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Auteur Sujet :

La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.

n°52387299
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-02-2018 à 13:24:05  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 50.

 

https://zupimages.net/up/18/06/v3uj.jpghttps://zupimages.net/up/18/06/jrzv.gif

 

220 tours les moteurs, à bâbord 10, mer bonne. Le vieux rafiot Play boy of the sea gouverna sagement sur l’océan vide pour rejoindre le point de rendez-vous. A son bord, le crâne de Martin tambourinait comme si une armée de macaques venait de le bombarder de noix de cocos. Vaya était venue le rejoindre dans l’étroite cabine où il s’efforçait d’émerger et elle faisait de son mieux pour le réconforter. Ils n’avaient pas rejoint Strazdinovsky, toujours enfermé dans leur première cellule. La cage thoracique du privé menaçait d’explosion imminente, toutes ses chairs brûlaient d’une fièvre qui déchirait la moindre de ses fibres, son cœur battait la chamade et il était pour le moment incapable du moindre effort physique, mais ni Vaya ni lui ne savaient ce qu’il venait de subir. Quand à elle, Van Degaffe l’avait juste placée sous une grosse lampe ronde et étrange émettant des flashs de dix microsecondes, tout en observant l’image de la jeune femme terrifiée renvoyée par un miroir de référence. Le cinglé chaussant d’épaisses lunettes parlait dans sa barbe d’acquisition volumique et d’examen de la densité des tissus cibles. Ensuite, il avait quitté la pièce pour la laisser tranquille, sanglée solidement sur son siège pour un temps semble t-il infini, sous la surveillance lascive de Grand Tonio, avant qu’elle n’aille retrouver un Smith fort mal en point. Dans le couloir extérieur, juste en face de leur porte, Cannibal Cult, El Barbudo, Pizza Gigante et Riton Tape-Dru tapaient la belote autour d’une caisse figurant une table de fortune. Leur discussion tournait sur un ton banal autour du Sea Fox qui annonçait avoir corrigé son cap et venait de confirmer son approche rapide. Smith se leva en chancelant et colla son oreille contre la porte, il ne capta clairement qu’une seule phrase prononcée par Cannibal, lequel informait les autres que le sénateur Rupin venait d’être dessoudé. Deux heures plus tard, le boss descendit l’échelle et les salua à son arrivée, dans son dos Grand Tonio balança une vanne pas drôle en l’imageant dans l’air avec ses bras de poulet et le toubib se présenta en face du couple captif. Entre-temps, Martin Smith avait finalement récupéré, bien que toujours vaseux.

 

– Je vous invite à dîner et je compte sur vous pour rester courtois. Je vous demande évidemment ne rien tenter de fâcheux qui pourrait vous nuire, mais vous ne prisez pas les actions inutiles, n’est-ce pas ?

 

– Allez vous faire foutre, Van Degaffe, s’efforça de lâcher Smith d’une voix pâteuse.

 

– Allons, nous arriverons bientôt au terme de notre voyage, inutile de se montrer gratuitement impoli. Je vous offre simplement un repas cordial en ma compagnie et dans ma propre cabine. Mais naturellement, dois-je préciser qu’au moindre geste déplaisant, votre nana et vous-même connaitront une mort instantanée. Soyez-donc bon joueur, que diable !

 

– Ok, fit Martin, mais je veux que Gordon Strazdinovsky soit présent avec nous. Il voulait en réalité s’assurer que leur ami était toujours en vie.

 

– Si vous voulez, promettez-moi juste de vous tenir tranquille.

 

Tenu en respect par les flingues de Pizza Gigante et Grand Tonio, le couple fut conduit dans la cabine privée du toubib, laquelle dessinait en réalité un vaste appartement luxueusement aménagé. L’endroit était plein de monde, avec le reste de la bande de flingueurs au complet vautré comme des otaries sur les larges banquettes rouges, avec à leur côté une brochette de nanas que Vaya et le privé reconnurent aussitôt. Accusant son âge mûr sur ses traits fatigués ultra-maquillés, Blanche Pearl s’entretenait debout avec ses anciennes employées du Tripoli, Maria Goulue, Vénus Jade, Nicotine Queen et Baby la mèche. Manquaient juste à l’appel La Mouche et Wanna Toktouyou pour compléter le tableau des prostituées. Holy Ghost, Câline Grosby et Gypsy Sorrow n’étaient pas non plus présentes, mais tout comme Vaya Condios, ces dernières n’étaient pas des filles de joie et occupaient dans le boxon des fonctions bien différentes. La barmaid toisa ses anciennes collègues avec mépris, avant de se rendre compte qu’elles étaient toutes salement défoncées. Il semblait dès-lors inutile d’entamer avec elles la moindre conversation. Son ancienne patronne avait en revanche la tête froide, son vieux visage n’exprima qu’une sévérité glaciale à la vue de Vaya et sans rien dire, elle s’éclipsa promptement. La copine de Smith aurait plutôt souhaité que cette vieille salope tombe instantanément en poussière devant elle. Posée sur une table basse encombrée de verres vides, Martin distingua une petite plaquette brillante en papier couché à la gloire d’un institut nommé Samsara Foundation. Sur un ordre de Van Degaffe, Riton Tape-Dru et Le Barbouilleur s’extirpèrent non sans regret des profondeurs du grand canapé, avant de revenir en compagnie de Strazdinovsky, sur lequel ils croisaient consciencieusement leurs canons. Si les gonzesses étaient parfaitement démolies et riaient comme des oies, aucun des gangsters présents ne paraissait drogué, service oblige. Comme convenu, ils feraient payer cher un gigotement des prisonniers qui n’irait pas dans le bon sens ; toutefois, si Van Degaffe avait verbalement menacé de faire périr sur le champ les imprudents, en vérité ses sbires avaient reçus la consigne de ne les tuer à aucun prix. On pouvait à la rigueur leur tirer dans les jambes, un acte bien entendu regrettable, mais tout de même autorisé.

 

– Allons les petites putes, ordonna Degaffe, laissez-nous à présent.

 

Péniblement, elles cessèrent de jacasser et se levèrent à leur tour, l’esprit perdu dans une navrante torpeur. Lorsque Vénus Jade passa près de Vaya, celle-ci lui cramponna le bras, elles avaient été autrefois liées par une amitié sincère, au sein du Tripoli.

 

– Vénus, ça rime à quoi, tout ça ?

 

– Je suis désolée, Vaya, désolée. Le regard perdu, l’eurasienne menue se décramponna fermement de l‘emprise qui cherchait à la retenir, avant de tourner le dos et de suivre les autres sans se retourner.

 

– J’espère que vous avez apprécié de revoir vos anciennes amies, mademoiselle Condios, hélas, depuis le début de cette traversée, elles se complaisent à se vautrer dans un certain brouillard de l’esprit, fit Van Degaffe. Mais je vous en prie, passons donc à table à présent.

 

Le corps de Martin souffrait de crampes affreuses, mais il prenait sur lui pour ne pas le montrer. On l’installa à droite de Vaya, elle-même voisinant avec Strazdinovsky, alors qu’un Van Degaff particulièrement détendu leur faisait face.

 

– Nous arrivons dans les eaux hawaïennes, nous serons bientôt chez moi, j’espère que l’endroit saura mieux vous satisfaire que ce bateau puant. Le prof ordonna à Riton de leur servir du vin. Buvez doucement, Smith, il se peut que vous soyez pris de nausées. Je vous offre gracieusement un nectar fameux, il serait toutefois dommage d’en abreuver mon tapis, un Bakhtiari ancien, tout de même.

 

Non, le pinard passait bien et donna un coup de fouet salutaire à Martin qui termina son verre avec délectation. Un château truc du meilleur tonneau et de la meilleure année. Il venait certainement de s’enfiler le mois de salaire d’un balayeur de rues.

 

– Vous croyez savoir vivre, Van Degaffe, mais nous savons bien qu’amasser du fric n’est pas votre motivation.

 

– Exact. Je compte juste humblement améliorer les chances pour ceux qui le méritent de se décharger du fardeau inéluctable de leur existence en la renouvelant selon leur demande. Un projet qui n’est certes pas modeste, mais que je maîtrise davantage chaque jour, voyez-vous. Dans les siècles à venir, on parlera de moi comme le sauveur d’une humanité inutilement dégradée.

 

– Je vais vous éviter le tracas d’un procès, Degaffe, je vous tuerai avant et croyez-moi, l‘humanité dont vous parlez ne s‘en portera pas plus mal.

 

– Une telle éventualité peut attendre encore longtemps. Laissez-donc tomber pour l’instant votre obsession de prise mortelle en combat rapproché, je vous offre une pause amicale, ne venez pas la ternir avec votre lubie. Merci beaucoup, Le Barbouilleur. Servez-vous copieusement mes amis, je vous en prie, mangez donc ce homard à la crème prometteur, vous allez sans doute vous régaler !

 

Comme s’il s’agissait effectivement d’un simple souper entre amis, le reste du repas se perdit dans une conversation consensuelle et anodine qui n’apporta rien ni à l’un ni aux autres, on se contenta tout juste de complimenter au dessert le cuistot sur son travail effectivement louable. Et fort heureusement pour le climat ambiant, le taré ne laissa rien transpirer au sujet de ses satanées expériences. Alors que les verres se remplissaient de Cognac, l’attention de Van Degaffe fut un instant captée par une messe-basse d’El Barbudo venu lui glisser quelques mots à l’oreille. Le doc s’essuya aussitôt la bouche avec sa serviette et ordonna aux gorilles de conduire les prisonniers sur le pont. Il était question de leur faire réintégrer le container médical dans lequel ils avaient embarqués au départ de cette foutue croisière.

 

– Merde, fit Vaya, ça recommence.

 

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Bon week end à tous.

 

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Message édité par talbazar le 10-02-2018 à 16:11:15
mood
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Posté le 10-02-2018 à 13:24:05  profilanswer
 

n°52404416
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 12-02-2018 à 13:27:08  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/07/im0k.gif

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Amélie Ceboukin.

 

https://zupimages.net/up/18/07/913v.jpg

 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Frédérico Sinus.

 

https://zupimages.net/up/18/07/vabf.jpg


Message édité par talbazar le 14-02-2018 à 06:14:28
n°52423634
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 14-02-2018 à 06:06:01  profilanswer
 

Le congélateur muséographique.
 
Aujourd'hui : Narcissus, 1599, Caravaggio.

 
https://zupimages.net/up/18/07/xhq9.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Harry Cosek.

 

 
https://zupimages.net/up/18/07/5wsk.jpg
 
Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Anthony Truan.

 

 
https://zupimages.net/up/18/07/mgkd.jpg

n°52444042
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-02-2018 à 15:14:08  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/07/tcmd.jpghttps://zupimages.net/up/18/07/dceq.jpg

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 39.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpghttps://zupimages.net/up/18/07/duz7.gif

 

Gaston se doute bien qu’elle n’a pas contenue un vaccin contre la variole. Marité s’est assise sur le bout du lit et le frère et la sœur prennent place sur une chaise en face d’elle. L’ancienne épicière va parler seule, longtemps, presque jusqu’à l’épuisement, pour raconter ses mois d’aventures qui l’ont menés du Maroc en Inde, au bras d’un allemand amateur de morphine. Elle l’avait finalement abandonné pour le laisser dormir tout son saoul à Bombay, avant le rapatriement sanitaire qui venait de la faire revenir à Paris, où ses économies qui diminuent à vue d’œil lui permettent malgré-tout encore de louer la chambre qu’elle occupe à présent. Et voilà tout. En racontant sa vie devant ces deux gamins, ses mâchoires montrent beaucoup de peine à décrocher chaque mot, ce qui semble mettre Angèle très mal à l’aise. Et puis, fatiguée, elle s’allonge de tout son long et s’endort aussitôt, sa tête auréolée de ses beaux cheveux blonds, ce qui laisse Gaston et sa sœur un peu décontenancés. Le bras percé de leur hôte n’a pas non plus besoin d’en raconter plus. Ils se lèvent, il n’y a plus qu’à la laisser dormir en paix. Angèle décide de faire auparavant un peu de ménage, à commencer par la vaisselle accumulée dans l‘évier. Pendant qu’elle s’active ainsi, son frère examine la pauvre pièce abritant son premier amour. Sur le petit secrétaire collé contre la cloison et qui sert de bureau à l’occupante, traine un petit carnet dont les pages sont faites d’un étrange papier translucide. Gaston prend une chaise pour observer longuement les figures psychédéliques dessinées par Marité, des adresses, des comptes variés et des observations d’itinéraires lointains, puis il déchiffre ensuite les mots très intimes qu’elle a sans doute également tracés, puisqu‘il en reconnaît parfaitement l‘écriture serrée :

(…) Une chandelle soudain furibonde fait vaciller les ombres, sur le mur où ton délire permanent a punaisé des fantasmes vitraux extravagants et colorés. Une radio sans vie discipline l’ennui de notes machinales. Et puis tu te lèves et bailles et pisses une envie modérée. Tu prends soin de jeter furtivement un coup d’œil au miroir dépeigné, mais tu ne vois rien. Alors tu prépares l’alchimie ponctuelle de tes soirées. La radio se réveille alors et t’invite à danser dans le calme du jour achevé. Du bout des lèvres tu laisses s’égrener une musique arabe et ta voix secouée d’une toux rageuse donne le ton. Dehors, loin de la ville, le vent caresse doucement la campagne brûlée ; il t’appelle contre les carreaux en t’offrant l’hérésie d’une ballade dans des champs que tu devines inaccessibles. Il t’apprend qu’un arbre sans fleur n’est pas un arbre mort. Alors, pincée de honte, tu te replonges dans la lecture apaisante d’un livre délaissé et lis tranquillement le texte borgne d’un auteur aveugle. (…)
 (…) Quand tu en as marre, tu reposes le livre et restes là, assise, absente, vaguement malheureuse de ne pouvoir saisir un absolu féroce. Vaguement déçue aussi, quand bien même fuserait dans la pièce voisine un cri de joie, ou d’amour, ou peut-être les deux. Et tu descends brusquement des marches d’inquiétude dans le petit matin à peine éclos. Tu longes sans y prendre garde une ruelle qui s’anime et joue avec des gamins sales une marelle bruyante de complicité naïve. Tu évolues, sans hâte et sans but. Quand t’en prend l’envie banale, tu t’assois et suis à la terrasse d’un café le flot des humains bigarrés. Un va et vient subtil, incontrôlé. Tu plonges sans y réfléchir un sucre dans ce spectacle d’intérêt futile, tandis que s’offre sur un magazine une cover-girl dénudée. Rappel brutal de ton sexe atrophié de lassitude. Et tu tournes la page. Et marche ! Et répond d’un crachat sans grâce au beuglement des machines chromées devant lesquelles tu hésites, avant de rejoindre un autre trottoir, avant de prendre une autre direction. Une vitrine franche s’allume à ton approche et te démontre les ravages d’une drogue qui ne te possède pas tout à fait encore. Alors s’annonce, au gré des rencontres hâtives, un désir trouble de plaisir, comme la résultante d’un égoïsme lourd. (…)
 (…) Tu dérives avec nonchalance au milieu d’une foule feinte. Ne plus revenir à ton départ. Et marche ! Et geint doucement un râle emprisonné entre tes doigts crispés dans un jean fatigué de tes voyages. Et ne veux pas connaître la joie d’être joyeuse. Et fais grincer d’un pas traînant une coquille de misère sur ton présent écartelé. Des nuées de pigeons projettent une ombre saine sur la cité, récupérant aux interstices des pavés une identité à jamais défunte. Et tu vas les rejoindre ! Tu glisses doucement, bercée par tes songes blessés, dans cet univers morose du néant domptable où git, sur de multiples piédestaux : l’incertitude  ; tu allumes une autre cigarette et réalises en soupirant la perspective d’un ailleurs improbable. (…)
 (…) La rue bleue qui s’étire au fil des néons, tes yeux hallucinés qui caressent la tôle, une affiche arc en ciel où ton regard se noie : la nuit et son silence étonnement présent. Tu rôdes sous la pluie tropicale sur la chaussée qui dort, ivre de solitude, de drogue et de fumée. Fantôme désœuvré traînant dans les bazars, les murs te protègent, la lumière te dirige. Enfin le réverbère agonisant laisse la place au néant. L’aube naissante a brûlé ta dernière cigarette et mise à mort ta promenade solitaire. Alors… (…)
 (…) Alors tu reviens dans la pièce transie de ton absence qui se réchauffe lentement pour quelques grammes de magie-rauque. La chaleur du piston ! Acte de grâce ébouriffé à la pudeur malsaine. Ne cherche plus la cause et chasse le pourquoi. Tu es ta lumière et ta cendre, tu fuis ces pantins tragiques et tu te retrouves seule. Alors, tournant la tête à l’épave millénaire, tu (fixes) les yeux sur ton immense solitude et fais battre le cœur au rythme de l’ivresse millénaire. Le temps d’un trop court instant. (…)
 (…) L’autre jour, comme un sanglot, s’est terminé dans ce temple sans haine, dans cette pièce étroite où ton corps s’emprisonne, où ton esprit malade s’évade et se libère à la cadence des tambours sporadiques qui résonnent au fond de ta mémoire comme un clairon de désespoir. Un foulard sale noué sur un muscle absent, un estomac cadenassé sur un dégoût chronique avale sans hâte quelques nourritures calcinées. Tandis que trône sur la table de chevet une héroïne désabusée au pied d’une citadelle de cire éteinte. Elle te sourit lorsque tu la caresses, comme une vierge émue, le sexe ouvert d’impatience. (…)
 (…) Et tu galopes sur un cheval fou vers un Himalaya de rêve et l’éternelle plénitude d’un amas de nuages fabriqué par le chaos de tes idées. Ton visage ébloui par des nébuleuses d’oubli, tu tombes brusquement sur le matelas volant, quittant dans le tonnerre d’un orage redouté une monture lasse. Et fais surgir sous une couverture raide de crasse les dômes de Bagdad et les minarets de Salé. Alors tu deviens l’héroïne facile et tu pleures sans larmes, surgissant comme un geyser glacé dans les vastes prairies de l’inconscience. Petit à petit, tu es l’image de l’épave. Ton océan de solitude matraque d’une écume sale les roches noires de l’indifférence ; parfois tes paupières, comme des vagues incontrôlées, s’abaissent et se soulèvent et viennent heurter doucement des plages irréelles, vierges des autres. Mais ton cheval docile te rapporte l’orage derrière cette fenêtre quand, affolée, tu tires encore la couverture et ne veux plus entendre le fracas du réel. Embullée, prise au piège de tes propres doutes sur une banquise de hasard, tu cramponnes l’idée d’un repos fictif. Les pieds gelés de volonté vaine et l’émotion transie par des milliers d’hivers possibles. Sous l’œil absent des manchots figés par l’éternelle nuit polaire et qui paraissent t’attendre sans espérer le jour. (…)
 (…) Elle a les cheveux noirs des indiennes, une rose épanouie est plantée dedans, comme l’unique soleil d’une galaxie de bonheur. Elle te fascine, ses yeux sont mauves ou verts selon son humeur. Son visage est ridé par deux lèvres subtiles, failles équivoquent qui te révèlent leur secret dans la pénombre. Mais lorsque les corps redeviennent les corps, lorsque ton sexe las éteint la flamme du désir, quand sa poitrine exhale un doux soupir et se repose, tu fais glisser entre tes doigts fébriles les pétales de la rose fanée, tu te fais mal à ses épines dévoilées et hurle dans la nuit le nom de celle qui n’est plus qu’un souvenir. (…)
 (…) Alors tu remplis ton jouet dérisoire. Quand tu n’as plus l’envie féconde d’aller voir ailleurs, priant les dieux de faire vibrer l’instant démesuré où naitra dans ta chair l’orgasme synthétique. (…)
 (…) Paresse de l’instant au cœur de l’immobile. Fenêtre ouverte sur le mur, gigantesque écran de rupture, plus jamais ne donne l’heure du vécu qui s’anime. Et tu arrives à t’émouvoir du bruit de cette porte que l’on ferme, en rêvant dans cette pièce vide que l’habitude a tapissée. Les volets clos depuis laissent filtrer un unique rayon sur ton sommeil artificiel. Message d’agonie d’un astre pâle que tu martyrises. Combien de soirs privés d’étoiles entendent ainsi les mots que ta voix sans défense fait danser au milieu du silence revenu, pour aller se perdre dans les braises éteintes au fond du cendrier ? Miracle du sommeil, trouble avocat d’un inutile procès contre toi-même, qui repose ton corps brisé et offre à ta conscience tourmentée l’illusion d’une certaine béatitude. Une narine qui se pince ou une paupière qui s’affaisse, porte-paroles d’une symphonie intérieure qui te prolonge au-delà des limites d’un ciel toujours bleu. Doucement se soulève la herse du temps. (…)
 (…) Un coquillage mordoré apporte à ton espace le son d’un sitar éloigné et t’offre la vision fragile de conques errantes plages désertes, de chrysalides parfumées aux papillons velours, sous un palmier bronzé de l’âme autour duquel règne une étrange quiétude. Tu te réveilles et tu t’étires au matin qui s’annonce et fredonnes cette chanson douce à ta mémoire. Tu chantes une mélodie inventée pour ses cheveux fougères que tes pleurs ont souillés d’une douce rosée, pour son œil papillon qui d’un battement de cils a refermé ses ailes sur ton calice d’espérance. Tu chantes en attendant le soir, alors qu’explose dans le lointain de ton décor la joie des indigènes, trop forte. Et puis tu chantes encore lorsque plonge dans la mer un soleil embrasé de fatigue et que la brise unit les vagues et les herbes dans l’harmonie crépusculaire. Tu chantes et tu regardes le fumée du shilum qui s’évapore sans hâte au rythme de cette soirée. Les dieux sont morts, mais le tien vit toujours et se consume peu à peu. Les bateaux sont rentrés et tu en fais autant. Les cloches du temple bercent ton pas. Les perroquets effarouchés lancent des cris étranges et se cachent dans un dédale de plantes exubérantes, en admirant cette lenteur calculée que tu dessines dans ton sillage. Et puis tu presses le pas, hanté par les urines épicées de New-Delhi, le goût amer de l’opium entre les dents. Tu continues ta course vagabonde, saluant d’un geste bref un faucon solitaire qu’une aurore d’espérance a surpris sur sa branche. Un torrent traverse la forêt. Enlevant tes habits encore imprégnés des odeurs nocturnes, tu te mets à courir. (…)
 (…) Et tu te retrouves hagard et chancelant dans les rues de la ville. Les voitures te roulent dessus en bourdonnant par-delà tes tympans : ton rêve vient de se suicider. Lorsque l’on te demande qui tu es, tu réponds non, sans hésiter. Mais lorsque tu te fais désillusion, tu laisses dévoiler au fond de tes prunelles délavées un univers fragile et dramatique comme une femme qui se ferme. Tu traverses, tu traverses sans rire les avenues les plus larges, n’importe où et quand ça te plait, pour rejoindre d’un saut le passage saoul-terrien. Tout le monde se fout pas mal de ta folie, longue et maigre comme ta cigarette, la dernière, mince comme une aiguille, qui ne peut être la dernière. En attendant le miracle. (…)
 (…) On te demande l’heure mais ta voix reste muette. L’autre te regarde, fasciné, quand dans un délire personnel tu balbuties des mots voilés par la brume d’un paradis de décalage. Et puis tu tires encore une taffe et commande un café, en regardant par la fenêtre du troquet des palmiers verts, qui ne se fanent jamais. (…)

 

Gaston repose doucement le carnet de voyage usé et pressé par Angèle, il se lève à présent pour la suivre et s’en aller. La vieille porte ferme mal, en partant il est bien obligé de la faire claquer.

 

https://zupimages.net/up/18/07/wydm.jpg

  


Message édité par talbazar le 07-03-2018 à 09:20:02
n°52462354
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 17-02-2018 à 11:42:52  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 85.

 

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Assise à bord du Pamalrâssé sur une chaise basculante, Néefièretarée ordonna enfin aux marins son proche départ pour Larnak, sa destination finale. Les eaux devenues très vertes en raison de la crue qui s’amorçait formaient près de la rive de petits îlots hantés par les crocodiles, on pouvait observer l’extrémité menaçante de leur chanfrein émergeant sans aucune onde afin de respirer, ou les nombreux yeux fixes qui effleuraient à peine de l’eau pour examiner la flottille imposante s’apprêtant à partir. D’autres de ces monstres aquatiques à la queue musclée se reposaient la gueule grande ouverte sur les rives sableuses bientôt inondées. Sur le pont du navire, posé au pied du trône mobile de sa maîtresse, Sâmgaratte, le guépard royal apprivoisé, guettait avec une morgue méprisante ces gros cons déifiés, tout en mangeant avec délectation le petit singe offert pour son petit-déjeuner. Allongé au pied du lit d’ébène, le félin avait assisté cette nuit-là aux ébats effrénés de la reine avec son nouveau mec, le grec Lachedékess. Le moins qu’on puisse dire de cette chaude nuit d’amour est que l’esclave avait brillamment mené à bien sa mission et la pharaonne ne pouvait que se féliciter d’avoir collé dans ses draps ce péquenot du Péloponnèse. Elle avait donc décidé de l’embarquer pour s’amuser avec lui jusqu’à la fin de son périple. Merdenkorinnanâr était revenu de son combat contre les Hyksos et c’est avec le général à l’armure de cuir qu’elle discutait à présent sous le bleu profond du ciel, profitant du service attentionné de sa foule d’esclaves affairés, constamment activés à coups de trique par le chambellan suprême Tâtsamoul.

 

– J’ai maté les Hyksos, ok, mais je crains encore une possible coalition belliqueuse des Hittites et des Mitanniens, ça serait une autre paire de manches !

 

– Schrèptètnuptèt est plus dangereuse qu’eux tous réunis. Il est grand temps d’en finir avec ce voyage et que je revienne à Thèbes. Je suis devenue un dieu pas trop visible, ces temps-ci.

 

– Le Nil est en train de sortir de son lit, tu n’as qu’à en faire autant au lieu de te farcir cet obscur esclave grec, comme la dernière des décadentes. Il n’a pas franchement l’air d’être descendu de l’Olympe, ce type là. Sans parler du fait que sa nana enceinte croupit dans la cale de ton bateau.

 

– Occupe toi plutôt de tes batailles, d’haranguer tes archers nubiens et de mépriser le danger, ça vaudra mieux. Bon, je vais nommer Mer-Amen Tesmich nouveau vizir de l’Egypte et ce soir on va faire la nouba sur le bateau pour fêter ça. Je compte sur toi pour veiller à la sécurité.

 

– Je suis pas trop le genre à faire des concours de poésie à la gloire d‘Amon-Râ, tu le sais très bien.

 

– Des cogneurs de père en fils, vous les militaires, c’est tout ce que vous êtes, mais ma couronne vous doit beaucoup, je dois bien le reconnaître et la chose rend forcément mon opinion plus aimable vis à vis des soldats. Elle attrapa un nouveau macaque mort dans une corbeille pour le jeter aux crocs avides de Sâmgaratte.

 

Sur un ordre impérieux de l’amiral Sésoscristop, les bateaux se mirent en branle devant la foule amassée en grand nombre sur les quais d’Halopolis pour voir partir dans la soirée le convoi pharaonique. Entre les obélisques aux pointes dorées, certains commentaient que la reine avait l’âme d’une vraie professionnelle, d’autres louaient son sex-appeal éblouissant et très papyrusgénique. Tous avaient surtout grande hâte qu’elle foute le camp, pour que la ville retrouve enfin son calme. La plupart se félicitaient que la fête pour la nomination du nouveau vizir n’aurait pas lieu chez eux. Néefiertarée savait pourtant très bien que ce que les hommes préféraient en elle était quand ils étaient en elle, ce que confirma Lachedékess lorsqu’elle alla le retrouver dans sa cabine privée. Il était là, allongé et peinard, en train de fumer la chicha comme un prince assyrien, avec sur sa figure d’Apollon le sourire béat du mec satisfait. Il lui serra le ventre avec sa poigne habituée à manier les colis, elle fit la fille gentille en se collant sur lui sans même prendre son air narquois, puis elle frissonna avant qu’il ne se mette en quatre pour la convaincre de ses compétences amoureuses, à couilles rabattues. La nuit venue et comme prévu, alors que les bateaux illuminés glissaient sur le grand fleuve, il y eut sur le pont du Pamalrâssé une fête prestigieuse pour glorifier la nouvelle fonction de Mer-Amen Tesmich en tant que remplaçant de Phimosis. Conscient de ses droits et de ses privilèges l’ancien esclave gonflait le jabot et se la pétait un peu, accroché au bras tatoué de sa femme Trêmouatoli, elle-même moulée fièrement dans une belle robe rouge et qui portait sur la tête son cône blanc d’encens parfumé. Un groupe de scribes shootaient le couple à coups de croquis rapides pour immortaliser l’événement et offrir plus tard quelque matière à la gravure d‘un éventuel bas-relief people. Entre ses gardes du corps, Néefiertarée jouait l’aristo cool, portait sa fausse-barbe et s’amusait beaucoup, offrant au monde la vision de ses danses endiablées, puisque c’est souvent dans le plus petit détail que se niche la vérité du pouvoir. Les membres de la haute société venus des bateaux voisins profitaient également des réjouissance nocturnes, vidant abondamment leur coupes tout en souhaitant longue vie au nouveau vizir. Tous louaient la grâce endiablée des danseuses aussi félines que dénudées et les swings moelleux proposés par les joueurs de flûtes et de crotales au summum de leur art.

