Marty Cintron a écrit :
Certains le disent turque, d’autres perse, ce n’est pas clair. Ce qui est sûr, par contre, c’est que la part de légende est réelle. Puisque tu évoques un recueil de contes, je trouve que lire les histoires de Nasrudin dans des livres illustrés renforce leur comique : on y voit parfois Nasrudin représenté de façon drôle (comme dans la scène du filet de pêche ci-dessous, que j’ai dans un livre d’Idries Shah). Je mets une dernière salve d’histoires, et ceux que cela amuse pourront en découvrir d’autres sur internet ou, mieux encore, dans les livres. “Le roi a chargé plusieurs personnalités de son entourage d’une mission confidentielle : battre la campagne à la recherche d’un homme modeste digne de remplir la fonction de juge. Nasrudin a eu vent de l’affaire. Quand les envoyés du roi, qui se font passer pour de simples voyageurs, se présentent chez lui, ils le trouvent drapés dans un filet de pêche. Dis-moi, pourquoi es-tu ainsi accoutré ? interroge l’un d’eux. Je suis d’origine modeste, j’étais pécheur autrefois. Ce filet me le rappelle. Cette marque d’humilité les impressionne fort, et Nasrudin est nommé juge. Peu de temps après, un des émissaires lui rend visite au tribunal où il exerce. Qu’est-il donc advenu de ton filet, Nasrudin ? À quoi bon le filet, une fois que le poisson est pris !” __________ “Un pauvre homme passa à côté d’une échoppe où un beau et appétissant shish kebab était en train de rôtir et des keftas délicieux grésillaient dans l’huile en répandant des arômes irrésistibles. Il était trop démuni pour se payer de telles friandises et il n’acheta qu’une tranche de pain chez le boulanger d’en face. En reniflant ces odeurs délicieuses, il mangea son pain et rêva de festins. Le patron de l’échoppe l’observa et à la fin lui demanda de payer. Ton pain a été plus succulent dans l’odeur de mes kebab et de ce fait tu dois payer, dit-il. Comme l’homme refusait, le patron le tira devant le cadi, qui ce jour-là était notre Hodja. Nasredine trancha vite : Les biens dont on a fait usage doivent être payés. Toi, client, donne-moi ta bourse. Avec des larmes aux yeux, le pauvre homme lui donna tout ce qu’il lui restait d’argent. Maintenant, toi, vendeur, combien coûte une portion de ton kebab ? Cinq aktche, juge. Le Mullah prit cinq pièces de la petite bourse et appela le marchand à côté de lui. Il fit sonner les pièces dans sa main et demanda : Est-ce que tu reconnais le son ? Est-ce que l’argent est bon ? Oui, dit le vendeur. Alors tu es payé, dit le Hodja. Pour l’arôme de la nourriture tu as droit au son de l’argent.” __________ “Tous les êtres devraient avoir part égale à tout ce qui est disponible, déclare un philosophe idéaliste à la maison de thé devant un auditoire attentif. Je ne suis pas sûr que ça marche, objecte un sceptique. As-tu au moins essayé ? demande le philosophe. Moi, j’ai essayé ! s’écrie Nasrudin. J’accorde à ma femme et à mon âne exactement le même traitement. Je leur donne ce qu’ils veulent. Parfait ! s’exclame le philosophe. Maintenant, dis-nous, Nasrudin, quel en est le résultat. Le résultat ? Un gentil bourricot, et une méchante femme.” __________ “Nasrudin se rend au bain turc. Comme il est pauvrement vêtu, les employés de l’établissement le traitent avec désinvolture : on lui donne une serviette en loques, un morceau de savon ridiculement petit. En partant, non seulement il ne se plaint de rien mais tend même une pièce d’or à chacun des deux hommes. Ceux-ci, stupéfaits, s’interrogent : Si nous l’avions mieux traité, peut-être se serait-il montré encore plus généreux ? Quand il revient la semaine