|
Auteur | Sujet : La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar. |
---|
talbazar morte la bête, mort le venin | Reprise du message précédent : https://zupimages.net/up/18/03/quao.jpg Alors que l’avion brisé ne trahissait plus sa présence que par un mince bulbe blanc émergeant du marigot au milieu des irisations de kérosène, il plongeait avec lui dans la boue mouvante les enregistrements de ses deux boîtes noires. Ces dernières portaient la preuve que les pilotes avaient suivis l’intégralité d’un match de foot au cours du vol, que l’hôtesse Kim Kosanshian au chignon impeccable avait pris les commandes pendant 30 minutes exactement, qu’une autre leur avait lu des poèmes chinois pendant un quart d’heure, que la qualité des équipages n’était pas en cause, mais que bon, le moteur numéro 2 était en feu avec un réacteur complètement hors service et qu’on allait se poser, enfin sans doute s’écraser, dans une zone inhabitée autant qu’inabritée, puisque bâtie de vieilles ruines. Le commandant de bord Steven Eight indiquait donc un soudain changement de cap, pour effectuer un atterrissage en catastrophe sur une île minuscule balayée par les vents. On l’entendait franchement rire de la tête ahurie du copilote Jack-André Tyler transformé pour le coup en planeur. Les réservoirs étaient plus secs que les plateaux-repas de la Petro Jelly et on appliquait les procédures d’urgence pour que les passagers puissent intégrer le pire sereinement. Ce qui n’irait pas sans provoquer des angoisses et susciter des interrogations, mais qu’une fois l‘avion immobilisé et partiellement détruit, ceux qui survivraient sauraient certainement s’adapter pour le mieux au changement d’horaire. Jack André se voulait toutefois confiant, il communiqua même à son collègue que sous ces latitudes, si par hasard des pompiers les attendaient quand même, leur eau ne risquait pas de geler dans les lances à incendie. Dommage, lui répondit Steve, puisque pour se protéger du froid, les survivantes se seraient serrées contre nous. En syndicaliste modérément militant, ouvertement nostalgique des rototos et des basculos d’autrefois, traîtreusement remplacés aujourd’hui par les commandes électroniques et les écrans qui offrent tous le loisir aux pilotes de se gratter les couilles ou le minou, mais les submergent d’un trop plein d’infos, Steve plaisantait sur le fait qu’à la Petro Jelly, la maintenance des appareils coûtait nettement moins cher que le prix du billet. Jack le sous-traita d’ingrat, vu que leurs salaires continuaient en général de faire sourire les banquiers. Enfin bon, les box dévoilaient minute après minute qu’on faisait son boulot et qu’on transmettait les informations, Steven ajoutant au passage que le score du match de foot constituait un bilan révoltant. En retour, le guidage au sol prouvait qu’il savait parfaitement réagir au type d’anomalie rencontrée, puisqu’il souhaitait plein de courage aux pilotes. Ensuite, on entendait quelques crouic … crouic… et puis plus rien. Les centrales de calcul des positions de l’avion le donnaient en dernier lieu pour quelque part au-dessus de la mer. 120 ordinateurs pour confirmer qu’en dessous, il n’y avait que de l’eau tiède à perte de vue et qu‘il fallait faire avec. Après avoir construit sur la plage son temple de bambou avec l’aide de quelques fidèles, Eloi de Pouillet haranguait ses ouailles pour faire la chasse aux singes et les éliminer, vu que ces animaux scandaleusement pourvus de jambes, de bras et de mains n’étaient qu’une violation de sa loi divine, une offense évidente à la dignité humaine ; puisque ces sales bestioles témoignaient, en plus, d‘un certain degré de réflexion en s‘équipant d‘outils. Ils avaient même peinardement pris possession d’une rangée de sièges perdue dans la jungle, sur lesquelles ils prenaient du bon temps, poussant le vice jusqu‘à se mettre des casques glanés ici et là sur leurs oreilles décollées. Puisque Dieu avait créé par inadvertance ces créatures odieuses, il fallait réparer son erreur. C’est au cours d’une de ces battues aux simiens que son groupe tomba dans les buissons sur une sorte de totem sculpté dans un morceau de tronc, figurant un visage grossier dont les cheveux étaient réalisés par une couronne de vieilles brosses à dent. Ce portrait démoniaque n’était quand même pas l’œuvre des singes, c’est en tout cas ce qu’affirma Eloi à ses sectateurs apeurés, pour leur redonner confiance en lui. Il avait en effet le lourd fardeau de se charger d‘âmes. Le problème essentiel posé par ce diable exotique provenait surtout du fait que, si les brosses à dent étaient usées et relativement anciennes, la peinture qui recouvrait cette chose semblait sinon fraîche, du moins assez récente. Il garda cependant ses réflexions pour lui et céda même au désir insistant des autres qui voulaient ramener le fétiche au campement, en dépit de sa mise en garde sur le fait de pactiser avec le démon en accordant trop d’importance à leur découverte. On rajouta tout de même le totem aux trente singes tués à l’aide d’arcs et d’arbalètes improvisées. Lorsqu’il revinrent aux abris, le commandant Steven était absent, puisqu’il s’était éloigné dans les rochers pour taquiner le poisson. Un pilote de ligne peut très bien se reconvertir en pêcheur à la ligne, ce n’est après-tout qu’une question de matériel. Appelé à faire usage de sa science, Pierre Simon Langevin identifia immédiatement la trouvaille comme étant l’œuvre des Gouroungourous, la tribu