Citation :
.... Le 5/12/2003, lors de lémission suivante, Monsieur Marc-Olivier F. sest, en préliminaire, expliqué sur les conditions dans lesquelles le sketch avait été interprété, et sest excusé en son nom et celui de la chaîne France 3.
Au cours de cette émission, 17 SMS, concernant lintervention de Monsieur Dieudonné M., ont été diffusés en bandeau sur lécran dont le message libellé ainsi: « Dieudo ça te ferait rire si on faisait des sketches sur les odeurs des blacks? Te
tellement bête que ça ne me choque même plus ».
Il résulte de lenquête diligentée à la demande du Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance de Nanterre que:
- lors de lémission du ier décembre 2003, 60.000 SMS ont été envoyés par les téléspectateurs (au lieu de 10.000 environ), dont 2300 messages concernant la seule intervention de Dieudonné, réceptionnés après la fin de lémission;
- généralement les messages arrivent sur un ordinateur en régie après avoir subi un premier filtrage technique supprimant les mots indésirables et sont traités par un modérateur qui les sélectionne, et les remet en forme, pour les rendre plus compréhensifs, le rédacteur en chef, Monsieur Laurent B. validant ou non leur passage à lantenne. Le traitement de ces messages entre leur réception et leur diffusion dure entre 5 et 15 minutes;
- les SMS reçus le 1/12/2003 nayant pas pu être diffusés, Monsieur Marc-Olivier F. a décidé avec son équipe de différer cette diffusion à lémission suivante du 5/12/2003;
- Monsieur Laurent B. a demandé à Monsieur Alexandre G., assistant de direction, de faire des propositions de messages en respectant la teneur de ceux effectivement reçus et en rendant compte de lindignation des téléspectateurs;
- Monsieur Alexandre G. a reconnu être le rédacteur dune partie des SMS parus à lécran dont le message incriminé, et ce, à la demande du rédacteur en chef;
- Les messages préparés entre le 1/12/2003 et le 5/12/2003 ont été, selon Monsieur F., validés par la direction des programmes de la Société France 3 puisquil sagissait de rendre compte de lampleur des réactions dindignation des téléspectateurs, suite à lintervention de Monsieur Dieudonné M.
Selon Monsieur Marc-Olivier F. et Monsieur Laurent B., le message litigieux serait le condensé de deux messages reçus le 1/12/2003 à 22H42 et 23H03, ainsi libellés " Si on se mokai de musulman com Dieudo ce moke des juifs, il nous foutrai une bombe » et " Dieudonné tu as la couleure et tu as dit-on lodeur, grosse merde, cest drôle non, cest ça ton humour».
Les prévenus font valoir que le message incriminé devait se comprendre de la façon suivante: « Que dirait-on si un humour aussi déplacé et odieux sexerçait à lencontre de la communauté noire »
Les prévenus considèrent que le texte litigieux ne contient aucune invective ni expression outrageante envers la personne de Monsieur Dieudonné M., car il contient une interrogation sur les limites de lhumour quand il concerne une race ou une religion. (:lol Or, le message dont sagit vise nommément Monsieur Dieudonné M. puisquil commence par DIEUDO et, plus largement, la communauté noire, par le mot BLACKS.
Les termes utilisés, en loccurrence lodeur des blacks, se réfèrent au vieux cliché selon lequel les personnes de race noire ont une odeur désagréable, ce qui relève dune conviction ouvertement raciste ( )
La diffusion extrêmement rapide du message ne permet pas aux téléspectateurs de linterpréter au second degré du seul fait de sa forme interrogative.
Si comme le prétendent les prévenus, il était question de faire passer lindignation des téléspectateurs, il eut été plus simple décrire et de diffuser le texte : « Que dirait on si un humour aussi déplacé et odieux sexerçait envers la communauté noire ? ».
Les mots clés en loccurrence, Dieudo et odeur des blacks, sont intimement liés et sont les seuls retenus par les téléspectateurs.
La seule référence à lodeur des personnes de race noire renferme une connotation raciste, méprisante et outrageante, tant envers Monsieur Dieudonné M., nommément visé, quenvers la communauté noire dans son ensemble.
En conséquence, ce message diffusé dans une émission de télévision qui est regardée par des millions de téléspectateurs constitue une injure publique de nature raciale.
Monsieur Marc T. estime que sa responsabilité pénale ne peut pas être recherchée au visa des dispositions de larticle 93-3 de la loi du 29/07/1982, aux termes desquelles: Au cas où lune des infractions prévues parle chapitre IV de la loi du 29/07/1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication audiovisuelle, le directeur de la publication sera poursuivi comme son auteur principal, lorsque le message incriminé a fait lobjet dune fixation préalable à sa communication au public.
Il fait valoir que lémission du 5/12/2003 a été diffusée en direct, ce qui ne permet pas de retenir sa responsabilité pénale dans la mesure où le contenu de lémission lui échappait complètement.
Or, selon les prévenus, le message incriminé est la réécriture de deux messages reçus le 1/12/2003.
Le message diffusé sur bandeau lors de lémission en direct du 5/12/2003, a été préparé à lavance et a donc fait lobjet dune fixation préalable à la communication au public.
