miserable a écrit :
Quelle référence prends tu pour définir a quel moment l'appel de marge va arriver? -30% de la valeur du portfolio en cash? Quel stress Test appliques tu? -30% Covid? Le stress Test de IBKR?
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Tu dois estimer le x% sur l’indice de référence (disons ETF Monde ou S&P500) qui va déclencher l’appel de marge : ce n’est pas une hypothèse, c’est le résultat que tu dois essayer d’estimer.
Pour reprendre mon portefeuille IB avec les données dans mon post initial :
- Valeur brute (valeur des titres) = 1723k
- Marge utilisée = 673k
- Valeur nette = 1048k
- Levier = 1723/1048 = 1,64
- Excess liquidity = 758k (= si mes titres perdent 758k, soit -44% sur leur valeur actuelle, alors il y a appel de marge ; d’ailleurs il y a une erreur dans mon post initial : c’est bien -44% et pas -56%, je vais corriger)
- Beta estimé hors levier = 1,2 par rapport au S&P500 (c’est mon estimation sur la base du comportement habituel du portefeuille par rapport aux indices ; à noter que beta du portefeuille = beta avec levier = beta estimé hors levier * levier donc j’estime le beta du portefeuille à environ 1,2 * 1,64 = 1,97)
Je recherche x dans l’équation : 1723 * 1,2 * x% = 758
x est le pourcentage de correction sur le S&P500 qui va annuler l’excess liquidity, donc déclencher un appel de marge sur mon portefeuille IB.
Je trouve x = 36,7%. Soit un S&P500 à 3469, soit un peu en dessous du plus bas de la correction de 2022 : c’est mon estimation du seuil de déclenchement de l’appel de marge.
Maintenant, je dois prendre en compte la possibilité que IB augmente ses exigences de marge lors d’une correction. Actuellement il leur faut (1723-758) = 965k de titres pour couvrir un prêt de 673k. Soit une décote (haircut) moyenne de 30% (cette décote moyenne va être différente selon le profil de risque de chaque portefeuille).
Supposons qu’ils ont augmentent leur décote moyenne à 35%. Il leur faudrait alors 673 / (1-0,35) = 1035k de titres pour couvrir leur prêt. Donc l’excess liquidity baisserait à 1723 – 1035 = 688k
Donc mon nouveau x est : 1723 * 1,2 * x% = 688 soit x = 33,3%. Soit un seuil de déclenchement de l’appel de marge avec un S&P500 à 3655.
Ce sont donc les niveaux que je vais surveiller : je sais qu’avec ma configuration de portefeuille actuelle, la zone de déclenchement de l’appel de marge se situe autour de 3450-3650 sur le S&P500.
miserable a écrit :
Et surtout quelle stratégie ca implique de "surveiller" son levier? Ajouter du cash? Vendre? Si tu vends quand le levier explose tu vends au pire moment non? Et ajouter du cash au dernier moment c'est risqué, surtout chez IBKR
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Une fois que tu as identifié la zone de déclenchement de l’appel de marge, tu vas définir un « contingency plan », un plan de mesures préventives pour empêcher (bien en amont) l’appel de marge. (Etant entendu que l’appel de marge risque de conduire à des ventes forcées au pire moment : au creux de la correction.)
Pour chaque mesure tu dois estimer (a) l’impact en volume et (b) le délai de mise en place.
Quelles peuvent être ces mesures ?
1) Injection de cash sans investir en titres : disons par exemple que j’injecte 100k de cash aujourd’hui dans mon portefeuille IB :
- la valeur nette du portefeuille va passer à 1048 + 100 = 1148k
- la valeur brute est inchangée à 1723k (je n’achète pas de titres avec le cash injecté)
- le levier va baisser de 1,64 actuellement à 1723 / 1148 = 1,50 (tu vois le souci : avec un portefeuille qui grossit, c’est difficile d’avoir de l’épargne de court-terme suffisante pour faire baisser substantiellement le levier – c’est comme faire changer de cap à un gros paquebot)
- la marge utilisée va baisser à 673-100 = 573k
- avec une décote moyenne de 30%, le collatéral demandé par IB devrait baisser de 965k actuellement à 573 / (1-0,3) = 819k, soit -146k
- donc l’excess liquidity devrait augmenter à 758 + 146 = 904k (c’est une estimation, hein)
- donc le seuil de déclenchement de l’appel de marge devrait passer à : 1723 * 1,2 * x = 904 soit x = 43,7% soit un S&P500 à 3085
Donc une injection de cash de 100k sans les investir me permettrait de faire baisser le seuil de déclenchement de l’appel de marge de 3650 à 3100 environ.
2) Injection de cash en les investissant en titres : disons par exemple que j’injecte 100k de cash aujourd’hui dans mon portefeuille IB et que je les investisse intégralement en titres :
- la valeur nette du portefeuille va passer à 1048 + 100 = 1148k
- la valeur brute va passer à 1723 + 100 = 1823k
- le levier va baisser de 1,64 actuellement à 1823 / 1148 = 1,59 (l’impact est bien moindre qu’avec la 1ere stratégie)
- la marge utilisée est inchangée à 673k
- le collatéral demandé par IB est inchangé à 965k
- la maintenance margin ne change pas donc l’excess liquidity va augmenter à hauteur de la valeur nette, soit +100k à 858k
- donc le seuil de déclenchement de l’appel de marge devrait passer à : 1823 * 1,2 * x = 858 soit x = 39,2% soit un S&P500 à 3332
Donc avec 100k de liquidités, je peux repousser le seul de déclenchement de l’appel de marge de 3650 sur le S&P50 à environ 3100 sans investissement du cash injecté à 3300 avec investissement intégral du cash.
