Forum |  HardWare.fr | News | Articles | PC | S'identifier | S'inscrire | Shop Recherche
2912 connectés 

 


aimez vous être sondé ?


 
17.9 %
 5 votes
1.  Hummm...
 
 
3.6 %
    1 vote
2.  des fois.
 
 
10.7 %
 3 votes
3.  un peu..
 
 
7.1 %
 2 votes
4.  souvent...
 
 
10.7 %
 3 votes
5.  de plus en plus ?
 
 
0.0 %
        0 vote
6.  je ne peux m'en passer !
 
 
3.6 %
    1 vote
7.  c'est irrésistible !!
 
 
0.0 %
        0 vote
8.  tout le temps !!!
 
 
10.7 %
 3 votes
9.  encore, encore !!!!
 
 
35.7 %
 10 votes
10.  plus fort !!!!!!!!!
 

Total : 32 votes (4 votes blancs)
Ce sondage est clos, vous ne pouvez plus voter
 Mot :   Pseudo :  
  Aller à la page :
 
 Page :   1  2  3  4  5  ..  51  52  53  ..  109  110  111  112  113  114
Auteur Sujet :

La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.

n°47260747
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 02-10-2016 à 13:10:46  profilanswer
 

Reprise du message précédent :

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 36.

 

https://zupimages.net/up/18/04/41xc.jpg

 

En mission de guerre, on ne quitte jamais son scaphandre, un principe de précaution qui peut, comme on va le voir, vous sauver la vie. Lors de la destruction du Sharsherman et des Panzigs, le ciel de Mars s’est paré de rouge vif, le temps d’une seule demi-seconde. Les monts environnants se sont floutés d’un rose inquiétant et un mur de poussières mauves s’est mis aussitôt à cercler le point d’explosion, devenu quand à lui un gouffre sombre et profond. La montagne qui abrite l’équipage des saboteurs a naturellement fait en partie obstacle au souffle ensablé, mais le Cragstan Space Tank a malgré tout été durement secoué et ses chenilles se sont soulevées pour retomber dans un fracas brutal. L’une d’elle se trouve endommagée, cela n’empêche heureusement pas le véhicule de reprendre sa course un peu moins rapide en direction de la base enterrée, malheureusement très lointaine. Jouant fort bien du stick, Jorg Glooniais pilote à présent en binôme avec Siguiline Oryal, dont l’arrière-crane métallique du casque offre de vives brillances sous le jeu du soleil traversant les larges hublots de l’engin. Ils ont déjà fait un bon bout de chemin depuis leur forfait gagnant, lorsqu’une pluie subite de roches tombées du ciel se met à les bombarder, accompagnée de multiples scories qui tambourinent méchamment sur la robuste carrosserie du tank. Les abondantes retombées descendent en effet seulement maintenant de la haute atmosphère pour venir menacer l’équipage des rebelles, soudain à la merci de cette averse mortelle, un déversement impitoyable formé de multiples débris et de pierres aux tailles diverses. Dans la petite machine, l’heure n’est pas à la fête pour les hommes et les femmes de Fanch Yoland, même si Phil Martinet demande une fois de plus à Jeff Coupé, en riant jaune, si sa sœur possède effectivement 18 ans révolus. Une sueur abondante vient soudainement embuer la visière du casque de Karela, alors que le dangereux caillassage s’intensifie sur eux.

 

Faisant fi du blindage, un rocher frappe une trappe d’inspection du tank, maltraite ses boulons et la fait voler en éclat, un hublot de l’avant se fendille, l’autre explose, Flash se recroqueville dans la tourelle, la vitesse moyenne de noyau passe à 9,27 ; une buse de réacteur isopotique s’enflamme en conséquence, le puissant rayonnement dégagé en réaction tue instantanément Fifi Filons, le plus exposé. A l’avant, une grosse bouteille d’hélium se décroche, heurtée par un boulet de basalte, son explosion brutale endommage les scaphandres de Jeff et Siguiline, qui ne peuvent plus contrôler le véhicule cabossé, dont l’un des convecteurs à l’oxyde de sous-zithium enrichi fuite dangereusement. Le déluge mortel redouble encore d’intensité sur la coque en plastacier, générant au passage un immense brouillard granuleux, se calme enfin et puis s’arrête progressivement, mais le Cragstan s’est arrêté au milieu du chaos désastreux, irrémédiablement victime de la soudaine rupture d‘une tringle de contrôle du mécanisme. Le feu lèche à présent sauvagement l’habitacle et les équipiers sonnés peinent à s’extirper du danger. Un gros trou circulaire perçant le casque fondu de Fifi prouve que celui-ci est mort sur le coup, on s’acharne à sortir du brasier les corps immobiles de Jorg et Siguiline, dont les indicateurs agrafés sur leur combinaison les donnent encore vivants. Le long tuyau d’une valve d’étranglement en rupture s’agite comme un serpent irrité autour d’eux, fusant son puissant jet de gaz, ses contorsions folles sur le plancher de métal gênent considérablement les sauveteurs. Flash est de son côté sorti précipitamment par la trappe-tourelle au milieu des flammes et saute prestement sur le sol, sans oublier de cramponner son Wee Gee Ray Gun Gun dans sa main artificielle et dans l’autre le petit TZ-24 Sanitizor Tinkerbots. Tous parviennent cependant à fuir le danger et trainent sur le sable constellé de pierres calcinées les corps de leurs amis, afin d’atteindre une distance salvatrice. On peut désormais faire le point. Le Cragstan est un engin militaire, dont les pilotes sont appelés par les défédérés des Gebirgsmützen, et tous redoutent une mise en charge intempestive de la X-1 Flashy Ray Machine gun à double canon, mais le véhicule se contente seulement d’achever de se consumer dans l’air raréfié, en laissant seulement échapper dans le ciel martien un long panache de fumée.

 

En danger de mort, Jorg et Siguiline sont sur bonbonnes de secours, ils reprennent peu à peu connaissance, mais il leur faut de nouveaux scaphandres au plus vite. Tout comme Phil, Jeff regrette la mort de Fifi tué en mission, avec lequel il avait tant bourlingué dans les canyons pour attaquer les soldats isolés. Il se tourne vers Fanch qui lui présente lui aussi un visage très affecté.

 

– Alors boss, il va nous falloir une sérieuse expertise, car nous sommes en carafe sur un territoire plutôt isolé. Je tiens pas à claquer ici et je veux quand même recevoir ma prime annuelle, moi.

 

– Pfff, lui lance Karela, tu voudrais nous faire croire que tu te bats pour notre idéal ou une simple poignée d’Eullares, mais t’es pas autre chose qu’un vilain tueur hanté par une enfance violente.

 

– Ho non, détrompe toi, mes parents étaient vachement cools avec moi et mes sœurs. Et oui, exactement comme toi, je me bat pour Mars, ma biche.

 

Doté de sa force surhumaine, Flash a calé son lourd Wee Gee sur son épaule. Le regard vague de l’assassin en dit long sur son degré d’hébétude, son cerveau ne semble plus réagir qu’à un unique instinct de survie. Le meurtrier n’a aucun souvenir de l’imposture qui la conduit ici, un stratagème de l’armée défédérée qui devait faire de lui le plus grand roublard de tous les temps. L’ex-taulard est au contraire entré en complète synergie coopérative avec sa cible, pour la protection de laquelle il n’hésitera jamais à faire feu. Mais c’est certainement la seule certitude qui l’habite au milieu de l’épreuve. Personne à ses côtés ne peut soupçonner le nombre effarant de jeunes filles qu’il a déjà violé, avant de massacrer ensuite sans pitié ces prostituées parfois mineures, et lui même ne saurait les enumérer. Pourtant, il est certain d’avoir cessé d’aggraver son futur en s’évadant de la planète pénitentiaire 4887BN-Henrico Macias, ce qu’il tient toujours bizarrement pour acquis. Il a toutefois le plus grand mal à se souvenir des heures proches, et la simple idée du lendemain lui est devenue étrangère. Il est absolument incapable d’engager la moindre réflexion sur sa vie présente, se contentant de vivre chaque minute en faisant le mieux possible équipe avec les autres, pour tenter de vaincre en leur compagnie la mauvaise passe. Il attend même et espère lui aussi de la part de Fanch un conseil avisé, pour rassembler à nouveau la communauté pratiquement désarmée. Un long silence glisse dans l’immobilité glacée, Fanch prend la main de Karela, cette femme courageuse dont il est vraiment épris, elle s’échappe gentiment et se précipite pour aider Siguiline, lorsqu’elle constate que son amie a le plus grand mal à se relever. Il est vital que la toubib mesure au plus juste ses efforts. Les deux femmes qui se soutiennent mutuellement offrent un tableau prenant, une empoignade pathétique qui résume à elle seule la fragilité de la situation. L’accident les a largué dans un désert absolu, la communication avec la base est rompue. Ils baignent isolés dans un environnement hautement anxiogène. Jorg est complètement revenu à lui, il respire péniblement mais tient quand même à s’exprimer, son émotion à fleur de peau est parfaitement visible.

 

– C’est de la folie douce d’essayer de rentrer à pied, on va jamais y arriver. J’espère que la base va deviner rapidement ce qui se passe ici et manier son cul pour lâcher au moins un Panzig vers nous. Et vite, parce que mon scaphandre et celui de Siguiline sont salement bousillés. Un sifflement de gorge ponctue ses dires de manière saisissante. Il plisse les yeux pour se protéger du soleil qui percute la bulle de son casque pourtant assombri.
 
 Soudain, une transmission éclectique de voix brouillées vient jouer les troublions dans les casques, mais ce n‘est pas la base. Le son s’affine et se concentre sur une seule voix, pour transmettre la même communication parasite d’une des unités de propagande de la SLG (Sanchez, Lopez, Gomez) corporation, déversée de façon monocorde par un bavard Bauobersoldat. Une parole unique résonne en même temps aux oreilles de tous. Mais il ne s’agit pas de l’invective habituelle des administrants aux indépendants pour les appeler une fois de plus à rendre les armes. « This is the voice, Camarades mineurs, Gavarit Maskva, la voix du congrès défédéré et de l’acamédie des étoiles vous appelle au salut commun. Le président Nikos Sirkisi a parfaitement entendu vos revendications, qu‘il ne trouve cependant pas totalement légitimes. Nous vous offrons quand même l’occasion de traiter ensemble d’une paix durable pour Mars. Vous et nous pouvons agir conjointement dans ce sens en faisant taire enfin les armes. Nous voulons un désarmement bilatéral dont nous sommes prêts à discuter loyalement des modalités avec vos forces. Nous appelons solennellement votre commandant en chef Fanch Yoland à prendre de lui-même contact avec nous, il n’y a aucun piège dans cette demande sincère à cesser les hostilités dans un respect commun. Ce message sera diffusé tous les jours à la même heure. »

 

Siguiline se plaint d’avoir froid. Jorg se racle la gorge et peine à respirer. Il y a quelque chose de très atypique dans ce message de propagande, une proposition qui n’entre pas dans les diffusions habituelles du gouvernement, dont les injonctions sont habituellement d’une puérilité imbécile et suffisante. Karela regarde la silhouette de son mec qui sent un instant le besoin de s’isoler un peu des autres pour réfléchir. Son ombre figée semble méditer sur l’épave fumante du Cragstan complètement détruit, avec toute sa cargaison si précieuse prélevée un peu plus tôt au sein du Sharsherman.

 

https://zupimages.net/up/18/04/jz57.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/04/p5u0.gif


Message édité par talbazar le 22-01-2018 à 10:22:59
mood
Publicité
Posté le 02-10-2016 à 13:10:46  profilanswer
 

n°47280532
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-10-2016 à 12:49:45  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/ad7k.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Jet larguée - Extrait numéro 10.

 

https://zupimages.net/up/18/03/uk8r.jpg

 


 Pendant que les deux avions passaient à l’équerre de la Mochkomkudite, cette dictature fêtait le génocide des Ascaridis, un peuple autochtone qui avait toujours essayé de s’incruster sur les cartes-postales du pays. Dans l’immense fête foraine installée au cœur de la capitale, se dressaient la grande roue de la torture, le train des fantômes, la chaise électrique, le tir au fusil à pompe et autres jeux de massacre, pour la plus grande joie des enfants accompagnés de leur garde du corps. Le petit Melcheval Danlevan se trouvait parmi ceux-là, tout à sa joie de visiter les stands en déambulant avec ses parents au milieu des attractions. Il léchait la barbe de son papa en suçotant la pomme d’amour tendue par sa maman. Pendant qu’ils marchaient, ses parents buvaient quand à eux du nectar de watermelon. Monsieur Danlevan expliquait à sa femme que dans les livres des collèges, la religion continuait à être enseignée, alors que c’était pour lui contre les choses naturelles. La religion est une chose, disait-il, mais faire un enseignement dans les écoles sur cette ligne en est une autre. Pour lui, ce n’était rien d’autre qu’une volonté de changer les mentalités, d'une colonisation idéologique, l'un des aspects d'une guerre mondiale pour détruire l’individualité, la connaissance et la raison. Son épouse l’écoutait religieusement en réfléchissant au repas du soir. Melcheval hurla comme un beau diable pour pêcher en ligne, mais il ne gagna rien et son père l’humilia devant tout le monde, admonestation qui fit passer l’envie à son fils unique de refaire une partie. Il passèrent près d’un type qui vendait des ballons de toutes les couleurs et de toutes les formes, outres légères aux silhouettes animales qui ballotaient mollement dans le vent au bout de leur ficelle, pour composer au-dessus des passants un gentil bestiaire coloré. Une grappe de petites vaches aux pis gonflés, de pandas souriants et dodus, de tortues rondes, et surtout, d’un petit poney mauve qui tapa dans l’œil du garçon, comme un appel à faire la grève des devoirs si sa mère ne le lui achetait pas. Redoutant de faire de son fils un imbécile s’il n’obtenait pas satisfaction, monsieur Danlevan finit par céder au désir de son mioche. On détacha le poney après l’avoir payé un prix exorbitant et Melcheval empoigna dans sa petite main la cordelette de son mignon trophée aux grands yeux ronds, en l’observant avec ravissement galoper comme un fou dans les nuages. Pour achever de lui faire plaisir et que le fiston apprenne bien comme il faut à l’école ses leçons concernant la position des vrais dieux sur le monde, madame Danlevan lui acheta, hélas sans regarder l’étiquette, un paquet de délicieux bonbons malheureusement blindés de Maria Melabrizz, une liqueur locale de Mochkomkudite. Les joues remplies de la sournoise friandise, boosté par 2,24 g d’alcool par litre de sang, le petit Melcheval fut happé par l’univers scintillant des lumières tournoyantes de la fête et relâchât sa prise en laissant filer dans le ciel son léger poney mauve. Les hurlements du pauvre enfant couvrirent longtemps le tintamarre du manège le plus proche, avant que son père attentionné ne le laisse décuiter en paix sur une pelouse, puis n‘aille en parent moderne péter la gueule du vendeur de ballon qui refusait obstinément de le rembourser. Pendant ce temps-là, la maman se faisait recruter pour participer à une émission de télé réalité relative aux gosses difficiles à élever.

 

Porté par le vent qui lui fit prendre de l’altitude, le cheval de baudruche se joua rapidement des frontières de la Mochkomkudite pour se lancer dans une douce ascension. Il résista un moment à la confusion sexuelle d’un corbeau, à la fiente d’un autre, puis se stabilisa un bon moment à une hauteur de 5.000 mètres. Il dériva ainsi, après avoir été confondu pour un Ovni par 60 Ascaridis rescapés par miracle du génocide Mochkomkudidon. A une hauteur identique et dans son axe précis, se jouait justement le fuel jettisoning ordonné par Steven Eight pour décrasser ses vitres. Dans l’avion au pare-brise aveuglé, Shirley et Steward se regardaient en chiens de faïence et l’écrivain Talbaway se faisait expliquer par une Pamela enjouée le fonctionnement du parachute qu’il avait gagné. Sans qu’il en ait fait la demande, elle lui expliqua en sus dans le moindre détail le processus d’atterrissage d’un rover martien. En dépit du fait que tous soient attachés avec l’ordre de rester sagement assis, nul à bord ne semblait au courant de la manœuvre que le commandant Walter Closed s’apprêtait à exécuter à 400 km/h environ, pour redonner à l’avion de Steve et Jack un maximum de visibilité.

 

– À 700 euros la tonne d’AVGAZ perdue dans la nature, commandant  Eight, je vais me faire sérieusement savonner en rentrant par la Well Transit. En ce qui me concerne, j’imagine être comme toi, je préfèrerais plutôt larguer mes passagers. Bon, t’es à 10 nautiques derrière la trajectoire de largage, cool raoul. Cathy, bordel, restez sur mes genoux si vous voulez, mais ne touchez pas cette manette !

 

– Ah excuse-moi, commandant Closed, c’est certain, tu vas te faire engueuler par ta compagnie pour le gaspillage, autant demander à une victime d’obéir à l’ordre d’un pompier pour qu’elle arrête d’hurler. Faudra justifier l’urgence passagers, neuf fois sur dix, c‘est payant. Ok, 1 0 miles, je suis le cap, ça roule.

 

– Je vais pisser sur ton nez treize tonnes de fuel, check ?

 

– Bien reçu. Check.

 

– Cathy, laissez mon nœud de cravate, ce n’est pas le moment.

 

– Pardon ?

 

– Non rien, c’est Cathy, une de mes hôtesses, elle me saoule. Des fois, j’en ai marre de ses blagues au ras du tarmac.

 

– Je vois. Moi j’ai une chef de cabine qui picole plutôt sec, mais je l‘ai interdit de cockpit. Bon, ça largue ?

 

– Ouais, ouais, vannes de vidange rapide armées et déverrouillées, c’est parti pour le "vide-vite". Non mais Cathy, je veux bien me faire traiter de misogyne et d’incompétent, mais je vous le jure quand-même, vous allez finir par attraper froid.

 

Expulsé sous pression, le kérosène stocké sous les ailes de l’avion de la Well Transit s’échappa en fines gouttelettes qui se dispersèrent sur celui de la Petro Jelly, avant qu’elles ne puissent être totalement vaporisées. L’opération dura une quinzaine de minutes au cours desquelles le jet de Steven retrouva finalement la vue. Si ce dernier maintint un instant ses paramètres de vol, Walter Closed remonta pour reprendre de l’altitude en s’éloignant rapidement, après avoir souhaité un bon vol à ses collègues et rabroué Cathy, dont la réponse illustra hors-micro la poésie de l’aérienne séparation. Les pilotes se voyaient liés par leur passion commune qui savait si bien s’affranchir des limites, en repoussant admirablement toutes les distances. N’habitaient-ils pas le ciel chaque jour aux côtés des dieux ? Le long-courrier de la PJ se trouvait toutefois momentanément enrobé d’un volume important d’essence, lorsqu’il croisa la route du ballon perdu par le jeune Melcheval Danlevan. Le petit poney rose pénétra dans l’un des réacteurs droits, provoquant un tel bordel dans le compresseur que la turbine cracha une longue flamme qui incendia aussitôt l’aile devenue hautement inflammable. Steven avait juste eut le temps de voir dans sa lucarne nettoyée que son zinc était en train de se prendre un ballon.

 

https://zupimages.net/up/18/03/362t.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:28:52
n°47307605
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 06-10-2016 à 16:47:31  profilanswer
 

Salon des inventions :
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La brosse à dent pour jumeaux.

 

https://zupimages.net/up/18/03/pj9a.jpg

 

Femme qui prie ne sera jamais dans votre lit, c’est pourquoi vous avez peu de chance d’épouser une religieuse. Voilà qui est dit en dépit du vent de modernité soufflant sur le clergé du XXI siècle, et qui autorise les nones à regarder « C’est mon choix » à la télévision. En ce qui vous concerne, vous vous êtes ruiné pendant des années sur les sites de rencontre à la recherche de copulations vaines et stériles, mais aujourd’hui, vous voici lassé de votre profil et décidez de vous regarder en face. A pieds joints dans votre époque, vous épousez donc une femme rencontrée dans la rue âgée de vingt ans de plus que vous, pour satisfaire votre légitime besoin de stabilité et fonder un vrai couple. Ce n’est pas un mauvais calcul, votre nouvelle chérie a largement eu le temps de faire carrière et se trouve parfaitement à même de vous renflouer financièrement. Mais à 64 ans, votre chérie prise par sa vie professionnelle n’a jamais trouvé le temps de faire d’enfant, elle est soudainement prise d’un désir de grossesse et ne peut résister à l’offre promotionnelle d’ovocytes que propose la clinique d’à côté. Le prospectus publicitaire offert gratuitement à l’entrée ne saurait mieux glorifier science et raison. Madame se met donc en tête de produire un héritier, une décision parfaitement naturelle qu’elle saura bien vous faire assumer, sans doute plus de force que de gré. Or, voici qu’elle accouche par logique de jumeaux prématurés, Uderzo et Disney, charmants bambinos auxquels vous ne cesserez jamais de penser au cours de votre longue fuite pour échapper aux devoirs financiers sévèrement ordonnés par le juge. Chapeau bas si vous avez préféré choisir la voie du sabre.

 

Rarement abordées dans la Moyenne Encyclopédie, les vies de jumeaux se truffent au quotidien d’anecdotes savoureuses et authentiques, car ils forment en général un duo inséparable. Le pro-fesseur Talbazar n’hésitera cependant jamais à parler crûment des problèmes familiaux, car il sait pouvoir les résoudre. Accomplir les choses séparément de son frère ou de sa sœur conduit en effet à faire de chaque jumeau un être totalement brisé, loin, très loin des gags complices et téléphonés dont ils sont coutumiers. Fin psychologue, l’inventeur de la brosse à dent pour jumeaux l’a parfaitement compris et vient de mettre au point cet indispensable outil d’hygiène, d’utilisation commune et simultanée, pour redonner aux bambins identiques et synchronisés le goût des calembours matinaux et freudiens. Bien sûr, cette invention astucieuse ne dispense pas les parents de jumeaux de leur rôle éducatif, il leur faudra longuement leur apprendre à se servir de cette double-brosse à dent, qui marquera sans nul doute plusieurs générations de triplés dans les salles de bain. Voilà une innovation qui n’empêchera jamais les tartes, mais qui saura parfaitement éliminer leur tartre. Il ne vous restera plus qu’à définir le bon timing de brossage, lequel exige, selon les nombreux dentistes que nous avons consultés pour mettre au point notre sympathique appareil absolument jetable, entre dix minutes et une heure. Vous allez chaque matin faire vivre à vos chérubins clonés une aventure humaine si captivante, qu’elle vous laissera largement le temps de rester au lit. Priez juste le ciel qu’ils ne soient pas plus tard fans de rap et qu’ils soient conscients qu’une bonne hygiène bucco-dentaire leur évitera dents branlantes et manquantes à l’entrée du CP. Un bout d’innocence préservée n’a rien à voir avec un morceau de burger coincé dans les molaires assaillies par les bactéries.  

 

Après-tout, rien de bien compliqué dans l’usage de la brosse à dent pour jumeaux. Leurs petites mains conjointement cramponnées sur le manche unique, Uderzo tire et Disney pousse, de manière à effectuer les translations et surtout les rotations nécessaires pour empêcher la formation de la plaque dentaire. Les deux têtes aux poils doux agissent simultanément jusqu’au fond de leurs bouches qui se ressemblent à s’y méprendre, pour dégager chewing-gum et débris de poupée. Vous pourrez éventuellement accompagner chaque geste réussi d’une petite récompense, tel que le droit de rendre visite à leur père ou à leur mère, suivant le cas. Le nettoyage et le polissage des dents de jumeaux se fait donc à deux et au même moment, sans aucun problème ni déprimant sentiment de frustration. En dernier conseil à l’utilisation de sa brosse à dent pour jumeaux, le pro-fesseur Talbazar préconise une diète conjointe associée au brossage pris en commun, qui ralentira de façon spectaculaire la progression de la parodontite, avec pour conséquence une espérance de vie 30% plus longue.


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:31:12
n°47331598
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 09-10-2016 à 13:11:08  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith - Extrait numéro 29.

 

https://zupimages.net/up/18/03/dx0w.jpg

 

Une fois qu’ils furent arrivés chez Gypsy, une petite bicoque un brin délabrée du centre ville dans laquelle elle se trouvait tout juste installée, ça sentait plus l’essence que sur un circuit de F1. Pas étonnant, tout le rez-de-chaussée de la baraque en était inondé. Aux dernières nouvelles, elle n’exerçait pas la profession de pompiste, Gypsy Sorrow, mais celle de strip teaseuse. Teddy et Angèle restèrent sur le seuil, flingues à la main, mais en découvrant là encore que la porte d’entrée aux garnitures cuivrées ne fermait pas à clé, ils se dirent que ça ne présageait rien de bon pour la locataire. Ils la découvrirent effectivement au bout d’un couloir, allongée sur le parquet de chêne clair du séjour, gisant au milieu d’un tapis abondamment gorgé de son sang. L’insupportable odeur de benzène se faisait plus écœurante que jamais. Angèle se pencha sur la miss décédée. Au vu de ses blessures, la pauvre avait reçu un nombre incroyable de coups de couteau dans le dos. Le type qui venait d’opérer ce sordide gâchis n’incarnait pas autre chose que le diable en personne. Juste à côté du cadavre odieusement lardé, Teddy découvrit un astucieux système de départ de feu à retardement, que l’assassin n’avait pas déclenché. Une chaussette enfoncée dans l’ouverture d’un bidon plein devait certainement provoquer l’incendie général de l’habitation, mais l’ordure n’avait semble-t-il pas mené son projet jusqu’au bout. Sans trop comprendre l’intérêt d’une telle mise en scène, l’inspecteur retourna doucement la morte en nuisette, pour découvrir un visage blême à la beauté troublante. Gypsy les regardait d’un regard de glace, mais bien qu’elle ait sans doute souffert physiquement, elle faisait encore preuve d’un charme bouleversant, parce qu‘elle était jeune et franchement très jolie. Ses doigts maintenant raidis se refermaient sur eux-mêmes dans une tragique étreinte d’acier. Comme c’était trop tard pour elle, il ne restait plus qu’à mobiliser quelques renforts spécialisés et prendre le temps de visiter le reste de l’habitation. On se mit d’accord pour que Teddy s’accorde l’étage et laisser le reste à sa collègue. Elle plissait le nez, les doigts croisés sur sa crosse, sans qu’on puisse deviner si c’était le tableau macabre ou la violente odeur d’essence qui la mettait à présent au bord de la nausée.

 

– Mais qu’est-ce que ça pue ici !

 

Sans même songer à lui répondre qu’elle était un bon flic, mais qu’elle avait un cœur d’artichaut, Teddy s’apprêtait à monter l’escalier, lorsqu’un bruit suspect provenant de l’étage les alerta. Serré dans le poing de l’inspecteur, le Beretta 92 inox redressa subitement son museau d‘acier. Quelqu’un se déplaçait là-haut. Angèle adressa à son chef une expression d’une extrême dureté, il semblait légitime de penser que l’auteur du massacre se trouvait toujours entre les murs.

 

– On fouille rien, Ted, on attend les autres, si le dingue est ici, faut pas prendre trop de risque pour le débusquer. Sans compter qu’il n’est peut-être pas seul.

 

La Fouine grinça des dents. Une présence louche venait de se trahir dans les chambres, le meurtrier, sans aucun doute. Le fameux Gros Bill en ligne de mire, probablement, il semblait vraiment difficile que ce rat puisse avoir le sentiment de se sentir piégé, et on pouvait douter que le truand se montre à eux afin de leur présenter des excuses pour les meurtres effroyables des trois employées de Matteï. Ils s’écartèrent prudemment de l’escalier, Teddy alla jeter un coup d’œil à la fenêtre, les gars appelés n’arrivaient pas. La maison était absolument silencieuse, mais une immense tension investissait les policiers. Même si ce n’était pas vrai, ils se sentaient épiés. Les dents serrées, ils vissaient un regard aimanté sur ces marches qu’ils hésitaient à grimper, mais à vrai dire et chose curieuse, ils n‘avaient pas peur. Ils s’interrogeaient juste conjointement sur ce qu’ils devaient faire, parce que si le tueur se planquait réellement là-haut, il était puissamment armé et ses prochaines balles leur seraient destinées. Une saleté de prédateur immobile et implacable attendait dans son coin qu’on ose venir le débusquer. Non sans un certainement soulagement, les policiers entendirent sirènes et claquements de portières, car deux voitures de chez eux se garaient dans la petite cour de la maison décrépite.

 

– Les voilà quand même, fit Angèle, pas trop tôt. Dis leur de faire gaffe, Gilbert, ça peut tirer des fenêtres.

 

Teddy se retourna pour la regarder, tout en s’apprêtant à accueillir les collègues. Une action soudaine de l’ennemi bouleversa la suite des événements, lorsqu’une main anonyme déclencha sur le couple un enfer enflammé, en jetant un cocktail Molotov dans l’escalier. Instantanément, tout le rez-de-chaussée s’embrasa violemment, noyant le séjour dans un brasier épouvantable qui dégagea sur le couple son souffle cuisant. Fuyant de justesse l’apocalypse brûlante qui risquait de les cerner, Angèle et Teddy se précipitèrent à l’extérieur. Tout en les rassurant, l’air frais leur fit le plus grand bien. Ils tombèrent aussitôt sur l’officier Furnace, dont l’incompréhension de la situation se montrait évidente.

 

– Bordel, Gilbert, c’est quoi ce micmac ?

 

– Un malveillant qui vient de buter Gypsy Sorrow, il est toujours ici. C’est lui qui vient de mettre le feu.

 

La baraque cramait pour de bon. Levant la tête, on vit clairement une silhouette s’échapper sur le toit. La Fouine cracha quelques prunes dans sa direction, mais le loupa sans obtenir de riposte, la cible se contentait de fuir l’embrasement en courant dans les hauteurs, puis, s’asseyant au bord du vide sur un rebord, on la vit sauter sans hésiter, elle disparut complètement aux regards. Au sol, bien évidemment, alors que la façade vomissait par les fenêtres des flammes jaunes et oranges de plus en plus gigantesques, c’était branle-bas de combat pour se lancer sur ses traces. L’inspecteur savait bien que si ce salaud de sportif parvenait à trouver un refuge temporaire quelque part, même en fouillant les toits un par un, on aurait le plus grand mal à le situer correctement. Si le svelte salopard parvenait à s’en tirer ainsi, sans doute valait-il mieux en pleurer qu’en rire. Un gars plus que malin, l’exécuteur de Gypsy Sorrow et des autres filles de la Rose Noire, cette crapule démente dérangée par Teddy et Angèle dans ses basses œuvres, vu qu’il venait visiblement d’improviser en peu de temps l’incendie démentiel et sa spectaculaire cavalcade au milieu des bosquets de cheminées, d’antennes et de paraboles. Un dingue, certes, mais finalement trop agile et trop souple pour s’appeler Gros Bill.

 


http://img4.hostingpics.net/pics/13925832154.jpg

  


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:32:29
n°47352017
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 11-10-2016 à 13:24:22  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou - Extrait numéro 18.

 

https://zupimages.net/up/18/03/8b1a.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/iljn.gif

 

L’existence du jeune Boudiou se voit singulièrement sublimée par ce dépucelage inopiné, car il vient de goûter dans les bras de Marité des sensations nouvelles et inédites. Si, depuis qu’il est petit, il l’a toujours trouvé belle, il estime à présent la charmante épicière en train de se rhabiller carrément éblouissante et délicieuse. Il rêve de se rendre avec elle au cinéma, puis de refaire à nouveau le petit cochon en sa compagnie, mais cette fois dans un lit, jusqu’au petit-déjeuner. Il est désormais certain de pouvoir gérer le réveil d’une façon qui devrait leur plaire à tous les deux. Il est fier d’avoir gagner avec elle sa première leçon de pilotage sexuelle et n’a plus aucune crainte de ce côté là. Il va lui demander de lui écrire de longues lettres et guettera fébrilement la boîte aux lettres, histoire d’écouter chanter dans sa tête la voix de Marité, en lisant ses mots tracés sur le papier uniquement pour lui. Face à ce visage d’ange, devant cette silhouette parfumée de lavande qui vient si merveilleusement de le griser, il se pense subitement amoureux. Dès qu’il le pourra, il lui offrira des roses, surtout qu’elle n’en vend pas dans sa boutique. Elle incarne le visage souriant de sa nouvelle vie, sa petite fleur d‘épicière qui le rend tout à coup totalement crazy. Il est certain qu’elle twist comme pas deux, et peu importe que lui-même soit à peine sorti de l’enfance, il ne demande qu’à partager au mieux à ses côtés leur secret merveilleux. Il n’en peut plus de contempler la petite banane de ses cheveux fins qui s’incline et tourbillonne d’une façon rigolote sur son front lisse, ni ses beaux yeux en amande qui lui lancent à présent un regard d’une douceur ineffable. Rieuse et complice, elle l’effleure de cette simple façon d’un plaisir inénarrable. Sa fine bouche délicate et peinte ne prononce aucun mot, mais Gaston à bien du mal à se retenir de l’embrasser. Il sait qu’il aurait l’impression de plonger d’une falaise dans une eau accueillante, délicieusement tiédie par le soleil d’été. De son côté, Marité se tient droite et défroisse simplement les pans de sa petite jupe, mais elle avoue vouloir abandonner pour le moment ses idées de rangement. Doucement, après un ultime baiser sur la joue, elle l’invite à quitter l’arrière-boutique et le guide vers le magasin où la radio sur le comptoir prend la voix de Sheila, puis leur annonce de façon dramatique le naufrage du pétrolier Torrey Canyon. La catastrophe maritime est en train de provoquer une terrible marée noire sur les côtes de la Manche. Chacun sa merde, c’est dommage pour les mouettes mais pour l’instant, Gaston Boudiou est un garçon heureux.

 

– Au fait, Gaston, tu voulais quelque chose ?

 

– Oui, une boîte de lessive Bonux pour ma grand-mère et la revue Cinemonde pour Angèle, avec Sylvie Vartan sur la couverture, je crois.

 

– Elle va bien, Angèle ?

 

– Oh oui, elle vient de s’inscrire à des cours de théâtre, sa troupe va monter une pièce pour Noël, à la salle des fêtes municipale de Troulbled. « Bali-Balo est un salaud », ça va s’appeler. On ira la voir ensemble, si tu veux.

 

– Si je peux, oui. Tu lui diras bonjour de ma part. Il y a longtemps qu’elle n’est pas venue m’acheter des bonbons pour le fils de Joëlle Micheton. Elle veut toujours faire du cinéma ? ça ne sera pas facile, je pense. Faut connaître du monde dans ce milieu, des types qui n’habiteront jamais ici. Elle doit faire bien attention à elle, hein, Gaston.

 

– Un jour, ma sœur sera une grande vedette, j’en suis sûr.

 

– Des fois, faut se contenter de ce que la vie veut bien nous donner. Moi je n’aime pas tant que ça les gagnants, c’est des gens qui ont trop souvent froid aux émotions.

 

L’adolescent ne dit rien et règle ses achats que l’épicière a posés devant lui. S’il a un peu de mal à reprendre ses esprits, il comprend qu’elle ne désire pas forcément qu’il s’attarde d’avantage. Elle ne semble pas vouloir épiloguer plus longuement sur ce qui vient de se passer, et Gaston s’en trouve soudainement grandement intimidé. Il décèle à présent dans son attitude une certaine dureté ; même si elle le câline encore du regard, sa posture vaguement austère le pousse à la quitter, en emportant avec lui l’inoubliable bénédiction de sa savoureuse aventure. Après un au-revoir qu’il espère rempli de promesses, il sort du magasin au son du fameux gling, gling. Il se retrouve à nouveau dans la rue pour remonter sur son vélo, sur le porte-bagage duquel il a fixé ses courses avec un tendeur. Pendant qu’il pédale pour sortir de la ville, chaque coup de reins lui rappelle la merveilleuse action qu’il vient de vivre, son esprit s’enchante du beau souvenir, inscrit tout autant dans sa mémoire que dans sa paire de couilles parfaitement fonctionnelle. Le splendide et mirifique visage de Marité Hissedru ne le quitte plus. Elle le regardait pendant l’amour d’une telle façon ! Le souvenir de cette séquence inattendue venue le plonger avec tant de délices dans la société des adultes l’emporte dans une errance rêveuse, un flot de pensées plaisantes masquent le paysage qu’il traverse. Les voitures sur la route ne sont pas très nombreuses, mais une pétarade dans son dos lui annonce qu’une moto va le doubler. Il distingue au passage la silhouette courbée de l’abbé Julio, qui a troqué sa vieille Norton pour une Zündapp flambant neuve. L’instituteur en soutane l’a reconnu lui aussi, mais pas question pour l’homme d’église de lancer un bonjour à ce petit con aux fréquentations douteuses et qui ne va plus à la messe. Le copain des gosses Micheton, ces enfants de tarés à moitié communistes, dont la mère est névrosée et le père alcoolique. Par sa conduite désinvolte à l’égard de l’église dont il s‘est complètement détourné, Gaston Boudiou est devenu l’ennemi de Dieu. Déjà que la fille du baron traine avec des hippies au mode de vie plus qu‘erratique, on peut dire que la jeunesse de Troulbled est en train de partir à vau-l’eau. La gangrène s’installe dans tous le pays, d’ailleurs, pas étonnant que nous ayons perdu les colonies. Satan ramasse la mise dans le bocage, mais rien qu’à penser qu’il a autrefois confessé lui-même le petit Gaston, Julio accélère rageusement, alors qu‘il est en pleine descente. Haine, crime, suicide, désespoir, folie, uniquement à cause de ces débiles incroyants aux âmes noires, dont la simple évocation vient à présent titiller son ulcère à plus de cent à l’heure au compteur. Il colle un instant au cul d’une lente bétaillère qui le freine durablement. Lancé lui aussi à pleine vitesse sur son vélo qui avale la pente, Gaston regarde la scène dont il se rapproche rapidement. Alors que Julio se prépare à le doubler, le camion qui n’a pas mis son clignotant se déporte lui-même sur la gauche pour dépasser un vélo à son tour. La Zündapp percute le Berliet avec sa roue avant en faisant chuter l’abbé sur la route. Gaston est à présent très proche de l’accident et sa vitesse est conséquente ; troublé par ce qu’il voit, il freine brutalement par réflexe du frein avant et s’en va valdinguer lui aussi dans le décor. Projeté violemment, sa tête heurte la route avec un choc rude, avant qu’il ne sombre immédiatement dans l’inconscience.