 

Insensible aux flons-flons des harpes, l’otage Aménorée gisait sur la paille épandue au fond de la sombre cale en caressant son ventre arrondi. Elle avait trouvé dans un coin un lourd maillet en bois oublié par un charpentier et l’avait glissé sous sa couverture en poil de chameau. Son gardien s’était fait un malin plaisir de lui raconter que Lachedékess se trouvait à bord, qui plus est dans le lit de la pharaonne. Peut-être animée d’une certaine pitié, cette dernière avait ordonné qu’on descende un panier rempli de fruits variés pour l’offrir à la prisonnière. Lorsque le gardien plein de bière ouvrit le battant de la porte avec les bras chargés de sa corbeille, Aménorée se leva sans même réfléchir et l’assomma brutalement en lui assénant un violent coup de son marteau sur le crâne. Elle s’empara ensuite du poignard glissé dans la ceinture, puis elle arracha la perruque épaisse et frisée qu’il portait, se la colla sur la tête pour masquer son visage et remonta prudemment l’échelle qui menait à l’étage supérieur. Dans la pénombre de cet entrepont, elle se glissa sans se faire remarquer au milieu des couples de nobles en train de baiser, se faisant passer pour une esclave insignifiante transportant son plateau contre sa hanche. Isis qu’elle avait priée dans sa prison tenait ses promesses et semblait décidée à favoriser son évasion. Alors qu’elle surgissait sur le pont encombré de noceurs, elle tomba nez à nez avec le père de son enfant, alors que penché sur le bastingage, celui-ci tentait d‘évacuer son excès de vin. Stupéfait, il roula vers elle des yeux de hibou en la reconnaissant, mais elle se jeta prestement sur lui pour lui percer le cœur de sa dague, avant de basculer par dessus bord pour couler aussitôt dans les eaux noires. La fête s’arrêta brutalement aux cris des courtisans, Néefiertarée repoussa avec effroi la servante qui lui rinçait les doigts. Armés de torches dérisoires, les Shardanes scrutèrent longtemps les vagues pour tenter d’apercevoir la fuyarde, mais le bateau filait rapidement et nul ne vit Aménorée réapparaître dans le sillage après son brusque plongeon. Lachedékess était mort et gisait dans son sang, sacrifié comme une chèvre de troupeau. En observant le corps au physique d’athlète où courait sur le torse la cicatrice faite par la griffe d’un lion et la belle figure au profil grec, Néefiertarée lui dédia une expression sans larmes, mais sa voix tremblante trahissait parfaitement le désir de vengeance mortelle que lui inspirait ce crime. Elle commença par ordonner qu’on décapite sur le champ le gardien toujours évanoui. Alors que le bateau s’éloignait encore puisque la brise gonflait toujours sa voile, Merdenkorinnanâr commanda aux archers de faire pleuvoir leurs flèches sur la surface liquide, en espérant pouvoir toucher à tout hasard la criminelle ; mais dans la nuit épaisse, il était impossible de pouvoir le vérifier. Le général masquait cependant mal l’ironie dessinée par ses lèvres, sans doute satisfait pour son compte par la mort subite du portefaix étranger. Néefiertarée suivit attentivement de ses yeux froids la course rapide des projectiles, en associant dans le feulement des traits aux pointes métalliques le bruit de sa propre haine. La colère de la pharaonne coupa court à la fête et la plupart des nobles se contentèrent d’attendre sagement en chuchotant que le soleil vienne à se lever pour rejoindre leur propre bateau. A la demande de Néefiertarée, Trêmouatoli accompagna son amie jusque dans sa cabine, la serra contre son sein en la couvant de ses beaux yeux, l‘huile parfumée empoissait à présent son épaisse chevelure. La maîtresse de l’Egypte se détacha finalement de sa confidente pour aller balancer un coup de pied rageur dans le narguilé et l'envoyer valdinguer au milieu des coussins.Toutes deux savaient que ce Lachedékess tué par une fille de peu ne pouvait mériter les pleurs de la reine des deux terres, laquelle descendait directement des dieux.

 

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Bon week-end à tous.

 

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Message édité par talbazar le 17-02-2018 à 11:54:12
n°52478468
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 19-02-2018 à 13:14:56  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Charles de Combat.

 
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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Thomas Toketchup.

 
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n°52533110
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 24-02-2018 à 10:25:27  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Cécile Lancebus.

 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Marc de Quaoua.

 

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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion - Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 38.

 

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« A reine qui point ne jouit, nul royaume ne sourit ». La lady du Fion savourait la vertu du bain chaud plongée dans son étuve, mais la pensée lancinante de sa déconvenue lui fit balancer son petit phallus de buis à travers la salle. Cet objet bien tourné n’était pas plus capable d’incendier son froid temple d’amour que les trois jeunes valets qu’elle venait de congédier. Son dos nu caressé par le drap blanc et mouillé qui couvrait la baignoire, elle se laissa glisser lentement dans l’eau fumante, prête à se noyer car la vie n’avait plus assez d’épice et son bouton de rose trop fané pour qu’elle puisse en espérer la moindre joie. Son désir vacant avait désormais épuisé tous les chevaliers qui n’étaient pas allés guerroyer contre Mouyse et aucun ne pouvait se vanter auprès de ses amis qu’il serait le prochain roi. Plongée dans le fond du baquet au sein de ce liquide bienfaisant, Amanda ferma les yeux, il suffirait d’ouvrir tout grand la bouche pour en finir. Ainsi mourraient les gens de Kiess pour des questions d’honneur, bien qu’ils prissent toujours soin de se trancher les veines auparavant. Comment s’appelait ce mage, déjà, ce vieux sage parti avec de preux chevaliers vers le lointain Bonanzaza pour la sauver en lui ramenant une fleur guérisseuse ? Mirlen de la Perlouse, de la Pérouse ? Peu importe. Il lui avait raconté que l’on revivait toute sa vie au moment de mourir, allait-elle en faire autant si le bain tout entier rentrait dans ses poumons ? De toute évidence, ce magicien ne reviendrait plus et elle à présent siégeait sur un trône pourri. Amanda se redressa brusquement dans un jaillissement de gouttes tiédies, bousculant l’étroite planche en bois qui barrait la baignoire et sur laquelle se tenait un reste de repas. Elle chassa ses idées noires en ouvrant les yeux, l’eau ruisselante se mêla à ses larmes. Provenant du vaste bayle intérieur qui s’étalait sous son donjon, elle entendait les coups sourds des charpentiers qui échafaudaient la grande tribune destinée au prochain tournoi. Sur ce grand terrain clos du château délimité par une grande enceinte fortifiée, s’affronteraient bientôt des chevaliers que la reine avait soigneusement choisis. En premier lieu l’intrigant Jean Bon de Always, seigneur de l’Essexenrut, une baronnie située au nord à la frontière du pays de la Godée et qu’il gouvernait au titre de tenant en chef de la reine. Mais depuis le départ de l’armée, ce puissant affirmait et confortait avec la dernière impudence son droit de petit souverain, fortifiait à loisir son château de solides maçonneries, pressurait fort ses pauvres serfs en s’appuyant sur le bras armée du comte Eustache de Méboule, venu également à Fion pour jouter contre lui, avec sa femme Margote Tumelalève de Méboule. Tout comme son fidèle baron, Jean était accompagné de son épouse Mouyse de la Verrière de Always, mais également de ses deux filles Blanche de Always et Aurore de Always, de belles jeunes femmes enjouées que Amanda appréciait beaucoup, si elle ne nourrissait pas une bonne opinion identique vis à vis de leur père. Quand à leur mère, originaire de l’est de l’Hyperbourrée, la malheureuse portait malgré-elle un prénom homonymique du royaume ennemi. C’était donc pour éloigner de son fief ce vassal instable et le tenir à l’œil que la reine avait invité Jean et Eustache à venir divertir les nobles en son castel de Fion, sommation aimable que les deux hommes ne pouvaient décemment refuser à leur suzeraine. La porte s’ouvrit sur Nicolette et Sidonie qui suivaient Béluclaire, une petite servante s’épuisant d’un lourd broc d’eau chaude destiné à empêcher le bain de se refroidir.

 

– My lady, on signale un messager de votre ost qui vous attend dans la bottelerie. Un marin, semble-t-il.

 

– Des nouvelles, enfin ! Habillez-moi vite, ah ma Bélu, j’ai hâte d’entendre ce qu’il va me dire.

 

La brume qui s’attardait depuis l’aube léchait la haute chemise du donjon en pierre claire que contourna Amanda, pour se rendre en hâte dans la grande salle située dans la tour Mado qui lui faisait face. Un groupe de femmes cardaient déjà leur laine au soleil naissant près de la porte cloutée. Devant la forge proche un cheval à l’attache attendait peut-être d’être ferré dans la matinée. La reine du fion vit que les préparatifs de la lice étaient pratiquement terminés, deux hommes plantaient le pieu de la quintaine dans le sol de la place d’armes spécialement apprêtée, près de longue allée sableuse où combattraient les chevaliers aux épées non émoussées. La tribune royale attendait pour le lendemain la pose de ses larges voiles qui devaient l‘embellir. Bien vilaine bête à voir en ses défroques, le marin au linge élimé et bottes délabrées l’attendait finalement dans la pièce, scrutant la riche vaisselle en or exposée sur un buffet massif. Il se retourna lorsqu’un garde de la châtellenie l’en pria pour se présenter devant la reine en posant le genou. L’homme déclara s’appeler Geoffroy Dujonc et tous pouvaient bien voir à son air curieux que ce rat de nef pénétrait pour la première fois dans le château royal. Les écuyers de jean et Eustache avaient déjà reçus ses confidences en premier, Amanda les vit emprunter l’escalier pour aller sans doute prévenir leurs maîtres qui dormaient au niveau supérieur. Elle fut probablement fâchée de les voir se dérober, mais elle avait trop hâte de connaître les événements que ce marin pouvait lui révéler.

 

– Majesté, que sainte Kramouille nous prenne en sa pitié, mais votre flotte est décimée. Fion n’a plus de marine !

 

– Que dis-tu ?

 

– Nous nous sommes échoués sur l’île de Godapat où nous dûmes nous attarder pour réparer. Hélas, la grande wérole vient de frapper ces chasseurs de castors et que Kramouille en soit bénie, je fus par miracle épargné. Mais en cherchant à fuir le mal, tous vos navires se sont brisés sur les noirs récifs de la baie des Gogs. Je suis peut-être le seul qui soit revenu vivant, j‘ai attendu trop longtemps sur le rivage pour pouvoir en douter. Votre vaillant vizir le capitaine-chevalier Franquette de Labonne, général en chef pen bagad des troupes de Fion et messire Robinet Atétard sont morts. Probablement puis-je dire aussi que votre amiral le seigneur Gaëtan Maldemer de Posegalettabord s’est noyé dans le naufrage de son bateau que j‘ai vu de mes yeux sombrer. Je suis désolé. Impressionné de parler à la reine en personne, il cessa sa jactance en gardant un air quelque peu craintif.

 

– Et des nouvelles de mon armée de terre, vous en avez ?

 

– Non pas, mais la dernière poularde messagère jetée sur notre pont annonçait l’attaque de Poudkor par Gaultier Quilamolle.

 

Les gardes avaient d’un coup saisis leurs lances pour tenir en leur bout le marin éloigné.

 

–  Prenez-garde, majesté, ce faquin est peut-être wérolé ! Nous devrions le jeter dans les flammes.

 

– Bande de malotrus aux lèvres pendouillantes, si c’était le cas, je n’aurais pas fait tout l’hasardeux chemin depuis la baie des Gogs pour venir jusqu’à vous. Je serais mort depuis longtemps.

 

–  Il dit vrai, laissez-le aller. Amanda était dévastée d’apprendre que toute son armada venait de couler. Et voilà donc aussi pourquoi les fourrures de castor cessaient de garnir ses marchés. Ajustant sur sa tête son touret plissé qu’elle sentait glisser, elle demanda qu’on fasse venir Blanche de Pastille pour lui apprendre que son mari avait péri, car le royaume de Fion se trouvait à présent dépourvu de vizir.

 

Brisebarre le Brun redressa sa pique à regret, mais il laissa à son compère Taillecol le soin de conduire Geoffroy Dujonc vers les cuisines, car celui-ci disait avoir très faim et soif. En dépit des bonnes poiscailles et abondantes gourmandises servies à profusion, on banqueta ce soir-là dans la salle d’honneur du donjon avec une sévérité rare. Les longues tables formaient un T au bout duquel siégeait bien entendu Amanda Blair, laquelle avait bien pris soin de poser sur la tête sa belle couronne en or, pour mieux rappeler à Jean Bon de Always qu’elle gouvernait. Il se tenait juste à sa droite et sa femme à la gauche, mais la reine n’avait d’yeux et d’écoute que pour les filles Blanche et Aurore qui lui faisaient face. Eustache de Méboule était déjà ivre, se levait en braillant et cognait sa chopine à tour de bras, en tâchant de faire sourire sa voisine, une Blanche de Pastille faussement attristée, puisqu’il était visible que le baron de la Bigturlut, son amant du moment, farfouillait sous sa robe. Le pauvre Franquette de la Bonne avait porté pendant tout son mariage des bois plus lourds qu’un cerf des forêts. Si Amanda enviait évidemment la joie secrète éprouvée par la femme de son ancien vizir, néanmoins Margote Tumelalève de Méboule qui observait le manège en paraissait ouvertement choquée. La reine du Fion se suça un doigt plein de sauce puis se tourna vers Jean :

 

– On m’a dit que votre gibet s’enorgueillit de huit piliers toujours garnis, voilà bien le dispositif digne d’un roi, mon ami.

 

– Ma justice de l’Essexenrut est bien plantée, il est vrai. Elle a en ce moment fort à faire, majesté, votre royaume est appauvri, vilainement bousculé et votre guerre contre Mouyse le prive de ses meilleurs guerriers.

 

– Ma guerre est aussi la vôtre messire Always et si vous-même ne suivez pas mon host, puisque vous protégez la frontière qui borde le pays de la Godée, tâchez surtout de ne pas l’oublier.

 

– Nous n’avons plus de flotte, rien n’empêche celle du tyran de se présenter sur nos côtes, y avez-vous songé ?

 

– C’est pourquoi nous devons nous hâter de l‘assommer. Gaultier vaincra Poudkor, je le sais, il marche bien et Vladimir Poustapine comme Richard Beurre de Fion ne sont point couards au combat. Elle plissa subtilement les yeux vers son interlocuteur, puis appela Nicolette pour qu’elle approche une aiguière afin de se laver les mains.

 

Quand les plats d’or niellé furent vidés, que les acrobates eurent terminés leurs pitreries audacieuses, que les entre mets furent avalés, les esprits échauffés par le vin se délassaient enfin de rires sonores et l’ambiance résonnait de meilleure joie, mais Amanda commanda du silence, elle avait une déclaration à faire. Jean et Eustache cognèrent de la cuillère sur les pichets d’étain pour lui permettre de s’exprimer, la reine se leva dignement, environnée de visages attentifs et curieux.
 .
– Beaux doux messires, mes seigneurs et amis, avant le blanc manger qui va clore ce banquet, je tiens à faire une déclaration. Vous tous, mes vaillants chevaliers qui jouterez demain, oyez ceci : notre bon vizir est mort, je dois le remplacer. C’est pourquoi je déclare que le vainqueur de mon tournoi héritera de son titre vacant, par justice de Kramouille et mon noble désir.

 

Dubitatif, Jean tripota longtemps sa courte barbe brune, tâchant d’évaluer ce que cette nomination lui permettrait d’obtenir, alors qu’il avait déjà tant et voir plus, pour une charge de responsabilité bien moindre. Mais pour Eustache, vassal de ce dernier et simple comte sans château, il s’agissait d’un bond colossal de sa propre condition. Amanda le savait bien, elle espérait d’ailleurs dans son calcul que tous les combattants se battraient pour le titre avec une férocité qui mettrait justement Jean Bon de Always en danger. Elle savait qu’en le rendant vizir, un moindre noble lui ferait le meilleur des alliés et qu‘en entrant en concurrence lors du tournois, aucun ne ménagerait ses coups. Sans s’y lober, elle regarda Eustache se remplir une nouvelle coupe, sa grosse tête taurine aux prises avec de secrètes pensées. Elle préféra en revanche se passer des regards angoissés de Blanche et Aurore qui craignaient pour leur père, elles avaient pareillement compris que le simple jeu du lendemain portait en lui le germe d’une lutte pratiquement mortelle. On digéra la ripaille tard en soirée en profitant toutefois gaiement des danses et des musiques. Blanche de Pastille complètement saoule ne cachait même plus qu’elle était prise de ferveur amoureuse et son corsage était même un peu délacé. Elle était officiellement endeuillée, Amanda ordonna sèchement à Juvénal de la Bigturlut d’aider sa devergoigneuse à quitter les lieux. Margote jeta vers le couple qui passait devant elle un œil fort courroucé. Et puis tout le monde alla enfin se coucher dans les draps blancs et parfumés, puisque le tournois fameux aurait lieu vers midi. Alors qu’elle s’endormait entre les douces Aurore et Blanche qui partageaient sa couche, Amanda en fermant les yeux espérait que la gueule de bois d’Eustache ne ferait pas dévier les coups de son épée.  

 

Le lendemain, on se rendit dans la haute tribune qui s’ornait des blasons du Fion. De nombreux oriflammes surplombant la lice en rappelaient également les couleurs. Pendant au moins deux heures, les cloches du temple de Kramouille sonnèrent à la volée. Une grande foule venue de la ville se pressait contre les barrières et l’on y voyait même quelques familles de huelabits venus de la Godée en bravant les pillards Zgomatix. Quelques-uns de ces nains joyeux montaient de petites licornes à peine plus grandes que des biquettes. Les enfants du Fion amassés dans la cour en étaient joyeusement intrigués. Des crieurs offraient leur vin en cruche et de jeunes écuyers équipaient avec science leur champion, d’autres plus désœuvrés baillaient aux corneilles sur des balles de foin. Près des chariots de bois alignés contre un mur, Eustache de Méboule en armure et muscles forts caracolait sur son cheval gris en éprouvant le poids de sa lance, d’autres de ces ferrés discutaient âprement au pied de l‘estrade, la visière de leur heaume relevée. Chacun savait que la gentille épreuve pouvait se terminer par une mort véritable. Sur le chemin de ronde, les soldats du guet délaissaient la campagne pour s’offrir en bonne place le spectacle de cette journée qui verrait proclamer leur nouveau vizir. Le casque ceint du ruban de sa femme, Jean Bon de Always agitait son écu brillant semé de quintefeuilles et faisait le fanfaron pour amuser les gueuses, peut-être sa manière à lui de chasser la tension des combats à venir. S’il faisait bien volontiers rire les filles aux couronnes de fleurs, sa femme Mouyse de la Verrière lui rendait en revanche un visage angoissé. Elle avait pris place sur un coussin posé dans les gradins aux côtés d’Amanda avec ses deux filles superbement parées, près de Blanche de Pastille au visage pâle et Margote Tumelalève de Méboule. Les choses cessèrent finalement de trainer, Amanda se leva, fit un signe aux trompettes et la lice se vida pour laisser les jouteurs se mettre en selle. En premier, ils coururent la quintaine lancés au galop l’un après l’autre et Philippe de Manouille, n’ayant pas su frapper le mannequin en plein centre, reçut avec vigueur la lourde masse en plein dans la poitrine, il tomba lourdement sur le sable et fut éliminé. En revanche, concourant le dernier, Eustache planta sa lance si fortement dans le bouclier du traitre homme de paille que forme et fer en furent traversés de part en part. De Méboule laissa la hampe dedans et fut déclaré vainqueur de cette épreuve, sous les hourras sonores de la foule et la stridence des buccins. Tous allèrent ensuite prendre un peu de repos dans les tentes coloriées, en attendant les fameuses charges à venir.

 

Pour ne pas galvauder l’enjeu de ce tournoi, Amanda avait recommandé que les armes ne soient point courtoises, on allait donc s’affronter avec des lames véritables. Du haut de leur chauffaud, les juges relayèrent l’ordre de la souveraine et les rencontres débutèrent. Le cœur des femmes cogna plus fort que les sabots en voyant les chevaliers à la lance brandie se diriger l’un contre l’autre. Les qualités de chacun furent déclinées, on cavala en duel, rompant durement les lances, Eustache fut désigné pour combattre Estienne Vergenfer, qu’il vainquit d’un choc si formidable que le bout de sa lance emporta pour finir la housse chamarrée du cheval de son adversaire, mais la bête ne fut pas blessée. Peu à peu, le tournoiement se clarifia et Jean se présenta contre Neomaque le Borgne, dont il cabossa brutalement la plaque de renfort gauche en lui choquant l’épaule. Désarçonnés tous deux, ils bataillèrent de l’épée devant la foule enthousiaste, les deux hommes enrageaient puis Jean frappa si fort que Neomaque porta sa main au col, pissant le rouge il tomba tout du long, il était mort et les médecins s’en emparèrent. Guilain de Vergeture fut tué lui aussi, pourfendu jusqu’à la cervelle et trois autres chevaliers se virent très grièvement blessés, un en perdit la main dans une gerbe de sang. En fin de journée, les joutes succédèrent pour de bon au tournoi et Jean se retrouva sous les huées à lutter contre Eustache pour le duel final que tout le monde attendait en bonne vérité. Les coups lâchés drus sur les plaques d’armure fusaient des étincelles, Eustache était plus fort et Jean beaucoup plus leste, la lutte haletante fut longtemps incertaine, en fatiguant très méchamment les deux. Alors Méboule perdit la sangle de son bouclier, l’affaire ne traina plus puisque son terrible adversaire se jeta férocement sur son propre sergent, qu’il barra en poitrine si durement de sa lame qu’Eustache allongé sur le sol ne bougea plus. Il avait son épaule brisée. Comme le soir venait, les juges proclamèrent « tournéis » ainsi que l’éclatant triomphe de Jean Bon de Always, lequel dans sa fatigue sanguinolente s’entendit proclamer par la reine nouveau vizir du Fion. Voyant leur père vainqueur autant que sain et sauf, Aurore et Blanche décramponnèrent les frêles phalanges de leurs mains jointes.

 

Lors du nouveau banquet fastueux qui fut offert au château pour terminer les âpres jeux, Amanda félicita une nouvelle fois Eustache au bras bandé, mais elle donna à son vizir un ordre impératif qu’il ne pouvait contrer.

 

– Messire Jean, vous avez gagné de haute lutte par désir de Kramouille, mais je veux que vous partiez très vite en route vers Mouyse avec le renfort des troupes de réserve, pour compenser mon manque des marins. Marchez sans plus tarder dans les landes de l’Hyperbourrée et rejoignez promptement Gaultier. Toutes les dix lieues que vous ferez, vous détacherez un messager qui viendra rendre compte de votre avancée. Jean resta la regarder, les traits décomposés, ces mots le plongeaient visiblement en grande destrance.

 

– Ma bonne reine du Fion, my lady l’imburnée, reine des mandales, pleine des derniers hommes, l’amère des officiers dragons, calice de la grande merdeuse, vous me faites vizir, mais mon fief du nord ne saurait rester fort sans ma présence.

 

– O certes, répondit Amanda sur un air de franche gaberise, votre belle forteresse de l’Essexenrut nous préserve des incursions Zgomatix, mais on m’a dit que le gros de ces barbares était parti à Mouyse pour s’allier au tyran, le danger couru par ces nomades est donc bien moindre. Le comte Eustache restera la défendre et votre femme Mouyse de la Verrière veillera fort bien sur tous vos intérêts. En revanche, vos deux filles bien aimées resteront ici et me tiendront la compagnie dans mon castel, il sera fait comme je viens de vous dire. Glorëus vizir Jean Bon de Always, vostre amor vos quier, abaisiés vostre raison si cier com vous m‘avés, oëz et que Kramouille vos béneïe.

 

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Bon week-end à tous.

 

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Message édité par talbazar le 03-03-2018 à 10:09:18
n°52597341
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 02-03-2018 à 18:33:33  profilanswer
 

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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 57.

 

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 Ils arrêteront son cœur en une nanoseconde s’il tente de fuir, Franck Sonotrou est prévenu, le cardiostop que le toubib lui a implanté à la suite de l’extraction du nanotraité ne risque pas de tomber en panne. Echec sur toute la ligne pour l’agent du président Sirkisi et la suite s’annonce pour le moins sombre, avec pour seule perspective la mort ou le bagne et son scaphandre rouge d‘infamie. Bien entendu, on a au passage raclé ses ongles pour les libérer des implants volés sur Phobos aux cadavres des forces spéciales. Poussé dans l’espace par une formidable ondulation lumineuse, le lourd Shaleclair chute rapidement dans la rouille vaporeuse de Mars. Phase une à contrôle, ok, phase deux à contrôle, ok, puis il se pose avec une grâce étonnante sur l’immense désert rouge et pierreux où le feu du soleil fait reluire le gigantesque dôme du Conseil Martien défédéré. A l’intérieur de ce bâtiment officiel, la nonchalance apparente du congrès convoqué en session extraordinaire n’est qu’apparente et personne ne s’y trompe, surtout pas le président Nikos Sirkisi. Sa femme Jolie Goyette est rentrée en urgence de Cocooniet, la station spatiale mercurienne, paniquée par l’ampleur des événements qu’elle a inconsidérément provoqués par pure jalousie de femme trompée. Elle ne désirait qu’une intensification des combats provoquant la ruine et l’affaiblissement définitif du père de Suzanne, pari probablement gagné, mais après l’assassinat scandaleux de Pourichine, elle va surtout récolter l’amère destitution de son mari et un exil honteux. L’iris régulant la luminosité de la grande pièce aux gradins bondés se ferme lentement un quart pour tamiser le puissant rayonnement solaire, ajoutant au sentiment de menace qu‘elle ressent. Dans les rangs des administrants, Jack Giriaque et Steve Magouine se savent pareillement menacés, ainsi que tous les armateurs qui ont voulus traiter avec les indépendantistes une paix secrète. Jolie soutient leur regard inquiet, puis porte son attention sur Nikos à présent debout devant son pupitre et visiblement la proie d’une effroyable solitude. Que jamais il n’apprenne qu’elle fut le rôle exacte de son épouse dans la machination qui va parachever le triomphe des bellicistes. Chacun a pu remarquer qu’aux étages inférieurs, la garde équipée de paquetage 3 a été considérablement renforcée et qu’en réalité, le bâtiment colossal grouille de militaires armés jusqu‘aux dents. Pour le moment, le général Digoule reste invisible, tapis dans son coin comme une araignée patiente, mais le poids de sa volonté pèse lourdement sur chacun des sas d’entrée de l’énorme construction. La salle est faussement calme, pourtant les implants des cénazteurs et des administrants sifflent en continu de murmures alarmants. Alors que l’obturateur s’est encore déplacé pour rajouter un peu de pénombre dans l‘amphithéâtre, tous se lèvent à présent pour respecter la solennité du protocole, le président du Conseil Martien défédéré, chef du congrès et gouverneur absolu de Mars va parler.