autochtone de cette île que l‘on donnait pour complètement disparue. Il colla un brin de pétoche à certains en rejoignant Pouillet sur le fait que la sculpture n’était pas très vieille, mais cette affirmation redonna de l’espoir à d’autres, puisqu’elle suggérait que l’île puisse être habitée, quand bien même les locataires du coin auraient des plumes dans le cul et des os dans le nez. Loin de toute cette agitation, Steve surveillait son bouchon derrière ses lunettes noires à côté de Jack, lui-même en train d’essayer de percer quelque poisson nageant dans l’eau transparente, avec un harpon maison. Le suicidaire Louis de Bourvil flottait un peu plus loin dans sa brassière, maintenu ferment par le général Karl Ashnigof, dans l‘eau jusqu‘aux reins. On était aussi peinard qu’un jour de vote et Steve profitait du paysage enchanté, la mer le fascinait depuis toujours et pour l‘heure, il attendait qu‘elle fût nourricière pour la communauté. – Tu sais Tintin, en général, la moitié des crash accuse des fautes de pilotage. – Faux, les trois quart des accidents résultent d’erreurs humaines, ça inclut les passagers. – Le résultat est le même, en tout cas, mais autant vivre cette aventure à fond pour le moment. On finira bien par nous retrouver. L’AIS a dû transmettre notre nouveau plan de vol à tous les organes de sécurité. Les secours savent où on est. – Je te signale qu’on a plongé dans un espace non contrôlé, hors des zones d’activité. C’est pas demain la veille qu’ils vont se pointer ici, même en surfant comme des dingues sur le jetstream ! – On transportait quoi pour l’émir du Boukistan, d’après-toi ? on a rien retrouvé, ou le truc a cramé. – Je n’en sais rien, on ne m’a pas donné l’info avant le départ. Dominique Quenique vint les prévenir de la découverte insolite faite dans la forêt, ils retournèrent avec lui au campement. Tous les trois suaient à grosses gouttes en marchant sur le sable brûlant et Jack enleva sa chemise. On avait survécu à l’accident, mais on allait peut-être crever de chaud ! Loraine Careaway fut la première sur laquelle ils tombèrent en arrivant aux cabanes. Elle discutait avec Jenifer Hardy au longs cheveux rendus collants par l’air poisseux, qui lui demandait ce qui était prévu pour le repas. – Du singe. – Encore ! Putain j’en ai marre. Ces bestiaux là me font des hanches. C’était chez le mannequin une sorte de règle, elle ne disait du bien que de ceux qu’elle aimait. Pourtant, la viande de singe n’était pas plus mauvaise que les bigorneaux ramassés à foison par tous les ramasseurs-cueilleurs improvisés. – Oui, effectivement, il y a quelque chose qui cloche avec ce bidule, il n’a pas l’air d’être très vieux. – En tout cas, fit le multi-millionnaire Michel Tatol, si ces Gouroungourous ont le temps de s’amuser à faire des trucs pareils, c’est qu’une classe moyenne avide de loisirs a du émerger récemment dans la tribu. C’est moche et inutile, ceci étant dit. – Ben, la pensée symbolique de l’art était aussi contemporaine de l’industrie chatelperronienne, pourtant ces gars là ne chômaient pas vraiment pour trouver à bouffer. Langevin voulait lui répondre juste pour le contredire, parce qu’il n’aimait pas vraiment le riche héritier. La science aime le pognon, mais pas toujours, surtout si les enveloppes officielles des subventions vont dans les autres services, ou dans les autres poches. – Contrairement à moi, le toisa Tatol, vous les savants vous n’êtes que les rouages du système, mais moi je suis ce système. Une entreprise, ça s’achète ou ça se détruit, et en fin de compte, les gens c’est pareil, qu‘ils soient chercheurs au CNRS ou pousse boulons. Ce sont les gens comme moi aux mégaprofits qui décident comment doit tourner ce monde, pas vous. – C’est ça. On fait les guerres, on les arrête et tout va bien, puisque le commerce en profite. Et bien entendu, les habitants des pays émergents que vous pillez sortiront de la misère quand ils apprendront à placer correctement leurs économies. Vous êtes pitoyable et malsain. Chômage, inégalités, climat pourri, corruptions, c’est pas votre came, hein ? – Sale gauchiste. Et diplômé, en plus, un comble. – Belle déclaration finale, qui pourrait bien être le faire-part de naissance de mon poing sur ta gueule. Ici tu es comme les autres et finalement tu vas payer comme tout le monde, en te salissant les mains, le renouvellement du bail sur cette île. Si tu bosses pas comme les autres, ça tournera vinaigre, te voilà prévenu. Terminé de glander sur la plage pour tracer des SOS pendant qu‘on s’échine à te nourrir. Des signaux auxquels tes petits copains de la finance n’ont pas l’air de porter grand intérêt, soit-dit en passant. – Ah, mais il va bientôt me bassiner avec son manque de liberté, la censure et les suppressions de postes chez les enseignants-chercheurs ! Mon pauvre mignon, le savoir n’est rien d’autre qu’une marchandise comme une autre. Vous, le castriste à propagande, je fais ce je veux sur cette île et votre responsabilité collective, vous pouvez vous la coller bien profond. https://zupimages.net/up/18/03/y3m3.jpg Message édité par talbazar le 17-01-2018 à 08:45:43 |
Publicité | Posté le 01-05-2017 à 15:17:35 |
talbazar morte la bête, mort le venin |
Publicité | Posté le 11-06-2017 à 13:54:51 |
talbazar morte la bête, mort le venin |
talbazar morte la bête, mort le venin |
talbazar morte la bête, mort le venin |
talbazar morte la bête, mort le venin |
talbazar morte la bête, mort le venin |
Publicité | Posté le |