Dans son audition du 13 Janvier 2004, Monsieur Marc-Olivier F. a précisé que les 17 SMS diffusés le 5/12/2003 avaient été préalablement validés parla direction des programmes de France 3, en loccurrence par Monsieur Z., directeur adjoint des programmes, car il sagissait de rendre compte de lampleur des réactions dindignation des téléspectateurs à lintetvention scandaleuse de Monsieur Dieudonné M.
Suite à la mise en garde du C.S.A faite à Monsieur Marc T. en sa qualité de Président de la Société France Télévision, le 3/12/2003, il est évident que la Société France 3 a nécessairement été tenue au courant par Monsieur Marc-Olivier F. du contenu de lémission du 5/12/2003, et en particulier des messages qui allaient être diffusés en différé, puisque ce dernier sest excusé en son nom et en celui des responsables de la chaîne, en précisant que des messages adressés par les téléspectateurs le 1/12/2003, allaient être diffusés au cours de lémission.
Monsieur Marc T. est donc infondé à se prévaloir dune diffusion en direct de lémission alors même que le message incriminé a fait lobjet dune diffusion différée et aurait pu faire lobjet dun contrôle, ce qui a été le cas, puisque le directeur des programmes de la chaîne a validé son passage.
Les poursuites engagées à lencontre de Monsieur Marc T., en tant quauteur principal, sont donc recevables.
Les prévenus invoquent leur bonne foi.( )
Il est constant que lintention de nuire est présumée en matière dinjures.
La bonne foi invoquée ne peut pas être retenue.
Il est établi que le message litigieux a été écrit par Monsieur G. à la demande de Monsieur Laurent B. qui la sélectionné parmi les autres textes réécrits. Monsieur Marc-Olivier F. ne pouvait pas ignorer la teneur des messages qui allaient être diffusés à lantenne dans la mesure où il reconnaît quil les a fait valider par le directeur des programmes de la chaîne. De plus et surtout, en sa qualité de producteur et danimateur de lémission, il avait pris la décision avec son équipe de diffuser les messages en différé, ce qui nest pas une pratique habituelle. Enfin, le filtrage et la sélection de messages diffusés sur lécran auraient dû avoir pour effet de ne pas faire apparaître à lécran un texte méprisant et outrageant à connotation raciste, dautant quil némane même pas dun téléspectateur, ce qui constitue une manipulation certaine du public. Sur ce point, il y a lieu de rappeler que lors de son audition, à la question Les messages sont ils rédigés par les équipes de production, Monsieur Marc-Olivier F. a répondu: « Non, nous ninventons jamais rien, ce serait contraire à toute déontologie journalistique» Une telle affirmation qui sest avérée fausse démontre que le message injurieux a été diffusé en toute connaissance de cause, ce qui révèle lintention de nuire.
Monsieur Marc T. qui aurait pu exercer un contrôle sur les messages réécrits ne saurait utilement arguer de sa bonne foi, dautant que le directeur des programmes a validé leur diffusion à lantenne.
Les prévenus se prévalent de lexcuse de provocation.
Dune part, ils ne peuvent sérieusement invoquer une quelconque provocation de Monsieur Dieudonné M., à leur
encontre, car le sketch interprété le 1/12/2003, ne concernait aucun dentre eux.
Dautre part et à supposer que ce sketch ait eu un caractère diffamant, ce qui aujourdhui na pas été admis par la Cour dAppel de PARIS qui a confirmé, le 7/09/2005, un jugement de relaxe rendu par le Tribunal de Grande Instance de PARIS, le 27/05/2004, au profit de Monsieur Dieudonné M., le SMS litigieux qui a été sciemment fabriqué, ne constitue pas une riposte immédiate et irréfléchie aux propos tenus par ce dernier dans lémission diffusée quatre jours auparavant.
Lexcuse de provocation nest donc pas fondée.
Monsieur Marc T. doit être retenu dans les liens de la prévention en sa qualité dauteur principal (directeur de la Publication).
Monsieur Alexandre G. qui a rédigé le message incriminé en sachant quil pourrait être diffusé à lécran, a facilité la commission de linfraction et doit être retenu dans les liens de la prévention en qualité de complice.
En demandant la réécriture du message et en diffusant celui-ci, Monsieur Laurent B., rédacteur en chef, et Monsieur Marc- Olivier F., représentant légal de la Société de Production, ont par aide et assistance, préparé et facilité la diffusion du message incriminé. Ils doivent donc être déclarés coupables des faits objet de la prévention.
Monsieur Marc T. doit être condamné à une peine damende de 4.000 Euros, Monsieur Marc-Olivier F., à une peine damende de 5.000 Euros, Monsieur Laurent B., à une peine damende de 2.000 Euros et MonsîeurAlexandre G., à une peine damende de 1.000 Euros.
Il y a lieu de faire application de la peine de diffusion prévue par lalinéa 4 de larticle 33 de la loi du 29/07/1881, selon des modalités conformes à larticle 131-35 du Code pénal, qui seront précisées dans le dispositif du jugement.
Sagissant dune peine complémentaire, elle ne peut pas bénéficier de lexécution provisoire.
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