3) Transfert de titres de portefeuilles non leveragés : disons par exemple que je transfère 100k de titres de mes portefeuilles non leveragés vers IB :
- la valeur nette du portefeuille va passer à 1048 + 100 = 1148k
- la valeur brute va passer à 1723 + 100 = 1823k
- le levier va baisser de 1,64 actuellement à 1823 / 1148 = 1,59
- la marge utilisée est inchangée à 673k
- le collatéral demandé par IB est inchangé à 965k
- la maintenance margin ne change pas donc l’excess liquidity va augmenter à hauteur de la valeur nette, soit +100k à 858k
- donc le seuil de déclenchement de l’appel de marge devrait passer à : 1823 * 1,2 * x = 858 soit x = 39,2% soit un S&P500 à 3332
L’impact est (évidemment) équivalent à la 2e stratégie d’injection de cash avec investissement intégral.
4) Vente de titres : disons par exemple que je vende 100k de titres de mon portefeuille IB :
- la valeur nette du portefeuille est inchangée à 1048k
- la valeur brute va baisser à 1723 – 100 = 1623k
- le levier va baisser de 1,64 actuellement à 1623 / 1048 = 1,55
- la marge utilisée va baisser à 673 – 100 = 573k
- avec une décote moyenne de 30%, le collatéral demandé par IB devrait baisser de 965k actuellement à 573 / (1-0,3) = 819k, soit -146k
- donc l’excess liquidity devrait augmenter à 758 + 146 = 904k (c’est une estimation, hein)
- donc le seuil de déclenchement de l’appel de marge devrait passer à : 1623 * 1,2 * x = 904 soit x = 46,4% soit un S&P500 à 2937
Donc tu vois qu’en panachant ces 4 mesures – (1) injection de cash sans investissement, (2) injection de cash avec investissement, (3) transfert de titres de portefeuilles non leveragés, (4) vente de titres – je peux faire baisser le seuil de déclenchement de l’appel de marge.
Maintenant, je dois prendre en compte (a) ma capacité à mettre en place ces mesures, (b) les délais d’implémentation et (c) mes préférences perso (sur un plan stratégique et psychologique).
S’agissant de (a), j’ai environ 200k en liquidités sur des supports divers (PEL, livrets, comptes courants, fonds €) et environ 900k de titres sur des portefeuilles non leveragés.
S’agissant de (b), clairement le plus rapide est la vente de titres. L’injection de cash prend quelques jours – davantage si l’on doit retirer des fonds €. Le transfert de titres doit prendre minimum une semaine, voire quelques semaines.
S’agissant de (c), vendre des titres c’est vraiment haram pour moi. Transférer des titres c’est chiant et ce serait clairement un échec de ma stratégie. Donc injecter du cash est ma première ligne de défense.
Je définis ainsi mon plan d’intervention en cas de souci – ce qui est nécessaire pour une bonne maîtrise psychologique du levier.
Tu vois aussi que c’est idiot de généraliser la stratégie leveragée d’une personne à une autre personne : plein de facteurs personnels (objectifs, patrimoniaux, psychologiques etc.) interviennent.
miserable a écrit :
Avec les frais de marge en plus (6%?), est ce que c'est vraiment rentable (en dehors de cette année )?
Par rentable j'entends la gestion/risque/perte si crash par rapport au % en plus quand tout va bien
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Ce qui compte pour le total return d’une stratégie leverage, ce n’est pas le coût instantané de la marge, mais le différentiel entre le total return sur le panier de titres et le coût moyen de la marge sur l’horizon d’investissement (dans mon cas : jusqu’à ma mort).
Le taux sans risque (le taux directeur de la banque centrale) est à la fois dans le coût instantané de la marge et dans les valorisations DCF des actions : plus la marge est chère et plus les actions sont cheaps ; et plus la marge est chep et plus les actions sont chères – toutes choses égales par ailleurs.
miserable a écrit :
Comment gères tu le risque de ne pas être connecté la semaine du crash? (accident bète, chiasse, etc)
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Effectivement, ça peut être un souci. Il faut prendre en compte la possibilité de krachs soudains type 1987, de flash crashs etc. (quelques secondes suffisent à déclencher l’appel de marge, même si en principe des coupe-feux doivent fonctionner dans ces cas-là).
Donc il faut (1) garder à chaque instant une marge de sécurité suffisante par rapport au seuil d’appel de marge (franchement, je ne l’ai pas toujours eue, notamment dans le creux en 2022) et (2) être prêt à activer à chaque instant le contingency plan.
En cas de maladie grave ou décès, il faut (3) réfléchir aux instructions à donner aux proches : le plus simple c’est de liquider tout ou partie du portefeuille pour ne plus avoir de levier ; une autre stratégie c’est de former un héritier à la gestion d’un portefeuille leveragé (c’est ce que je vais essayer avec mon brillant filleul et neveu). Il faut bien comprendre que gérer un portefeuille (bien) leveragé est strictement impossible, techniquement et psychologiquement, pour 99,9% des gens.
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