Et on continue à dispatcher
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*Extraits et présentation des uvres*
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Spécialiste de la philologie qui fait autorité dans le monde entier, John Ronald Reuel Tolkien va imaginer pour ses enfants un monde peupler de magiciens et de Hobbits.
Il écrira Bilbo le hobbit, un classique de la littérature fantastique moderne, mais son oeuvre la plus célèbre reste Le Seigneur des anneaux, à laquelle il travailla quatorze ans. Jamais il n'imagina ce qu'il va suivre : 35 millions d'exemplaires vendus à ce jour, des traductions dans 25 langues et toute une génération qui se reconnaît dans ses livres. Le Seigneur des anneaux regroupe 6 livres en généralement trois volumes : La Communauté de l'anneau, Les Deux Tours et Le Retour du Roi.
De la Terre du Milieu il racontera les mythes dans le silmarillion, histoire des Premiers Jours du Monde publiée après sa mort.
Ce sont là ses oeuvres les plus connues...
NB : Présentation à venir : Bilbo le hobbit, Contes et Légendes inachevées 1 & 2, History of Middle-Earth 1 à 12 (???)
La communauté de l'anneau
Oyez, bonnes gens, oyez la très véridique histoire de l'Anneau de Puissance forgé naguère par Sauron le Grand. Un homme eut le courage de lui arracher le talisman et put ainsi le chasser hors du monde. Le Maître Anneau se perdit. Qui sait ? Peut-être a-t-il fait le malheur de ceux qui l'ont pris ? Mais la Terre du Milieu s'enfonce dans la nuit, Les créatures mauvaises se multiplient et, dans les Monts Brumeux, les Orques traquent les Nains. L'Ennemi est de retour ! Avec l'Anneau Unique, il aurait le moyen d'abattre toute résistance. Par chance, j'ai compris le premier qu'il est ici. Mais Sauron le fait chercher partout. Déjà ses Cavaliers Noirs galopent sur la terre des Hobbits. L'Anneau lui-même désire revenir à son maître. Ta seule chance, c'est que tu ne l'as pas mis au doigt. Mais le temps presse. Bientôt il le trouvera et il recouvrira toutes les terres de ténèbres. Il faut détruire cet Anneau, petit Frodon! Il le faut!
Extrait : Où la Communauté se fait prendre au piège dans les grottes de la Moria
- Aie! Aie! gémit Legolas. Un Balrog Un Balrog est arrivé !
Gimli écarquilla les yeux :
- Le Fléau de Durin s'écria-t-il, et laissant tomber sa hache il se couvrit le visage.
- Un Balrog, murmura Gandalf. Je comprends, maintenant
Chancelant, il s'appuya lourdement sur son bâton
- Quelle mauvaise fortune! Et je suis déjà fatigué.
La sombre forme, ruisselante de feu se précipita vers eux. Les orques hurlérent en se déversant par les passerelles de pierre. Boromir éleva alors son cor et sonna. Le défi retentit, puissant, et rugit comme le cri de nombreuses gorges sous la voûte caverneuse. Pendant un moment, les orques hésitèrent, et l'ombre ardente s'arrêta. Puis les échos moururent aussi soudainement qu'une flamme soufflé par un sombre vent, et l'ennemi s'avança de nouveau.
- Par le Pont! cria Gandalf, rassemblant ses forces. Fuyez ! C'est là un ennemi qui dépasse vos pouvoirs à tous. Il me faut tenir la voie étroite. Fuyez!
Aragorn et Boromir sans observer cet ordre. tinrent pied, côte à côte derrière Gandalf à l'autre extrémité du pont. Les autres s'arrêtèrent juste dans 1a porte au bout de la salle et se retournèrent, incapables de laisser leur conducteur faire seul face à l'ennemi.
Le Balrog atteignit le pont. Gandalf se tenait au milieu de la travée, appuyé sur le bâton qu'il tenait de la main gauche tandis que dans l'autre Glamdring luisait, froide et blanche. Son ennemi s'arrêta de nouveau face à lui, et l'ombre qui l'entourait sétendait comme deux vastes ailes. Il leva le fouet, et les lanières gémirent et claquèrent. Le feu sortait de ses narines. Mais Gandalf demeura ferme.
- Vous ne pouvez passer, dit-il.
