-12-2018 à 17:55:32  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/52/s3ac.jpghttps://zupimages.net/up/18/52/s6dt.jpghttps://zupimages.net/up/18/52/jja2.jpghttps://zupimages.net/up/18/52/x1ow.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 92.

 

https://zupimages.net/up/18/52/aw45.jpghttps://zupimages.net/up/18/52/ye48.gif

 

A l’orée d’El-Amarné, les paysans désoeuvrés par la crue organisaient dans le mirage révélé d’une palmeraie des courses de chiens, en suçant des dattes. Ils frappèrent ostensiblement du pied la terre humide pour prévenir les autres, lorsque passa devant eux la grande caravane. Ils se cognèrent le coude, tant ils trouvaient admirable la splendeur des couvertures protégeant les marchandises, parce que ces tissus empruntaient au ciel son azur. Ce train somptueux ne suivait pourtant pas la grande route officielle construite par la SNCL, la société nationale des chemins de litière, mais plutôt la piste d’un discret itinéraire de découverte perdu entre les dunes, ce qui ne faisait pas crouler les fellahs incrédules sous une avalanche de précisions. Les gros chameaux portaient une bonne charge et le bâton de Tépénib frottait durement le cul de ses mules, parce qu’elles cherchaient en passant à se remplir l’estomac avec les choux et les salades des potagers qu’ils longeaient, avant de reprendre la piste à regret. Les animaux croulaient tous sous la charge excessive de leurs produits, mais il paraissait évident que cette caravane révélait deux groupes bien distincts, d’après les sigles ONS et CGP tatoués sur les bestiaux ; une stratégie d’union des commerçants pour se protéger sans doute d’éventuels pillards. Valisensouth, fâché d’avoir marché par inadvertance sur un bébé gerbille en foulant le sol, avait quand à lui très hâte de quitter les zones habitées. Il cognait de temps à autre du doigt sur les jarres portant Keskiya et Moisi, pour savoir s’ils allaient bien et à chaque fois, la nourrice et le précieux moutard répondaient que oui. Le soleil peignait en majesté sur les hautes palmes ses rayons couleur de miel et la chaleur était très vive, le sable chaud offrait à chaque foulée des éclats blancs et scintillants ; mais les pauvres hères qui saluaient la caravane de la main ne formaient rien d’autre qu’un élément de plus dans le décor. Dans l’ombre des voiles de sa litière, Chuiotaf montrait de son côté tous les signes de la solitude existentielle, alors que, couchée à ses côtés, Aménorée caressait tendrement son ventre rebondi. Elle laissait le PDG de l’entreprise de poteries mariner seul dans son introspection, tout en s’amusant à déchiffrer les déictiques, les apostrophes et les interrogations muettes qu’elle s’amusait à décoder sur les lèvres mouvantes et lippues de son patron. Il fallut un temps bref pour que la jeune fille réalise qu’il venait vraiment de parler tout haut.

 

– Appelle ton père et son associé, je voudrais discuter de certaines choses avec eux.

 

Aménorée tira le rideau pour apostropher Valisensouth lorsqu’il passa à sa portée afin de transmettre, en bonne secrétaire dévouée, l’invitation de sa direction. Lorsque le PDG de l’ONS et Tépénib furent confortablement installés, Chuiotaf plaça devant eux un plateau de loukoums à la rose avant de prendre la parole.

 

– Chers amis, il est inutile de vous rappeler la situation, car si la police vous arrête, vous êtes morts. Je vous propose un arrangement salvateur qui peut permettre de régulariser la situation pour franchir les barrages. Je vous propose de transformer nos deux entreprises en un corps sociétal unique sous mon unique direction, histoire de bouleverser le présent pour éclairer votre futur. Si vous me céder légalement vos parts de l’ONS, vous aurez certainement une plus grande chance d’échapper aux contraintes extérieurs, lorsqu’on vous demandera de présenter vos papiers. La solution que j’envisage est provisoire, bien entendu.

 

– Comment ? Valisensouth s’était bloqué en pleine mastication, au risque de s’étouffer. La menace a ses limites, il n’est pas question de fusionner nos intérêts à votre profit, surtout qu’on manque de bonnes sources statistiques concernant les risques d’arrestation, d’ici à la frontière libyenne.

 

– Je m’inscris simplement dans un projet d’aidant à aidé, les shardanes recherchent les patrons de votre caravane, pas de la mienne. Je vous laisse la gestion de votre trésorerie et le soin de vous démerder avec vos salariés, mais mon diagnostic est sans appel, la crise va passer et vous broyer rapidement, si vous restez sans couverture. Je conçois votre posture critique, mais comprenez qu’une interdépendance novatrice commerciale et financière est pour vous le seul facteur de sauvegarder vos vies à l’heure actuelle. Qu’importe le comportement des consommateurs de tissus ou de poteries, si l’ONS entre sous mon contrôle dans le giron de la CGP, la nouvelle configuration combinera, de manière bien entendu temporaire, efficacité économique, justice sociale, préservation de l’environnement et surtout la garantie que vos propres libertés individuelles seront épargnées des geôles de la pharaonne et de ses crocodiles.

 

– Pas de licenciements massifs dans cette nouvelle communauté de destin portée par d‘aussi nobles valeurs ? interrogea Tépénib, qui savait que les démons se vautrent toujours dans les détails, surtout que le vrai patron de l‘ONS, ce n‘était pas lui.

 

– Mais, non, mais non, le rassura Chuiotaf. Bien que j’ai toujours personnellement préféré m’appuyer sur la compétence des esclaves bénévoles, l’effet structurel d’une caravane pilotée sous mon unique direction nous offre simplement la promesse d'une heureuse diversité commerciale, synonyme de plus grandes richesses et surtout, de pouvoir nous balader partout en toute sécurité, puisque vous serez devenus les anonymes et modestes employés de mon entreprise.

 

– A l’heure de la crise, je n’ai peut-être pas le choix, reconnu Valisensouth, mais ta femme va râler, Tépénib, c’est sûr, son prestige va en prendre un coup.

 

– Amétatla va me tuer, ouais, tu veux dire. Je dois rappeler aussi qu’il nous manque un associé pour signer le contrat de cession. Il s’agit tout de même en l’occurrence de Mer-Amen Tesmich, le nouveau vizir de l’Egypte en personne.

 

– Justement, on prétextera de sa nouvelle fonction pour laisser en blanc, ou bien on pourra sous-entendre une prise illégale d’intérêts de sa part. Chuiotaf se tourna vers Aménorée, puis pointa son regard vers les deux hommes. Il y a autre chose qui pourrait vous décider à me confier votre entreprise, puisque j’aimerais épouser cette jeune fille et adopter son enfant, parce que je suis vieux, célibataire et sans descendance. Vous voyez que vous n’avez rien à craindre, l’ONS restera bien dans le giron de la famille. Amétatla peut être rassurée.

 

En présence de son père, Aménorée n’osa pas objecter, mais si elle répugnait à devenir la jeune épouse de l’autre débris, elle ne voyait là que l’unique moyen de protéger efficacement son futur enfant. Cette combine paraissait la bonne, d’autant plus qu’en devenant la femme du nouveau patron, elle allait faire, à moindre frais, main basse sur un fameux pactole ; quand bien même il s’agissait d’une certain manière de déposséder ses propres parents. Ce mariage l’arrangeait bien, finalement.

 

– Je suis d’accord, fit-elle simplement en avalant une bouchée de loukoum, un mariage, ça vaut mieux que de croupir bien raide et froide dans une saleté de sarcophage.

 

– Faudra quand même que tu évites le rouge à lèvres, parce qu’en Egypte, il est depuis toujours réservé aux putes spécialistes de la fellation.

 

– T’aimes pas les pipes ?

 

– C’est pas la question.

 

C’est ainsi que Chuiotaf fit passer les papyrus entérinant le projet de fusion des deux entreprises et le passage de l’ONS sous sa direction propre, avant que Valisansoùth et Tépénib n’y apposent leurs cartouches en guise de signature. Chuiotaf se frotta ensuite les mains avec soulagement.

 

– Messieurs, grâce à ce nouvel accord, je vais niquer proprement la concurrence gauloise et nubienne sur les marchés à la fois textiles et potiers !

 

https://zupimages.net/up/18/52/4ot0.jpg

 

Bon dimanche de justesse.

 

https://zupimages.net/up/18/52/a2hp.jpg

  



Message édité par talbazar le 06-01-2019 à 18:32:44
n°55437182
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 06-01-2019 à 13:43:10  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion - Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 45.

 
https://zupimages.net/up/19/01/13fg.jpghttps://zupimages.net/up/19/01/7s3r.gif
 
Les eaux boueuses et froides de la Mouille roulaient en vagues noires devant l’armée du Fion, une troupe à l‘esprit héroïque qui ne pouvait les traverser sans se noyer. Le Marais-Jean enfermait dans ses brumes l’assemblée guerroyante aux lances d’aulne brandies, mais aucun de ces soldats n’était vraiment un bâtisseur de pont, il fallait bien remonter la source de cette rivière pour marcher vers Kiess. La discipline personnelle semblait le devoir de tous, mais beaucoup pensaient dans l’effort que la terre du p’tit lieu formait un fief maudit. Les soudards harassés montraient des visages rudes et la froidure qui tombait sur ces berges semblait très difficile à vaincre, piétons et chevaliers grelottaient sous les peaux qu‘ils vêtaient par dessus les armures. Les corps endurcis tremblaient pourtant, sans trouver le sommeil, dans l’obscurité des nuits longues et maléfiques trouées de flambeaux. Le jour, les charrettes attelées des belligérants peinaient à trouver leur chemin dans le bourbier de cette voie de terre, puisqu’il n’y avait pas de chaussée praticable, pour cette raison on avançait lentement. Le soir, tout le bois abattu en journée donnait pauvre flambée, surtout quand arrivait la pluie, c’est à dire souvent, mais les hommes fourbus cheminaient sans faillir, du lever au coucher du soleil, sur une carte hasardeuse dont le monde avait presque perdu le secret. On piétinait dans les herbes hautes, tout en pestant sur le besoin de fauchaison pour avancer, avant de camper sous les ordres dans les tentes dressées dans de vaines pâtures, mauvaises jachères qui n’appartenaient selon toute vraisemblance qu’à de puants démons. L’armée cheminait à présent sur une piste rude, mais humbles et chevaliers se persuadaient que leur bonheur dépendait moins d’un bon confort que d’une belle victoire gagnée pour leur reine adorée. Voilà pourquoi, afin de ne pas l’oublier, les plus nobles d’entre eux portaient en médaillon une mèche des cheveux d’Amanda, qu’aucun seigneur vivant ne pouvait cependant délurer sous la couette. Chacun savait qu’on bataillait pour une triste dame, dont la couche en son logis se gelait comme la plus froide des sépultures et pourtant, même le plus enroué portait grande fierté de clamer très fort ses louanges : Amanda Blairiscus Kramouille gratia Fionnais regina regnat !
 