 

– Camarades, gavarit maskva, le congrès est avec vous. Depuis que les planètes ont quittées l’union galactique, elles sont devenues maîtres de leur destin pour favoriser une certaine concurrence commerciale interplanétaire. Aujourd’hui, Mars est en proie à la guerre civile et les mineurs natifs réclament une indépendance garantissant la maîtrise de leur production. Sur les conseils d’un certain nombre d’administrants gérant les ressources martiennes, le cénaz a hélas approuvé le conflit meurtrier qui nous oppose à eux. L’impasse militaire actuelle plonge cependant un grand nombre d’armateurs dans un gouffre financier, il est donc vrai que nous avons le désir de faire cesser les combats et de négocier politiquement avec les rebelles une paix durable. Un certain nombre d’entre-vous veulent une guerre totale, nous voyons bien que cette attitude outrageusement belliqueuse n’apportera rien d’autre que la ruine définitive des institutions martiennes. Il n’était pas nécessaire de conduire une cession extraordinaire à la demande du cénazteur d’Hesperia pour vous le rappeler une fois de plus. Toutefois …

 

– Cessez votre comédie, président Sirkisi, fait à brûle-pourpoint le sus-nommé cénazteur Nick Cageot en se levant brusquement. Le meurtre de Jilouc Mélenchouille n’était pas un accident et si l’on y rajoute l’assassinat récent de Vlodim Pourichine, vous portez en réalité sur les épaules le poids de ces actes odieux.

 

– Comment osez-vous …

 

– Oui, vous convenez avec quelques administrants que je vais nommer d’une amitié à l’encontre de nos ennemis aussi décisive que malsaine et j’ai réuni ce congrès de manière extraordinaire non pas pour divulguer aux oreilles de tous de fausses rumeurs, mais fournir l’évidence et la preuve d’une ignominie de haute trahison. Vous-même, avec entre autres les administrants Jack Giriaque et Steve Magouine, dont je demande la saisie judiciaire immédiate des transbordeurs, je vous accuse d’avoir trahis notre confiance, en concoctant en grand secret une méprisable tentative pour nouer une intelligence avec l’ennemi et négocier une paix honteuse dans notre dos. Vous n’êtes plus que le chef d’une coalition de peureux qui ne peut désormais plus dissimuler à nos yeux ses vils desseins. Nous demandons votre destitution et votre exil politique, puisque vous ne sauriez plus être le mandataire du pouvoir légitime, mais seulement le président d'une minorité cénaztoriale scélérate et d’administrants comploteurs.

 

Alors que Sirkisi va répondre tant bien que mal aux accusations criminelles,  un brouhaha indescriptible s’anime dans les bancs du cénaz. Bien que plus mesurés, au sein des administrants on tombe le masque également, entre partisans de la paix et ceux de la guerre à outrance. Il est vrai que si l’effort de guerre ruine des armateurs comme Giriaque et Magouine, le blocus martien et la situation chaotique profite subtilement à d’autres, en nombre certes bien moindre. C’est ce moment de trouble que le général Digoule en grande tenue attendait sans doute pour intervenir. Sans que personne ne l’invite, il se présente devant tous en prenant place au côté du président, trois soldats situés derrière lui encadrent l’oberleutnant Franck Sonotrou. Cette mise en scène menaçante dans un enclos civil prouve à elle seule le caractère extraordinaire de cette session. La voix forte du Tsar résonne pour calmer immédiatement l’assemblée houleuse.

 

– Camarades, gavarit maskva ! Je remercie le cénazteur d’Hesperia d’avoir mis en lumière les agissements souterrains du président Sirkisi et de ses complices. Bien qu’ils ne soient plus rendus publics, je porte à votre connaissance le bulletin de guerre 08. Deux canyons de Noctis Labyrinthus viennent d’être repris. Les terriers des rebelles sont à présent parfaitement localisés et n‘attendent plus que d‘être détruits, mais j’ai naturellement besoin de votre accord pour lancer l’offensive ultime. Nous savons où se trouve Fanch Yoland et Karela Borounie actuellement, il ne tient qu’à vous de les anéantir. Je vous rappelle qu’Arsia Mons et Pavonis Mons n’ont plus de cénazteur, le congrès a-t-il décidé de se faire décimer un par un ? L’insurrection n’a jamais été aussi forte, il ne vous est plus permis d’atermoyer plus longtemps, je vous demande d’approuver enfin sans condition la sûreté de ma force.

 

– Général Digoule, fait piteusement Sirkisi, nul ne vous a autorisé à intervenir dans ce débat et…

 

– Laissez-le parler, président, intervient Cageot en se rapprochant lui-même de la tribune. Curieusement, les membres du congrès semblent maintenant tétanisés.

 

– Mesdames et messieurs les cénazteurs et administrants, reprend le général, le président Sirkisi a voulu licencier l’armée et travailler à sa dissolution afin d’entamer des pourparlers de paix avec l’ennemi, il est temps à présent de réparer l’omission de votre vigilance.

 

– Votre accusation est grave, interroge Maria Couloss, cénaztrice de Noachis Terra, quelle preuve apportez-vous ?

 

– Lui, fit simplement Digoule en désignant du doigt Franck Sonotrou, et surtout ce qu’il avait pour mission de transmettre à Fanch Yoland.

 

– Oberleutnant, lui demande le cénazteur Cageot, avez-vous été envoyé par le président gouverneur de Mars en service spécial pour négocier en secret la paix avec les rebelles ?

 

– Oui.

 

– Portiez-vous à cet effet un nanotraité cherchant à pactiser avec les rebelles ?

 

– Oui.

 

– Avez-vous assassiné le cénazteur Vlodim Pourichine ?

 

– Oui.

 

La cohue est indescriptible et puis Digoule demande et obtient un silence fragile. Tous voient s’animer le cast géant du nanotraité que chacun peut lire et dont les termes ne laissent aucun doute sur sa nature. Le contenu de ce document paraphé par Sirkisi cherche à l’évidence à prendre de court le congrès, au mépris des décisions collégiales de ce dernier. Le clan de la paix ne peut plus nier l’évidence de ses agissements. Les cénazteurs Maria Couloss, Claoudio Françaoui, les administrants Silbie Vortan, Jack Giriaque et Steve Magouine sont montrés du doigt par les plus virulents. La neutralité s’efface, les va-en-guerre réclament avec force cris leur arrestation. Le président Sirkisi se voit privé de son droit de réponse, la session tourne confusément au spectacle du procès politique mené contre des hauts personnages accusés de trahison. Avec le plus grand mal, le cénazteur Nick Cageot parvient à obtenir un peu de silence, avant de reprendre la parole.

 

– Camarades, conformément aux termes de la loi planétaire, je demande votre vote pour déposer le pouvoir du président Nikos Sirkisi accusé de traîtrise et d’entériner l’échéance anticipée de son temps. Je réclame naturellement l’arrestation et la confiscation des biens des administrants impliqués dans le complot et la Médaille d’Honneur du congrès à titre posthume pour Jilouc Mélenchouille et Vlodim Pourichine. Je suis prêt à conduire l’intérim de la gouvernance, en attendant que… Il est soudainement interrompu par le général Digoule.

 

– Cela suffit, cénazteur Cageot, lorsque je vous aurais mené à la victoire, vous reprendrez vos bavardages. Faudra-t-il tous vous soumettre à un test de loyauté ? Je conduis une guerre que je suis seul capable d’achever, mais j’exige dorénavant votre obéissance absolue. En dépit du silence revenu, les propos du gradé provoquent un flottement dans les gradins. Insensiblement, les lasers des gardes se sont pendant ce temps levés en direction des accusés.

 

– Que voulez-vous dire, général ? lui lance le cénazteur de Cydonia Mensae.

 

– Qu’il est nécessaire que je prenne provisoirement le commandement intérimaire de Mars pour conduire la guerre en tant que généralissime seul et unique, avec les pouvoirs les plus illimités dans l’espace orbital et au sol. Et que je soumets bien volontiers cette décision au collège électoral de Mars pour son approbation. Nous devons montrer une inexorable sévérité contre les rebelles, je prête ici serment de vous en débarrasser.

 

– Une dictature ! lance Cageot avec amertume, nous ne voterons pas cela.

 

– Oui, ajoute un administrant pourtant peu favorable aux pacifistes, n’oubliez pas que le trésor de Mars paye la solde de vos soldats, que ce sont en réalité les armateurs qui les arment. Nous sommes la seule puissance législative et exécutive et nous ne déposerons pas tous nos pouvoirs entre vos seules mains.

 

– Compte tenu des circonstances, vous allez pourtant ratifier légalement le mien. Je demande seulement l'autorité absolue sur l'armée alors que la guerre s‘envenime, mais je vous abandonne bien entendu la compétence judiciaire locale et le pouvoir administratif s’il peut me convenir.

 

Le congrès tremblant se sait manipulé. Malgré tout, le pouvoir électoral privé des conspirateurs vote temporairement à une majorité écrasante les pleins pouvoirs au général Digoule, lequel regarde ce résultat avec jubilation. Le Tsar observe impassible ce babillage légiférant qui s’effraye finalement devant sa propre couardise. On s’apprête à lever la séance qui vient de le rendre dans les faits le maître de Mars, rompant de façon spectaculaire avec toute la tradition martienne. L’effet de la peur a joué en sa faveur, mais il sait qu’il ne peut en jouir pleinement sans subtilité.

 

– Je laisse le sort des traître entre vos mains, je n’ignore pas que le judiciaire de Mars n’est pas complètement souverain et que vos justes sanctions doivent recevoir l’approbation de la cour de justice galactique pour être exécutées. Je ne saurais cependant pas me satisfaire d’une fidélité douteuse, prenez vos sages décisions.

 

C’est ainsi qu’à l’issue de cette formidable séance, le président gouverneur Nikos Sirkisi est déposé et condamné à l’exil par le vote quasi unanime du congrès, que les armateurs conspirateurs sont frappés de confiscation et l’agent Sonotrou bon pour le bagne. N’étant pas explicitement condamné à mort, puisque ayant agi simplement sur ordre, son cardiostop est provisoirement désactivé. Cénazteurs et administrants, ayant voté les uns par conviction, les autres par calcul égoïste, conviennent pour finir d’envoyer sans délai les condamnés, puisqu’ils ne le sont pas de droit commun, vers la cour de justice galactique la plus proche, afin de rendre légalement les sentences effectives. Après leur arrestation par les gardes du conseil, ils se préparent donc à être envoyés sur la Lune devant un tribunal interplanétaire sélénite ; une voie de procédure à laquelle le général Digoule ne saurait passer outre sans agiter inutilement l‘ensemble des défédérations, en dépit de toute la puissance désormais déposée dans ses mains. A l’écoute du sévère verdict qui pourtant les épargne, Jolie et Suzanne ont conjointement pâli.

 

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Bon week-end à tous.

 

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Message édité par talbazar le 02-03-2018 à 18:51:55
n°52613357
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-03-2018 à 10:49:51  profilanswer
 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Jean-Paul Imanouille.

 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Philibert Edprison.

 

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Message édité par talbazar le 05-03-2018 à 11:06:21
n°52675796
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 11-03-2018 à 08:33:45  profilanswer
 

Revue de presse.

 

Aujourd'hui : Reconstruction historique.

 

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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La jet larguée. Extrait numéro 31.

 

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Avec la découverte de la basket de Pinson, la flânerie dans le labyrinthe vert prenait un tour légèrement plus angoissant, en dépit de la beauté grandiose du décor. On se resserra prudemment. D’une certaine manière, les yeux de l’équipe se mettaient à l’écoute, si l’on peut exprimer ainsi sa façon de scruter le proche environ dessinant les contours d‘une forêt soudain menaçante. Après avoir rappelé le mot de Marilyn Monroe postulant qu’avec les bonnes chaussures, une fille pouvait conquérir le monde, Steward ravala finalement sa verve et sa drôlerie, Wanda peu prompte à s’isoler en oublia qu’elle avait une grosse envie de faire pipi. Georges Pinson, d’abord c’était juste un mec en ballade et cette chaussure qui pendait par son lacet au bout du bras de Roparz n’habillait plus qu’une énigme éprouvante, une problématique insoluble et vaguement dangereuse qui sonnait dans la végétation luxuriante comme un avertissement pour tous. Chacun spécula à loisir sur la trouvaille, mais il semblait vain d’affirmer quoi que ce fut sur la présence de cet indice insolite. Il était cependant fort peu probable que le chanteur ait décidé de s’en débarrasser de son propre chef. Un grognement lointain signala quelque cochon sauvage courant dans les frondaisons, rappelant à tous que le décor touffu était bien vivant et le chant mélodieux d’un oiseau du voisinage n’apporta nulle paix aux esprits inquiets. Un romain en aurait appelé ses esprits protecteurs mais on avait plus le choix, il fallait avancer pour retrouver coûte que coûte le maudit crooner irréfléchi, en espérant qu’il ne soit guère éloigné. Alors qu’on reprenait une marche silencieuse, n’y tenant plus Wanda s’écarta un peu du groupe après une demi-heure, pour s’enfoncer un peu dans les fougères. Karl et Mériadeg l’attendirent à l’orée de l’étroit sentier herbeux que les autres venaient de tracer. Au cri strident poussé par l’hôtesse, les deux hommes se précipitèrent aussitôt vers elle, pour la découvrir plantée debout et figée comme une statue, dont les traits du visage n’exprimaient qu’une horreur sans nom dans la jungle assombrie. Sans se retourner, la jeune femme leur désigna du doigt l’énorme flaque de sang frais qu’elle venait de découvrir sur le tapis foisonnant de feuilles mortes. Sous le jeu d’ombre et de lumière traversant la dentelle des palmiers, la troupe communia dans un échange tendu pour essayer de percer le mystère de cette tache rouge qui avait également éclaboussé un jeune bananier sur une faible hauteur. La découverte ne signait rien d’autre que l’infinie cruauté d’une attaque diabolique et sans le dire, tous se demandaient quel piège pouvait bien les attendre s’ils continuaient plus loin.

 

– Et ben, fit Mériadeg en se relevant, on dirait bien qu’un truc vient de servir de banquet aux animaux. Le repas d’un glouton hors-pair, visiblement.

 

– Georges ! Georges ! cria Wanda, oubliant toute prudence.

 

Steven la fit taire d’un geste explicite. Reprendre la marche au milieu des troncs n’amusait personne, il leur semblait que chaque pas accompli allait les jeter dans les crocs d’une force maléfique au pouvoir destructeur. Certains pensèrent peut-être sans le dire que la petite  promenade végétale avait assez duré ; pourtant ils avaient tous le désir de retrouver le chanteur, fut-il réduit en bouillie sanglante. On allait reprendre la route en se réfugiant dans la force du groupe, lorsque deux vieillards frêles, quasi nus et silencieux se présentèrent devant eux. Si décrépits qu’un simple souffle lâché par les lèvres les auraient fait tomber. Leurs traits indigènes et leur allure ne laissaient aucun doute sur le fait qu’ils incarnaient deux des fameux Gouroungourous de l’île de Badigooince. Alors que selon la plupart des anthropologues, ce peuple avait complètement disparu. Le couple armé de lances restait planté impassible devant eux, leur peau brune plissée par l’âge formait sur ces corps chétifs vêtus d’un simple pagne comme une écorce rude. L’équipe resta bouche-bée devant cette rencontre inattendue avec des fantômes du passé, mais dans le but de parer à toute menace, Karl et Roparz s’apprêtaient tout de même à leur jeter des cailloux. En dépit de leur attitude hiératique et silencieuse, les inconnus ne semblaient toutefois pas menaçants, ce qui incita Steven à s’approcher lentement vers eux ; Steward et Wanda s’offrirent la trouille au ventre en le regardant faire. A bien y regarder, ces anciens formaient un couple singulier. Lui portait dans le dos une longue sarbacane et sur la tête la casquette démodée d’un capitaine de l’armée russicaine. Il semblait atteint d‘un ptosis congénital, un relâchement du bord supérieur de la paupière droite qui, en maintenant son œil à moitié fermé, lui donnait l'air franchement accablé. Elle chaussait de vieilles babouches usées, mais en arborant fièrement un tourbillon de parures diverses, de la croix d’argent aux quatre bracelets de montres, elle n’incarnait pas le simple faire-valoir de son mâle bigleux. Ils laissèrent Steve faire trois pas en avant, ânonnèrent quelques mots dans leur propre langue, puis s’adressèrent au groupe en mauvais russicain, un idiome que comprenaient heureusement Steven et Jack-André.

 

– Venir.

 

Le pilote et le copilote furent tout de suite soulagés. En se retournant sans plus de cérémonie pour s‘enfoncer dans la jungle, les vieux shnocks les invitèrent simplement à les suivre, démontrant somme toute dans leurs gestes une attitude à priori pacifique. Comme les autres, Ewin jeta encore une fois un œil inquiet sur la flaque de sang lorsqu’il passa devant, puis il leva les yeux vers le ciel. Quelques vapeurs blanches léchaient les cimes des arbres et le flanc de la montagne, le ciel se colorait derrière elle d’une teinte rosâtre, indiquant que le soir tomberait sans tarder. Tout en marchant en battant les hautes herbes, les commentaires allaient évidemment bon train. Karl craignait de tomber sur une tribu qui voudrait les bouffer, Ewin Talbaway rappelait que les survivants de ce groupe ethnique très peu connu formaient les dépositaires d’une mémoire tragique, selon ce qu’il en savait. Puisqu’au vu des documents perdus récoltés dans la base et traduits par Ayesh, en matière d’assimilation la Russique avait opté pour l’extermination de ces adeptes du culte du cargo en propageant une saloperie de virus mutant.

 

– Je voyage pour écrire fit-il tout haut, ben là je vous le dis, je suis bien servi.

 

 En revanche, Steward ne disait absolument rien, il était mort de peur à l‘idée de se voir conduire au sein d‘une tribu de coupeurs de têtes. On découvrit le corps allongé de Georges Pinson au pied d’un bouquet d’arbres, des cris lugubres provenant de la forêt saluèrent leur arrivée, peut-être des singes qui célébraient l’approche imminente de la nuit. Les Gouroungourous aux visages brûlés par le soleil et le temps découvrirent le corps d’une chèvre sauvage en la dépouillant des larges feuilles qui la recouvraient. Il devenait évident que cette bête égorgée expliquait la provenance du sang si largement répandu. Un soulagement indicible parcouru aussitôt l’expédition à la vue du méchoui prévisible. Le chanteur au front humide et brûlant était conscient, mais pas très en forme. Wanda se précipita auprès de lui, le pied gauche vilainement enflé du blessé dégageait une odeur de rat pourri.

 

– Un serpent m’a mordu, fit Pinson à l’hôtesse qui tâcha de réprimer un frisson de dégout. On avait donc ainsi l’explication de la chaussure vagabonde. Ils m’ont fait boire un truc et probablement couvert le pied d‘un baume réparateur, c’est ce machin là qui pue, mais j’ai bien du mal à marcher.

 

– Tu m’étonnes, fit Mériadeg en observant le membre boursouflé.

 

– Pas souci, fit la vieille en s’approchant. Ses bijoux formaient un amas invraisemblable de breloques qui allaient de la plume d’oiseau aux morceaux de CD artistiquement découpés.

 

– Manger, fit son bonhomme en désignant la chèvre.

 

C’est ainsi que dans ce campement improvisé près d’un petit marais de palétuviers et trop contents de s’activer, Karl et Roparz aidèrent le chasseur cacochyme à préparer la bestiole en l‘éventrant, pendant qu’on préparait un feu pour la faire cuire. Les deux hommes virent à cette occasion que son coutelas n’était rien d’autre qu’un long couteau à pain de fabrication industrielle. Discerner les véritables émotions de cet indigène n’était pas très aisé, mais son œil valide lâchait sur ses aides un air vif et malicieux qui loucha au passage comme un dingue sur le briquet jetable de Mériadeg. Il avait porté secours à leur compagnon, cela suffisait tout de même à rassurer tout le monde. La femme leur annonça s’appeler Bali et son mari Balo, la présentation des huit naufragés fut un poil plus laborieuse, surtout pour prononcer correctement Jack-André. En s’aidant d’un bambou afin de trainer sa patte lamentable, Georges se rapprocha du groupe réuni autour du foyer. On lui fit de la place et Wanda cessa aussitôt de parler, puisqu’elle s’entretenait justement avec Steven de l’embêtant coup de grisou reptilien frappant la star du show biz. Ewin et Steward avaient ramené pas mal de bois, de quoi assurer la cuisson complète de la carcasse. En dépit d’une constitution affaiblie par le grand âge, Bali et Balo semblaient très alertes, on s’accorda pour dire que ces heureux privilégiés avaient sans doute survécu grâce à la chasse et la pêche, avec le bol immense de ne pas avoir été dévorés par les crabes géants infestant leurs rivages aventureux. Steven tenta de se lancer dans un dialogue fructueux, mais la compréhension du russicain par les deux vioques se révéla tout de même assez limitée, sans parler du difficile cheminement dans les méandres de leur esprit, si différent de celui d‘un trader new-yorkais. Au-delà des politesses du vivre-ensemble, le pilote un peu frustré ne put donc pas déterminer s’il existait d’autres représentants des Gouroungourous sur l’île. Il fallait pour le moment se contenter de ces deux vies anciennes coupées des temps modernes, ce qui représentait déjà une formidable découverte. Pendant que l’immense camaïeu de verts cédait sa place à l’obscurité nocturne et que le ciel se perçait des premières étoiles, cette rencontre étonnante plongeait les rescapés assis face aux flammes dans une abyssale méditation.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 11-03-2018 à 09:07:32
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Posté le 11-03-2018 à 08:33:45  profilanswer
 

n°52743305
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-03-2018 à 12:00:17  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 51.

 

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Jesse Rosse n’était qu’un simple agent du gouvernement envoyé en mission, il n’avait pas le pouvoir d’arrêter cet Elliot Goldmind. Il se contenta donc de le garder en joue et de lui tracer la semelle jusqu’à son entrée à l’hôpital. Les toubibs firent ensuite un barrage efficace pour procéder à l’examen du blessé, en l’isolant dans une pièce et Jesse se contenta donc d’attendre dans le couloir le bon vouloir du médecin pour le récupérer. En observant la longue allée vide, il croisa les doigts, les avant-bras posés sur les cuisses et le cœur battant tranquillement sous le holster de cuir sanglé sur sa chemise, bien à l‘abri des regards. Tous les hôpitaux se ressemblent, pensait-il, si on les mettait bout à bout en passant de l‘un à l‘autre, on aurait l’impression de se balader dans le même établissement, il faudrait alors se repérer aux tenues des infirmières et encore, ce n‘était même pas certain. Deux d’entre elles le dépassèrent justement après l’avoir salué sans franchement sourire, l’attente se faisait un peu longue, il se retrouva seul à nouveau. Jesse pariait pour au moins une côte cassée et une épaule démolie, mais il savait qu‘il n‘aurait pas accès aux radios du malchanceux. Un type en blanc apparut enfin par la porte au bout d‘un temps infini, pour le prévenir que son frère venait de recevoir un bandage et qu’il pouvait désormais le rejoindre à l’accueil. Jesse se leva d’un bond, il comprenait soudain s’être fait avoir dans les grandes largeurs. Il bouscula brusquement l’infirmier, jeta un œil rapide dans le cabinet, aperçut l’autre porte par laquelle Goldmind s’était dérobé et fonça dans l’ascenseur pour rejoindre le rez-de-chaussée. Bernique, un complice prévenu venait sans doute à l’évidence de prendre en charge le gars évaporé. Après un petit tour dans les lieux par acquis de conscience, Jesse Rosse rentra vers l’hôtel les mains vides pour se faire sans doute engueuler par Gilbert Tricard et Angèle Deyord. Mais le couple ne se trouvait pas là et pour cause, puisqu’ils étaient à ce moment-là en train de ferrailler avec les tueurs du sénateur Rupin. L’agent ne trouva donc que Sisco Matteï et Comtesse Monique qui revenaient tout juste de faire quelques emplettes dans le quartier. Elle était particulièrement ravie par l’achat d’un petit dauphin bleu en fausse porcelaine qui faisait baromètre, sauf que Jesse lui fit remarquer en ricanant que la bestiole plongeait au-dessus de l’inscription « Florida ». L’erreur est humaine. Il loua en revanche sincèrement le ridicule d’une statuette de surfer en résine gigotant sur son ressort planté dans la vague, tout en saluant le fait que le sportif miniature louait bien les délices d’Hawaï, tout comme le mug estampillé d’une girl en pagne gratouillant son ukulélé. Sisco avait lui opté pour une casquette plutôt voyante et surtout une mallette en métal renfermant un superbe pistolet Taurus de calibre 45. Sisco avoua son hésitation compréhensible au moment de l’achat entre ce jouet et un honnête Smith et Wesson engraved du même calibre. La conversation entre les deux hommes allait s’annoncer houleuse, lorsqu’ils furent interrompus par l’arrivée du couple de policier qui les mirent au courant des derniers évènements. La disparition de Goldwind provoqua comme prévu la colère de Teddy la Fouine, puis le meurtre de Rupin, la défénestration de Wanna Toktouyou et la fusillade ultime occupa le reste des conversations. Il résultait également des débats que cet Elliot Goldmind éclipsé était probablement Cheebe Surger, lequel n’était finalement pas mort, mais rajeuni.  Dans le feu de la complexité de l’enquête et des positions de chacun, on oublia donc de focaliser son attention sur la machine à prunes de Matteï, qui la rangea prudemment sous l‘œil inquiet de sa Comtesse.

 

Un peu plus tard, Jesse, Sisco, Gilbert, Angèle et Guy abandonnèrent donc Momo dans l’hôtel pour la laisser coller sans fin des pichenettes à son minuscule surfer endiablé. Ils devaient se rendre dans les locaux de la Samsara Foundation où la police comptait rendre ce jour-là une petite visite, à laquelle les frenchies étaient cordialement conviés. Ils furent frappés en arrivant par le gigantisme des installations situées sur le flanc sud de l’impressionnant volcan Diamond Head. L’iceberg d’une chaîne mondiale de labos basée sur des milliards d’investissements. Guy était fébrile à l’idée de revoir peut-être la souris Echo 16, mais dans la voiture, il évita de se confier aux autres pour se contenter d‘avaler sagement une pistache après l‘autre. L’inspecteur Sam Alloma les attendait sur un parking extérieur et au cours des présentations, Gilbert ne s’attarda guère sur la condition de Sisco, lequel n’était après-tout qu’un vulgaire gangster avec un Taurus inox collé dans la ceinture. L’équipe de Sam s’était déjà plongée dans les dossiers de la SF et ses ramifications internationales sans trouver rien à redire, mais Gilbert portait tout de même au fond de sa poche et en secret le scoop de la broche trouvée sur Rupin. Une épingle siglée qui symbolisait forcément une certaine atteinte à la vie privée du sénateur, puisque le porteur de ce pin’s lui avait proprement effacé la moitié du visage. Ils passèrent la barrière des vigiles et furent reçus par le directeur US de la Samsara Foundation en personne, le professeur Brüder Karamasow. Mâchoires carrées, chevelure dégarnie, de petits yeux bruns fatigués, un type génétiquement moulé pour remercier sans fin clients et partenaires. L’incarnation suprême de son immense centre de recherche, guindé en permanence dans une attitude austère de bon aloi. Il se montra toutefois très à l’aise pour répondre aux questions posées par Alloma.

 

– Vous avez pu vous rendre compte que le cadavre que vous détenez n’a jamais travaillé ici. Nous avons d’ailleurs déposé plainte pour le vol de notre véhicule, juste avant ces regrettables événements. Mais nous restons naturellement à votre entière disposition.

 

– Très bien, répondit Alloma. Pourriez-vous par exemple nous autoriser une visite informelle de vos locaux ?

 

– Certes, mais nous manipulons ici des éléments biologiques qui peuvent rendre la chose un peu compliquée. Nous travaillons dans nos labos sur d’importantes lignes de pensée futures.

 

– Ouais, fit Gilbert en se tournant vers Angèle, on se doute bien qu’ils bossent pas sur les mœurs des punaises de lit !

 

– C’est sûr Teddy, on voit tout de suite que le big machin se dope brillamment à l’innovation et ça respire les moyens !

 

– J’ignore qui aurait intérêt à usurper ainsi notre identité, continuait Karamasow en répondant aux interrogations de Sam Alloma. Il traîna des pieds encore un moment pour noyer le poisson, puis il invita enfin les policiers à le suivre.
 
