La justice cherche à identifier la vérité sur un évennement, à en déterminer les différentes responsabilités et exercer des sanctions adaptées s'il y a lieu. C'est un instrument de cohésion sociale, qui permet de retirer aux victimes l'exercice des sanctions (vengeance, lynchage...) pour l'institutionnaliser. En gros, sans justice ce serait chacun pour soi.
Lorsqu'une personne commet un crime ou un délit, elle lèse deux entités: la (ou les) victimes et la société. Il y a donc deux sortes de pardons possible:
- le pardon de la victime, qui est affaire personnelle et indépendante de la justice. Certaines victimes de crimes graves (viols, meurtre d'un proche, etc...) ressentent le besoin de pardonner au bout d'un moment pour achever une reconstruction personnelle. D'autres non. On a déjà vu par exemple des victimes de viol dans l'enfance renouer un dialogue bien des années après avec leur agresseur afin d'essayer de comprendre et de pardonner.
- le pardon de la société, qui peut s'exprimer de deux plusieurs façons différentes: amnistie, remise de peine, ou tout simplement fin de la peine. Une fois la peine purgée, on est considéré comme quitte - donc pardonné socialement.
Ca c'est la théorie bien sûr: en pratique un criminel sera mal vu toute sa vie, surtout quand son crime a été grave (viol d'enfant, etc...). Au passage c'est pas avec les lois Sarcozy et Perben que ça s'arrangera... (commentaire purement perso, à ne pas mettre dans la rédac bien sûr ;-))
Un autre aspect intéressant du pardon social: lorsque le crime est partagé entre des milliers de personnes, c'est à dire une grande proportion de la population, les dirigeants peuvent instituer une sorte de pardon de fait, au nom d'une nécessaire réconciliation nationale.
Là tu peux te référer à ce qui s'est passé en France à la libération par exemple: après un période de justice expéditive par le peuple (lynchages, etc...) l'état a rétabli son autorité et s'est mis à punir les plus grand criminels de la collaboration - mais au bout d'un moment, au nom de la réconciliation nécessaire, il a bien fallu amnistier une bonne partie de "petits collabos" afin de ne pas engorger les tribunaux et foutre un nouveau bordel tellement il y en avait à juger.
On peut aussi citer ce qui se passe en ce moment au Rwanda: il y a tellement de criminels qu'il est impossible de tous les garder en prison; dès lors une opération de réconciliation nationale est en cours actuellement, qui prone le dialogue entre ex-bourreaux et ex-victimes.
Evidemment, le problème c'est que dans cette situation il est demandé aux victimes un effort difficile: on leur impose presque de pardonner, en ne leur laissant pas le choix. Il y a donc un clash entre le pardon personnel de la victime et le pardon social. Malheureusement, dans des situations aussi exceptionnelles que celles que j'ai cité, la cohésion et la reconstruction d'une société sont à ce prix...
edit: j'ajoute que ce clash entre les deux types de pardons existe de toute façon. Lorsque le condamné à purgé sa peine, il sort de prison et se voit considéré comme pardonné socialement; mais ça ne veut pas dire que la victime l'a pardonné, elle. Ainsi le pardon social et judiciaire n'est pas toujours en adéquation avec le pardon de la victime, mais il faut bien trancher à un moment ou un autre: c'est toute la difficulté d'un jugement, qui doit tenir compte entre autres de la capacité de la victime a pardonner vite ou pas - mais qui doit cependant rester équitable vis à vis du crime tel qu'il a été commis. Un vrai casse-tête, pas toujours bien résolu, dans un sens ou dans l'autre.
Message édité par Luthier le 01-06-2004 à 12:25:48