   Sur son cheval solide, le seigneur Jean Bon de Always, seigneur de l’Essexenrut, désigna de sa botte ceux qui devaient prendre hache pour bûcheronner, puis il descendit de sa monture pour prendre avec ses puissants barons quelques doulces lichées d‘hypocras, en portant à ses lèvres son pot de vin privatif décoré de son propre blason. Il choqua sa pinte dûment remplie contre celle du chevalier Calagale, pareillement lestée.
 
– Ha, ha, savez-vous que lorsque l’on met des draps neufs dans un lit, l’ange de notre Sainte Kramouille y dort jusqu’à ce que le cul du dormeur y fasse un vent ?
 
– Voilà un dire qui ne manque point d’une grande profondeur, messire, c’est bien connu ; mais j’ajouterai comme il me semble que pet ne signifie point vesse, fort heureusement !
 
– Holà beaux sires, ajouta de son côté le massif comte Juvenal des Oursins, puisqu’il voulait trinquer à son tour, laissez-moi donc vous chanter la noble complainte des pauvres lavandières que l‘on trousse au lavoir !
 
– Vingt chevaux sont morts derrière nous, tempéra brusquement Jean Bon, j’en ai l’appétit coupé, car cette tumultueuse rivière de la Mouille est trop méchant bouillon.  
 
– Kiess est encore loin, ajouta Juvenal, mais même le plus simple écuyer saura faire son devoir. Quand nous aurons gagné la ville, nous nous interdirons de faire des prisonniers qui nous retarderaient. Il se trancha la gorge du doigt en un geste explicite. Grâce à notre vaillante arrivée, l’Ovoïde Vazy Métoian sera pris à revers en son château de Mouyse et nous lui arracherons la peau du dos.  
 
– La bagarre promet d’être sévère et périlleuse, mais nous aurons bon marché de ce vilain, assura Jean Bon en trinquant à nouveau, son trésor se fondera bientôt dans celui de la reine pour laquelle nous luttons !
 
 – Et le royaume de Mouyse entrera sous son autorité légitime ! Messires, fit Calagale en levant haut son gobelet, grâce à notre action méritoire, Vazy Métoian LXIX est en train de livrer son dernier combat. En vérité, nous frapperons prochainement des médailles pour fêter l’événement.
 
– Allons, mes dox amis, sur ces suaves paroles reprenons selle dès maintenant, répondit Juvenal en terminant cul-sec, car Gaultier Quilamolle nous attend.
 
 Un matin, au détour d’un chemin caillouteux, on tomba sur quelques toits de chaume et plusieurs huttes de bûcherons. Impressionnés par la puissante armée, les gueux avec des nez aux rougeurs inquiétantes et qui logeaient en ces lieux forestiers, d’abord silencieux, en vinrent à dire qu’ils étaient les sujets de la reine Touatulanîkée, laquelle trônait dans sa toute proche et bonne ville de Touatuakagué. Après moult débats animés entre ses proches barons, Jean Bon de Always décida de porter son errance vers la cité. Il envoya l’un des marauds pour offrir son message de paix, un parchemin destiné à éclairer la monarque sur ses bonnes intentions. Le vieux paysan, au visage tanné par les cuites et le soleil des champs revint promptement, pour déclarer que Touatulanîkée acceptait en bonne amitié de serrer la main de l’homme qui conduisait l’armée du Fion. Elle espérait tout de même qu’on n’aurait pas à se combattre les uns et les autres et que pour l’instant, elle préférait plutôt laisser parler son cœur, ajoutant que cet organe ne lui servait pas qu’à respirer. C’est ainsi que, glissant avec soulagement sur ce sillage de paix, les gens d’Amanda se présentèrent devant les douves de la ville intrigante pour palabrer. Caroline-Marie-Thérèse-Charlotte-Antoinette-Touatulanîkée se présenta aussitôt en personne, portée en amazone par sa douce haquenée et Jean Bon de Always en fut carrément subjugué. La reine à la précieuse couronne fut pareillement charmée par la prestance et la corpulence du seigneur étranger, tant il est vrai qu‘elle cherchait quelquefois un homme qui veuille bien l‘épouser. Calagale et Juvenal se poussèrent du coude en souriant, l’affaire se présentait au mieux.
 
– Ainsi donc, messire Jean Bon du Fion, vous cheminez en ma contrée avec des chevaliers armés, il n’est donc point question de venir chez moi pour danser la carole comme aux fêtes de mai. Je veux bien vous faire la faveur de franchir mes grilles avec vos officiers et laisser les autres camper aux abords de ma ville, mais il me faut d’abord calmer mes gens du guet.  
 
– Belle Dame, point doy maudire cette journée de vous rencontrer, car je n’ai pas l’épée en main contre vous, ni nul grief pour secouer mon pommeau envers votre royaume, puisque mon host marche sur celui de Kiess, car j’ai pris lance et bouclier pour vaincre le roi de Mouyse au nom d’Amanda Blair du Fion, my lady la grande brune, l’imburnée, reine des mandales, pleine des derniers hommes, l’amère des officiers dragons, calice de la grande merdeuse, pour qui je vais mourir debout, dessus mes estriers.
 
– Elle sera fière de vos prouesses, j’en suis déjà jalouse car je vous vois digne d’estime. Je vous souhaite barbe blanche, longue vie et que Kramouille vous bénisse. Allons donc au château pour que vous me contiez plus amplement votre récit, j’entends d’ailleurs d’ici les ménestrels chanter.  
 
– Ma dame,  j’aurais plaisir de voir les jongleurs pirouetter et je concède à vous narrer, allons donc boire en votre beau logis, maintenant, car j’en ai bien envie et mes cumpainz aussi.  
 
 
https://zupimages.net/up/19/01/d4wz.jpg
 
Bon dimanche à tous.
 
https://zupimages.net/up/19/01/0k5s.png

n°55466277
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 09-01-2019 à 10:21:03  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 64.

 

https://zupimages.net/up/19/02/zhmv.jpghttps://zupimages.net/up/19/02/ibeo.gif

 

Fleuron des bâtiments terriens, la tour présidentielle perce l’immensité de la mer de nuages avec élégance, fière de mettre dans l’arrogance de sa hauteur une distance infranchissable entre son luxe et la jungle dangereuse des rampants. Comme toutes les constructions terriennes, la base de ce lieu du pouvoir et des décisions concernant la planète est protégée par un puissant bouclier magnétique, lequel empêche toute interférence entre les citoyens normaux et les réprouvés nomadisant en parias sur le sol ruiné. La vie dans les cimes en plastibéton est saine et soigneusement contrôlée, ses parcs splendides aux fontaines délirantes, ses minuscules forêts aériennes et ses champs cultivés avec soin, constamment renouvelés par des apports martiens, offrent une existence agréable au confort bienvenu. Il y a bien longtemps que la défédération terrienne s’épanouit toute entière au-dessus d’un vide aussi vertigineux que rassurant, pour échapper aux miasmes contaminés de son plancher dévasté. La volonté de s’élever avait été un choix ancien à l’époque des désastres, préférable pour les décideurs à la construction d’une station orbitale, la civilisation terrienne garde donc les pieds ancrés fermement au socle de sa planète, qu’elle ne visite plus jamais, laissant ce terrible sort à ceux qu’elle condamne. Désormais, seul le grand ciel traversé par des nuées de véhicules variés relie les villes sous cloche affublées de piliers démesurés, lesquelles accueillent également sur leurs astroports un constant trafic interplanétaire. Au sommet de la tour présidentielle, le palais entièrement vitré de Joke Esgala forme un arc parfait à la courbe élégante, posé comme un joyau de verre au centre d’un large disque cristallin. Le siège du pouvoir semble ainsi entièrement dédié à une sorte de symbolisme de la transparence. La fragilité proposée par les culminantes cités terriennes n’est qu’apparente, l’orbite de la planète est en réalité âprement surveillée par une forte armée, vigilante à contrer toute menace extérieure qui voudrait s’attaquer à ses flèches éthérées. Grand Contrôle terrien observe d’un œil impitoyable tous les invités de ses métropoles perchées, bien qu’il ne s’agisse depuis toujours que d’oiseaux innocents ou des navettes vomies par les lourds transbordeurs spatiaux, si nécessaires au commerce interstellaire des administrants.

 

Un matou poilu flotte en l’air, couché sur un coussin soyeux porté par une sustentation invisible, Vaness l’abandonne sans l’avoir réveillé, après une ultime caresse entre les oreilles à peine frémissantes. Elle est encore troublée par les effusions de ses charmantes dérives nocturnes avec Joke Esgala et glisse à présent aux frontières d’une fatigue heureuse, sans espoir de bonus, puisque son président vient de tout lui donner. Les grandes baies de la chambre offrent un panorama nocturne enchanteur, où vient de glisser en solitaire un Scootkijet X-42 Rocket Space, alors qu’un peu plus tard, virent sur la même trajectoire deux Turbojetskis Gama A9 Space Patrol Ship de la police. Un peu plus haut, un bruyant Spacemob TC Rex Car s’échappe en passant devant la lune et la brillance d‘une fusée gagnant les étoiles est visible de loin. De jour comme de nuit, le ciel de la Terre n’est jamais vide. La blonde sensuelle observe son histoire d’amour couchée sur le dos, elle s’approche sous le mince halo de lumière pour passer ses doigts sur le torse abondamment pileux, qu’elle trouve aussi doux que celui du chat. A présent purgé de toute passion charnelle, le président terrien sourit et semble lui-aussi très satisfait de son fougueux rendez-vous galant avec la riche armatrice.

 

– Je ne comprends pas tout, Vaness, ta compagnie bénéficie de passe-droit et réalise des ventes mirifiques grâce au blocus martien, pourquoi vouloir jeter de l‘huile sur le feu en provoquant Digoule ?

 

– Peut-être parce que ce général est une affreuse créature et que je m’ennuie, tout simplement.