 Sur un seul étage de cet univers aux murs lisses, l’endroit formait un dédale de galeries aux entrées ultra-sécurisées que débarrait à chaque fois Brüder Karamasow en posant sa main sur un décodeur encastré dans le mur. Au sein de vastes pièces qui s‘enfilaient sans fin, des hommes et des femmes en blouses blanches veillaient à la bonne marche des protocoles établis, d’autres de leurs collègues s’occupaient peut-être de contrôles plus créatifs. L’activité cérébrale des chercheurs avait l’air maximale, mais bien malin celui qui aurait pu dire à quoi ces spécialistes s’occupaient réellement. Le directeur palpait sa poche machinalement, il parlait de courants forts, de courants faibles, de tentatives à coup de milliampères pour améliorer la cognition de l’homme de demain par des « ingénieurs maison ». Dans une salle séparée en deux par une grande vitre, on pouvait effectivement voir un type allongé avec des électrodes posées en grand nombre sur la tête. Une petite boîte noire bizarre et câblée était collée sur sa tempe gauche. En gros, dans ce département précis, on décortiquait apparemment des mécanismes physiologiques complexes. Plus loin, des types jouaient sur des manettes pour contrôler d’énormes appareils hight tech qui trahissaient des dépenses somptuaires ; d’autres avaient les yeux rivés sur des microscopes balaises afin d’observer les orbitales moléculaires et sensés offrir pour la science, selon le directeur enthousiaste, des perspectives fascinantes. A un endroit donné, ils furent aimablement revêtus de combinaisons étanches pour se prémunir d’éventuelles colonies bactériennes en vadrouille. Leur guide parla un moment de réécriture génétique, tout en se dirigeant selon ses dires vers l’animalerie utilisée par le département biotechnologique. Des cages et des cages empilées pleines de nombreux rats et souris qui attendaient qu’on les sorte de là pour tripoter leurs cellules et leurs gènes. Dans une pièce secondaire ouverte et attenante ils distinguèrent un bureau pour l’instant inoccupé. Près d’une boîte renfermant selon l’inscription des feuilles de nitrocellulose, un écran conséquent faisait défiler des lignes de chiffres à toute vitesse, location, intensity, status. Les explications polies de Karmasow à la voix altérée par son masque formaient un charabia verbal que les policiers écoutaient distraitement, Angèle avait presque la trouille. On se dirigea cette fois vers une salle sans porte dédiée aux cultures cellulaires. Resté en arrière, Guy Ness ne les suivait plus, le perroquet venait tout à coup d’apercevoir sa copine Echo 16. Un mot manuscrit fixé sur la vitre de sa cage précisait en anglais qu’un test de protéine attendait sa confirmation par scanner, on précisait entre parenthèse un risque minime de sclérose.

 

– Salut Guy, quelle bonne surprise ! Qu’est-ce qu’un flic fait ici ?

 

Le gabonais raconta brièvement les péripéties enchaînées depuis son arrivée à Honolulu. Il était là avec ses collègues pour jauger à l’estime une implication réelle de la Samsara Foundation dans ces événements regrettables.

 

– Guy, je crois bien que j’ai merdé.

 

– C’est à dire ?

 

– Quand on m’a demandé si le voyage s’était bien passé, j’ai raconté avoir discuté en soute avec un flic sympa. On m’a demandé le but de ta venue et dans quel hôtel tu devais descendre. J’ai trop cafté, bordel ! Bien sûr que c’est la Samsara qui te l’a éliminé, ton sénateur, mais c’est sans doute à cause de moi. Ils vont tous vous buter si vous fouinez de trop près.

 

– On cherche à le prouver au sujet de Rupin, justement. Tu pourrais témoigner ?

 

– Tu penses bien qu’on me laissera pas sortir. C’est pas comme si je pouvais tranquillement enfourcher un vélo pour quitter mon boulot.

 

– Nous, on les obligera.

 

– Guy, de toute façon, c’est une question d’heures maintenant. Bientôt, après le dernier examen qui m’attend, je ne serai plus là.

 

Le perroquet et la ratte restèrent un long moment à se dévisager, à la fois si proches et tellement distants. Il lâcha enfin son regard concentré sur les yeux humides et fiévreux du cobaye pour glisser sur la fourrure de neige, en partie rasée au sommet du crâne avec une précision méticuleuse. Après ce douloureux moment d’éternité de sinistre présage, Guy vola en trois coups d’ailes pour rejoindre les autres, toujours affairés à suivre leur guide dans leur promenade hors-norme.

 

– Angèle, fit le volatile en murmurant aux oreilles de la fliquette attentive, accroche-toi, j’ai du nouveau.

 

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Bon wk à tous.

 

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Message édité par talbazar le 20-03-2018 à 10:30:31
n°52759561
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 20-03-2018 à 07:26:42  profilanswer
 

Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : Bargue Sleeping Footman.

 

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J'apprend à dessiner avec le pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : je dessine un loup.

 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Joachim Etrique.

 

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Message édité par talbazar le 20-03-2018 à 07:32:23
n°52772832
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 21-03-2018 à 13:47:54  profilanswer
 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : André Stouvert.

 
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n°52850896
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 29-03-2018 à 17:28:25  profilanswer
 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Philibert Taparole.

 

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Message édité par talbazar le 29-03-2018 à 17:30:57
n°52866695
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 31-03-2018 à 17:18:36  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 40.

 

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 Comme Emile peste contre un patient qu’il vient de visiter et qu’il traite de con comme un bourgeois, idiot comme un fonctionnaire et bête comme un ouvrier, Gaston a bien du mal à se faire une idée correcte du bonhomme. Antigone calme son mari et la fin du repas se fait moins animée, puisque la conversation roule ensuite sur le projet de louer une villa du côté de Saint Tropez pour les prochaines vacances, une idée qui semble emballer tout le monde. Au dessert, Emile répond au feu roulant des questions posées par son fils, puisqu’il exprime le désir d’en connaître plus sur ses origines.

 

– Après le terrible incendie du Noël 1954 dont tes parents furent hélas les pauvres victimes, j’ai longtemps erré dans les rues parce que j’avais la cuite du siècle, mais aussi parce que j’étais rongé par l’atroce remord d’avoir trahis René, en couchant avec ta mère Caroline. Même si mon amour pour ta maman n’avait rien d’une passagère lubie de mariol, je peux en jurer. Dans le même temps, environ une heure plus tard, le voile se levait sur ma vocation, je devais penser sérieusement à mon avenir, j’allais donc quitter Troulbled et faire médecine pour gagner ma vie dans une carrière d‘avenir.

 

– Et moi alors ?

 

– Des études longues et onéreuses, je pensais non sans raison ne plus pouvoir songer à la moindre vie privée. J’aurais d’ailleurs manqué de temps pour m’occuper de vous deux. Vous étiez bébés, je vous rappelle.

 

– Oui, c’est un peu normal. La même problématique devait se poser aux jeunes parents isolés concourant pour l’Eurovision.

 

– J’étais moi-même très jeune et puis la rumeur publique de Troulbled m’avait d’ailleurs depuis déjà longtemps condamnée, sans parler du fait que je tenais à la liberté de me promener la nuit, comme à celle d’aller danser à volonté sur les trottoirs. Mais j’ai juré de ne jamais vous oublier dans mes pensées, toi et ta sœur. Je savais que vos grands-parents sauraient veiller sur vous, en attendant que je puisse assurer financièrement, et que vous ne manqueriez chez mémé Boudiou d’aucune messe le dimanche. Enfin bref, après la sinistre catastrophe, il neigeait tellement sur Troulbled ce soir-là qu’en marchant complètement saoul, je ne me suis pas rendu compte que j’avais finis par rejoindre les alpes. J’étais rendu alors trop loin pour songer encore à ma coupable paternité. J’ai travaillé plus tard quelque temps comme cireur de pompes au service des eaux de la ville de Grenoble, tout en étudiant par correspondance. Pose-moi franchement toutes les questions qui te tracassent, puisque aucune comme tu vois ne me déconcerte.

 

– Et puis tu es devenu médecin après ton diplôme ?

 

– A Paris, oui, j’ai attendu le dégel avant de remonter en wagon-lit sur la capitale, où j’ai installé ensuite mon cabinet et puis la vie a peu à peu repris le dessus. Jusqu’à ce que le destin m’accorde la joie de rencontrer Antigone. Un amour fou qui a forcément effacé tout le reste. Il prend la main richement baguée de sa concubine avec une tendresse qu‘elle partage en souriant, heureuse d’entendre ces choses prononcées par la bouche de son compagnon. Lui décortique longuement les respirations alanguies de son amie, laquelle lui demande pour finir de lui passer une Peter Stuyvesant mentholée, avec sa voix de cristal. Elle fume alors en gardant un maintien de nonne. Toujours autant fasciné par sa beauté, il reconnait alors gentiment en la regardant qu’elle possède la juste forme de ses mains.

 

Rassuré sur l’intensité de la passion ayant uni Emile et Caroline et en âge de comprendre que les enfants limitent gravement les mouvements, Gaston admet que la paternité est un mot relatif. Après-tout, il peut s’enorgueillir d’être le fruit de l’amour, Caroline Cocominute de Givenchy, alias madame Boudiou, n’était pas tombée enceinte d’un vulgaire agresseur, voilà pour Gaston une chose essentielle à son apaisement. Fier d’avoir peuplé la France par sa naissance, son fils vérifiera tout de même plus tard sur un vieil almanach qu’effectivement, il neigeait bien à gros flocons sur Troulbled à l’hiver 1954, dans la nuit du 25 décembre. Ce jour fatidique de la mort de ses parents qui établit une étrange corrélation avec la naissance du Christ, il ne peut s’agir d’une coïncidence, mais plutôt de l’appel vibrant d’un destin personnel, lorsque Gaston fut sauvé des flammes de Troulbled et non pas, comme Moïse, des eaux du Nil. Le jeune garçon admire soudain ce père qui s’est lancé seul dans une profession médicale sans capitaux, au lieu d‘essayer de vivre en écrivant par exemple de la poésie, animé seulement par la force d’une extraordinaire volonté dynamique. Un lutteur de l’existence n’ayant pour seul but courageux de mener sa vie nouvelle de façon plus indépendante, par l’intermédiaire fructueux d’un enseignement par correspondance. Le diplôme qu’il visait ne pouvait en toute logique s’offrir qu’à un candidat privé de mémoire et de regrets, surtout au cours des épreuves orales. Et puis, Gaston se rend bien compte qu’en ayant vécu sa prime enfance en pleine nature dans la ferme d’Alcyme et mémé Ernestine, sans parler du papi Léon avec son apprentissage de bonnes combines illégales de survie, il a échappé par miracle au carcan rigide d’une saleté d’éducation en institution bourgeoise. Qui était-il, lui, pour songer aujourd’hui à juger ce père qui n’était probablement que la simple victime du terrible exode rural de l’époque. La terre des années cinquante manquait moins de bras que les salles d’accouchement, car si les hommes désertaient la campagne, ils ne  désertaient pas pour autant leurs compagnes.

 

Sauvé in extrémis de la mort, Gaston Boudiou, ce ventriloque d’exception réincarné qui a vu de ses propres yeux la vierge Marie et plusieurs fantômes, aurait été victime d’un préjugé bien français, en portant sur son papa le moindre soupçon de lâcheté pour l‘avoir autrefois odieusement abandonné. Il le remercie donc pour toutes ses franches et honnêtes explications, parce qu’elles réconcilient le jeune homme avec ses propres racines. Pendant qu’en tirant sur sa jupe écossaise plissée aux genoux, Angèle se lève pour débarrasser toute seule la table, Antigone se contente de jeter un regard attendrie sur ce touchant déballage de confidences viriles. On termine le repas en buvant un café sur un échange d’aimables banalités plus actuelles qui viennent replonger la petite famille dans son présent. On est donc bien d’accord pour passer les vacances d’été à Saint Tropez, mais rien ne se raconte sur la soudaine et préoccupante houle populaire en train d’agiter de plus en plus sérieusement les rues parisiennes. La fac de Nanterre en ébullition vient en effet tout juste d’être occupée par 142 étudiants pour protester contre l’arrestation de leurs collègues dénonçant la guerre du Vietnam, on parle déjà d’un « Mouvement du 22 mars ». L’état devient brusquement un symbole vacillant et les banderoles s’agitent, beaucoup de jeunes peu politisés ne manifestent d’abord que leur simple allégresse devant une force enfin agissante, puis les esprits échauffés se montrent unanimement déterminés à faire chanceler le régime Gaullien. Les voix ne fredonnent plus de niaises chansons de yéyés à l’eau de rose, mais grondent au contraire d’une voix aux accents de hard rock, comme ceux émergeant des braillements rageurs du groupe MC5 ou des Stooges. Angèle s’en fout, bien que largement mineure, elle vient d’être contactée par une agence pour faire une photo de pub pour Monsieur Propre destinée à paraître dans les magazines féminins, tels que Femmes d‘aujourd‘hui ou Mode et travaux. Forcément un premier pas triomphant en direction de la couverture américaine de Vogue ou Glamour.

 

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Les beaux ouvrages de la Moyenne Encyclopédie.

 

Collection compartiment des comportements.

 

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Bon wk à tous.

 

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Message édité par talbazar le 31-03-2018 à 17:41:59
n°52931409
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 08-04-2018 à 15:03:42  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 86.

 

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Autrefois surgie des sables en seulement deux mois, El-Amarné se paraît en ce jour des splendeurs matinales de Rê. Héritière de l’implantation d’une lointaine colonie de bédouins et de la construction de navires pouvant éventuellement flotter, la ville était la première en volume et en valeur pour ses ventes réelles de poissons du Nil sous criée. Avec par exemple une stabilité des captures de 56329 tonnes en - 652, à peine 60 tonnes de moins qu’en - 1569, d’après les archives économiques établies sous le règne du regretté pharaon Tutouss-Mékel Enrouê. La pêche produisait 25 % des emplois libres locaux, juste avant les charbonnages, l‘hôtellerie-restauration et les maisons de joie. Le glissement du développement urbain se faisait malgré tout de plus en plus en direction du désert. Des rochers arides convoités avidement par les promoteur immobiliers, bien que terres pauvres en lombrics qui servaient d’appâts pour les pécheurs à la ligne et de fertilisants pour les palmeraies de la banlieue. C’est ainsi que la ville sentait très fort le poisson, comme le remarquèrent d’emblée les narines revigorées de Schrèptètnuptèt Tahosétlafer Ramassidkouch, lorsque la momie à nouveau joyeuse, jeune et jolie arriva en sa proximité. La cité du lotus jouissait en général d’un événementiel provincial et plutôt modéré, aussi la panique s’empara des notables lorsque fut connue la présence de la belle-sœur de la reine entre leurs murs. On allait devoir bricoler à la hâte une cérémonie officielle de bienvenue dans le plus somptueux palais installé sur les berges du fleuve. Un grand édifice aux façades aveugles affranchi de la tutelle des temples, entouré de jardins ombragés et de bassins poissonneux, qui servait de résidence commune aux plus hauts cadres de la fonction publique locale. Cette arrivée spectaculaire plongea au contraire la pauvre nourrice Keskiya dans une profonde terreur. Installée avec l’enfant Moisi dans la modeste chambre d’un hôtel Ibis de la périphérie, elle regardait Amékel-Vachar en train de s’apprêter comme une gonzesse dans la salle de bain avant d’aller retrouver sa maîtresse. Il se tressait curieusement les cheveux sur le côté à la mode lybienne, tout en sifflotant gaiement un air de Makédonia.

 

– En tant que chef des porteurs de la litière officielle, je dois rejoindre Schrèptètnuptèt sans attendre, mais ne te fais pas de souci et reste ici avec le petit jusqu’à nouvel ordre, nul ne viendra vous chercher ici.

 

– Elle va nous tuer tous les deux.

 

– On la dit pour une fois de bonne humeur et chaleureuse, mais je ne dirai rien au sujet de ton protégé, sois tranquille. Il referma tout de même la porte à clé derrière lui avant de disparaître, ce qui n‘était pas fait pour rassurer totalement Keskiya.

 

Mais elle n’avait pas le choix. Elle regarda par l’étroite fenêtre l’homme soudain pressé dévaler l’escalier de granit et se frayer un chemin entre les gosses aux cheveux de jais qui jouaient dans la rue, puis ordonner le départ de sa lourde litière stationnée au pied d’un haut mur patiné d’ocre ; avant qu’elle ne se fraye un chemin entre les étals couverts de fruits savoureux. La nourrice angoissée resta ensuite seule dans la petite chambre à faire face au petit héritier difforme de l’Egypte, lequel planta sur elle ses grands yeux noirs et confiants, pieds nus dans sa courte robe de coton blanc qui masquait mal son corps asymétrique. Dans une ruelle étroite, la course nonchalante d’Amékel-Vachar fut interrompue lorsqu’il croisa tout à coup celle du bolide orangé de Lâchetessous-Mécétrocher. Son collègue zigzagait tant bien que mal entre les piétons à coups de bâton empressés et l’organisateur événementiel avait visiblement fort à faire pour se prémunir de la sournoise agressivité des âniers. Ses porteurs syriens devaient hausser le ton pour se faire entendre, alors que passait tout près un bruyant troupeau de brebis munies de sonnailles attachées à leur cou. Les deux hommes se saluèrent et célèbrent chaudement leurs retrouvailles, sans les prolonger d’inutiles questions existentielles. Ils décidèrent ensuite de rejoindre conjointement le palais mis à la disposition de leur patronne, en tordant le cou au temps perdu par un badinage très anodin. Forts de leur imposant cortège, ils replongèrent alors dans les entrailles de la ville en piétinant des sandales les volailles, les mendiants et les tas d’immondices. L’un avait remarqué la présence de Moisi dans l’oasis de Bangasirup et l’autre le tenait secrètement bien au chaud. Malgré-tout, cachant à l’autre ces redoutables informations, ils se gardèrent bien de faire le moindre commentaire concernant le gosse de la patronne, comme une sorte de tabou ultime, puisqu’il était difficile de savoir à l’avance ce que cette dangereuse confidence leur rapporterait. Ce précieux gamin pouvait représenter tout autant pour eux une source de faveurs ou d’ennuis. Les deux litières de luxe se garèrent finalement en épi sur le parking privé du palais. Les porteurs en sueur furent libérés pour leur permettre d‘aller faire le plein et d’aller se vidanger. Une soudaine augmentation des taxes venait encore de faire bondir le litre de bière à la pompe. Alors que leurs pilotes et chefs s’attendaient à l’habituel climat délétère qui entourait habituellement Schrèptètnuptèt, ils furent fort surpris de la trouver joyeuse et ravissante, en train de boire tranquillement le café au côté du président du conseil municipal d’El-Amarné. A la vue d’Amékel-Vachar et de Lâchetessous-Mécétrocher, elle se leva gentiment pour les féliciter de l’avoir finalement retrouvée.

 

– Ah mes chers compagnons, je suis si heureuse de vous revoir enfin ! Prenez donc un bol avec moi, reposez-vous, car nous allons organiser ici une grande fête ce soir-même.

 

Les notables résidents de la grande bâtisse et leurs esclaves se rassirent enfin de leur côté, puisqu’ils venaient tout juste de rendre à la jeune femme une standing ovation de trois heures, afin de saluer dans les règles sa venue inattendue. Etonnés de la voir si bien disposée, les nouveaux arrivants furent surpris que la belle-sœur de la pharaonne brise tout à coup le protocole pour venir leur faire la bise sans façon. Genre copine souriante et enjouée. Ils lui rendirent son salut en appuyant à peine et avec beaucoup de méfiance leurs lèvres sur les joues roses fraîchement fardées. Tout son corps svelte et royal s’imprégnait d’une écoeurante odeur de paprika. Elle ne fit aucune allusion à son coup de folie meurtrier dans l’oasis de Banania ni à sa récente et folle escapade et les pilotes de litière se gardèrent bien de l’évoquer. Somme toute, le voyage vers le sud reprenait son cours normalement.

 

A l’étage de l’hôtel Royal Livingstone trois étoiles Isis, Veuquetum Fourlanus fut réveillé par les tapotements insistants produits par Tampax Nostrum sur son épaule découverte.

 

– Bouge ton cul l’ami, sol ortus est, le soleil est levé.

 

– Ah ouais, iam lucet, il fait jour. Je crois qu’on a bien picolé, que Bacchus soit loué !

 

Tépénib frappa à leur porte avec insistance, il avait l‘air réjoui.

 

– Ho les romains, bonne nouvelle, Schrèptètnuptèt est dans la ville et vient de s’installer dans le palais municipal. La fière fleur vibrante et veloutée louée par Ptha va pouvoir apprécier bientôt notre petit cadeau empoisonné.

 

– Un coup de cochon qui va nous faire tous pendre, fit Amétatla dans son dos, croisant aussitôt les doigts pour attirer sur elle la protection d’Isis. En dépit de son caractère déterminé, elle n’était pas foncièrement une femme du genre de ces scythes guerrières qui ne prenaient rituellement mariage qu’après avoir tué un homme.

 

Il descendirent pour rejoindre Valisansoùth dans la galerie marchande. Le boss négociait âprement dans le hall une paire de draps de lit rose, usant d’un bras de fer verbal déterminé avec une cliente matinale aux cheveux luisants de beurre clarifié. Autour d’eux, quelques clients de l’hôtel allongés par terre fuyaient déjà la torpeur ensoleillée du vaste patio sur lequel donnaient toutes les chambres. La misère actuelle qui tenaillait l’Egypte ne collait pas des rides à tous et la femme s’acquitta de ses draps pour un bon prix, recevant tout de même en cadeau gratuit de la part du patron de la caravane un ravissant flacon de Khôl publicitaire aux couleurs de l’ONS. Un flacon vide, Valisansoùth n’était pas si con. Sous les tréteaux encombrés de l’étalage, dormait toujours au fond de son inquiétant coffre cadenassé l’instrument mortel de la vengeance de Néefiertarée. Enfin, devait normalement dormir, parce qu’en se penchant pour ranger quelques tuniques, Amétatla s’aperçut que la serrure était brisée. Elle souleva brusquement le couvercle, le coffre avait été vidé pendant la nuit. Au même instant, on découvrit le cadavre d’un certain Kamera, l’unique vigile de nuit assassiné caché derrière des pots de fleurs. Incrédules, il fallut bien se rendre compte qu’une partie des marchandises installées dans le hall avaient été habilement pillées, en plus de la précieuse robe, puisque après un examen attentif du stock de tissus, on vit que quelques piles de mouchoirs et de taies d’oreiller avaient aussi disparues. Un potier, un vannier, un orfèvre firent le même constat sur leurs propres articles, au grand dam du patron de l’établissement. Appelé sur le champ, Melamousofret s’arracha donc les cheveux de façon navrante, devant l’affront effectué par les voleurs parfaitement organisés à sa respectable maison ; les marchands menaçants qui l’entourèrent lâchèrent à son encontre des propos d’une effroyable obscénité, ils portaient sur la tronche des masques d’endeuillés. Assise derrière son bureau de l’accueil, la réceptionniste mutine toisait avec arrogance les marchands floués, son petit cul admirable posé sur un statut de salariée plus confortable. Devant ce bastion du commerce national bafoué et solidaire, l’hôtelier pesta contre la criminalité nocturne d’El-Amarné, envoya un esclave contacter d’urgence son assureur et prévenir la police, mais le mal était fait. La robe empoisonnée s’était envolée et il y avait peu de chance pour que celle qui allait désormais frauduleusement l’acquérir la portasse à l’envers. Le tragique destin personnel de cette pauvre inconnue ne constituait qu’une maigre vengeance au courroux de Tépénib, lequel ne pouvait plus accomplir son objectif secret, sans parler du fait que la tête de sa fille dévergondée volerait certainement bientôt à ses pieds. Une rage identique mêlée de peur fouettait le sang de Valisansoùth et d’Amétatla, mais le feu intérieur les brûlant désormais ne pouvait à lui seul faire revenir l’objet du délit, un constat qui détruisait forcément en eux toute confiance dans leur propre avenir. Ils n’avaient là-dessus aucune illusion à se faire, les crocodiles de Néefiertarée faisaient toujours du bon boulot.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 08-04-2018 à 18:27:17
n°52978330
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 12-04-2018 à 17:22:23  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Gisèle de Poulet.
 

 

https://image.ibb.co/c95rhS/Fiche_inventeur_143.jpg

 


Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Jean Zozotte.
 

 

https://image.ibb.co/g4CNp7/Fiche_inventeur_144.jpg

 



Message édité par talbazar le 13-04-2018 à 07:14:24
n°53000884
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-04-2018 à 12:02:15  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion - Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 39.

 

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La mystérieuse fée Mélfeualusine aux belles tresses n’estoit point nonne d’un couvent de la Conception, la garce lumineuse toisait ses otages avec un air hautain qui n’augurait en vérité rien de très bon pour eux. Les charmes de l’éclatante ne masquaient guère sa volonté de fourberie et Mirlen ne s’y trompait pas. Bien que brave en bastaille, William de Bochibre cogna du coude le vénérable mage en pointant peureusement sur la fieffée un doigt tremblant.

 

– Mirez-donc le prodige, messire, cette jolie garce n’aurait point d’ombre !

 

Parce qu’il était vrai qu’au soleil de Kramouille, la silhouette gracieuse de la felenesse ne traçait pas sur le sol l’habituel double immatériel de nous autres, les pauvres mortels. Il faisait pourtant beau. Erald, Hivalanoué, Belbit et Mélisende devaient bien renoncer à la tuer simplement, puisqu’elle venait de prouver qu’on ne pouvait l’occire en un clair ferraillage. On devait donc pour le moment se contenter d’obéir à sa menaçante volonté. Moins méfiant, l’innocent Jean-Marie gambadait toujours nu au milieu des lupins, en hurlant stupidement son nom pour les seuls quatre vents. De bras épais et la carrure massive, ce crétin aux sourcils énormes aurait fait bonne mervoille en championnat de lutte dans les beaux jeux du Fion.

 

– Allons, fit la fée, vagabonds aux périlleuses aventures, garez-vous des faux jugements, vous avez sans-doute faim, venez-donc dans ma grotte vous restaurer un peu.

 

– Yo bitch qu‘est fringuée comme une côlisse d’agace, lança Mélisende, c’est-y clair que je cogne des clous à baguenauder dans cet ostie de pays, mais tu m’as mis de la broue dans le toupet à transformer ma coche de Jean-Marie. Les autres peuvent bien laper ton maudit brouet, à sera sans moué. Tsu papotes, tsu papotes, moué je pète ma cosse a voir ta criss de yeule encore de plus, laisse-nous barrer.

 

Malgré tout et bien contre son gré, la jeune fille énervée suivit finalement la fraternité de la gnôle vers l’antre profond de Mélfeualusine, où Hivalanoué se signa en marchant sur le seuil, adjurant que sainte Kramouille veuille bien veiller bonnement sur lui et toute la compagnie. Creusée dans les entrailles du Mont Chauve, la grotte formait en réalité un vaste palais aux murs couverts de pierres précieuses. « Jean-Marie, Jean-Marie », faisait Jean-Marie en touchant à tout ce qu‘il voyait, aussi bien les beaux meubles que les soiries. Après les fruits confits, la fée capricieuse commanda à Mirlen d’accomplir un prodige devant elle, puisqu’il se disait mage. Elle ajouta que s’il échouait, elle allait les tuer. De son côté, Mélisende n’avait rien mangeaillé des mets exposés, en dépit du bon accueil apparent, car elle craignait que l’autre ribaude ne veuille tout de même l’empoisonner. Le magicien vit bien que pour plaire à l’enchanteresse du royaume souterrain, il fallait bien qu’il se mette sans attendre au travail. Il se leva devant les autres en caressant sa barbe blanchie.

 

– Dame, si vous cessez d’être aussi insolente que menaçante, je puis fort aisément devenir invisible. Il tournoyait au fond de sa poche le petit gland de la sorcière Gisèle qui pouvait le faire disparaître aux yeux de l’humanité, puis il le goba discrètement tout entier par affaire d’honneur ; avant de disparaître sur le champ aux regards de ses compagnons toujours autant ébahis par ce prodige.

 

– Moi je vous vois toujours, mon bon messire, avoua la fée en souriant. Mais c’est bien joué, je sais que vous n’existez plus pour ces pauvres mortels. Revenez à nous, je vous en prie. Vous verrez que moi-même, je puis prendre la forme que vous me commanderez.