 

https://zupimages.net/up/18/03/a541.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:34:57
n°47393475
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 14-10-2016 à 16:14:15  profilanswer
 

Salon des inventions :
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'infuseur à ressort.

 

https://zupimages.net/up/18/03/5c5c.jpg

 

Depuis le départ des légions romaines d’Angleterre, au V siècle, les anglais font sérieusement braire les français. On comprend que les italiens aient préféré leur pizza cuite au feu de bois à la jelly pudding et la conduite des chars à droite sur la via strata, plutôt que de se prendre en pleine face une litière de gallois bourrés de cervoise et roulant à gauche. On passera rapidement sur les cent ans de guerre en armure suivie d‘une flambée de pucelle, miss Thatcher et aujourd’hui le Brexit, pour convenir que l’ennemi héréditaire de la France n’a jamais été le fridolin, mais bien le rosbif aux idées sournoises. Fer de lance du capitalisme triomphant et flèche acérée du libéralisme économique plantée dans les fesses rebondies de la nouvelle Europe marxiste-pétainiste, l’Angleterre n’est pas à sa place, géographiquement parlant. Il serait donc judicieux d’intervertir sa population avec celle d’Haïti, histoire que les sujets de sa Majesté puisse se trouver plus près des maîtres à agir américains. Ainsi Haïti deviendrait l’Angleterre et réciproquement, ce qui nous ferait sans doute payer les bananes nettement moins cher. Reste que le tea-time n’est pas une mauvaise idée. Les suisses nous ont légué le fantastique coucou à heure fixe, les anglais le thé, reconnaissons leur cette sympathique contribution au monde civilisé. Une boisson chaude qui enfonce définitivement les espagnols, lesquels n’ont finalement que du soleil et des « go fast » en provenance du Maroc à nous proposer. Les japonais séculairement amateurs de thé ont fait de cet instant détente une cérémonie très compliquée, les psyentifiques du centre de recherche de la Moyenne Encyclopédie tendent au contraire à tout faire pour le simplifier. D’où l’invention magique de cet infuseur à ressort, qui tiendra désormais bonne place dans tous les bureaux des entreprises publiques ou privées, aux côtés de la boîte de trombones et de l’agrafeuse.

 

Complément indispensable du mug ambidextre, l’infuseur à ressort est là pour faciliter les infusions entre collègues, comme son nom l’indique. Nul doute que cette invention va faire un tabac au Royaume plus ou moins uni, désormais installé dans la mer des Caraïbes. Avant de découvrir notre innovation, beaucoup de buveurs de tisane rebutés par la manipulation inhérente au processus d’infusion se consolaient en préférant boire du whisky, plus simple d’utilisation. Nous savons pourtant que l’alcool transforme le plus doux des hommes en grosse masse épaisse et râpeuse, qui obligera un jour le consommateur de scotch à franchir l’atlantique pour aller s’exiler dans l’Angleterre nouvelle formule. Le thé* est au contraire une boisson saine et parfaitement naturelle, dont personne ne devrait se priver, simplement parce que le petit sachet qui le contient s’avère d’une utilisation peu pratique. En effet, ce dernier doit toujours être abondamment mouillé pour que sa baignade puisse diffuser correctement les principes qu’il contient dans l’eau brûlante de la tasse. Opération qui se pratiquait avant notre invention forcément toujours de façon approximative, avec un risque de tremblement majeur et une énorme possibilité de maculer la nappe. Surtout chez les gauchers qui représentent 5 à 10% de la population. Notre extraordinaire infuseur à ressort vous apporte une telle précision d’utilisation du sachet de tisane, qu’elle ne vous fera plus jamais passer pour l’idiot du village.

 

Montée sur un axe moulé en alliage doré de 15 cm et fixé par une pince crocodile au rebord du mug, la tête à ressort emprisonne tout d’abord la ficelle du sachet d’infusion qui va ainsi rester en suspension, tant qu’on aura pas fait doucement pression sur le bec mobile. Avec une précision absolue, le sachet de thé plonge alors, au bout d’une course astucieusement millimétrée, dans la petite quantité de liquide mise à sa disposition. Lorsque le thé semble prêt, une seconde manœuvre agira sur le ressort de la tête pour le faire remonter, le mécanisme se remettra automatiquement en route, sans aucune énergie de votre part excessivement brûlée. Deux formules s’offrent alors à vous pour la dégustation, soit vous décrochez purement et simplement l’appareil de la tasse, soit vous vous contentez de faire pivoter la potence à 180°, pour ne pas être gêné par le sachet suspendu devant votre nez. Avec l’infuseur à ressort qui ne nécessite ni bac ni brevet pour être utilisé, nous pouvons le jurer, plus jamais ce maudit bout de ficelle qui pendouille ne viendra mettre en défaut votre mémoire spatiale, avec le danger d’en flanquer partout à côté !

 

*( La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar / Leçons de choses contre-naturelles - Section botanique pour ta mère / Le thé. VOL 1 )

 

 

Le congélateur muséographique

 

Aujourd'hui : Un vieux barbu à chapeau.

 

https://zupimages.net/up/18/03/1b53.jpg

 

Le congélateur muséographique

 

Aujourd'hui : J.L.-Gérôme-La-réception-des-ambassadeurs-siamois-par-Napoléon-III-1861-détail-.

 

https://zupimages.net/up/18/03/xbrq.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:42:53
n°47407019
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 16-10-2016 à 11:57:18  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/5n3q.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil - Extrait numéro 64.

 

https://zupimages.net/up/18/03/0dum.jpg

 

Il fallait pour le roi des funérailles conformes au siècle, et Schrèptètnuptèt les attendait avec une impatience non feinte. bien entendu, la mise au tombeau de la momie de son frère ne lésinerait pas avec une éblouissante surenchère dans la grandiloquence. La belle-sœur de Néefièretarée avait l’esprit de sacrifice et le sens de l’effort, elle était patriote et prête à se dévouer pour l’Egypte, puisque cela semblait nécessaire. Alors qu’elle veillait en réfléchissant sur le cadavre inerte de son frère, les domestiques s’activaient pour épiler les sourcils de leur maîtresse et poser sur sa tête une énorme moumoute perlée. Lorsque le scribe royal Rastapharî lui fut annoncé, elle attrapa une tranche d’oignon pour se faire jaillir quelques larmes des yeux, par crainte de paraître sans cœur dans les médias. L’autre au regard baissé s’accroupit sur les talons, puis attendit en tremblant qu’on lui accorde la parole. Schrèptètnuptèt rembarra son guépard qui s’apprêtait à se jeter sur les mollets de l’écrivain coiffé du calot blanc de son ordre. Quinze serviteurs ramenèrent ensuite aux pieds de l’usurpatrice le malheureux, dont les jambes dégoulinaient de sang frais. Un nouveau coup de sifflet de la part de cette dernière renvoya cette fois pour de bon le félin au milieu des coussins brodés, où il resta enfin peinard et tout chargé d‘une indéfinissable mélancolie. Mettant à profit cette sénérité provisoire, Rastapharî déroula sur le sol le long papyrus du testament de Ramassidkouch, où s‘inscrivaient également les hiéroglyphes d‘une assurance-vie qui léguait à sa sœur deux millions de moutons, un million de chèvres, une belle maison de campagne en pays Hittite, six cent mille zébus et trois tonnes de bracelets en argent et en or, en plus de sa part de trône, puisque qu’elle était bien la mère de son fils unique. Tant que Néefièretarée serait en vie, elle ne serait pourtant pas l’officielle reine d’Egypte, mais simple mère de Moisi l’héritier. Un contrat obsèques avantageux autorisait également la construction d’une belle tombe de huit mille mètres carrés en cœur de falaise aux abords de Thèbes. Au moins, Schrèptètnuptèt n’aurait à-priori rien à débourser pour le creusement du caveau et le façonnage du beau sarcophage en cèdre. Quelques hoquets lâchés par le scribe en fin de phrase prouvèrent qu’en raison d’une morsure trop profonde, il avait vraiment mal. La reine par interim le congédia avant que son guépard n’en vienne à le trouer davantage. Rastapharî n’avait pourtant rien d’un mec croustillant. Elle se leva et tira un grand rideau rose pâle pour regarder par la fenêtre s’agiter six cent mille esclaves qui pataugeaient dans la boue afin de conforter à la pioche les berges du Nil, près d’une aire d’accostage.
 
 La vue de ces torses luisants marqués par les coups de fouet lui firent songer qu’elle devrait bientôt se trouver un mec. Un type insifignifiant et dénué d’ambition, qui ne lui ferait jamais de l’ombre, un fonctionnaire du genre responsable de cadastre, ou quelquechose du genre. Elle retourna près du mort qui cramponnait sur son ventre le sceptre sekhem, et autour duquel les domestiques moulinaient toujours à tour de bras pour chasser les mouches obstinées. Il lui sembla que le pschent posé sur le crane de son frère avait un peu bougé. De l’encens brûlait doucement près de la couche, en enveloppant le corps de volutes grises et fragiles. Schrèptètnuptèt se rappelait son enfance au pays Hittite en compagnie de cet homme qu’elle appelait Koukouch. Les deux gamins étaient alors bien loin de rêver aux pompes officielles, dont la conquête était passée pour sa sœur par des pompes officieuses. Elle grimaça un sourire un peu triste pour revenir au présent. Se voir riche et puissante ne la satisfaisait nullement. Elle n’avait plus de nouvelles de Mer-Amen Tesmich, peut-être que son esclave avait trouvé un obstacle sur sa route qui l’empêchait de mener à bien sa dangereuse mission. Une chose était sûre, Néefièretarée restait le dernier obstacle à vaincre avant d‘accéder au pouvoir absolu, mais fomenter troubles et grèves pour déstabiliser la pharaonne ne donnaient pas à ce jour le but escompté. La petite garce s’accrochait drôlement bien à son trône, mais elle le devait surtout au fait que l‘armée lui était plus que jamais favorable. Le général Merdenkorinnanâr possédait une autre envergure que les pauvres chefs de milice Thébaine qu’elle commandait, comme le prouvait l’éclatante victoire sur les Foufounais, dont Schrèptètnuptèt avait fomenté la révolte en sous-main. En tout cas, des grèves du genre de celle que la pharaonne affrontait dans le sud, sa belle-sœur saurait bien comment les mater, en envoyant vers les prolos à l’arrêt quelques compagnies de CRS, du Corps Royal Shardanes. Affublé d’un masque de chacal qui le privait de cou, le maître de cérémonie à l’image d’Anubis se présenta pour embarquer le défunt avec ses aides afin de l’embaumer dans la cave, son arrivée chassa les pensées moroses de Schrèptètnuptèt sur les vicissitudes de la carrière. Devant cet espèce de chien humain aux longues oreilles qui se tenait les bras croisés sur la poitrine et droit dans ses sandales, elle s’efforça de faire sortir encore pour lui quelques ultimes larmes de ses yeux. Son discours fut pourtant malgré elle entâché d’une certaine ironie :

 

– Salut, Jpeulfèr-Amémêmsou-Jedi. Ben à mon avis, quand tu vas essayer de trouver le cœur de mon petit frère, tu vas drôlement galérer !

 

https://zupimages.net/up/18/03/1d2c.jpg

 

Bon dimanche à tous

 

https://zupimages.net/up/18/03/d58u.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:45:09
n°47427788
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-10-2016 à 12:27:54  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/3x6l.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 16.

 

https://zupimages.net/up/18/03/esmg.jpg

 

A Mouyse, toute la cour fit la fête pour le mariage du roi et cela tombait bien, puisque l’ensemble du haut baronnage des fiefs alliés était présent au château pour préparer la guerre. Voilà pourquoi la corbeille de noces fut si bellement remplie. les seigneurs Geoffroi de Moumouth, Bertrand Dudéclin, Gilles de Kiess, bâton de la Raie, le sénéchal Vallombreuse Fouettequeue, et le marquis Savorgnan de Bésil, qui tous se mervoillaient en public d’une telle union, apportèrent de nouveau à l’occasion de nombreux gages de leur fidélité. Prenant l’appui sur ses béquilles, Madame la reine Marie Stetarte se déclara officiellement loyale épouse de l’Ovoïde Vazy Métoian LXIX, dans la basilique qui n’avait plus d’évêque et devant l’autel de Kramouille. Couronne scintillante d’alemandines et de vermidors sur la tête, Marie mordait le pouce de son mari chaque fois qu’il lui parlait, en toisant les vassaux venus lui renouveler leur allégeance à ce qui constituait dorénavant son propre trône. Peut-être croyait-elle au pouvoir pacificateur de l’amour pour décrocher les pendus qui foisonnaient plus que jamais en ville. Elle savourait surtout les effets physiques de la douleur et la violence des tourments que lui infligeait son bonhomme toutes les nuits, si tant que molt en pert de sa biauté. Car munie d’un collier de cuir garni de pointes acérées, elle subissait avec plaisir bonnes brutales vacheries et en redemandait toujours plus. Elle quémandait surtout les coups de cravache sur son petit cul, puisqu’il s‘agissait pour elle de vaillants morceaux de bravoure qu‘elle chérissait plus que tout. Alors que, délicieusement flagellée, elle s’essuyait après chaque vigoureuse bastonnade, Vazy prisait également ces exigences cruelles de la part de sa mie, fouettant ses fesses et ses épaules avec générosité, lacérations suivies par coquin rituel d’un échange de gnons réciproque. Les turbulences nocturnes de cette trépidante chambrée n’arrangeaient point les affaires de Robin qui boit et de ses amis, blessés tout comme lui dans leur fierté. La nouvelle reine si vilainement offerte à son odieux tyran les privait du combat autrefois nécessaire pour la délivrer. Mariée quand à elle au destin des chevaliers, Jeanne-Mireille d’Arc mêlait à eux ses plaintes amères, au sujet de cette monomaniaque de la tarte dans la gueule devenue reine de Mouyse et nouvelle maîtresse des lieux.

 

– Nous sommes dindons, disait-elle.

 

– Si fait, lui répondit Robin, en caressant la nuque de Perceval pour bien montrer son émotion de chef, il nous faut au plus vite récupérer l’Œil de dinde, cet objet de féerie que nous ne saurions laisser dans les mains de la tyrannie.

 

– Il est vrai, précisa le chevalier Braillard, que notre relique sacrée permet entre autres choses de parler aux animaux et d’écouter par magie derrière les murs.

 

– Prenons bien garde à nous, fit Yvan de Ladaupe, si nous échouons, nos corps se balancerons alors aux branches des tilleuls du Prinzipalmarkt, au gré du vent de cette maudite contrée.

 

– Personne ne fait avancer l’âne qui recule, ajouta Gauviens, allons-y d’un pas ferme et taillons !

 

Lors fu la joie moult grans par la saie Gauviens. Comme ils étaient tous pleins de force, de santé et de vigueur, il fut convenu d’agir le soir même. Partageant les battements du cœur subjugué par les liens purs de l’amitié, ils terminèrent leur bière en s‘accueillant à bras ouverts, et Guy Bouyave s’agenouilla humblement devant Robin. Plume de piaf au galure et collant vert-camouflage bien serré sur les cuisses, celui-ci leur montrait la voie à suivre. Il fut cependant nécessaire de monter quelque plan pour escobichier sans dommage le sceptre magique.

 

– Voilà donc, annonça Robin, pendant que Percevalve fera guet dans le couloir, j’irai avec Gauviens quérir notre trésor au fond du coffre qui le contient. Pendant ce temps, Jeanne-Mireille et Yvan fuirez aux écuries nous seller bons chevaux, et messires Braillard et Guy s’arrangeront pour nous ouvrir la petite porte percée dans ce château, elle conduit sur un pont frêle qui traverse la Louise. Il n’y aura là, si tant est que l’on trouve du monde à cette heure tardive, que de pauvres éclusiers qui ne sauraient nous effrayer. Avant que ne soit déclenchée l’alarme, nous fuirons au galop par la ville et quitterons sains et saufs ce traquenard, si Kramouille le veut !

 

– Nous n’aurons point loisir d’enficher nos épées dans le gosier du roi Vazy, Robin. C’est recroire bien piteusement au projet initial. Il me semblait que nous étions mobilisés contre la terreur qui opprime le peuple de Mouyse, sous le joug du terrible tyran que nous avions juré d’occire.

 

– Hélas, brave Yvan, certes, nous voulions combattre l’absolutisme du nouveau maitre de ce royaume en lui faisant personnellement rendre gorge, mais Marie nous a sottement trahi et il faut à présent plutôt penser à nous sauver d’ici sans tarder, puisqu’un siège imminent menace cette cité. Nous joindrons nos bonnes lames à celle du Fion, si nous pouvons plus tard rejoindre son armée.

 

Et c’est ainsi qu’après avoir ripaillé de bons vérons à la sauce d’anguille aux oignons, procédant par couples et tous vêtus de huques à capuchons, les bons moines guerriers allèrent s’employer à distraer les gardes des huissines qu‘ils devaient débarrer.

 

https://zupimages.net/up/18/03/x191.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:47:24
n°47444511
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 19-10-2016 à 16:29:14  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 37.

 

https://zupimages.net/up/18/03/zbct.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/lblm.gif

 

Rien ne peut être sauvé de cette catastrophe. D’après les données, Karela repère une ferme isolée à six lomètres, à condition de bifurquer radicalement de l’itinéraire conduisant à la base enterrée, qu’on ne parvient toujours pas à prévenir. Les lieutenants rebelles doivent cependant commencer à s’inquiéter sérieusement de ne pas voir revenir leur chef. Yoland commande un départ immédiat, sous peine de perdre Siguie et Jorg. Même en faisant ce choix, il sera sans doute nécessaire de piocher dans les réserves d’oxygène de tous pour les maintenir en vie. Dans l’univers désertique et doré qui les entoure, le piétinement se révèle harassant, à chacun de leurs pas lourds portés dans la mollesse du sable jaune. En face d’eux, l’horizon se sculpte de nombreuses dunes oranges aux pentes adoucies par le vent. Flash ferme la marche en silence, la brute semble perdue dans ses pensées inaccessibles. Soufflant de plus en plus péniblement tant le moindre effort lui coûte, Jorg lui trouve plus que jamais un air d’abruti. Pourtant très fatiguée elle-même, Siguiline se retourne en revanche à chaque instant pour porter un regard anxieux vers le colosse évadé. Tous cependant progressent dans la crainte de voir l’ennemi tomber brusquement sur eux. Tout à l’heure, deux minuscules Panzigs sont passés dans le lointain, petits points parallèles qui se sont éteints dans le ciel rose aussi vite qu’ils sont apparus. Sans qu’aucun d’eux ne l’ait avoué clairement, ils se savent vulnérables et probablement condamnés si les leurs ne viennent pas rapidement les chercher. Ils se rendent en secret à cette triste évidence, bien que ce territoire soit plus ou moins sous le contrôle des rebelles. La crainte les étreint un instant lorsqu’ils tombent sur une de leurs propres mines traçantes immobile, une grosse Level-1 que le sable enterre à moitié, mais ils savent que ces dangereuses saloperies sont temporairement désamorcées, selon les derniers ordres de Fanch. Le général Digoule s’était violemment plaint de leur usage au congrès, car pour lui, il s’agissait bel et bien de robots que les lois de la guerre interdisaient formellement. Conçue pour filer vers les blindés ennemis, la sphère mise en sommeil laisse ainsi passer docilement devant elle les petites créatures de chair et d’os qui s’en éloignent avec soulagement. Tout au contraire, ils croisent à mi-parcours un brouilleur actif fiché dans la roche qui vient plutôt les rassurer, puisqu’il permet en permanence le filtrage et le brouillage des ondes défédérées à leur profit. On procède à l’échange des bonbonnes épuisées de Siguiline et de Jorg, qui insufflent à pleins poumons ces cadeaux extraordinaires. Flash n’a cependant pas bougé pour offrir son air, mais seul Jorg se permet quelques réflexions sur l’individualisme de la bête de guerre. Phil et Jeff l’approuvent quand même silencieusement, en lui tapant sur l’épaule avant de reprendre l’épuisante randonnée. Dans le décor d’une grande désolation sur lequel la troupe trace un maigre sillon, un gigantesque terril de sable les informe enfin de la proximité de leur but. Les dômes de la ferme et les longs tunnels de ses serres se nichent en effet juste au pied du monticule artificiel.

 

– Quand bien même nous contrôlons le coin, ça m’étonnerait beaucoup que les péquenots nous reçoivent à bras ouverts, lance Jeff.

 

– On va les aider à se faire une vision réfléchie de leur avenir, lui répond Phil.

 

– Oui, fait Yoland, c’est toujours un problème d’avoir son petit chez-soi implanté sur les champs de bataille. En attendant, ces paysans sont notre planche de salut. Avec un peu de chance, ils apprécieront tout de même plus la bannière indépendantiste que celle du gouvernement.

 

– Ho, fait Jorg, en brandissant son Zenith Flash-Matic d’une façon menaçante, voilà dans ce cas de quoi servir parfaitement les moyens de leurs ambitions. Dans le cas contraire, pas besoin d’être sorti major de promo pour leur clouer le bec !

 

– Phil a lui aussi armé son Remco ST Phaser, mais il se contente de le régler sur le rayonnement paralysant. Il ne pense pas du tout que les ploucs puissent sérieusement les menacer.

 

Rien ne bouge devant le complexe disposé en étoile, autour duquel sont garés un petit nombre de véhicules civils aux usages variés. L’énorme végétation des tunnels ne sert pas à nourrir les humains, puisque les aliments de synthèse s’impriment désormais à la demande. Les serres ont simplement pour but de produire des plantes d’agrément provenant de la terre et des mondes lointains, afin de venir égayer les habitats martiens. Chaque dôme de particuliers peut ainsi, grâce aux cultures de ces fermes, abriter parfois lui-même de véritables et plaisantes petites jungles privées, tellement vitales au moral humain sur cette planète désertique. Derrière l’un des hublots d’un des dômes composant cette oasis fertile, ils aperçoivent les visages de quelques enfants souriants. Un père serre les épaules de sa fillette, une femme tient un bébé dans les bras. Karela s’émeut de la beauté paisible de ce groupe humain, elle a un instant le sentiment de retrouver le chemin de la vie. Ces sourires innocents déroulent au fond d’elle-même le fil rassurant d’une étrange spiritualité. En dépit de tous les progrès médicaux accomplis depuis l’avènement de la colonisation galactique et l‘essor des défédérations, sa propre mère était morte au cours de son accouchement, laissant son père mineur l’élever seul et pourvoir à son éducation. Parti un jour prospecter pour la SLG dans le secteur difficile appelé Nereidum Montes, il avait confié sa fille pendant trois années à la garde des habitants d’une ferme semblable, aujourd’hui détruite par les combats. Depuis son début, la guérilla se paie d’énormes dommages collatéraux. En tout cas, Karela s’était vu très jeune cruellement séparée de son père, bien entendu, mais elle avait trouvé au sein des dômes agricoles la chaleur familiale d’une bienveillante communauté. Voilà pourquoi, en l’assaillant de souvenirs poignants, cet endroit isolé l’envahit plus que les autres dans un charme profondément nostalgique. Ses yeux se perdent dans la jouissance esthétique que lui procure la vision de toute cette végétation enclose qu‘elle devine. Fanch connait bien cet épisode heureux de la vie privée de son amie, il espère juste très fort que leur venue chez eux ne bouleversera pas dramatiquement la vie paisible de ces paysans. Sous les grands tunnels transparents et arborés qu‘il sont en train de longer pour accéder à l‘un des sas d‘entrée, il distingue un chat qui lape dans un petit canal, plusieurs lapins et voit même quelques chèvres terriennes en liberté qui courent au milieu des lopins de terre savamment ordonnés. Phil se tourne vers Jorg en lui montrant les animaux blancs du doigt, lorsque le petit troupeau se rapproche d‘eux par curiosité :

 

– Eh pas mal, t’as vu Jorg, c’est chouette l’ambiance, non ?

 

– Ouais, cool, sans doute, mais un objectif plutôt fragile, moi je te dis.

 

Comme beaucoup de ses semblables, ce complexe isolé forme un véritable village où les habitants se partagent toutes les corvées. Les contrées martiennes dans lesquelles ils sont implantés sont souvent si éloignées que cela leur permet d’afficher une certaine indifférence au conflit en cours. Ce sont à présent de sévères visages d’adultes que le groupe des indés aperçoit par l’ovale d’une nouvelle fenêtre en Shellglass. D’autorité, Flash Gourdin vient tout à coup de bousculer tout le monde pour être le premier à commander avec sa main robotique l’ouverture du vestibule, sur le seuil duquel les rebelles se tiennent raides et l’arme au poing.

 

https://zupimages.net/up/18/03/p6jm.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:49:37
n°47463743
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 21-10-2016 à 09:48:59  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Jet larguée - Extrait numéro 11.

 

https://zupimages.net/up/18/03/u17o.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/9hkq.gif

 

– Flight Number PJ612PK, company Petro Jelly, ground Speed 852 km/h - 529 mph, commandant Steven Eight, la quarantaine au blond grisonnant, yeux bleus, squawk 7700, communiqua aussitôt Steve pour avertir le sol de l‘incendie. Une petite musique le força à patienter un instant.

 

– Oui ? ne quittez pas, je prend votre appel, c’est à quel sujet ?

 

– Pan, pan, pan, j’ai le feu dans mon engin.

 

– Ah oui, lui fit le type du radar qui était justement en train de relire l’intégrale de Buck Danny, elle est mignonne, au moins ?

 

– Sérieux, mec, engine two failure, moteur deux en feu, ça crame ! Je viens de me prendre un poney dans le réacteur. Panne, panne, panne, si tu aimes mieux.

 

– T’aurais pas plutôt fumé de la beuh ?

 

– Merde, non, un poney rose, je te dis. Bon, je réduis la charge IDG.

 

– Ah bon, c’est grave, alors. Du coup, c’est mayday, mayday, mayday, quoi, valait mieux le dire tout de suite. Bon, d’accord, déconnecte en emergency, Genn 2 off.

 

–  Ok, bissotwo, Oscar, François, François. Fire Switch actionné.

 

Un simple coup d’œil de Jack-André lui prouva que les flammes vives léchaient l’aile de l’avion avec plus d’ardeur que Summer n’en mettait avec son Vénézuélien, ce qui n‘était pas peu dire. Sous eux, il n’y avait que le grand océan, à perte de vue, et cette immensité ne déroulait à l’infini qu’un uniforme tapis de vagues endiamantées par les rayons d‘un soleil cuisant.

 

– Bon, PJ612PK MAYDAY, vous avez donc un organe réputé défaillant, fit le fan de BD vintage en ricanant peut-être, commandant Height, qu’elle est votre intention ?

 

– Pour l’instant, trajectoire en clairance et mon petit robinet effectivement fermé, mais je demande un atterrissage d’urgence avec N-1.
 
– Je voudrais pas vous faire de la peine, les gars, mais vous êtes au milieu de nulle part, quasiment point Nemo. Comme qui dirait Land As Soon Impossible, quoi. En tout cas, n’oubliez surtout pas d’être plus rapide que le feu, hein ! Lui rêvait surtout de retourner au plus vite vers sa réédition exceptionnelle des Tanguy et Laverdure. Mais, bon, il ne doutait pas du professionnalisme du pilote et gardait néanmoins le contact étroit avec ce zinc en feu, au sujet duquel il déclencha une alerte de bon aloi.

 

Steven bataillait comme un fou avec le manuel QHR, dont les pages étaient collées entre elles, car Jack-André les avaient abondamment badigeonnées de liquide effaceur, puisqu‘il n‘était pas toujours d‘accord avec les procédures. Finalement, histoire de consommer par prudence plus de fuel, le captain mit plein gaz en zigzagant habilement pour que les flammes épargnent le reste du fuselage. Ce faisant, en raison d’un virage un peu brutal, il renversa le café de Kurt toujours assis dans son dos et décida également de perdre de l’altitude, tout en redoutant peut-être, sans le dire à personne, la rencontre de l’aéronef avec un second poney. Côté passagers, l’effroi était naturellement à son comble, puisque tous pouvaient constater qu‘on n‘était plus dans l‘easy voyage. Pas besoin de preuve par neuf pour savoir qu’on courait à la catastrophe, il suffisait de regarder par les hublots la longue torche menaçante qui fusait sous l‘aile. Si la mer était calme à peu agitée, tout le monde à bord était en train d’hurler. Personne heureusement ne s’était détaché et à ce niveau-là, Shirley pouvait souffler. Summer avait pour une fois éteint le bal des hormones, la pauvre montrait un visage dévasté. Kinni souffrait d’une soif inextinguible, mais comme sa formation d’hôtesse lui avait appris à anticiper le pire, elle s’abreuva d’une petite fiole de cognac qu’elle portait discrètement sous sa jupe. Dans son malheur, Steward se réjouissait du fait qu’en cas de crash, Shirley ne lui survivrait pas. A l’étage, Pamela se repassait mentalement en boucle l’explosion de la navette spatiale Challenger. Elle rapprocha du pied le sac contenant son chien, puis s’attacha à rassurer du mieux possible le chihuahua effrayé par le tumulte ambiant, auquel il rajoutait l’horrible concert de ses aboiements. A ses côtés, digne et toute remplie d’une certaine noblesse, la belle Wanda se contentait de mordre au sang ses lèvres ravissantes. Kim se leva en bravant la consigne pour appeler Kurt, afin de savoir si son aide serait nécessaire pour épauler les manœuvres des pilotes dans le cockpit, il répondit peut-être, mais pas tout de suite. Légèrement contrariée, voir vexée, elle retourna s’asseoir à sa place. D’une manière générale, ce vol vers le Boukistan se montrait décidément bien trop riche en anecdotes, au goût de tout le monde. La plupart des passagers auraient préférés mourir chez eux plutôt que dans ce flambeau d’acier rendu instable par les efforts d’un commandant plus que nerveux. Le contexte ne jouait cependant guère en sa faveur, quand bien même l’incendie eut l’air de s’atténuer petit à petit. Ceci-dit, on descendait par la volonté du commandant, mais la nuance était grande, on ne décrochait pas. Un commentaire audio du bédéphile vint cependant les mettre en joie pour leur donner une lueur d‘espoir dans cette sinistre affaire. D’horribles grésillements vinrent perturber un instant la séquence radio de la sentinelle du ciel, car la région que le long-courrier traversait était effectivement fort isolée du monde civilisé et de la moindre terre habitée. Steve tendit l’oreille car la communication était presque inaudible.

 

Crouic…crouic… PJ612PK MAYDAY, le gouvernement Russicain vient d’être prévenu, vous avez du bol, il met à votre disposition une île sur laquelle est implantée l’une de ses bases secrètes désaffectée, mais qui possède une vieille piste d’atterrissage. En revanche, ce sera court et certainement pas en très bon état. Crouic… crouic… Sans parler du fait que les secours ne seront pas près d’arriver vers vous !

 

– C’est si paumé que ça ?

 

– Carrément, crouic… crouic… mais c’est surtout que la Russique rechigne à endosser seule les frais de votre sauvetage. On vous tient au courant. Un représentant des proches de vos futures victimes vient d’être tiré au sort par la Petro Jelly, comme vous le savez réputée pour l‘excellence de ses interviews médiatiques. Pour l’instant, crouic… crouic… gardez les ailes à plat tant que possible, déroutez et préparez-vous à atterrir en urgence, je vous file les coordonnées de la base Russicaine, il va sans dire hautement confidentielles. Vous avez interdiction de les divulguer à quiconque, évidemment. Crouic… crouic… Bien reçu ?

 

– Bien reçu, enfin si on veut, crouic… crouic.

 

Steve, qui venait de craquer les coutures de sa chemise blanche à force de s’agiter, égrena à haute voix longitude et latitude précises, que Jack s’employa à griffonner soigneusement sur un calepin. Le jeune officier avait un peu de mal à écrire, en raison des trépidations éprouvantes de la machine qui entamait sa descente forcée. D’ailleurs, à force de regarder son voisin tressauter sur son siège autant que lui-même, le copilote en attrapait réellement la nausée. L’océan les narguait à 8006 pieds. Comme on venait de s’écarter de la routine silencieuse, dans tout le cockpit, les alarmes crépitaient et couinaient, et une multitude de témoins illuminaient le tableau de bord façon sapin de Noël, on nota au passage que sans faillir, l‘horloge indiquait 08 h 33. Toutefois, le feu semblait s‘éteindre enfin, mais ils avaient dépensé énormément de kérosène. Vraiment, ils n’avaient guère d’autre choix que de se poser rapidement sur cet îlot de merde.

 

https://zupimages.net/up/18/03/3iyg.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:52:01
mood
Publicité
Posté le 21-10-2016 à 09:48:59  profilanswer
 

n°47481028
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-10-2016 à 11:58:49  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith - Extrait numéro 30.

 

https://zupimages.net/up/18/03/gihu.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/voie.gif

 

L’acrobate se jouait des gouttières, riant d’échapper aussi facilement à ses poursuivants, les poulets pouvaient toujours bloquer les rues, il filait à l’anglaise trop rapidement pour eux. Riche idée d’avoir incendié la baraque, sans ça, il aurait fallu se battre et peut-être que le cuit, ce serait lui à cette heure. Comme quoi, un second couteau pouvait démontrer quelque suite dans les idées. Gros Bill s’était chargé des deux autres souris, mais lui, il s’était réservé la Gypsy, une parfaite beauté. Il avait forcé facilement sa porte et bon dieu, il était tombé sur la charmante en nuisette, bien plus excitante en réalité que ne le révélait sa simple photo ! Bien sûr qu’il l’avait violé, forcément, une gonzesse pareille, tu parles. Il ne voyait pas en quoi un viol l’aurait empêché d’atteindre son objectif final. Avec tout juste un peu de retard, peut-être, et alors ? Il n’allait quand même pas se palucher sur le cadavre de la miss en déshabillé, au lieu de la secouer sans détour alors qu‘elle respirait toujours. Et puis, dans une pareille discussion, il ne voyait pas avec qui il aurait réellement à débattre du fond, ou se fendre d‘un communiqué dans la presse sur ce qu‘il aurait du faire ou ne pas faire, avant d‘enfoncer sa lame dans la petiote. Tu penses si Gros Bill allait se focaliser sur un tel détail concernant la mission pour le lui reprocher, au lieu d’admettre ce qui avait fonctionné ainsi que prévu. D’ailleurs, on pouvait parier qu’avec la chanteuse et la danseuse, le gros sac ne s’était pas gêné. Pour descendre du muret qu’il venait de grimper, il fit un sacré bond, se releva aussitôt et continua de courir en défiant toute prudence sur les toits zingués. Un espace pas forcément hostile, d’ailleurs, pour un type un tant soit peu agile. Sa chemise à gros carreaux était trempée de sueur. Le quartier nord de la ville s’étalait sous ses pieds, avec bien caché dans la multitude de ses habitations son lot de bonheur et de douleur, rarement mêlés. Sur le dernier point, en raison des méchants coups de ceinture endurés de la part de son vieux dès son plus âge, le fuyard pouvait valider. Les transports publics faisaient chier le monde libre dans la rue, en provoquant subitement un bouchon de bagnoles dans la rue la plus proche. Quelques badauds sur les trottoirs le regardaient passer d’une couverture à une autre, en levant le doigt comme des cons. Coucou mémé, regarde, c’est le ramoneur qui se ballade là-haut, vu que l‘été, c‘est maintenant terminé ! Les rues adjacentes semblaient encore indifférentes. La main du tueur caressa le long tuyau en béton d’une antique cheminée à la peinture écaillée. Prenant sa respiration pour se laisser le temps de cogiter, il abandonna une tentative d’escalade sur la gauche, trop pénible, retourna sur ses pas en évaluant les balcons, trop bas, puis il passa sur un autre versant, se laissa glisser doucement sur le ventre, avant d’atterrir sur le faîtage étroit d’une mansarde. Il sauta à pied joint sur sa petite sœur d’en face, et puis encore une autre, et encore une troisième, c’était vachement haut, pas mal périlleux et carrément crevant, mais cette acrobatie spectaculaire lui donna accès à un toit plus bas, une belle et longue surface métallique percée de nombreux vasistas parfois entrouverts. Voilà ce qu’il cherchait. Il se cramponna au rebord de béton et se laissa chuter, effarouchant ainsi un bouquet de pigeons gris qui le fuirent à tire-d’aile pour survoler les toitures. Ensuite, il se dirigea avec empressement vers la première fenêtre béant sur la pente. Ras-le-bol de ce parc de loisir improvisé, il avait largement distancé les flics et voulait à présent retrouver la rue au plus vite. Il hâta sa cavale. Lorsqu’il fut presque au bord d’une ouverture, une plaque, un truc, enfin la surface mesquine sur laquelle il posa le pied céda sous son poids. Il chuta dans l’appartement avec une lourdeur de pierre, heurta durement une table avant d’atterrir au milieu d’une chambre bien meublée, où une nana dans un lit faisait des cochonneries avec son beau-père, c’est des choses qui arrivent. Sous le regard ahuri des deux partenaires emboîtés, Sugar Daddy resta allongé de tout son long sur le tapis, jambes et bassin brisés. Il souffrait tellement qu’il ne pensa même pas à coller son Mauser sous le nez de la fille à poil qui se penchait sur lui avec un air affolé. La différence d’âge sautait aux yeux, un couple forcément pas très moral au yeux du mari de la petite, mais le beau-père devait s’en foutre du scandale provoqué par le fait de câliner sa belle-fille, puisqu’il appela les pompiers immédiatement. Sugar Daddy ne moufta pas, il endurait un atroce martyr au moindre mouvement. Lorsque tu penses qu’un être aussi débile qu’un foutu pigeon sait voler à peine qu’il est né, ça fout les boules.