 

– En faisant de moi ton bras armé ? C’est un peu culotté, ma chérie. Faute d’approvisionnement, tous ceux qui commercent avec Mars se serrent en ce moment la ceinture de scaphandre comme jamais auparavant. Mais toi, tes propres vaisseaux profitent sans souci de cette situation, la pilule que tu viens de me faire avaler passe mal, je dois tout de même le dire. Mars et la Terre entrerons peut-être en conflit à cause de notre alliance, je devrais plutôt te botter le cul, au lieu de t’aider.

 

– Hum, une idée prometteuse, ça. Elle embrasse son amant sur la bouche avec fougue, avant de s’allonger à ses côtés. Mars est tombée sous l’emprise d’un militaire qui fourbit actuellement les armes de sa solution finale contre les indépendantistes, ce type n’est qu’un criminel à l’œil sec, tu le sais aussi bien que moi. Elle se love plus fortement dans les bras offerts. L’assouplissement des restrictions commerciales dont j’ai bénéficié est terminé, de toute manière. J’ai une excellente raison d’être sensible au cri de guerre martien, Joke, mais surtout, tu dois savoir une chose qui n’excuse rien mais qui explique tout, je suis la sœur de Karela Borounie, même si à la mort de notre mère, dont elle porte le nom, nous n’avons pas été élevées ensembles. J’ai hérité de toute la fortune de notre père, un armateur vénusien furieux de savoir sa cadette entichée d’un obscur mineur, il est sans doute temps pour moi de rétablir un certain équilibre. Notre père nous a quitté à 76 ans, c’était un homme influent qui commerçait déjà en douce avec pas mal de pirates sur le marché noir, j’ai aussi hérité de ses combines, mais il me préférait et n’a jamais vraiment voulu s’occuper de ma jeune sœur, elle a passé son adolescence loin de lui dans une ferme implantée près de Gorgonum Chaos. Karela a vécu comme une orpheline et n’a jamais eu ma chance, à présent je ne le supporte plus, je ferais tout pour satisfaire ses choix en aidant les rebelles qu‘elle commande. Je l’ai retrouvée et je lui en ai fait la promesse. Aussi bien que tu le fais pour moi, puisque tu dis m’aimer et que tu me proposes un certificat de pornifiage officiel.

 

– Sous tes airs de bourgeoise, tu es sacrément folle, Vaness, mais par les frasques de son éminence, c’est précisément ce que j’aime le plus en toi. Il appuie impulsivement ses dires d’un baiser sur le front. Tu m’as forcé la main en faisant évader les prisonniers maintenant réfugiés ici, mais Digoule vient de commettre un crime encore plus grave, en tirant son missile depuis l’espace. Le cénaz terrien négociera peut-être facilement l’exaction que tu as commise, mais Mars paiera le prix pour avoir bafoué les lois galactiques, aucune planète ne soutiendra dorénavant ses actions. Il se pourrait même que la cour galactique ne voit pas d’un mauvais œil que la Terre s’en mêle, c’est du moins ce que je dois espérer, même si je préfère personnellement éviter une telle rivalité. Il me faudrait aussi convaincre mon propre congrès d’entrer dans la danse.

 

Au lendemain de cet échange intime, les invités martiens profitent de l’éclatante lumière de la matinée au bord de la gigantesque piscine suspendue du palais. Alors qu’un rob M2R propose aimablement à chacun une canette de Maloku, un breuvage fort surnommé « liqueur des violeurs » par les solides mineurs de Io, Silbie Vortan, propriétaire du transbordeur Hairy chest, n’a pas de mots assez cruels pour appuyer sa rancœur envers Vaness Parada ; oubliant un peu vite que cette femme vient spectaculairement de la délivrer du tribunal sélénite. L’administrante en exil forcé envoie balader au passage le M2R, puisqu’à l’issue d’un médiscan non réclamé, le robot vient de lui proposer d’agir en douceur sur un excès de masse graisseuse, qu’il propose gentiment de résorber plus tard. L’engin contrarié se contente donc de lui délivrer sa boisson sans rien ajouter.

 

– Comment peut-on faire confiance à cette aventurière qui trafique avec ceux qui nous volent ? Il est de notoriété publique qu’elle traite avec les pirates, espère-t-elle nous rançonner auprès du congrès ? Cette opportuniste tire profit de tout.

 

– Vous-êtes bien amère, lui lance Nikos Sirkisi, ne serait-ce pas de la pure jalousie ?

 

– Pour qui me prenez-vous ? Mon cargo et mes avoirs sont confisqués, j’ai laissé un mari et deux fils sur Phobos, alors que cette femme réalise toujours des affaires en dépit du blocus de la loi martiale qui nous affecte tous, c‘est un fait.

 

– Après ce qu’elle vient de faire, ajoute Jack Giriaque, je pense que c’est terminé.

 

– C’est vrai qu’elle semble aussi pornifier sans contrat avec le président terrien comme la dernière des nonnes, ajoute perfidement Maria Coulos, l‘ex-cénaztrice de Noachis Terra.

 

Steve Magouine, Claoudio Françaoui l’ex-cénazteur de Sabaea et l’Oberleutnant Franck Sonotrou ne disent rien, parce qu’ils sont les premiers à voir arriver Vaness Parada aux bras de Joke Esgala. L’armatrice jette sur Silbie et Maria un regard plus ironique que menaçant.

 

– Mon implant me rapporte de biens vilains propos, mesdames. Rassurez-vous, nous sommes à présent dans la même navette. Le Ladies no shirts free drinks est condamné à stationner en orbite terrienne et trois de mes barges martiennes seront sans doute bientôt arraisonnées par l’armée. Je perd beaucoup en voulant vous aider.

 

– Mon cerveau ne fonctionne pas mieux à cette idée, lui répond Silbie, vous êtes plus vénusienne que martienne, vous ne siégez pas à notre Congrès, pourquoi faites-vous ça ?

 

– Bon. Il est temps d’élargir votre horizon, Karela Borounie est ma sœur et je suis comme vous, je veux juste que la paix soit gagnante à nouveau.

 

– En pratiquant votre suicide économique ? lance Steve Magouine, alors qu’il se tourne en fait vers Joke Esgala, mais c’est absurde !

 

– Je suis plutôt pessimiste actuellement sur le sort des indépendantistes, fait Joke en répondant à la place de sa maîtresse, leur résistance est sur le point d’être vaincue. Votre conflit ne la regarde en rien, cependant il se peut que la Terre soit obligée de prendre à ce sujet quelques initiatives.  

 

– Borounie, votre sœur ? Nikos toise Vaness parce qu’il n’en revient toujours pas de connaître cette vérité, pourquoi agir maintenant ?

 

– Parce que, répond Vaness en acceptant la canette glacée offerte par le rob complaisant, la politique de Mars a brusquement changée et que Digoule s’est lancé avec intransigeance dans une voie d’extermination. Carrière interplanétaire et profits sont des choses intéressantes, c’est entendu, mais j’ai réalisé que je voulais faire autre chose de ma vie. L’idée que ma sœur va se faire égorger par ce général pervers me soulève le cœur plus que jamais. Je vous propose mon soutien, parce que d’une certaine manière, je suis plus libre que vous. Comme elle pense avoir tout dit, elle se libère du bras musclé de Joke pour plonger dans la piscine, qu’agrémentent des lotus et quelques nénuphars roses.

 

Il fait presque trente degrés et le soleil n’est pas encore au zénith. Un essaim assourdissant et compact de jeunes grimpés sur des Spacemobs et des Turbojetskis passe en zigzaguant près du palais, avant de se laisser tomber en piqués rapides, probablement  très fiers de narguer ainsi la sévère sécurité du palais. Six cent étages plus bas, le son rageur et électrique d’une guitare égaye une large terrasse, où doit se dérouler une prière privée. On entend d’ailleurs chanter les cantiques rituels de son éminence, alors que les beaux visages des nonnes sous coïne se noient dans leurs longs cheveux multicolores.

 

https://zupimages.net/up/19/02/932k.jpg


Message édité par talbazar le 10-01-2019 à 07:34:01
n°55497049
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 12-01-2019 à 11:42:28  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La jet larguée. Extrait numéro 38.

 

https://zupimages.net/up/19/02/k5zt.jpghttps://zupimages.net/up/19/02/6nii.gif

 


 Sonja Sweet Peticoeur attrapa le sachet de pop-corn à faire soit-même dans le placard, un emballage plus grand et plus dodu qu’un paquet sac de chips familial. Elle le fourra ensuite dans le micro-ondes, blop, paf, blap, ça marchait super bien. Elle déversa les flocons de maïs chauds dans un grand saladier en plastique et quitta la cuisine pour se rendre dans le salon, où la télé allumée patientait. L’avocate ne portait qu’un collant noir sous son peignoir blanc et deux chaussons roses décorés d’énormes pompons pelucheux, des attributs qui lui donnaient à eux seuls le look d’une variété de housewife banlieusarde au repos. Elle attrapa d’une main la commande et s’étala avec délice sur le sofa, piochant déjà de l’autre par joyeuse gourmandise les grains éclatés. Elle partait pour une soirée tranquille et n’attendait personne, ce qui l’autorisait à enlever sa paire de collants, elle les fit donc glisser sur ses longues jambes sans même y penser, avant de balancer la boule soyeuse à l‘autre bout du canapé. Elle croquait son maïs soufflé légèrement sucré en attendant les infos sur la chaîne Danmon Kanal, laquelle ne proposait en attendant qu’une émission spécialisée dans les enquêtes criminelles. Sonja replia ses jambes et calma de la main une démangeaison au niveau de son pubis nu, il n’y avait rien de consciemment sexuel dans ce geste, elle hésita tout de même quelques secondes avant de s’arrêter. Devant ses yeux, un type avec une gueule de circonstance examinait l’assassinat de Sandra. B. 23 ans, au visage plutôt quelconque, tuée de trois coups de couteau au thorax au troisième étage d’une résidence calme. Une voix-off précisait que le meurtrier avait laissé le manche du couteau dans le vagin de la victime et selon la télé, ce ne pouvait être un oubli ; d’autant plus que la pauvre Sandra était la troisième femme dans le même quartier à qui cette horreur était arrivée. Sonja Sweet n’avait de son côté plus aucune envie de se masturber. Quand la télévision ne vous faisait pas visiter en long et en large les hôpitaux, elle se vautrait dans le glauque ou le violent sur les pas des flics. Des scénarios impliquant une réalité déclinée jusqu’à plus soif par des réalisateurs à la mentalité de publicitaires, en réalité de gros beaufs qui se targuent mieux que d’autres de connaître à fond l’inconscient collectif du spectateur, pour lui vendre le soir après son boulot du quotidien sordide. En tout cas, l’histoire de la malheureuse Sandra était bien dégueulasse, alors que son triste destin prenait corps par une reconstitution des faits soignée, jouée avec zèle par des acteurs imitant plus ou moins la physionomie des protagonistes réels. Naturellement, tout était fait dans les cadrages rapides et parfois flous pour vous filer les jetons. L’enquête s’étalait en détails croustillants, de quoi vous rendre circonspect sur la bonne santé mentale de vos proches voisins. Une émission qui vous transformait savamment en parano, tant elle vous éclairait sur les agissements du psychopathe et sa manie bien à lui de coller des manches dans les chattes de ses mortes. Du coup, les pop-corn de l’avocate avaient plus de mal à passer, mais elle était comme tout le monde, il fallait qu’elle voit au final la tronche du dingo. Sans parler du fait qu’on était pas loin de son travail ; bien que son truc, ce soit plus les affaires tordues que les assises. Bon, ben voilà, Laurent H, il avait pas une tête particulière et les photos de lui le montraient toutes en train de sourire.