Les orques, restèrent immobiles, et un silence de mort tomba.
- Je suis un serviteur du Feu Secret, qui détient la flamme d'Anor. Vous ne pouvez passer. Le feu sombre ne vous servira de rien, flamme d'Urûn. Retournez à l'Ombre. Vous ne pouvez passer.
Le Balrog ne répondit rien. Le feu parut s'éteindre en lui, mais l'obscurité grandit. La forme s'avança lentement sur le pont; elle se redressa soudain jusqu'à une grande stature, et ses ailes s'étendirent d'un mur à l'autre; mais Gandalf était toujours visible jetant une faible lueur dans les ténèbres; il semblait petit et totalement seul : gris et courbé comme un arbre desséché devant l'assaut d'un orage.
De l'ombre, une épée rouge sortit, flamboyante.
Glamdring répondit par un éclair blanc.
Il y eut un cliquetis retentissant et une estocade de feu blanc. Le Balrog tomba à la renverse, et son épée jaillit en fragment fondus. Le magicien vacilla sur le pont, recula d'un pas, puis se tint de nouveau immobile.
- Vous ne pouvez passer! dit-il.
D'un bond. le Balrog sauta au milieu du pont. Son fouet, tournoya en sifflant.
- Il ne peut résister seul! cria soudain Aragorn qui revint en courant sur le pont :
- Elendil ! cria-t-il. Je suis avec vous Gandalf.
- Gondor! cria Boromir s'élançant derrière lui.
A ce moment, Gandalf leva son bâton et criant d'une voix forte, il frappa le pont devant lui. Le bâton se brisa en deux et tomba de sa main. Un aveuglant rideau de flamme blanche jaillit. Le pont craqua. Il se rompit juste au pied du Balrog et la pierre sur laquelle il se tenait s'écroula dans le gouffre, tandis que le reste demeurait en un équilibre frémissant comme une langue de rocher projetée dans le vide.
Le Balrog tomba en avant avec un cri terrible; son ombre plongea et disparut.
Les Deux Tours
Malheur, malheur, malheur à tant de héros intrépides ! Et quelle misère de voir une si belle histoire tourner aussi mal ! Au départ, les neuf compagnons s'étaient fixé une mission claire: transporter l'Anneau de Puissance au Mont du Destin, en plein pays ennemi, et le jeter dans le feu souterrain. Un voyage semé d'embûches, mais nécessaire pour anéantir le joyau maléfique et mettre en échec le Seigneur Ténébreux. Mais les Gens Libres ont été durement éprouvés : Gandalf a disparu, Boromir a voulu s'emparer de l'Anneau pour l'utiliser comme arme dans la guerre qui s'annonce et Frodon le Hobbit, porteur du talisman, s'est échappé, décidé à poursuivre son voyage désespéré jusqu'à l'Ennemi, La Communauté s'est dissoute; l'ombre s'étend toujours; qui peut encore dissiper sa puissance malfaisante?
Extrait : Où Sam Sagace tente de sauver son compagnon des pattes d'Arachne
Un grand oeil s'enténébra.
Le malheureux se trouvait alors juste sous elle, hors de portée de ses piqûres et de ses griffes. Sa vaste panse le dominait, avec sa lueur putride, et la puanteur l'abattait presque. La furie de Sam tint pourtant assez pour lui faire porter encore un coup, et, avant qu'elle ne pût se laisser tomber sur lui et l'étouffer lui et son impudent petit courage il la sabre de sa brillante lame elfique avec une force désespérée.
Mais Arachne n'était pas semblable aux dragons : elle n'avait d'autre point sensible que ses yeux. Sa peau séculaire était pleine des creux et des bosses de la corruption, mais elle était épaissie des multiples couches d'une mauvaise croissance. La lame l'érafla d'un terrible coup, mais ces plis hideux ne pouvaient être percés par aucune force humaine, quand bien même des Elfes on des Nains auraient forgé l'acier, ou la main de Satan ou de Turïn l'aurait manié. La bête fléchit sous le coup, puis elle souleva le gros sac de son ventre haut au-dessus de la tête de Sam. Le poison sortit, moussant et bouillonnant de la blessure. Alors, écartant ses pattes, elle amena de nouveau sur lui son énorme masse. Trop tôt. Car Sam était toujours debout ; laissant tomber sa propre épée, il tint des deux mains la lame elfique pointe en l'air, parant la descente de cet horrible plafond ; et ainsi Arachne se jeta sur la pointe implacable avec toute la force motrice de sa propre volonté cruelle, avec une vigueur plus grande que celle d'aucune main de guerrier. La pointe pénétra de plus en plus profondément à mesure que Sam était lentement écrasé contre le sol.