 

Gilbert Tricard buvait du petit lait. En interrogeant l’équilibriste, il allait enfin s’offrir des informations de première bourre sur le meurtre des girls. Il filait avec Angèle vers l'hôpital où Sugar Daddy se retrouvait immobilisé, placé en isolement par la police. En dépit d’un cahier des charges strict qui fermait sa porte à clé et plaçait deux gardiens devant, la chambre du tueur jouxtait celle d’un type du gouvernement, un très vieux membre du Sénat du nom de René Rupin, à qui l’on venait de retirer la prostate, en plus de trucs plus accessoires à sa survie. Ce type de la Haute Assemblée n’était pas blanc-blanc, en dépit d’avoir été au cours de sa carrière garde des sceaux et ministre de la justice, mais mis en cause dans les magouilles occultes et juteuses d’une société civile immobilière. Une affaire à l’époque émaillée de suicides en série.  Bon, la petite Angèle était pas née lors de ce scandale et de bien autres casseroles judiciaires accrochées au cul de Rupin, mais mafieux politique un jour, politicard mafieux toujours, c’était l’avis ferme de Teddy Lafouine. L’inspecteur ne savait pas au juste si les loups se mangeaient oui ou non entre eux, mais il avait le sentiment que le Sénat érigeait la tanière idéale pour abriter un chef de meute. Les notes de frais autorisaient au vieux schnock l’emploi d’un garde du corps présent à l’hôpital à ses côtés, et ce type habillé en noir était sans doute ravi de se voir par hasard épaulé par les deux flics ordinaires chargés de surveiller Sugar Daddy. Voilà pourquoi, en raison de cet environnement ultra sécuritaire, ce dernier n’aurait pas dû recevoir une balle dans l’abdomen.

 

Teddy et Angèle restèrent comme des cons devant le cadavre emplâtré du malfrat, se contentant d’écouter les explications techniques du toubib qui procédait aux explications post-mortem, puisqu’il ne voyait plus rien d’autre à faire. Un oreiller posé sur le bide du truand avait semble-t-il grandement atténué le bruit du coup de feu. Evidemment, l’homme en blanc réfugié dans son art était tout sauf à l’aise.

 

– L’énorme diamètre de l’orifice de pénétration et sa forme circulaire nous assure d’un tir perpendiculaire, à bout portant, regardez, la collerette abrasive rougeâtre…

 

– Bon, ça suffit, docteur, on s’en fout, fit Gilbert sans chercher à masquer sa colère. Un tel meurtre n’aurait jamais dû se produire ici. Sortez-moi la balle de ses tripes et ne la paumez surtout pas, parce que maintenant, avec vous, je m‘attend à tout.

 

Fou de rage, il alla retrouver Angèle qui interrogeait les deux flics chargés de surveiller la piaule du client. Ils se trouvaient naturellement dans leurs petits souliers. Normal, ils venaient de s’enfoncer dans une merde noire jusqu’au cou. Un petit message de la maison poulaga imprimé sur le seul recto allait bientôt leur signifier une révocation en bonne et due forme. Teddy se passa des poignées de mains, il avait en fait plutôt envie de les torturer. Un éclat de voix traversa subitement les murs en alertant ses oreilles, puisque du fond de son lit, le Sénateur Rupin tout juste informé s’offusquait sans détour auprès de son gorille d’un tel manquement à toute sécurité. Le vieux grigou chiait peut-être dans son froc, mais c’était bien normal, après-tout.

 

https://zupimages.net/up/18/03/o0n9.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/03/136c.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:55:43
n°47513632
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 26-10-2016 à 11:07:18  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou - Extrait numéro 19.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/ceda.gif

 

Le mardi 4 avril 1967, fête de Saint Isidore, marquera une date véritablement tragique dans la vie de Gaston Boudiou. Alors que les B52 américains bombardent le Vietnam au son de Jimi Hendrix et que la France du général de Gaulle s’équipe rapidement en postes de télévision pour regarder Guy Lux, le blessé est transporté en ambulance à l’hôpital de Bripue. Quand à lui, l’abbé Julio est mort sur le coup, rappelé à Dieu pour qu‘ils puissent discuter un peu tous les deux, trente secondes seulement, vu qu‘il y a pas mal de défunts qui attendent derrière. D’après le nouveau patron du garage Fina installé à l‘entrée de la ville, sa Zündapp semble pouvoir être récupérable, après quelques réparations. Le chauffeur de la bétaillère, effaré d’avoir provoqué le double accident, a immédiatement fait son possible pour appeler les secours et calmer ses vaches énervées par l‘arrêt du camion. Marie Tafiole, la jolie vendeuse de la boucherie Napoléon, confondue autrefois par Gaston avec la Vierge Marie, a fait du chemin en cinq ans et ne s’est finalement pas mariée avec Gabriel Gromanche, cet enculé de salaud qui vient de monter son propre garage Fina. Elle a entamé des études d’infirmière et travaille désormais à l’hôpital, où l’on prend le jeune Boudiou en urgence pour le placer en réanimation. Un afflux saisonnier de pèlerins tombés des falaises de la carrière miraculeuse provoque un tel afflux de patients, que l’occupation des lits de l’établissement oblige les docteurs à en garer pas mal dans les couloirs. Prouvé par les radiographies, le traumatisme crânien reçu par Gaston est grave, et le pronostic du médecin qui l’examine est très réservé, on ne sait si le blessé sortira rapidement du coma. Ernestine et Angèle, effondrées, ont pris le car pour quitter Troulbled et se précipiter à son chevet en pleurant, alors que pépé Alcyme est resté à la ferme pour réparer un vieux hangar malmené par les pluies récentes. Avant de partir, la vielle fermière a griffonné à la hâte un mot d’excuse pour justifier l’absence prolongée de son petit-fils au collège. Pendant ces heures tristes et redoutables, la police enquête sur le drame de la route et la ville de Troulbled se prépare à enterrer dignement son curé instituteur, pleine d’espérance dans le prochain.

 

Mais en dépit du terrible choc qu’il vient de subir, Gaston vit toujours et son cerveau fonctionne pas trop mal, en dépit des apparences. Il explore même des notions étranges, telles que la capacitance, la diélectrique, la cinétique, la luminescence, la gravité, la relativité et sans qu’il en soit conscient il invente, mais manque hélas de le livrer au monde, un formidable prototype de porte-manteau à système défroissant. Indéniablement, son accident lui offre d’incroyables opportunités de réflexions, puisqu’il est temporairement débarrassé des contingences communes inhérentes au besoin d‘exister. Ces petites mécaniques d’habitudes de penser quotidiennes, en général si néfastes à tout bon développement personnel. Intubé, insufflé, perfusé, surveillé nuit et jour, Gaston est livré aux bons soins de l’infirmière Marie Tafiole, laquelle se charge de tous ses besoins pour le maintenir en vie. Le vélo qui n’a pas souffert de la chute sera récupérable plus tard auprès des gendarmes, mais l’hôpital confie d’ors et déjà le paquet de Bonux et la revue Cinemonde aux deux parentes du patient, lorsqu’elles se présentent à l’accueil pour visiter l’infortuné. Elles ont patiemment entendu les explications des docteurs qui voudraient se rendre rassurants, puisque plus longtemps Gaston restera dans le coma, plus les tarifs des soins seront régressifs. Néanmoins, elles s’échangent un regard poignant, car la vision du pauvre enfant allongé inerte dans son lit leur cause une peine immense. Les larmes aux yeux, aussi droite et digne qu’une future reine guillotinée, Ernestine se promet de rapporter des fleurs la prochaine fois et, peut-être pour masquer quelque menue faiblesse suscitée par son chagrin, Angèle s’assoie sur une chaise pour se réfugier dans la lecture assidue de son magazine. Chaque respiration de Gaston ne peut cependant pas être considérée comme victorieuse, l‘ambiance est certes familiale, mais nullement réjouissante. Les pauvres femmes ne peuvent que rêver en vain de voir le calme dormeur exécuter devant elles quelques contorsions bienheureuses au milieu des draps. Une pensée illusoire, de toute évidence, mais elles se raccrochent au diagnostic optimiste des médecins, qui leur recommandent de ne pas perdre espoir, avant d‘encaisser les billets de la caution. Lui ressent la chaleureuse présence des femmes de sa vie dans la chambre où une serviette sèche sur le radiateur, mais bien sûr, comment pourraient-elles deviner qu’il vient de recevoir dans ses connexions neuronales quelque sympathique révélation sur ce que les anglais appellent explicitement le Zéro-Point Energy ?

 

Dans la gare routière, le chauffeur du bus de Troulbled fait ronronner son moteur qui fait vibrer toute la carrosserie. Il s’affaire auprès des soutes ouvertes pour caler les valises d‘autres passagers, mais comme Angèle et Enerstine n’ont pas de bagage, elles s’installent directement sur les sièges en skaï brun. Le conducteur mouline son volant pour sortir de Bripue et allume la radio, on se rend alors compte par la voix presque enfantine de France Gall qu’Annie aime plus que jamais les sucettes à l’anis. Angèle est gênée par le regard salace que lui lance en permanence le type de la quarantaine dans le rétroviseur. L’adolescente lui trouve une gueule de fruit de mer pas frais. La toute nouvelle station RTL révèle à présent que Jacques Dutronc « aime les filles », puis fait un commentaire sur la prochaine démolition de la gare Montparnasse. Fuyant les yeux pervers du bonhomme qui la regarde plus que la route, Angèle replonge dans sa revue et tombe sur un appel à participer au prochain concours de Miss Blonde. L’article alléchant lui fait l’effet d’une bombe éclatant au creux de son estomac, bien qu’elle soit trop jeune pour espérer y participer, mais elle reste fascinée par une telle opportunité pour ne plus rester anonyme. Il faudra bien qu’un jour elle ose monter à Paris pour que le monde puisse la découvrir, à l’exemple de cette belle nana en maillot de bain rouge qu‘elle est en train d‘admirer. Elle devrait ce jour-là trouver le bon parfum. La pauvre Ernestine se perd quand à elle dans le paysage qu‘elle regarde sans le voir, elle a tant de peine en pensant à Gaston, son petit bonhomme qu’elle élève depuis le décès tragique de ses parents. La large vitre du car n’aligne que des champs verts à perte de vue, puis une mince rivière où s‘ébattent des colverts en sursis d‘être chassés, le viaduc de Pleurotte-les-Bois, des maisons de granit éparpillées. Les larmes aux yeux, mémé, saisissante statue silencieuse, se prend à prier dans sa tête pour le réveil rapide de son gosse de l’amour, terrassé par un stupide coup du destin. Il passent devant le manoir du baron de la Tronchedecon, puis devant l’immense terrain qui le jouxte, transformé en pharaonique terrain de golf par son riche propriétaire, amateur éclairé de drive, de putting et de swing. La route passe aussi pas très loin de l’ancienne ferme de papi Léon rachetée par le notable, mais dont les terres sont à présent envahies par les tipis colorés des amis drogués de Marie-Charlotte. Hélas, un nouveau drame va venir endeuiller la grand-mère et sa petite-fille lors de leur retour à la ferme. Elle reviennent de Troulbled à pied par l’habituel chemin creux, mais lorsqu’elles pénètrent dans la bâtisse en pierre, Alcyme ne s’y trouve pas. Comme Enerstine propose de faire un café pour toute la maisonnée, Angèle part à la recherche de pépé et se dirige vers le hangar écroulé, puis s‘affole tout à coup, car elle trouve son grand-père allongé sur le sol sous un pommier, terrassé par une crise cardiaque. Malheureusement, il est trop tard pour sauver l’ancien poilu et lorsque la jeune fille court prévenir Ernestine, c’en est trop pour elle, la nouvelle manque de la faire trépasser à son tour.

 

https://zupimages.net/up/18/03/6na8.jpg
 


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 12:57:31
n°47528546
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-10-2016 à 14:51:15  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/77d8.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil - Extrait numéro 65.

 

https://zupimages.net/up/18/03/iw4t.jpg

 

Posé à poil sur la table et prêt à être disséqué en vue de sa momification, Tahosétlafer-Ramassidkouch se rappelait très bien de ce maître embaumeur en train de le charcuter, ce chacal avait les mains moites. En tant que vizir à la cour de Néefièretarée, Tahosétlafer avait même très bien connu cet officiant lorsqu’il était encore vivant. Ce Jpeulfèr-Amémêmsou-Jedi, prêtre associé au palais mais en réalité originaire de la ville de Memphishpamal, était bien celui qui avait expérimenté quelque nouveauté dans son art, ce qui avait provoqué l’incroyable résurrection du mage. Grâce à la puissance de ses évocations et l’usage innovant du paprika, Tahosétlafer était en partie revenu à la vie, avant de retourner pour vice de formule dans les bras d’Osiris. Tout ce qu’il avait gagné dans cette renaissance se résumait à incarner désormais deux existences étroitement enchevêtrées et le besoin impératif de se défouler, afin de satisfaire sa surnaturelle ascendance, dans le meurtre en série des fellahs sans dents. Le seul point positif de sa nouvelle condition était peut-être d’y avoir gagné une certaine bi-culture en intégrant deux personnalités, l’une provenant d’un roi Hittite et l’autre d’un prêtre Egyptien, le premier dévoré d‘ambition et le deuxième ivre de vengeance. A la vérité, la chose engendrait plutôt un gros bordel dans sa tête de momie réincarnée, finalement plus homme que divin, et au final plus tellement devin. Et voilà qu’à présent, il allait devoir subir avec un brin de stress une deuxième dissection sacrée, sous la direction délirante du même enfoiré de canidé. Délaissant leur thé à la menthe, les embaumeurs, dont chacun à l’instar de leur patron portait sur la tête le masque d’un dieu, s’affairaient aux préparatifs de leur rituel puant et c’était peu de le dire. En s’exécutant au milieu des tapis et des gros poufs, ils prendraient tout leur temps, puisque la Trésorerie Générale du palais avalisait complètement le budget de l‘opération funéraire. Le type d’incision que le mec à tête d’Horus s’apprêtait à pratiquer en ouvrant le bidon du macchabée ne pouvait cependant guère se confondre avec une quelconque ouverture culturelle. Avec intérêt, application et sans doute une grande curiosité, l’un des prêtres pratiqua le déballage des organes internes en suivant le protocole, dont le cerveau fit l’objet de la première sortie. Avec une lucidité qui ne manquait pas de courage, il utilisa pour ce faire un long crochet de fer qu’il passa par les narines, puisque avoir du nez, c’est habituellement avoir de la cervelle. Il tira d’un coup sec, fuyant peut-être un poil l’artistiquement correct, et balança le cerveau dans la pièce à qui voudrait bien le ramasser. On eut quelque mal à le retrouver dans la pénombre de la cave, ce qui prouva que l’esprit de Ramassidkouch ne brillait guère en société. Sous le regard bonasse du Maître Anubis levant haut les bras, on procéda ensuite à l’extirpation du reste, foie, tripes, poumons, estomac, enfin tous les organes vitaux à l’exception du cœur, qu’effectivement, personne ne trouva. On nota au passage que le foie du pharaon était dans un état plus que lamentable, à cause des graves excès de bière et des pâtisseries orientales. Comme la chicane était souvent de règle entre embaumeurs, il y eut quelques querelles sur des questions de coloris, à propos de la couleur effective du pancréas dilaté, et puis on colla tout ce qu’on avait trouvé dans de petits pots de faïence bleus. Ces vases canopes renfermant ses boyaux constituaient de cette manière l’apport spécifique de Ramassidkouch à son peuple et à sa civilisation. Une fois mené à bien ce travail de mise en valeur d’un fond d’organes unique en son genre, on bourra le grand vide laissé dans le corps par de la filasse de plombier, de la sciure et des vieux pagnes recyclés. Du sel, du poivre, du paprika et puis les prêtres s’engueulèrent pour de bon, parce qu’on avait oublié de laver et d’épiler le cadavre en début de manœuvre. On se traita de Corses et de Phéniciens, on botta le cul du mec avec un éventail tout spécialement chargé de la ventilation nomade à froid, et puis on se calma, avant de remplir jusqu’à ras-bord le mort éventré de bois de cade, de cyprès vert et de sauge sclarée.

 

Pourtant, nullement satisfait, Jpeulfèr-Amémêmsou-Jedi qui se faisait toujours fort d’innover, décida de rendre caduques les ouvrages d’anatomie de ces crétins étrangers d’Anaxagore de Clazomène et de Diocles de Carystos. Alors que les déchets intestinaux transitaient dans leur vase respectif, il ordonna que l’on procède à la nouvelle recette qu’il venait de mettre au point, afin que les doubles principes spirituels « Akh » et « Ba » du défunt puissent se libérer convenablement. Le futur momifié enfin lavé, équeuté, on creusa la pulpe qui restait à l’intérieur du cadavre avec une cuillère. Sur la peau, les prêtres firent un badigeon d’huile d’olive, puis laissèrent cuire leur patient 45 temps de clepsydre à feux doux. On dégorgea un instant le mou à l’eau tiède. On trouva finalement le cœur par hasard, on le fit revenir, on le saupoudrea de persil haché. On lava et gratta la langue, on la fit cuire un peu, avant de la fendre en longueur et de la placer en couronne sur la tronche émaciée du roi. On laissa bouillir doucement, pendant qu’un prêtre-lecteur prononçait les formules sacrées, entrecoupées du chant sacré intitulé « Marie-Madeleine a des pieds de cochon » et reprit en cœur à voix haute par toute l’assemblée. On enleva pour finir les poils restants avec un petit couteau de bronze, on piqua de place en place en faisant rouler les jambons, avant de terminer en mouillant avec du vin blanc et un demi-verre de bouillon. Jpeulfèr-Amémêmsou-Jedi fut bien obligé de s’arrêter là, puisque malgré l’ardent désir qu’il formula, ses assistants étaient crevés, et aucun ne se portait volontaire pour désosser le trépassé. Toute ces premières étapes étant conclues, on posa le corps enveloppé de papyrus dans un moule provisoire en bois que l’on couvrit de grosses pierres pour bien presser, puis on le laissa ainsi mariner jusqu’au lendemain, bien rangé dans un endroit frais. Jpeulfèr-Amémêmsou-Jedi semblait très content de lui, le frère et l’époux de Schrèptètnuptèt n’aurait pas le temps de faisander. Les prêtres éteignirent les lampes à huile de la cave, en se permettant au passage quelques ultimes reflexions sur ce blanc bien monté. Et puis, pour se détendre, tout le monde se rendit dans la maison à bière nouvellement installée dans Thèbes et qui était paraît-il un bordel fameux.

 

Allongé dans le noir et laissé à lui-même, Tahosétlafer-Ramassidkouch pouvait se permettre de souffler un peu, enfin façon de parler. L’incontournable séance qu’il venait de subir l’avait fort éprouvé. Pour le malchanceux fantôme qu’il était, sa seconde mort n’était décidemment ni paisible, ni douce, et encore moins confortable. Ombre tourmentée atteinte d’une triste paralysie, son nouveau corps martyrisé n’était à présent que douleur et son esprit divaguait plus que jamais, dévoré de multiples questions existentielles. Bien qu’il devait se taire et ne pouvait plus agir, cela ne prouvait pas qu’il était sans pensées. Si on ne savait pas qu’il était mort, on aurait pu le confondre avec une simple nature trop fortement introvertie. Mais par la grâce d’Isis, la vie triomphait en lui et reproduisait encore jusqu’au fond de ses deux âmes toute la palette des émotions d’un vivant, provisoirement bloqué dans sa spontanéité. Ainsi, bien que son temps fut en apparence passé, il n’allait jamais vieillir, mais il devait attendre et guetter le bon moment pour voler une nouvelle identité, en espérant ne pas tomber sur un coiffeur décoloré. Comme englué dans une pénible insomnie éthylique, il supporta les atroces relents des différentes substances chimiques en surdose que les prêtres venaient de lui faire bouffer. En tant que Tahosétlafer, il s’était pourtant glissé avec beaucoup de finesse et d’élégance dans le corps de Ramassidkouch, avant de se muer en ogre insatiable et tueur de paysans. Il se demandait ce qui avait cloché dans les rouages mystérieux des desseins d’Osiris qui le condamnaient à revivre. Le jour qui suivit la dépose de ses organes dans les canopes, plus que jamais partagé entre présent menaçant et plaisants souvenirs, Tahosétlafer-Ramassidkouch entendit fredonner Jpeulfèr-Amémêmsou-Jedi dans les escaliers, car il revenait en compagnie de ses prêtres pour mener à bien l’opération lingerie.

 

https://zupimages.net/up/18/03/ts43.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:05:46
n°47558529
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 31-10-2016 à 09:47:25  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 17.

 

https://zupimages.net/up/18/03/cp84.jpg

 

Ce soir-là, en son château beau et puissant tout brillant de cristal et de marbre, iço dunt lui pris est désir, voldrat Vazy Métoian par sa dolce mie de pain en tronche Marie Stetarte for sentir.  

 

– Ah, grand salaud, manda Marie en délaçant son tassel bleu aux galons d’or, fais-moi ton vache, balance ta beigne et frappe dur à mes fesses, car voici que maintenant j’en voudrais !

 

Et le tyran de Mouyse, tout près joyeux de la fouetter, rejeta ses pigaches à l’autre bout de la chambre pour rouler des patins à sa chérie, en lui mordant les lèvres et les joues. Il tira sur ses cheveux longs, elle lui balança en retour son coup de pied dans les coilles, car c’était pour les doux frapadingues venu le temps des amoureux. Il allait gentiment l’étrangler avec son cale-bonnet, lorsqu’elle eut tout à coup quelque chose à lui dire.

 

– Ah beau débris, j’apprécie les tourments que vous me faites souffrir, mais j’aurais peut-être meilleur récit. Si ce n’est point chantefable, vous possédez dans la salle au trésor le bon engin que j’aimerais recevoir de vous pour m’ébrouer.

 

Lui regardait son manche de fouet, pensant l’utiliser pour donner joie et santé à sa dodue, mais elle retint son geste, car elle avait meilleure idée.

 

– Non point, ce n’est pas à cet outil de frêne que je pensais, mais à ce formidable Œil de Dinde que les bons moines ont rapporté. Ce sceptre est de forme élégante, bien long, bien dur, et propre par sa magie à m’infliger des algies merveilleuses.

 

– Ma douce amie, j’en frapperais certes de droite et gauche, ne bougez-pas, je vais chercher la bonne relique, pour visiter bien comme il faut vos soubassements, en agissant comme vous le verrez bien sauvagement d‘amour courtois.

 

– Que nenni messire, car vous êtes en chaussettes, restez ici, j’irai moi-même, donnez donc voir les clefs qui ferment malle et porte. J’en ai pour deux minutes et puis je reviens aussitôt, tendre assassin.

 

Dans la nuit calme et douce, Marie la peintre détacha donc les cordes qui lui nouaient les mains et les pieds, pour descendre promptement dans la salle où se trouvait précieusement enfermé le bâton de magie. Elle s’esquivait en saluant les gens placés en garde dans les couloirs, tout en disant qu’elle voulait aller seule et assurait qu’ils n’avaient rien à craindre.

 

– Biax dous amis, gardez l’œil et certes, faites nous bonne veillée, mais laissez-moi passer, je m’en vais juste chercher la sainte relique venue de Kiess, pour la fourrer bien comme il faut dans ma chaude privauté.

 

Et dans tous les sentiers du château, elle fut bien accueillie par ceux qu‘elle rencontra, car elle était noble dame et de bonne société. On savait surtout qu’il valait mieux ne jamais contredire la nouvelle femme du roi, sous peine de se voir illico torturé sur la roue. Elle se retrouva seule dans la salle au trésor, l’esprit distrait par son idée de porter la mainmise sur l’Œil de Dinde, qu’elle dégagea du coffre qui le contenait. La sainte relique pleine de magie valait bien certainement dix fois son poids de gros besants d’or pur. L’objet magnifique brilla de pierres précieuses aux lueurs des chandelles, et son long manche aux coquines promesses tintait dans l’esprit de Marie comme cent mille tambourins. Un froissement de tissus bruissa dans un coin sombre, lorsque Robin, Gauviens et Percevalve pénétrèrent dans la place, en passant par la porte que la reine avait laissée ouverte.

 

– Laissez-ceci, Marie, au nom de Kramouille, chuchota Robin qui boit en se découvrant, car nous avons la face hardie, mais nous serions fort peinés d’être obligés de  piquer nos épées dans une poitrine aussi bellement moulée.

 

– Qu’est ceci ? trahison, aux armes ! Hurla Marie.

 

– Corne de bœuf ! fit Percevalve, en se ruant sur elle pour l’empêcher de gueuler.

 

Pendant qu’on la tenait fermement par les hanches, Robin s’empara de la relique qu’elle avait fait chuter, en espérant que les gardes ne seraient point alertés, car la garce aboyait comme un chien fou, en essayant de se libérer.

 

– Allons, Marie la reine, qui retient sa parole possède bonne connaissance, taisez-vous, ou nous devrons vous tuer.

 

– Moi je dis que toute source de sagesse jaillit comme un torrent, cria Marie, puisqu’elle avait méchamment mordu la main de Percevalve qui cherchait avec vaillant effort à lui clore sa bouche pour mieux la bâillonner.

 

– Maudite charogne, il suffira ! fit donc robin en lui fichant son épée largement dans la couenne. Elle tomba sur le sol, la longue lame d’acier avait fouillé dans les parties les plus obscures de son ventre sans graisse, en lui faisant grande ouverture. Elle était morte, et gisait à présent aux pieds des moines comme une chose sans valeur, et l‘on vit que son dernier repas avait été des épinards.

 

– Partons vite, les alerta Gauviens, tant pis pour elle, nous avons notre bien.

 

Robin plaça le sceptre dans son giron, tout près du cœur, et les amis s’en allèrent en direction des écuries, en adoptant un train d‘enfer. Peu avant et en dépit de l’heure tardive, un sergent abreuvait justement là son roussin au baquet. Jeanne-Mireille l’avait sifflé en douce pour l’attirer sur un tas de foin. Elle trembla de tout son corps, car le cheval fut le premier à s’approcher. Fort heureusement, le soldat fut enfin attiré.

 

– Hé bonhomme, tu veux savoir pourquoi dans mon pays on m’appelle Jeanne-Mireille d’Arc aux blancs tétons ? Et puis la douce frisée aussi, tant qu’à faire.

 

– Ah oui, soupe aux truffes noue l’estomac, mais caresser l’enjôleuse enchante l’esprit. Par diantre, je m’en vais respecter ton invite qui nous mettra tous deux de bonne humeur, car je vais te combler de bonheur.

 

Elle l’attira plus près des murs d’ocre rouge de l’écurie. Content de sa chance, aussi chauffé que douelles de tonneau façonnées par le feu, le sergent se pressa contre elle dans la pénombre, mais elle lui dit qu’elle préférait entrer dans l’écurie pour se trouver plus confortable à baculier. Elle savait bien qu’il en avait la clef. Tout prêt à s’enivrer, le soldat leur ouvrit la porte et l’entraîna donc au milieu des bestiaux où, frappé d’une muette horreur, il fut proprement égorgé par Yvan qui venait de rentrer à son tour. Ils procédaient ensemble au sellage des coursiers lorsque Robin, Gauviens et Percevalve les rejoignirent. En silence, tout fut promptement réglé, et deux autres chevaux furent préparés. Il fallait à présent rejoindre Braillard et Guy près de la porte aux éclusiers. Ils trouvèrent justement leurs amis en pleine hurte avec les gardes de la pêcherie, dont ils venaient d’en occire trois. Il en restait deux à vaincre, mais l’alarme était déclenchée. La nuit s’agitait de tensions et un cor sonna aux créneaux des hauts murs en rajoutant aux bruits effroyables provoqués par l‘assaut. Au milieu des chevaux agités, on jouait bravement des épées. Les bons moines supportaient l’épreuve aisément et jouaient des lames avec agilité. Avec l’appui des arrivants, les deux soldats du guet furent enfin fourchés en plein dans leur botasse. La porte rapidement libérée, tous s’engouffrèrent sur le pont en dos d’âne rongé d’humidité, pour fuir au grand galop dans les rues de la ville. Cramponnant sa relique sur sa poitrine, Robin savoura non sans plaisir sa chance d’avoir su s’échapper de ce château bien fortifié. Indifférents, les rares personnes qui sortaient des tavernes en bravant le couvre-feu les laissèrent s’en aller. Les pauvres gens menacés par la guerre en avaient marre de faire queue, pour un bout de chandelle où un morceau de savon, et les affaires du roi maudit leur importaient à vrai dire fort peu. Ivre de rage, ayant découvert l’odieux et fatal carnage opéré sur Marie, ce dernier avait lâché sur les traces des fuyards ses chiens et ses archers.

 

https://zupimages.net/up/18/03/wtih.jpg

 

Bonne fête aux disparus.

 

https://zupimages.net/up/18/03/rx0d.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:09:01
n°47568121
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 01-11-2016 à 14:36:28  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 38.

 

https://zupimages.net/up/18/03/nh31.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/r3hi.gif

 


 L’enquête sur la mort suspecte du cénazteur Jilouc Mélenchouille est en train de tourner court. Visiblement, une intervention occulte des armateurs administrants organise une savante obstruction sur cette suspicion d’assassinat. Même Vlodim Pourichine, cénazteur d’Arsia Mons, a été soigneusement remis en place par Sirkisi dans les récents débats du congrès. Les bulletins de guerre ne sont plus rendus publics. Obligé à plus de discrétion, le belliciste se voit ainsi empreint du sentiment d’être l’objet d’une menace à peine voilée. Toute la situation évolue pour que les partisans d’un règlement pacifique du conflit martien prédominent aux actions. Comme prévu, Joke Esgala, le président du Conseil Terrien Défédéré, se lave les mains de cette guerre qui n‘est pas la sienne, puisque la paralysie martienne amoncelle opportunément dans les caisses des administrants spécifiquement terriens de juteux bénéfices à leur profit. Une possible alliance militaire interplanétaire semble donc illusoire. Les graves diminutions de recettes impactent à l’inverse de plus en plus gravement les affaires de la SGL, en revanche de moins en moins encline à financer un conflit aussi onéreux. Pour le général Digoule, Sirkisi prend tout simplement le problème à l’envers. La seule tâche importante est de replacer les mineurs au travail et de mettre vigoureusement un terme à la sombre tragédie en cours, en éradicant complètement les factieux. Pour le chef militaire, la revendication indépendantiste martienne n’est qu’une simple fumisterie poétique et surtout parfaitement inutile. Ces foutus gratte-cailloux ont tous le sentiment de partager une identité commune en étant nés sur Mars, et ce levier leur donne une force incroyable pour défier le pouvoir économique et militaire défédéré. Un capital culturel parfaitement géré par Fanch Yoland, que Digoule aurait volontiers voulu voir au bout du canon de son lasergun. Et voilà que le congrès décide à présent de danser un tango langoureux avec ce con. Il existe cependant un endroit où Digoule peut toujours se sentir pleinement maître d’un lieu et c’est dans l’espace, à bord d’un Shaleclair Thunder Flash X-40 dont il assure encore jusqu’à nouvel ordre le commandement. De plus en plus déchu de son rôle agressif, le haut-gradé se dirige vers Phobos à bord du grand vaisseau provenant d’une escadre de réserve, pour y rencontrer Pourichine, qui l’attend là-bas.

 

Un robot Star Strider avance silencieusement pour venir lui proposer une canette d’Ormognok, que le galonné accepte en épluchant mentalement les derniers rapports qui lui parviennent dans son implant. L’uloranob radaramique annonce déjà la proximité de la petite lune martienne. Par l’un des larges hublots circulaires, Digoule distingue à bonne distance la silhouette immobile d’un gros transbordeur aux cales vides, le Lust Temple, que le statut militaire du Shaleclair n’oblige pas aux salutations. Figé dans le noir cosmique, le cargo stationnaire s’offre au loin la Grande Ourse en guirlande. Homme de combat, le général ne supporte plus de n’être que l’instrument aux bras soudainement cassés des Compagnies administrantes, dont les enjeux se résument à faire du bifton, en dépensant le moins possible d’Eullars. Premier partenaire commercial de Mars, la SLG et sa quasi mono-production minière lui file à présent des boutons. Pas le moment cependant de s’abrutir d’alcool, il ordonne donc au robot de se tirer plus loin et enfile un dédale de coursives blanches pour sortir du vaisseau, suivi de quelques leutnants qu‘il congédie poliment. Vitesse 1.6328, altitude 170, cap 32. L’engin dont les feux de position percent la nuit se place enfin à l’aplomb du grand dôme implanté sur le satellite naturel, afin de permettre au général de débarquer. Dans l’atmosphère relativement sombre du cockpit, un holocast de Pourichine anticipant leur rencontre lui a déjà souhaité la bienvenue dans sa résidence secondaire. La patate morne et grise qui abrite le dômus n’offre qu’un paysage poussiéreux dénué d’intérêt. L’immense cloche de la défédération martienne est cependant le réceptacle d’un monde attractif et fort plaisant, où grouille une quantité de familles en villégiature mais pleines aux as. Habiter ici est la garantie de s’offrir un cocon luxueux pour passer quelques vacances. Les proches des administrants s’y retrouvent donc en grand nombre, de manière plus ou moins temporaire, profitant d’une vue sur Mars absolument féérique. L’espace occupé au sol se décuple d’une extraordinaire élévation des structures construites dans le dôme implanté sur Phobos. En dehors de son aspect ludique et oisif, l’architecture permet également d’être le relais d’une infinité de missions intergalactiques et voit passer au-dessus de sa coupole un nombre impressionnant de vaisseaux divers et d’orbiteurs. Un mini tape-cul hydrocab amène Digoule directement chez le cénazteur. Le taxirob se déplace vite, mais sa voix nasillarde trouve tout de même le moyen de gonfler son passager pendant tout le trajet en lui racontant les détails d’une récente alerte carbone Phobique, bien entendu parfaitement contrôlée. Le passager peu intéressé par cette nouvelle assure à la voix monocorde qu’elle peut aller sucer du méthane et la boucler. Avec un certain soulagement, le machin se tait au moment où il distingue enfin la silhouette nue de Vlodim, qui le hèle au milieu du jardinet de son bloc. Le type a tellement de thunes qu’il est même colocataire ici d’un terrain de boomerang privé. Mais ce n’est pas un de ces foutus administrants, pas même un fils d’armateur, Digoule ne sait pas d’où lui vient au juste sa fortune, dont il exhibe à présent les signes ostentatoires. Sa fiche des renseignements globaux, que son visiteur a consulté par implant, le déclare quand même actionnaire dans une grosse boite sélénite d’imprimantes alimentaires.

 

– Salut, camarade général Digoule, le parti est avec toi.

 

Ils se caressent brièvement les tétons, et Pourichine conduit l’arrivant vers son domicile. Sa femme et sa fille étant présentes dans le logios confortable, le cénazteur les présente au militaire, qui leur touche également la pointe des seins en guise de bonjour. Un robot Rosie se présente avec pilules apéro et boissons. La fille et sa mère se ressemblent étonnamment, elles sont michetonnes et Digoule leur en fait le compliment. Le père précise que la petite veut devenir none de son éminence, mais lui assure qu’elle ferait ce choix uniquement pour se passer d’une autorisation de pornifier, ce qui est le cas pour les sœurs de la congrégation du string, et uniquement pour elles. La gamine prend sa pilule de coïne tous les dimanches et joue déjà de la Stratocaster correctement, comme le précise son père avec une pointe de tendresse. La conversation se déroule aimablement, et puis Pourichine semble impatient de recentrer le débat, en prenant cette fois un air soucieux.

 

– Général, les cénazteurs qui suivent Jack Giriaque et Steve Magouine ont la cervelle farcie d’absurdités. On ne peut plus faire confiance aux administrants, qui ne savent plus faire ce qu’ils devraient. Ils viennent de refuser la Médaille d’honneur du congrès à titre posthume pour Mélenchouille, que je réclamais. Les armateurs inféodés à la SGL font la loi et pour les cénazteurs martiens, à présent, c’est coucouche panier et pas bouger.

 

– En effet, Vlodim, il se prépare une paix honteuse.

 

– Voilà ce que j’avais à vous dire, mon général, car je suis certain que vous l’ignorez. Je tiens l’info directement d’un cadre du renseignement : un Oberleutnant nommé Frank Sonotrou va être envoyé en service spécial pour négocier directement la paix avec Yoland.

 

– Sous les ordres uniques et directs de Sirkisi, n’est-ce-pas ?

 

– Oui. Et ensuite, les indés profiteront de la suprématie politique qu’ils obtiendront forcément pour nous contraindre à faire nos valises. Le devoir et l’intérêt vous obligent à remplir dignement votre fonction, en empêchant l’agent Sonotrou de mener à bien son infecte mission.

 

– Vous avez conscience qu’il s’agit là de fomenter les prémices d’un coup d’état ?