 

Le téléphone sonna, c’était Richard, son nouveau plan qui désirait passer chez elle dans la soirée, peut-être un peu tard, elle répondit qu’elle serait là. Il faisait sa petite affaire sans imagination ni fougue particulière et Sonja Sweet s’en contentait honnêtement, les hommes ne sont pas que des bites. Néanmoins, cette saleté de télé lui ficherait presque la trouille, elle connaissait très peu ce mec, ils n’avaient fait l’amour que deux fois, après-tout. Elle posa sur la table basse son saladier presque vide, c’était enfin l’heure des infos. La tronche de Victoria de la Jaille la toisa en gros plan. Sur les seins refaits de la jolie journaliste, un bandeau fixe signalait « La disparition du vol PJ 612 Paris-Kilapile de la Petro Jelly ».

 

Les autorités Russicaines ne l’ont pas confirmé officiellement, mais selon nos informations, le porte-avion Krav Méga naviguerait actuellement dans les eaux du crash supposé de l’appareil, à la recherche de débris flottants ou d’un signal envoyé par l’épave immergée. Les moyens militaires auraient ainsi été sollicités, d’après les déclarations obtenues par nos soins de la part de l’amiral Timothy Maxwellgadeïev, commandant la flotte maritime, compte tenu de l’immensité de la zone à vérifier et du caractère particulier qui s’attache à cette portion du globe, d’un intérêt particulièrement stratégique pour la Russique. Le président Bronislav Enjoyourself tient également à rappeler que son pays mettra tout en œuvre pour parvenir à localiser au mieux les restes de l’avion, en dépit de l’extrême profondeur de l’océan lointain et dans un délai qu‘il espère raisonnable. Le quadrillage se bornerait pour l’instant sur le secteur donné avant que le contact ne soit rompu entre les pilotes et le contrôle aérien. Reprenant l’image qui focalisait désormais sur son physique avenant, Victoria de la Jaille rappelait que l’avion avait 225 personnes à bord, dont 212 passagers et un Chihuahua, mais aussi qu’il transportait un certain nombre de personnalités connues, dont le collaborateur météo de notre chaîne Woody Woudspeaker, la comédienne Inès Deloncle, l’héritier en titre des raffineries Tatol, Michel Tatol ou bien encore le chanteur à succès Georges Pinson.

 

Ah les vaches, pensa Sonja, pas un seul mot à propos de l’île de Badigooince ! Devant ses yeux défilaient les portraits des sus-nommés disparus, après des images d’archives de militaires scrutant la mer avec des jumelles ou en train de plonger des machins étanches et câblés au milieu des vagues. Elle n’accordait aucune confiance à la Russique pour retrouver l’avion, elle se demandait aussi si elle devait remettre son collant pour accueillir Richard. Elle espérait qu’il n’attendrait pas une heure du matin pour se pointer, elle aurait voulu qu‘il soit déjà là.  

 "La sécurité des passagers et de l'équipage reste notre priorité", déclarait Vanessa Erelle, la directrice générale adjointe chargée des avions égarés pour la compagnie Petro Jelly, elle présentait ses excuses aux familles des victimes pour la gêne occasionnée puis elle rappelait les faits. L’avion, (dont la télévision proposait d’abord l’image d’un modèle similaire, puis une illustration infographique d’une chronologie supposée des événements), avait perdu un réacteur et sa hauteur de croisière à la suite d’une collision avec un poney volant au dessus de la Mochkomkudite, puis il avait cessé d’émettre après un dernier message oral du cockpit indiquant un changement de cap, avant de disparaître complètement des écrans radars. «Les investigations préliminaires suggèrent que le personnel passé au peigne fin n‘a pas l‘air très clair», a déclaré le PDG de la compagnie Bobby Fiermongol, lui-même inculpé dans cette enquête, mais qui tient à ce que toute la lumière soit faite sur l’accident. La police aurait d’ailleurs déjà perquisitionné au domicile des pilotes Steven Eight et Jack-André Tyler. L’une des hôtesses et la petite amie de ce dernier, Shirley Cébiène, serait atteinte de troubles du comportement et plus précisément de cleptomanie. L’écran affichait sans recul un tir groupé de tout ce beau monde en uniforme. L’avocate eut une brève pensée pour Océane Eight, probablement en train de chioler à l’instant même devant son téléviseur en voyant la tête de son mari.  

 Normal, pensa encore Sonja Sweet, le mystère reste entier, mais Fiermongol ne tient pas à porter seul le chapeau. Elle continuait de se demander sincèrement si les passagers étaient toujours en vie. Pas de débris, pas de carcasse et une sérieuse rétention de l’information qui tournait en boucle pour éviter d’en dire trop sur cette île mystérieuse ; alors que l’avocate la considérait comme le plus important facteur à prendre en compte. Les données du boîtier Acars, ce système de communication codé émettant par satellite qui transmet des données sur l’avion à un centre opérationnel, étaient pourtant formelles sur la dernière position de l’avion et ses multiples trajectoires. Toutes les hypothèses personnelles de l’avocate convergeaient vers l’île de Badigooince, les experts étaient des rigolos incompétents. En accord avec les familles, elle organiserait sûrement une levée de fonds privés pour financer en ce lieu perdu des recherches de l'épave, avant qu’elle ne soient suspendues par la Russique comme on pouvait le prévoir, en dépit de ses suaves promesses. L‘attitude de la Petro Jelly ne semblait pas non plus très limpide. Vanessa Erelle suggérait même aux enquêteurs en train d’interroger le personnel technique chargé de préparer le décollage de l’appareil qu’un vieux chewing-gum avait peut-être pu obturer par inadvertance l’un des tubes d’une sonde Pitot, appareil qui mesure la vitesse de l'air. Elle indiquait aussi que le copilote Tyler avait été plâtré pendant un mois, quelques années avant d’être embauché par la compagnie. Elle parlait aussi d’un type louche aperçu par les caméras de surveillance dans la zone de récupération des bagages, avant le décollage de l‘avion. La PJ semblait s’en donner à cœur joie pour embrouiller une piste déjà peu lisible. Sans parler de l’information dont Peticoeur avait eut vent sur l’embarquement en dernière minute de trois agents de la sécurité Boukistanaise, sans pouvoir dire s’ils étaient armés ou non, et s’ils avaient le moindre rapport avec les illégaux reconduits de leur pays présents à bord, semble-t-il fort nombreux. La télé déblatérait à présent sans transition sur l’incendie d’un train fantôme à la foire de Troulbled, un fait divers qui venait de provoquer deux blessés légers, dont un enfant de neuf ans. Victoria précisait l‘info en employant un ton neutre, comme si elle faisait un topo sur les prochaines soldes. Il est vrai qu’elle n’était pas payée pour dramatiser outre-mesure.

 

L’heure tournait, Sonja hésitait à prendre une douche avant de recevoir son amoureux de la semaine. Richard n’était pas du genre pot de colle, mais tout de même, il aurait pu regarder sa montre. La jeune femme alla s’enquérir d’une bouteille de whisky accompagnée de deux verres, qu’elle compléta de petits gâteaux secs. Finalement, elle décida de rester à poil sous son peignoir blanc, il semblait important de gagner en légèreté. Une décision qui la rendrait sans doute parfaitement intelligible pour son invité, histoire de facilité l’aspect technique du déroulement de la soirée. Quelque part dans son subconscient, le visage hilare du sadique Laurent H revint trente secondes danser en souvenir menaçant, avec une sale image de couteau souillé ; elle adopta cette fois consciemment et de manière volontaire une ligne répressive immédiate sur cette dérive mentale à la con. Elle pouvait être certaine que Richard était un brave garçon, frais séparé, et que tout ce qu’il attendait d’elle, c’était probablement de baiser gentiment. Non sans une certaine excitation dans la zone génitale, elle échafauda quelques hypothèses audacieuses sur les délices érotiques qu’elle allait pouvoir de son côté lui proposer. Pas encore ruisselante, mais elle frissonna tout de même en baladant sa main sur le haut de sa cuisse parfaite. Richard n’avait pas l’air de connaître grand chose aux femmes, est-ce qu’il pouvait seulement imaginer que Sonja puisse rêver un bref moment d’une intransigeante autorité masculine qui se mette à lui claquer le cul ? Elle s’en voulu de jouer avec sa naïveté, il avait probablement sur la terre une mère aimante qui lui faisait de bons gâteaux. Elle avait mangé une fois chez lui, il s’était révélé un sacré cuisinier et ce soir-là, il lui avait dit qu’il la trouvait terriblement séduisante. Elle tenta de l’appeler, tomba sur le répondeur qui lui donnait deux minutes pour parler, elle raccrocha sans rien dire. On sonna à la porte.

 

Elle ouvrit, ce n’était pas Richard, mais un grand type hors-mode en costume noir, recouvert d’un imperméable beige et défraîchi. L’inconnu pliait le coude sur un P38 muni d’un silencieux. La balle éclata dans la poitrine de Sonja avec un pincement douloureux, elle ne vit plus rien et tomba comme un poids de plomb, de tout son long, dans le couloir de l’entrée. La fulgurance venait de la laisser inanimée et les yeux grands ouverts. Elle écartait grand les jambes, le peignoir sanglant s’ouvrait sur son petit fruit rosé. La main droite gantée de l’agent Igorson du GBT russicain replaça son arme dans sa poche. Après la politesse d’une « bonne nuit » il enjamba la morte et jeta un bref coup d’œil sur le salon, il y avait un panier avec des pelotes de laine près de la table basse, Sonja Sweet Peticoeur était une tricoteuse. La télévision jouait « Seul contre tous », un film réalisé par Peter Landesman avec Will Smith, Igorson s’offrit le plaisir de quelques images et la laissa en marche, avant de quitter posément les lieux.