 

– Soit, alors quittez-donc visage et corps, c’est dans la peau d’un gentil piaf que je voudrais vous contempler.

 

– Allons, allons, maitre Mirlen, cette histoire est connue. Si je me fais en semblance d’oiseau de mes forêts, vous prendrez à votre tour l’apparence probante d’un chat des rues, pour aussitôt me dévorer. Je suis bien déçue.

 

– En goutte de précieux miel, alors ?

 

– Alors c’est vous qui m’avalerez !

 

– Ho, pardonnez ! celui qui pose sa question est bête cinq minutes, mais celui qui n'ose pas le sera toute sa vie, à ce qu’on dit.

 

– Soit, essayez encore, mais c’est votre dernière chance. Et rappelez-vous bien qu’aucun homme ne peut me tuer !

 

Mirlen alchimiait en silence sur la façon d’anéantir le monstre. Toute magie semblait vaine : nul amalgame au mercure, point d’algèbre savant, pas d’alcali, de camphre ou de borax, aucun élixir alambiqué de main humaine ne semblait sans doute capable de terrasser la fée. Mais il savait qu’elle allait rapidement se lasser d’eux et qu’ils en périraient. Il ne leur restait plus qu’à mourir vaillamment en héros, car il n’y aurait point contre Mélfeualusine une mêlée pour rire. L’apparition soudaine de cette saleté de féérique sur leur route n’était rien d’autre qu’une terrible calamité, laquelle allait pour leur malheur rejeter leurs pauvres os dans la boue d’un fossé. Mirlen ne pouvait se résoudre à voir sa quête s’arrêter ainsi. Comme elle le regardait fixement de ses yeux merveilleux, la demoiselle du Mont Chauve commençait à froncer les sourcils.

 

– Par le cœur de Kramouille, blanche mescinette, soyez patiente, je suis en train de réfléchir.

 

Mais dans son dos, Mélisende s’entretenait tous bas avec son Jean-Marie, car elle venait de songer aux dernières paroles de la fée. Lui grattait comme un nigaud les ortex de ses piés en bavant légèrement de la lèvre, tout en murmurant son propre nom à l‘infini.

 

– Mon Jean-Marie, t’as tu vu son air de bœuf à celle-cit qui fait son jarre comme une grognasse pendant que toué tu fais le zouave ? C’te gnochonne à la jupe ras l’trou va pas nous moffer, si tu lui farmes pas sa criss de yeule tout de suite. T’es mon doux chum, maudit con, pis t’as peur ni de Kramouille ni de rien, soit pas niaiseux, colle lui ta mornifle ben comme y faut, avant qu’elle vienne à s’exciter les poils des jambes. Pasque check ben tsa qu’elle va tuer tout not’ gang si on la laisse trop faire. Attaque mon gars, colle moué de suite une tite chotte sur ct’e câlisse de face à claque, envoye-donc !

 

– Jean-Marie, Jean-Marie, fit l’autre en bondissant brusquement.

 

– Héla, héla, fit Mélfeualusine tu me veux quoi, toi le cochon ?

 

Sans répondre, le colosse alla droit au but, il fonça sur la fée comme un damné furieux, car il n’avait jamais désobéi à sa jeune maîtresse une seule fois dans la vie. Il brassa d’abord l’air de son gros bras, puis après quelques entrechats très rapides, il tomba comme la tempête du ciel sur la fée fort surprise. Dans une charge soudaine, le géant opposa à sa victime une réponse fulgurante d’un seul coup magistral de son poing pesant, plus terrifiant qu’un grand coup de masse livré par un bûcheron. Mélfeualusine se plia en deux, on entendit ses os craquer, mais Jean-Marie n’eut pas besoin d’en rajouter, sa frappe cinglante venait de tuer la fée. Il resta debout près de sa proie avec un air béat, hautain comme un enfant gâté, soudain très fier d’avoir la vedette et d’avoir obtempéré comme il le fallait. Les chevaliers incrédules y trouvaient néanmoins leur compte, Hivalanoué taquina longuement le cadavre bellement maquillé du bout de son épée. Mirlen jouait profil bas, car il venait d’avoir très peur. Mélisende embrassa chaudement les joues rugueuses et mal rasées de son ami pour le féliciter.

 

– Bravo mon gars, t’étais à fond, ça c’était de la bonne joke, t’y as pas laisser le temps de renifler, à c’te criss de plotte fendue de traviole. A pas eu son temps de brailler de la dèche !

 

– Je croyais pourtant qu’un homme ne pouvait la tuer ? interrogea Erald, exprimant tout haut le questionnement que se posaient aussi les autres.

 

– Ben tiens ouais, répondit Mélisende, c’est donc ça qu’est le fun câlisse, mon Jean-Marie, c’est pas un homme, c’t’un sanglier !

 

– Voilà qui est fort bien joué, ajouta Belbit, notre ami n’est point timoré. Sans lui nous étions morts, bien qu’il soit hébété et stupide. Louons Kramouille de lui avoir donné le dernier mot.

 

– Jean-Marie, Jean-Marie, grogna la brute, puisqu’il savait qu’il venait de faire plaisir à tout le monde.

 

– Hâtons-nous tout de même de quitter ce lieu, fit plus sagement William, car pour ma part je retrouverais la forêt mors volontiers.

 

– Oui, renchérit Mirlen en regardant pensivement la fée terrassée, nous avons quête, elle n’est point terminée et notre genou ne saura pas plier.

 

En remontant à la surface, ils mirent tous dans leurs poches nombre de pierres précieuses, car les murs de marbre rose de la grotte en formaient un écrin merveilleux. Alourdie par tant de richesses aussi facilement obtenues, la compagnie redevenue joyeuse déboucha à l’air libre, où le spectacle magnifique de la montagne leur fit le plus grand bien. Ils surplombaient en effet un panorama à couper le souffle. Alors qu’ils s’éloignaient, la terre se mit tout à coup à trembler. « Courrons, courrons », pauvres fous, hurla Mirlen, car il devinait que la grotte était en train de s’effondrer. Longtemps encore, ils dévalèrent avec un enthousiasme contagieux les sentiers escarpés, sans néanmoins s’esbaudir davantage sur la beauté des paysages traversés. Plusieurs fois, la montagne gronda de façon angoissante et d’énormes boulets de rochers détachés de son flanc roulèrent en direction de la plaine, arrachant au passage des arbres plusieurs fois millénaires. Et puis, les fuyards parvenus à mi-pente d‘une profonde gorge et s’estimant hors de danger, leur balade se fit plus paresseuse, car le sol avait enfin cessé de trembler. Majestueux, le pic du Mont Chauve qui servait désormais de tombeau éternel à la fée se plantait comme une gigantesque sentinelle veillant sur la vallée de Bogland. Comme il plissait les yeux près d‘un cours d‘eau bouillonnant, Mirlen crut percevoir dans un extrême lointain les minarets d’une grande citadelle pointés vers les cieux  ; mais la vision était si ténue que le vieil homme se demanda s‘il ne contemplait pas tout simplement un mirage formidable et trompeur posé comme un rêve sur l‘azur.
 
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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 27-05-2018 à 06:16:07
n°53064304
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 22-04-2018 à 10:24:12  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Benjamin Danlslip.

 

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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 58.

 

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Les pluies tièdes ont cessé de tomber sur la jungle de Kourdukon, alors que les organismes gorgés d’eau qui vadrouillent entre les feuillages ruisselants n’ont jamais été aussi lumineux. L’ondée vient de durer le temps d’une semaine terrienne, mais sans jamais s’arrêter un seul instant. Peu à peu, le niveau du grand fleuve aux eaux mauves s’abaisse enfin sous le ciel sans nuage, en cessant de lécher les murs de la forteresse. Les trois soleils triomphent à nouveau dans les nues vertes désormais limpides, tandis que les organismes malmenés des naufragés de la Marie-Jeanne s’habituent tant bien que mal à ingérer des nourritures solides, au prix de crampes stomacales terribles. Si les intempéries incessantes ont temporairement éloigné le spectre des combats après la victoire des légionnaires Jidouilles, la menace des matriarches n’en reste pas moins d’une cuisante actualité. Autour du fortin, d’énormes troncs violâtres étonnamment vrillés ont surgis brusquement de la vase libérée par la voie liquide, pour atteindre en quelques heures des hauteurs fantastiques qui dominent largement le bâtiment fortement incendié. Pointe unique et triomphante en guise de cime, ces longs arbres tors et étranges forment à eux seuls un décor fantasmagorique que ne cesse d’admirer une Emeline apaisée, puisque Basile vient de pornifier avec elle sur les remparts. D’une façon assez épatante, d’ailleurs. Curieusement, au beau temps revenu, les piles torsadées se dévissent pratiquement à vue d’œil pour s‘enfoncer dans le sol, avec la même régularité qu’elles ont mis à croître ; aussi le couple regarde les hautes colonnes violettes disparaitre peu à peu à nouveau dans la fange. Emeline se risque à blaguer une analogie érotique en souriant avec une certaine ironie à son compagnon, lequel goûte moyennement l’allusion. Lui préfère s’éloigner de ce sujet scabreux en pointant du doigt vers la piste conduisant au bastion. Un gros lézard bleu à taille humaine, malingre et bipède, traverse rapidement le chemin rendu boueux par les inondations, avant de s‘enfoncer dans la jungle ; mais ce n’est pas cette curieuse bestiole à la course fugace que désigne Basile à sa femme.

 

– Tu as vu ? la statue de la Goween Klito a changé de couleur, elle est complètement rose à présent.

 

Alors que la haute scuplture se noie dans le flot d’énormes bactéries volantes et d’amibes colossales qui l‘environnent, la couleur de sa pierre gorgée d’humidité est en effet passée du gris clair au saumon pâle. Selon les explications de Branlan Solo venu les rejoindre, elle mettra plusieurs jours pour retrouver son coloris original. Bien qu’il le taise, Basile trouve juste étonnant que ce hautain symbole ennemi n’ait pas été détruit.

 

– L’histoire et la mémoire de cette planète n’a pas besoin qu’on l’efface nous-mêmes, affirme Branlan, comme s’il venait de lire dans ses pensées. Après notre victoire, nous, les Francs-Plaquistes, nous lui promettons de meilleures flamboyances. Cette figure féminine prétentieuse s’enfoncera un jour complètement dans la vase, exactement comme ces Pitjounes des averses que vous observez. Croyez-bien qu’elle emportera avec elle dans l’oubli sa foutue descendance atrophiée, ainsi que le moindre souvenir des matriarches du triangle doré. Cette figure de pierre n’écrit en réalité à cette heure qu’un simple et futile rêve minéral excité par le vent. Bien, la crue se résorbe, les troupes d’Ovarie vont nous apporter bientôt des renforts substantiels, leurs crache-fumées sont déjà en route. Votre présence ici n’est pas très nécessaire. Vous allez donc rejoindre Placentia en notre compagnie, avec l’aide du Répcipriss Tervinigeux.

 

– Tant mieux, fait Emeline, cet endroit me fout la trouille. La mort est encore trop présente. Et cette nourriture que vous nous faites avaler est un calvaire.

 

– Oui, approuve Basile, nous devons retrouver notre fusée et imprimer à nouveau des pilules nutritives, vous comprenez ?

 

– Je comprends. Venez à présent, vos amis vous attendent.

 

Emportant donc avec ces derniers les Jidouilles Oubli-Wan Kianobite, Dark Ouater, Lurke Salwater et Branlan Solo, bravant ouvertement la menace d’être vu, ce qui représente peu d’importance, la grosse bête bedonnante à l’abdomen gonflé au maximum flotte dans les airs en emportant ses passagers. Oil Carter et Leïshal Organe sont restés aux commandes de la forteresse pour attendre les combattants d’Ovarie. De temps à autre, Oubli-Wan gorge l’animal de levures de Pignansuru pour le maintenir en vol au-dessus de la jungle. Accroupie dans la nacelle végétale un peu branlante, Emeline se prend de nostalgie pour le confort d’un sustentateur sur mesure et le regret de son lointain loft terrien. Basile reste muet à contempler l’immensité du paysage étincelant, la jungle cède temporairement la place à de grandes parcelles d’herbages rouges et ondulants, mais la forêt épaisse ne tarde pas à reprendre ses droits. De temps à autre, ils croisent des vols groupés de lentes méduses bleues fluorescentes aux tentacules équipées d’une infinité de loupiotes d’un rouge intense. A côté de lui, Charlie et Jhon Piol échangent des propos aussi animés que contradictoires sur les propriétés des gaz d’atomes ultrafroids, lorsque Arnold s’intrigue d’une étrange libellule qui vient tout à coup de se poser sur un câble en face de lui. Lorsqu’il tend la main vers cet insecte métallique et placide, il se rend enfin compte en regardant mieux qu’il s’agit d’une sonde, un nanodrone d’exploration classique. Incrédule, il s’en empare fébrilement et la referme dans le creux de son poing, puis se tourne vers les autres pour leur faire part de son extraordinaire trouvaille.  

 

– Merde, fait Charlie, en contemplant le minuscule robot dans la paume ouverte de Montburg, qui a lâché ce truc ici ? Il est cependant trop bouleversé pour rajouter le moindre commentaire.

 

– Alors, fait Basile en s‘agitant un peu, ça veut dire que nous ne somme plus seuls.

 

– Cette sonde n’est pas égarée, suppose Arnold, elle nous a vu et cherche à prendre contact. Tout en parlant, il commande à son implant un long trie de fréquences, les autres se joignent à lui au sein d’une manœuvre identique. Une longue remontée de la source leur imprime alors mentalement quelques images, avec en particulier le visage soucieux d’Alan Drelon, sans doute lui-même stupéfait de la vision qu’il reçoit simultanément dans son propre système neuronal artificiel. Les yeux arrondis par la surprise, sa femme Isa Djani se penche à présent dans son dos. La sonde doit maintenant relayer clairement et de manière physique toutes les informations qu’elle reçoit sur un écran portable, pour un auditoire sans doute agrandi.

 

– Bordel stellaire, fait Jhon Piol en ayant un peu de mal à accuser le coup, je connais ce type et toutes les histoires qui circulent sur son compte, c’est le célèbre pirate galactique Alan Drelon et la gonzesse derrière lui, c’est sa bonne-femme ! Mais qu’est ce que ces deux saloperies viennent trafiquer dans ce trou à rat perdu ?

 

– Le mieux, fait Emeline remplie d’un espoir neuf, c’est de le leur demander.

 

– Si une sonde se ballade, c’est que vous êtes posés sur ce monde, qu’est ce que vous venez faire sur cette planète ? Vous êtes en cavale ? demande Arnold à l‘intention de son interlocuteur virtuel.

 

– Et vous, répond Alan, vous êtes bien les passagers de la fusée en carafe, je me trompe ?

 

– C’est une histoire plutôt longue, en réalité nous somme les survivants d’un équipage de transbordeur, le So long sucker, capitaine Merval, hélas décédé. Un trou noir nous a bouffé avant d‘échouer ici. La Marie-Jeanne appartient à un couple de … disons des touristes terriens, pour faire simple.  

 

– Ecoutez, je sais qui vous êtes, s’interpose Jhon Piol. Que faites vous sur 8495SK - Rolling Stones ?

 

– Un abordage qui s’est mal terminé. Nous avons pris refuge ici, mais notre propre vaisseau est pratiquement hors d’usage, désolé de freiner votre espoir de quitter cette planète rapidement. Nous sommes dans le même bain, à présent.

 

– Où vous trouvez-vous ?

 

– Bien peinards dans le palais d’Utruss. La reine Agmydala traite mon Isa comme une princesse et selon mes gars, les gonzesses qui gouvernent ce pays sont plutôt sympathiques. Ces coquines chipotent pas leur amour.

 

– Vous allez rapidement déchanter, en réalité ces garces ne sont pas vos amies. Avez-vous des armes, des laserguns, je veux dire ?

 

– Le jour où j’en aurai plus, j’aurais plus de couilles non plus.

 

– En parlant de ça, vous allez bientôt tous les porter en collier. Bon, en tant qu’équipier de cargo interstellaire, ça me fend le cœur de le dire, mais j’admets que nous devrons bien faire cause commune avec de sales cons de pillards, des créatures clandestines du genre à achever sans pitié les blessés, si nous voulons nous tirer d’ici.

 

– Bof, la réalité n’est jamais figée, mais soyez plus aimables à l’avenir et conservez la sonde précieusement avec vous pour garder le contact, on se rappellera très vite. Faut qu’on réfléchisse de notre côté. Notre but est de réparer votre fusée. D’après notre constat, nous avons sur notre propre kitch le matériel adéquat ; ça prendra du temps, mais c’est réalisable et on a guère le choix.

 

– Heureux de l’apprendre, fait Basile, c’est une excellente nouvelle. Mais ne vous faites aucune illusion, les matriarches ne vous laisseront jamais partir.

 

– Je crois comprendre un truc, vous êtes protégés par l’équipe adverse, hein ?

 

– Exact, lui répond Charlie avant de clore la communication et de céder à l‘impatience de Branlan Solo, puisque celui-ci demande avec insistance des explications sur le comportement étrange des naufragés qu‘il observe depuis un bon moment. Il ne comprend pas le fonctionnement de la sonde.

 

– Ne vous inquiétez plus, Branlan, votre guerre est gagnée, fait-il alors, au moment où l’énorme aérobête aux flancs amaigris se prépare à atterrir sur la grande place de Placentia. La Goween et toute sa cour, kaput, compris ?

 

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Bon dimanche à tous

 

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Message édité par talbazar le 22-04-2018 à 18:08:47
n°53094525
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-04-2018 à 15:02:33  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La jet larguée. Extrait numéro 32.

 

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 L’avocate Sonja Sweet Peticoeur n’avait ni mari ni amant et se contentait d’en imaginer un dans les volutes de son imagination. Le genre de boss des affaires en costume de prix par exemple, dont elle absorberait patiemment pour sa pomme toutes les économies de sa richissime famille. Tant qu’à faire. Dans un genre assez différent, elle se voyait parfois la maîtresse d’un romancier à succès, habitant avec lui dans une demeure luxueuse où elle passerait son temps à compiler les cahiers abandonnés sur la moquette par son célèbre et prolifique époux. Un gaillard fortement musclé au sourire permanent et un air de bonne santé qui saurait parfaitement décrypter l’admirable substance de son âme. Enfin, pas trop quand même. En tout cas un homme dont elle serait l’indispensable muse littéraire et qui ne pourrait envisager de vivre sans elle. Celui-là, il pourrait même porter la salopette en semaine si ça lui chante. Sur le siège arrière de son Audi, trainait le dernier livre d’Ewin Talbaway, le spécialiste des bios de stars qui magnifiait dans cet ouvrage le destin de Little Crush, alias Emilie Sacoche, la chanteuse tumultueuse aux dix bagues découverte lors d’une compétition télévisuelle. Sonja se fichait pas mal de cette petite nympho de banlieue à la célébrité foudroyante, elle avait acheté ce bouquin peu épais uniquement pour le fantasme de la photo de l’auteur, laquelle trônait en noir et blanc au-dessus du résumé. Elle aurait bien fait de cet écrivain son mari idéal. Pas de chance pour celui-là, elle n’aurait pourtant jamais le loisir de faire sa connaissance, il était l’un des passagers présumés morts du vol PJ 612. En attendant de trouver l’élu de son cœur et pour se faire plaisir, Sweet Peticoeur se contentait seulement lors d’occasions rares des beaux gosses qui trainaient dans les tribunaux et s’avouait d’un faible sans déni pour les uniformes, n‘importe lesquels. Elle se gara à proximité du Waterproof Lounge, le bar maquillage plutôt sélect tenu par Océane Eight. A une cinquantaine de mètres, une grosse Jeep noire comme un fond de mine en fit autant, avec un gus armé de jumelles à l’intérieur.

 

– Polichinelle à l’arrêt, je répète, Polichinelle à l’arrêt, elle pénètre dans le bar.

 

Planté devant le domicile de Sonja installé dans un quartier bourgeois, l’agent Igorson du GBT russicain accusa réception du message de son collègue en faction, avant de s‘attacher à déverrouiller tranquillement la porte d‘entrée de la cible. Si le meurtre faisait partie intégrante de son métier, il regrettait toujours que la mort subtile qu’il donnait empêchait à ses malheureuses victimes d’apprécier leur journée comme étant la dernière. On avait tous le droit légitime de faire le deuil de soi-même, hélas, le travail prévu sur cette avocate ne pouvait ni être lisible, ni extensible à ce genre de considération. Il était payé fort cher par les services secrets de son gouvernement, une générosité qui le protégeait somme toute fort efficacement de toute dépression saisonnière. Il referma soigneusement la porte et se dirigea aussitôt vers la cuisine. L’action dans un endroit public pouvait toujours coller quelques cailloux imprévus dans ses souliers vernis, mais là, il pouvait agir en toute sérénité. Pas de chien, pas d’enfant ni de mec, rien qui ne vienne l’obliger par nécessité à commettre une œuvre plus colorée pour faire taire un bavard, à coup de plomb dans la cervelle ou ailleurs. Igorson était un homme dur, certainement violent, toujours sans concession, mais la vision de cette maison propre et bien rangée lui inspira un plaisant sentiment d’apaisement. En matière de décoration, Polichinelle semblait partager un bon nombre de goûts communs avec sa propre femme Hollychka, Igorson se sentait donc dans ce lieu un peu comme chez lui. Mais il n’avait pas franchi la porte de cette baraque pour mater un DVD ou manger un bol de cornflakes. La cuisine sentait bon. Les étagères étaient bien rangées, la propriétaire stockait ses denrées alimentaires dans de grands bocaux transparents aux étiquettes explicites, à la différence cette fois notoire d’Hollychka, dont la cuisine remplie d’emballages aux packaging criards la transformait en musée permanent du pop-art. Igorson tira sur le gant de sa main droite, l’ambiance lui donnait faim, il aurait avec plaisir dévoré un cornet de frites et il le ferait sans doute plus tard, après. Derrière ses lunettes noires, son regard chercha la mention «café», il tendit la main vers le récipient en verre, imaginant Polichinelle vêtue d’une robe de chambre virginale accomplir le même geste au saut du lit. Igorson porta le bocal à ses narines, l’arabica moulu de grande qualité qu’il contenait fleurait une odeur agréable, il aurait bien aimé s’en faire une tasse. De sa poche, il tira la petite boîte contenant le curare et le mélangea au café un bon moment, afin de le rendre indétectable. Le poison préserverait la dignité du corps et le beau visage triangulaire de la cible aussi blanc que du lait frais. L’agent referma le bocal, le reposa à son exacte place, il fallait désormais songer à un prudent éloignement géographique. Dans le salon, il s’attarda un instant devant une photo souriante de la cible accrochée au mur, cette jolie nana aurait donné à n’importe quel mâle une envie de slow infini, sans parler du désir de la baiser ensuite avec intensité. Il repéra sous la table basse un épais dossier spiralé, mais il avait l’ordre ne rien dérober. Il s’abstint même d’y jeter un œil. Une fois rendu dans le jardinet, il appela son collègue toujours confiné dans la Jeep.

 

– C’est fait, je sors, le petit-déjeuner de Polichinelle est servi. Puis il songea à se mettre en quête de ses frites.

 

Au Waterproof Lounge, Océane fit un accueil cordial à sa cliente, avant de lui proposer quelques soins de beauté. Depuis la disparition de son mari, la femme du commandant conservait au fond de l’œil une lueur de tristesse qu’elle ne pouvait masquer. Une froideur mélancolique poignante que ne manqua pas de décrypter Sonja. Océane s’efforçait pourtant de n’en rien laisser paraître et jouait comme il faut la commerçante aimable, un acte de bravoure qu’apprécia l’avocate à sa juste valeur. Sonja opta pour un traitement manucure, un choix salué par la patronne qui exigea de procéder aux soins en personne.

 

– Je suis contente de vous revoir, mademoiselle Sweet Peticoeur, surtout sans cette meute de journalistes autour de vous.

 

– Oui, les choses se sont un peu calmées depuis l’arrestation de Bobby Fiermongol.

 

– C’est donc vrai, il est bien mis en cause ?

 

– Il doit justifier pour le moment l’embauche d’un personnel au comportement dangereux. Une commissaire de bord alcoolique, une hôtesse et un steward amateur de bringues et de voltiges à deux au mépris des règles imposées. Mais rassurez-vous, la dignité et l’honneur de votre mari ne sont pas en cause.

 

– Encore heureux, ses examens médicaux ont toujours été irréprochables ! Vous voulez un café ?

 

– Non, plus de café pour moi, j’en consomme beaucoup trop, j’ai décidé d’arrêter d’en boire. Un thé citron, je veux bien. Les enquêteurs envoyés à l’aéroport garde toujours un oeil sur le chef d’escale Ewing Balloon, mais il est laissé libre de ses mouvements. L’avocat de la Petro Jelly tente d’incriminer la qualité de l’air au-dessus de la Mochkomkudite, mais franchement, je pense que pour le moment, Fiermongol est mal barré.

 

– Toujours aucune trace de l’avion ?

 

– Non, aucune. Madame Eight…

 

– Océane, je vous en prie.

 

– Océane, je sais le calvaire que vous traversez, ainsi que toutes les familles des victimes que je représente. Tant qu’un lieu de crash n’est pas précisé, aucune des parties n’avancera. Si l’avion ne peut être retrouvé, nous devrons cependant finir par accepter les indemnisations proposées par la Petro Jelly, mais pour l’instant je m’y refuse fermement.

 

– Steven était aux commandes d’un appareil avec des problèmes de moteur, mais nous sommes quasiment sûrs qu’il n’a pas explosé en vol. Nous devrions pouvoir le retrouver.

 

– La zone probable examinée est quasiment impossible d’accès, sans aucune terre habitée, en dehors de cette ancienne base russicaine à l‘existence à peine avérée. Je vais me faire l’avocate du diable, mais ce n’est pas si facile. Elle tendit la main pour apprécier le travail d’Océane qu‘elle venait de terminer. L’historique de l’avion ne donnera rien, les vidéos coquines susceptibles de gêner Fiermongol ne constitueront  pas des preuves suffisantes contre son autorité, la panne est avérée par les enregistrements du contrôle au sol, ce n’est qu’une question de temps avant que l’épave ne soit retrouvée. Nous continuons de l’exiger, soyez tranquille sur ce point. Il nous faut impérativement des preuves techniques, mais de toute évidence, la Russique fait délibérément trainer les recherches, je pense que c’est un cheval de bataille à ne pas négliger.

 

– Sonja, je ne suis pas la seule meurtrie dans cette affaire, mais je vous fais confiance, je sais que vous faites pour le mieux. J’estime que Bobby subit la situation autant que nous autres, ce n’est pas juste qu’il porte à lui seul le chapeau. Elle garda un long moment les mains retapées de l’avocate entre les siennes. Les deux femmes se regardèrent franchement dans les yeux.

 

– En attendant, les agences de presses sont nos meilleures alliées. Merci beaucoup, Océane, vous m’avez donné des paluches de pianiste, c’est merveilleux !

 

En rentrant dans sa cuisine, Sonja se refit un thé. Du vert à la menthe, cette fois-ci. Assise à sa table, elle se demanda avant de consulter son dossier si elle ne devait pas purement et simplement jeter son café à la poubelle pour éviter d’être tentée. Mais non, pensa-t-elle, comment pourrais-je refuser son café au petit-gars vigoureux qui viendrait un de ces soirs partager mon lit ?

 

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Message édité par talbazar le 06-07-2018 à 08:25:57
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talbazar
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Posté le 28-04-2018 à 10:48:10  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 52.