 

– Allons, mon général, je parlerais plutôt de coup d’éclat.

 

https://zupimages.net/up/18/03/e468.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:12:19
n°47589159
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 03-11-2016 à 13:16:43  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/mxgn.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Jet larguée - Extrait numéro 12.

 

https://zupimages.net/up/18/03/n4vy.jpg

 

Shirley fut mise au courant de la situation par le bouche à oreille en provenance des collègues. Elle avait de quoi ronchonner pour deux raisons, du fait que personne n’avait encore mangé, elle regrettait d’avoir dépensé son énergie pour aider à préparer le galley après le décollage, et puis aussi parce que tout le monde allait probablement trépasser le ventre creux. Faire un régime alimentaire au moment d’entrer au paradis lui semblait une idée saugrenue. Elle fut tentée de se lever pour se lancer dans une distribution massive de nourriture, puis se contenta d’avoir les boules, comme les autres. La première chose dont une hôtesse de l’air doit absolument s’imprégner lorsque son avion va s’écraser est un sentiment d’absolue plénitude. Elle doit maintenir l’unité de sa volonté par un fil sacré, en cessant d’écouter avec sa pensée, mais en bornant plutôt sa fonction auditive à l’écoute des ordres du commandant de bord et des consignes de sécurité, à condition de s‘en rappeler. La voix provenant du cockpit d’un jet désemparé est un vide qui répond à toute chose, car le pilote se trouve alors en pleine conscience de sa nature véritable, saturée en général d’idées d’un réalisme engourdissant. La logique destructrice d’un crash pourfend tout abus du discours savant, et le personnel naviguant confronté à l’entreprise de démolition en cours, au gré de vibrations vraiment peu ténues, s’ouvre alors à un lot d’impulsions non verbales qui l’amènent à faire spontanément quelque besoin dans son uniforme, en imitant le reste des passagers. La qualité esthétique du vol n’était plus en jeu, et pourtant Steven s’attachait à ce que sa descente rapide puisse être qualifiée par Jack-André, par son aspect résolu, une œuvre de beauté. Le jeu subtil des commandes manuelles allait dans un instant faire trébucher le long-courrier de la Petro-Jelly au milieu des palmiers, sur une saloperie de vieille piste cabossée réputée trop courte. C’était ça ou plonger dans la mer en compagnie des requins voraces. En attendant, le vol PJ612PK requalifié mayday avait déjà complètement disparu des écrans radars civils et toute communication externe interrompue. Steven Eight et Jack-André Tyler se trouvaient à présent complètement livrés à eux-mêmes pour faire atterrir leur gros zinc endommagé sur la base secrète Russicaine désaffectée. Il était cependant du devoir du captain d’en avertir impérativement ses passagers, avec courtoisie et un timbre de voix d‘une neutralité propre à éteindre tout germe d‘une éventuelle agressivité contre-productive de la part de la clientèle captive, pour le coup évidemment pas mal affolée. Un peu ennuyé par la distraction que l’appel provoquait au milieu de ses manœuvres délicates, Steven s’empara du micro.

 

– Mesdames et messieurs, chers passagers de la Petro Jelly, ici le commandant de bord Steven Eight, la température extérieure suscite l’envie de se la couler douce sous les cocotiers, et c’est précisément ce qui va bientôt arriver. Comme certains auront pu le remarquer, un poney rose est entré dans le réacteur 02 en occasionnant un départ de feu désormais maîtrisé. Cela dit, nous planons pas mal et la vérité oblige à dire qu’il va falloir se poser en urgence. Le copilote Jack-André Tyler et moi-même souhaitons donc de tout cœur à chaque personne à bord de s‘en tirer avec de simples blessures superficielles, lors de l‘atterrissage d‘urgence qui se profile à présent rapidement. Accessoirement, je vous rappelle que toute réclamation auprès de la compagnie est prématurée, puisque l’usage du téléphone portable, outre le fait qu’il n’est pas autorisé, est en plus contrarié du fait que dans le secteur isolé dans lequel nous volons, nous manquons totalement de réseau. Bien à vous, et maintenant, cramponnez-vous ! Il raccrocha, après un coup d’œil complice à Jack-André, plus que jamais concentré sur son stick et une ouverture certes un peu trop matinale des volets.

 

C’en était sans doute trop pour les passagers, dont plusieurs harcelaient les hôtesses de questions paniquées, auxquelles elle ne pouvaient apporter que très peu de bonnes réponses. Le problème le plus récurrent que les gens se posaient tournait autour du fait que pour l’instant, on n’apercevait aucune terre. Il fallait donc compter sur une profondeur d’océan sans doute considérable, quand bien même l’avion n’allait pas se désintégrer en tapant sur les vagues. Shirley se contentait de répondre aux plus insidieux qu’ils pouvaient se réjouir, n’étant plus dans l’urgence de choisir s’il valait mieux épargner ou consommer. Il s’agissait là d’une diversion psychologique standard mise au point par la Petro Jelly dans une telle situation, pour occuper utilement l‘esprit des plus calculateurs. Le truc marcha très fort sur le gagnant du loto, Jérome Koulbielle, que l’on vit tout à coup silencieusement pensif. Il pouvait méditer utilement sur le fait que dans la vie, on gagnait tout autant qu’on perdait. L’héritier en titre des raffineries Tatol, Michel Tatol, imperméable à l’argument de Shirley, puisque de toute façon, il faisait déjà les deux sans compter, s’agitait et hurlait la bave aux lèvres qu’il était encore beau gosse et ne voulait surtout pas calancher. L’écrivain de biographies en exil fiscal Ewin Talbaway tentait de s’affubler de son parachute que lui convoitaient tous ses voisins, alors que le sosie monégasque officiel de Céline Dion, Bernard Toupie, agitait désespérément les bras et les jambes, comme si cette affolante agitation pouvait de quelque manière amortir la dégringolade. Le député Dominique Quenique, visiblement doué de grande force morale, racontait à sa call-girl Rachida qu’il la trouvait plus que jamais vraiment belle à mourir. Le gourou Eloi de Pouillet jouait sans convaincre le prince des ténèbres et exhortait les pauvres macchabées de ce cercueil volant à le considérer dès à présent comme le nouveau Pape, pour le salut éternel de leurs âmes pitoyables. Le grand dépressif Louis de Bourvil roupillait, il venait d’avaler le reste de son flacon d’antidépresseur. Involontairement sans doute, Georges Pinson et ses Pinsonnettes rejouaient dans l’affolement les chorégraphies et les cabrioles qui avaient fait la gloire mondiale de leur petite troupe.

 

 Marcher, courir, sauter, autant d’actions cependant rigoureusement interdites à tout le monde pour l’instant, les hôtesses et les consignes inscrites sur les écrans rappelaient qu’on devait seulement plaquer sa tête sur les genoux et serrer les dents. Shirley s’efforçait de garder les prunelles lumineuses et Victoria et Summer se voulaient plus que jamais délicieuses, en rajoutant cette étincelle de grâce qui faisaient d’elles à cet instant critique de parfaites comédiennes. Avec de grosses gouttes de sueur qui perlaient sur leurs nez avinés, les charcutiers saouls de la Kélien manquaient forcément de coordination logique et empilaient de manière tout à fait inconsidérée des injures horribles, puisées dans un champ stylistique moissonné à la hâte. L’un d’eux, trop bourré pour avoir la plus petite conscience de la réalité vécue par ses copains, avoinait méchamment Steward, en lui rappelant fermement que la restriction d’alcool dont il faisait l’objet était proprement scandaleuse ; puisqu’il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, selon l’article L. 122-1 du Code de la consommation. Histoire de se passer les nerfs, l’haltérophile  Bastardo Comoquiendice, assis à côté du petit Brandon Courage, avait durement baffé le môme qui pleurait d’une manière hystérique. Il était bien terminé, l’enchantement bon enfant et sympathique qui avait si  merveilleusement présidé au décollage. Finie, les joyeuses séances que s’étaient autorisées les filles du porno en se photographiant devant tout le monde leur corps admirable en selfie. Si beaucoup se montraient pétrifiés, ils tombaient tous à pleine balle des nues, et chacun descendait tout à coup de son propre Everest, avec, selon les scientifiques Pierre Simon Langevin et Paul Laplace, une chance de survie de l’ordre de 0,01 pour neuf cent millions.

 

https://zupimages.net/up/18/03/v26x.jpg

 


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:14:50
n°47618406
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 06-11-2016 à 09:06:40  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/9uql.jpg

Le congélateur muséographique

 

Aujourd'hui : Albert Gustaf Aristides Edelfelt (1854 - 1905)

 

https://zupimages.net/up/18/03/1fyq.jpg

 


Le congélateur muséographique

 

Aujourd'hui : Edmund Blair LEIGHTON (1853-1922) Summer Roses

 

https://zupimages.net/up/18/03/yc2h.jpg

  

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith - Extrait numéro 31.

 

https://zupimages.net/up/18/03/pz6e.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/r2ji.gif

 

Au cours de l’assaut contre les Flocons d’argent, Martin et Vaya n’avaient rien vu. Ils étaient tombés dans les vaps en raison de la saleté de produit qui courait dans leurs veines. Un cocktail heureusement non mortel. F. Gordon Strazdinovsky enferma le couple dans un container aménagé en mini-laboratoire, lui même tracté par un camion qui attendait dans le parking du complexe souterrain. Glissant sous terre à la seule lumière des phares, les fuyards enfilèrent un long tunnel obscur, afin de déboucher plus tard à flanc de montagne. Bien loin de l’institut, le poids-lourd avait ensuite avalé les routes rapidement, Martin et Vaya en cargaison, Gros Bill au volant, et côté passager un Strazdinovsky taciturne et muet. Le truck traça alors un long parcours pour traverser le pays en diagonal, sans aucunement être inquiété, jusqu’à rejoindre un port de haute-mer et se garer près d’un quai, en essayant de se faire le plus discret possible. Le ronronnement provenant de la ventilation qui sortait de la cage métallique où se trouvait enfermé le couple était à peine audible. Au bout d’un moment, Strazdinovsky était venu l‘ouvrir, histoire de surveiller le sommeil artificiel de ses prisonniers et prendre quelque nourriture dans les rangements du container à l‘ambiance médicale. Reprenant sa place à l’avant du camion, il avait dévoré sans hâte son casse-dalle en compagnie du malfrat aux mâchoires de Fenwick. Celui-ci démontrait une envergure corporelle considérable. Un mélange de muscles et de graisse, qui croisait d’une manière improbable le mammouth au gorille, sans qu’on puisse avoir l’envie de s’en moquer en face de lui. Gros Bill était un mec massif et complètement givré, un psychopathe de première, un dingue. Un type qui avait étranglé d’une seule main un gardien de sa prison, avant de l’énucléer avec deux de ses gros doigts boudinés aux ongles trop longs, en fouillant comme il faut. Il n’avait nul besoin d’occulter son humanité, le gros lard fournissait à chaque instant la preuve qu’il s’en trouvait à jamais privé. On ne pouvait même pas l’enrichir du traumatisme de quelque guerre, ou accuser la résultante de quelque choc crânien, la construction de son cerveau par ses parents livrait simplement dès la naissance la preuve terrifiante d’une chose inaboutie. Gros Bill dégageait autant de sympathie qu’un arrêt de tram dans une lointaine banlieue, mais il trempait en maître absolu dans les combines du docteur, en tant que chef-d’œuvre monstrueux. Il apportait au projet occulte son lot de douleurs le plus souvent mortelles, mais qu‘il pouvait infliger à ses proies sur une rythmique infernale, avant l‘expiration. Il aimait son couteau plus que son flingue. Un assassin toujours pointu, mais jamais chic. Et cerise sur le gâteau, il se trimballait effectivement avec un minuscule bout de balle dans la tête que personne n‘avait voulu extraire, mais il n’avait pas attendu ce vieux et microscopique résidu de gunfight pour posséder l’esprit à l‘envers. Il était crédité, au moins, d’une bonne trentaine de meurtres.

 

Assis côte à côte dans la cabine, ils avalèrent les sandwichs sans se dire un mot. Le soir, sous une lumière naturelle entre chien et loup, mais qui justifiait déjà l’allumage des lampadaires municipaux, la cabine d’une haute grue s’éclaira ; le camion s’en approcha, en veillant à se mettre en parallèle au flanc d’un cargo. Le container fut chargé à bord, embarquant au passage les reclus, toujours inconscients. Redescendu sur terre, le grutier empocha son dû, en comptant les billets un  par un, et puis Gros Bill et son complice prirent place à leur tour sur le pont du bateau, en grimpant l‘échelle qui semblait les attendre. A l’endroit qu’il fallait, Gros Bill trouva le long sniper rifle spécialement équipé pour le tir de nuit. Le bandit frotta machinalement la cicatrice qui lui griffait le haut du crâne, ajusta un bon moment et fit chuter le grutier d‘une balle en pleine tête, en lui faisant perdre au passage un peu de son fric. Quelques billets s’envolèrent, mais furent dédaignés par un goéland proche, nullement effrayé par le coup de feu. Un deuxième tir sur le cadavre et un dernier sur l’oiseau de mer sembla satisfaire pleinement le tireur, alors que le cargo s’apprêtait bruyamment à prendre le large. Grâce aux multiples complicités portuaires et douanières, il était paré pour une croisière transatlantique et mettait le cap directement sur Hawaï. Resté seul, Gros Bill avait attendu le grand large pour balancer le fusil au fond de l’eau, avant de filer dans sa cabine crasseuse pour y siffler un solide verre de whisky. Le toubib ne voulait pas qu’il touche à Vaya. Le malabar ressentait le besoin d’une femme, et l’interdit aussi formel qu’idiot le mettait en rogne ; il savait bien se mettre des limites, non mais ! La toucher un peu ne l’aurait pas vraiment tuée, mais le boss savait se montrer persuasif. N’empêche que cette nana fabuleuse tout autant qu’éphémère lui faisait très envie. Il n’arrêtait pas de se demander comment profiter de l’aubaine et cette idée le fit râler une nouvelle fois dans son verre d’alcool, parce qu’il se doutait qu’un jour, il devrait sans doute la tuer sans lui passer dessus. Comme on le dit joliment dans les livres d‘écrivains, il mettrait bientôt un terme à sa vie sans l‘avoir connu charnellement. Et c’était bien dommage, un pareil gâchis. Lui n’allait pas à Hawaï, il quitterait ce cargo dans quelques heures, puisqu’il avait mission de clore la bouche à des petites bavardes employées de Blanche Pearl, en se partageant le boulot avec Sugar Daddy. Il espérait tomber sur des jolies.

 

Pendant ce temps, le patron ne prenait pas de repos, mais se préparait le shoot serré d’un mixte d’endothéline et d’adénosine, après s’être enfermé soigneusement dans sa cabine autrement luxueuse. Strazdinovsky s’allongea finalement sur son lit après avoir allumé quelques appareils et réglé correctement l‘oméga-cam. Bardé de câbles, d’électrodes et de connections au puissant scanner 5d, il s’était coiffé d’un casque étrange. Tout doucement, correctement orienté sous ce détecteur qui lui tombait sur les yeux inondés d’un produit huileux, le taux de comptage et le positionnement des couches moléculaires effectué, son corps s’était transformé d’une manière spectaculaire pour donner enfin l’apparence du docteur Hubert Van Degaffe ; alors qu’auparavant, il ne faisait qu’un avec la fausse image du directeur des Flocons d’argent. Une expérience extraordinaire de promenade cellulaire qu’il ne partageait à présent qu’avec une seule personne, car la vieille Blanche Pearl affichait à présent provisoirement les traits ravissants de Vaya Condios. Sentimentalement, cette carne du Tripoli l’avait englué dans d’étranges rets, il ne pouvait rien lui refuser. Elle profitait de largesses augmentées, dont le prix dépassait maintenant celui des bijoux qu’elle avait monnayés pour sa cure de rajeunissement. Dans la liste des stupéfiantes aventures des travaux secrets de Degaffe, la bi-transmutation issue d’une décorporation génétique réussie ne comptait donc que deux cobayes, dont lui-même. Il fallait cependant garder la clef-témoin cellulaire en vie pour les transfusions régulières obligatoires, une faille dans les profils d’identité sur le plans génique loin d’être comblée, surtout au niveau des dosages carbone, fluor et oxygène. Le carnet disparu se concentrait tout entier sur cette part de travail. En attendant, ce petit problème assurait au vrai Strazdinovsky et à la vraie Vaya de rester en vie à ce stade de l‘expérience. Quand à Martin Smith, dont il n’avait pas fini de classer la totalité des données biologiques, le savant comptait bien lui faire avouer où il planquait le calepin essentiel, mais il désirait également garder le privé sous la main pour raison stratégique. L’idée de coller un jour Gros Bill dans une peau semblable à celle d’un ancien flic comme Martin l’animait d’une franche hilarité. Les travaux sur la femme-rat apportaient de fortes espérances pour une incorporation animale à plus ou moins long terme et en imaginant cette fois Gros Bill dans un corps d’ours ou de tigre, Hubert Van Degaffe cessa de rire. Valait mieux tester avec un lapin avant, et encore, d‘une espèce naine.

 

Lentement, patiemment, Martin tenta d’ouvrir les yeux, mais ses paupières trop lourdes refusaient obstinément de se relever. Un sentiment d’euphorie artificielle le baignait depuis son réveil, en contradiction avec son besoin de reprendre conscience à tout prix. Ils se sentait traversé par un songe halluciné. Un moment cruel, tout s’échappa. Il ne resta que l’impression atroce d’avoir passé tout un hiver rigoureux sans le moindre abri. Ce qu’il vivait à présent dans son corps grelottant, c’était ça, il avait l’impression de dégeler, au sortir d’une odyssée intemporelle dont il émergeait au cœur d’une effrayante lumière noire. Ses yeux s’ouvrirent en grand sur les murs froids d’un caisson violemment éclairé et la vision d’un homme endormi jouxtant Vaya. La jeune femme émergeait justement à son tour de son long voyage immobile. Elle affûtait douloureusement un à un tous ses organes réveillés en suffocant, comme une femme brisée par une mauvaise chute, mais qui se bat en plus avec un corps étranger plutôt coriace enfoncé dans le sien. Elle se sentit devenir pendant un instant une sorte de fluide errant au sein d’une nuit froide et neigeuse, puis, brusquement, elle se réveilla. Tous se trouvaient privés de mouvement, solidement sanglés sur des lits de toubib. Eberlué, Martin constata que le ronfleur était Strazdinovsky lui-même. L’endroit avait les dimensions d’un container qui refusait bien évidemment de laisser passer le soleil, mais un tube fluorescent le remplaçait avantageusement. Il y avait des caméras aux quatre angles du plafond. L’air de ce réduit austère paraissait cependant renouvelé et balançait même une puissante odeur de rouille et d‘algue, ce qui rassura quand même le privé, puisque cet important détail les gardait en vie. La proposition fonctionnelle de l’ameublement donnait à la pièce d’acier blanc une justification de petit laboratoire. Bien déphasé, toujours chaviré et le cœur au bord des lèvres, Martin se livra au difficile exercice d’essayer de parler, mais il avait beaucoup de mal à lutter avec la main invisible qui cherchait toujours à l’engloutir.

 

– Vaya, mon petit chat, comment ça va ?

 

– Ok, Martin, tout va bien. Elle jeta sur lui des yeux encore fiévreux, sombres et immobiles. C’est quoi ici au juste, la section présidentielle de l’hôtel ? Alors j’aurais deux mots à dire au room-service. Les draps me serrent aux poignets et j’ai gravement envie de pisser.

 

– Un container je crois, et vu comment on bouge, on est probablement en train de naviguer sur une grosse baille. Plutôt genre clinique mobile que panier à salade de la police, quand-même.

 

– Alors, c’est donc ça qui me rend si malade, j’ai vraiment le mal de mer. Je ne sais pas ce qu’on nous mijote, en tout cas là j’ai trop soif ! Mince, mais qu’est-ce qu’il fout là, lui ? Elle venait d’apercevoir à côté d’elle la présence incongrue de Strazdinovsky.

 

– On ne devrais pas tarder à lui demander, à ce pourri. Il y a un truc qu’il faut que je te dise, Vaya, si ça peut te rassurer. J’ai récupéré un poignard sur un type que j’ai buté dans le manoir et bien, tu ne vas pas le croire, j’ai encore cette lame sur moi. Et puis il se mordit la lèvre, craignant d’être écouté par d‘autres oreilles, moins jolies que celles de Vaya, mais forcément plus malveillantes.

 

https://zupimages.net/up/18/03/e56i.jpg

 

https://zupimages.net/up/18/03/5vwe.jpg

 


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:22:26
n°47672646
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 10-11-2016 à 14:36:53  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou - Extrait numéro 20.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/hliz.gif

 


 Et voilà, on enterre grand-père Alcyme Boudiou le rougeaud, sans la présence de Gaston qui n’a pas non plus assisté aux obsèques de papi Léon. Angèle s’est longuement préparée, après avoir beaucoup hésité entre le noir et le turquoise, elle opte pour une longue robe rouge. Une couleur évidente si on veut rayonner dans une foule, d‘après Ciné revue. Dans le cimetière, elle pleure sincèrement à fendre l’âme des plus braves et Jean Micheton lui prête volontiers son mouchoir. Depuis quelque temps, son âme adolescente l’emmène à en pincer pour lui, mais cette impression l’entraîne en vérité dans une certaine confusion qu’elle préfère ne pas approfondir. La petite foule est réunie dans un silence émouvant autour du cercueil en bois vernis, sur lequel trône une rose blanche unique. Désormais, Enerstine va se retrouver la seule famille et le noyau dur des Boudiou. Elle ne cache pas non plus sa peine, mais elle reste très digne, aux côtés des anciens combattants de 14 qui saluent le gars Alcyme drapeaux levés. L’un des vieux a même combattu à ses côtés au fort de Fresnes, et lui aussi affiche la même gueule de homard cuit. On distingue un type en fauteuil plus médaillé que les autres et deux amputés. Le nouveau curé qui vient d’emménager dans le grand presbytère de Troulbled dirige la cérémonie funèbre, après avoir pesté en coulisse sur une météo mitigée. Il est vrai qu’il se met à pleuvoir comme vache qui pisse au moment de plonger pépé dans son trou. Marité Hissedru rayonne alors sous un grand parapluie noir, et tous les hommes présents la regardent à la dérobée. Peut-être a-t-elle une pensée pour Gaston, si gravement touché par le sort lorsqu’il a quitté son épicerie, alors qu‘elle venait de lui faire perdre dans l’arrière-boutique la candeur de l’enfance. Le tombeau simple contrastera avec l’ancien monument prétentieux des nobles disparus appartenant à la famille des de la Tronchedecon et jouxte celui du garde-champêtre Jules Bidru, mort foudroyé en forêt trois ans auparavant. Et puis, en ce vendredi 7 avril 1967, pépé Alcyme n’est vraiment plus. En quittant le cimetière, Ernestine repense à sa longue vie passée avec lui, un pincement au cœur la saisit en se remémorant Gaston sur son lit d’hôpital, et puis elle se contente de marcher lentement et se courbe sous l’averse soudain violente, soutenue par sa petite-fille trempée. Elles échangent en chemin quelques propos dont la banalité se voudrait rassurante. Le toit de la ferme prend l’eau et il reste encore de la paille à retirer du hangar croulant. Angèle la rassure et lui promet qu’en l’absence de Gaston, Jean Micheton viendra aider, mais les deux femmes savent bien qu’une époque est révolue et que la petite mémé va désormais se contenter de vieillir gentiment. La ferme, c’est désormais fini, quelque chose vient de se rompre en raison du vide laissé par la mort de l‘aïeul. La pension qu’il laisse va cependant donner un coup de pouce à l’ancienne pour s’équiper d’une machine à laver, du téléphone et de la télévision. Une perspective d’ouverture sur le monde qui ravit bien évidemment Angèle, avide de voir enfin les starlettes du festival de Cannes s‘animer devant ses yeux conquis, même en noir et blanc. Elle rêve surtout que le regard fasciné des autres l’idolâtre à son tour, lorsqu’elle quittera la vieille ferme pour aller ratisser les paillettes sur les trottoirs de Paris. En prenant évidemment bien garde à ne pas tomber amoureuse par mégarde d’un homme marié et déjà père de famille.

 

Le lendemain de l’enterrement, à 4h du matin, Gaston se réveille enfin dans ses draps blancs. Mais avant de reprendre connaissance, alors que le médecin de garde en branle-bas de combat était déjà en train de le considérer comme perdu, le jeune homme vient de vivre les épisodes complets d’une EMI, une expérience de mort imminente. La deuxième, si l’on se rappelle son asphyxie au carambar à l’âge d’un an. Plongé dans un exquis sentiment d’abandon, il s’est exercé au tutoiement avec des êtres lumineux d’une terrible beauté, bien que singulièrement dépourvus d’humour. En exil de lui-même, il croise une jeune beauté déguisée en religieuse, qui lui révèle comme un trésor sublime le secret de recettes savoureuses, en lui promettant une expérience gustative inoubliable. On sait que Gaston Boudiou les a plus tard compilées de mémoire pour en tirer un livre fort bien vendu, intitulé « Le grand livre de la cuisine facile et de l’alimentation bonne et gourmande sous l’influence personnelle d’une EMI ». Guidé par une manière d’être absolument individuelle face à la vie, l’agonie, la mort et la façon de les appréhender, Gaston se met à remuer des pieds. Loin d’approuver la dénégation de sa vaine identité comateuse, il se voit plonger dans la brutale initiation d’une autre réalité en train de l’engloutir merveilleusement, dans une parfaite perception de ce que le toubib et les infirmières attendent à présent de lui. Il fait écho à tout ce petit monde en bougeant les doigts, mais en réalité, il vient de quitter son corps pour se coller bien peinard au plafond. Les signes avant-coureurs du réveil sont pourtant déjà là, alors qu’il dort encore paisiblement à quelques mètres de son double éthérique. La présence bienveillante de ses deux grands-pères semble vouloir le protéger, en cas de chute inopinée sur le sol de son alter-ego fluidique. D’étranges pensées animent à présent l’esprit endormi du blessé, il se fait par exemple la réflexion étrange que si l’hôpital est un lieu de vie sociale, les animaux domestiques n’y sont pourtant pas admis. De grandes vérités intemporelles vibrent et résonnent en lui, une nouvelle force d’exister lui est transmise par une constellation de phénomènes, avec pour seule limite possible un ticket aller pour la morgue ou le retour à l’existence, avec la possibilité future de pouvoir sans doute draguer des belles plantes. Il voit d’ailleurs les infirmières craindre pour lui, à la fois étrangement proches et très éloignées, tellement admirables d’abnégation qu’elles feraient probablement toutes des belles-filles parfaites.

 

Conquis par son show intime et clinquant, Gaston en roue libre gambade sous le plafond devenu vaste prairie fleurie, au milieu des papillons géants, des mygales roses et des poissons volants. Alors qu’il vient d’avoir l’opportunité de partir au ciel, une douce vérité le force à regarder le monde gangréné par le mal dans les yeux, en le privant de son libre-arbitre, mais qui le rassure en lui donnant la certitude d’obtenir un jour une bourse universitaire. Emu, Gaston sent que sa fin flamboyante n’est pas encore pour l’instant, un rapide état des lieux l’irradie en le propulsant dans un tunnel illuminé et merveilleux, selon le témoignage réel qu‘il en fera plus tard dans plusieurs articles bien rémunérés. La fausse religieuse est encore là et le prend par la main en lui tendant cette fois la carte des vins, puis elle s’évanouit dans les cendres du temps. Une musique céleste irradie le témoin de bonheur et transforme la chambre en territoire sonore exaltant, suivi du chœur angélique d’une chorale gospel murmurant quelques vérités sur le sexe avant 50 ans. Aux confins de sa psyché, Gaston Boudiou explore toutes les zones d’ombre de sa propre humanité. Dans le conduit plein de lumière, il semble marcher sur une route infinie et l’ivresse de ce rêve organique ne cesse de grandir ; un trip ultime presque impossible à raconter, mais chargé d‘incroyables révélations. Il sera le premier à proposer au monde de sympathiques recettes de pâtisseries bios sans gluten concoctées sous EMI. Dans une échappée onirique, il survole à présent les rues et les immeubles de la ville remplis de noirs en blousons et de boutonneux, élimine un à un les vampires qui pullulent dans le tunnel au bout duquel, dans les rayons aveuglants d’un soleil radieux, il tombe en apothéose dans les bras maternels de la Vierge Marie elle-même. Une force jubilatoire lui propose la grosse fête dans sa tête, car il la reconnaît pour l’avoir déjà vue en plein air, lors du camp scout dans la carrière de Bripue. Et on n’était même pas dimanche. La belle personne au visage attentif s‘affaire donc autour de lui, ondulant de la croupe et visiblement obsédée par son retour à la vie. Presque déçu et frustré, Gaston n‘a pas vraiment le temps de fouiller plus avant le profil de l‘apparition, il respire un grand coup et ouvre enfin tout grand les yeux. Alors, après quatre heures d’une expérience extraordinaire, le monde se réduit définitivement à l’espace exigu de sa chambre, que Marie Tafiole quitte à présent satisfaite, pour aller prévenir Ernestine et Angèle que leur Gaston est sorti du coma.

 

https://zupimages.net/up/18/03/mab6.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:27:41
n°47693446
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 13-11-2016 à 11:32:41  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil - Extrait numéro 66.

 

https://zupimages.net/up/18/03/o6xi.jpg

 

Toujours affublé de son masque noir de chacal aux yeux étirés, le grand prêtre ordonna la pose du tas de bandelettes en lin sur une table basse, puis il alla vérifier son mort. Normalement, il aurait dû le plonger 40 jours dans le natron, le goudron et les plumes, avec un noyau d’olive inséré dans le fondement, mais l’embaumeur passait outre les conventions séculaires du traitement des momies, qu’elles soient roi ou chef d’armée, pour innover constamment. Toute bonne maison se construit sur le rocher du progrès, se disait-il, en vérifiant la souplesse des jointures sur chacun des membres du cadavre. Tahosétlafer-Ramassidkouch aurait souhaité rire de ces chatouillis, mais il restait incapable du moindre mouvement. La sévère inspection dura un temps indéfini, puis l’Anubis claqua dans ses doigts pour que les autres commencent l’emmaillotement sacré. Dociles à ses paroles, les assistants déroulèrent les longs bandages pour envelopper le corps du roi dans ce savant lacis de textile immaculé. Emprisonné sous les interminables méandres de toile, la momie rêva un instant de faire pleuvoir sur eux une pluie de sang, tellement ça le serrait sur la poitrine, mais il était pour l’instant à leur merci. Il ne pouvait emprunter le corps de l‘un d‘entre eux, car portant leurs masques sur la tête, ils étaient protégés de cette éventualité par les dieux. Le seul point positif venait du fait qu’avec son talent insolent, l’embaumeur avait bel et bien conservé l’âme de son patient bien vivante, prête à fondre sur un nouveau quidam pour se réincarner. Une vie éternelle fort convenable, puisqu’elle chassait pour toujours l’ombre de la mort. Un truc avait foiré dans la précédente réincarnation, mais au fur et à mesure qu’on l’enrobait de bandelettes trempées dans le miel d‘acacia, l’ancien vizir-roi sentait que sa prochaine renaissance serait la bonne. Pas question de finir les prochains millénaires au fond d’une cuve en pierre, emballé dans un paquet de voiles poussiéreux, il fallait juste que le fantôme aux odeurs de vieux cuir capture l’énergie vitale d’un nouveau couillon, pour s’installer bien à l’aise dans sa viande froide. A présent, ce rêve accessible n’était plus qu’une simple question de patience. Pieusement décortiqué, enchevêtré comme une proie d’araignée dans plusieurs mètres d’écharpes blanches, Tahosétlafer-Ramassidkouch avait naturellement tout son temps pour attendre le bon moment et passer à l‘action. Au sein de l’ambiance étouffante de la cave, les assistants terminèrent leur ouvrage en sifflant tous ensemble l’antique hymne magique traditionnel « La P'tite Huguette ». Ils laissèrent solennellement leur chef inonder la momie du précipité d’un composé ionique de chlorure de sodium solvaté à 10%, mêlé au venin de crapaud et du pipi de gazelle, pour l‘apport d’ammoniac. Une dernière bandelette fut encore nouée très serrée sur le nez du cadavre, afin de lui donner une jolie forme. Plein de petites babioles se nichaient un peu partout sur le corps, petits bonus commerciaux offerts en cadeaux aux génies protecteurs. On avait ainsi logiquement facilité du mieux possible le passage du roi dans l’autre monde, en lui évitant de pourrir lentement pour nourrir les arbres. Il allait y savourer, pensait-on chez les vivants, une existence tout à fait oisive en dansant éternellement la chenille avec Osiris, « juste de voix », et tous les plus fameux Dieux élus de l’Egypte. Dans un nouvel univers où se lever la matin pour se brosser les dents avant d’aller bosser serait tout à fait facultatif. Savourant sa joie, Jpeulfèr-Amémêmsou-Jedi contempla cette nouvelle création avec délectation. La momie si bien réalisée du personnage influent qu’on lui avait confié saluait avec honneur sa haute réputation et son juteux salaire de cadre administratif, constitué de trois tonnes de moutons en vif par an, à 82,4 deben de cuivre/pièce.

 

Pendant que les employés des pompes funèbres rangeaient les canopes dans un coffre proposé en bois précieux haut de gamme, les menuisiers jouaient de l’herminette pour tailler le lourd sarcophage, de manière à ce qu’il soit prêt pour être décoré. Sous le plafond rocheux de la montagne creuse, une armée de peintres en bâtiment décoraient les murs de la tombe enterrée avec les fresques illustrant les beaux Champs d’Ialou, où à la mi-août, y'a d'la joie pour les matous et où les filles n'ont pas peur du loup. Dans sa somptueuse chambre du palais, Schrèptètnuptèt s’arrosait tristement les cheveux d’un mélange de citron et de menthe, avant de se crêmer abondamment les joues d’un fard d’œillet à l’orange. Le mixte odorant avait l’avantage de tenir le guépard royal à carreau, avant qu’entré soudainement en phase supercritique, il ne cherche à fuir sur l’une des hautes terrasses, pour retrouver un peu d’air frais. Les Hittites, les Mitanniens et les Hyksos se massaient aux frontières et quoi qu’elle puisse en penser, la belle-sœur de Néefièretarée n’était pas encore chef des armées. La crise générale provoquée dans le pays par Schrèptètnuptèt provoquait grèves sur grèves dans les mines et les carrières et son complot fomenté pour s’imposer sur le trône exigeait toujours l’assassinat de la pharaonne. En vérité, rien ne semblait gagné pour le moment. Elle siffla entre ses doigts, mais son con de félin refusa de revenir se coucher à ses pieds. Un pénible sentiment de solitude l’assaillait, alors qu’elle laissait perdre son regard sur la rive gauche du Nil, où les ouvriers terminaient le tombeau de son frère. Surveillé du coin de l’œil par sa nounou Keskiya, Moisi jouait dans un coin avec des scarabées en s'amusant à leur balancer des coups de marteau sur la carapace, de manière à les empêcher de voler. Sa mère n’avait pas encore envoyé le petit bossu chez sa grand-mère. Son fils ressemblait à s’y méprendre avec un jeune babouin, et elle n’osait imaginer ce qu’il donnerait plus tard en statue. N’ayant plus d’insecte à écraser, le mioche galopait à présent sans but au milieu des tapis, heureusement tenu en laisse par sa nourrice, puisque le guépard était revenu. Attendrie, Schrèptètnuptèt gratta longuement le menton du fauve, puis se décida à descendre à la cave pour aller voir le boulot accompli sur son frère par les embaumeurs. Histoire de constater si tout était conforme au devis, avant de régler la facture.
 
 Elle l’avait déjà vu raide, évidemment, mais là, en plus, il était froid. Le géniteur de Moisi formait un spectacle poignant, posé sur sa table au milieu des trésors familiaux qu’on voulait bien lui abandonner. Un tas de machins utiles pour assurer sa vie quotidienne dans l’au-delà, comme des brouettes, des tartes à la crème et des couvertures de survie richement décorées. Un mort ne sera jamais aussi bien servi que par lui-même. Schrèptètnuptèt arrangea quelques franges de bandelettes sur le corps inerte et vérifia au toucher qu’on lui avait bien coupé les ongles des pieds. Trop de sang, trop de meurtres gratuits et de tragédies avaient collé à cette âme blessée avant le grand raout de son décès, mais à présent, les paysans locaux pouvaient souffler un peu. Des pensées noires et la folie s’étaient subitement emparées de lui, et ce mystère plongeait sa sœur-épouse dans une intense réflexion remplie d’une amère mélancolie. Elle respira à plein nez la violente odeur qui régnait dans la pièce obscure, ce qui ne fut sans doute pas une bonne idée, car elle aspira de ce fait, non seulement un parfum de charogne, mais également l’énergie volatile issue du cadavre, qu’elle dérangea dans son rêve éveillé. Il essaya de se mouvoir, mais les étroits bandages lui faisaient des plis aux genoux, il lâcha par le cul un vent taquin issu des fermentations de l‘ignoble pâte malaxée dans son bide mou et bouilli. Quelque fluide organique coula à l‘intérieur de lui et le chemin à parcourir pour sortir de sa gangue desséchée lui sembla horriblement long. La prière récitée tout à l’heure par les prêtres commença à le dérider en craquelant sa peau recouverte pourtant d’un film bien gras. Il distinguait confusément que la fille penchée sur lui faisait partie de sa famille, mais en même temps, il calculait avec précision la valeur médiane de la distance qui les séparait. Avec la notation de cette figure à la peau de satin, l’angle valant 60°, il en déduisit dans les règles qu’il ne lui faudrait qu’une fraction de seconde pour s’incarner au fond de cette nana brune. Sans attendre, son esprit fonça dedans. Bonne pioche, l’embaumeur Jpeulfèr-Amémêmsou-Jedi ne s’était pas foutu de sa gueule, il était revenu à la vie. Le souffle divin terrassa la mère de Moisi, en blessant certainement au passage son amour-propre, elle hurla de terreur en s’accrochant au rebord de la table, alors qu’une entité terrifiante et griffue prenait les commandes de son organisme, creusant sa taille en remontant douloureusement les seins, sans pour autant lui offrir la silhouette idéale. Elle poussa un cri de faisan, mais l’autre lui déchargeait dans les tripes toute sa colle et tout son goudron, friand de s’approprier cette nouvelle entité. Rapidement, la vie de la jeune femme se débinait, elle tressauta comme si elle faisait de la corde à sauter, pendant qu’elle offrait le gîte à une créature horrible qui inscrivait en elle un effroyable cauchemar douloureux. Vaincue, dévorée vivante, elle tomba sur le sol à l’issu d’un mortel combat, pour se relever maladroitement quelque instants plus tard sous des traits identiques, mais elle sentit qu’un méchant trio se bousculait à présent en elle. Bien qu’affichant toujours en apparence les traits d’une dame à la mode, élégante et bourgeoise, trois personnes s’empilaient désormais dans le corps sauvagement malmené de Schrèptètnuptèt-Tahosétlafer-Ramassidkouch.