 

https://zupimages.net/up/19/02/etcs.jpg

 

Bon week-end à tous.

 

https://zupimages.net/up/19/02/jzbm.jpg


Message édité par talbazar le 13-01-2019 à 05:35:24
n°55535995
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 16-01-2019 à 12:18:13  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/19/03/3pp8.jpghttps://zupimages.net/up/19/03/78sn.jpghttps://zupimages.net/up/19/03/0w4o.jpghttps://zupimages.net/up/19/03/hskl.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Garry Gaule.

 

https://zupimages.net/up/19/03/8n3k.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Remi Sion.

 

https://zupimages.net/up/19/03/xi0b.jpg


Message édité par talbazar le 16-01-2019 à 12:21:00
n°55571159
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 20-01-2019 à 11:32:04  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 58.

 

https://zupimages.net/up/19/03/ox7q.jpghttps://zupimages.net/up/19/03/6tn0.gif

 

Dans la chambre sans luxe du Pacific Marina Inn, l’inspecteur Sam Alloma avait placé ses doigts dans son ceinturon, pour observer attentivement au pied du lit la française qui n’avait sans doute pas eu le temps d’exprimer à qui que ce soit ses dernières volontés. Sauf peut-être à son meurtrier, mais il était loisible d’en douter. Quoi qu’il en soit, on n’était plus du tout dans l’urgence vitale et la feuille de route à tenir semblait relativement claire. Au niveau de l’empathie cognitive, le tableau de cette femme privée de ses yeux était à vomir et au niveau de l’empathie affective, le policier n’aurait pas échangé sa place avec celle de cette fille. En se retournant vers Angèle pour se détacher enfin du tableau sanglant, il ajouta simplement une banalité sur la souffrance mentale des flics au travail, il ne donnait pourtant pas l’air d’un poulet dans le mal-être. L’homme aux guiboles musclées par des années de base-ball semblait plutôt réfléchir intensément et son insigne brillait comme un sou neuf sur son torse baraqué.

 

– Voilà un truc qui relativise le vaccin contre la grippe, hein ? On ouvre sa porte avec confiance, un sourire, un bonjour aimable et paf, on se retrouve avec du 9x19 dans les prunelles. Résultat, la mise en image n’est pas jolie, jolie. Vous dites que vous avez trouvé madame dans cet état, mais où sont vos adjoints ?

 

– Ils devraient pas tarder. Je m’étonne moi-même que vous soyez venu seul après mon coup de fil.

 

Police, j’écoute, quel est votre problème ? On va vous envoyer des secours, un truc du genre ? ben, il m’a semblé que ce n’était pas la peine, puisqu‘on est collègues. Vous m’avez dit que Comtesse Monique était morte, elle ne risquait donc pas de quitter cet hôtel, pas vrai ? L’ambulance arrive, vous faites pas de bile. Vous savez, il va falloir qu’on s’entende, nous autres, parce que visiblement, toutes les informations que chacun détient dans cette affaire de toubib cinglé vaut une vie. Pour illustrer ses dires, il pointa le doigt vers le corps inerte de Momo, dont personne n’avait encore eu la décence et l’idée de le recouvrir d’une couverture.

 

– C’est le boulot d’un tueur à gages, ça, reste plus qu’à retrouver le commanditaire et je doute qu’elle soit la seule visée. Angèle avait tout à coup très hâte que Gilbert, Jess, Guy et Sisco soient de retour. Elle savait bien que Gustavo Piccolini devait avoir cessé de respirer.

 

Sam colla une pichenette machinale au surfeur en plastique. Décidément, le petit roi de la vague attirait comme un aimant tous les doigts en vadrouille qui l‘approchaient. Le flic s’en désintéressa aussitôt, laissant la figurine du petit bonhomme en short dandiner à sa guise, puisqu’il s’empara du pin’s de la Samsara qui traînait également sur le table.  Il l’exhiba devant les yeux d’Angèle.

 

– Vous l’avez trouvé où ?

 

– Dans le poing fermé du sénateur Rupin, c’est la signature de son assassin.

 

L’inspecteur Alloma tiqua un quart de seconde, avant de fourrer d’autorité l’insigne minuscule dans sa poche. Quelqu’un frappa à la porte, le directeur de l’hôtel venait avertir de l’arrivée des ambulanciers qui patientaient en bas. Par-dessus l’épaule du policier, le type un peu ulcéré jeta un œil sur la dépouille de Momo avec un air de dégoût. Un sale con était venu mettre le bordel dans sa clientèle et l’homme semblait mal admettre un tel sabotage contre la tranquillité habituelle de son établissement.

 

– Je descend avec vous, fit Alloma, en invitant l‘autre à le précéder. Vous, ordonna-t-il à Angèle, vous restez ici.

 

Après leur départ, elle passa dans la salle de bain. Le visage, les mots, les manières désinvoltes de Sam Alloma la mettaient un tant soit peu mal à l’aise, en imposant chez elle une vague relecture du bonhomme. Depuis quand un officier se pointait seul sur une scène de crime ? Elle n’avait pas osé protester clairement lorsqu’il avait subtilisé le petit badge, un indice troublant qui pouvait constituer un élément de preuve contre la Samsara Foundation. Chassant de sa pensée ce sentiment imprécis contre l‘amerloque, elle ouvrit l’armoire à pharmacie pour libérer Echo 16 de sa cachette. La rate poussa un soupir de soulagement en savourant à nouveau au travers de ses yeux rouges et fragiles la lumière du jour.

 

– C’est pas trop tôt, on ne peut pas dire que là-dedans, j’ai tutoyé le paradis ! Tu causais avec qui ?

 

– Sam Alloma, police d’Honolulu. Je le trouve bizarre, c‘est peut-être mon imagination.

 

– Soit il fait son boulot, soit la bannière étoilée lui sert de paravent pour cacher la magouille. J’ai déjà vu des flics traîner dans le labo, un jour, qui tapaient tranquillement la discute avec Karamasow. Fais attention, Angèle, il est peut-être véreux, la moindre négligence peut se révéler mortelle. Met-moi dans ta poche, je serais plus peinarde que dans ce foutu placard.

 

Le cobaye venait de mettre en mots une crainte jusque-là indicible. Un doute qui imposait soudain une nouvelle mise en perspective des événements. Angèle attrapa sa veste et colla le rat dans sa poche, puis elle serra son flingue dans sa ceinture, avant de décider de quitter la chambre. Sam Alloma était beaucoup trop long à remonter. D’un pas vif, elle fit le tour de la coursive pour constater qu‘un fourgon d‘ambulance stationnait bien dans la rue, puis elle revint sur ses pas pour descendre au rez-de-chaussée. Elle se cacha dans la végétation exotique qui bordait la piscine, avant de longer prudemment le bassin d’eau calme pour se diriger vers le hall de l’entrée. Le directeur avait disparu, mais le flic discutait bien avec trois mecs en blanc portant des pantalons bleus. L’un deux présentait un profil imposant qu’Angèle Deyord reconnu immédiatement, pour avoir soigneusement étudié ses fiches. Il s’agissait de Gros Bill en personne, les deux autres patientaient près d’un brancard à roulettes ; ces types lui étaient inconnus, elle ne pouvait savoir qu’ils se nommaient Pizza Gigante et Gino L’éclabousseur. En attendant, elle supposait que ces gars incarnaient de véritables ennemis du rire et forcément pas de simples braqueurs d’épicerie, tu parles d’une écurie de stars ! La chose était désormais certaine, lorsque Gilbert, Jess et Sisco reviendraient à l’hôtel, ils tomberaient dans la gueule du loup. La respiration d’Angèle se fit plus forte, plus aucun doute n’assaillait son esprit, puisqu’à l’évidence et du début à la fin, Sam Alloma les avait bernés. Elle ne pouvait toutefois monter seule à l’assaut, une folie qui frôlerait la stupidité, sans que ces salopards ne se mettent à délester leurs balles dans tous les sens. Tout en continuant d’observer le trio, Angèle tassa son corps du mieux possible entre les plantes tropicales. Il lui fallait de toute urgence quitter l’hôtel sans se faire remarquer, pour retrouver la sécurité de la rue et avertir ses potes du danger. Les autres se décidèrent enfin à bouger, dans le but de grimper à l’étage sur la passerelle, avec sans doute l’idée de profiter des avantages certains que leur permettrait la hauteur. Alors qu’ils collaient leur chariot dans l’ascenseur, Angèle profita de l’intermède pour bouger, fuyant pour parcourir le hall, où elle tomba nez à nez avec ses amis. Sam venait de trouver la chambre vide, les trois malabars s’activaient à présent dans la coursive. Ils crochaient dans leurs mains un arsenal dévastateur et une des clientes qui sortait de sa chambre poussa un hurlement en les apercevant ; terrorisée, elle retourna aussitôt prudemment s‘enfermer pour rejoindre son amant.

 

– Tirons-nous, fit Angèle à Gilbert, Gros Bill est là et Sam Alloma est un pourri !

 

– Ok, pas besoin d’un dessin, fit Jess, on va prendre l’ambulance, les clés sont sûrement restées dessus.