 

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Surface, bâbord 3 nœuds, le Playboy of the sea visible à 37° ouest. Les batteries du Sea Fox diffusaient leur jus comme il le fallait et le kiosque sombre et effilé du submersible fendait les grosses vagues aux crêtes argentées d’une mer un peu trop agitée. Pas tempétueuse, heureusement non, mais très secouée. Grand-frais, force 7, vent à 28 nœuds, il pleuvait dru et l’accostage avec le cargo n’allait pas se montrer une partie de plaisir. Sur les imposantes masses noires nuageuses étonnamment proches qui rasaient l’écume bouillonnante, la silhouette du rafiot transportant Martin Smith et Vaya Condios se découpait avec une proximité dangereuse. Sur la tourelle du sous-marin, le vent sifflait aux oreilles de l’homme trempé par une eau glacée en train de se cramponner au balcon, tout entier à sa vigilance de commandement qui l’obligeait à lâcher des ordres brefs. Le timonier barrait en prince dans le jus traître afin de coller bord à bord contre le vieux bâtiment aux moteurs stoppés, dont la haute cheminée rouge toujours active lâchait la noirceur opaque de ses fumées dans le ciel menaçant. Le Sea Fox se rapprocha encore, les deux coques d’acier opérèrent leur jonction sans plus se soucier des énormes vagues qui s’abattaient sur leurs ponts respectifs. Par intermittence, de longues langues blanches léchaient le dos métallique du squale émergé, avant de disparaître aussitôt dans les flots ; les mains en porte-voix, les équipages des deux navires essayaient tant bien que mal de communiquer directement pour s‘amarrer mutuellement. L’averse cassait leurs paroles, le vent rageur les emportait au loin sur l’océan sans qu’on puisse les comprendre. Des deux côtés, les marins engoncés dans leurs cirés humides avaient sans doute hâte que l’affaire puisse se terminer rapidement. Comme l’imposante grue mobile du Playboy of the sea venait d’accomplir en grinçant un tour complet sur elle-même, le cargo hurla d’un coup de corne monstrueux. Lorsque le container numéroté 87-B au sein duquel se trouvaient Strazdinovsky avec le privé et sa dulcinée s’éleva finalement dans les airs, ils furent rudement secoués à l’intérieur avant d’être projetés tous les trois brutalement sur le sol ferreux. Un long panneau coulissa sur le pont du sous-marin qui les avala dans une soute située près du poste central de navigation. Un nouveau et puissant son de trompe salua la manœuvre parfaitement réussie. La trappe étanche se referma finalement sur sa cargaison et les bateaux secoués par les lames entamèrent les manœuvres de séparation. Lorsqu’il fut suffisamment éloigné et paré à plonger, le Sea Fox rentra son périscope et fit osciller sa barre de direction, avant que sa proue remplie d’eau ne s’enfonce peu à peu dans l’océan au sein d‘une paix retrouvée. Le sous-marin laissait fuir derrière lui le Playboy of the sea, afin de permettre désormais à celui-ci d’accomplir seul sa destinée en affrontant une nouvelle fois la surface des flots tourmentés. Les craquements sinistres mirent la puce à l’oreille de Smith en train de se masser le genoux dans l’obscurité totale du container.

 

– Un sous-marin ! on est dans un sous-marin !

 

Au bout d’un moment, il entendit qu’on s’activait derrière la paroi de leur prison. Un branchement avait dû s’effectuer, puisque qu’une pâle lumière se fit, éclairant chichement de lueurs vertes les visages angoissés de Vaya et de Gordon. Tout comme Martin, sa compagne se frictionnait une épaule douloureuse. La porte se débarra bruyamment, les reclus virent s’encadrer devant eux quatre hommes qui les tenaient en joue avec des pistolets mitrailleurs portés en bandoulière. Le premier de ces gus était Gros Bill, le second Moonshine Booze, le troisième Jim Main Folle et le dernier Gino L’éclabousseur. Du beau monde, quoi, plus dangereux pour les humains honnêtes qu’une bande de babouins irrités. Ces quatre sacs à merde de bandoleros à l’efficacité meurtrière n’étaient pas venus libérer le malheureux trio pour le conduire ailleurs, mais seulement pour s’assurer qu’ils se portaient tous bien. Lorsqu’il en fut convaincu, Gros Bill referma à nouveau l’ouverture à clef sans dire un mot. Folle d’inquiétude, Vaya se rassura en plongeant dans les bras de Martin qui lui caressa la nuque avec tendresse, tout en embrassant amoureusement sur ses lèvres la passagère de sa vie avec qui il avait décidé de tout partager. Elle redit qu’elle l’aimait. Les  bruits sourds s’espaçaient, mais le privé aurait juré que le bâtiment descendait encore. Observant avec respect le couple enlacé dont les corps unis jouaient avec la lumière dans ce lieu rempli d’ombres, Strazdinovsky était lui-même submergé par des réflexions alarmantes qu’il préféra garder pour lui.

 

– Allons, fit Martin, on ne plonge pas vers les enfers, cette saleté de machine arrivera bien quelque part. Pas la peine d’essayer de tout analyser.

 

– A mon avis, lui répondit Vaya, on ne devrait pas tarder à revoir la sale gueule de Van Degaffe et son laboratoire cauchemardesque.

 

– Effectivement, reconnu Gordon, cette espérance mathématique est sans doute bien réelle !

 

Ce qu’ils ne pouvaient voir, c’était le haut volcan qui trônait solitaire sur l’océan et en direction duquel le submersible tournait maintenant ses hélices silencieuses. Cette île sortant de la brume et posée sur le désert bleu en dehors des eaux territoriales hawaïennes cachait en réalité dans ses entrailles le plus fabuleux complexe jamais conçu par une organisation secrète et Van Degaffe en était à la fois le propriétaire et le maître absolu. Aucun bâtiment de pêche qui croisait au large de cet atoll fantastique ne pouvait soupçonner les aménagements cloisonnés à l’intérieur de cette montagne et ceux qui s’enracinaient sur plusieurs niveaux dans les eaux profondes, sous le socle volcanique. Pour construire cette formidable structure, les brevets les plus avouables de Van Degaffe, bien que déposés sous des noms d’emprunt, n’avaient pas dû rester dormir dans les tiroirs. Somme toute, à l’instar des instituts internationaux patronnés par la Samsara Foundation, un grand nombre de trusts, de financiers, de firmes d’ingénierie et d’industriels profitaient souvent sans le savoir des développements révolutionnaires agencés par la bête aussi criminelle que curieuse. Des audacieux paliers magnétiques intervenant sur l’immunité humorale aux bidouillage des protéines du système HLA, ces marqueurs antigènes d’histocompatibilité spécifiques à chaque individu, de nombreux transferts technologiques officiels et licensing déclarés, d’une extrême complexité, devaient leur origine aux travaux occultes et redoutables du docteur Hubert Van Degaffe, dont le système mafieux brassait des fortunes colossales. Nullement satisfait par ses victoires scientifiques acquises, le savant allait toujours plus loin et rêvait de développement à plus grande échelle, d’un contrôle novateur et d’une compréhension nouvelle de l’homme pour lesquels il dupliquait les gènes, greffait des organes inter-espèces, injectait virus et bactéries aussi bien sur les chimpanzés que les humains, mais ses objectifs nullement privés de l’argent nécessaire ne semblaient jamais atteints pour lui. En réalité, tous ses partenaires consentants arrosés de bakchiches ou simples ignorants maquillés d’innocence, les plus nombreux, ne pouvait deviner que le cœur de ses travaux battait en sécurité dans ce volcan éteint où se camouflait à la fois un centre de recherches, une usine secrète et une véritable petite ville habitée par des membres dévoués et triés sur le volet. Toute l’énergie disponible nécessaire à cet antre gourmand provenait d’un percement profond et osé par un puits de forage de la chambre magmatique elle-même. Oui, sans le moindre conseiller scientifique pour discuter ses ordres, Van Degaffe régnait bien sur cette forteresse solitaire, dont le soubassement aménagé en dock allait à présent ouvrir la porte blindée de sa baie pour faire entrer le Sea Fox, alors que le submersible s’engageait à vitesse réduite dans le tunnel d’accès.

 

Le lac de cratère enfoui dans lequel il fit surface s’entourait de quais bétonnés violemment éclairés où s’activait une petite main-d’œuvre de maintenance, des gars dont le point commun semblait de travailler avec assiduité leur physique. Il régnait dans cet endroit souterrain une chaleur épouvantable. Un pont roulant se chargea de débarquer le container après l’avoir sorti du sous-marin. Sous la menace de leurs flingues, le quator de malveillants ouvrit à nouveau la porte en ordonnant aux prisonniers de sortir. Gros Bill matait les hanches de Vaya comme un tigre reluque la pauvre biquette qu’il s’apprête à dévorer.

 

– Pas d’histoire, en avant.

 

Le groupe longea la vaste piscine transformée en débarcadère où s’amoncelaient des empilements conséquents de caisses aux tailles variées. Martin était proprement stupéfié par le formidable agencement de cet environnement qu’il était en train de découvrir. Tout en marchant à ses côtés, Vaya chercha sa main qu’il lui donna, alors que Gros Bill les arrêta devant les portes closes de ce qui ressemblait fort à celles d’un ascenseur. Comme pour répondre aux interrogations, Jim Main Folle fit le malin et se pensa obligé de préciser avec une certaine gourmandise au privé :

 

– Système ascensionnel  pneumatique.

 

– Ta gueule, Jim, fit Gros Bill en lui jetant un regard explicite.

 

Ensuite, le trio s’engouffra à l’ouverture des portes dans l’étroit réduit avec les quatre hommes de main qui leur collaient le canon de leurs pétoires sur le bide, puis  ils s’arrêtèrent cinq étages plus haut. Ils marchèrent dans un long couloir propre à la température probablement régulée par un air conditionné, puis les prisonniers furent contraints de pénétrer dans un appartement très confortable, dans lequel Van Degaffe les attendait avec un verre de Mai Tai à la main.

 

– Bienvenue dans ce loft que je mets à votre entière disposition, vous serez désormais ici chez vous et ne manquerez de rien. Sauf de votre liberté, évidemment ! Un peu de ce cocktail pour vous remettre de vos émotions ? Vous allez voir, rhum et curaçao, c’est tout simplement divin.

 

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Bonne fin de semaine à tous, mes petits chéris.

 

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Message édité par talbazar le 28-04-2018 à 11:15:55
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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 41.

 

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Mai 68 est donc né au mois de mars, de la volonté des étudiants de Nanterre de niquer librement les filles dans leur dortoir, ce qui fait beaucoup de monde dans les rues pour avoir le droit de tirer son coup. En attendant, la capitale se gonfle d’un pus rageur, un abcès de révolte urbaine qui ne cherche qu’à s’épancher dans tous les quartiers. Les flics sont sur le qui-vive, la CGT et le PC organisent un défilé conjoint du 1er mai pour la première fois depuis 1954. Pompidou part officiellement en Iran et en Afghanistan, mais lui, ce n’est pas pour tirer sur le joint ou prier Krishna, ou alors il cache bien son jeu. En attendant qu’il revienne, face au grand Charles c’est place au peuple. Forte d’une énergie de plus en plus audible, la nombreuse jeunesse qui veut désormais compter se gargarise de l’imminence d’une action collective et cherche à se faire entendre, avec un enthousiasme aussi effréné que communicatif. Par tous les moyens, des affiches contestataires ronéotypées aux rassemblements groupusculaires. Animal, on est mal, comme le chante Mancet sur les ondes nationales. En dépit d’un sérieux coup de patin sur ses habitudes hallucinatoires depuis son départ de Troulbled, Gaston bricole encore en douce dans le mini-labo de sa chambre ses gouttes de Quadritorgniole suractif et d’ADSLSD biluoré qui le collent quelquefois au plafond. Bien évidemment, il plane ainsi à l’insu de ses chers parents. D’autant plus que Emile comme Antigone ne cherchent pas à se pencher plus avant sur les secrets infernaux de ses multiples expériences, qui vont d’une recherche sur le traitement du vertige bénin à la méthathèse moléculaire. Ces drogues inédites ne sont que la petite œuvre au noir sulfureuse d’un enfant gâté, lequel ne cherchera heureusement jamais la diffusion à grande échelle de ses étranges produits, avant qu‘il n‘en détruise à temps les formules. Un coup de téléphone lui annonce le passage à Paris de Joseph Wronski pour bientôt, le prof de maths vient de démissionner subitement de l’Éducation nationale et lui donnera certainement des nouvelles fraîches de la joyeuse communauté de Bripue. La faune du Zanzibar lui envoie par ailleurs son salut. De son copain d’enfance, de Véronique et son gros ventre traître, le jeune Boudiou ne veut plus rien entendre. Quand à elle, Angèle Boudiou est effervescente à l’idée d’effectuer son premier shooting photos, sous la férule enthousiaste d‘Antigone transformée en coach de la mode. Tout le corps de la jeune fille est par ailleurs sur le point d’exploser, elle fait des rêves érotiques étranges, comme celui où elle se fait proprement écrasée la nuit dans son petit lit rose par Monsieur Propre, le grand chauve baraqué dont elle va vanter en personne l’efficacité ménagère et qui lui enfile avec rage son pénis de cheval jusqu’à la garde, avant de partir astiquer brillamment les baraques. Ce genre de bataille onirique signant la preuve qu’elle n’est plus une enfant et que bon, son corps lui appartient et qu‘il a des besoins. Elle assouvit parfois d’étranges fantasmes, en laissant volontairement des types lubriques découvrir sa petite culotte sous sa mini-jupe, lorsqu’elle s’assoie toute seule aux terrasses des cafés. Elle puise dans les regards obliques de ces voyeurs de tous les âges un plaisir trouble qu’elle ose à peine s’avouer. Elle accomplit savamment son petit numéro de lolita et savoure alors en douce le sentiment de sa propre puissance, teinté de la joie perverse de bousculer son propre respect d‘elle-même en toute impunité. Dans l’intimité de sa chambre, elle se caresse beaucoup en fantasmant sur ces offres coupables vécues dans la journée. C’est ainsi, elle jouit en secret de se faire tripoter en rêve par de vieux salopards. Pour ce qui est de lui, Gaston n’a pas d’amie et semble faire l’impasse sur sa propre sexualité. Et puis, à la veille du grand chambardement qui va secouer le Quartier Latin, Marité Hissedru a frappé à la porte de la belle maison abritant Gaston. L‘ancienne épicière s’est présentée avec sa maigreur et son air triste, pour demander à son petit copain que son père médecin lui refile de la dope. On se débrouille comme on peut. Moulée dans sa stricte robe noire, Antigone Inseouine de la Nouille était en train de massacrer un bouquet de ciboulette dans la cuisine avec un couteau long comme un glaive, c’est elle qui est allée ouvrir. Pas la peine de décrire la tête qu’elle a faite en découvrant la visiteuse engoncée dans ses fringues de hippie fripés et sa mauvaise gueule de junkie cyclothymique. En s’efforçant de rester digne, la femme d’Emile a sobrement appelé Gaston pour lui dire qu’on le demandait. Dévasté par l’audace de la requête de son amie, lorsqu’il est mis au courant des raisons de sa venue, il regarde Marité plantée devant lui, rachitique et perdue, en train de s’imaginer que le bon docteur Emile Pertuis va lui faire une ordonnance de brown sugar. Mais oui, bien sûr.

 

– Non mais t’es pas dingue de venir ici, Marité ? Tu te rends compte de ce que tu demandes ?

 

– Faut que tu m’aides, Gaston, mon dealer s’est fait serré, je n’arrive plus à en trouver, mais j’en ai besoin, tu comprends ? Juste un peu de morphine, s’il te plait.

 

– Si tu veux, je te file un peu de ma poudre à Manon. Je sais bien que c’est pas pareil, mais c‘est tout ce que je peux faire. Le corps est solide tu sais, mais l’héroïne, c’est grave ; faut vraiment que tu décroches et que tu te fasses soigner, j’en parlerai à Emile. Je crois qu’il a bien connu ton père, du temps où c’était lui qui tenait l’épicerie.

 

Ce n’est pas ce qu’elle attendait, mais elle prend tout de même son flacon de Quadritorgniole avec un air triste et désabusé ; puis sur le pas de la porte il la regarde s’en aller, luttant à contre-courant pour éviter une petite foule agitant des drapeaux rouges. Une bande survoltée qui s’est mise à courir pour s’égayer dans tous les sens sur les trottoirs, lorsque deux estafettes bleues au gyrophare allumé et pleines de flics ont déboulées vers elle. Un jeu du chat et des souris qui devient de plus en plus en fréquent. Les manifestants qui se tiennent au coude à coude le crient d’ailleurs à tue-tête de jour comme de nuit, ce leitmotiv : « dans la rue, dans la rue ! ». Plus menaçants, les cars vert olive des CRS sont en permanence postés devant les facultés, où les statues centenaires qui en vu d’autres sont parfois ironiquement bâillonnées de foulards écarlates. Les slogans et les affiches fleurissent sur chaque mur, aboyant pêle-mêle du comique et du dérisoire, de la vraie réflexion philosophique et du chant de lutte gonflé d‘espoir. En 1789, nul n’agitait pourtant de drapeaux communistes, mais comme on le hurle à gorges déployées ce n‘est qu‘un début, continuons le combat. La puissante chorale des cris claque en menace, la voix des enragés est une arme en soit. D’une façon fort étrange, l’oreille exacerbée par ses petites molécules psychotropes, Gaston Boudiou constate que le bruit des bottes foulant le pavé des gens qui se combattent est strictement le même. Peace and love. Quoi qu’il en soit, si ce n’est pas encore venu le temps des fameuses aubergines qui colleront trois ans plus tard leurs prunes aux automobilistes mal garés, en mai 1968 à Paris, c’est décidément le temps des cerises bien mûres, plus rouges que les fines lèvres entrouvertes d’Angèle enfermée dans la salle de bain.

 

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Message édité par talbazar le 18-05-2018 à 18:52:45
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Posté le 26-05-2018 à 09:59:50  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil. Extrait numéro 87.

 

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Vu qu’elle était enceinte, Aménorée ne coula pas à pic, mais flottant parfaitement à cause de sa bedaine et en se servant de sa robe en guise de voile, elle dériva un bon moment sur les eaux bleues du Nil. Pour le coup, ébahie par cette flottabilité providentielle, elle se demanda si elle n’allait pas mettre au monde un marin émérite. Au petit jour, après avoir crapahuté courageusement dans les roseaux, la malheureuse s’éloigna des rives avant de faire un bon bout de chemin sous le couvert des dunes. Néefiertarée la poursuivrait certainement pour la châtier d’avoir tué son nouvel amant, mais pour l’instant et satisfaite de s‘être vengée de lui, la fille d’Amétatla et de Tépénib se voyait sauve et libre. Mère isolée trois mille années avant que cela ne devienne la mode, elle assumait totalement son veuvage et cogitait sec sur les multiples embranchements de son proche avenir. Tous comportaient un danger mortel, sauf si elle parvenait à se faire oublier en prenant par exemple un emploi de danseuse de taverne nocturne à Babylone sous un faux nom, mais encore fallait-il pour y parvenir tromper les douanes et franchir la frontière de l’Egypte sans se faire attraper. Pour l’instant, elle s’offrait un peu de repos sur le sable en profitant de sa pause pour répéter ses exercices respiratoires de préparation à l’accouchement. Les pieds dans l’eau bien à l’aise comme une glandeuse de bobo thébaine, elle se rendait tout de même compte qu’elle venait de l’échapper belle, mais que rien n‘était pour autant gagné. Dépitée par sa triste situation actuelle, elle soupira à la pensée que ses danses du ventre dans un repaire de clubbers babyloniens ne seraient pas pour demain. Soudain nostalgique de l’ambiance familiale, elle avoua que ses parents lui manquaient terriblement ; puis elle eut un frémissement d’angoisse à la pensée que son évasion allait peut-être les mettre en danger. Sa pauvre petite maman déçue qui lui jetait constamment des briques à la gueule pour avoir été déshonorée par un foutu grec sans artiche. Mais à l‘heure où elle offrait son père et sa mère aux dents pointues des crocodiles sacrés, Aménorée avoua qu’elle avait amplement mérité le fouet d‘une bonne branlée.

 

Elle avisa le déhanchement lascif des chameaux d’une caravane qui s‘approchait lentement. Son premier réflexe fut de s’enfuir aussitôt, puis elle se ravisa. Cette entreprise itinérante avait peut-être besoin d’une secrétaire. Forte de sa récente expérience de stagiaire à l’ONS, une embauche providentielle pouvait lui fournir un camouflage habile et lui permettre en même temps d’espérer se tenir au-dessus du seuil de pauvreté. Aménorée portait quand même le nom de ses riches parents, lesquels l’avaient toujours habituée à porter des fringues de marque à 30 chèvres grasses au minimum. En observant l’affreuse robe de grossesse qu’elle portait actuellement, toute déchirée et souillée par ses récentes aventures et son séjour dans la cale immonde, elle avait bien du mal à se faire un portrait d’elle-même survivant avec son mioche dans un quotidien difficile. Prenant avec résolution son destin en main, elle s’approcha de la grosse litière du propriétaire qui marchait rideaux fermés, un modèle estimable doté de porteurs indifférents au vent mais qui retombaient sèchement au passage des bosses en trépignant volontiers. Par un suprême raffinement, l’unique passager ventripotent recevait de l’air frais offert par un porteur d’éventail à l’arrière du véhicule, assis sur le coffre généreux dans lequel s‘accroupissait tant bien que mal le porteur de secours. Cette machine endurante peu vendue sur les marchés extérieurs aurait cependant fait facilement fureur dans les rallyes africains les plus éprouvants. Construit par Louqsor Motor Corporation et d’une excellente habitabilité pour cinq personnes couchées, l’engin à la carrosserie peinte de fleurs stylisées transportait en plus la tente du patron de la caravane, des tuniques de rechange au col en V pour les 8 porteurs et vingt amphores de bière afin de prévenir toute panne sèche en plein désert. A la vue d’Aménorée, lorsqu’il eut finalement reçu l’agrément de sa direction pour l‘assister, le chef du groupe propulseur cria stop aux brancardiers en agitant son bras oscillant. Les gars contraints au ralenti piétinaient sur place et tentaient de deviner si cette foutue litière-stoppeuse semblait plus ouverte que les greniers pharaoniques. En la voyant enceinte, il poussèrent par dépit de longs soupirs d’échappement.

 

– Par Osiris, dieu du Nil, des morts et de la végétation, fit Chuiotaf, l’honorable patron de la caravane gros et barbu, en tirant l’un des rideaux en soie de la litière pour apercevoir la brunette aux cheveux bouclés qui le retardait, que veux-tu ?

 

– Je suis secrétaire d’entreprise itinérante et je cherche du boulot.

 

– Alors c’est Râ qui t’envoie vers moi, la mienne vient juste de se faire dévorer par les hyènes. C’est d’accord, choisi un âne à l‘arrière, je te prends à l’essai en dépit d’un ennuyeux congé maternité qui se précise. Moi c’est Chuiotaf, le PDG de cette logistique spécialisée dans la revente de poteries qui se dirige vers la ville d‘El-Amarné. Et toi, tu t’appelles comment ?

 

– Elfékha-Pélémec, répondit Aménorée par un effort de prudence.

 

C’est ainsi que prenant bien soin de camoufler sa joie et son vrai prénom, la jeune femme alla s’asseoir en amazone sur un baudet croulant déjà sous les amphores vides, tout en priant secrètement les dieux qui modelaient les vies qu’aucun contrôle routier de shardane ne vienne amortir son espoir d‘impunité. Constatant les regards scrutateurs des autres employés de la caravane, elle entendait déjà les commentaires acerbes qu’il allaient proférer sur cette fille sans mari, quand elle étendrait son petit linge entre deux palmiers. Il était cependant inutile de s’arracher prématurément les cheveux, elle avait retrouvé un travail et une nouvelle identité, ce qui lui promettait à court terme de jouir d’un salvateur mode de vie égyptienne standardisé au sein des travailleurs nomades. Aménorée se félicitait de cette stratégie spontanée, alors qu’une clepsydre auparavant son salut semblait hors de portée. Ce Chuiotaf à la bouille ronde et aux cheveux plaqués avait l’air d’un bon bougre, elle pouvait certainement compter sur son aide pour une pratique sereine d’accompagnement prénatal. Les enfants, c’est la vie. Qu’importait le silence éloquent des collègues, ces commerciaux machistes et leurs mégères pouvaient bien aller se faire rhabiller, cette providence tombait à pic, au moment où le périple de cette caravane s’inscrivait dans une de ses campagnes promotionnelles des vases funéraires. Puisque bien entendu, elle allait se jeter à corps perdu dans sa nouvelle activité.

 

Par la grâce bénéfique d’Horus aux ailes rapides, le convoi remonta vers le nord sans encombre, dépassant les oasis de Queldèche et de Louqparlestor avant d’arriver enfin aux portes monumentales d’El-Amarné. Entre-temps, Aménorée avait fait merveille en remettant de l’ordre dans la correspondance professionnelle de Chuiotaf qui se louait d‘avoir embauché la future mère. En rentrant dans la ville animée, ils furent cependant retardés un bon moment, en raison d’une procession en l’honneur d’Atoum qui bloquait les rues. L’un des hommes du caravansérail en profita pour aller réserver des chambres dans l’hôtel Royal Livingstone trois étoiles Isis, lequel possédait un vaste hall permettant en plus d’exposer les coupes d’albâtre aux décors ajourés, les vases globulaires d’offrande aux divinités et les jarres peintes que proposait l’entreprise de Chuiotaf, entre autres merveilles. Ils déchargèrent donc les marchandises dans la cour, avant de rejoindre les chambres au confort discret équipées de chapelles privées. Près du bar bondé fréquenté par les habitués de la maison, servis par une barmaid qu’on appelait Françoise la gauloise, la réception de l’établissement classé à l’inventaire des monuments antiques affichait aussi des pubs tapageuses pour l’organisation de congrès, de séminaires, voir de remise en forme. Des attroupements dans le hall prometteur à l’air saturé de parfums faisaient effectivement leurs emplettes, mais c’est dans le grand jardin où ils s’étaient installés pour boire de l’eau chaude près de la piscine que Aménorée tomba subitement nez à nez sur ses parents et tout le staff de l‘ONS au complet. Sans oublier les romains Vequetum Fourlanus et Tampax Nostrum qui froncèrent gravement les sourcils, en apercevant la silhouette arrondie de la pauvre jeune fille.

 

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Bon week-end à tous.

 

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Message édité par talbazar le 26-05-2018 à 10:07:25
n°53390235
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 28-05-2018 à 12:45:42  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : René Tabli.

 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Charles Ezienne.

 

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Message édité par talbazar le 28-05-2018 à 12:52:24
n°53465779
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-06-2018 à 18:28:12  profilanswer
 

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n°53472740
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 05-06-2018 à 14:11:00  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion - Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 40.

 

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Messire Jean Bon de Always, nouveau vizir du Fion, observait au milieu de ses barons le ruban ondoyant de la Mouillette, une rivière qui à l’instar du grand fleuve la Mouille barrait totalement le chemin de l’Hyperbourrée. Si la Mouillette prenait sa source au cœur du pays de la Godée, la Mouille trouvait son origine dans le Marais-Jean pour inonder la terre du p’tit lieu. Sur la Mouillette, se trouvait un large pont qu’allait franchir à présent tout entier l’host de Always, mais comme la Mouille était dépourvue d‘une telle passerelle, il faudrait donc ensuite prendre haut vers le nord, pour contourner la longue voie d‘eau. L’objectif de Jean Bon était en effet de se diriger vers Kiess et s‘en emparer, puis descendre ensuite afin de porter secours à Gaultier Quilamolle, de manière à prendre la ville de Mouyse en étau. Les cinq cents hommes du Fion et de l’Essexenrut tremblaient dans leurs chausses à l’idée de parcourir à pied la contrée du Marais-Jean, parce qu’il s’agissait d’un territoire réputé maléfique et pour tout dire complètement inconnu. Tous désiraient quitter rapidement les frontières de cette terre en déshérence et marcher ensuite le plus vite possible, grâce à la persévérance en Kramouille, pour se rapprocher des lieux du formidable combat. Depuis quelque temps, l’armée de secours quittait les essarts et les brûlis parsemés des bûcherons, lesquels étaient sans doute les derniers signes qui puissent venir rappeler l’activité civilisatrice du royaume de Fion. Au bord de la Mouillette aux eaux calmes, les hommes du génie vérifiaient encore la solidité du vieux pont, que nul n’avait emprunté depuis fort longtemps. Puis on vint prévenir le vizir d’Amanda que l’ouvrage tiendrait solidement ses promesses et se trouvait toujours bel et bien bon. Messire de Always fouetta finalement son cheval pour descendre la butte et rejoindre les rives à son tour. Il caressa l’amulette pendue à son cou qui renfermait les cendres de son grand-père, puis se posa à terre pour écouter le sermon de Raoul, le prêtre de campagne qui exhortait les hommes à se concentrer sur l’étripage véhément de l’ennemi, en chassant de leur esprit toutes idées relatives à l’œuvre de chair, puisqu’elles étaient susceptibles d‘affaiblir leur bras. A ces paroles pleines de bon sens, Lanciers et coutiliers jetèrent à la dérobée un œil sur les chariots encombrés des cantinières, ces femmes de l’arrière-garde nullement tracassées par l’état conjugal.