Arachne n'avait jamais connu ni imaginé connaître pareille douleur dans toute sa longue carrière de perversité. Jamais le plus veillant soldat de l'ancien Gondor, ni le plus sauvage Orque piégé, ne l'avait ainsi supportée ou n'avait porté le fer contre sa chair bien-aimée. Un frisson la percourut. Se soulevant de nouveau pour s'arracher à la douleur, elle courba sous elle ses membres crispés et fit un bond convulsif en arrière.
Le Retour du Roi
Hélas, pauvres amis, hélas, trois fois hélas ! Saroumane, le Mage Blanc, Gollum, la créature des Monts Brumeux, pourquoi sont-ils en proie à la soif du pouvoir? Pourquoi cherchent-ils tous l'Anneau Unique? Frodon, le petit Hobbit, voudrait bien détruire l'objet infernal, mais il n'a pu franchir la Porte Noire. Comment atteindre le Mont du Destin ? Peut-être est-il trop tard : déjà Boromir est mort et la Terre du Milieu se prépare à la Guerre de l'Anneau. Une grande obscurité, issue du Mordor, commence à recouvrir le continent ; le Seigneur Ténébreux mobilise. Les Rohirrim n'ont plus le temps d'en finir avec le traître assiégé dans l'impressionante tour d'Orthanc, ils doivent se rassembler pour faire face à l'Ennemi. Frodon tente sa chance une fois de plus, passant par le Haut Col ; et là Gollum, à sa vilenie, le livre à l'abominable va-t-il mourir? Et que peut faire un simple hobbit contre le maître du Pays Noir?
Extrait : Où Eowyn se dresse contre le seigneur des Nazgûl pour sauver Merry.
Va-t'en. immonde dwimmerlaik. seigneur de la charogne! Laisse les morts en paix !
Une voix froide lui répondit: -Ne t'interpose pas entre le Nazgûl et sa proie! ou il ne te tuera pas à ton tour. Il t'emportera vers les maisons de lamentation, au-delà de toutes ténèbres, où ta chair sera dévorée et ton esprit desséché laissé nu à l'oeil Vigilant.
Une épée résonna comme on la tirait du fourreau.
- Faites ce que vous voulez mais je l'empêcherai dans la mesure où je le pourrai.
- M'empêcher, moi ? Pauvre fou. Aucun homme vivant ,ne le peut !
Merry entendit alors de tous les sons à cette heure le plus étrange. Il semblait que Dernhelm riait, et la voix clair était comme le tintement de l'acier. « Mais je ne suis pas un homme vivant! C'est une femme que tu vois. Je suis Eowyn, la fille d'Eomund. Tu te tiens entre moi et mon seigneur et parent. Va-t'en si tu n'es pas immortel ! Car, vivant ou sombre non-mort, je te frapperai si tu le touches.
La créature ailée lança contre elle des cris aigus, mais l'Esprit Servant de l'Anneau ne répondit rien, et elle resta silencieuse, comme prise d'un doute soudain. Une stupéfaction complète domina un moment la peur de Merry. Il ouvrit les yeux, et les ténèbres en furent retirée. Là, à quelques pas de lui, se trouvait la grande bête; tout semblait sombre autour d'elle, et au-dessus, apparaissait le Seigneur des Nazgûl telle une ombre du désespoir. Un peu à gauche, leur faisant face, se dressait celle qu'il avait appelée Dernhelm. Mais le heaume de son secret était tombé, et ses brillants cheveux, relâchés de leur lien, luisaient comme de l'or pâle sur ses épaules. Ses yeux d'un gris de mer étaient durs et féroces, et pourtant les larmes coulaient sur ses joues. Elle avait une épée à la main, et elle levait son bouclier pour s'abriter de l'horreur des yeux de son ennemi.