 

A la recherche d’Angèle, L’éclabousseur dévala l’escalier, il pigea tout de suite le tableau. Prenant les devants, Sisco dégagea son Taurus et l’envoya valser contre la rambarde. Touché au ventre, Gino roula sur lui-même avant de s’étaler finalement au pied des marches grises. De là haut, quelques éclairs fusèrent et deux vitres éclatèrent près de Jess, alors qu’il donnait la réplique. Gros Bill poussa un cri de bête en tirant comme un dingue, ses vocalises rageuses ordonnaient à Pizza Gigante de filer côté rue. Angèle scia les pattes du coureur d’une bastos dans le mollet. Dans les crépitements de sa radio, Sam Alloma appelait des renforts de police. Ce chien combinait sans doute une histoire à dormir debout, afin de donner le change auprès des autorités officielles. Tirant en rafales, Gilbert n’hésitait pourtant pas à se servir de cette ordure en uniforme en le prenant pour cible. Le directeur de l’hôtel s’invita sans le vouloir à la fête en voulant fuir à toutes jambes, lui et un de ses clients prof de golf tombèrent sous les yeux de Jess, mortellement touchés le long d’un petit muret. Sisco s’attelait à sa tâche avec brio et canardait l’étage avec une énergie sauvage qui lui rappelait sa jeunesse, puis il fila en courant vers l’entrée en suivant ses compères. Désormais hors de portée des balles de Bill et Sam, ils essuyèrent aussitôt celles de Pizza posté sur le balcon. En dépit de sa blessure à la jambe, Gigante avait finalement réussi son mouvement tournant très dangereux. Largement exposé, Sisco Matteï fit trois pas rapides, puis il chuta sans vie sur le bitume, le crâne fracassé. Pas de confessions déchirantes, pas de vie qui défile à toute berzingue, le patron de la Rose Noire était mort, c’est tout. Guy Ness vola comme un dingue sous la mitraille, avant de s’engouffrer par la vitre ouverte de l’ambulance, effectivement, les clés étaient bien restées sur le contact. Avec son gros bec, le perroquet démarra la bête. Au moment où Jess, Gilbert et Angèle allaient grimper dans le véhicule, Sam et Gros Bill se pointaient en tirant. Une balle de Gilbert fusilla Sam en plein cœur. Ajoutant à la confusion causée par les détonations, des sirènes de police se firent soudain entendre à proximité. Les tempes cognant sous la tempête, Angèle avait pris le volant promptement, alors que les tôles de l’ambulance se transformaient en passoire. Crissant les pneus, les français s’en allèrent en faisant vrombir le moulin. Auf wiedersen tout le monde, super, mais la situation était plus que tendue, ils venaient d’abattre un flic d’Honolulu.

 

https://zupimages.net/up/19/03/m4jh.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/19/03/0nqz.jpg


Message édité par talbazar le 20-01-2019 à 11:39:16
n°55635784
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-01-2019 à 11:47:39  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/19/04/hiwy.jpghttps://zupimages.net/up/19/04/viul.jpghttps://zupimages.net/up/19/04/myla.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Alfred Diforzeshow.

 

https://zupimages.net/up/19/04/z0nk.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Ellias Defric.

 

https://zupimages.net/up/19/04/6wfo.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 47.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpghttps://zupimages.net/up/19/04/7k5e.gif

 

Gaston Boudiou croyait avoir aimé Véronique Taloche, la muse rousse et enjouée qui officiait auprès des micros aussi sulfureux que clandestins de Radio London. Cependant, leur brève histoire n’avait été qu’une comédie tendre et drôle, puisqu’en observant le beau visage assoupi de Brigitte Parade à ses côtés, dans le train qui les ramène de justesse à Paris en dépit d’une grève générale qui va rendre le trafic pratiquement nul, il se rend compte à quel point cet amour avait manqué de profondeur. Parce qu’il apprend à chaque instant passé dans les bras de la cousine de Marité la différence entre un flirt poussé et la passion amoureuse sans limite. Cette distinction qui existe entre un simple brouillon du sentiment et le chef-d’œuvre émotionnel. Un jeu réciproque d’une telle profondeur et d’une telle acuité, qu’une simple amitié entre eux l’aurait pour tout dire transformé en bagne infernal. Alors que la belle rencontre vécue avec intensité remplit au contraire le jeune homme d’allégresse. Ils se payent ainsi un voyage haut de gamme sur le chemin de l’amour et de la joie partagés, enrichi par des récréations d’un pur plaisir qui déforme au final la jolie bouche peinte de Brigitte sur ses cris victorieux. Il l’appelle sa geisha, elle le nomme sa bestiole, ils vont main dans la main toujours plus loin dans la connaissance de l’autre, au sein d’un enchantement quotidien plein d’humour et d’une sorte de génie poétique. Un échange magnifique, où s’entremêlent la joie trouble d’un érotisme brûlant et l’étrangeté d’un désir conjoint. Ils couchent ensemble comme des assoiffés, comme ils viennent précisément de le faire dans les toilettes exiguës de ce train presque vide, en louant dans des rires sans retenue la faveur divine de leur formidable union. Paris les retrouve enlacés tendrement, alors que le journal France-Soir annonce la fin des combats dans le camp retranché du Quartier Latin et la photo noir et blanc de la place Edmond-Rostand dévastée. La mort à Lyon d’un commissaire tué au cours de sanglants combats et le récit de violences urbaines à Nantes. La nuit prochaine proposera dans la capitale son nouveau lot d’émeutes, après un défilé de masse pourtant paisible de la C.G.T.

 

Gaston est inquiet pour sa sœur qui ne quitte plus la chambre, où elle s’enferme pour écouter Hello goodbye des Beatles en mettant le son à fond. Bien qu’ils se soient toujours tout dit, Angèle garde en effet le secret sur la triste aventure et la terrible désillusion qu’elle vient de connaître chez le photographe Raymond Toupidor. Malgré sa sollicitude et ses efforts bienveillants, Antigone semble également impuissante à guérir la morosité de sa belle-fille, alors que le concours de Miss Blonde qui approche ne semble même plus offrir le moindre intérêt pour la jeune candidate. Quelque chose en elle paraît s’être brisé. Lorsque Gaston frappe à sa chambre, Angèle le reçoit le dos voûté, les bras croisés sur la poitrine, ses longs cheveux négligés tombant sur les épaules comme une triste bannière, elle le regarde en coin avec un air de chien battu, ses lèvres tremblent un peu sur l’aveu qu’elle ne peut formuler, elle n’est pourtant coupable de rien. En réalité, étreinte par un néfaste découragement, elle flotte au bord du monde et Hollywood lui semble plus éloigné que la lune sur laquelle les hommes devraient marcher bientôt.  En écoutant son frère lui parler de sa nouvelle liaison torride avec Brigitte, elle répond simplement sans aucune jalousie apparente qu’elle est contente qu’il soit heureux. I don't know why you say goodbye, I say hello.

 

Quand à lui, Emile Pertuis a décollé d’Orly en Boeing 737, avant la gigantesque paralysie provoquée par la cessation de travail des techniciens de la navigation aérienne, pour se rendre en Amérique afin d'assister à une conférence médicale internationale. Nul ne sait quand il pourra revenir de Manhattan. En dépit d’une démocratisation galopante, le voyage en avion reste encore un luxe de nanti. Dans la splendide villa parisienne, l’existence d’Emile et d’Antigone n’est peut-être pas si heureuse et Gaston n’oublie pas que son père a fait appel à lui pour confirmer ses soupçons, puisqu’il pense que sa femme lui est infidèle. Le jeune garçon a donc décidé d’en avoir le cœur net et de la suivre. Il craint que trop attachée à son apparence ou devenue las de sa vie dorée, sa belle-mère n’aille secrètement s’effeuiller dans quelque spectacle diurne au fin fond d‘un cabaret. Mais il a toutefois bien du mal à s’imaginer la sage Antigone dans le rôle d’une folle vénus audacieuse. Au lendemain du départ d’Emile, Gaston va donc se placer de loin dans le sillage de l’aventureuse, en circulant au milieu des bagnoles retournées sur des amas de planches calcinées et de pavés. Il a laissé Angèle pleurer toute seule, en train d’éplucher des oignons dans la cuisine. Antigone Inseouine de la Nouille marche vite, le garçon a un peu de mal à suivre son rythme, il espère qu’elle ne prendra pas le métro et cogne au passage du pied dans une douille de lacrymogène abandonnée sur le bitume. La rue est devenue un univers hostile et âpre, mais sa belle-mère fonce comme une locomotive vers son but inconnu. Son élégant carénage habillé de chic attire l’œil des hommes qui la croisent, elle ne semble pas s’en rendre vraiment compte, mais afficherait plutôt un air d’extase angélique. En tout cas, elle ne témoigne aucun intérêt pour les vitrines devant lesquelles elle avance d‘un pas rapide et décidé. Gaston en opération spéciale glisse loin derrière elle, comme un félin circulant dans la jungle, sans la perdre une seule seconde de vue. Si elle appelle un taxi ou monte dans un bus, l’affaire sera pliée, il fera chou-blanc pour cette fois-ci. Les murs alentours déclarent en affiches déchirées leur soutien aux usines occupées, ils martèlent aussi que la lutte continue et que si le patron a besoin de toi, toi tu n’as pas besoin de lui. La traque donne son résultat, Antigone n’est pas allée bien loin, elle vient de s’engouffrer dans un hôtel discret aux fenêtres fleuries situé près de la rue de la Pompe.

 

https://zupimages.net/up/19/04/kzvr.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/14/y3il.jpg

  


Message édité par talbazar le 30-01-2019 à 11:07:16
n°55662432
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-01-2019 à 09:40:01  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Oscar Ambole.

 

https://zupimages.net/up/19/05/w9qk.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Les époux Riture.

 

https://zupimages.net/up/19/05/t6tq.jpg

 


Message édité par talbazar le 30-01-2019 à 09:49:43
n°55677258
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 31-01-2019 à 16:31:15  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 93.

 

https://zupimages.net/up/19/05/dbla.jpghttps://zupimages.net/up/19/05/ucas.gif

 

Il paraissait clair qu’en prenant le contrôle de l’ONS pour pas un shekel, le holding opéré par Chuiotaf était une excellente affaire pour lui. Du moment qu’on venait pas l’emmerder avec des histoires de protection sociale et autres régulations qui gâchaient bêtement les affaires, depuis le code d’Hammourabi et ses 282 lois à la con. Heureusement qu’il existerait encore dans le futur des mecs comme le grec Aristote pour justifier l’esclavage et que l‘état égyptien n‘était pas plus sionniste qu’interventionniste. Devant la litière du nouveau PDG, les hiéroglyphes d’un panneau indicateur dirigeaient la grande caravane vers la ville de Nikzem, située plus au sud au croisement des routes de l’ambre et de la soie. Les chameaux pataugeaient encore dans l’eau à cause de la crue du Nil et si ça continuait comme ça encore longtemps, les bestiaux finiraient par avoir les pieds palmés. Ces sales bêtes célébraient moins bien les marchés spéculatifs que les dérapages dans la boue. Heureusement, le taux de départ en vacances avait baissé en raison de la crise pharaonique et la piste n’était guère encombrée. Ce matin-là, ils ne croisèrent qu’une ou deux luxueuses litières-homes climatisées de retraités à trente mères porteuses de Bithynie en bikinis, lesquelles filaient en terrain glissant et au son du fouet vers un camping à 3 ou 4 étoiles de David. Le paysage semi-inondé, entre l’immensité sableuse et les colonnes rocheuses, offrait une vue où tout n’était que volupté et harmonie, faute de mieux. Au milieu des parfums envoûtants et du cadre élégant au décor raffiné de la litière, Aménorée gobaient bien à fond les couilles de son nouveau mari, puisqu’il n’y a aucune vulgarité existant dans les échanges intimes entre époux légitimes. Chuiotaf avait acté par contrat qu’il reconnaîtrait l’enfant à venir et qu’il s’engageait, en bon père de famille, à lui apprendre la biodiversité égyptienne, en lui organisant jusqu’à ses douze ans des parcours-découvertes en circuits ludiques. Après, il en ferait un militaire. Si c’était une fille, elle apprendrait la cuisine simple sans gluten et la poésie. Il marierait la petite à neuf ans et lui filerait en dot pas mal de blé en grain, pour qu’elle puisse tenir avec son mari une buvette sur une plage fréquentée, avec beaucoup de clients qui tomberaient dans le panneau. Chuiotaf ne souhaitait pas forcément faire de son enfant un commerçant. Il espérait surtout que son gosse ne soit pas trop fasciné par la culture du palmier à huile. Les paysans de la présente dynastie ne marchaient pas sur l’or, mais simplement dans la bouse de leurs maigres vaches. En attendant, ce mioche n’était pas encore né et le seul problème de Chuiotaf consistait pour l’instant à éviter que la clientèle n’entre en désamour avec les produits qu‘il transportait.