suivante, il est accueilli comme un roi : on l’entoure de prévenances, on le masse, on le parfume. Au moment de partir, il donne une piécette de cuivre à chacun des employés. Ceci, dit-il, c’est pour l’autre jour. La pièce d’or, c’était pour aujourd’hui.” __________ “Nasrudin va au marché et y achète trois livres de viande pour faire le kebab de midi. Il demande à sa femme de la faire cuire : ils reçoivent des amis à déjeuner. Arrive l’heure du repas. Point de viande. Elle l’a mangée. Nasrudin la questionne : Qu’est devenue la viande pour le kebab de midi ? Le chat a tout mangé, dit-elle. Trois livres de bonne viande ! Nasrudin met le chat sur le plateau de la balance. L’animal pese trois livres. Si c’est le chat, dit-il, où est le kebab ? Et si c’est le kebab… où est le chat ?” __________ “Nasrudin fait la quête pour les pauvres. Il se présente à la porte d’un château. Annonce à ton maître, dit-il au portier, que Nasrudin est là et qu’il demande de l’argent. Le portier disparaît à l’intérieur et revient peu après : J’ai le regret de te dire que mon maître est absent ! Nasrudin lui répond : Permets-moi alors de te confier un message à son intention. Bien qu’il n’ait pu apporter sa contribution, le conseil lui est donné gratuitement : la prochaine fois qu’il sortira, dis lui de ne pas laisser sa tête à la fenêtre, quelqu’un pourrait la lui voler.” __________ “Un jour, Hodja et son fils partirent en voyage. Hodja laissa son fils sur l’âne tandis qu’il marchait. Le long de la voie, ils croisent quelques personnes qui dirent : Regardez ce jeune garçon sur l’âne alors qu’il est en pleine santé ! Le garçon laisse alors son père sur l’âne tandis qu’il marche à son côté. Bientôt ils rencontrent un autre groupe. Regardez-le pauvre petit garçon doit marcher tandis que son père est sur l’âne. Alors, Hodja monte sur l’âne derrière son fils. Ils rencontrent bientôt un autre groupe de gens, qui dirent : Regardez ce pauvre âne ! Il doit porter le poids de deux personnes. Hodja dit alors à son fils. La meilleure chose à faire pour nous est de marcher à côté de l’âne et de le mener. Ainsi, personne ne pourra se plaindre. Ils ont continuèrent donc leur voyage à pied. De nouveau ils rencontrèrent quelques personnes qui dirent : Jetez juste un coup d’oeil à ces imbéciles. Ils marchent tous les deux sous ce soleil torride et aucun d’entre eux n’est sur l’âne. Exaspéré, Hodja souleva l’âne sur ses épaules et dit : Allons, si nous ne le faisons pas, les gens n’arrêteront jamais de parler.” __________ “Djeha-Hodja Nasreddin plantait un pommier dans son jardin quand le sultan vint à passer ; il s’arrêta et dit à Djeha-Hodja Nasreddin, d’un ton moqueur : Voyons, Djeha-Hodja Nasreddin ! Pourquoi te donnes-tu tant de peine ? Tu ne mangeras jamais les fruits de ce pommier. Tu sais bien que tu mourras avant qu’il ne commence à produire des pommes. Ce à quoi Djeha-Hodja Nasreddin répondit : Oh Sultan ! Nous mangeons les fruits des pommiers plantés par nos pères, et nos enfants mangeront les fruits des pommiers plantés par nous. Cette réponse pleine de sagesse plut au sultan qui, en récompense, donna une pièce d’or à Djeha-Hodja Nasreddin. Oh Sultan !, Dit Djeha-Hodja Nasreddin en empochant la pièce, voyez comme ce pommier a déjà donné des fruits. Cette remarque fit rire le sultan, qui lui donna une autre pièce d’or. C’est de plus en plus extraordinaire, s’écria Djeha-Hodja Nasreddin. Voilà un pommier qui donne deux récoltes par an. Le sultan se mit à rire aux éclats et donna une troisième pièce d’or à Djeha-Hodja Nasreddin.”
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