Comme l'annonce le New York Post, Vladimir Poutine pourrait subir une intervention concernant le cancer dont il souffrirait. Pendant sa convalescence, il laisserait sa place à un de ses proches conseillers Nikolai Patrushev.

Pour ce politologue et consultant indo-américain, la guerre en Ukraine précipite une tendance déjà à l’œuvre : la Russie, qui s’est longtemps considérée comme européenne, devient une puissance asiatique.

Si la Russie a annoncé sa sortie du Conseil de l’Europe, elle a obtenu aux Nations unies le soutien, ou l’abstention, des grandes puissances du continent asiatique, comme la Chine et l’Inde, même si les démocraties libérales comme l’Australie et le Japon ont condamné les actions de la Russie avec autant de vigueur que les membres de l’Otan. La Chine et l’Inde ont beau être rivales et opposées par de nombreux différends frontaliers, elles soutiennent la Russie de facto – et même de jure – par leur refus de condamner l’invasion de l’Ukraine. Et ces deux pays ont de bonnes raisons de le faire.

Si la Chine a déclaré officiellement ne pas prendre parti dans la guerre en Ukraine et malgré des campagnes sur les réseaux sociaux pour censurer les contenus prorusses, la Chine est surtout opportuniste et elle tire avantage à la fois d’un Occident embourbé dans la crise et d’une Russie affaiblie.

Mais les liens de l’Inde avec l’ancienne Union soviétique, et la Russie d’aujourd’hui, restent forts et amicaux. La Russie a accepté de vendre son pétrole à l’Inde avec une remise de 20 % et d’être payée en roupies. L’Inde n’est plus un pays non aligné mais elle s’aligne dans toutes les directions pour atteindre ses objectifs – comme tous les pays sûrs d’eux-mêmes.
 
Isoler des États est impossible dans un monde multipolaire, d’autant plus quand il s’agit de grandes puissances avec de nombreuses frontières et des amis puissants. Si l’agression russe a remis Pékin et New Delhi sur le devant de la scène à leur insu et les a soumis à des pressions, la Chine et l’Inde ne sont plus seules à considérer que l’invasion de l’Ukraine est plus un désagrément que la cause d’un refroidissement de leurs relations avec la Russie.
 
Le dirigeant de l’Arabie Saoudite, le prince héritier Mohammed ben Salmane, ne répond pas aux appels téléphoniques de Biden, mais il s’est entretenu avec Poutine à plusieurs reprises et il s’est montré ouvert sur la fixation du prix des exportations de pétrole vers la Chine en yuans. La Chine et la Russie poursuivront leurs échanges commerciaux avec l’Iran en dépit des sanctions, ce qui renforcera l’appartenance de ce pays au club asiatique.

Avant l’invasion, le commerce de la Russie avec la Chine était en pleine expansion, même si le pays recevait encore davantage d’investissements de l’Europe. Avec leur fin annoncée, la Russie va devenir un vassal économique de l’Asie. Alors que le rouble est affaibli [il est cependant remonté récemment] et que ni les capitaux ni les citoyens russes ne sont les bienvenus en Occident, le commerce avec la Chine est en plein essor, et la Russie va dépendre davantage des importations chinoises – y compris des importations d’armements qu’elle lui a déjà demandés pour alimenter la guerre en Ukraine.

Compte tenu de leurs échanges commerciaux relativement équilibrés, les exportations d’énergie de la Russie vers la Chine devraient rapporter suffisamment de yuans pour couvrir les règlements à la Chine des produits qui ne lui sont plus vendus par l’Occident. L’utilisation par les Russes des cartes de retrait UnionPay et l’intégration du système de paiement interbancaire transfrontalier chinois et du système de paiement russe Mir vont s’accélérer. Huawei et ZTE fourniront les équipements Internet et de télécommunications 5G qui ne sont plus proposés par Nokia et Ericsson.