 

Les sabots s’engagèrent sur les piles tremblantes, les planches en bois de chêne craquèrent en portant l’énorme chevaleresque suivie par la longue cohorte des piétons, de toute armes équipés. Jean Bon piqua aux flancs son destrier pour s’engager lui aussi en dernier. Il maudissait la reine et sa raison d’Etat qui l’éloignait à grand’peine de son foyer. Elle gardait en otage ses deux filles merveilleuses Blanche et Aurore et laissait son beau château aux mains du comte Eustache de Méboule, à qui il n’accordait qu’une confiance modérée. Cette guerre l’éloignait de la cour et de sa doulce femme Mouyse de la Verrière de Always, qu’il espérait tout de même revoir vivant. Non, décidément, ce long voyage n’était point pèlerinage et le seigneur pestait contre sa destinée qui lui jetait des pierres coupantes à la figure. Pas loin qu’un claquedent allait graver bientôt au ciseau et burin sa terrible épitaphe, lorsqu’une épée traversera son bide dans un vallon. Et puis sa femme prendrait veuvage un temps, sècherait ses larmes puis se remarierait avec Eustache, alors le roitelet d’Essexenrut aurait tout perdu. C’est ainsi que pensait Jean Bon, alors que les pieds de son cheval retrouvaient l’herbe grasse. Sur ce rivage, la troupe croisa un groupe de Huelabits en train de cuire quelques gélines sur un foyer. Leur bateau amarré prouvait qu’il naviguaient depuis quelque temps sur la Mouillette. Les nains jetaient sur la grande armée des regards apeurés. Jean les fit venir devant lui.

 

– Holà les courtes-pattes, n’ayez crainte, si point n’êtes braconniers, mes braves gens ne sauraient vous maltraiter.

 

– Bien bonheur, messire, lâcha celui qui s’appelait Abeltric, car nous goûtons fort la paix dont vous parlez. En bons voisins, nous vous prévenons que vous vous dirigez vers de biens vilains lieux ! Si vous allez vers Marais-Jean, les diables de là-bas vous prendront dans leur piège.

 

– Tu parles en beau vacarme, mon bon nain, qu’est-ce à dire ?

 

– La Mouille est infranchissable et l‘on y barbote en danger, construire un pont sur ces vagues tumultueuses est mal aisé, vous allez donc devoir prendre droit sur le nord, vers la ville de Touatuakagué. La reine Touatulanîkée qui trône en ce royaume n’a pas la réputation de se laisser piétiner. Par l’anneau que je porte, il y aura certainement belle bataille lorsque vous la croiserez !

 

– Par notre sainte Kramouille, Abeltric, je n’ai jamais entendu parler de cette faraude dont tu me vantes les charmes vénéneux. Mais il n’y a aucune crainte, je flanquerai sans défaillir de ma main cette satanée vilaine sur la paille nue et sale de son propre cachot.

 

Lances tenues bien hautes, les chevaliers en selle heurtaient leurs armures et s’impatientaient. On laissa donc les petits hommes se gaver à nouveau de leurs fres fromages, pour reprendre la route et faire beaucoup de chemin avant que ne luise la lune. Jean Bon restait songeur, la terre du p’tit lieu et son marais de chiasse chronique dont nul ne retourne semblait donc habité. Il était cependant véridique que la Mouille profonde n’était guère franchissable, sans aucun gué ni passage empierré. Lui-même ne savait pas nager. Il faudrait donc pousser jusqu’aux marches de ce royaume et sa ville inconnue, comme un chien de jongleur qui s‘élance dans un cercle de feu. Ses pauvres filles livrées en garantie, pensa Jean, en belles figures de l’âme humaine, le tiendraient pour fou de tenter une telle aventure, même si c‘était pour les sauver. Mais Amanda était sa reine et n’était-ce pas justement vice de noble de cogner dur sur les écus, s’il fallait s’attendre à faire une guerre inattendue ? Jamais grande victoire ne se fait sans folie. Comme il était convenu, avant qu’on ne bivouaque en halte sur la prairie, un messager véloce s’en alla à grande tressuée prévenir la reine Amanda que la Mouillette était franchie. En vérité, Jean Bon de Always se demandait si cette rivière n’était pas la frontière de l’autre monde dans lequel vivent les trépassés. Dans le noir de sa tente, il délaça sa lourde maille assisté de ses valets, alors que passait par le trou de l’ouverture les derniers feux du jour et les tourbillons de fumée. Avant d’embrasser Gaultier sur les joues, il craignait plus que tout de trouver dans un pays perdu une mort lamentable. Il jura dans sa bouche entre ses dents gâtées, mais il savait ne pouvoir dérober au désir de sa reine bien-aimée et à son insolente domination, sous peine de voir à son retour son corps meurtri embroché sur le crochet d‘un mur.

 

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Message édité par talbazar le 05-06-2018 à 14:14:47
n°53524692
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-06-2018 à 11:51:22  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole. Extrait numéro 59.

 

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Le Generalmajor donne une dernière réponse à la tour élancée du Sky Watch en arrivant devant l’astre gris dépourvu d‘atmosphère, pour signaler son approche iminente. Manoeuvrant près du sol lunaire, le Shaleclair Thunder Flash en provenance de Mars frôle ensuite le Cap Laplace culminant à plus de 2500 m, puis se place sur la plateforme du bunker de la cour de justice galactique, massive construction enfouie profondément dans le sol cendré du Golfe des Iris. A bord du vaisseau et sous une surveillance policière renforcée, se tiennent le président déchu Nikos Sirkisi, les armateurs administrants Jack Giriaque, Steve Magouine, Silbie Vortan, le cénazteur de Sabaea, Claoudio Françaoui et la cénaztrice de Noachis Terra, Maria Couloss, ainsi que l’Oberleutnant Franck Sonotrou. Le grand vaisseau cesse tout mouvement pour se fondre dans l’inertie du monde pétrifié et froid, en attendant le transfert de ses illustres passagers vers une cellule aménagée. Ils attendront là que soient examinées et définitivement validées par le tribunal interplanétaire les sanctions portées contre eux sur avis du cénaz martien. Presque insignifiante dans le ballet des mondes, la Lune possède peu de dômes en surface, mais un extraordinaire et dense réseau souterrain dans lequel s’abrite un grand nombre d’administrations galactiques diverses, comme ce fameux tribunal devant lequel sera approuvé ou non le jugement martien des condamnés. L’ironie veut que le propre père de Jack Giriaque fut autrefois l’un de ces puissants magistrats sélénite, c’est donc avec une certaine nostalgie de l’enfance que le propriétaire du cargo Long ass-bitch retrouve le monde désolé qui l’a vu naître. Il sait pourtant que nul ne l’autorisera à revoir son domus natal de la Mer des Nuées. Bien que d’un âge à présent certain, lorsqu’il observe les cônes sombres et brisés des monts qu’il aperçoit en quittant l‘appareil, l’administrant engoncé dans son scaphandre a presque envie de verbaliser devant les autres les émotions surgies de son adolescence qui sont alors en train de l’envahir. Sa splendide carrière martienne l’a depuis longtemps éloigné de cette Lune aux réminiscences maternelles, mais en dépit des circonstances, c’est avec un intense plaisir de satisfaction qu’il retrouve l’environnement aux paysages austères. Il rumine pourtant tout autant que ses compagnons d’infortune l’âpreté de son sort décrété par le général Digoule. Alors qu’il pénètre sous escorte dans le fantastique dédale bétonné violemment éclairé, il affecte tout de même dans sa démarche raide de conserver le glacis austère auquel sa position sociale l’oblige. A ses côtés, Steve Magouine laisse échapper une colère moins nuancée.

 

– On s’est fait proprement laminer devant le gratin de l’ovalie, être ruiné n’est peut-êre pas ce qui me déprime le plus, au final.

 

– Digoule se surexpose, il en paiera le prix. Mais il est vrai que ces salopards du cénaz sont coupables de lui avoir donné leur consentement éclairé. Mars est foutue, l’armée se prépare à mettre une belle pagaille avec sa guerre totale.

 

– En attendant, intervient Claoudio Françaoui en essayant de démontrer un optimisme farouche, continuons à vivre, il le faut bien.

 

– Vous êtes un cénazteur, pas un administrant, on voit bien que ce ne sont pas vos investissements qui sont directement menacés.

 

Nikos Sirkisi les écoute parler, mais il garde de son côté un silence obstiné, avec le visage d‘un homme uniquement concentré sur le dépouillement de quelques données de son implant. Sous la menace d’anges gardiens armés très protecteurs, ils sont ensuite tous placés dans le confinement d’une vaste cellule confortable, en vue de leur cohabitation forcée. Le mobilier à effet de sustentation se montre même d’une utilisation très agréable. En réalité, la vie majoritairement souterraine n’a rien de désagréable pour les habitants habituels de la Lune. Les sélénites ont même la réputation de jouir d’une vie particulièrement longue. Au lendemain du confinement des martiens, le French Kiss, une grosse navette commerciale appartenant à Vaness Parada se pose sur un astroport de la Mer des Pluies, avant d‘être autorisée à rejoindre à son tour le Golfe des Iris. L’armatrice est présente en personne à l’intérieur, mais elle ne s’accompagne pas d’un équipage ordinaire, puisqu’il est remplacé par un troupeau de contrebandiers appartenant au syndicat des pirates galactiques. Vaness n’amène pas des fleurs aux prisonniers, elle est là pour les faire évader. Sans attendre la tenue des débats amenant au réquisitoire, ses hommes à la sulfureuse réputation prennent pacifiquement le contrôle des accès menant au tribunal, libérés par d’habiles et juteuses corruptions décidées secrètement en amont. Le secteur proche de la cellule tenu dans l’ignorance doit néanmoins être pris d’assaut à coup d’Atom Flash Zoomray et de Renwal Roto Blaster, puis nettoyé par un bref combat qui laisse les gardiens trop zélés sur le carreau. Avec en prime la mort collatérale d’un avocadoc malchanceux qui passait par là. Une action audacieuse et jamais entreprise auparavant. Les assaillants déjouent toutes les alarmes puis, par le fruit d’une marche rapide, les accusés stupéfaits sont extraits d’office de leur prison, pourvus autoritairement de scaphandres et conduits vers la surface, avant de s’engouffrer sans mot dire dans l’habitacle du French Kiss. L’évasion spectaculaire organisée de main de maître par Parada n’aura durée que très peu de temps et le véhicule civil à la coque violette s‘échappe aussitôt vers la Terre à la barbe des autorités lunaires, avant d‘être avalé en chemin par un énorme Sharsherman Flash Space Patrol terrien. Confronté à l’immense puissance de feu potentielle de ce vaisseau militaire auquel il doit faire face et privé d‘ordres clairs, le Generalmajor commandant le Shaleclair martien mis en alerte renonce finalement à toute poursuite. Pour les échappés de la Lune presque en état de choc et rendus muets par la stupeur, il ne fait pas de doute qu’une puissance occulte qui ne redoute pas d’envoyer son camouflet à la cour de justice galactique vient d’intervenir. Nul doute que lorsqu’il apprendrait la nouvelle, le général Digoule allait vomir ses mots en éructant sa colère. Laissant sur place les lascars armés et quittant à la fois la navette et le vaste port d’embarquement grouillant de soldats, les libérés suivent docilement Vaness en direction de la passerelle de commandement, où ils sont accueillis par le Sharshermankommodore principal du gigantesque vaisseau. Ce haut gradé se tient aux côtés de Joke Esgala, le président du Conseil Terrien Défédéré lui-même, affublé pour l‘heure d‘un sourire narquois. Cette libération providentielle semble donc moins opaque qu’elle n’y paraît. Vaness ne s’embarrasse pourtant d’aucun protocole lorsqu’elle s’approche du président du congrès terrien, soudain amadoué et désinvolte, puisqu’elle l’embrasse avec gourmandise sur la bouche avant d‘ajouter :

 

– Mission accomplie, mon chéri !

 

– Une virtuose provocation de ta part, ma douce, certes, mais qui ressemble bel et bien à une déclaration de guerre contre Mars, que tu le veuilles ou non. Digoulle ne le prendra pas pour une simple blague, sans ajouter que pas mal de débats ne vont pas tarder à tonner dans le cosmos.

 

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Bon dimanche à tous

 

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Message édité par talbazar le 26-09-2018 à 07:03:14
n°53545826
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 12-06-2018 à 11:36:17  profilanswer
 

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Salon des inventions.

 

Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : L'aimant d'amant.

 

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L’expression tomber enceinte va de soi, puisque le risque de se casser la gueule est une évidence, si l’on possède une connaissance appropriée et une bonne perception de la gravité ainsi que de ses navrantes manifestations. Porter pendant neuf mois un lourd bébé pesant à l’arrivée entre 2,5 kg et 3 kg, voir au-delà, va avoir pour effet de jouer sur les érecteurs du rachis, de distorde méchamment le carré des lombes et de bousculer fortement les vertèbres lombaires. Et encore nous ne parlons pas des jumeaux ou des triplés, qui sont à l’évidence des circonstances aggravantes. Pendant la grossesse, les muscles releveurs des épines dorsales malmenés vont violemment projeter la pauvre mère en permanence vers l’avant pour la déséquilibrer, en lui faisant courir le risque de chuter à tout moment, y compris dans les escaliers. Ingurgiter des médecines douces pour retrouver salutairement quelque aplomb lorsqu’on a doublé de volume n’y fera rien. Mais c’est ainsi, en raison d’un grave disfonctionnement du petit fessier provoqué par l’énorme poids de son fœtus en gestation, la maman enceinte risque de tomber. Tomber amoureux, ce qui arrive parfois plus souvent que de tomber amoureuse, est un état d’ordinaire nécessaire à l’étape que l’on vient de citer plus haut, d’avantage subtil et qui va en surprendre plus d’un. Bien avant le clitoris chez la femme, ou le genou chez l’homme, la tête et le cerveau sont les premiers sollicités à l’issu d’un rendez-vous du web bien conçu. Glisser dans un vagin sans avoir réservé auparavant une table dans un bon restaurant est l’œuvre d’un amant qui ne connaît absolument rien à l’anatomie des sentiments. L’appétit sexuel passe en général chez l’humain par l’appétit tout court, même si l’on doit parfois envisager une proche opération des tympans pour payer ensuite l’addition.

 

Bien, imaginons que nos amants aient décidés de partager la note équitablement, le repas aux chandelles peut dès lors s’envisager avec sérénité. La soirée s’arrose copieusement, on se fait du pied et vous réveillez quelques souvenirs d’enfance pour passer le temps, tel ce fameux bizutage sexuel de vos 15 ans en colonie de vacances. Peu à peu, l’atmosphère de la salle s’enfièvre à l’heure des spaghettis. Lui va faire un discours savant sur la vie privée de Josef Von Sternberg et elle va soigneusement éviter de faire la moindre allusion sur les questions de maternité et son retard de cycle qui la préoccupe actuellement. On livre joyeusement en commun ses propres fragments de vie et de rêves brisés, on s’aime déjà, mais beaux discours et bavardages ne sauraient venir contrarier le rituel sans âge du fameux tête à tête amoureux, puisqu‘il est inévitable. Le front admirable de l’hôtesse de l’air fatiguée va impérativement venir rencontrer celui du journaliste hétérosexuel, pour se coller fortement  à lui plus étroitement qu’une étiquette sur une bouteille de vin. Nous sommes au stade de la banane flambée et les amants qui échangent toujours des banalités viennent de s’avouer qu’en fait, ils n’ont pas vraiment envie de se marier. Ils vont rester ainsi, caboches unies et imbriquées jusqu‘à la fermeture du restaurant, leur tête adhérent fortement à celle de l’autre sans pouvoir s’en détacher une seule seconde, un contact fusionnel qui n’en demande pas moins un effort intense et surhumain. Voilà ce qu’implique dans sa réalité pénible la locution tomber amoureux. Mais le pro-fesseur Talbazar aime les gens qui s’aiment et il a décidé de les soulager lorsqu‘ils vont pencher leurs têtes en avant, grâce à l’implantation sous-cutanée d’un formidable aimant d’amant destiné à gommer les effets secondaires du dangereux tête à tête romantique.

 

Rester pendant des heures le front scotché à son futur partenaire de lit entraine en effet un résultat catastrophique pour le muscle sterno-cléido-mastoïdien et le muscle scalène moyen. L’atteinte au muscle trapèze est si grande que le relâchement des mandibules va parfois vous obliger à dire des choses que vous regretterez plus tard. Titillé par une horrible souffrance, vous courez le risque de vous détacher brutalement, en rompant le charme de l’instant. Le pro-fesseur Talbazar n’invente rien qu’il ne saurait utiliser lui-même, vous pouvez donc lui faire une entière confiance. Pour seulement 110 euros, l’aimant d’amant sera votre nouveau passeport vers le pays du sourire, votre assurance pour un blocage heureux, en éliminant ceux du cou et les insoutenables torticolis. Avant chaque rendez-vous amoureux, il suffira de s’appliquer sur le front la ventouse spéciale pour implanter instantanément sous le derme notre fameux patch aimanté ferromagnétique, quasiment invisible lorsque vous serez nez à nez en face de l’être aimé. De supra lover, vous voilà désormais subitement transformé en supraconducteur. La rencontre frontale des deux aimants entraîne une adhésion rémanente au sein d’un salutaire champ coercitif réciproque, lequel vous épargne le moindre effort, en vous permettant de coller étroitement à l’autre bobine pendant des heures et des heures, sans la moindre douleur. Equipé de notre invention, véritable et  judicieuse prothèse pour amants, vous allez pouvoir continuer à discourir sereinement sur les aspects divergents des dieux frères Hypnos et Thanatos, tout en savourant sereinement vos cafés les yeux dans les yeux. Avec ce spectaculaire aimant d’amants, laissez enfin agir en toute quiétude votre éblouissant magnétisme au sein d’une parfaite symétrie sentimentale, sans plus jamais passer pour ce flemmard fragile et douillet qui se retire trop tôt des instants magiques et des unions merveilleuses.
 

Et toujours les beaux ouvrages de la Moyenne Encyclopédie (pensez fête des pères !)

 

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Message édité par talbazar le 13-06-2018 à 09:42:43
n°53568519
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 14-06-2018 à 11:27:12  profilanswer
 

Salon des inventions.
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar.

 

Aujourd'hui : La machine à bisous.

 

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Loin de la remarque primaire du beauf qui signale à sa collègue de bureau penchée devant lui que « tout cul tendu mérite son dû », nous préférons affirmer plus élégamment que toute joue qui s’offre à nous mérite son bisou. Le problème est qu’en dehors des sympathiques salutations entre potes qui passent leur BAC, nos joues s’offrent rarement, à moins de travailler dans le funéraire. Là-dessus, les grands singes sont plus forts que nous, puisque nous savons qu’un bon quart de leur temps libre se passe en embrassades vigoureuses du bout des lèvres et de longues séances d’épouillage manuel soigné. Or, il se trouve qu’un individu carencé en bisou va développer à brève échéance toute une série de symptômes graves, qui vont de l’irritabilité excessive au tortillement des pieds, s’ajoutant à une difficulté persistante pour mettre en mot un grand nombre de douleurs persistantes. L’absence chronique de bécot entraine même fréquemment des cas d’automutilations pulsionnelles et surtout un total désinvestissement pour les achats réalisés sur le WEB. Les témoignages de nombreuses victimes du manque de bisou sont parfaitement éloquents et remplissent à l’excès tous les bons manuels de psychologie, notamment ceux écrits par l‘auteur de cet article. Les traitements à l’électricité réalisés dans les années 1900/2000 sur la base des travaux du docteur Pavlov ont déçus les experts, faute d’apporter des solutions concrètes pour guérir la folie latente qui guette la personne privée de la moindre bise. Convaincu depuis fort longtemps qu’il va sauver l’humanité, le pro-fesseur Talbazar a décidé de changer la cruelle donne qui torture un grand nombre de ses concitoyens, pour enchanter à nouveau la vie des gens démunis de baiser dans leur triste quotidien. Parce qu’être chouchouté est plus important qu’être vu. C’est ainsi qu’à l’issu d’un comité stratégique mis en place dans notre salon des inventions de la Moyenne Encyclopédie, est née cette formidable machine à bisous portative, peut-être la meilleure signature des ateliers de la Talbazar Production.

 

N’est-ce pas la vérité que les plantes sont plus gentilles que beaucoup des gens que vous connaissez ? Hélas, elles sont dépourvues de lèvres et ne sauraient vous câliner pour vous libérer de la souffrance tragique que vous vivez jour après jour en solitaire, éloigné de la moindre application charnelle sur vos joues et votre front mal rasés. Dieu ordonne à l’homme de se soumettre, mais il n’a pourtant jamais été dans son dessein de l’empêcher de dormir. Grâce à la somptueuse machine à bisous, aux applications vertigineuses et sensuelles de sa bouche en latex réglable en vingt positions, vous avez à présent en main le salutaire sauvetage de vos nuits blanches et de votre âme perdue. Monsieur l’abbé Julio et tous les professionnels de la recherche ont salués unanimement l’innovation représentée par cet appareil fabuleux, véritable guérisseur de stress aussi gourmand que décomplexé. Acteur de son propre projet, le pro-fesseur Talbazar s’est cependant modestement abstint de tout commentaire, pour raisons personnelles, lors de la présentation de sa machine aux médias. Après l’acceptation du dossier de l’utilisateur par le système électronique de reconnaissance de l’instrument donateur de bisous, la livraison de ceux-ci s’effectue à une cadence parfaitement réglable, allant de 50 à 1200 bisous par minute en moyenne, sur n’importe quelle zone corporelle offerte au bras de levier ultra rapide, lequel s’abaisse et coulisse d’une manière synchronisée lors de sa course verticale et horizontale judicieusement incrémentée. Le mécanisme va toujours vous aimer beaucoup et jamais pas du tout. Un plateau amovible accolé au châssis en tôle permet même un calage plus confortable et reposant du menton. Un conseil de pro préconise de s’efforcer à l’immobilisme pendant toute la durée du traitement, une agitation excessive peut en effet risquer d’amoindrir la précision du placage des bisous et une nette dévaluation de ses bénéfices. Les fibres spongieuses composant la bouche synthétique possèdent des qualités de douceur exceptionnelle et peuvent selon le désir de l’utilisateur lui offrirent un marquage des lèvres rémanent, selon une couleur waterproof préalablement programmée (du noir gothique au rouge corail). Les couches supérieures de l’épiderme sont donc gentiment impactées en multi-accueil par les lèvres artificielles, que votre peau soit indifféremment grasse ou mixte. Saluons le fait que le guide coordinateur du vérin de poussée évitera toujours soigneusement les yeux. Le tirage d’une fausse langue caoutchouc en option est même possible pour une utilisation plus hard de la machine. Il est toutefois nécessaire de préciser que cet appareil, s’il va faire un nombre incalculable de nouveaux heureux au sein des personnes handicapées par leur déficit en smack, restera quand même toujours fortement déconseillé aux bisouphobes. Notons pour finir qu’une version anglaise de la machine à bisous est actuellement à l’étude.

 

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Message édité par talbazar le 14-06-2018 à 19:20:45
n°53598897
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 17-06-2018 à 09:04:59  profilanswer
 

Désormais vos achats sécurisés des articles de la Moyenne Encyclopédie s'effectueront avec :

 

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Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La jet larguée. Extrait numéro 33.

 

 

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Au soleil bienvenu qui éclairait à présent les fougères géantes de la sylve tropicale, on avait digéré peu à peu le premier choc de l’improbable rencontre avec les indigènes. Lorsque les naufragés ouvrirent les yeux en sortant du sommeil, les nuages en basse altitude se dissolvaient au sein d’une brume matinale désagréable. Un épais brouillard noyait complètement le bivouac improvisé d’un nappage blanchâtre un peu angoissant, tout en contraignant les naufragés à supporter un climat trop humide. Seigneurs sauvages de leur île perdue, Bali et Balo s’étaient réveillés les premiers avant de ranimer le maigre feu. Appuyé contre un tronc d’arbre et casquette à l‘envers, le vieil homme soufflait à présent dans un tuba de plongée scié et recyclé en flûte à trois trous pour saluer le jour naissant, pendant que sa compagne démêlait lascivement ses longs cheveux blancs avec un peigne en plastique. La musique lancinante de l’instrument de fortune s’échappait dans l’air mouillé comme un chant d’oiseau ; alors que, dernier à se mettre debout, Roparz ronflait encore en produisant par le nez un bruit de tronçonneuse. De méchante humeur, il se leva pour finir en grattant son visage boursouflé, avec la tronche du type qui serait tombé d’un cinquième étage.

 

– Putains de moustiques ! Il commence vraiment à me gonfler avec sa flûte, lui. Sur ces paroles acerbes, le breton mal réveillé jetait un regard peu amène sur le vieux  Gouroungourou impassible, lequel s’enivrait toujours de son échange aussi sacré que musical avec l’univers.

 

Souriante, la reine de la forêt enfin coiffée leur distribua avec des gestes lents de gros fruits bruns de dioscoréas qui ressemblent à des patates, quelques fines gouttes de condensation ruisselaient sur les rides de sa peau bronzée où dansaient les breloques. La vue des espèces de pommes de terre étalées devant lui sur une feuille de bananier rasséréna un peu le gars de l’Armorique, mais il n‘avait pas faim, il avait plutôt soif. Environné de mouches bruyantes et pendu à un mètre du sol, le cadavre de la chèvre ou ce qu’il en restait attendait qu’on le grille en fin de matinée. Sans doute satisfait d’avoir réveillé tout le monde, Balo rangea sa flûte dans sa ceinture, son œil valide se plissait sur un air malicieux. Il sortit d’une petite boîte en bambou quelques feuilles séchées, tout en annonçant au groupe qu’elles allaient servir à célébrer l’animadanlbaba, que Steven décoda après un dialogue laborieux avec lui comme une sorte de rituel sacré, un voyage initiatique au royaume spirituel des Gouroungourous. Mériadeg et Roparz assurèrent qu’il pouvait se tringler et que jamais ils n’avaleraient le bouillon prévu, mais Roparz se calma toute de même lorsque la vieille lui assura que son visage dégonflerait par la même occasion. Bali et Balo restaient imperturbables sous les sarcasmes dont ils étaient l’objet et que visiblement ils paraissaient comprendre. Wanda eut un haut le cœur, lorsqu’elle se rendit compte que la mémé allait utiliser l’estomac de la chèvre pour en faire un chaudron, dans lequel elle versa de l‘eau et les feuilles tendues par son mari. Placée au-dessus des braises, l’étrange marmite révéla peu à peu des explosions de bulles qui crevaient la surface, indiquant que le breuvage était chaud. Steven et Karl avaient beau s’interroger sur l’identité gourmande de cette boisson verdâtre, ils se mirent toutefois d’accord sur le fait qu’elle n’était pas franchement une idée de cocktail. Du proche marais de palétuviers s’échappaient les cris des perroquets et le grognement énervé d’un cochon solitaire. Ewin et Jack-André observaient pensivement la plaie de Georges Pinson, une sale lésion offerte à l’air libre qui puait toujours autant. Les deux hommes décidèrent ensuite de tailler quelques branches pour en faire un travois, puisque le blessé se trouvait incapable de marcher. Bali s’approcha ensuite pour recouvrir à nouveau la blessure avec son baume cicatrisant, après avoir craché dessus symboliquement. Les idolâtres à la retraite surveillaient patiemment du coin de l’œil leur sombre tambouille, alors qu’assis sous un large dais de palmes, Ewin Talbaway prenait en ethnologue amateur de longues notes dans son carnet. La température des lieux grimpait rapidement et le brouillard s‘effaça enfin. Du coup, la haute montagne dégagea en majesté ses longues pentes boisées frôlées par d’élégantes escadrilles d’oiseaux blancs. Le calme dura encore un petit moment et puis Bali leur annonça que sa bibine magique était fin prête. Au milieu du campement hors du temps, le siècle du moteur d’avion s’oubliait carrément pour venir replonger les survivants à l’âge de pierre, sous le haut commandement des esprits invisibles tapis dans les draperies végétales de la forêt qui les englobait. Bali puisa un peu de sa flotte magique dans un quart militaire cabossé, avant de proposer à l’assemblée d’y tremper les lèvres. Balo avait mine de rien placé une fléchette probablement empoisonnée dans sa sarbacane, le vieux Quasimodo de la jungle montrait par là qu’il tenait en main de quoi guérir les réticences.