 

https://zupimages.net/up/18/03/hut7.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/03/1s6e.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:30:05
n°47716899
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 15-11-2016 à 13:33:05  profilanswer
 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 18.

 

https://zupimages.net/up/18/03/txck.jpg

 

Désormais sous la conduite de Brakmar à la braguette velue, l’armée pacifiée privée de son chef se répandait en bon ordre dans les bois de Tamerlaput, pour se diriger vers la cité Troglodyte des Troglobites de Bozob. Complices d’une chaste proximité qui les privait pour toujours de se titiller chatte et nouille, puisqu’ils étaient vraiment cousin, cousine, Monoïsurmékos et Agrippepine gobaient en riant des raisins rouges, dans l’ancienne yourte mobile du défunt Raklur de Bidet. Si les jeunes gens profitaient agréablement des commodités fastueuses de la tente ambulante, Trakenar Sonfrok, Wallala forte fesse, Vélan Dansonku, Osgard belle anguille, Isolde le bas blanc et Aragne reine des joutes leur faisaient entre autres bonne garde. La tension latente entre les coalisés rebelles et les Bozobis semblait éteinte et chacun paraissait se rallier à la diplomatie suggérée par Mirlen, compte tenu de l’imminence du danger Onkulé. Les gens des grottes pouvaient s’enorgueillir d’une belle et nouvelle unité, même si trois lamas roux portaient à présent en travois le corps du malheureux Raklur. Même ses plus chauds partisans s’accordaient à dire que le frère bâtard du roi Karbone XIV avait finalement fomenté la révolte à des fins personnelles. Sous l’ombre impénétrable de la forêt dense, les Troglobites parlaient désormais de royaume unique et de liberté, tout en jurant d’acclamer ceux qui donneraient leur vie à leur place, sinon pour lui. D’ailleurs, puisqu’il n’y avait point eu de guerre fratricide, il n’était nulle part question d’une défaite et l’honneur de tous semblait sauf. Insouciants de traverser une contrée incertaine pour rentrer chez eux, Monoïsurmékos et Agrippepine badinaient gentiment sur la banquette, soulagés que leur peuple soit délivré des intentions belliqueuses proclamées par leur oncle défunt. Alertés par les dires de Mirlen le mage, ils nourrissaient cependant quelques craintes sur la menace des affreux cannibales, parce que ceux-ci rôdaient d’après lui dans la vallée de Bogland. Les ogres avaient sans doute en tête de placer à leur tête le fils magique d’Helga, un vilain drôle qui vieillissait dix fois plus vite que tout le monde.

 

– Ayoye, disait Agrippepine, en replaçant sur sa tête de princesse son beau diadème en or, bien beau qu’on se raccommode, nous dzeux, mais check ben tsa qu’on va se faire fesser une bonne grosse de fois par mon father le roi, en rentrant à maison. On va prendre sa taloche din dents, deux fois qu’une, ben comme y faut !

 

– Watch ben, osti de ciboire, il aura pas de quoi péter une coche, pour vrai. Il sera surtout trop content en beau maudit de revouère sa câlisse de fillotte saine et sauve, je te dzis.

 

– Tô qui le dzis. Tsu connais pas maman, à se fait flusher pour une câline devant les autres. Mais à fin d’toute, c’est rien qu’une colisse dans l’vinaigre qu’entend pas à rire à matin quand y s‘agit de moué, va-t-y falloir que je te l'répète ?

 

Il régna tout à coup une intense agitation à l’extérieur. Ouvrant la marche, un guerrier du clan de Raklur nommé Guy la cueillette venait de grimper dans un haut chêne pour faire l’éclaireur. Il annonça se dire certain d’avoir entrevu une grosse bande d’Onkulés glisser dans les fourrés. Suivant les hommes du clan, Erald, Hivalanoué, William et Belbit se lancèrent aussitôt à leur trousse, sans rien trouver. En revanche, on était parvenus à l’endroit du combat où Popol le borgne, Bébertlatrik et Gudfrid Jidaire étaient entre autres tombés morts sur le champ de bataille. En alertant les autres, Ursuline grande ciguë retrouva là les restes d’un inquiétant bivouac. Un grand foyer aux cendres chaudes gardait encore les reliefs d’un horrible banquet, car il semblait évident que les cadavres des guerriers venaient d’être mangés. Mirlen le confirma en alchimiant de près les marques de boucherie qui couraient sur les os carbonisés, dont les Onkulés avaient proprement sucé la moelle. Déjà, les Troglobites unanimes criaient vengeance, car si on avait laissé les morts aux loups, ce n’était pas pour nourrir des ostis de chieux de nomades anthropophages. Les tristes trouvailles passèrent de main en main, et chaque tibia sorti des cendres leur plantait une épine dans le cœur. Les tripes nouées par une crainte irrationnelle, certains juraient en plus que les bois de la vallée étaient certainement enchantés par les fées, remplis de chiens qui parlent et de connards d’ermites azimutés. On enterra les restes pour reprendre la route, il fallait se hâter de rejoindre la cité, après avoir contourné le Lac de Blanche Perte. Pleine de jouvence et d’insouciance, Agrippepine recommençait à être allègrement chatouillée et pincée par son cousin bourré d‘acné. Les grottes de Bozob furent finalement visibles au sommet de la montagne, tous poussèrent un hourra triomphal à l’idée de quitter le gouffre du Poingé. On envoya d’abord un émissaire qui monta tout là-haut dans le panier, pour assurer les Bozobis que la guerre n’aurait finalement pas lieu. Le messager revint dépité, car la cité se trouvait vide du moindre habitant, et tout portait à croire qu’elle venait de subir l’attaque des cannibales. Il y avait des traces d’incendies et on s’était battus, mais l’homme ne trouva dans les rues ni morts ni blessés. On frissonna, car chacun devinait que de petits enfants transformés en saucisses avaient été mangés. Mirlen, Erald, Hivalanoué, William et Belbit se réunirent à part.

 

– Foutrekramouille, fit Mirlen, nous arrivons trop tard. Souhaitons que les cannibales n’aient pas déjà mangeaillé en francherepue trop de nos bons amis. Je l’avais dit bien fort qu’il fallait craindre par-dessus tout ce maudit fils d’Helga.

 

– Mais tirons-nous vite fait jusqu’au Mont Chauve, messires, intervint Belbit, et laissons-là ce pays se démerder tout seul. Après-tout, nous tout ce qu’on veut, c’est cueillir la Pinette.

 

– Que nenni, le coupa Erald, car dame Helga est ma promise, que je dois retrouver.

 

– Ah, chiennerie des amours, lui répondit le Huelabit, car point n’avez bon goût, chevalier. Il raillait, mais en même temps il recula, pour éviter au poing d’Erald de tomber sur son nez.

 

– En tout cas, ce royaume Troglobite n’est vraiment plus pour nous une terre d’asile, assura William.

 

– Cessons, intervint Hivalanoué sur un ton cassant, car il avait horreur des bavardages. Prenons les armes et arpentons pas à pas les falaises, nous sauverons peut-être le roi Karbone et ses sujets d’une mort inexorable.

 

– Si fait, approuva Mirlen, il n’y a semble t-il point trace de trop grand carnage dans la ville, les Onkulés les auront donc conduit en esclavage avant de ripailler d’eux, en tout cas les moins maigres.

 

La communauté de la gnôle exposa donc à Brakemar l’idée de partir sur les traces des odieux pour leur faire rendre gorge, en conduisant l’armée sur les chemins surplombant le Poingé.

 

– Pour sûr qu’on va crever ces crisse de fefi d’avaleurs de vnu, tabarnak ! Ces chorognes de mardes de croque la mort ont capturé mon Alignore ! Allons mes gars, grimpons tous à ct’heure dans le haut, ces péteux de broue ont pas tant que ça d’avance. Pis cé pas moué, c’est le roi Karbone qui vous le demande !

 

Après les ovations, on brûla les tentes. Jouer des contrepoids pour élever tout le monde par l’ascenseur aurait été trop long. Sous les ordres désormais effectifs de Brakemar à la braguette velue, toute la formidable armée se lança donc immédiatement à l’assaut du long chemin qui serpentait vers le sommet du gouffre. Lentement, avec lamas, chevaux, armes et bagages, les Troglobites en file commencèrent à grimper le sentier sinueux, en se blessant les pieds sur les pierres rugueuses et noires, aux aspérités coupantes.

 

https://zupimages.net/up/18/03/2rq7.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:31:48
n°47743119
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 17-11-2016 à 14:36:34  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 39.

 

https://zupimages.net/up/18/03/nbdm.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/5qek.gif

 

Sous la pâle luminosité du seul soleil de 8495SK-Rolling Stones encore visible, une grosse carriole à vapeur se gare près de la mission, et ses hôtes peuvent voir qu’elle arbore les bannières royales des Matriarches du Triangle Doré. Il s’agit donc sans nul doute du véhicule luxueux dépêché par la Goween Amygdala pour les conduire au palais. Effectivement, une femme en jupette et les épaules revêtues d’une cape blanche frappe à la porte et les invite ensuite à prendre place dans l’élégant landau rouge. Cette calèche découverte est en réalité prise en remorque par le tracteur sombre à l’aspect massif. Charlie Badelaire tique un peu en voyant leur charmant guide affublé d’un glaive à la ceinture, mais les autres parviennent tout de même à le dissuader d’emporter le lasergun. Pendant qu‘il s‘installent sur les banquettes matelassées, la fille confesse s’appeler Maïfel Ashion, appartenant à la garde personnelle de la reine. Alors qu’elle leur décline aimablement son identité et bien qu‘elle ne semble pas vraiment timide, chacun peut observer qu’une douce excitation lui colore joliment les joues devant la nudité des passagers. Entre les naufragés de la Marie-Jeanne, la communication interimplant bat son plein, dans la langue commune aux défédérations galactiques que cette nana ne parle pas.

 

– Fais gaffe, ricane Jhon Piol Balmundo à l’adresse de Kishi Kikurséwawa, elle va te violer !

 

– Grand bien me fasse, son éminence approuve, mon gars. Et ici, rappelle-toi, pas besoin d’autorisation officielle de pornifier. Il repose sur la table le curieux exemplaire de la nouvelle bibeule épicurienne de son éminence qu’il était en train d’admirer, pour rejoindre les autres avec Jhon.

 

Lorsque tous sont assis, le chauffeur en pagne installé debout devant la chaudière ardente de la loco envoie un coup de sifflet strident. La machine reprend alors sa route dans les rues d’Utruss, recouvertes d‘un sable jaune d‘or, et sa cheminée cuivrée lâche dans l‘air un énorme panache de fumée âcre et grise. La calèche véloce les emporte avec un certain confort dans la ville, où chaque façade se trouve illuminée par des myriades d’organismes plus chatoyants qu‘en journée. Quelques tardives habitantes les croisent, juchées sur d’étranges limaces transparentes et sellées, aux pattes grêles et nombreuses. Tous notent que leur compagnon mâle monte en croupe derrière les cavalières. D’autres sortes de protozoaires géants vaques libres et semblent peu pressés de fuir à l’approche de l’engin royal, rapide et bruyant. Les bulbes de plusieurs maisons sont peints avec art de symboles compliqués remplis de fantaisie. Même si la lumière solaire perce de plus en plus difficilement les nuages, cette nuit ne sera jamais complètement obscure et durera peu, jusqu’au retour des deux autres soleils dans le ciel vert. Venu de la jungle luisante, un souffle doux apporte par moment aux narines humaines une odeur agréable et indéfinissable. Le spectacle de la cité forestière a tout pour exciter la curiosité des rescapés de l’espace. Bordées par une végétation aussi luminescente que luxuriante, les maisonnettes rondes donnent le sentiment d’abriter des gens gais et heureux, et hommes et femmes portent le plus souvent des robes blanches, serrées sur la taille par de larges ceintures brillantes. Devant l’une des habitations, de jolis bols circulent entre les mains d'indigènes des deux sexes accroupis sur leurs talons, et visiblement occupés à se partager en riant quelque collation. Un raffinement d’élégance orne en petit bouquet de curieuses fleurs fluorescentes, plantées dans les chignons de quelques femmes. Si les hommes restent impassibles, celles-ci font un signe de main au démonstratif convoi royal, et Maïfel Ashion leur répond pareillement, en y ajoutant son gracieux sourire. Devant les hautes roues aux rayons rouge cerise du tacot noir, plusieurs autres passants s’écartent d’un pas rapide pour le laisser passer.

 

L’immense bulle du palais domine toute la ville sur une hauteur boisée et occupe le centre d’un large jardin, affirmant par sa seule masse qu’elle détient la clef des affaires de ce monde, et d‘Utruss en particulier. A l’aplomb de ce bâtiment rond, deux comètes de tailles inégales semblent immobiles dans le ciel assombri et brûlent leur queues en offrant par ces longues trainées aériennes un spectacle grandiose. La reine Agmydala et sa fille Olila semblent attendre leurs invités devant la grande terrasse qui borde le perron empierré à l’entrée du palais. Le parc est traversé rapidement. Lorsque la lourde guimbarde s’arrête enfin, en laissant fuser un dernier jet de fumée, l’odeur de l’huile qui sert à lubrifier les systèmes se fait plus présente. En partie éclipsée par le brouillard que le châssis du tracteur laisse échapper en chuintant, les deux femmes ne portent que de fines robes pratiquement transparentes, à peine agrafées, et rien d’autre. Olila au visage souriant a placé une minuscule mouche vivante qui se déplace avec une extrême lenteur sur sa joue. On devine dans la présence de cette bestiole mauve collée sur son visage une forme de coquetterie propre à la féminité de Kourdukon. De son côté, la reine porte avec classe à ses lèvres carmines un long roseau fin, qui laisse échapper à chaque expiration de petites bulles parfumées. Elle aussi se maquille d’un drôle d’insecte microscopique qui prend refuge sur l’aile de son nez, mais il se dore d’élytres étincelantes. Même Emeline semble tombée sous le charme des deux femmes et de cette longue soirée qui s‘annonce. De leur côté, ses compagnons s’attendaient à être reçus par la foule des dignitaires d’Utruss, et ce comité restreint les laisse un peu perplexes.

 

A la suite de leurs majestés, le groupe pénètre dans une magnifique salle ronde au plafond voûté peint d’azur et de vermillon. Sur le pourtour, dans de hautes niches ovales creusées dans le mur, plusieurs lits sont recouverts de coussins soyeux, et de splendides tapis végétaux jonchent le sol en terre battue. Sur les murs bombés de cet étrange château, des armes diverses composées de lances et de poignards décorent les parois, partout agrémentées de beaux miroirs à facettes. Un certain nombre de femmes de tout âge portant double sabre semblent monter une garde discrète. Imitant Olila et Amygdala, l’équipage étranger prend place sur les grands divans. Apportés par quelques serviteurs masculins, un nombre impressionnant de victuailles exotiques s’alignent devant eux, mais si boire ne pose aucun problème, les estomacs dressés aux gélules alimentaires ne sauraient avaler ces nourritures solides sans les rejeter. La reine et sa fille font de grands yeux étonnés, exprimant ainsi leur difficulté à comprendre cette réticence. Comment faire accepter à ces gens le fait qu’une simple pilule puisse optimiser à elle seule le parfait fonctionnement d’un organisme ? En revanche, les breuvages servis dans de belles coupes en verre coloré sont manifestement propices à l’ivresse. Dans la fausse nuit à présent installée, de petites méduses flottent autour des convives pour fournir une agréable lumière tamisée, il est parfois nécessaire de les chasser d‘un doigt amusé. On s’amuse alors à suivre des yeux leur trajectoire indignée.

 

– Ce soir, fait Amygdala, nous voulions une réception intime, pour que vous fussiez tous à nous, mais demain, vous ferez connaissance avec les plus grands noms d’Utruss. Vous avez déjà rencontré Maïfel Ashion, qui est une personne admirable et notre femme de confiance, mais vous gagnerez à connaître également beaucoup d’autres des amies influentes composant notre cour. Je ne vais pas vous en dresser la liste maintenant, mais vous verrez qu’elle est impressionnante.

 

– Pour nous, comme pour toutes les femmes de l’aristocratie, renchérit Olila en surveillant du coin de l‘œil la nuée de serviteurs masculins chargés de les servir, nous n’en doutons pas, messieurs des étoiles, vous êtes un cadeau des cieux.

 

https://zupimages.net/up/18/03/g0cb.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:39:18
n°47770972
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 20-11-2016 à 08:37:15  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Jet larguée - Extrait numéro 13.

 

https://zupimages.net/up/18/03/6ts7.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/gzzd.gif

 

Un flot d’informations variées traversaient le cerveau en alerte du commandant Steven Eight, un organe transformé pour cet atterrissage d’urgence en centre de consultation privilégié, avant même de prendre l’avis extérieur du copilote. Ainsi, l’hippocampe du capitaine, au gré de milliards d’interactions neuronales, se félicitait en temps réel d’avoir parfaitement daté et signé son testament olographe, en portant évidemment le lieu de sa rédaction. Le document devrait éviter toute bagarre entre les héritiers du patrimoine conséquent du commandant de bord. Le noyau caudé s’interrogeait aussi sur la qualité des eaux de baignade de l’île qu’ils n’allaient pas tarder à visualiser, en espérant un classement A, à 30 cm en dessous des eaux de surface, conforme aux exigences européennes. Dans une moindre mesure, le putamen cérébral de Steve s’inquiétait également des conséquences des frais de remboursement des voyagistes pour cause de crash, auprès des assurances multirisques proposées aux clients par la Petro Jelly ; sans parler du trou dans la caisse de la compagnie, occasionné par une éventuelle coque perdue, autrement dit la perte effective de l’appareil. L’amygdale du pilote refusait férocement d’envisager un possible licenciement pour incompétence, avec pour conséquence une sanction risquant de le condamner jusqu’à la retraite aux travaux saisonniers agricoles, pour un Smic horaire pas très net et plutôt brutal. Toutes ces réflexions se conditionnaient bien sûr à une éventuelle survie en bonne santé. Quand au lobe temporal le plus près de la vitre, il s’efforçait à lui seul de dompter au mieux les commandes qui ordonnaient à l‘avion de descendre. Un flot de souvenirs émouvants lui rappelaient en plus son enfance, lorsqu’il jouait à s’improviser pilote de chasse dans le jardin de ses parents. Touch and go sur la longue terrasse en bois, parmi les géraniums ! Au cours de ces jeux, plusieurs pots de fleurs dégommés à coups de pieds faisaient toujours les frais de ses Pearl Harbor innocents, au grand dam de sa mère. Dans la tête un peu chauve de Jack-André Tyler, l’influx nerveux qui transitait d’un neurone à l’autre se contentait par contre de fonctionner par stimuli simples, au gré d’opérations mentales moins complexes, puisqu’il était moins gradé.

 

 D’après les cadrans à qui on pouvait faire confiance, l’hydrocarbure diminuait drastiquement dans les réservoirs et viendrait à manquer dans un temps certain. Les deux hommes étaient donc prêts à prendre une douche forcée et se préparaient mentalement pour se poser à la française, sur un atoll inhabité près du Pôle maritime d’inaccessibilité. Nul doute qu’aucune chambre d’hôtel ne pouvait s’y réserver. Ils se touchèrent mutuellement la bite, un rituel entre eux mis au point à chaque fois qu’un vol donnait un peu de souci, une petite attention mâle et virile pour conjurer le mauvais sort. Le rouge d’alarme écourta quelque peu ces retrouvailles initiatiques, ils se penchèrent en avant en essayant d’apercevoir de leurs yeux cette foutue île, avec un geste qui trahissait une habitude pour l’heure un peu forcée. Le fait demeurait pour Tintin que posséder un physique avantageux n’offrait pas la moindre plus-value pour sauver la situation périlleuse. Il était seulement certain que l’approche sur la piste dangereuse de cette île paumée se ferait de façon forcément humaine, et qu’elle allait offrir à tous les passagers l’occasion unique de s’offrir un destin tragique. Même s’ils n’avaient pas la mainmise sur les commandes, ce n’étaient pas pour autant de simples figurants, mais bien les acteurs réels totalement paniqués de ce mauvais trip. Et puis merde, après-tout, chacun témoigne à sa manière de la réalité du monde. Une minuscule tache verte se détacha sur l’immense fond bleu. Steven pensait qu’ils étaient toujours visibles sur les écrans radars civils et il aurait bien voulu informer le sol de son approche, mais la radio restait muette, en dépit de ses appels répétés. A présent, ils étaient vraiment seuls dans le cockpit, d’autant plus que Kurt et Loraine venaient de les quitter pour aller s’attacher sur leur siège, en attendant d’offrir un éventuel secours aux passagers. Des voyageurs anxieux qui comptaient déjà 10% de phobiques de l’avion en temps normal, mais tous munis de passeports valides, des vaccins habituels et de monnaie convertible ; ce qui, à l‘heure du danger, leur faisaient somme toute une belle jambe. Surtout que de toute façon, il n’y aurait aucune douane à l’arrivée, mais uniquement de sévères nids de poule remplis d‘eau boueuse. Au moins, le fait de savoir que les survivants éviteraient le paludisme apportait une note très positive. Entre mer et cocotiers, on distinguait de plus en plus nettement l’assemblage de quelques baraquements de guingois, aux toits rouillés en tôle ondulée, hérissés de grandes antennes et de paraboles. Au pied de collines touffues, ces masures vides jouxtaient la piste, effectivement courte, mal cimentée et franchement pourrie. Conventions de sécurité et secret-défense continuaient de veiller sur cette minuscule terre tropicale, isolée dans des eaux turquoises à 28°. Elle était pourtant à présent complètement abandonnée par la Russique, en dépit d’une demande ancienne et plus ou moins officielle de la Gerbique, qui voulait en faire un lieu d’exil définitif pour y transporter sa population de composante Flomonde.

 

– La voilà, Jack. Sans quitter sa vision en contre-plongée, il envoya une vanne un peu amère sur le fait qu’il avait oublié de louer une voiture. Allez, on y va, pour un vol exempté pour une fois des taxes aériennes.

 

– Ma foi, je laisse l’honneur au leader. Et en te posant, n’oublie pas de klaxonner, si une bestiole traverse la piste. Les cochons sauvages doivent proliférer.

 

– Tu sais, fit Steven sur un ton plus sévère, je crois qu’on ne va pas trouver là-bas un centre de soins correct.

 

Sur l’évocation portée par ces mots, ils échangèrent un regard d’où ricochait un même sentiment d’angoisse, leur respiration saccadée en disait long là-dessus. Mais il fallait surtout rester calme et concentré pour se poser sur ce bout de terrain aux allures de war zone. Un coin perdu où l’office de tourisme, s’il avait existé, n’aurait pas pu leur vanter la modernité réjouissante des shopping centers. Steven entama un long virage sur l’aile gauche et le géant des airs se mit à obéir docilement. En cabine, le pax baigné de lumière douce ne rigolait vraiment plus, qu’il soit assis en classe-affaires ou classe-éco. Premiers à apercevoir l’île, le docteur Akim Zemblablek pour la première et une des Pinsonnettes pour la seconde firent passer le message qui se diffusa rapidement dans tout l‘appareil. Du coup, l’espoir de se poser sur une terre ferme redonnait du courage à tout le monde. Kinni se voyait déjà en droit de se précipiter vers le bar pour prendre quatre ou cinq remontants, une fois l’avion posé. Shirley passait le temps en se demandant si son père était vraiment son père, des trucs du genre qu’elle imaginait pour s’éloigner le plus possible des affres de cette attente interminable. Au début de ses missions d’hôtesse, elle avait eut bien du mal à vaincre sa timidité naturelle, elle qui rasait toujours les murs pour se faire oublier dans les centres d’impôts. Elle avait même pensé à épouser un chirurgien-dentiste pour éviter de travailler, mais les jours s’étaient succédés sans qu’elle se fasse aimer plus d’un soir par l’un d’entre eux. En tout cas, si elle était toujours célibataire, elle en avait gagné une dentition impeccable et un sourire si éclatant que le pauvre Steward en était resté bouche-bée, au cours de leur première rencontre sur un Paris-Nagoya. Assis non loin d’elle, il lâchait à présent à son attention un pauvre petit sourire en coin à la limite de l’indécence. Pas facile de booster une carrière honnête quand ton mec ne sera jamais James Bond, mais simplement amoureux. Elle ne se rappelait pas combien de fois elle avait fait le tour du monde en sa compagnie, ni combien de fois ils avaient baisés comme des fous dans chaque recoin peinard du grand oiseau blanc. Steward Steward n’avait pas son pareil pour la mettre à poil en moins de trente secondes dans un espace configuré en placard à balais. Et le pauvre gars qui pensait à tort que ce jour funeste allait être celui de leurs fiançailles ! Rappelée à l’ordre par un horizon qui s’annonçait vraiment peu rose, la situation lui commandait d’arrêter d’examiner de plus près les plaies de son cœur. En toute circonstance, l’hôtesse garde les joues hautes et les mains occupées. Pour se divertir quand-même, elle enfonça sa main dans sa poche afin d’en retirer un mouchoir en papier et faire valser de sa bouche un excès de rouge à lèvres. Elle y trouva en fouillant une petite bague qui n’aurait pas dû s’y trouver. Merde, pensa-t-elle, j’ai subtilisé l’alliance que j’ai refusée à Steward. C’était comme ça, sans qu’elle y fasse attention et en raison de sa cleptomanie irresponsable, Shirley ressentait toujours au bout d’un moment le besoin vital de se ravitailler en vol.

 

https://zupimages.net/up/18/03/q1e2.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/03/ry0l.jpg

 


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:42:53
n°47801673
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 22-11-2016 à 16:15:12  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith - Extrait numéro 32.

 

https://zupimages.net/up/18/03/b16u.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/3gaf.gif

 

Les mains de Strazdinovsky se crispèrent, tout son organisme paraissait souffrir. Une petite goutte de sang perla au bord de sa lèvre, il hoqueta brusquement. Sa nuque se releva, s‘agita de droite à gauche, puis il ouvrit des yeux de dément. Un cadran lumineux auquel son corps semblait relié semblait s’être réveillé avec lui et se stabilisa sur une nouvelle donnée. Le sommeil dont émergeait le dormeur avec autant de souffrance ne pouvait se nommer comme tel, car l’homme paraissait complètement épuisé. Parce qu’il donnait bel et bien l’impression d’être une victime impuissante cruellement torturée, Vaya et Martin le regardaient en éprouvant une fascination horrifiée. Sous la sangle serrée qui lui barrait la poitrine, le cœur de la jeune femme battait à tout rompre et le privé regardait impuissant le ventre de son amie se soulever au rythme saccadé de ses rapides respirations. Martin abandonna cette pitoyable vision pour tourner la tête vers Strazdinovsky, lequel donnait le sentiment de reprendre enfin tous ses esprits.

 

– Hé, je vais pas vous plaindre, mais ça n’a pas l’air d’aller très fort, monsieur le directeur.

 

– Qui êtes-vous ? Il s’exprimait en éprouvant une réelle difficulté.

 

– Comment ça qui on est ? Mais vous avez perdu la mémoire, mon pote.

 

– Heureusement non, pas encore. Je ne vous ai jamais vu, mais j’imagine que vous êtes vous aussi les cobayes d’Hubert Van Degaffe. Cette ordure m’a piqué mon apparence, il est très fort, vous savez. Celui que vous semblez avoir rencontré, ce n’était pas moi, mais lui. Je sais que cette réalité semble dure à croire, mais ce subterfuge lui a permis de prendre le contrôle des Flocons d’argent, avec l’aide de ses sbires. Je suis son prisonnier, comme vous semblez l’être, comprenez-vous ?

 

– Pourquoi ne pas le croire, Martin ? fit Vaya. Il a l’air sincère.

 

– Alors, reprit Martin en s’adressant à son voisin, les labos, les expériences en sous-sol, toute cette merde, ce n’est pas votre œuvre ?

 

– Evidemment que non. Van Degaffe est plus habile à tromper son monde que vous ne pouvez l‘imaginer. Il a même de nombreux alliés dans beaucoup de secteurs. Les indignations vertueuses, il y a bien longtemps qu’il s’en tamponne. Sa science est réelle et en perpétuel progrès, mais ne comptez pas sur lui pour balancer les rapports de ses expériences sur la place publique. Il a trouvé comment rajeunir les vieux et …

 

La porte du container s’ouvrit sans prévenir. Faisant assaut de force physique, Martin essaya de se libérer, mais une fois de plus, il fut contraint de renoncer. Gros Bill leur faisait face, un rayon de lumière verte lui barrait sa sale gueule adipeuse. Il fermait sa bouche sans lèvres et ses yeux semblaient presque s’amuser des efforts impuissants du privé. Il s’approcha lentement et son visage libéra cette fois une expression cruelle et animale. Alors qu’il se penchait sur Vaya en mêlant son souffle au sien, un de ses énormes bras prenait appui sur le bord du lit. Martin aurait voulu tuer cette charogne. Avec délectation, le tueur embrassa la prisonnière sur le front. Elle chercha désespérément à se dégager du malabar, les larmes qu‘elle laissait échapper inondaient son visage, mais elle resta finalement à le fixer durement pour lui lancer un simple regard de haine résolue.

 

– Faut que j’aille aux toilettes.

 

Gros Bill fouilla le cou fragile pour l’embrasser une nouvelle fois près de l’oreille, avec plus d‘insistance. Vaya se sentait tellement vulnérable qu’elle ne chercha même pas à le mordre. La grosse ordure se releva comme à regret, en tripotant les sangles.

 

– Mais bien sûr, évidemment. Mais avant de procéder à la purge, ma sœur, vous allez prendre le voile. Il pouffa avant d’enfiler un sac en tissu sur la tête de Vaya, puis il lui passa une paire de menottes. Vous avez de la chance, le jury a pris sa décision et ne vote pas encore la mort, pourtant moi, je ne vote pas l’indulgence. Et puis quand je condamne, je dis ça pour tout le monde, je ne vois pas de rachat possible. Un pas de travers, ma jolie, et je t’abat sur le champ. Lorsqu’elle fut levée, debout et chancelante, il lui pointa dessus un mignon Sky Marshal 9 mm, pour appuyer sans équivoque ce qu‘il venait de dire.

 

Martin et  Strazdinovsky se taisaient, sachant bien que discuter avec ce salaud ne servirait à rien. Smith aurait cependant bien voulu lui enfoncer le court canon de son petit parabellum dans le trou du cul, avant de vider le barillet. Contre toute attente, Gros Bill passa des menottes aux mecs et libéra tout le monde ; lorsqu’un type qu’il appela Grand Tonio vint lui prêter main forte pour enserrer les têtes des prisonniers dans un sac à leur tour. Celui là, avec une tronche en profil de porte et sa dégaine maigre et élancée, comme fondue dans une sorte de métal massif, apportait une vraie antithèse à l’allure de son complice charnu. L’asperge en bronze ajoutait son Browning Skorpion à l’artillerie ennemie. Nul doute que proprement aveuglé, faire un pas de travers aurait des conséquences fatales. Le silence n’était pas seulement la seule condition de survie, il était plus prudent de se tenir peinard. Certain d’un consentement arraché sous la menace, Gros Bill les guida en les poussant pour sortir sur le pont du cargo. Vaya avait fini de refouler ses larmes. Martin pensait seulement bêtement qu’il aurait dû prendre un peu de temps pour lui apprendre le maniement des armes, un truc qui peut quand même toujours servir. Il possédait un poignard sur lui, mais il n’en éprouvait ni sécurité ni bien-être. Ce bateau les piégeait en haute mer et à son grand étonnement, il s’aperçut que son plus grand désir n’était pas forcément de s’évader, mais d’en apprendre plus qu’il n’en savait sur leur tortionnaire en blouse blanche. Ce personnage mystérieux à la base de toute cette embrouille, capable de leurrer le monde en empruntant les traits d‘un autre. Essayer de planter son couteau dans le ventre de Gros Bill avec les mains entravées et le Tonio à côté imageait de toute manière dans l’heure présente un plan beaucoup trop ambitieux pour être couronné de succès. Les flingues apportaient une difficulté technique, et leurs proprios une difficulté humaine, si l’on pouvait offrir ce qualificatif à ces deux enflures. Sans parler de la faiblesse physique qu’il éprouvait, il fallait se forcer pour être docile. Martin le savait très bien, l’acier d’une arme, au départ si froid, pouvait rapidement devenir brûlant. Strazdinovsky dans un état encore plus piteux le comprenait sans doute également. Tout de même, poussé dans le dos par le flingue porté bras tendu par Grand Tonio, Martin Smith ressentait un drôle de poids lourd au fond de l’estomac. Comme s’il jugeait de pouvoir le faire sans risque, Gros Bill releva un peu les sacs pour redonner un peu de vision aux captifs et leur permettre de se diriger plus facilement. La lumière naturelle s’avéra particulièrement cruelle aux yeux toujours enfiévrés des trois prisonniers et leur donna le vertige.

 

https://zupimages.net/up/18/03/q4e6.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:45:28
n°47836811
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-11-2016 à 10:50:17  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou - Extrait numéro 21.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/32lx.gif

 

Nous ne sommes pas Suétone, qui accablait si fort l’empereur Néron, mais juste l’humble compilateur des faits marquants de la vie de Gaston Boudiou plongé dans ses arts. Pour conserver toute objectivité sur l’expérience proche de la mort qu’il a vécu, il nous suffit donc simplement de le croire par accord tacite, sans vouloir en rajouter pour esquisser l‘arc de son triomphe. Nous disons simplement à notre lecteur qu’il vaudra sans doute mieux analyser plus tard que jamais pour éclairer toute vérité. Supprimons donc nos petits airs malicieux, puisque la mort imminente n‘est pas après tout le titre du livre. Comme le disait d’ailleurs si bien avec sagesse notre grand-mère, sans tic de langage, si c’est rond, ce n’est pas carré. Pour faire ce récit, essayer d’en tirer la quintessence et en dévoiler les temps forts, ah oui, le lecteur verra que nous avons modestement bu à la source des quinze volumes de 2000 pages et vendus par abonnement, que Gaston a légué sur son étonnante aventure. Une expérience définitive qui fait d’un Hercule un homme et qu‘il a soigneusement retranscrit en accomplissant un véritable travail de roumain déclaré. Notons-le, peu avant que Boudiou ne subisse son étrange expérience, le sismographe du Bureau Municipal Sismologique venait d’enregistrer une série de secousses telluriques dont l’épicentre se situait dans l’arrière-boutique de l’épicerie de Marité Hissedru, à Troulbled. Elle furent quantifiées de 0,03 période de vibrations par seconde. Nous précisons ce détail à toute fin utile, car nous pensons qu’il peut rentrer dans le champ d’une recherche plus large sur les phénomènes associés à une EMI. Ceci en ajoutant au passage la formation, relatée par un grand nombre de malades, d’un arc en ciel tracé pendant 18 mn au-dessus de l’hôpital, à l’instant précis du réveil de Gaston. Aujourd’hui, nous savons que cette mort imminente a nécessité pour lui quatre heures de chauffage et de refroidissement soigneusement contrôlés dans une étude à vide. En tout cas, il n’était plus ensuite nécessaire de le mettre au congélateur pour le conserver. En 1991, l’hebdomadaire « La Gazette des éboueurs de la ville de Troulbled » publiera un interview exclusif de Boudiou que nous reproduisons ici partiellement, et dans lequel il confie au journaliste la nature de ses impressions de mort toujours vivant ; puisqu’une fois immergé dans son autre, il est finalement revenu à son état initial.

 

PT : – Aviez-vous encore la notion du temps ?

 

GB : – Vous savez, l’aiguille de la seringue qu’on m’a planté dans le bras n’avait rien de commun avec celle de ma montre, et les horaires d’un malade ne sont pas ceux de son médecin. On rouspète souvent sur les arrêts pour maladie chez les fonctionnaires qui votent à gauche, pourtant, ils sont obligatoirement signés par des médecins qui votent à droite, c’est assez paradoxale et j’ai eu le temps de réfléchir pendant que je dormais avant de vous en parler, pour faire court. Ceci dit, je ne vois pas pourquoi le Taylorisme ne s’appliquerait pas aussi aux chirurgiens, dans un bloc-opératoire. Une chose quand même, le roulis ressenti dans mes draps en observant dans un étonnant pipe-line les infirmières penchées sur moi a beaucoup perturbé le fonctionnement de mon sexe en tant que pendule, vu la hauteur du désastre à l’horizon, dans mes toiles d’un froid polaire. Le grand mystère engendré par une expérience de mort imminente, c’est tout de même de passer de la précision délivrée par un encéphalogramme à un véritable à-peu-près propre à défier tout chronomètre, transformé pour le coup en horloge à comique.

