Les Big Five se ressemblent-ils tous ?
Le monde 30/01/2007
Spécial conseil/audit Difficile pour un jeune diplômé de choisir entre les grands cabinets dont les promesses en termes de carrière et de salaire sont souvent identiques
Avec, en général, trois ou quatre propositions chacun dont deux émanant des grands cabinets d'audit, les jeunes diplômés issus des écoles de commerce les plus cotées mènent la danse. Comment ces employeurs potentiels se démarquent-ils pour attirer les candidats chez eux ?
La surenchère ne porte pas - encore - sur les salaires d'embauche proposés aux débutants, qui sont semblables. Pour le reste aussi, les différences ne sont pas évidentes à première vue, hormis la nationalité française de Mazars, quand les autres - PricewaterhouseCoopers (PWC), Ernst & Young, Deloitte et KPMG - sont d'origine anglo-saxonne, Mazars étant aussi le seul à ne pas obliger les nouvelles recrues à se spécialiser dans un secteur. " Quand nous invitons ces grands cabinets à se présenter devant les étudiants, relate John Kennedy, responsable du troisième cycle d'audit-conseil à l'Ecole supérieure de commerce de Paris, au bout de la troisième intervention, les jeunes ont l'impression d'avoir entendu à chaque fois le même discours. " Tous promettent des missions intéressantes, des possibilités d'évolution de carrière (plus ou moins accélérée) et de mobilité, des passerelles vers d'autres métiers, des formations, du temps partiel, etc., et presque tous offrent des avantages tels que la conciergerie d'entreprise. " Pour moi, reprend l'enseignant de l'ESCP-EAP, les offres sont pratiquement toutes équivalentes. "
A quelques variantes près, cependant. Concernant, par exemple, la mobilité à l'étranger qui, en fait, ne concernera que les meilleurs éléments, les programmes varient d'un cabinet à l'autre. Chez KPMG, après une année d'expérience, le jeune à haut potentiel peut aller travailler à l'international. " Celui qui veut se rapprocher de sa famille peut aussi obtenir - en général après deux ans d'ancienneté - une mutation en France dans l'un de nos 180 bureaux régionaux ", explique Sylvie Bernard-Curie, directrice des ressources humaines de KPMG Audit, estimant avoir là un atout. Chez Deloitte également, plusieurs dispositifs sont réservés " aux meilleurs ", indique Véronique Staat, associée, responsable du recrutement. Partir pour 18 ou 24 mois, après trois ans d'ancienneté, ou bien être transféré à l'étranger après un an d'expérience. " Nous envoyons le CV de la personne au bureau du pays d'accueil, les évaluations de son travail, précise Mme Staat. C'est un sacré coup de pouce. " La mobilité internationale chez PWC s'effectue via les offres transmises sur un site interne par les bureaux de 148 pays. " Nous avons développé avec des sociétés du CAC 40 un site d'offres d'emplois pour les conjoints ", souligne Eric Bertier, associé, responsable des ressources humaines. Il existe différents programmes dont l'un, proposé depuis octobre 2006 avec huit pays européens, permet à certains débutants des écoles les plus cotées de démarrer directement à l'étranger, durant un an. Chez Ernst & Young, aussi, des mobilités plus ou moins longues sont prévues ainsi qu'un dispositif plus original mis en place depuis janvier dans lequel tout collaborateur ayant au moins six mois d'expérience peut " se positionner selon ses compétences pour participer à une mission réalisée par une équipe pluridisciplinaire et multiculturelle ", explique Véronique Ménard, directrice de la stratégie des ressources humaines, citant l'exemple d'un projet sur deux ans pour une banque en Grèce, effectué par une équipe comprenant notamment 25 % de Français, 25 % de Britanniques, 10 % de Néerlandais, 3 % de Grecs. " Nos collaborateurs se relaient tous les deux ou trois mois, ce qui est attractif pour ceux qui ne veulent pas partir longtemps. "
Chez Mazars, le plus petit des Big Five, qui se qualifie de " challenger entrepreneur ", Martin Huerre, le DRH France, estime que la mobilité internationale y est plus accessible car " la France a toutes les cartes en main, tandis que, chez les autres, l'Hexagone n'est qu'un dossard parmi d'autres ". Son stade de développement lui permet d'offrir à des jeunes, ayant quatre ou cinq années d'ancienneté, de partir en " pionnier avec un sac à dos pour défricher de nouveaux territoires et construire un bureau ", ajoute M. Huerre, citant l'exemple de Bratislava, où existe aujourd'hui une structure employant 40 personnes.
Reste que les opportunités à l'international ne fondent pas forcément la décision d'un jeune diplômé, comme pour Patrick, étudiant à l'Essec et actuellement en apprentissage chez Deloitte. Pour lui, l'important, dans son choix, a été " l'ambiance, qui est assez détendue, le côté humain " du cabinet. Il a aussi été sensible aux deux semaines de formation passées au Club Med de Djerba (Tunisie). Finalement, dit-il, " le choix tient beaucoup au hasard des rencontres, à la façon dont se sont passés les entretiens ". Ainsi, il n'a pas eu envie d'aller dans un autre cabinet dont le responsable lui a paru " austère ".
En fait, comme le dit M. Kennedy, le choix des jeunes va finalement se faire " sur l'aspect humain, car leur peur est d'entrer dans une usine ". Les cabinets l'ont bien compris et soignent leur accueil. " Les nouveaux embauchés disent souvent qu'ils nous ont choisis parce qu'ils ont pu être eux-mêmes lors de l'entretien, constate Mme Bernard-Curie. Chez nous, il n'y a pas de question piège, de pratiques de déstabilisation. On parle vrai. " Le processus de recrutement inclut une demi-journée dans les bureaux de KPMG, d'abord en compagnie d'un junior - " le mentor " - qui lui présente les lieux, puis d'un manager ou d'un associé. Chez Ernst & Young, dès l'embauche, le jeune diplômé a un " parrain " qui l'accompagne jusqu'au niveau d'associé.
Francine Aizicovici