 

Comme prévu, en apprenant que l’ONS ne lui appartenait plus, même provisoirement, Amétatla avait poussé de grands cris et déchiré sa chemise. Elle maudissait sa pétasse de fille qui héritait de son bien et elle promettait à Tépénib la plus longue grève du cul qu’il aurait jamais vu. Dans sa colère, elle avait même terrassé un âne à mains nues, ce qui promettait au moins pour les gens de la caravane  un mois de boudins. Et puis, sans regarder au prix, elle avait picolé plus que de mesure pas mal de cervoise importée de la Meuse. Elle dormait encore depuis trois jours, alors que sur leurs mulets, Valisansoùth et Tépénib reconnaissaient qu’ils venaient de se faire baiser en beauté.

 

– Comme si ce vieux roublard connaissait le secteur du textile mieux que nous ! piaillait Valisansoùth, ce Chuiotaf n’est pas du genre à faciliter l’embauche des jeunes esclaves, mais plutôt à faire baisser le coût induit par le licenciement des vieux. Du genre à flexibiliser au maximum le marché itinérant. Je m’en veux d’avoir cédé si facilement.

 

– C’est trop tard pour se lamenter maintenant. On fait les frais de la rigueur. Comme me l’a dit notre comptable Katikèlsalop, il verra bien au prochain exercice, si c’est aussi facile qu’il le croit de donner le sourire aux femmes de cinquante ans, en cultivant les prix du tissu au plus juste. Surtout dans le contexte de repli national que vit l’Egypte actuellement. Sans parler des invendus de kilts scots de la dernière saison qui nous plombent les marges. Le celtique ne sera jamais à la mode par chez nous.

 

– Mauvais compte et mauvais ami, voilà tout ! Faudra veiller au dialogue social, parce que ton nouveau beau-père, il va pas tarder à nous prendre pour ses larbins.

 

– L’enculé de merde perché au sommet de sa bulle dorée, ouais. Quand notre associé Mer-Amen Tesmich apprendra qu’on a magouillé dans son dos, on va dérouiller ! dis-donc, tu savais qu’en dehors des terres qui sont la propriété des prêtres, un cinquième du revenu des terres appartient à la pharaonne ?

 

– Ça me fait une belle jambe !

 

La présence d’une patrouille en face d’eux vint soudainement leur rappeler que le péril se trouvait partout. Les flics offrant un nouveau point de vue sur leur situation, Valisansoùth et Tépénib louèrent les pauvres tenues qu’ils avaient revêtues, il n’était plus question que de survivre au mieux, en franchissant ce sévère barrage sans encombre. Les shardanes qui les arrêtèrent avaient des trognes renfrognées et soupçonneuses. Tépénib pensait à présent connaître la date exacte de sa mort et Valisansoùth rêva deux minutes de plonger dans le Nil, pour disparaître au fil de l’eau. Ils espéraient par-dessus tout que Keskiya et Moisi ne seraient pas découverts. Les jarres où se cachaient la nourrice et l’enfant royal étaient supposées remplies d’une véritable huile d’olive italienne et pas d’une vulgaire contrefaçon hispanique, on pensait donc que personne n’aurait l’impudence d‘en briser les sceaux. Le chef de la police était un type corpulent et moustachu à la peau piquetée par une ancienne vérole, une disgrâce qui l’avait marqué à jamais. Aucun rapport pourtant avec la dégénérescence actuelle de la société, dont il protégeait la charpente des vers grouillants de l’influence grecque ou romaine, voir des criminels sexuels que ces deux pays importaient régulièrement. Lui, le très estimé kessiamec, avait la vocation du maintien de l’ordre chevillée au corps, pas comme ce petit pédé de Sabèt-Ilamol, son lieutenant qui n’était entré chez les gardes que parce qu’il avait échoué au concours national de la batellerie. A la vue de l’imposante caravane qui se présentait, l’officier principal rajusta le tablier de cuir qui recouvrait son pagne et agita son bâton pour arrêter le train. Dans son dos, Gyrôfar le porte-enseigne agitait règlementairement la bannière au faucon de la compagnie. A deux pas de lui, Sabèt-Ilamol empoignait sa lance fermement, bien décidé à en faire usage si ces clampins en vadrouille trafiquaient des espèces protégées, comme des autruches, des singes ou des antilopes. Encore faudrait-il attendre que ce gros con à bagouses de kessiamec lui en donne l’ordre. La patrouille poireautait sur le bord de la route depuis au moins 12003 sabliers et le reste de la dizaine des hommes armés avait simplement hâte de retrouver leur caserne. Porté par son aspiration au bien, kessiamec se planta au milieu du chemin.

 

– Halte, papiers des litières. Nous sommes à la recherche d’une bande de fugitifs dangereux pour l’Etat, de la nourrice Keskiya-Maria-Magdalena et du petit Moisi-Jésus. Et ce que vous voyez dans ma main, c’est pas un bâton à parfum. Si vous tentez quoi que ce soit de suspect, vos âmes partiront sur le champ en transhumance vers la vallée de la mort sous le regard d‘Anubis.  

 

– O nobles fils de Noût, bonasse déesse du ciel, fit Chuiotaf en présentant les papiers de son véhicule, puisque la peur du gendarme rend toujours vertueux, je ne suis qu’un humble marchand en route pour Nikzem, où je compte bien vendre ma cargaison de poteries et de tissus. Il porta néanmoins nerveusement la main à son cou pour tripoter son amulette bienfaitrice.

 

Sans rien dire, kessiamec examina longuement le papyrus gris, comme si l’équilibre de l’univers dépendait de sa vigilance. L’admiratif du tout-répressif exigea ensuite la paperasse détaillée relative aux marchandises. Elle donnait bien Chuiotaf comme l’unique propriétaire de la caravane et de l’entreprise qu’elle représentait. L’ONS-CGP semblait en règle.

 

– Louée soit la reine Néefièretarée qui défend les honnêtes gens, lança timidement Chuiotaf. Sa politique volontariste a nettement diminué les infractions financières et la plaie cruelle des échanges de troupeaux sans provision.

 

– On va quand même jeter un œil sur vos ballots, fit l’autre, en claquant des doigts pour que ses hommes aillent se mettre au boulot. Il rêvait en secret de mettre la main sur une filière de vol d’articles funéraires votifs à destination de la Phénicie. Un truc qui faisait toujours plaisir aux prêtres et aux compagnies thébaines d’assurance. Deux types mal fringués patientaient sur leurs mules, kessiamec trouva qu’ils avaient des gueules à figurer sur le fichier royal des crimes et délits constatés. Des tronches à pratiquer la nuit le vol de litière et le cambriolage de tombeaux. Du point de vue du renseignement policier, Valisansoùth et Tépénib avaient tout faux.

 

Quand l’un des shardanes ouvrit le rideau de la litière de Chuiotaf, Aménorée poussa un cri en portant une main apeurée sur son bide enflé. L’autre referma pudiquement le voile, cette nana mariée au patron de la caravane ne semblait pas du genre à caillasser les flics. Heureusement, ce jeune fonctionnaire de province ne connaissait pas le visage de la femme recherchée par la pharaonne. Ignorant qu’il battait en brèche l’activisme législatif de la reine des deux terres, il déclara RAS à son chef pour aller ensuite aider ses collègues, en train d’enlever les couvertures sur les chameaux. Des pots, des amphores, des lampes à huiles à profusion, mais aussi du tissu haut de gamme, des robes en lin et des voilages en soie. Chuiotaf craignait la casse et commençait à s’énerver un peu.

 

– Hé, mais vous êtes pas de la douane volante, mes papiers vous suffisent pas ?

 

– Non mon gars, pas plus qu’on est de la milice municipale régulière, grogna kessiamec, nous on est une brigade d’intervention des shardanes royaux et je te conseille de filer doux. J’en ai personnellement rien à foutre des taux d’imposition des bénéfices helvétiques, en ce qui me concerne. Mais je vais te dire, j’ai fait mes premières armes dans un quartier défavorisé du nord de Memphis, c’est pas un richard dans ton genre qui va venir effrayer les pouvoirs publics. Bon, lieutenant, on a quoi d’autre ?

 

– Des esclaves, une comptable et une bonne femme qui cuvait sa bière, qu’on a réveillée et qui tente actuellement de pratiquer la corruption de fonctionnaire en nous offrant un couffin de raisins secs et une amphore de miel, pour qu‘on se barre en fermant les yeux. On a également deux grosses jarres d’huile d’Italie et deux romains, déclina Sabèt-Ilamol au garde-à-vous, en se mettant au rapport.

 

– Bons dieux de merde, des romains ! lâcha kessiamec. Tout ça commençait à ressembler furieusement au signalement.

 

https://zupimages.net/up/19/05/w533.jpg


Message édité par talbazar le 31-01-2019 à 19:13:41
n°55692643
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 02-02-2019 à 14:57:32  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion - Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 46.