C'était Eowyn et aussi Dernhelm. Car, en un éclair, se présenta à l'esprit de Merry, le souvenir du visage qu'il avait vu au départ de Dunharnow : celui de quelqu'un qui cherche la mort, ayant perdu tout espoir. Il eut le coeur empli de pitié et d'un grand étonnement, et soudain le courage de sa race, lentement ranimé, s'enflamma. Il serra le poing. Elle ne mourrait pas, si belle, si désespérée ! Du moins ne mourrait-elle pas seule, sans aide.
La face de leur ennemi nétait pas tournée de son côté, mais il osait à peine bouger, redoutant que les yeux mortels ne tombassent sur lui. Lentement, lentement, il commença de s'écarter en rampant, mais le Capitaine Noir, tout doute et malice envers la femme qu'il avait devant lui, ne lui prêtait pas plus d'attention qu'à un ver dans la boue.
Soudain. la grande bête battit de ses hideuses ailes, et le vent en était nauséabond. Elle s'éleva de nouveau d'un bond, puis se laissa vivement tomber sur Eowyn, poussant des cris aigus et frappant du bec et des serre.
Elle ne sourcilla toujours pas : vierge des Rohirrim, fille de roi, mince mais telle une lame d'acier, belle mais terrible. Elle porta un coup rapide, habile et mortel. Elle fendit le cou tendu, et la tête tranchée tomba comme une pierre. Elle fit un saut en arrière tandis que l'immense forme s'écrasait, ses vastes ailes étendues, pour se recroqueviller sur le sol; et avec sa chute, l'ombre disparut. Une lumière tomba sur Eowyn, et ses cheveux brillèrent dans le soleil levant.
Du naufrage s'éleva le Cavalier Noir, grand et menaçant, la dominant de haut. Avec un cri de haine qui mordait les oreilles comme un venin il abattit sa masse d'armes. Le bouclier d'Eowyn vola en éclats, et son bras fut brisé; elle tomba à genou. Il se pencha sur elle comme un nuage et ses yeux étincelèrent; il leva sa masse pour tuer.
Mais soudain lui aussi tomba en avant avec un cri douleur aiguë, et son coup s'égara s'enfonçant dans le sol.
L'épée de Merry avait frappé par derrière; elle avait fendu le manteau noir et, remontant sous le haubert, avait percé le tendon derrière son puissant genou.
D'autres extraits que j'aime beaucoup :
L'arrivée de Gandalf au matin, en Helm :
"Là, sur une crète, apparut soudain un cavalier, vétu de blanc, resplendissant dans le soleil levant. Les cors sonnaient par-dessus les collines basses. Dérrière lui, un millier d'hommes de pied descendaient en hâte les longues pentes, l'épée à la main. Au milieu d'eux marchait à grandes enjambées un homme de haute et forte stature. Son bouclier était rouge. En arrivant au bord de la vallée, il porta à ses lèvres un grand cor noir et lança une sonnerie retentissante.
<< Erkenbrand! crièrent les Cavaliers. Erkenbrand! >>
<< Voilà le Cavalier Blanc! cria Aragorn. Gandalf est revenu! >>
<< Mithrandir, Mithrandir! dit Legolas. C'est assurément de la magie! Allons! Je voudrais observer cette forêt avant que le sortilège ne change. >>
Les armées de l'Isengard rugirent, oscillant d'un côté et d'un autre, passant d'une peur à une autre. De nouveau, le cor sonna de la tour. Par la brèche du Fossée, la compagnie du roi descendit à la charge. Du haut des collines bondit Erkenbrand, seigneur de l'Ouestfolde. S'élança aussi Gripoil, tel le daim courant d'un pied sûr dans les montagnes. Le Cavalier Blanc était sur les ennemis, et la terreur de cette venue répandit sur eux la folie. Les hommes sauvages tombèrent face contre terre. Les Orques chancelèrent, hurlèrent, et jetèrent épée et lance. Telle une fumée noire poussée par un vent montant, ils s'enfuirent. Ils passèrent en gémissant dans l'ombre des arbres en attente ; et de cette ombre, nul ne ressortit plus."
