PitOnForum thèse - antithèse - synthèse | Livre & lecture - « Harangue à des magistrats qui débutent », souvent appelée « Harangue de Baudot », texte fondateur du Syndicat de la magistrature
depuis des années que ça dure, comment se fait-il que :
- la population n'ait globalement pas, plus et de moins en moins confiance en l'autorité judiciaire?!
- l'opinion publique ait l'impression que notre appareil judiciaire serait politisé?!
- grandisse le sentiment que la justice serait arbitraire?!
- on parle de plus en plus de: "coup d'Etat des juges", de "gouvernement des juges", de "monarchie des juges", de "aristocratie des juges", de "dictature des juges", de "tyrannie des juges"?!
- la justice se montre parfois si dure envers certaines personnes médiatiques non violentes, tandis que
les peines prononcées et effectivement exécutées pour les pires délinquants et criminels violents soient si faibles?! - on retrouve des violents multi-condamnés (OQTF ou pas) en liberté de perpétrer d'abominables délits et/ou crimes?!
- le nombre de places de prison ne suive pas le nombre de délinquants et criminels?!
- nos autorités ne construisent pas le nombre nécessaire de places de prison?!
- les honnêtes citoyens ne soient plus protégés par la justice de leur pays?!
- une part grandissante de la population, constituée d'honnêtes citoyens, à même l'impression que tout l'appareil judiciaire, politique, exécutif, médiatique et intellectuel oeuvre contre elle?!
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pour ceux qui se posent des questions et qui veulent savoir et comprendre:
Citation :
«La harangue du juge Baudot reste la bible de la gauche judiciaire»
FIGAROVOX/TRIBUNE - En 1968, un membre du Syndicat de la magistrature (gauche et extrême-gauche) a écrit un texte ouvertement idéologique. La doctrine qu’il expose continue d’imprégner les ministres venus de la gauche, analyse l’ancien juge d’instruction Hervé Lehman.
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Une des bases idéologiques de la gauche judiciaire est «la harangue de Baudot», ce texte fondateur du Syndicat de la magistrature, écrit en 1968 par un magistrat syndiqué, Oswald Baudot, à l’attention des jeunes juges. Il fixe trois lignes directrices, dont la plus forte est la suivante: «Soyez partiaux (…) Examinez toujours où sont le fort et le faible qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurance de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.» Pour la gauche judiciaire, entre le délinquant qui s’enfuit devant la police et cette dernière, il faut avoir un préjugé favorable pour le délinquant. C’est ce qui justifie que l’on encourage une manifestation interdite dès lors que c’est contre la police, que la ministre de la Justice souhaite recevoir la famille du délinquant, et que le ministre de l’Intérieur va jusqu’à envisager de s’agenouiller. Par bonheur, les juges d’instruction chargés de l’affaire Traoré ne sont pas des adeptes de Baudot et cherchent la vérité sans préjugé.
Le deuxième précepte de la harangue est le refus de la prison: «Si la répression était efficace, il y a longtemps qu’elle aurait réussi. Si elle est inutile comme je le crois, n’entreprenez pas de faire carrière en vous payant la tête des autres. Ne comptez pas la prison par années ni par mois mais par minutes et par secondes, tout comme si vous deviez la subir vous-mêmes». Pour la gauche judiciaire, l’emprisonnement est néfaste, et donc à éviter. Plus érudit que l’auteur de la harangue, et plus radical, Michel Foucault a théorisé dans Surveiller et punir le refus de la prison, instrument de l’oppression bourgeoise. Pour lui, la prison produit de la délinquance pour permettre à la bourgeoisie d’en profiter et de neutraliser les luttes sociales. À son congrès de 1985, le Syndicat, très influencé par les travaux du philosophe, a adopté une motion commençant par: «Le Syndicat de la magistrature affirme la nécessité de la suppression à terme de la prison».
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Enfin la harangue invite à s’accommoder avec la loi: «Dans vos fonctions, ne faites pas un cas exagéré de la loi et méprisez généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence. Il vous appartient d’être plus sages que la Cour de cassation, si l’occasion s’en présente (…) Consultez le bon sens, l’équité, l’amour du prochain plutôt que l’autorité ou la tradition. La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides «attendus» du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi. D’ailleurs vous constaterez qu’au rebours des principes qu’elle affiche, la justice applique extensiblement les lois répressives et restrictivement les lois libérales. Agissez tout au contraire.»
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source: propos de Hervé Lehman, le 24 juin 2020, dans une tribune de LeFigaro / FigaroVox; https://www.lefigaro.fr/vox/politiq [...] e-20200623
remarque corrective sur les dates: - le Syndicat de la magistrature fut créé le 8 juin 1968
- la harangue fut prononcée en août 1974 devant 130 nouveaux magistrats par Oswald Baudot, substitut du procureur de la République à Marseille et membre du Syndicat de la Magistrature
texte original complet:
Citation :
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Vous voilà installés et chapitrés. Permettez-moi de vous haranguer à mon tour, afin de corriger quelques-unes des choses qui vous ont été dites et de vous en faire entendre d’inédites.