 

https://zupimages.net/up/19/05/rbtg.jpghttps://zupimages.net/up/19/05/sw3w.gif

 

Oncques ne vit meilleur banquet, gueuleton, formidable bamboche ou joyeuse beuverie que la ripaille qui se fut donnée ce soir-là au castel de Touatuakagué, pour mieux honorer la venue de messire Jean Bon de Always sur la terre de Caroline-Marie Touatulanîkée. Dans la salle immense au milieu des tréteaux nappés de soie brodée, point n’étions en chaumine paysanne, à se boucher la dent de pauvre fève ou de soupe bouillie. Au lieu de ça, la rude compagnie fionaise tapait sa cloche à s’en péter les tripes, en avalant les monstrueux quartiers de gros bœufs dégagés du saloir. Car c’était soir de fête, bien propre à délasser les soldats des journées harassantes passées dans les austères campements, et la reine du p’tit lieu avait mis pour ses nouveaux amis les petits plats dans les grands. Beaucoup de domestiques s’engageaient à servir l’assemblée, sans perdre de temps, pour calmer de bon vin l’incendie des gosiers. Les coudes sur la table, on gobait des morceaux de bidoche aussi lourds que des pierres de carrière et les chiens grattant la jonchée n’avaient pas même les os à ronger, tant était grand le désir des convives à vouloir s’empiffrer. On aurait plutôt assommé son voisin plutôt que laisser perdre au fond des écuelles inondées par la sauce, les brassées de légumes cuisinés qui montaient jusqu’aux voûtes comme une cathédrale. De l’écurie jusqu’au donjon, tout le château était en liesse, Calagale et Juvenal applaudissaient les exploits du jongleur qui tournait devant eux trois couteaux dans les airs sans jamais faire tomber, alors que son compère tournoyait des anneaux sur ses bras et ses jambes, tout en maintenant l’équilibre d’une balle collée sur le bâton qu’il posait sur son nez. Des nains en habits colorés glissaient dessous les tables comme des farfadets, pour chatouiller les souriceaux dormant dans les braguettes, moquant leur forme pitoyable et les seigneurs de guerre clamaient de ces bons tours qui faisaient rire les bonnes dames à qui mieux mieux. L’une ou l’autre avouait qu’elle possédait un piège formidable pour capturer ces rongeurs paresseux. Dans la grande cheminée, on avait allumé un bon feu. Ravis de voir se déployer autant de joie partagée, on oubliait le mauvais temps des jours prochains de guerre, pleins de ténèbres noires et de flèches cruelles, où l’on devrait peut-être mourir pour la reine du Fion. Mais pour l’instant, nul ne voulait songer à la chose historique, alors que les clochers de la ville carillonnaient à grande volée, conviant chacun à se réjouir sans mésaise au son des cornemuses. Il n’était pas question pour les nobles convives de bayer aux corneilles, mais d’applaudir les chansons des habiles trouvères et de porter salut à la reine du pays qui les accueillait avec autant de grâce. Le chevalier Calagale lutinait une jolie damoiselle qu’il avait pour voisine, car il louait sans fin les bosses de son corsage, il voyait bien que la duchesse n’était pas contre. Il venait justement de dire à son compère messire Juvenal des Oursins qu’il galoperait dessus avant la fin de la nuit.

 

– A la santé de nos femmes et de ceux qui les montent !

 

L’esprit aviné de Jean Bon flotta quelque secondes en écoutant le toast alerte de ses barons. Il revoyait devant sa face le beau visage de sa mie Mouyse de la Verrière de Always, qu’il avait laissé aux soins du Comte Eustache de Méboule, mais également il repensait au doux minois de ses filles adorées Blanche et Aurore, que la reine Amanda retenait en otages. Il s’en voulut d’être navré, alors que les cris de la fête résonnaient dans sa tête, mais il lui fut difficile de contenir le début d’un sanglot. Ses fillotes aussi pures que la neige peuplaient durablement l’horizon de ses craintes et sa femme n’avait point la poitrine creuse, il craignait plus que tout que le comte Eustache n’aille farfouiller dans sa serrure. La voix de la reine l’interpella comme le coup d’une hache cassant de l’eau gelée.

 

– Allons mon prince, le tança Caroline-Marie-Thérèse-Charlotte-Antoinette-Touatulanîkée, qu’avez-vous ? Vous me faites peine à voir et vos yeux sont remplis d’une triste buée. Chassez ce teint de brique et servez-vous du vin, car j’apprécie la compagnie d’un homme comme vous, aussi carré du dos ! Vous verrez, je suis forte des hanches, n’ayant nulle verrue et j’ai l’esprit aussi vif que tranchant. Ma taille est de cinq pieds huit pouces, mon coffre-fort regorge de bon champart et des pièces du cens, je jouis du pouvoir absolu et que Kramouille me damne si je ne ferai point au bras d’un seigneur tel que vous une bonne épousée. Cessez donc de rêver à des hampes rompues et sanglantes, car cela me désole en ce jour fameux.

 

– Vous n’y êtes, madame, car moi je pense à ma famille et j‘en suis affligé.

 

– Pour l’heure, puisque je vous devine bien cher époux, profitez sans mesure de ma cour, qui comme vous le voyez n’est point rude du tout, mais comme vous l‘entendez ce soir, remplie de chants et de poèmes. Vous n’aurez plus violent chagrin, si j’ose un temps vous séparer des vostres. Nul n’est jamais inconsolable, faites-moi donc l’honneur de me rendre visite dans ma chambre après les réjouissances, alors vous verrez bien que je possède entre les draps un caractère des plus heureux.

 

Bien sûr, Jean Bon fut retourné par cette invitation honteuse à crapouiller dans le lit de la reine, mais la riche robe de Touatulanîkée cachait à peine les mérites d’une cargaison fabuleuse. Il y aurait grand plaisir pour un homme tel que lui à plonger dans ces plis pour en récupérer les honnêtes trésors. Il fut sensible à son sermon, alors qu’elle appelait une servante pour qu’elle rompe à leur seul profit un nouveau bouchon.

 

– Alors, messire le grand guerrier, monterez-vous à l’expédition ?

 

– J’en serai peut-être, majesté, car je ne suis point atteint de piété rigoriste, j’en ai déjà pour dire la lance bien tendue et j’échangerai volontiers avec vous quelques bons baisers.

 

– Que Kramouille vous bénisse alors, car si vous refusez, vous m‘en verrez occise de deuil !

 

– Nous irons donc, puisque la reine réclame. Ses pieds ont froids, nous allons donc les réchauffer.

 

Pour mieux souligner la curieuse rencontre, il posa doucement sa large main en haut des belles cuisses de Touatulanîkée, de façon bien masculine ; elle fit ensuite de même, redressant la besogne par justice féminine. Mais, comme autour d’eux les discussions animées battaient leur plein au milieu des scintillements de la vaisselle d‘or, l’action pacificatrice de leurs gestes pourrait seulement se terminer d’une façon plus privée dans la chambrée royale. Plus tard, lorsqu’ils furent couchés cette nuit-là en s‘éclairant seulement de la lune, ivres comme des gorets en raison de la boisson, la reine poussa la complaisance jusqu’à laisser Jean Bon lui mettre un doigt dans le cul. Au secours ! Au secours ! jubilait-elle, comme si le veneur s’entêtait à harceler son loup. Ah ciel ! que va-t-il me désadvenir si mon chasseur insiste ? Charité, charité, criait-elle en riant, cherchant faussement à se dérober, alors que l’autre la remuait sans faillir, montrant nulle mollesse pour exaucer ses vœux. Car il donnait de bon cœur et son foutre coulait en grosses gouttes d’argent, pour luire comme un diadème dessus ses longs cheveux qu‘elle avait dénattés. L’orgueilleuse tenait la tête baissée et recevait l’hommage amoureux de son noble vaillant, puis le vilain entrait une fois de plus dans son étable, en la mordant des dents. Messire Jean Bon en était fier, car elle grondait rudement. De toutes forces, il la secoue, alors qu’elle tombe à la renverse, leurs bouches se serrent et leurs yeux brillent, tout consumés de gourmandise l’un pour l’autre. Ainsi, l’hôsté toute entière s’ébranla fort longtemps de leurs cris furieux poussés dans la pénombre, comme si l’on orguenait par grande folie entre ses murs solides et clos.

 

Au matin, alors qu’ils étaient rassasiés d’eux-mêmes et qu’ils entendaient le coq chanter, Touatulanîkée raconta par grande mervoille aux oreilles de Jean Bon une histoire fabuleuse. Car elle avait déjà connu un gars du Fion, un certain chevalier Hivalanoué, venu avec quelques amis visiter son royaume. Un Jacques Bonhomme, un chartulé, une saleté de mainmortable qui avait odieusement refusé de l’épouser, pour s’enfuir en compagnie de sa bande misérable par les chemins boueux du Marais-Jean. Ces gens se disaient en quête de la fleur de Pinette, arguant qu’ils désiraient l’offrir à la reine Amanda pour apaiser ses cuisses givrées. Ce corvéable d’Hivalanoué, que je le feisse pendre à mes créneaux, si jamais je le retrouvasse ! Bien entendu qu’auparavant, j’exciterai avec bonheur mes chiens, pour qu’ils lui bouffent la chose misérable qui pendouille entre ses chausses, car je l‘ai bien connue. Plût à Kramouille que je lui fasse goûter comme il se doit la dure badine de mes sergents. Jean Bon laissa bouder la coléreuse, il connaissait l’histoire de ce fameux groupe qui se faisait nommer la communauté de la gnôle. C’était bien une chose extraordinaire qu’ils soient déjà passés ici, car nul ne savaient ce qu’ils étaient devenus, depuis qu’ils avaient prêté au pied du trône leur ambitieux serment.

 

https://zupimages.net/up/19/05/ojrq.jpg


Message édité par talbazar le 06-02-2019 à 10:48:07
mood
Publicité
Posté le   profilanswer
 

 Page :   1  2  3  4  5  ..  59  60  61  ..  93  94  95  96  97  98

Aller à :
Ajouter une réponse
 

Sujets relatifs
Le topik des gens de taille moyenneEncyclopédie de la musique
[Topic Unik] Wikipédia - L'encyclopédie libre!échange dvd ufc mème qualitée moyenne pour les fans
Température Moyenne pour un petit moteur corsa ?Meilleure encyclopedie en langue anglaise ?
Topic vérification de LU : Pensez vous être plus con que la moyenne ?Encyclopédie Musicale en ligne
[Rch] livre semblable a l'encyclopedie du savoir relatif et absou B.WLa classe moyenne en France
Plus de sujets relatifs à : La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.


Copyright © 1997-2022 Hardware.fr SARL (Signaler un contenu illicite / Données personnelles) / Groupe LDLC / Shop HFR