Théoden chargeant aux Champs du Pelennor :
"La cité était maintenant proche. Il y avait dans l'air une odeur d'incendie et une véritable ombre de mort. Les chevaux étaient inquiets. Mais le roi se tenait sur Nivacrin, immobile, contemplant l'agonie de Minas Tirith, comme soudain frappé d'angoisse ou de peur. Il semblait se recroqueviller, accouardi par l'âge. Merry lui-même avait l'impression d'un grand poids d'horreur et de doute. Son coeur battait à coups lents. Le temps paraissait suspendu dans l'incertitude. Ils étaient arrivés trop tard! Trop tard était pire que jamais! Peut-être Théoden allait-il fléchir, courber sa vieille tête, se retourner et partir furtivement se cacher dans les collines.
Puis soudain Merry le sentit enfin, sans aucun doute : un changement. Le vent soufflait sur son visage! La lumière entreluisait. Loin, très loin dans le Sud, des nuages se voyaient faiblement, formes grises reculées qui s'élevaient en volutes et dérivaient : le matin s'étendait au-delà.
Mais au même moment, il y eut un éclair, comme si la foudre avait jailli de la terre sous la Cité. Durant une seconde fracassante, elle se dressa aveuglante au loin en noir et blanc, avec sa plus haute tour semblable à une aiguille scintillante ; puis, come l'obscurité se refermait, vint, roulant par-dessus les champs, un grand grondement.
A ce bruit, la forme courbée du roi se redressa brusquement comme par l'effet d'un ressort. Il parut de nouveau grand et fier ; et, debout sur ses étriers, il cria d'une voix forte, si claire qu'aucun de ceux qui étaient là n'en avait jamais entendu de pareille chez un mortel :
Debout, debout, Cavaliers de Théoden!
Des événements terribles s'annoncent : feux et massacres!
La lance sera secouée, le bouclier volera en éclat,
une journée de l'épée, une journée rouge, avant que le soleil ne se lève!
Au galop maintenant, au galop! A Gondor!
Là-dessus, il saisit un grand cor des mains de Guthalf, son porte-étendard, et il lança une telle sonnerie que le cor se rompit. Et aussitôt tous les cors de l'armée furent élevés à l'unisson et la sonnerie des cors de Rohan en cette heure fut comme une tempête sur la plaine et le tonnerre dans les montagnes.
Au galop maintenant, au galop! A Gondor!
Le roi cria soudain un ordre à Nivacrin, et le cheval bondit en avant. Derrière Théoden, son étendard flottait au vent : un cheval blanc sur champ vert ; mais il le distançait. Derrière lui, les chevaliers de sa maison galopaient dans un bruit de tonnerre, mais il était toujours en avant. Eomer chevauchait là, la queue de cheval de son casque flottant avec la vitesse, et le front de la première éored mugissait comme les flots déferlant sur la grève; mais Théoden ne pouvait être gagné de vitesse. Il paraissait emporté par la folie, ou la fureur de bataille de ses pères courait comme un nouveau feu dans ses veines, et il était porté par Nivacrin comme un dieu de jadis, voire même comme Oromë le Grand à la bataille des Valar, quand le monde était jeune. Son bouclier d'or, découvert, brillait telle une image du Soleil, et l'herbe flamboyait de vert autour des pieds blancs de son coursier. Car le matin se levait, le matin et un vent venu de la mer ; les ténèbres se dispersèrent ; les hommes de Mordor gémirent, et la terreur s'empara d'eux ; ils s'enfuirent, et moururent, et les sabots de la colère passèrent sur eux. Alors toute l'armée de Rohan éclata en chants ; les hommes chantaient tout en massacrant, car la joie de la bataille était en eux, et le son de leur chant, qui était beau et terrible, parvint jusqu'à la Cité."
La rencontre d'Aragorn et d'Eomer sur les Champs du Pelennor :
Ce fut au moment où le combat commençait ainsi à tourner au désavantage du Gondor et où l'espoir chancelait qu'un nouveau cri monta de la Cité : c'était le milieu de la matinée ; un grand vent soufflait, la pluie était chassée vers le nord et le soleil brillait. Dans cet air clair, les guetteurs des murs eurent au loin une nouvelle vision de terreur, et leur dernier espoir les quitta.
Car l'Anduin coulait de telle façon depuis la boucle du Harlond que les hommes pouvaient de la Cité en suivre le cours de quelques lieues; et ceux qui avaient la vue longue pouvaient apercevoir tous les navires qui approchaient. Et regardant par là, ils poussèrent des cris de consternation ; car ils voyaient, se détachant en noir sur l'eau scintillante, une flotte poussée par le vent : des dromons et des navires à grand tirant d'eau avec de nombreuses rames et des voiles noires gonfléés par la brise.