 

PT : – A quel rythme allait vos pensées ?

 

GB : – Au début, elles arrivaient au compte-gouttes, puis mes réflexions se sont mis à dépasser la vitesse du son, j‘ai eu beaucoup de mal à les rattraper. C’était en plus comme si je devais ouvrir mille tiroirs en même temps, une gageure pas très commode. Et puis finalement, mon cerveau a fait jaillir mes idées comme si elles sortaient d’un coucou suisse, à raison d‘une par seconde, mais en silence. J’avais très mal au ventre, mais je suis certain d’avoir trouvé le moyen de révolutionner le fonctionnement des turbines à gaz. Surtout en examinant de plus près la transmission des arbres de renvoi.

 

PT : – Des scènes de votre vie sont-elles réapparues ?

 

GB : –  De la mienne oui, évidemment, mais aussi celles d’un gars obligé de bosser au noir dans un champ de coton. Je me suis rappelé de la fois où, en compagnie de ma sœur, j’avais perdu contre elle au poker. Je trouve dommage que Facebook n’existait pas encore à l’époque pour le dire aux chinois.

 

PT : – L‘expérience a-t-elle amélioré votre compréhension du monde ?

 

GB : – Il me semblait ne plus avoir besoin d’emporter de valise pour glisser dans cette nouvelle errance existentielle. Les périodes sombres de l’histoire revisitées m’ont rendu plus méfiant et pessimiste sur l’espèce humaine dont vous faites partie. Je sais maintenant que la souffrance et tous les coups reçus nous donnent mieux le sentiment d’exister que le sommeil profond. J’ai ensuite ressenti le besoin pressant d’exprimer ma solidarité face aux moches, trop souvent victimes de discrimination faciale. Je me suis aussi beaucoup demandé si Alexandre le Grand n’avait pas en fait été rien d’autre qu’un beauf pathétique, un peu envahissant. Et puis j’ai soudainement deviné que les arts, la science et les religions n’englobaient pas les mêmes notions. Surtout chez tout le monde. Un moment donné, j’ai eu l’envie irrépressible d’embrasser un fonctionnaire. Je me suis dit aussi que même dans un coin de paradis, un couple uni par les liens du mariage pouvait parfaitement se trouver au bord de l’effondrement, une fois soumis à l‘attraction satanique du personnel avenant de son hôtel.

 

PT : – Avez-vous ressenti de la joie, du bien-être, de la paix ?

 

GB : – En première partie de spectacle, je devais faire front aux obscures forces mécaniques de la nature qui me pressaient la nuque sur l’oreiller. Il y avait une part de souffrance à l’œuvre dans le fait que le matelas de mon lit faisait un creux. Cela m’a d’une certaine manière prouvé l’affection certaine que je me porte depuis ma naissance. Pendant ce temps-là, j’étais totalement heureux, parce que j’étais devenu pour les autres injoignable à tout moment. J’étais la proie satisfaite de nombreux fantasmes érotiques à la vue de jolies jeunes personnes dénudées, mais j’avais en même temps une conscience accrue des ravages causés par la surpopulation mondiale.

 

PT : – Vos sensations étaient-elles plus intenses ?

 

GB: – Non, j’avais juste l’impression de posséder des couilles carrées. Je gonflais et me dégonflais avec le sentiment d’être assis sur un rocking-chair et la plupart de mes sens faisaient du hors-piste. Surtout la vue, puisque j‘avais les yeux fermés.

 

PT : – Etiez-vous lumineux ?

 

GB : – Au départ, j’étais atteint de bichromie, et puis je me suis senti transporté dans une galaxie très lointaine, au sein de laquelle je trouvais dommage de ne surtout pas vouloir m’attarder plus longtemps. Enfin bref, c’est un fait, j’étais irradié d’une lumière magnifique, surtout quand j‘ai observé mon âme, après l’avoir comparée à celle des autres.

 

PT : – Avez-vous vu le futur ?

 

GB : – Je ne distingue pas très bien de quoi vous voulez parler, mais le simple fait d’être en train de mourir était suffisamment intense pour essayer d’aller voir plus loin. Intégrer l’avenir aurait sans doute été une malédiction, à cet instant précis. Pendant un long moment, je me suis dit que la vie était merveilleuse, mais j’ai quand même craint de me voir abattu un de ces jours dans la rue par l’armée.

 

PT : – Etiez-vous séparé de votre corps ?

 

GB : – Au début, je pensais être la victime d’une agonie cruelle, et puis j’ai pris conscience, au travers d’une sorte de filtre gélatineux, être davantage qu’un simple spermatozoïde gagnant condamné à mourir. Je me suis contemplé moi-même à travers un brouillard coloré, pour me réconcilier avec l’ovule qui est toujours en moi et ça m‘a rendu plus gai. En quittant mon corps, j’avais le sentiment d’être ce pauvre clochard, ancien proxénète et alcoolique, qui s’extirpe de son vieux sac de couchage crado pour découvrir son trottoir tapissé de moquette rouge. Mais moi et moi, c’est un fait, nous ne respirions plus le même air. Vous savez, on se sent résigné quand on emprunte sans le vouloir ce type de transport mental.

 

PT : – Avez-vous fais des rencontres ?

 

GB : – En sortant du coma, j’ai rencontré la Vierge Marie.

 

https://zupimages.net/up/18/03/7g1i.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:47:36
n°47854761
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-11-2016 à 14:19:10  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil - Extrait numéro 67.

 

https://zupimages.net/up/18/03/cqda.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/763z.gif

 

Accompagné de sa terrible bande de Gaza, le chef des pirates philistins Punkayène haranga ses troupes à l’approche de la flotte pharaonique, dont il apercevait enfin les gréements carrés. Fidèle aux tactiques ayant cours dans le bassin de la zone du Levant, il avait pour l’occasion fait alliance avec deux bateaux moabites qui devaient chercher à prendre la reine par derrière. Avec un sens de l’humour désopilant, il en profiterait ensuite pour baffer comme il faut cette môme de boudeuse complexée qui dirigeait l’Egypte. Portant comme tous les siens une grande crête rose sur la tête et des anneaux aux oreilles et dans le nez, Punkayène était certain que ce train royal qu’il allait piller renfermait d’abondantes ressources naturelles. Il allait déclencher par surprise une sanglante attaque massive propre à lui fournir le blé et l’argent du blé. Debout sur le pont de son navire et rechargé à bloc, il consulta sa tablette en s’accrochant au câble pour se faire une idée des positions respectives de ses marins. Sa mémoire lui joua un tour, il eut soudain un petit trou en priant Baal. Au garde-à-vous sur le pont de leurs bateaux, ses guerriers portèrent deux doigts à leur choucroute colorée pour entonner l’hymne national philistin et Punkayène loua l’opiniâtreté de ses recrues musclées. En regardant ses petits gars avec leurs balais de tiffs mauves dressés sur le crâne, le pirate voyait bien que ses hommes étaient vraiment prêts à crêper le chignon des fils d‘Horus. Mais une fois que les prières et les dévotions furent achevées, il se rendit compte qu’un truc clochait dans sa tactique, puisque plusieurs navires de guerre égyptiens, conduits avec un ordre parfait, venaient vers lui à toutes rames en impeccable formation de combat. Visiblement, ils venaient d’être prévenus de son arrivée et l’effet de surprise devenait inopérante. Il n’allait sans doute pas tout de suite pouvoir amputer de ses deux jambes la petite brunette peinturlurée qui dirigeait ce pays, par ailleurs rempli de sombres marais boueux. Sur le Nil, on passait d’un seul coup de la sympathique guérilla fluviale à la féroce bataille navale. L’action collective allait dans un instant imprimer sa marque, à coup d’épée dans la tronche individuelle des belligérants, lesquels retenaient à présent leur souffle avant l‘abordage. Manœuvres et stratégies se bousculaient dans la tête de Punkayène, car l’efficacité de son rôle de chef n’avait jamais senti aussi mauvais. Son attaque dévoilée, il buvait malgré lui l’amertume du poison de la désillusion.

 

En face, le général Merdenkorinnanâr prenait connaissance du passage des nuages et du chant des oiseaux pour récupérer quelques vagues informations sur le dessein des dieux. Il jeta discrètement un œil sur la ligne de vie de sa main gauche qui ne le donnait pas forcément mort dans une heure. La seule certitude était que lui et ses hommes n’allaient pas devenir, au moment de la rencontre fatale, des meurtriers par accident, mais bien les bouchers volontaires de ces gros nazes philistins. Du côté de Fourlanus, Valisensoùth et Mer-Amen Tesmich, on se montrait naturellement moins contents d’avoir décroché le job. Portés par le même bateau, ils venaient étoffer un staff aguerri qui les toisait non sans dédain, car les soldats méprisaient la sélection parallèle dont ils faisaient preuve, par ordre particulier de la pharaonne. Il fallait cependant se battre tous ensemble et l’heure n’était pas au dénigrement des outsiders propulsés en carrière solo. Une armée de métier est organisée et les ordres de Merdenkorinnanâr étaient on ne peut plus clairs : il fallait rentrer dans les rames des pirates, défoncer ces mecs sans aucune pitié et leur couper les couilles, puisque la reine rémunérerait ensuite ses soldats à la paire, selon la coutume amorcée par cette descendante de la dynastie des Potémés. On allait lui en donner largement pour son or, afin que la noble châtreuse se pâme devant sa victoire. En revanche, le reste des vaincus serait bien évidemment la proie des vautours. Merdenkorinnanâr s’arracha les cordes vocales en criant simplement « butez les tous », lorsque les pirates furent à portée de ses flèches. Les Philistins encaissèrent stoïquement avant de tirer à leur tour, mais ils perdirent au passage de nombreux hommes, environ une soixantaine de testicules. Et puis les bateaux égyptiens abordèrent la flotte ennemie pour casser du Philistin au cours d’une bagarre sanglante et féroce, où se joua une multitude de défis personnels, avec un air méchant et tout. Fourlanus, Valisensoùth et Mer-Amen Tesmich démontrèrent une manière de combattre quelque peu ambivalente, puisque avec une aisance féline, ils se jetèrent à l’eau dès le début de l’affrontement. Longtemps, barbouillés par l’hémoglobine des cadavres amis et ennemis, ils se débattirent en essayant de flotter sur des eaux devenues sombrement hostiles, au cours d’une terreur non-stop qui dura plusieurs heures. Crinières au vent, les pirates trépassaient non sans héroïsme, mais confrontés à la détermination sans faille des égyptiens, la victoire de ces derniers devint largement prévisible. Merdenkorinnanâr apporta son point d’orgue à l’assaut, en égorgeant lui-même Punkayène, à l’issue d’un corps à corps sauvage d’une durée d’un quart de seconde. La formidable bataille navale offrait en plus de façon évidente un risque certain pour les combattants cardiaques et le général de Néefièretarée passa sans faillir de la réussite au succès, en éliminant un à un ses adversaires désormais privés de leur chef. Déterminés à continuer de faire quelque chose de leur vie, Fourlanus, Valisensoùth et Mer-Amen Tesmich s’accrochaient à quelques débris flottant, en s’accordant sur le fait que s’attaquer à des pirates motivés était moins facile que de s’en prendre aux vieilles dans la rue. Les doigts plissés par l’eau froide, ils se confiaient dans le liquide rouge leurs impressions mutuelles des combats, tout en repoussant du pied les corps qui surnageaient en grand nombre autour d’eux. En fin de journée, la plupart des bateaux de chaque camp brûlaient, beaucoup avaient sombré, mais la victoire de l’armée d’Egypte semblait glorieusement acquise. Comme il fallait s‘y attendre, on s‘embrouilla entre soldats sur le comptage des couilles adverses, car il fallait se présenter devant la reine en possession des paires complètes, afin d’être généreusement payé en solde de tout compte.

 

https://zupimages.net/up/18/03/z8bc.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/03/9fln.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:50:44
n°47928780
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-12-2016 à 06:13:38  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 19.

 

https://zupimages.net/up/18/03/19dj.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/gh10.gif

 

Le défi logistique et militaire relevé par le royaume des grottes à l’occasion de l’attaque de Bozob semblait sans précédent. Les cannibales qui venaient de ravager la cité creusée dans les falaises n’étaient visiblement pas animés par un quelconque idéal de chevalerie, et encore moins guidés par une noble idée de charité Kramourienne. Les Onkulés ne semblaient obsédés que par l’unique volonté de dévorer les humains, et c’est ce que constatèrent les arrivants, en observant les murs de la ville rougis par le sang innocent de ses habitants. Bozob venait d’être attaquée par surprise, et les Troglobites sans doute terrassés dans leur sommeil. En montant dans sa chambre pillée, la princesse Agrippepine trouva la belle tenture brodée par elle-même brûlée et trouée, son lit renversé et sa petite lingerie bien vilainement souillée. Elle constata avec effroi la disparition effective de ses parents, roi et reine d’un royaume cruellement blessé. Brakemar vit que sa femme Alignore avait également disparue et ne retrouva sur le sol que sa ceinture de chasteté qu‘un rustre avait forcée, pendant que dans la cuisine en désordre, son fils Monoïsurmékos pleurait longuement sa petite maman aux bons petits plats. La ville consumée par les flammes venait d’être submergée par une armée de barbares sanguinaires que Sainte Kramouille, quae fecit mundum, n’avait point fait végétariens. On s’en douta en découvrant les restes de repas terrifiants que chaque grotte renfermait, puisque toutes les gamelles éparpillées contenaient toujours d’horribles restes humains. Belbit avait encore dans la tête et ailleurs la promesse d’amour charnel que la reine Naphtaline lui avait formulé avant de descendre dans la vallée de Bogland, et le nain se disait qu’il venait là de perdre très gros. Dame Helga avait disparue également et il n’y avait nulle trace de son monstrueux rejeton, ce qui rendait le chevalier Erald ému jusqu’aux larmes ; il était de ceux que les combats motivaient le plus, ayant particulièrement à cœur de retrouver sa mie au plus vite. Ainsi, voyant les ravages accomplis par les rustres dégénérés, aux dents si longues, qui avaient procédé sans vergogne au rapt ignoble de leurs chers parents, tous les Troglobites du Mont Velu s’animaient à présent d’une sourde vengeance. En proie à un fanatisme meurtrier qui réclamait à son tour son bain de sang général, les Bozobis et leurs alliés prirent aussitôt la route pour punir la terrible infraction. On se lança sans attendre à la poursuite des Onkulés à travers les bois maigres des collines, se jurant d’expurger leur royaume de cette vermine locale qui tambouillait avec autant d’audace le genre humain. Comme la ville n’offrait plus aucune sécurité, il fallut emporter tout le monde, hommes, femmes et enfants des clans alliés et l’esclave Zénobite, ancienne maîtresse du faux roi Raklur, gagna quelques galons en se chargeant plus particulièrement de ces derniers. Toute l’armée quitta donc la ville, où même la grotte qui abritait la maison du Syndicat d’initiative de Bozob n’avait pas été épargnée par les vandales ; et puis tous s’éloignèrent le cœur meurtri par une telle cruauté, avec toujours l’espoir de sauver de l’appétit des cannibales quelques possibles survivants. Prêts au combat, on chantonnait dans les rochers abruptes « Kramouille que ta joie demeure », on polissait les armes, suivant au pas les lamas intrépides et les chevaux dociles.

 

Le vent des cimes soufflait par grandes bourrasques dans les oriflammes et le vieux corps glacé de Mirlen de La Pérouse tremblait dans son vison. Il roulait dans sa poche son petit gland d’invisibilité et faiblissait à part lui de se mesurer aux anthropophages farouches. En dépit d’un armement supérieur des Bozobis, le vieil homme se doutait qu’il serait difficile de venir à bout des Onkulés sans de lourdes pertes. Déjà, dévoré de tristesse, le jeune Monoïsurmékoss entrait en grande faiblesse car il recommençait à refuser toute nourriture, alors que mademoiselle sa cousine, bien au contraire, se goinfrait pour deux. Plongé en sombres sentiments, Mirlen entama à voix basse sa neuvaine de Kramouille, même si la mère du ciel éloignait si fâcheusement la communauté de la gnôle de sa mission sacrée, en remettant à plus tard sa belle quête de la fleur de Pinette. Toutefois, le ciment solennel qui liait par promesse ses membres maintenait plus que jamais sa cohésion et ne saurait en aucun cas retomber. De temps à autre, s’entendait vers l’arrière le choc mou d’un corps imprudent qui tombait de la falaise, et de nombreuses jeunes filles se pressaient constamment leur mouchoir sur les yeux pour honorer de pleurs ces malheureux. Ceux qui louchaient de l’œil droit redoublaient donc de prudence pour avancer sur les chemins étroits. Cependant, la troupe marchait sans s’arrêter et s’approcha des grottes du Périgard, la ville d’enfance d’Alignore, ce qui secoua les sens de Brakemar en rappelant sa chérie. C’était justement l’époque du festival des cannes, le grand marché qui regroupait là chaque année de nombreux producteurs de canards et de vieilles poules usées, mais tout portait à croire que cette contrée se trouvait également ravagée. Sur la colline où poussait partout la vigne sauvage, on vit soudain venir une petite troupe harassée qui avançait péniblement à pied sur l’herbe scintillante de rosée. On acclama ces hommes dans une cacophonie joyeuse, puisqu’elle était conduite par un barbu aux cheveux noirs que tous reconnurent pour être Tréponème le Pal, le conseiller personnel du roi Karbone XIV. Avec quelques guerriers, le noble brave venait de réussir par grande prouesse à s’échapper. Le Bozobi ayant eut l’épaule transpercée par une flèche, il hurla de douleur lorsque Brakemar lui tomba dans les bras pour le congratuler.

 

– Ah p'tain, Tréponème, yo bitch, chu ben content de te voir de proche sur les deux pieds, ben joyeux de revoir ta crisse de chemise carreautée,  si tu veux toute savouère.

 

– Mais ouais, gros sacrament de sale branleur tatoué, s’en est fallu de pas grand chose qu’on finisse tsu la broche, nous autres. Mais pas de panique, le roi, la reine, y sont toujours en vie ! Tiens bien ta nuque en maudit, mon gars, c’est le fillot d’Helga qui commande ces pisse d’ours d’Onkulés et je vas dire, ils sont juste derrière nous.

 

– Bon ben, yé ben simple, on va leur jouer une bonne game à coup de claques tsu la gueule. Tabarnak, y‘a rien là je te dzi.

 

A peine Brakemar avait dit ces mots en alignant ses troupes qu’un formidable parti d’Onkulés se découvrait pour marcher rapidement sur eux. Voyant ceci, Trakenar Sonfrok, Katrakat au fier baston, Atulsan tout en long, Wallala forte fesse, Kilav le blanc, Atéred le poivré, Vélan Dansonku, Osgard belle anguille, Isolde le bas blanc, Aragne reine des joutes, Ursuline grande ciguë, Doucine suce clairon, Knut drague baleine et tous les autres embrassèrent leur pieuse médaille de Kramouille, puis talonnèrent leurs chevaux pour foncer sur les cannibales. De leur côté, ces derniers se rangèrent également en bataille, obéissant visiblement aux ordres du fils d’Helga, Aygot Zeblouse, ce fameux gosse magique qu’elle appelait du nom de Jacky Kenedi, un mouflet bizarre et moustachu qui donnait désormais l’air d’avoir trente ans. Lui agitait les griffes d’ours qu’il portait en collier et haranguait les siens dans leur langue, en promettant de faire avec la viande des Bozobis de bons rôtis moelleux :
 
– En avant mes lavebrems, les laffairepuches de notre leuplepem leraientssem liembatte lisérablemés, si les lonkuléqués ne livaientvatte pas loussems une lêmemem loilem du lentrevem, car pour loutetas léritévoc, loutass ces lozobibés lachentcoc en eux lombems lumsteakrem à lairefic au larbecuebé.

 

Et derrière lui, avec un air farouche, la peau peinte et leur grosse pierre enfoncée dans leur fronde, Youa Rezeown, Areyou Marid, Itiz Maïcar, Letsgo Touzeparti, Canyou Hirzemusik, Watiz Yornème, Watiz-Zemining Youartravelling, Avyou Gotesisteur, Mè Aïmariyoursisteur et Givmi Zemonai, agitaient sans relâche en hurlant leur méchant bouclier de bois noueux, pour l‘approuver.

 

https://zupimages.net/up/18/03/v7rf.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/03/oapb.jpg

 


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 13:54:27
n°48001239
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 11-12-2016 à 10:42:36  profilanswer
 

Le congélateur muséographique
 
 
Aujourd'hui : Les aventures de Tintin - Hergé (ancien officier des renseignements généraux).

 
http://zupimages.net/up/16/49/il7o.jpg
 
Le congélateur muséographique
 
Aujourd'hui : Bégueule l'ancien.

 
http://zupimages.net/up/16/49/ctyv.jpg
 
http://zupimages.net/up/16/49/yury.gif
 
Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 40.

 
http://zupimages.net/up/16/49/bh82.jpg
 
L’alcool aidant, assis sur de chaudes fourrures, l’équipage de la Marie-Jeanne se détend, assaillent la reine et sa fille de multiples questions sur l’architecture, l’organisation urbaine, la vie quotidienne, et la structure matriarcale réglementant la vie collective d’Utruss. Sous l’énorme coupole peinte du palais, les majestés répondent et multiplient alors les attentions aimables et charmantes, servies par un personnel de maison masculin attentif et dévoué. On porte à l’admiration des rescapés de l’espace de précieux rouleaux d‘écorce calligraphiés, des objets anciens émouvants et beaux, preuves que cette planète est depuis longtemps l’objet d’activités intellectuelles intenses. L’un de ces antiques manuscrits expose pour la première fois le principe du moteur à vapeur, ce qui le rend émouvant pour les aventuriers galactiques. Ils découvrent ainsi dans les collections historiques qu’on leur expose toute la richesse d’une étrange culture forestière qui excite fort leur curiosité. Incrédules, ils découvrent sur une illustration le schéma précis d’une étrange machine, qu’ils identifient sans nul doute figurer un curieux godemichet à vapeur. Un sourire sur les lèvres d’Agmydala le confirme d’ailleurs. Tout en discutant, Arnold, Charlie et Jhon engloutissent à goulées géantes les boissons fortes et grisantes qu‘ils dégustent dans de magnifiques bols en verre. Ils ne vont pas tarder à comprendre que ces liquides qu’ils ingurgissent sans compter sont également très aphrodisiaques. Sévèrement engueulé par Emeline, Basile se lève, vacillant, parle et chante en même temps, mais de drôles de hoquets cassent le débit de sa voix, ce qui rend la princesse Olila proprement hilare. Autour d’eux, comme des perles de glaces immobiles ancrées dans l’espace, les méduses lumineuses ont cessé leur ballet et restent suspendues, prenant quelque repos sans diminuer pour autant leur plaisante luminosité. Le temps s’écoule joyeusement, alors que le rire d’Agmydala éclate à nouveau par saccades ; puis, en s’échangeant un regard complice, la reine et sa fille enlèvent leurs robes pour se mettre totalement nues. Au début, les hommes de l’espace pensent qu’il s’agit seulement d’un geste poli pour se mettre au diapason des coutumes défédérées.
 
 Mais en quelques minutes, la situation devient proprement scabreuse, lorsque les deux femmes se mettent à califourchon sur Jhon et Charlie. Sans doute volontairement droguée pour lui éviter de jouer la potiche inutile, Emeline s’est brusquement endormie au milieu des coussins, ignorant le spectacle libidineux offert par ses amis. Jhon Piol a posé sa tête vaincue sur l’épaule offerte de la reine lascive qu‘il couvre de baisers, et Charlie n’a guère besoin de prendre sur lui pour caresser les charmants petits seins d’une Olila ravie. Sous le regard des domestiques impassibles, la réception se transforme instantanément en tumultueuse affaire de chair brûlante. Les reines d’Utruss composent rapidement un duo infernal, pour lequel leurs invités mâles deviennent, dans le but de le satisfaire pleinement, de simples marionnettes sexuelles. Eteignant les beaux discours, l’attitude sans équivoque des deux femmes ne laissent plus planer aucun doute sur leur intention de se faire charger physiquement par chacun d’entre eux. Le grand salon abrite alors de multiples échanges coquins et, devenues très dures sous les mains des gouvernantes, les bites des naufragés se tendent avec générosité vers les élégantes exigeantes. Tous, y compris Basile, s’activent à les prendre tour à tour en levrette, de sorte que pour les amis réunis dans une extase fébrile, ce nouveau contrat charnel se montre particulièrement savoureux. Les reines approuvent chaque coups de reins, sollicitent, acquiescent et en redemandent, insatiasiables de nouvelles jouissances. L’orgie collective qu’elles ordonnent révèle l’urgence de leur appétit, puisque les hommes de leur planète affublés de micropénis, ne dépassant pas en érection la longueur d’une demie phalange d’auriculaire, se sont toujours montrés incapables de les satisfaire. Kishi chatouille longuement l’une après l’autre les amoureuses, pendant que Basile et Charlie les font hurler de plaisir, puis Jhon se charge également de les faire monter au septième ciel, ensuite les rôles s‘échangent pour recommencer. De cette manière, décuplant toutes limites physiques, les pratiques érotiques se multiplient au gré des gourmandises d’alcôve sollicitées par Agmydala et Olila.  
 
 Dans diverses positions, pénis étrangers et vagins royaux se rencontrent au gré d’allers et retours ponctués de geignements sauvages, et les scènes obscènes enjolivent longuement la nuit pour combler les deux femmes devenues captives de leurs sens, comme prises du même accès de fièvre pour recevoir d‘indicibles orgasmes. Les hommes épuisés par toutes ces bonnes glisses se montrent enfin totalement épuisés, mais les reines nullement passives sont atteintes de boulimie charnelle et ne leur laisse aucun répit. L’atmosphère du palais devient plus lourde, lorsque le ciel commence petit à petit à s‘éclairer et qu’une draperie verte et zébrée gagne sur le noir du ciel empli d‘étoiles. Trésors de cette planète perdue, les trois disques solaires montent à l’horizon pour illuminer la forêt d’un nouveau matin. Une épaisse vapeur mauve monte sur la ville, un autre jour commence sur la cité circulaire d’Utruss, sans pour autant calmer les ardeurs libertines des femmes qui la gouvernent. Après des heures de jouissance mais finalement dessaoulés, les hommes de l’espace pensent enfin avoir largement satisfait les curiosités de leur avides partenaires, cependant ils se trompent, car elles réclament toujours de nouveaux orgasmes que, vaincus, les mâles rompus ne peuvent plus leur offrir. Les puissantes pulsions sexuelles refoulées des majestés, qui n’avaient finalement rien à foutre de se sentir aimées ou désirées, sont phénoménales, mais leurs partenaires non soumis à la bizarre hérédité biologique des natifs de Kourdukon sont de leur côté complètement calmés, et n’aspirent plus qu’au sommeil réparateur.
 
– Nom d’un chien, ce sont des ogresses du plumard, lance Kishi dans son implant, je suis à bout de souffle.
 
– Des pieuvres hystériques de l’amour, ouais, approuve Charlie sur le même mode, j’ai jamais vu ça !
 
– Elles vont nous finir par nous tuer, ajoute Basile, en jetant un œil anxieux sur Emeline qui se réveille enfin, la tête lourde et les yeux injectés, sans finalement trop comprendre la situation.  
 
 Heureusement pour lui, les majestés d’Utruss semblent enfin admettre que leur amis sont provisoirement rincés. Elles s’en éloignent comme à regret pour leur demander s’ils désirent avaler des comestibles, solides ou liquides. Visiblement, elles ne comprennent toujours pas le principe des pilules alimentaires. C’est alors qu’entre en scène Maïfel Ashion, laquelle vient de toute évidence réclamer sa part du gâteau. Nue et ardente, elle s’approche sans détour de Charlie qui la regarde s’approcher vers lui d’un pas décidé.  
 
– Merde, non, les gars, c‘est certes une façon bien cool de payer ses impôts, mais là je met les pouces !
 
 Toutefois la diablesse ignore son air effaré pour lui effleurer le sillon des fesses et chauffer d’autorité de la main son membre désormais flasque. Bien que Charlie soit un type fort et viril, lui et son phallus n’en peuvent vraiment plus, il tente de repousser fermement du bras cette nympho. Et puis, dans une partie de la salle, un voilage se soulève afin de laisser le passage à la nuée des femmes piaffantes de la cour, nues également, mais que la reine Amygdala s’attarde à présenter une par une à ses hôtes soudain effrayés.  
 
– Je vous en parlais hier, messieurs, mais maintenant, je vous prie d’honorer comme vous venez de le faire pour ma fille et moi ces gracieusetés de haut rang de la cour royale d’Utruss, ci-devant matriarches du Triangle Doré, mères garantes de notre cité, les très nobles dames Ovida Lentonnoir, Amunder Ecstazy, Leuzèbre de Césarienne, Minerve Sgala, Saca Poppers, Satdisadlir Lkamasut, Messala Madous, Colonide Virus et la jeune Puella Zueur. Ce soir, vous en verrez d’autres. J’exige que vous leur donniez à toutes pure félicité, soyez endurants, ne manquez surtout pas d‘ardeur avec elles, vous risqueriez d’en subir de fâcheuses conséquences. De même pour un refus d’obéissance : comprenez bien que vous êtes en ce moment les uniques responsables de vos vies.
 
 Les nymphes exaltées aux pubis dévoilés possèdent tous les âges, mais il est évident que l’art de la chambre se mue pour le coup en grave harcèlement, fort éloigné du plaisant badinage voluptueux. Tombant le masque, elles s’avancent en remuant les hanches de façon circulaire avec exhibition. Les amis viennent d’épuiser leur énergie vitale à tenter se satisfaire Agmydala et Olila au cours de cette nuit torride, et il semble hors de question de remettre le couvert avec ces nouvelles-venues, même après avoir bu plusieurs litres de liqueur fortifiante. Avec un tonus à zéro, aucun ne peut considérer ces arrivantes comme de charmantes compagnes potentielles au vagin hospitalier. Ils tentent d’expliquer à la reine que les sucs du plaisir sont taris, qu’ils aspirent maintenant au repos, mais ils comprennent que toutes obéissent à une intransigeante doctrine psychosexuelle égoïste, et qu’elles semblent aveugles à la raison. L’affaire devient proprement extravagante. Ils saisissent à présent pleinement les mises en garde du gourou Ouzy Osburne sur le danger des doléances sexuelles dangereuses des habitantes aristocratiques de Kourdukon, pour qui ils n’incarnent somme toute que de simples esclaves de vulves délaissées, car c‘est par la pénétration qu‘elles peuvent seulement espérer accéder au plaisir. La panpanspermie exécutée pour la reproduction exclue pour elles, dans ce monde, la possibilité de jouir pleinement de leurs hommes, sachant qu‘elles ne possèdent elles-mêmes qu‘un clitoris atrophié, insensible et inopérant. Avec une telle cadence forcenée de la galipette, Basile, Arnold, Charlie, Jhon Piol et Kishi vont se ruiner la santé et se faner au cours d‘incessantes copulations, en proie à un mal être castrateur et croissant. Le plus grave semble être à présent qu’une virilité défaillante peut les mettre en danger de mort, s’ils n’obéissent pas aux injonctions de la Reine Mère. Dans son rapport holocastique, le missionnaire de la nouvelle bibeule épicurienne de son éminence avait donné à 8495SK - Rolling Stones le surnom poétique de « planète aux mille jambes », il devient à présent évident pour ceux de la Marie-Jeanne qu’il leur faut sans attendre prendre les leurs à leur cou.
 
http://zupimages.net/up/16/49/zsdb.jpg
 
Bon dimanche à tous.
 
http://zupimages.net/up/16/49/yxcz.jpg


Message édité par talbazar le 11-12-2016 à 18:04:03
n°48076153
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 18-12-2016 à 08:59:42  profilanswer
 

Le congélateur muséographique
 
Aujourd'hui :Cupidon, poil au bidon.

 

http://zupimages.net/up/16/50/jisv.jpg

 

http://zupimages.net/up/16/50/4298.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Jet larguée - Extrait numéro 14.

 

http://zupimages.net/up/16/50/exc1.jpg

 


Le zinc vibrait de partout. Dans la longue boîte d’acier blanche, rangés à leur place en tant que précieux échantillons d’humanité, ses passagers sentaient le plancher trembler sous leurs pieds. Par une sorte d’inversion proportionnelle, plus l’appareil descendait, plus leur angoisse augmentait. Le commandant l’avait bien dit, ils allaient être plutôt secoués à l’arrivée. Chacun procédait à éclaircir quelque bilan de sa vie en concluant par des « si j’avais su… », « j’aurais dû lui dire… », « je regrette que…», « ma mère m’avait prévenue… » ; bref, autant de discours intérieurs diffusés tristement pour traduire une agitation de pensée issue de cerveaux fonctionnant en mode accéléré. D’ultimes souvenirs soigneusement tamisés de la pollution des peccadilles, d’amers regrets qui saturaient involontairement de pauvres esprits terrifiés, vaincus par abandon des évocations positives et dévorés par la simple trouille de mourir trop tôt. L’anxiété ayant tendance à générer plus de problèmes qu’à les atténuer, un bon de nombre de vessies folles ouvrirent simplement les vannes sur la belle moquette rose et rase du grand jetliner intercontinental. Personnellement, Shirley ne perdait pas son temps à ruminer ses échecs passés, mais se plongeait corps et âme dans la simple attente du drame qui allait bientôt se jouer, ce qui l’étonnait tout de même un peu. Peut-être que sa formation d’agent de bord nullement pétrie de doutes était pour quelque chose dans sa façon de contrôler ses propres affects, elle qui se savait si fâcheusement bavarde et voleuse comme une pie. En tout cas, elle ne semblait pas débordée par le maelstrom mental qui submergeait la majorité des occupants de l’appareil. Même si elle ne voulait surtout pas s’avouer le fait qu’au moment du danger et à peine séparée de Steward, les bras accueillants et modérément poilus du jeune homme l’auraient finalement beaucoup rassurée.

 

Tout le monde flippait, ça paraissait tellement évident, mais quoi de plus normal lorsqu’on participe sans l’avoir demandé à une telle loterie, où l’enjeu n’était rien d’autre que de rester en vie ? Du coin de l’œil, Shirley observa l’une des Pinsonnettes se taper une violente crise de nerfs sous les yeux effarés de ses copines, et les vociférations rageuses de Bastardo Comoquiendice lui commandèrent en espagnol de fermer sa gueule sur le champ. Les charcutiers de la Kelien ne la ramenaient plus, deux d’entre eux avaient même copieusement gerbé leur vin mousseux sur leur voisin. Parce qu’il était croyant et très pratiquant, le général Karl Ashnigof murmura sa prière tourné vers son mec. Alors que beaucoup se contentaient de se brancher en direct et en silence sur leur miniconférence silencieuse chargée de pensées désagréables, d’autres provoquaient un spectacle affolant auditif et visuel en pétant ouvertement les plombs. Telle l’actrice anonyme Ines Deloncle qui joua sans doute là son meilleur rôle, hélas loin de toute caméra. Enfreignant la consigne, elle déboucla sa ceinture pour se lever et se lancer dans un sprint irrationnel au milieu de l’allée, un croche-patte de Jérome Koulbielle l’envoya se ramasser sur le siège et le gros bide de la femme enceinte Brigitte Rural, prise comme par hasard des premières contractions. En mêlant leurs terribles cris, les deux femmes se rejoignirent dans une douleur partagée. Debout lui aussi, parachute bien sanglé sur le dos, l’écrivain Talbaway s’efforça sans prévenir d’ouvrir la porte de l’avion mais en deux minutes, le rocker Carl Wash se décrocha à son tour pour le ceinturer fermement, ce qui autorisa le chef steward Kurt Uppe à lui balancer un gnon pour l’assommer. Une opération couronnée de succès applaudie par tout le monde. Tous étaient déjà passablement irrités par les aboiements incessants de Perlin qui hurlait à la mort dans son petit sac de sport. Une manière pour le chien de Pamela Good de synthétiser le stress des humains qu’il ressentait parfaitement, en employant cette façon bruyante de l‘exprimer. Moktar Bouif s’excitait avec frénésie sur son téléphone inopérant, visiblement très préoccupé par le sort inattendu réservé à sa mission secrète. Immergés bien au contraire dans une apparente indifférence, le député Dominique Quenique éjacula enfin dans la main experte de sa malicieuse maîtresse Rachida, ravie quand à elle de l’avoir si généreusement vidé à l’huile de coude, ce qu‘elle rajouterait à la facture globale qu‘elle lui présenterait en fin de voyage. Avant de prendre enfin conscience dans un torrent de larmes que celui-ci pouvait bien être son dernier. Non loin d’eux, le journaliste Woody Woudspeaker prenait de nombreuses notes sur sa tablette électronique, espérant devenir une star encore plus riche et célèbre, lorsqu’il aurait largement divulgué aux médias son éprouvante aventure. Il pesta largement contre l’absence de réseau qui le privait d’un éventuel direct sur la chaine de télé qui l‘employait. Dans l’ensemble, les hôtesses continuaient coûte que coûte de rester du fond de leur siège légères, apaisées et totalement ouvertes aux autres, facilitées dans cette attitude par le fait que les passagers évitaient de trop se disperser, puisqu’ils ne dévoilaient à l’unanimité qu’un seul et unique sentiment de peur panique monstrueuse. Avec pour seul contraste le fait que la même émotion partagée clouait le bec à certains et faisait hurler les autres, à l’instar de politiciens en meeting. En vain, la pauvre Loraine tentait d’imposer un silence illusoire. C’était plutôt discret, mais une brillance anormale dans les yeux de Victoria prouva qu’elle avait à présent fortement envie de pleurer.