En entrant dans la magistrature, vous êtes devenus des fonctionnaires d’un rang modeste. Gardez-vous de vous griser de l’honneur, feint ou réel, qu’on vous témoigne. Ne vous haussez pas du col. Ne vous gargarisez pas des mots de ‘troisième pouvoir’, de ‘peuple français’, de ‘gardien des libertés publiques’, etc. On vous a dotés d’un pouvoir médiocre : celui de mettre en prison. On ne vous le donne que parce qu’il est généralement inoffensif. Quand vous infligerez cinq ans de prison au voleur de bicyclette, vous ne dérangerez personne. Évitez d’abuser de ce pouvoir.
Ne croyez pas que vous serez d’autant plus considérables que vous serez plus terribles. Ne croyez pas que vous allez, nouveaux saints Georges, vaincre l’hydre de la délinquance par une répression impitoyable. Si la répression était efficace, il y a longtemps qu’elle aurait réussi. Si elle est inutile, comme je crois, n’entreprenez pas de faire carrière en vous payant la tête des autres. Ne comptez pas la prison par années ni par mois, mais par minutes et par secondes, tout comme si vous deviez la subir vous-mêmes.
Il est vrai que vous entrez dans une profession où l’on vous demandera souvent d’avoir du caractère mais où l’on entend seulement par là que vous soyez impitoyables aux misérables. Lâches envers leurs supérieurs, intransigeants envers leurs inférieurs, telle est l’ordinaire conduite des hommes. Tâchez d’éviter cet écueil. On rend la justice impunément : n’en abusez pas.
Dans vos fonctions, ne faites pas un cas exagéré de la loi et méprisez généralement les coutumes, les circulaires, les décrets et la jurisprudence. Il vous appartient d’être plus sages que la Cour de cassation, si l’occasion s’en présente. La justice n’est pas une vérité arrêtée en 1810. C’est une création perpétuelle. Elle sera ce que vous la ferez. N’attendez pas le feu vert du ministre ou du législateur ou des réformes, toujours envisagées. Réformez vous-mêmes. Consultez le bon sens, l’équité, l’amour du prochain plutôt que l’autorité ou la tradition.
La loi s’interprète. Elle dira ce que vous voulez qu’elle dise. Sans y changer un iota, on peut, avec les plus solides ‘attendus’ du monde, donner raison à l’un ou à l’autre, acquitter ou condamner au maximum de la peine. Par conséquent, que la loi ne vous serve pas d’alibi. D’ailleurs, vous constaterez qu’au rebours des principes qu’elle affiche, la justice applique extensivement les lois répressives et restrictivement les lois libérales. Agissez tout au contraire. Respectez la règle du jeu lorsqu’elle vous bride. Soyez beaux joueurs, soyez généreux : ce sera une nouveauté !
Ne vous contentez pas de faire votre métier. Vous verrez vite que, pour être un peu utiles, vous devez sortir des sentiers battus. Tout ce que vous ferez de bien, vous le ferez en plus. Qu’on le veuille ou non, vous avez un rôle social à jouer. Vous êtes des assistantes sociales. Vous ne décidez pas que sur le papier. Vous tranchez dans le vif. Ne fermez pas vos cœurs à la souffrance ni vos oreilles aux cris.
Ne soyez pas de ces juges soliveaux qui attendent que viennent à eux les petits procès. Ne soyez pas des arbitres indifférents au-dessus de la mêlée. Que votre porte soit ouverte à tous. Il y a des tâches plus utiles que de chasser ce papillon, la vérité, ou que de cultiver cette orchidée, la science juridique.
Ne soyez pas victime de vos préjugés de classe, religieux, politiques ou moraux. Ne croyez pas que la société soit intangible, l’inégalité et l’injustice inévitables, la raison et la volonté humaine incapables d’y rien changer.
Ne croyez pas qu’un homme soit coupable d’être ce qu’il est ni qu’il ne dépende que de lui d’être autrement. Autrement dit, ne le jugez pas. Ne condamnez pas l’alcoolique. L’alcoolisme, que la médecine ne sait pas guérir, n’est pas une excuse légale mais c’est une circonstance atténuante. Parce que vous êtes instruits, ne méprisez pas l’illettré. Ne jetez pas la pierre à la paresse, vous qui ne travaillez pas de vos mains. Soyez indulgents au reste des hommes. N’ajoutez pas à leurs souffrances. Ne soyez pas de ceux qui augmentent la somme des souffrances.
Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté. C’est la tradition capétienne. Examinez toujours où sont le fort et le faible, qui ne se confondent pas nécessairement avec le délinquant et sa victime. Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour l’écrasé contre la compagnie d’assurances de l’écraseur, pour le malade contre la sécurité sociale, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice.
Ayez un dernier mérite : pardonnez ce sermon sur la montagne à votre collègue dévoué.
Oswald Baudot
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Message édité par PitOnForum le 02-11-2025 à 12:48:02
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