Lorsque les enfants apprennent la géographie, ils ont du mal à situer une quelconque frontière entre l’Asie et l’Europe, et la Russie reste une énigme. Pour le meilleur ou pour le pire, le débat est désormais résolu. Le peuple russe a beau se considérer comme européen, son État se comporte comme une puissance asiatique et sa géographie fait partie intégrante de l’avenir de l’Asie.

L’Occident et l’Otan sont pris pour cible par le Kremlin. Mais au sein de la population russe, ce sont les représentants de l’intelligentsia et de l’économie libérale, fuyant massivement le pays depuis deux mois, qui font l’objet de violentes critiques. Ce ressentiment puise sa source dans le capitalisme sauvage des années 1990, écrit cette chroniqueuse de “Gazeta.ru”.

Avez-vous lu des publications qui parlent de gel des avoirs financiers et de confiscation de biens ? Les gens ne regrettent qu’une chose, que la Russie ne l’ait pas fait la première. Ils se réjouissent que quelqu’un le fasse enfin. De rares experts libéraux avaient soulevé le problème des privatisations. Je me souviens notamment de l’économiste Vladislav Inozemtsev, qui a écrit à de nombreuses reprises au cours de la dernière décennie que le peuple n’a pas oublié cette époque, qu’il ne l’a toujours pas digérée, et que sans acceptation et réconciliation, la notion de propriété privée ne pourra être sanctuarisée. Inozemtsev suggérait de taxer, relativement modestement, les actifs et les entreprises acquis dans les années 1990 en leur imposant une contribution supplémentaire, peut-être même en un unique versement. Comme un geste d’équité. Pour que les gens voient de leurs yeux que l’État ne se contente pas d’énoncer des regrets, mais admette qu’il y a eu injustice.

C’est vrai, personne n’a réclamé la recollectivisation des biens, notre peuple n’est pas aussi cruel. Mais il n’a rien oublié. Et nous en avons aujourd’hui la preuve : regardez le frémir à l’idée que de sombres oligarques de l’époque de Boris Eltsine se retrouvent à poil à l’étranger. Le peuple regrette, bien sûr, que ça ne soit pas à lui que reviennent les biens saisis par le Trésor américain, mais le ressentiment à l’égard de l’injustice de la redistribution des richesses dans les années 1990 est si grand qu’il éclipse toute motivation pécuniaire. Celui qui a été trompé il y a cent ans avec le partage des terres veut que les riches soient punis pour ces injustices. Et peu importe si ce n’est pas au profit du Trésor public russe, c’est-à-dire de la communauté ! Que cet argent aille au moins aux sans-abri américains ou aux travailleurs italiens.

Il n’existe pas de consensus en Russie sur les privatisations des années 1990. Les pouvoirs publics ont essayé de l’atteindre, au moins par les mots, mais pas les libéraux. Au contraire, ils ont toujours trouvé que dénoncer cela comme une injustice était exagéré, et que cela avait été l’unique moyen d’administrer une telle quantité de biens publics.
 
Et voilà le résultat : désespérant de trouver réparation pour les ventes aux enchères pipeautées et pour l’“ouragan” eltsinien, les Russes se sont installés confortablement devant le feuilleton télévisé “Alors au moins que personne n’en profite”.
 
Lorsque cette chasse aux avoirs de nos kleptocrates, comme disent les Américains, a commencé, j’ai publié un post proposant de collecter les noms de ceux que les gens aimeraient jeter en pâture aux Américains, et les suggestions ont rapidement afflué : divers hommes d’affaires, politiciens, politologues et même des vedettes de la télévision, tous des années 1990. Les gens n’en ont pas après les généraux, les ministres et les présentateurs télé contemporains, mais précisément après les grandes figures des années 1990, parce que tout le monde les perçoit comme un ennemi commun, aux tendances cannibales, par-dessus le marché.

Le membre de la Douma Oleg Matveychev avait déjà exigé en début d’année « la restitution de toutes les propriétés russes, celles de l’empire russe, de l’Union soviétique et de la Russie actuelle ». Il faisait non seulement référence à l’Alaska mais aussi à la Californie, dont une partie fut russe au cours du XVIIIe siècle, et à l’Antarctique, découverte par la flotte russe en 1820.