 

Dans le cockpit, Steven Eight déclinait la check-list réglementaire avant l’atterrissage, mais il confia à Jack-André Tyler qu’il aurait nettement préféré faire une petite ballade en rollers à Miami en compagnie de sa femme. Bizarrement animée de magie, la photo souriante de madame Océane Eight se détacha justement à cet instant précis du tableau de bord où elle était scotchée, pour tomber aux pieds du commandant, chaussés en 42 de mocassins coûteux. Le portrait de sa moitié légitime avait pourtant tenu bon pendant des centaines d’heures de vol. Un ancien romain y aurait vu un signe indéniable de malchance, mais le pilote ferma à double porte l’accès à son espace intime, pour se tourner vers son copilote :

 

– Train d’atterrissage sortis ?

 

– Vérifié.

 

– Volets sortis à 45° ?

 

– Vérifié.

 

– Vérifié.

 

– Quoi ?

 

– Ta braguette est fermée, pas de souci. Il retira sa main.

 

– T’es con, Jack. Phares d’atterrissage allumés ?

 

– Vérifié.

 

– Freins automatiques sur plus qu’à fond ?

 

– Tu m’étonnes ! vérifié.

 

– Check-list avant atterrissage terminée. Il balança la liste devenue inutile par-dessus son épaule et recolla sur le panneau du pilote automatique la photo d‘Océane, après avoir collé ses lèvres dessus pour offrir virtuellement à sa femme un rapide bisou d‘adieu.

 

Tous deux contrôlaient leur aéronef mieux qu’un facteur son vélo électrique, mais la piste se rapprochait rapidement sous eux, et plus ils l‘abordaient, plus ils comprenaient qu’il avaient en réalité les yeux plus gros que le ventre pour espérer se poser sans dommage sur ce terrain minuscule ceinturé de bananiers.

 

– On va frapper dur, Tintin.

 

– Pas encore vérifié, mais je suis assez d’accord. Le pax doit chier dans son froc.

 

– Mais non, pas d‘inquiétude, je peux entendre les fous-rires d’ici.

 

Sur l’écran de vol primaire, l’assiette était correcte, la vitesse également, la manette du train actionnée en position basse et les Auto-brakes programmés à pleine intensité ; sachant qu’en guise de frein à main, ils auraient sans doute l’obligation de faire confiance à un gros tronc de palmier, en faisant pleuvoir sur leur nez une avalanche de noix de coco. Les ventilos de refroidissement tournaient à fond. Une formidable inversion de poussée serait sans doute également nécessaire, un peu comme un type à deux doigts de l’orgasme s’entend dire par sa partenaire étourdie qu’elle a choppé la chtouille, mais qu‘elle a oublié de le dire. L’avion bascula un poil sur son aile brûlée au réacteur noirci. Tant que les roues n’avaient pas touché le sol, l’engin restait parfaitement contrôlable par les pilotes, mais une telle aubaine n‘allait sans doute pas durer. Un moment, leurs mains se croisèrent en se touchant au-dessus des commandes et par un curieux réflexe commun et simultané, ils se les serrèrent cordialement.

 

– Tu auras été un bon collègue, Jack, un peu bordélique, mais quand-même, je suis content de t‘avoir connu.

 

– Pareillement, Steven, et moi aussi, j‘ai bien aimé la rencontre, mister four stripes.

 

– Un seul mec aux commandes, comme certains le voudraient à la Petro Jelly, ça serait de la connerie, hein Tintin ? Il essuya ses larges mains moites sur son pantalon noir.

 

– Complètement, Steve. Le moteur est le cœur d’un avion, mais les pilotes réunis forment seuls son âme, d‘une manière inséparable. Amen.

 

L’angle d’approche se réduisait, la longue bande grise de la piste parsemée de nids de poule fuyait en perspective vers une jungle désormais très proche. Le long courrier avide de se poser lâchait en série de brèves rafales de « bip-bip » et de « gloing-gloing ». Pour l’instant, l’atterrissage était normal, mais il ressemblait à cette blague éculée du type qui saute de 20 mètres et qui précise au niveau de 5 mètres que tout va toujours très bien. Les pilotes débarrassés de leurs casques muets se trouvaient très concentrés et rivaient les yeux sur cet axe salvateur de plus en plus proche, une ligne grise et rectiligne qui ne semblait pas forcément les attendre pour leur souhaiter une franche bienvenue. Encore un instant, un choc étonnamment léger et la messe serait dite. Fourteen… Thirteen… Ten… En pressant les freins de toutes les forces, on tapa le sol comme d’habitude au son du formidable rugissement des réacteurs, et puis immédiatement après le touch down un peu rude, la manœuvre s’éloigna complètement de la routine, puisque le bout de l’aile gauche heurta le tronc d’un jeune arbre qui perçait le bitume crevassé. Pas le genre de plante capable de réguler efficacement le climat surchauffé qui régna en cabine, lorsque le PJ612PK de la compagnie Petro Jelly se mit à tournoyer sur place pour effectuer un foudroyant tête à queue. En quelques secondes, incapable de résister à cet effort violent, il se coupa brusquement en deux. La partie arrière de l’appareil stoppa sur place après avoir encore exécuté un tour sur elle-même, mais l’avant brisa son train pour effectuer une très longue glissade sur la piste avant de plonger et se perdre dans la forêt dense.

 

http://zupimages.net/up/16/50/bsbs.jpg

 

Bon dimanche à tous.

 

http://zupimages.net/up/16/50/rpy0.jpg


Message édité par talbazar le 18-12-2016 à 13:29:11
n°48096430
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 20-12-2016 à 11:14:37  profilanswer
 

http://img11.hostingpics.net/pics/365570ROSENOIRGIFFANIM.gif http://img11.hostingpics.net/pics/743534tumblroguddxyeen1tbcweeo1400.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Noeud coulant pour Martin Smith - Extrait numéro 33.

 

http://img11.hostingpics.net/pics/131978548798985.jpg

 

Le rafiot n’était pas neuf et puait l’huile rance et le gasoil. Sans doute finirait-il bientôt au fond de l’eau comme le vieux cargo allemand « Ex-Stasi ». En descendant l’escalier de fer fortement oxydé, Martin se sentait comme Jonas parcourant avec dégoût les tripes nauséabondes de sa baleine. Peu rassurée de sentir Gros Bill et Grand Tonio dans son dos, encore vacillante, Vaya ne semblait pas non plus priser l’ambiance particulièrement anxiogène de cette croisière forcée. L’obscurité relative privait en partie les coursives de leurs ombres. Strazdinovsky suivait le couple tant bien que mal parmi les méandres ténébreux de ce bateau, lequel donnait plus une image de cloaque négligé que de belle carte postale maritime. Ils ne croisèrent aucun homme d’équipage, alors que Gros Bill les avait rendu aveugles à nouveau. Sous la constante menace de leurs flingues, les gangsters les poussèrent sans se presser dans un labyrinthe de couloirs étroits au milieu d’un silence lourd et pesant, puis les confinèrent dans une cabine sommaire au décor décati et usé. Il n’y avait qu’une seule couchette recouverte d’une couverture beige crasseuse. Pour la faire rentrer, Gros Bill en profita pour presser les fesses de Vaya qui esquiva son geste maladroitement. Question relations humaines, les deux féroces n’avaient de toute évidence qu’une certaine âpreté dangereuse à proposer aux prisonniers. Ces derniers portaient toujours leurs ridicules et gênants sacs sur la tête, mais Grand Tonio se décida enfin à les leur retirer. La manœuvre était maline, désormais, ils étaient complètement paumés au milieu de cette coque pourrie. Martin se disait qu’ils n’avaient pas grimpé, mais au contraire descendu des marches, cette cabine discrète qui ne pouvait être le salon du commandant devait donc se planquer quelque part dans un des entreponts au centre du navire, car vu la chaleur qu’il ressentait à présent, ils ne devaient pas se trouver très éloignés des machines. Ils ne restèrent pas seuls longtemps, le docteur Van Degaffe vint leur rendre visite, naturellement encadré par les gorilles précédents, plus un autre type qui s‘appelait El Barbudo. En guise de bonjour, le savant dodelina tout juste de la tête à l‘encontre de ses captifs. Il affichait bien la laideur inquiétante décrite par Vaya. Martin ne manqua d’ailleurs pas de capter le mouvement de recul instinctif de son amie à la vue de son tortionnaire, dont elle avait déjà subi les supplices infligés dans le laboratoire de l’autre bateau. Le boss en blanc, dépeigné, était de courte taille et portait sur son nez pointu aux ailes minces des lunettes rondes trifocales. Il semblait difficile à croire qu’un tel nabot, avec une apparence aussi négligée et affublé de son étrange regard de dingo, fut le maître d’œuvre d’aussi sévères magouilles. El Barbudo s’affaira à installer quelque matériel près du lit unique.

 

– Allons, monsieur Smith, allongez-vous sur cette couchette et ne faite pas l’idiot, je ne désire de vous qu’une inoffensive prise de sang. Si vous êtes sages, vous et vos amis finirez le voyage dans cette cabine ; sinon, je vous renvoie sur le pont pour vous enfermer dans le container, ligotés comme de simples rôtis. Grand Tonio, débarrassez monsieur Smith de sa veste, je vous prie.

 

La tige humaine s’exécuta, mais dans l’opération le poignard de Martin s’échappa de la poche pour chuter sur le sol, où Gros Bill s’en empara aussitôt pour l’examiner, sans lâcher son Marshal, bien au contraire.

 

– Hé, je reconnais ce poinçon, cette lame appartenait à Bob Oldson, c’est son frère Triple Shot qui lui avait donné. T’es un petit malin, toi, fit le balourd tout en fouillant rudement le privé avec attention. Quand je pense qu’ils sont morts tous les deux et que toi tu respires encore, merde alors ! C’est bon patron, il n’a plus que ses petites mains nues pour arrêter mes balles.

 

– Espèce de con, lui répondit Van Degaffe, vous auriez pu vous en assurer avant, c‘est pour ça que je vous paie largement.

 

Voyant qu’il n’avait pas le choix et désormais en bras de chemise, Martin s’allongea pour offrir sa veine au nain qui l’ordonnait. Comme ce dernier l’avait précisé, il ne s’agissait de réaliser pour le moment qu’une banale prise de sang. N’empêche que le privé aurait bien voulu lui exploser la tête contre le mur mal repeint. Un coup de massue bien au-delà de la taloche, une baffe mortelle, quoi.

 

– Vous avez un mandat Interpol sur le dos, le FBI vous a dans le collimateur, les Russes aussi, vous ne vous planquerez pas longtemps, espèce de taré.

 

– Restez poli, Smith, moi je ne vous ai pas injurié.

 

 Il ricana, et son rire faisait froid dans le dos. On sentait le givré en lui, mais indéniablement, il déclinait une certaine cohérence de propos dans sa folie. Cette proposition de logique le rendait particulièrement inquiétant. Quoi qu’il en soit, il s’agissait avant toute chose de jouer à présent les dociles, puisque selon la promesse du gogole des labos, cette attitude promettait au trio captif une certaine liberté de mouvement. Il était hors de question de retourner dans la boîte de sardine, sanglé à fond comme un chargement de remorque. Et puis, il y avait la nécessité de veiller au confort de Vaya en se tenant sagement à carreau, Degaffe n’ignorait pas la puissance d’un tel chantage aux émotions qu‘il faisait peser sur le privé. Pendant que le bocal près de Martin se remplissait tranquillement d’hémoglobine, le téléphone de Van Degaffe sonna. Celui-ci s’éloigna dans le couloir, mais sa voix resta cependant parfaitement audible.

 

– Oui sénateur, je comprends, oui. Je fais actuellement route vers Hawaï, ne vous inquiétez pas, je m’occupe de faire le nécessaire. Dès que vous le pourrez, venez me rejoindre là-bas, où vous savez, et vous pouvez compter sur moi pour régler rapidement notre affaire. Je vous remercie d’avoir fait le nécessaire pour le bateau.

 

Il revint surveiller son plein de rouquin, en surveillant le niveau du sang atteint dans la petite bouteille. A nouveau, Martin ressentait un léger coup de barre, il avait soif et une sacrée faim. Tiens, se disait-il, un sénateur, voilà qui en dit long sur les amis ou les clients de ce génie à la noix. Ce type était forcément protégé au sein de milieux influents, évidemment, ça ne faisait aucun doute.

 

– Vous avez déjà essayé de me tuer, Degaffe, pourquoi changer d’avis maintenant ?

 

– Dites-moi où vous avez mis mon carnet, monsieur Smith. Sinon je vous promet un nouveau concept de mort lente. Ne m’obligez pas à utiliser un dispositif compliqué pour vous faire parler.

 

– Peut-être bien que je l’ai flanqué à la poubelle, ou brûlé, ou jeté dans la flotte. Ce fut le tour de Martin de trouver en lui la force pour ricaner. J’aimais pas les illustrations.

 

– Non, Smith, non, je sais que vous n’auriez jamais fait ça. Votre copine sera certainement plus bavarde, il faut l‘espérer. Elle aura connu la naissance et l’enfance, ensuite l’adolescence ; hélas, à cause de vous elle ne pourra qu’imaginer ses futures grossesses, sa ménopause et sa vieillesse. Je pense que si vous persistez à ne pas me dire où se trouve mon calepin, sa vie d’adulte va très bientôt s’arrêter là. C’est drôle, l’amour et l’honneur ne produisent somme toute que des âmes tristement torturées.

 

– C’est vrai que vous, vous rayonnez dans la plénitude d’une grandeur philosophique insolente. Votre femme-rat, là, c’était franchement pas Sainte Blandine.

 

– Je suis sincère, si vous me rendez ce carnet, vous mettrez à l’abri d’un coup dur et sans doute fatal cette très jolie fille. Autrement, je la donne à Gros Bill. Avez-vous remarqué comme il parsème sa vie d’humour, celui-là ?

 

– Je suis bien certain que même sa maman n’a jamais osé le regarder dans les yeux plus de deux minutes, oui, on est bien d‘accord.

 

– Ferme ça, hurla Gros Bill, laissant échapper sa colère. Ta pouffiasse ne vas pas tarder à regretter sa jeunesse et sa vie trop vite perdues, fais-moi confiance là-dessus.

 

Le bocal était plein, Degaffe plaça un coton propre sur l’avant-bras de Martin, et lui et ses hommes quittèrent la cabine au lit unique, après l’avoir fermée à double-tour.

 

http://img11.hostingpics.net/pics/84016469417.jpg


Message édité par talbazar le 20-12-2016 à 11:30:38
n°48107803
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 21-12-2016 à 11:29:06  profilanswer
 

Revue de presse.

 

Aujourdhui : Monté comme un âne.

 

https://zupimages.net/up/18/03/hosl.jpg

 

Revue de presse.

 

Aujourdhui :Des trous dans le parc.

 

https://zupimages.net/up/18/03/3n6t.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 14:02:34
n°48129703
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 23-12-2016 à 12:32:47  profilanswer
 

Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : Jean-Jacques Henner (1829-1905), Madeleine pénitente.

 

https://zupimages.net/up/18/03/w161.jpg

 

Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : After_the_Bath_1875 Adolphe William Bouguereau (1825-1905)

 

https://zupimages.net/up/18/03/4lom.jpg

 

Le congélateur muséographique.

 

Aujourd'hui : Neuville - 1874

 

https://zupimages.net/up/18/03/pe86.jpg

 


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 14:06:23
n°48140409
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 25-12-2016 à 09:31:07  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Biographie de Gaston Boudiou - Extrait numéro 22.

 

https://zupimages.net/up/17/36/ewbs.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/h9y3.gif

 

En dépit de ses presque quinze ans, Gaston est désormais l’homme de la maison. Son copain Jean Micheton travaille de temps à autre à la tâche pour 300 F dans les ateliers de la scierie Fouettard installée à Peaumé le coin, ce qui lui vaut de pouvoir s’acheter un jour une mobylette. Il conduit sa bécane à fond les boulons dans les rues de Troulbled, en plaçant toujours effrontément son casque inutilisé sur le phare avant. Les deux amis s’activent à bricoler les dimanches dans la ferme vidée des animaux, sous le regard plein de tendresse de mémé Ernestine et celui plus enjoué d’Angèle, dont les regards langoureux et son empressement continu pour son pote n’échappent pas à Gaston. Le frère de Joëlle lui amène parfois son neveu à garder, et Angèle s’applique alors à jouer devant lui les mamans expertes avec application. Les jeunes garçons ont aidés les livreurs venus installer dans un coin de la pièce commune la belle télévision Ducretet-Thomson en « orthovision », équipée de 20 lampes, 2 germaniums et d’un rotacteur 11 positions toutes équipées, puis à côté du frigo, la superbe machine à laver Miele à automatisme intégral. Du coup, Ernestine achète fidèlement le petit hebdomadaire Télé-Poche pour connaître les programmes de l’ORTF à l’avance. Elle savoure particulièrement « La piste aux étoiles », sur la première chaîne, si Gaston préfère quand à lui « Les dossiers de l’écran » sur la deuxième, alors qu’Angèle savoure chaque épisode de « Chapeau melon et bottes de cuir » ; « Le Palmarès des chansons », présenté quelquefois le soir par Guy Lux et Anne-Marie Peysson leur permet de s’accorder à l‘unanimité. Souvent, Angèle décline en duo le répertoire yéyé des vedettes invités, textes qu’elle chante faux, mais connus par cœur, surtout ceux de Claude François et de Françoise Hardy. Grâce à ses gardes du petit de Joëlle Micheton, elle s’est d’ailleurs acheté un Tourne-Disque Teppaz rouge et pas mal de 45 tours. Sa chambre en est égayée en permanence et plus d‘une fois, Gaston a surpris sa sœur à se déhancher toute seule sur la voix de Jhonny. De temps à autre, au moment des actualités et après les images dramatiques du Vietnam bombardé, de Gaulle vient rappeler aux Français qu’il est le patron, avant de lancer à l‘eau le sous-marin à propulsion nucléaire « Le Redoutable». On parle de greffer un cœur et les députés débattent sur la pilule contraceptive, qui ne sera mise en vente qu’en décembre, la course entre Soviétiques et Américains pour être le premier à fouler le sol de la lune bat son plein. La télévision offre à Gaston une ouverture en noir et blanc sur le grand univers, un spectacle à la demande qui vient enrichir ses nombreuses réflexions, colorisées ensuite par lui-même. Son épisode comateux est oublié, il n’en tire heureusement aucune séquelle, mais son expérience semble au contraire avoir nourri d’une étonnante façon ses capacités de déduction et son amour déjà grand pour les études statistiques. C’est au jeune Gaston Boudiou que l’on devra de mettre en évidence dans le journal scolaire du collège une confirmation indiscutable sur la baisse spectaculaire des crises adolescentes après 19 ans, puis une autre constatation, reprise abondamment plus tard à leur compte sans le citer par d’autres, tel le New York Times, sur la chute avérée des grossesses accidentelles des jeunes filles mineures occidentales après 21 ans. Le téléphone fait également son apparition dans le foyer, et le premier coup de fil fébrile de Gaston sera pour Marité l’épicière, très contente de voir le jeune homme lui prêter ainsi une aussi sympathique attention. Gaston rêve toujours en secret de la rejoindre dans son lit, pour de chaudes retrouvailles. C’est ainsi depuis la nuit des temps, dès qu’un être humain à goûté de façon satisfaisante les joies de l’amour, il ne pourra en général plus jamais y renoncer. Cet état d’esprit est naturellement un véritable bienfait pour l’ensemble des générations futures, lesquelles peuvent ainsi éviter à l‘humanité de s‘abstraire d’une manière irrévocable, tels ces pauvres dinosaures, de la mémoire du monde terrestre.

 

Voilà pourquoi Gaston enfourche ce jour là avec joie son vélo réparé, pour aller soit-disant acheter quelques courses, dans un remake de sa précédente aventure bienheureuse entre les  cuisses attrayantes de Marité Hissedru. La chose est restée un secret pudique qu’il n’a pas révélé à sa propre sœur, à qui il raconte pourtant tout des choses le concernant. Emoustillé, il a enfilé un slip propre et acheté un bouquet d’œillets rouges chez le fleuriste en passant, avant de se diriger vers l‘épicerie jaune. Il a soif de la peau de la jeune femme, de son sexe touffu au parfum de lavande et de son incroyable sourire généreux. En arrivant devant le magasin, il s’aperçoit avec déconvenue qu’il est fermé, ce qui ne manque pas de l’intriguer. Il décide alors de contourner l’édifice, où se trouve une porte donnant sur l’arrière-boutique et dédiée aux seules livraisons. Il trouve également porte close, et Gaston considère comme très étrange l’absence de la commerçante à cette heure du jour. Il hausse les pieds sur l’étroite marche en pierre pour coller son nez au carreau perçant l’ouverture, ce qu’il découvre alors dans la pénombre de la pièce lui glace aussitôt le sang. Un autre a pris sa place dans le corps de Marité, qu’il fait tressauter sans ménagement contre les étagères encombrées, à l’endroit même où Gaston s’était si savoureusement déniaisé. Il reste pantois, comme un con à cramponner ses fleurs, incapable de se soustraire à la méchante vision des culs nus survoltés qui s’activent au fond de la pièce. Le type debout a les cheveux un peu trop longs, Gaston le reconnaît : c’est un des hippies qui occupent la maison de Marie-Charlotte, un enculé de drogué plein de bijoux avec une veste afghane et un vieux jean à franges qui va parfois prendre une bière au bar des Goélands. C’est un parisien, d’après les gars du coin, et les chasseurs occupés à se torcher la gueule au Ricard rigolent de son long manteau frangé de fourrure qui lui donne une allure de gonzesse, ils lui ont déjà dit de ne pas trainer dans les bois habillé comme ça, des fois qu’on pourrait le confondre avec une bestiole forestière. En tout cas, cet espèce de gibier potentiel rend Gaston fou de rage, alors qu’il le voit s’activer comme un porc en rut sur Marité. Cette vision atroce constitue le premier choc amoureux de sa vie, une péripétie dramatique, évidemment loin d’être la plus drôle. Sur le coup, il rêve de vengeance sordide à l’encontre du fumeur de marijuana qui lui inflige cette épreuve douloureuse, puisque le jeune Boudiou se croyait enfin être devenu pleinement un homme, après s’être octroyé les rênes de la maison familiale. Il n’oubliera jamais cette leçon infligée sur un trottoir, et l’homme aux quatre épouses sera toujours celui qui quittera l’autre en premier. Il réalise scientifiquement par l’expérience que les histoires d’amour sont rarement faites pour durer, et que la position officielle de l’église qu’on lui a jusqu’à ce jour inculqué est probablement erronée. En le rendant victime plus que coupable, les agitations de Marité en extase brassent au plus profond de son être ses doutes les plus intimes. Vaincue par ses émotions chaotiques clairement exprimées sur son beau visage bizarrement torturé, elle baise en riant, en criant, offrant à présent sa croupe magnifique avec complaisance à son partenaire concentré qui déborde d’ardeur. Les deux semblent un court instant chercher mutuellement une position commune qui leur convienne, avant de reprendre le jeu en se cognant les corps mécaniquement. Ce salaud est en train de la prendre durement par derrière, et Gaston n’en perd pas une seule miette. Au bout d’un temps infini, le sale hippie se retire brusquement du bassin de Marité, sur lequel il abandonne un long jet de semence, ouvrant grand dans l’action sa vilaine bouche barbue. C’est terminé, elle rigole pour ce gus, remet sa culotte satinée sans façon mais enlace longtemps son guignol, ses beaux petits nibards toujours à l’air. Gaston est dégouté, il retire son nez de la vitre et s’éloigne sur le trottoir, puis jette rageusement son bouquet d’œillets dans la première poubelle venue. La tristesse et la frustration qu’il ressent sont indescriptibles, lui qui avait déjà prévu d’aller ce soir-là au cinéma avec Marité, pour regarder côte à côte « Belle de Jour», de Luis Buñuel, avec Catherine Deneuve, une actrice qui n‘est pas sans offrir une vague ressemblance avec l‘épicière. Du coup, au moment de récupérer son vélo, il tombe sur Marité en train de rouvrir sa boutique, elle le hèle joyeusement de la main derrière la vitrine, mais Gaston est trop foudroyé pour lui répondre, il reprend aussitôt la route pour quitter Troulbled au plus vite. Le spectacle des amants en action qu’il vient d’observer dans les moindres détails l’a durablement tourneboulé.

 

https://zupimages.net/up/18/03/bg2z.jpg

 

Bon dimanche et joyeux Noël à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/03/z9am.gifhttps://zupimages.net/up/18/03/u8ww.gif


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 15:38:42
n°48154694
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 27-12-2016 à 16:28:30  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : L'épilée du Nil - Extrait numéro 68.

 

https://zupimages.net/up/18/03/1buw.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/rw93.gif

 

Un vent chaud jouait dans la voile du navire de Néefièretarée, avant qu’il ne soit ancré au milieu du Nil. Sur son trône généreusement fleuri de lotus, la pharaonne s’apprêtait à féliciter Merdenkorinnanâr pour son éclatante victoire, puisqu‘elle lui permettait de poursuivre sans encombre sa croisière vers le sud. Le général accusait un certain retard, dont la cause émanait du service de paie des armées, lequel se trouvait aux prises avec un imbroglio déroutant au moment de payer la solde des soldats. On dénombrait 643 ennemis tués pour 2800 couilles collectées, mais 643 paires ne pouvaient en produire que 1286. Même en tenant compte de certaines anomalies génitales ou de la présence d’eunuques chez les Philistins, l’erreur était conséquente. Des petits malins avides de s’enrichir sur le dos des copains avaient probablement présenté aux scribes contrôleurs des glaouis amis et trois recomptages scrupuleux en validèrent l‘hypothèse, sans compter qu’on trouva également sur la pile un bon nombre de couilles de béliers. Visiblement, l’ancien calcul traditionnel employé pour la rémunération des guerriers battait de l’aile. Néefièretarée demanda aussitôt à son amant, le vizir noir et Kouchite Phimosis, de plancher sur une nouvelle méthode pour payer les salaires, qu‘elle validerait ensuite par une prochaine loi. En attendant la mise au point d‘un tel projet, ses beaux yeux bruns perdus sur les reflets argentés du grand fleuve, elle félicita tout de même ses vaillants soldats. Elle supprima pourtant la séculaire prime aux fainéants mais paya pour cette fois tout le monde au forfait, avant que les scribes ne rejettent dans les flots,à coup de pied, les sanguinolentes boulettes philistines accompagnées de leurs regrettables intruses. Après les biopsies testiculaires et l’examen minutieux des tubulures séminifères des couilles entassées sur le pont révélant l’éventuelle escroquerie, aucun soldat n’osa cependant pleurer devant leur reine la perte de ces fortunes de mer, pour le manque à gagner. Merdenkorinnanâr avait génialement manœuvré ses bateaux au milieu du dangereux chaos et c’était la seule chose qu’il fallait retenir de cette bataille. Retrouvant son ordre de marche, le convoi naval se remis en route pour longer les rives désertiques, où les tertres sableux du djebel doré barraient sans fin l’horizon. Le Pamalrâssé naviguait toujours en tête, Osiris, seigneur de l’ouest, soufflait sur sa toile sa brise bienveillante qui rapprochait la pharaonne de son but. Elle aborda ainsi rapidement le port de l‘opulente cité d‘Halopolis, dernière étape avant son chantier de Larnak, toujours en grève illimitée. Les porte-étendards fatigués demandèrent timidement s’ils pouvaient enfin poser leurs lourds drapeaux.

 

– Chose promise, chose due, lança Trêmouatoli en ajustant les bretelles de son bikini rouge au milieu des jarres peintes et des vases en pierre. Tu te rappelles de ma demande au sujet de l’esclave Mer-Amen Tesmich ? il est revenu vivant, il paraît.

 

– Oui, oui, lui répondit Néefièretarée, en examinant attentivement la coupelle en ivoire emplie de fard broyé qu’un serviteur nommé Gémémébeline-Solucebôté lui présentait. Il est à toi, c’est ok. Comment s’appelle ce dernier set de maquillage, toi ?

 

– C’est le dernier cri chez les sumériennes, splendide fille d’Horus, on le nomme « Palette de Narmer », y’a du zinc, de l’étain et du plomb anti-rides dedans, le top du top, avec une garantie légale aux Normes Méditerranéennes, pas de souci.  

 

– Ok, avec un ornement de plumes et des bijoux en or et lapis-lazuli, ça devrait en jeter chez les notables d’Halopolis.

 

– Je vous met ça là, pis la jolie à côté, elle en prendra aussi ?

 

– Ouais, c’est bon, casse-toi, et puis dis aux autres de me ramener Mer-Amen Tesmich.

 

Ce dernier fêtait lui aussi la victoire en buvant une bière de caractère, en compagnie de Valisansoùth et de Vequetum Fourlanus.  Ils trinquaient sans compter sous le portrait de la déesse Neth, vu qu’ils avaient reçus leur solde comme les autres, en dépit du fait qu’ils avaient savamment évité de se battre.

 

– Tiens, leur racontait Valisensouth, je viens de lire dans un papyrus local que les Lydiens viennent d’inventer l’inflation, ils sont aussi frappés que le métal qui leur sert de monnaie.

 

– Leurs pièces, c’est carrément de la merde. Nous autres, les égyptiens, fit Mer-Amen Tesmich, on préférera toujours l’argent-métal en lingots ou en anneaux pour payer nos litières sans crédit.

 

Deux gardes de la Royale Shardane Company firent irruption dans la plus grande taverne d’Halopolis, afin de prier l’esclave de venir aux pieds de la reine. Il balisa un temps soit peu, croyant subir son courroux pour sa récente lâcheté au combat. Les hommes de la reine autorisèrent ses deux amis à l’accompagner au temple de Seth, situé à l’angle de la cinquième ruelle. La pharaonne venait provisoirement d’y prendre ses quartiers, avant l’expropriation du maire de la ville et la récupération de son palais pour y loger la souveraine. Lorsqu’ils arrivèrent devant l’édifice religieux, le grand guépard royal était en train de digérer l’élu local au milieu de la cour. Néefièretarée approuva aussitôt la venue de Valisansoùth.

 

– C‘est bien que tu sois là, toi, il va me falloir une nouvelle robe, pour en coller plein les mirettes aux bouseux.

 

– Ma caravane arrivera ce soir dans la ville, on verra ça avec mon associé Tépénib. Même si c’est pas encore les soldes, naturellement, on vous fera un prix, vous allez voir que nos tissus innovent dans le respect de la tradition.

 

Néefièretarée approuva, elle lui désigna un escalier conduisant sur le toit,  avant de l’inviter à se rafraîchir sur la terrasse avec Vequetum. Elle s’éloigna pour discuter avec Phimosis, car à la demande des habitants de la ville, ils désiraient que les ordures soient dorénavant jetées en dehors des murs de la cité, plutôt que devant chez eux. Une ribambelle de ministres, de généraux, de chefs des travaux, de chefs des sculpteurs et de grands prêtres leur emboitèrent le pas en donnant leur avis, précieux et grassement rémunéré. Sortant justement d’un réduit d’aisance splendidement décoré, Trêmouatoli garda donc son bel esclave musclé pour elle toute seule. Avec une mimique éloquente, elle ne tarda pas à faire comprendre à Mer-Amen Tesmich ce qu’elle attendait de lui. En dépit de l’épais mur de briques crues et de talatats en grès de sa chambre, les cris et les invocations ardentes de la jeune femme s’entendirent ensuite jusqu’aux silos à grains installés en banlieue. Au bout de deux ou trois vases de clepsydre au cours desquels, animé de frénésie admirable, il imposa durablement sa marque entre les fesses de la belle brune, Mer-Amen Tesmich dut bien se rendre à l’évidence qu’il venait de tomber amoureux. La confidente de la reine approuvait chaque action avec des beuglements élégants, et des larmes de joie coulaient en abondance sur les boucles de sa perruque mise de travers. Leur soudaine passion fut scellée par une multitude de baisers pratiqués en mettant la langue. Du coup, le musclé la palpa partout, dans le premier vestibule, dans le deuxième vestibule, il la coursa dans la cour des greniers à céréales, plaqua au sol son corps nu dans la petite salle de séjour, la propulsa sur le four à fayence, la malaxa dans les couloirs de la salle de réception contre les colonnes de bois et pendant tout ce temps là, Valisansoùth et Vequetum se demandaient ce qu’il pouvait bien bricoler. Encore heureux que la grande terrasse installée sur le toit du temple de Seth ne fut pas un espace non-fumeur.

 

https://zupimages.net/up/18/03/s9b1.jpg
 


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 15:43:32
n°48178216
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 30-12-2016 à 15:17:36  profilanswer
 

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 20.
 

 

https://zupimages.net/up/18/03/07h2.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/dukd.gif

 

Les hautes falaises se maquillèrent de sang. Les Onkulés chargèrent à plusieurs reprises, comme s’ils dansaient, mais ce n’était rien d’autre qu’une épouvantable gigue mortelle faite autour du cratère du Poingé tapissé de gazons. Beaucoup de braves Troglobites tombèrent morts sur les bords escarpés de la montagne, où l’on criaient, fouettaient l’ennemi dans les assauts fougueux ; à ne plus pouvoir se tenir sur les jambes. Brakemar le boiteux avait perdu son casque et laissait libre sa longue chevelure flottante, en tâchant d’éviter les couteaux sans manche, les javelots et les longs bâtons qui cherchaient à le tuer. Chaque cannibale percé par la lame des sabres avait son prix, mais il tombait quand même, la bouche grande ouverte montrant ses dents cariées et les yeux sauvagement enflammés. A coups de pointes aigües, on transperçait les membres, les côtes et les ventres. Un grand nombre des deux camps chutaient dans les abîmes en gesticulant furieusement, entrainant quelquefois avec eux leur adversaire surpris. Les Onkulés aux membres recouverts d’ocre rouge et le cou chargé de verroteries décochaient chaque flèche avec habileté, et certains ripaillaient en même temps de la chair humaine crue. Atéred le poivré, étranglé par une corde tressée, rendit son dernier soupir, avant d’être jeté dans le vide par son vainqueur. Knut drague baleine reçut le présent d’une mauvaise hache en plein front et mourut lui aussi. Isolde le bas blanc le vengea en tuant son meurtrier, mais elle ne tarda pas à être blessée aux jambes. Au début des combats, Mirlen le tchatteur avait porté en lippe son petit gland donné par la sorcière Gisèle. Sur cette opération magique, le vieux mage en devint aussitôt invisible, il pouvait de ce fait se joindre à la mêlée, sans jamais craindre pour sa propre vie. Deux anthropophages s’échappèrent des coups violents portés contre eux par la luisante épée du chevalier Hivalanoué, mais de rage, le colosse en tua aussitôt quarante sur le champ. La plupart de ceux qu’agressaient Erald terminaient froids, et même Belbit qui mordait les mollets avait beau tableau de chasse. William de Bochibre, seigneur de Balaizebaloches, prouvait ici sa bonne noblesse, en trouant comme il faut les perfides et féroces cannibales, dont il tranchait parfois les têtes sans jamais lasser sa main gantée de fer brillant. Engagés corps et âmes dans les féroces combats, hommes et femmes Troglobites tombaient sur la terre de leurs pères en invoquant Kramouille, dont ils baisaient avant de mourir la chaîne et sa médaille, et l’issue de cette guerre fut longtemps floue.

 

Assise loin des meurtres sur son trône d’os humains et de bambou, son Altesse Royale Excellentissime la reine des Onkulés Helga Tétipayday pleurait comme une folle, car la maîtresse d’Erald avait rechutée, en reprenant par son rôle de reine-mère la couronne suprême des ogres de Lisneylandem. Elle tremblait pour la vie de son chevalier, mais plus encore pour celle de son héritier, son fils unique qui menait en chef la charge des cannibales, son petiot Aygot Zeblouse, dit Jacky Kenedi le vaillant hardi, lequel portait à présent les traits d’un homme de 60 ans. Son vieillissement accéléré s’était en effet beaucoup accentué sous l‘effort, alors qu’il bataillait sans merci ni quartier les amis de sa mère. Ses cheveux à présent rares et blanchis, il massacrait ses adversaires du haut de ses 1,96 et à chaque coup porté, son visage d’homme mûr s’éclairait par des yeux de veau pailletés de lueurs sanguinaires. A chaque mort qu’il produisait dans les rangs troglobites, une pointe de tristesse s’emparait du cœur de dame Helga, ravagée par sa querelle interne d’ordre familiale. La mère éplorée tremblait en écoutant les cris rageurs de son ancien nourrisson devenu tellement vieux, mais elle s’effrayait également en regardant Erarld lutter avec grande énergie contre la mort, donnant de si grands coups que chacune de ses victoires aurait pu illustrer avec brio la magie des légendes que l’on chantonne à Fion. Brillant et cruel, Aygot Zeblouse encourageait ses troupes en bon chef de tribu pour terrasser l’ennemi, puisque les cannibales avaient très faim, ce qui les rendaient plus que jamais d’une hostilité maladive. Résonnant du tonnerre de ses clameurs, une formidable secousse secouait les flancs du Mont Velu dominant le Poingé, car les gens des grottes étaient en train de vivre l’un des moments le plus sombre de leur histoire ; puisqu’ils chassaient l’épée au poing les démons affamés venus porter un malheur effroyable au sein de leur royaume des gouffres. Monoïsurmékoss bataillait aux côtés de Brakemar à la braguette velue, et plus d’une fois son père adoptif lui sauva de justesse la vie. La princesse Agrippepine était restée sagement sous les bois en retrait de la lutte, avec les femmes et les enfants de l’ancien clan de Raklur. En dépit de sa terrible blessure à l’épaule, Tréponème le Pal avait tenu à participer à la lutte et contre toute attente, le grand guerrier, deuxième des Bozobis, s’en tirait finalement avec brio. Perché sur un lama de combat, le conseiller du roi Karbone fouettait méchamment sa bête rousse en agitant sa terrible épée, une arme d’un poids certain qu’il brandissait d’une main pour en faire grand carnage dans les corps Onkulés. Au prix de nombreux terrassés, les armes de fer prirent peu à peu l’avantage sur les massues de bois, quand bien même les sauvages affamés possédaient un talent diabolique pour les manier. Et au fur et mesure que le temps passait, Aygot Zeblouse vieillissait. Comme, en raison d’une anormale accélération de son cycle biorythmique son bras faiblissait, ceux qui restaient des siens le trainèrent à l’abri sous le grand trône mobile de dame Helga sa mère. En bavant, il ne tarda pas à expirer tranquillement dans ses bras d’une mort toute naturelle, sur un lit recouvert de peaux humaines rembourrées par la paille. En se penchant sur l’homme frêle qu’elle avait récemment allaité, la mie d’Erald pleurait beaucoup. De pauvres mots destinés à cette mère emmurée de chagrin traversèrent une dernière fois les lèvres blanches de son étrange fillot.