 

– Boire.

 

– Bof, fit Jack-André, si ça peut leur faire plaisir, après-tout, qu’est-ce qu’on risque ? On se remettra en route après, voilà-tout. Il fut le premier à siroter la boisson brûlante, avant de refiler le gobelet à Wanda avec un geste cérémonieux.

 

– Ben mon vieux, dit Steven en se séchant les lèvres, si ce con de guru de Pouillet nous voyait !

 

Lorsque tous eurent avalé leur dose, Bali et Balo n’avaient rien bu. Personne ne s’en rendit compte, puisqu’une puissante magie venait soudainement d’envahir les bois de Badigooince. Les malheureux rescapés du vol PJ 612 Paris-Kilapile se tapaient en réalité une solide défonce dans le cadre de l’ancestral animadanlbaba. Comme s’il s’agissait d’un puissant chant sacré, Georges Pinson laissa fuir son âme dilatée pour entonner à tue-tête son dernier tube « une barrette pour tes cheveux », sous les applaudissements fébriles de ses compatriotes complètement démolis. Tous étaient à présent possédés par l’anima qui résonnait puissamment en eux, ce souffle de vie primordial qui agite aussi bien le guépard que la sangsue et Wanda voulait se mettre toute nue. Elle y renonça faute de pouvoir synchroniser correctement ses mouvements et s’affala donc comme les autres en riant au milieu des fougères. Roparz et Mériadeg reconnurent que les effets de la potion étaient plus puissants que la pire des gnôles d’un grand-père du Finistère. Tout en invitant Wanda à se déshabiller quand-même, Ewin jouait tout seul à Koh-Lanta et voulait se mettre d’accord avec Jack-André pour éliminer Steward, lequel lui répondit que ça se paierait. Mais l’on ne tournait pas une émission de survie. Karl insistait avec enthousiasme pour faire l’amour à Steven, tous s’enfonçaient dans leur imaginaire puissamment fantasmé. Complètement investis par leur herboristerie mystérieuse, ils touchaient enfin du doigt la quintessence de l’invérifiable, ouvraient des yeux ronds sur les forces élémentaires de leur propre nature, en totale fusion avec les entités naturelles venues visiter leurs cerveaux enfiévrés, au sein d’une Unité absolue, par la grâce d’une extraordinaire magie fluidique. Aussi brûlante qu’une bouillotte et pour une fois sans complexe, Wanda succombait à une étrange sensation de chaleur locale, alors que Steven planait mieux qu’un Fouga-Magister de la patrouille de France. En dépit d’un physique à l’apparence martiale, Karl rencontrait sa femme intérieure et voyait s’ouvrir en grand son premier chakra du périnée, d’accord avec les autres pour affirmer que le grand Tout n’était que paix et beauté. Revitalisé par une sorte de thérapie psycho-vocale, Pinson hurlait à présent à la suite la totalité de son répertoire avec le ressenti d’un petit enfant et Mériadeg jurait qu’il se ferait biomagnétisateur en rentrant au pays, puis il entama également de concert avec son pote Roparz le fier « Bro gozh mazadoù ». Sous le coup d’une sorte d’étrange hypnose animale, Ewin s’imaginait briller comme un néon. Une grande partie de la journée, main dans la main le groupe cerna en totalité toute les dimensions de leur Être enfoui et jamais révélé, avant de succomber à de graves dysfonctionnements digestifs qui les firent s’égayer en grande hâte dans les buissons, pour se vider longuement les tripes sous l‘arbre de vie. Epuisés et enfin revenus à eux, les délires et les hallucinations fermèrent enfin boutique pour clore la porte des songes mystiques. Les explorateurs de sphères mentales inconnues constatèrent alors que Bali et Balo s’étaient éclipsés sans laisser de traces dans la jungle, avec toutes leurs affaires.

 

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Bon dimanche à tous.

 

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Message édité par talbazar le 12-07-2018 à 08:41:51
n°53786957
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-07-2018 à 10:13:26  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith. Extrait numéro 53.
 

 

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Dans le bar situé sur le boulevard Ala Moana, Gustavo Piccolini matait d’un sale œil celui de l’espadon naturalisé collé très haut sur le mur lambrissé. L’énorme bille ronde et bleue sans paupière de cette poiscaille défunte l’énervait passablement. Déjà qu’un poisson affublé sur le pif d’un long bec d’oiseau ça n’était pas une chose tout à fait normale, mais sans doute l‘œuvre incongrue et distraite d‘un bon dieu bourré. Fort heureusement, le Cold Toddy glacé descendait dans la bouche de Gus comme si cet excellent cocktail provenait directement d’un robinet du paradis. Un coin où les espadons inquisiteurs comme la saloperie poussiéreuse qui le fixait sans vergogne n’existaient certainement pas. Libérant d’un doigt un peu de sa cravate en soie, le tueur en commanda un autre à la charmante serveuse blonde et se détourna enfin de l’animal naturalisé, afin d’observer le boulevard où s‘était fait salement harponner ce tocard de Cheebe Surger par une moto. C’était Gustavo lui-même qui l’avait dégagé de l’hôpital à la barbe de Jesse Rosse. En revanche, le malfrat n’avait pu se montrer garant du rescapé de la tuerie Rupin, parce lorsqu’il avait finalement retrouvé le blessé, grâce au dernier coup de fil passé par ce type dans sa vie ; ce dernier gisait mort dans sa planque, son corps baignant au milieu d’une mare de sang. Le prix à payer peut-être quand on sort une arme de son étui. Prévenu aussitôt, Gros Bill n’avait rien dit, sûrement parce que le silence est le point commun de tous les défunts, amis ou ennemis.

 

Et de tous les bavards qui copinaient avec les flics, Sisco Matteï gagnait le grand prix. Cette foutue donneuse avait autrefois balancé Gus et Ness Kouic aux condés, ce qui avait valu au premier quinze ans de taule et au deuxième de mourir prématurément en prison d’une vilaine crise de vers, enfin c‘est ce que son codétenu racontait. Voilà pourquoi aujourd’hui et sous le soleil d’Honolulu, il y avait de la revanche dans l’air. Pour s’allonger, lorsque Gustavo pointerait son pétard sur cette merde d’indic à l‘existence pourrie, le patron de la Rose Noire allait enfin s’allonger pour toujours. La petite pin-up souriante au berlingot prometteur refit le plein de scotch glacé une nouvelle fois et puis, tout en s’affirmant pour lui-même que les filles on les aime ou on les dérouille, Gustavo quitta le bar d‘un bon pas, il avait du boulot. Une voiture de police passa dans la rue, Gus l’ignora, il n’obéissait qu’à une seule loi, celle de la jungle et il avait toujours entre les molaires quelques lambeaux de gazelle, mâle ou femelle. Sa petite bouche aux lèvres épaisses se plissa dans l’encadrement de son bouc, on ne le payait pas pour sourire et heureusement, parce qu’il aurait été tout bonnement sur la paille. Ses contrats pour priver des connards de leur état civil se soldaient toujours par des succès confirmés, au cours desquels il s’efforçait d’offrir au mieux à ses clients une image reluisante de leur cercueil. De la pure dynamique commerciale à coup de terreur au fond des yeux, parce qu‘il adorait donner la mort lentement. Une occupation très prenante, que Piccolini ne recommandait vraiment pas de pratiquer en famille. Il savait cependant que l’espèce qu’il allait pêcher était du genre coriace, parce que derrière son air con, Sisco Matteï brandissait un CV plutôt riche. Cette sale balance sans honneur n’avait pas financé son boxon de jeux en vendant des tulipes dans le métro. Gustavo grimpa dans son pick-up fatigué pour prendre la direction du Pacific Marina Inn, un hôtel modeste un peu vieillot bordant Wawai Loop. Le fauve barbu n’avait pas besoin de consulter le registre pour savoir que ses proies s’y trouvaient. Une fois garé, il avisa le long bar désert aux sièges en faux cuir, avec l’idée d’y faire une halte lorsqu’il aurait fumé ses clients. La sauvagerie n’a jamais empêché la récréation. Il n’y avait quasiment personne à l’horizon, cet hôtel au charme ancien était celui des courants d’air.

 

Dans une des chambres située dans les étages, Comtesse Monique était cependant seule. Elle venait de recevoir un coup de fil de son chéri qui lui recommandait de n’ouvrir à personne. Jess et lui quittaient en catastrophe la Samsara Foundation et Diamond Head pour venir la rejoindre, puisqu’il y avait peut-être du danger, du fait que le groupe semblait apparemment repéré. Dans son peignoir blanc, Momo crevait de chaud. Elle crevait de trouille aussi, il faut bien le dire. Sur la table de chevet où trônait déjà une lampe à l’abat-jour de traviole, la figurine du petit surfer en plastique attaquait sa vague comme un pro. Monique s’égara sur le minuscule torse bronzé, l’esprit agité et tellement sous tension qu’elle promena sa main vers sa propre intimité, histoire d’y trouver quelques sensations dérivatives. Seulement les caresses marchaient moyennement, elle abandonna son geste d’amour personnel avec un peu de regret. Pour punir son sportif, elle colla une pichenette dans la statue de résine de manière à ce que le surfer se mette à danser sur son ressort, de gauche à droite, comme un beau diable. Une glisse de l’extrême qui pouvait durer plus de cinq minutes. Aloha, Honolulu ! Derrière le rideau un peu tiré de la fenêtre située au-dessus du lit, Gustavo qui rôdait à l’extérieur observait attentivement l‘unique occupante de la chambre. Elle ne sut jamais comment il fit pour se jouer de la serrure et rentrer sans bruit. Il se montrait calme et résolu, pas même excité à l’idée de quitter les coulisses pour entrer en scène. Il referma la porte avec sa main gauche et dans la droite qui ne tremblait pas, il pointait un pistolet sur la Comtesse tétanisée. Tout en barrant sa bouche du doigt pour demander le silence, Gustavo s’approcha d’elle doucement pour lui taper sur l’épaule, avant de lui demander de s’asseoir bien sagement sur le lit. Elle obtempéra la gorge nouée et les tripes ravagées par une peur incommensurable. Elle savait que dans quelques secondes, un flot de larmes incontrôlable allait la dévaster. Piccolini classait les filles en putes, en saintes ou en mamans modèles, celle-ci lui donnait l’impression d’appartenir aux trois catégories. Une espèce de sorcière qu’il trouvait plutôt moche, la môme à Sisco Matteï n’avait pas le physique d’une star. Le genre de gonzesse qui disparaîtrait complètement noyée dans un bal de promo et que personne ne remarquerait. Surtout, elle le fixait à présent de ses yeux d’un bleu sale agrandis par la terreur, avec la même acuité dérangeante que cet enculé d’espadon moqueur. Le tueur brandissait toujours vers elle son Glock 17, avec son lot de promesses contenues dans le chargeur. Comtesse Monique savait qu’elle allait mourir, elle n’avait pas besoin de consulter le scénario. Elle dégagea bêtement l’ouverture de son peignoir, l’esprit complètement obnubilé vers la porte et son espoir vain, mais elle se trouvait incapable de faire le moindre mouvement de fuite. Comme prévu, elle laissa échapper de longues larmes, ce qui eut instantanément pour effet d‘allumer le cœur du réacteur nucléaire situé dans la caboche de Gustavo. Pour ordonner ce départ de chaos mental et mettre fin à cette navrante réaction en chaîne, il tendit son bras et le canon de son arme munie d’un silencieux vers l’œil gauche de Momo, totalement soumise. A part lui avoir demandé de s’asseoir et de se tenir tranquille, il n’avait rien dit ; mais tout à coup, dans une sorte de berceuse ironique qui ne se voulait même pas cruelle, il entonna dans un murmure un texte de Francis Lopez chanté par Georges Guétary en 1945 :

 

« On s'aime vite à Hawaii
Car tout le monde a le cœur chaud
L'amour est roi dans ce pays
Mais tout se passe comme il faut. »

 
 Blam ! La balle tirée à bout portant fit exploser l’œil gauche de la Comtesse dont le corps se rejeta violemment en arrière sur le lit. Morte sur le coup après deux soubresauts, mais c’était toujours trop rapide pour Gustavo. Il observa l’énorme trou sanguinolent qu’il venait de provoquer dans la face de cette grue, puis il pointa à nouveau son fumoir métallique vers l’œil intact, cette fois la ressemblance avec celui de la poiscaille du bar était flagrante. Trop c’est trop, ça le rendit loufdingue, il appuya sur la détente pour effacer cette pupille de merde, les oreillers et le peignoir pleins de sang ressemblaient à présent à un tablier de boucher débordé. Jamais, au grand jamais, il n’avait été la risée de ses confrères.

 

« Et je voudrais un jour
Revenir pour toujours
Avec toi mon amour
À Honolulu. »

 

Avisant une chaise en bois clair, Gustavo Piccolini se cala dessus en tournant le dos à la gueule qu’il venait de fracasser, pour attendre tranquillement les suivants. Auparavant, il cogna du doigt sur le surfer en short qu‘il plaça sur la table ; petit symbole en résine des rois de la glisse dont on sait que ce sont des athlètes qui gardent la banane en toute circonstance, jusqu’au jour ou un requin en vadrouille décide de venir leur croquer les deux jambes.

 

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Message édité par talbazar le 05-07-2018 à 08:00:23
n°53846374
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-07-2018 à 11:53:16  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Roland Temant.
 

 
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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Gustav Réman-Laircon.
 

 
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n°53899720
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-07-2018 à 14:36:47  profilanswer
 

Je trouve qu'une lecture un peu rapide du titre de ce livre lui donne une allure bizarre.

 

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Revue de presse.

 

Aujourd'hui : Le musée de l'ivresse.

 

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Message édité par talbazar le 16-07-2018 à 10:36:41
n°53933543
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-07-2018 à 01:14:00  profilanswer
 

Cours universel de zoophilie appliquée.
 
Aujourd'hui : De la bonne manière de niquer un pingouin.

 

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Le pingouin, dont le nom est issu du gallois pen gwyn, est un oiseau coquin de la famille des Alcidés qui servait principalement au paiement en espèces d’oiseaux pour les esquimaux de la banquise, avant l’apparition de la monnaie. Comme ils faisaient ensuite partie de la famille ils n’étaient jamais niqués par les Inuits, à la différence des manchots de la famille, ceci en raison d’une confusion courante. On sait d’après l’abbé Julio, qui les a étudié de près, que les sorciers de l’Arctique revêtaient toujours une peau de pingouin les jours de mariage entre cousins, où une tenue correcte était toujours exigée. L’alliance ancestrale entre l’homme et ces bêtes est donc très ancienne. Le fait que ces animaux ne volent pas facilitera grandement notre sympathique projet ; puisqu’on connaît a contrario les précautions essentielles qu’il faut prendre avec l’aigle royal*, un oiseau ayant déjà fait l’objet d’un précédent article sur les délicatesses offertes par un bestiaire de choix. En revanche, un pingouin peut se mettre à courir s’il suppose qu’il va être niqué et dans ce cas il peut même descendre vers le sud jusqu’en Angleterre, selon Wikipédia. Tout comme les croupiers de casinos, dont la livrée et la forme du croupion sont d’ailleurs sensiblement les mêmes que celles de nos bestioles, il existe de grands et de petits pingouins. On choisira donc son pingouin en l’évaluant à notre propre taille, sans se préoccuper de celle de notre pénis, qui devrait convenir dans tous les cas de figure, puisqu‘avec les pingouins, on ne tombe jamais sur un bec.

 

Quand bien même nous serions inscrits à Pôle Emploi ou que l‘on aurait perdu le nord, les pingouins ne se niquent jamais à température modérée mais toujours par un froid extrême, c’est dans leur nature. Pour plus de confort lors de l’opération, il faudra donc s’entraîner plusieurs jours à l’avance en plongeant nu chaque matin une vingtaine de minutes dans une baignoire remplie de glaçons, au sein d’une eau du robinet avoisinant - 70 °. Cet exercice sportif aussi nécessaire que salutaire décourage hélas un grand nombre de volontaires et nous le déplorons. Une envie pressante se traitera éventuellement par un enfermement dans un congélateur pendant une heure ou deux, mais il est impératif de ne pas se lancer dans notre opération aviaire pleine de promesses sans préparation, sous peine de succomber au choc thermique. Pour les plus chanceux, la banquise véritable offre évidemment un environnement privilégié, où l’on peut prendre son plaisir au bord de la mer sans craindre d’être distrait par le paysage. Passé le défi climat, niquer un pingouin est un challenge délirant et un casse-bête riche en excitations remplies d’enseignements et une réelle victoire qui nous est offerte sur la faune libre. Un plaisir combiné à la marche aquatique qui se pratique sans être spécialiste et toujours dans la bonne humeur, si vous suivez bien nos conseils. Il n’est pas ici question de compétition, mais d’éprouver au mieux une sensation de glisse qui arrive en général très rapidement. Pour profiter au mieux de vos cavalcades nordiques, il est nécessaire de jouer au début l’acrobate voltigeur, proche de la performance artistique, puisqu’il vous faudra fomenter, pour approcher votre pingouin, un véritable complot destiné à le leurrer, en vous faisant passer à l’identique pour l’un de ses camarades. Faute de quoi, il vous laissera la bite à l’air sous la neige avant de s’enfoncer à jamais dans les grandes profondeurs.

 

Nous nous équiperons donc principalement des éléments suivants :

 

Nous-mêmes, vêtu d’un smoking de coupe slim, d’une chemise blanche et de mocassins vernis

 

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Un pingouin

 

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Vêtu de votre smoking impeccablement repassé, vous voilà fin prêt et chaud bouillant, ce qui est à la fois un paradoxe et une contre-indication, ce n‘est malgré-tout pas si grave. A l’écart du groupe, vous viserez un individu trop âgé pour courir vite. L’oiseau marin blanc et noir ainsi repéré ne se doute pour l’instant de rien, mais attention, lui ne sera sans doute jamais prêt à passer à l‘acte, en dépit de tous vos efforts. Lorsque vous êtes près de lui, vous lancerez enfin à pleine voix un signal sonore pour attirer son attention, en imitant le cri de la pingouine qui joue la visiteuse de passage. Leurré comme il faut par notre smoking, dans lequel il ne discerne qu‘un confrère en mission de surveillance, la cible insouciante dandine et jabote, mais dès que le pingouin va tourner la tête, vous allez rapidement lui marcher sur sa courte queue avec vos mocassins en libérant la vôtre ; ne traînez surtout pas, rappelez-vous qu’il fait très froid et qu‘une tempête de neige est toujours possible. A ce stade, nous en avons fini avec les travaux préparatoires et les stages piscine ; la traque est terminée, il n’est alors plus question de se mettre à l’écoute des besoins de l’animal, mais du vôtre, dans la multiplicité de ses facettes. Si vous arrivez finalement à le séduire au bout de vos efforts et instruit par un acharnement sympathique, votre pingouin aura certainement de son côté une idée plus précise des conséquences d’un brutal réchauffement climatique, au cours d‘une action qui n‘est pas sans rappeler une lancinante danse bretonne. Rappelez-vous cependant que niquer un pingouin est une activité ludique et sportive qui demande d’être très motivé et physiquement bien préparé, sans parler de bien connaître à l’avance l‘heure de remontée de la marée. Un noble animal, le pingouin, en tous cas plus gratifiant à niquer qu’un vulgaire chien de traîneau, lequel risque continuellement de vous confondre avec son attelage, au prix de douleurs plutôt intenses.  

 

* (La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar / Cours universel de zoophilie appliquée - De la bonne manière de niquer un aigle royal. VOL 2)

 


Message édité par talbazar le 18-07-2018 à 21:08:09
n°53936574
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-07-2018 à 12:37:27  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Eusèbe Paletan.

 

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Revue de presse.

 

Aujourd'hui : Le king dans la ville.

 

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Message édité par talbazar le 19-07-2018 à 05:39:04
n°53954905
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 20-07-2018 à 08:39:02  profilanswer
 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Alban et Aimé Dis.

 
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n°53972413
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 22-07-2018 à 09:51:32  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Philémon Dantachambre.

 

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Bon dimanche, Monsieur le Président.

 

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Message édité par talbazar le 22-07-2018 à 14:08:18
n°54026827
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-07-2018 à 10:12:28  profilanswer
 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Amaranthe Viagère.

 

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Message édité par talbazar le 27-07-2018 à 10:20:56
n°54040136
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 29-07-2018 à 10:00:11  profilanswer
 

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Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Huguette Apan.

 

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Revue de presse.

 

Aujourd'hui : Le service éolien.

 

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Message édité par talbazar le 29-07-2018 à 13:57:17
n°54078343
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 02-08-2018 à 16:15:57  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou. Extrait numéro 42.

 

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Peu importe que l’on meurt à 7 ou à 100 ans, nous sommes tous des photos potentielles épinglées un jour contre un mur, des hommes et des femmes que les souvenirs fusillent en rang serré à chacun des regards posés sur eux. Sur son bureau d’homme mûr, Gaston Boudiou aura toujours pris soin de faire trôner en bonne place celle de Marité Hissedrue, la jeune épicière insouciante et joyeuse de Troulbled. Le beau visage encadré de cette aventureuse qui symbolisa si bien ses jeunes années, puisqu’elle déroula comme on le sait sous ses pieds un tapis merveilleux. La rose était peut-être le parfum de cette beauté libre, mais hélas, l’épine acérée fut sa mortelle essence. L’expérience Jimi Hendrix tourne en boucle à fond dans la chambre de Gaston décorée de ses fresques psychédéliques et dehors, les rues de Paris vont cogner et se déconstruire, pour faire naître aux carrefours des monticules de pavés ou des voitures renversées, des 404 familiales, de belles DS, de modestes 2CV, d‘utiles 1000kg. Une grande partie de la classe ouvrière appelle déjà à la grève générale. La révolution populaire s’exprime avec une force encore inégalée, un raz de marée que la police a de plus en plus de mal à contenir, même si elle matraque avec force les agités, au sein d‘un chaos grandissant. CRS, SS ! Le soir du 10 mai et accompagné d‘Emile, Gaston se fraye un chemin dans la foule des êtres de chair et de sang en train de malmener ce Paris brûlé par une passion céleste. Ils courent au milieu des clameurs d’une tempête colérique qui arrose furieusement la belle ville de pierre d’une nuée de Cocktails Molotov. Partout autour d’eux, la police au cœur d’acier répond avec son mépris brutal et ses coups de matraque aux mouvements d’une jeunesse indignée. Noyée comme tout le monde dans sa propre fumée, la garde mobile charge sans faiblir au milieu du chaos qu‘elle cherche à contenir, pour obéir aux ordres d’une volonté qui réclame un nettoyage vigoureux de chaque barricade. Des silhouettes évanescentes aux poings levés défendent jusqu’au bout ces hallucinants remparts de bric et de broc éphémères. Portée par les cris avides que filtrent des mouchoirs rouges enserrant chaque bouche et qui appellent sans équivoque à agir pour la révolution universelle, résonne en fait toute la rumeur du monde amplifiée par une année fortement tumultueuse. Dans la nuit, sous le sévère coup des triques de l’ordre public manipulées comme des épées de bronze, le sang des blessures commence à couler. Deux obsessions de pureté sociale, sans doute très différentes, sont en train de se mettre violemment sur la gueule. Les pavés volent, les opposants de ces sales flics font masse, se soudent entre hommes et femmes et coagulent en se serrant les coudes. L’obscurité tombe sur cette crise majeure, entrée à présent en scène de façon dantesque. Pour Gaston, les rues en feu ne sont pas sans rappeler Austerlitz au grognard Nicolas Hyacinthe Roubignolle qui sommeille toujours en lui. Que l’on se rassure, il n’y aura eut cette nuit-là aucun coup de canon tiré sur les bataillons du PC et de la SFIO, la police n’étant pas l’armée, quoi qu’on en dise. Le Préfet de Police Maurice Grimaud donne d’ailleurs des ordres précis pour justement éviter le pire.

 

L’errance étonnante et difficile du père et du fils sur ces trottoirs complètement chamboulés est en fait motivée par un coup de fil angoissé donné plus tôt par Brigitte Parade. Cette brave cousine parisienne moins âgée de Marité l’avait hébergée en premier lors de sa venue dans la capitale. Elle avait sorti un laïus alarmant sur fond de larmes et de sanglots désespérés, parce qu’elle venait de trouver Marité à moitié inconsciente dans une mare de vomi et qu’elle ne savait pas comment agir. Elle savait qu’Emile était médecin, mais elle ne voulait pas bien sûr appeler les secours officiels. Gaston avait donc persuadé non sans mal son daron de venir en aide à Marité, en dépit du bordel ambiant régnant dans les rues. Voilà pourquoi ils courent donc à présent dans la nuit au sein de tout ce bouillonnement provoqué par un peuple forcené, puisque transformé tout à coup en armée vengeresse. Soumises aux déflagrations des fusillades de lacrymogènes, les deux ombres noires se dissolvent tant bien que mal dans l’obscurité urbaine, rasant les murs, courbant l’échine comme deux poilus offerts au pilonnage ennemi, il faut parfois faire demi-tour, ils grimpent même quelques barrages ou contournent les voitures incendiées. Gaston est pris d’un vertige dangereux, mais il se concentre sur l’objet de sa mission, tout en songeant néanmoins au livre qu’il écrira plus tard sur les événements, avec pourquoi pas dans le titre une allusion marrante sur le 69 et 68. Hélas, lorsque avec mille peines ils parviennent enfin dans la petite chambre que leur ouvre une Brigitte décomposée, Emile ne peut que constater le décès navrant de Marité, morte d‘une overdose d’héroïne, sans aucune ambiguïté. Après avoir observé la défaite des organes humains saturés de poison et la minuscule trace sur l’avant-bras de la piqûre fatale, Émile a regardé son monde en prenant un air consterné ; puis il a juste dit :

 

– Elle a poussé trop fort sa seringue, enfin, façon de parler.

 

La petite poupée meurtrie de Troulbled n’est plus qu’un maigre cadavre aux yeux fermés, un pauvre corps inerte couché comme la belle au bois dormant sur son lit en désordre. Toute l’antithèse d’une publicité pharmaceutique. Non, elle n’irait jamais mieux, elle allait même bientôt rapidement pourrir au paradis des drogués. Que leurs dieux magnanimes puissent l’entendre à nouveau pour lui refiler sa dose, en posant dans sa main le diamant qui lui collera pour toujours dans la tronche l’étincelle attendue. Quoi qu’il en soit, pour l’instant et dans la pénombre de cette chambre miteuse, l’horizon de ceux qui s’y tiennent ne miroite pas vraiment. Marité aux blonds cheveux qui respirait tant autrefois la fraîcheur de vivre gît dans son dégueuli, pourtant son beau sourire radieux cogne avec insistance aux coins de la mémoire de Gaston. L’ancienne épicière est là, devant lui, si blanche de peau que la toucher aurait peut-être été comme la salir. Mais il y a tout de même bien longtemps que ses joues n’étaient plus fardées. Même si le gros des bagarres nocturnes se situe près du Panthéon et du Boulevard Saint-Michel, dans la rue de l’Odéon où s‘amasse une foule énervée, les bruits de la révolution en marche organise sans le savoir pour Marité Hissedrue un requiem tapageur. Deux étages plus bas, un carreau d’une fenêtre se brise avec fracas, une bombe lacrymogène l‘a traversé pour atterrir dans une salle de bain, heureusement inoccupée à cette heure de la nuit. Il est dorénavant hors de question de sortir dans la rue.

 

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Message édité par talbazar le 02-08-2018 à 17:06:40
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talbazar
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Posté le 06-08-2018 à 15:11:14  profilanswer
 

Salon des inventions
 
Fiches mémo des grands inventeurs.
 
Aujourd'hui : Alexis Zion.

 

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Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : On est le 6 août.

 

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Message édité par talbazar le 06-08-2018 à 15:15:18
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