 

– Loilàvuche lenirvem de lonnebics leurehattes pour les asticots, lamanmoc, l’incidentlatte de mon lexistencepuche est lésormaidems loclés. Si loutefoitattes vous lésiriédem lutôploque langémic ma bidoche, leillévem à ne pas lotric la lairefem lillégric.

 

– Il y a leupatte-être une lancechem de lérisonguem, les lorciéssems n'ont pas loutem lessayéqué!, murmura-t-elle aux oreilles desséchées du chérubin mourant, dans cette langue qu’elle venait d’apprendre en secret. En réalité, elle cherchait sans doute à conjurer son effroi sur l’issue de cette rapide agonie.

 

Mais le cœur de Jacky fit couic et dame Helga en larmes lui ferma les yeux pour toujours, au moment où il partait fouler en tapant de sa canne nouée les allées du jardin éternel. Les Onkulés vénéraient encore une reine mais ils ne possédaient plus de chef et Helga n’avait plus de fils. Peu à peu, les abords du gouffre n’offrant sous les bottes qu’une horrible bouillie de terre sanguinolente, la guerre en cours se fit moins tapageuse. Puisque les cannibales n’étaient plus galvanisés par celui qui menait cette lutte, Erald se tailla facilement un chemin sanglant dans leurs rangs pour chercher à atteindre la traîtresse dans un but de justice. Il se sentait cette fois capable de tourner la page douloureuse de son amour bafoué. La pauvre femme vit se pencher sur elle l’ombre silencieuse du bourreau si beau et si courageux qu‘elle avait autrefois tant aimé, mais elle n’eut pas le temps de savourer pleinement le travail proposé. Sans ajouter un mot à son geste meurtrier, Erald rentra dans sa fiancée son épée toute entière, puis, la voyant morte et par superstition, il découpa en fines rondelles ruisselantes le monstre mutant qu‘elle avait engendré. Il fallait éviter à tout prix que ses copains puissent s‘en baffrer. Autour de ce tableau macabre qu‘on laisserait bientôt aux pâleurs de la lune des loups, les combats faiblissaient pour de bon, et les clans décimés des Onkulés vaincus finirent par disparaître, en dévalant comme des lapins les sentiers sinueux. Il suffisait de leur courir aux chausses pour retrouver très rapidement l’endroit où se tenaient les prisonniers qu’on allait enfin pouvoir délivrer. Mais avant cet ultime hallali, sans que le chevalier Erald ne trouve pour cette fois à redire, Belbit le Huelabit pissa son saoul sur le cadavre de son ancienne amie tristement défunctée, en la chargeant des noms pas très gentils si souvent claironnés dans son dos sur les chemins de leur aventure.  

 

– Au-revoir, majesté des poils-au-con, son altesse du tire-vit, noble et gracieuse tire-boudin, vraie gratte-cul, châtelaine la trace-putain, baille-hoë et aussi pute-y-musse ! Guillerette, guillerette, hélas pour vous, point ne verrez surgir de nos besaces petit brin de Pinette !

 

https://zupimages.net/up/18/03/ojvw.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 15:45:50
n°48185194
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 31-12-2016 à 16:27:17  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/pwxl.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/0rlm.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Coup de chance dans l'hyperbole - Extrait numéro 41.

 

https://zupimages.net/up/18/03/ubj8.jpg

 

Sous les larges alcôves en ogive du palais d’Utruss encore pleines des odeurs de l‘amour, les réticences obstinées de Charlie enveniment rapidement les rapports entre l’équipage et les Matriarches du Triangle doré. Tête échevelée, Maïfel Ashion se précipite sur l’un de ses sabres qu’elle ne tarde pas à brandir, ne laissant pas d’autre choix aux hommes que d’essayer de s’emparer des armes utilisées pour décorer les cloisons. Remplies d’huiles lumineuses accumulées pendant leur sommeil, les méduses tièdes et chaudes descendent mollement du plafond à cet instant là, tournant autour des belligérants avec une ironie placide ; alors que les naufragés songent à se sauver pour aller prendre un refuge relatif dans le parc extérieur. Ils sont bloqués aux portes par les dames de la cour portant des glaives, plus aucun de leur geste ne se trouve cette fois sexuellement connoté, il est évident qu’elles s’animent d’intentions vraiment meurtrières. Sans attendre, Charlie et Jhon Piol plongent avec leur sabre en avant et tuent sans férir les dames Saca Poppers et Messala Madous, s’attirant les attaques dangereuses de leurs voisines. La Goween Agmydala elle-même prend part à l’assaut, mais sa fille reste un peu en retrait, avant de réapparaitre une lourde arbalète à la main, qu’elle charge sans trembler d’un trait empoisonné. Rien ne peut arrêter à présent ce carreau rapide que Kishi prend en plein cœur. Femmes et hommes sont désormais entrainés dans une rixe mortelle, et Basile arrive à blesser Colonide Virus d’un coup de poignard au ventre, avant qu’elle ne s’écroule en convulsions sanglantes sur le tapis. Les femmes d’Utruss démontrent une agilité étonnante et une grande maîtrise des armes blanches, des réflexes affutés que ne possèdent plus ceux de la Marie-Jeanne, plus habitués à presser des gâchettes de laserguns. Emeline se bat également, elle crie un instant vers Arnold Montburg, lui évitant de recevoir le trait venimeux d’Olila. Les matriarches mettent la pression à grands coup de poignet, mais les tensions s’équilibrent péniblement, offrant tout de même un répit fragile, alors que les naufragés de l’espace se défendent désespérément pour protéger leur vie. C’est alors qu’un grand mouvement se fait sous la coupole, une agitation provoquée par les serviteurs masculins. Ceux-là, bousculant bruyamment les tables, se révèlent tout à coup armés et chargent à leur tour, afin de se porter au secours des extraplanétaires. Les trois hommes vêtus de simples pagnes provoquent l’irritation des dames de cour qui se liguent toutes contre eux, mais la bousculade indécise rapproche tout le monde de la porte monumentale, seule issue qui ferme cette partie du palais. Alors Goween Agmydala réalise que sa maison abritait en son sein et impunément trois espions des légionnaires Jidouilles. Elle constate que si ces derniers sont de redoutables combattant, ils semblent bien décidés à protéger la fuite des étrangers à gros sexe, en faisant s’il le faut rempart de leur corps au pénis insignifiant. Mais c’est au tour de Amunder Ecstazy d’être blessée par un coup de fauche, si gravement qu’elle active un mouvement de compassion empressée de la part de ses sœurs.

 

Emeline s’est précipité vers Olila, histoire de s’expliquer avec cette bouffeuse de mec. Ivre de rage, la femme de Basile balaye la princesse d’une courte dague, et lui inflige une profonde entaille au bras, avant de la faire tomber d’une prise effectuée avec la jambe. Touchée sévèrement, la princesse hurle en alertant ses sujettes, ces dernières faiblissent pour évaluer les plaies de leur souveraine, et les assaillis en profitent pour sortir avec précipitation sur la terrasse. Les légionnaires Jidouilles se font plus confiants, ils désignent la fabuleuse mosaïque du paysage et pointent un doigt vers la coupole argentée du grand ballon installé au centre de la cité, clairement visible au-dessus des toits ronds. Un attroupement de bizarres crabes fluorescents s’égaye à leur pied, et les pelouses grouillent d’énormes phages sautillants. Une pluie toute récente vient de remplir les grands bassins, vides tout à l’heure. L’un des Francs-Plaquistes exhorte les autres à se précipiter vers la ville, et précise que les femmes du palais ne quitteront pas la protection du bâtiment. Comme les natives arrivent à leur tour en s‘égosillant, tout le monde s’élance pour fuir le parc. Des traits d’arbalète les poursuivent sans dommage, mais effectivement, arrivées à l’enceinte qui démarque le palais de la ville, les dames d’Utruss renoncent subitement à leur proie. Profitant de l’aubaine, les autres s’enfoncent dans l’intimité des ruelles biscornues pour se diriger fermement vers la place centrale. Le feu des triples soleils embrase le gigantesque ballon transparent et immobile posé sur un tapis moussu. Les fuyards analysent tout de suite l'outre géante comme étant en réalité un étonnant organisme vivant. Une large nacelle est solidement sanglée sur les protubérances encadrant une tête ridicule qui les regarde avec de grands yeux larmoyants. Tous grimpent dans le petit vaisseau d’osier, si minuscule en comparaison de la masse de chair qui le domine, et qui va l‘emporter haut dans le ciel verdâtre. L’un des Jidouilles a sorti un petit flacon de ses vêtements, il le porte à la bouche de la bestiole globuleuse, laquelle se met à le sucer avidement de sa gueule sans babines, avant que son fantastique abdomen ne se mette gonfler encore d’avantage, puis à rougeoyer vivement. La chose régurgite en bavant un peu du liquide qu’elle vient de boire, puis s’élève promptement au-dessus du sol, en emportant les fugitifs dans les nuages mauves. Charlie se presse contre Emeline car la place dans le panier oscillant est chiche. Il désire récupérer au plus vite son lasergun Space Outlaw Atomic Pistol et le clame bien fort, mais l’un de leurs sauveurs, très désolé, émet une ferme dénégation à cette requête empressée. C’est celui qui a provoqué l’envol du monstre avec sa boisson, et cet homme semble d’ailleurs le seul des passagers capable de maîtriser de manière profitable la volonté de cette montagne volante, au ventre maintenant rempli de gaz et proche d‘exploser.

 

– Je m’appelle Oubli-Wan Kianobite, et voici les légionnaires espions Dark Ouater et Lurke Salwater. Nous allons voyager vers Placentia, où vous ferez connaissance avec notre chef Branlan Solo. Nous seront rapidement en sécurité, mais les matriarches vont se montrer furieuses de s’être fait voler leur aérobête.

 

– Vous l’appelez comment, d’ailleurs, cette bonbonne de gaz à sale gueule ? lance Jhon Piol, sans donner l’impression d’attendre la moindre réponse. Ses pensées se tournent plutôt vers la mémoire de Kishi Kikurséwawa, puisqu’il faisait partie comme lui de l’équipage du cargo transbordeur So long sucker, désintégré au centre du trou noir. Kishi était un collègue, autrement dit, au même titre que le docker spatial Charlie Badelaire, même si l‘un avait été un technicien appartenant au staff du château et l‘autre un vulgaire rat des soutes. En tout cas, des hommes qui passaient la majeure partie de leur existence à errer aux confins des mondes, sur les routes galactiques.

 

– Un Répcipriss Tervinigeux, répond aimablement Dark Ouater, en s‘accrochant aux câbles qui le retient à celui-ci. Comme vous l’avez vu, seule une gorgée d’un pressage de levures de Pignansuru permet à ce monstre volant apprivoisé de s’élever, en raison d‘une particularité digestive. Ce breuvage entraine dans son abdomen une alchimie gazeuse qui le rend incroyablement léger.

 

– Ensuite, intervint Lurke Salwater à son tour, il comprend les ordres qu’on lui donne et la direction qu’il doit prendre. Vous savez, vous venez de l’échapper belle, sans nous, vous étiez morts.

 

– Je dois récupérer mon gun, lance Charlie, sur un ton aigri.

 

–  Oubliez.

 

– Nous devons retourner à notre fusée, ajoute Emeline, et Basile l’approuve du chef en silence.

 

–  Oubliez. Nous ne le voulions pas, mais vous avez déclenché une nouvelle guerre. Faites à présent ce que nous vous dirons, pour votre sécurité.

 

Il ordonne la droite à sa monture, en chuchotant ce commandement aux oreilles sans pavillon de la bête dilatée ; aussitôt, elle se tourne docilement vers la droite. Oubli-Wan Kianobite la remercie d’une nouvelle lampée tirée de son flacon. Ils naviguent longtemps sur un océan vert et franchissent un moment le large banc de splendides spores blancs qui rebondissent sur le diaphragme distendu du Répcipriss, en se cognant sans bruit à sa paroie solide. Tendant le bras vers sa gueule atrophiée, Oubli-Wan Kianobite lui offre une gorgée de son nectar de levures, l’animal regagne ensuite un peu de hauteur. Alors, au bout d’un temps très long passé à survoler la forêt infinie, la bulle ventrale du monstre pâlit peu à peu d’un rose presque éteint. Privé du carburant stimulant de sa boisson, il perd rapidement de l’altitude. En se penchant un peu, on aperçoit finalement se détacher sur le sol les hauts bulbes dorés de Placentia, capitale perdue des Francs-Plaquistes de Kourdukon.

 

https://zupimages.net/up/18/03/6djd.jpg

 

Bon week-end à tous.

 

https://zupimages.net/up/18/03/5y1i.gif

 

et une excellente année 2017 à mes lecteurs, les autres je m'en fous un peu.

 



Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 15:49:53
n°48198559
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 02-01-2017 à 14:45:24  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/r6xo.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/mbqx.gif

 


Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La Jet larguée - Extrait numéro 15.

 

https://zupimages.net/up/17/45/yyxd.jpg

 

Au plafond des carcasses broyées, les masques à oxygène pendaient inutilement au bout de leurs attaches, comme les fruits de l’arbre à pain. Evanouie sur son siège environné d’un capharnaüm sanglant, Shirley s’abandonnait pratiquement sans dommage dans un coma inquiétant. Sa tête saignait un peu, mais sa blessure, juste une grosse coupure au front, ne semblait pas très grave. Des râles et des cris la réveillèrent enfin, alors que Steward se penchait sur elle, soulagé sans doute de voir son amie en bon état.  Malheureusement, ce n’était pas le cas pour beaucoup de personnes qui venaient de perdre la vie dans le crash, parfois propulsées très loin de leur fauteuil. En essayant de se lever pour quitter cet enfer de métal broyé et enchevêtré, le cœur de Shirley se serra lorsqu’elle passa devant les corps de son amie Victoria Raybrune et celui de Kurt Uppe, toujours reconnaissable, bien qu’horriblement mutilé. Etourdie, choquée, traumatisée par le choc effroyable que l’avion venait de subir, Shirley s’extirpait de l’épave enfumée qui avait constituée la partie en arrière des ailes de l’avion, mais elle ne se sentait pas capable de porter secours aux survivants blessés. Elle ne songeait qu’à son propre sort, soutenue par le bras bienveillant de Steward, lequel semblait très préoccupé par la santé de son ex, la chemise maculée du jeune homme ne portait heureusement témoignage d‘aucune blessure. Coincée entre deux sièges, Kinni Quelpapishi était morte elle-aussi, sans même avoir avalé un dernier verre pour soulager son agonie, bien que son ultime flacon de rhum se soit répandu sur elle. l’haltérophile Bastardo Comoquiendice gisait inerte dans une des allées de la carlingue défoncée, tué sur le coup d‘un choc aux cervicales. En dépit de l’incendie qui se déclara aussitôt sur la queue restée sur la piste, le danger d’explosion était moindre, puisque que l’avion n’avait pratiquement plus de carburant.

 

 Un feu modéré se propagea également à l’avant, mais le départ de flammes fut maîtrisé à l’aide des extincteurs de bord que manièrent le docteur Akim Zemblablek et le général Karl Ashnigof, pourtant dévasté par la mort de son ami Janus Ablanc, qu‘il venait de constater en retenant ses larmes. Dans le cockpit, bien secoués mais indemnes, les pilotes reprenaient peu à peu leurs esprits en se détachant de leurs sièges. Les vitres brisées offraient un décor de jungle épaisse, d’où les observaient un groupe de singes hurlants et curieux, revenus sur les lieux après l’effroi de cette brutale et fracassante intrusion dans leur habitat. Des primates que l’isolement de cette île devait rendre complètement consanguins. Des branches d’un bon diamètre étaient rentrées dans l’habitacle, les hommes du bord les contemplèrent un bon moment avec circonspection. Comme l’ensemble des passagers hagards ou paniqués, Steven Eight et Jack-André Tyler se ruèrent pour glisser sur l’un des toboggans déployé afin de retrouver le sol. Brigitte Rural était en train d’accoucher à grand renfort de cris, le docteur Akim Zemblablek et Loraine Careaway restèrent à ses côtés dans l’attente de sa délivrance. Le visage tourmenté de Kim Kosanshian qui les croisa sans rien dire ruisselait de longues coulures sanglantes, jusqu’aux genoux, elle enjamba les restes du cardiaque Bartok Toque dont le cœur avait lâché, puis détourna son regard du corps éventré de la petite groupie Penny Ouiwi. Jouxtant l’abominable spectacle, son copain le rocker Carl Wash ne parvenait pas à s’extirper de son fauteuil, il avait un coude à l’envers,  quelques côtes cassées et demandait de l’aide. Kim s’attarda tout de même pour lui offrir assistance et ils glissèrent ensembles vers le sol recouvert de fougères rases. La plupart des blessés conscients avaient pareillement reçus le secours des plus valides, et lorsque tous furent extraits du chaos d‘acier édifié par les deux morceaux de l‘appareil écrasé, Steven s‘attacha à dénombrer les décès effectifs.

 

Le chef-steward Kurt Uppe comptait donc parmi les victimes, et les hôtesses Lola Dream, Kinni Quelpapishi, Pamela Good et Victoria Raybrune également. Côté passagers, la liste macabre comprenait les noms de Brigitte Dubuisson, Loana Inpool, Penny Ouiwi, Janus Ablanc, Jérome Koulbielle, Bernard Toupie, Rachida Ix, 2 associatifs défenseurs des droits des chiots de chenil Puppies Rights Watch, 3 Pinsonnettes, Bastardo Comoquiendice, 13 syndicalistes de la charcuterie industrielle la Kelien, les agents Boukistannais Al Azif Youkhan et son collègue Abdoul Alhzobdarqred. Quand à Moktar Bouif, épargné mais gravement blessé à l‘épaule, il était dans un sale état et perdait énormément de sang. On se dirigea clopin-clopant sous l’abri des forts banians, au milieu des blessés alignés et soigneusement recouverts de couvertures. Perdu à jamais pour la science, Paul Laplace expira là après un dernier cri, et l‘une des Pinsonnettes aussi. Une heure après, Marthe Lagourdass leur emboîta le pas pour s’en aller au paradis, où peut-être les anges du ciel sont abonnés à Penthouse et Vogue magazine. Pour le reste, tous les autres s’en tiraient miraculeusement vivants, au prix parfois d’un de leur membre affreusement écrasé, tordu, plié, voir le tout à la fois. On revint du macabre décompte les bras chargés des trousses de secours prélevées dans les épaves. Les morts furent provisoirement laissés sur place, en attendant mieux.

 

En dépit du décor tropical grandiose qui servait d‘écrin douloureux au drame aérien, le dernier vol du PJ 612 Paris - Kilapile n’avait pas abordé un plaisant parc à thème. Tout ce que l’homme avait bâti ici se peignait du vert olive des armées, un décor vide, crasseux, hérissé de barbelés : idéal pour servir de villégiature aux zombies errants du monde entier. Seuls Steven et Jack-André se rendaient compte à quel point ils se trouvaient précipités dans un isolement misérable, ce qui leur fit dresser conjointement un constat pessimiste sur leur situation. Il fallait ignorer la queue de l’avion figée sur la piste, après l’avoir pillée, et rabattre tout le monde vers le nez enfoncé dans la verdure, en fait les deux tiers de l’avion, qui pouvait servir d’abri nocturne et de camp provisoire. Le pilote et son officier savaient qu’il leur faudrait rester dans cet endroit très longtemps, la querelle et les négociations entre pays sur les frais de sauvetage ne faisaient sans doute que commencer. Une longue chaîne humaine fut nécessaire pour traverser le bitume et ramener les bagages en bon état et les plus nécessaires denrées, et Shirley ne ménageait pas sa peine, déterminée à noyer son angoisse dans une hyperactivité irréfléchie. Beaucoup des survivants refusaient par superstition de retourner dans l’avion, mais après les avoir visités, il renoncèrent à se réfugier dans les baraquements militaires et pourris situés près de la piste, lesquels n’abritaient rien d’autre que de glauques ténèbres, parce que la végétation envahissante piquetée de serpents les privait totalement de lumière. On organisa donc un camp de fortune au sein du long-courrier détruit et cette carcasse malmenée venait à présent leur servir de cocon pour un autre voyage, mais cette fois immobile et au ras du sol. Un endroit qui ressemblait plutôt pour l’heure à un mauvais hôpital de campagne, une clinique de très mauvaise fortune où les plaies et les fractures cherchaient à s’apaiser à coup de cachets avalés secs. La longueur des opérations financières nécessaires pour qu’on se porte à leur secours dépasserait sans doute le temps à toutes ces blessures de mal se réparer. Brigitte Rural fut finalement évacuée de sa glaçante salle d’accouchement, sur un brancard porté par Wanda et Brandon Poutrelle. Sur le ventre couvert du sang de la mère finalement en bonne santé, ils avaient placé la jolie petite fille qu’elle venait de pondre, comme un pied de nez fait aux morts du crash par cette nouvelle vie. Un bébé paisible qui voyagerait ensuite demi-tarif sur les lignes de la Petro Jelly, pour le reste de sa vie.

 

https://zupimages.net/up/18/03/5nkn.jpg
 


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 15:52:38
n°48219693
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-01-2017 à 11:29:39  profilanswer
 

https://zupimages.net/up/18/03/ikz2.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/029z.gif

 

Salon littéraire :
 
Les oeuvres essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : La saga du trône de Fion. Tome 2 - Sus au sein royal. Extrait numéro 21.

 

https://zupimages.net/up/18/03/8o7g.jpg

 

Dans la tour Pucelle du château de Godapat, Gaëtan Maldemer de Posegalettabord, amiral de la flotte du royaume de Fion, admirait poliment la collection de cailloux que lui présentait Guibert Sonfutal. L’étalage de caillasses appartenait en fait à ses filles Manon et Anaïs, une accumulation rangée par couleur de tous les minéraux du Minouland, le tout constituait un petit musée personnel dont elles étaient très fières. Elles exposaient ainsi des roches ternes et banales à côté de blocs plus chatoyants, on y décelait des pierres à feu, des pierres à eau, quelques pierres à faux. Torturé par son ancienne blessure à la fesse qui le chauffait en l’empêchant de s’asseoir, Gaëtan se saisit dans le présentoir d’une gemme sphérique d‘un beau jaune, qu’il fit rouler entre ses doigts.

 

– Et comment s’appelle celle-ci, mesdemoiselles ?

 

– Ce sont des billes de Gretchka, répondit Manon, prenant soudain le rouge aux joues. Ces pierres naturellement rondes sont paraît-il d’un usage particulier chez les femmes des tribus de Kassos du désert Sukré. Elle furent personnellement données à notre arrière-grand-mère par l’émir Oumar Kedorseyl, venu autrefois dans nos îles, en délégation diplomatique de sa ville de Birouth, avec son illustre épouse Rhablabla Ketum-Bahratine.

 

– Un coin du Minouland où personne n’a jamais mis les pieds, fantastique trésor, que vous tenez-là !

 

Les gamines blondes tapèrent dans leurs menottes d’enthousiasme. Elles avaient également planqué une collection de chats morts, mais se gardaient quelques jardins encore plus secrets, comme cette conséquente détention de pénis séchés des pendus légaux et illégaux. Plus raisonnablement, elles apportèrent ensuite devant les yeux admiratifs de leurs visiteurs un lourd manuscrit, relié du cuir brun d‘une peau de castor, qui se révéla être un innocent herbier. En son sein dormaient, bien conservées et à l’abri de toute pourriture, les plantes annotées les plus communes de l’Hyperbourrée, voir bien au-delà. Gaëtan reçut l’ouvrage qui pesait lourd des mains du capitaine-chevalier Franquette de Labonne, et l’amiral curieux examina chaque petit bouquet séché très attentivement. Ce traité de botanique illustré de vraies fleurs semblait fort intéressant. Il fit tourner les pages, avant de tomber sur les plantes spécifiques d’une région située au nord du gouffre du Poingé, et en particulier des végétaux cueillis sur les flancs du Mont Chauve. De la Fenmachatte des plaines vallonnées côtoyait du Guilidjon d‘altitude, puis, tournant encore une page, Gaëtan reçut un formidable choc, puisqu’il avait devant ses yeux un véritable petit brin de Pinette, dans un parfait état général, avec toutes ses couleurs d’une réjouissante fraîcheur. Alors que ses yeux s’écarquillaient sur cet inestimable magot, ses mains tremblaient et peinaient à supporter le poids du grand livre, qu‘il dût poser urgemment sur la table. Sa tête résonnait comme folle des pensées qui faisaient bon manège devant cette inestimable découverte. Il osa regarder une nouvelle fois la petite tige feuillue, qu’un minuscule ruban rouge retenait serré contre le parchemin. N’était-ce pas cette plante sorceresse pour laquelle cette fameuse communauté de la gnôle s’était mise en quête en prenant la route du Bonanzaza, pour ne jamais revenir ? Gaëtan plissa les yeux pour déchiffrer une fois de plus le nom du spécimen écrit par Anaïs, pas de doute, on lisait bien Pinettus Fornica Fion, plante poison magicienne vulgairement appelée la fleur de Pinette. Le cœur cogna dans la poitrine du marin, il lutta de toutes ses forces pour éviter de laisser paraître son émoi, et même, en se faisant violence, il tourna avec beaucoup de regret la page pour venir occulter le cadeau que Sainte Kramouille venait de lui faire. Mais, bien entendu, il ne pensait plus qu’à cette formidable aubaine. Il tenta de s’esbaudir sur une Pête-Balouche bisannuelle aux superbes pétales rouges, mais il donna bien mal le change, la page précédente contenant la Pinette lui brûlait toujours les doigts.

 

Il était au courant des vertus que prêtait le magicien Mirlen à cette herbe trop rare, car il la donnait bonne en seul système pour parvenir à dérouiller le cul de la reine Amanda Blair du Fion. Et celui qui pourrait s’enorgueillir de l’exploit d’avoir su arder la noble dame porterait lui aussi la couronne, par mariage princier, car elle l‘avait promis. Gaëtan n’avait donc pas de plus grand désir à présent que de s’en emparer. Il n’était de cette manière plus du tout pressé de lever l’ancre, pour quitter les rives de Godapat. Ce dont il était sûr, c’est que les autres n’avaient rien vu du bien qu’il convoitait. En s’en emparant pour son plus grand mérite, il serait le seul à ramener la plante à Fion, et il savait déjà que les jumelles entreposaient l’herbier dans leur chambre commune. Leur père avait précisé qu’elle dorlotaient ces choses précieuses qu’elles scrutaient constamment, avec le souci permanent de les enrichir en pièces uniques par de nouvelles acquisitions. En s’efforçant de faire bonne figure pour paraître insoupçonnable, Gaëtan Maldemer salua dignement au moment du coucher les nobles réunis, la reine Hildegarde Bourrelareine, le roi son mari Guibert Sonfutal, Thiébaud Kentudor, son maréchal accompagné de son épouse La Pompadore et de nombreux seigneurs de l’ordre des chevaliers Tétonniques. Guidées par la servante Huguette, Manon et Anaïs avaient déjà rejoint leur lit, en emportant leur Pinette avec elles.

 

Plus tôt dans la journée, des pêcheurs d’un village de l’île s’étaient réunis sur la grève ventée pour participer à une chasse au goéland. Tous tenaient l’un de ces oiseaux de mer au bout d’une longue corde attachée à l’une de leurs pattes palmées. En l’utilisant comme une fronde, le goéland est propulsé pour qu’il aille frapper sa proie, en général un oiseau aussi, mais pas toujours. Au bout d’une heure de lancés infructueux, l’un des chasseurs fut gratifié d’un coup heureux, puisque son goéland heurta violemment la poule messagère destinée à Mouyse. Dans cette missive, Thiébaud Kentudor avertissait l’Ovoïde Vazy Métoian LXIX, l’empaleur de Kiess, roi de Mouyse, que toute l’armada du Fion venait de s’échouer sur les brisants de l’île de Godapat et réparaient. Le maréchal rappelait, au nom du roi Sonfutal, la profonde neutralité du royaume de Godapat et assurait de sa sincère amitié cordiale pour le tyran de Mouyse, en le prévenant par chapon messager et ainsi démontrer par la présente un paisible but d’équité. Le chasseur ne savait pas lire et ne pensait qu’à la viande, il laissa s’envoler le message au vent pour qu’il aille sur la mer et s’apprêta à faire un feu sur la plage dans le but d’y rôtir sa poule. Ce qu’il fit après avoir prêté bien attention à ne pas pissotter contre le soleil pour ne pas chopper la gravelle. Pendant ce temps-là, Gaultier Quilamolle, comte de Septizémie, sénéchal de Fion et général en chef de l’armée de terre continuait de faire avancer ses troupes vers Mouyse. Il ignorait tout du sort de la flotte et son armée approchait déjà des frontières du royaume ennemi, à l’est de l’Hyperbourrée et sur les territoires parcourus en grand nombre par les tribus Zgomatix, conduites par leur chef Olbo Zgeg au grand tarbouif. Le monde ignorait donc que les bateaux d’Amanda reine du Fion avaient crevé leur panse et que l’épée de son royaume avait été brisée sur des rochers de mer.

 

https://zupimages.net/up/18/03/0pml.jpg


Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 15:56:42
n°48222689
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-01-2017 à 15:01:24  profilanswer
 

Salon des inventions :
 
Les machines essentielles du pro-fesseur Talbazar
 
Aujourd'hui : Le papier toilette musical.

https://zupimages.net/up/18/03/rsxb.jpghttps://zupimages.net/up/18/03/1feg.jpg

 

Le pro-fesseur Talbazar a déposé en Janvier 2017, à l'Institut National de Propreté Industrielle, I.N.P.I., un brevet d’invention portant le N° F8T et intitulé : Procédé de génération musicale grâce à un nouveau codage des données par l'utilisation du papier-cul comme support mémoire en lieu et place du carton perforé utilisé dans la serinette murale adaptée, qui fait également partie du dispositif. La serinette tient son nom de sa destination, laquelle était d’apprendre aux serins à seriner. Ce PTM tout nouvellement breveté n’aurait sûrement pas l’outrecuidance d’apprendre à ses utilisateurs comment ils doivent poser la pêche, ils connaissent déjà la musique. Ne doutons guère qu’influencés par la mélodie diffusée désormais dans leurs cabinets, et qu’ils contrôlent eux-mêmes, ils seront en revanche à même de poser la note, pour payer l’addition de la dame pipi. L’appareil admirable et innovant s’accroche sagement au mur, et n’a donc pas le besoin d’être porté en bandoulière, il est cependant essentiel de le placer à portée de main pour dévider jusqu’au bout du rouleau. Le déroulement manuel du rouleau de papier toilette perforé fait office de manivelle, qu’il remplace efficacement. Cet appareil novateur qui peut éventuellement chanter Lara Fabian permet un enrichissement spectaculaire de vos propres (sic) compositions et sonorités personnelles, même en pleine épidémie d’embarras gastriques. Grâce aux efforts d'ingéniosité des facteurs sous-payés de la Moyenne Encyclopédie, les répertoires pèsent peu et sont de moindre volume. Notre orgue mural pour WC utilise par exemple un standard de vitesse qui est de 3m60 à la minute. Ce qui fait que 60 mn de musique représente un seul rouleau de PQ d’une longueur de 214 mètres de support papier parfumé à perforations, coloré ou non, mais d‘une douceur incomparable. Si l’on se penche dessus, on voit qu’il est donc impensable que notre merveilleuse machine acoustique puisse occasionner aux utilisateurs le moindre tour de rein, y compris en cas de miction prolongée.

 


 Chaque serinette-dévidoir en bois, acier, laiton, abrite donc un instrument de musique mécanique de Marque Intestina, renfermant un orgue à cylindres de papier toilette perforé. Une énorme flûte de lecture à 20 notes et queunotte équipe cet instrument de musique mécanique à anches, alimenté par soufflet qui permet de souffler par les hanches d‘une façon plaisamment musical. Avec les progrès pharamineux de la micro-informatique, il était très tentant d‘ajouter, pour les concepteurs de cet orgue de barbarie à papier toilette, plusieurs cartes à puce susceptibles de lire les zéros et les uns, plutôt que les trous et les pleins, pour commander nos merveilleuses machines acoustiques. Comme nous utilisions déjà l'informatique pour nous palucher en douce sur notre Iphone, nous avons vu que l’utilisation manuelle du rouleau n’était en soi pas trop contraignante, puisque nous ne chions pas avec les mains. Ensuite, après avoir terminé et nous être lavé les mains, nous avons écarté l’hypothèse d’un tour de rein pendant son utilisation, si vite arrivé quand vous manipulez cinquante kilos de cartons, dont, en plus, vous n’avez rien à foutre. Le papier toilette musical est solide et retransmet un son parfait, naturellement audible à la ronde. Nous avons choisi un grammage très fin pour l’installer dans notre orgue à picolos qui joue admirablement des trous et des pleins, quand les pleins font dans le trou. Le rouleau de papier toilette musical et perforé est léger, et doit être obligatoirement débobiné avant de pouvoir passer un autre air. C'est la raison pour laquelle nos amis allemands, équipés en masse de notre invention, se regroupent souvent pour jouer dans les cabinets, car pendant la prestation de l'un d'entre eux, l'autre se prépare à débobiner à son tour dans le WC proche, pour un concert dans les kiosques équipés de plus longue durée. Ainsi, le papier toilette musical du pro-fesseur Talbazar est très usité outre-Rhin, pour faire chanter comme il se doit le yodel aux reins et vessies des teutons remplis de bière comme des belges. Et contrairement aux usages germaniques, qui imposent à la Moyenne Encyclopédie des éditions trimestrielles de séries de rouleaux identiques pour tous les abonnés, nous pouvons créer les rouleaux suivant votre demande, titre par titre, et nul doute que vos propres créations vont faire un carton et que vous allez prochainement palper beaucoup de papier. S’il faut veiller à n’avoir rien qui dépasse quand on joue d'un orgue porté en bandoulière, il n‘est pas opportun de s‘en préoccuper avec notre machine, même avec un truc qui dépasse vraiment beaucoup, et pour une fois c‘est vrai.

 


  • Extraits musicaux actuellement disponibles en rouleaux de 300 mètres (une heure de musique environ) :


« Petite pavane de l’Infante Maria-Dolores Ilabezalez » de Hidalgo Lobar
« Te-Deum pontifical » de Grossmünster Dietrichfrigo
« Symphonie acoustique expérimentale » de Jules Piedlit
« Ma vie dans la tienne » par Lara Fabian
« Le chemin d’amour » Valse Boston

Couleur finition : Marron, noir, gris, beige, doré et blanc

Moteur de recherche : ( Orgue - Boite a chiotte - Mecanique - Serins - Lara Fabian )

 



Message édité par talbazar le 18-01-2018 à 15:58:41
n°48223432
prospoul
Posté le 04-01-2017 à 15:41:57  profilanswer
 

Mais t'écrit ca au boulot ? Ou c'est sur ton temps libre ?

n°48223771
talbazar
morte la bête, mort le venin
Posté le 04-01-2017 à 16:04:02  profilanswer
 

en tout cas je suis pas payé !

n°48223910
prospoul
Posté le 04-01-2017 à 16:12:52  profilanswer
 

Pour ta littérature ou en général ?

mood
Publicité
Posté le   profilanswer
 

 Page :   1  2  3  4  5  ..  51  52  53  ..  109  110  111  112  113  114

Aller à :
Ajouter une réponse
 

Sujets relatifs
Le topik des gens de taille moyenneEncyclopédie de la musique
[Topic Unik] Wikipédia - L'encyclopédie libre!échange dvd ufc mème qualitée moyenne pour les fans
Température Moyenne pour un petit moteur corsa ?Meilleure encyclopedie en langue anglaise ?
Topic vérification de LU : Pensez vous être plus con que la moyenne ?Encyclopédie Musicale en ligne
[Rch] livre semblable a l'encyclopedie du savoir relatif et absou B.WLa classe moyenne en France
Plus de sujets relatifs à : La moyenne Encyclopédie du pro-fesseur Talbazar.


Copyright © 1997-2025 Groupe LDLC (Signaler un contenu illicite / Données personnelles)