<< Les Pirates d'Umbar! crièrent les hommes. Les Pirates d'Umbar! Regardez! Les Pirates d'Umbar arrivent! Ainsi le Belfalas est pris, et l'Ethir, et le Lebennin est parti. Les Pirates sont sur nous! C'est le dernier coup du destin! >>
Et certains, sans ordre car il ne se trouvait personne dans la Cité pour les commander, coururent aux cloches et sonnèrent l'alarme ; et d'autres sonnèrent la retraite à la trompette. << Revenez aux murs! criaient-ils. Revenez aux murs! Revenez à la Cité! avant que tous ne soient submergés! >> Mais le vent qui activait les navires emportait toute leur clameur.
Les Rohirrim n'avaient assurément aucun besoin d'information ou d'alarme. Ils ne voyaient que trop bien eux-mêmes les voiles noires. Car Eomer ne se trouvait plus à présent qu'à un mille au plus du Harlond, et une grande presse de ses premiers ennemis le séparait de ce havre, alors que de nouveaux ennemis venaient en tournoyant par-derrière, le coupant du Prince. Il regarda alors vers le Fleuve et il maudit le vent qu'il avait auparavant béni. Mais les armées du Mordor furent toutes ragaillardies ; et, emplies d'une nouvelle soif et d'une nouvelle furie, elles se précipitèrent à l'attaque en hurlant.
La disposition d'Eomer s'était à présent durcie et sa pensée était redevenue claire. Il fit sonner les cors pour rallier à sa bannière les hommes qui pouvaient y parvenir ; car il pensait faire pour finir un grand mur de boucliers, tenir, combattre là à pied jusqu'au dernier homme et accomplir dans les champs du Pelennor des exploits dignes d'être chantés, bien que nul ne dût rester dans l'Ouest pour se souvenir du dernier Roi de la Marche. Il gagna donc à cheval une butte verte, où il planta sa bannière, et le Cheval Blanc flotta dans le vent.
Sorti du doute, sorti des ténèbres au lever du jour,
Je vins chantant au soleil et tirant le glaive.
Vers la fin de l'espoir, je chevauchai, et vers le déchirement du coeur :
Place maintenant à la colère, place à la ruine et à un rouge crépuscule!
Il prononça ces vers, mais, ce faisant, il riait. Car il était encore possédé de l'ardeur de la bataille ; il était toujours indemne, il était jeune et il était roi ; seigneur d'un peuple féroce. Et, se riant du désespoir, il regarde de nouveau les navires noirs et il brandit son épée en signe de défi.
Mais alors l'étonnement le saisit, en même temps qu'une grande joie ; il jeta son épée dans la clarté du soleil et chanta en la rattrapant. Et tous les yeux suivirent son regard, et voilà que sur le navire de tête un grand étendard se déployait, et le vent le fit flotter, tandis que le navire se tournait vers le Harlond. Dessus fleurissait un Arbre Blanc, et cela, c'était pour le Gondor ; mais il était entouré de Sept Etoiles et surmonté d'une haute couronne, marque d'Elendil que nul seigneur n'avait porté depuis des années sans nombre. Et les étoiles flamboyaient, car elles avaient été ouvrées en gemmes par Arwen fille d'Elrond ; et la couronne brillait dans le matin, car elle était faite de mithril et d'or.
Ainsi vint Aragorn, fils d'Arathorn, Elessar, héritier d'Isildur, des Chemins des Morts, porté par un vent de la Mer au royaume de Gondor ; et la joie des Rohirrim éclata en un torrent de rires et de grands éclairs d'épées ; et l'allégresse et l'étonnement de la Cité se manifestèrent en fanfares de trompettes et en sonneries de cloches. Mais les armées de Mordor furent abasourdies : ce leur semblait une grande sorcellerie que leurs propres navires fussent remplis de leurs ennemis ; une peur noire les envahit, sachant que la marée du destin s'était renversée et que leur ruine était proche.
Les Chevaliers de Dol Amroth se dirigèrent vers l'est, poussant l'ennemi devant eux : trolls, variags et orques qui avaient horreur de la lumière du soleil. Eomer alla vers le sud, et ceux qui fuyaient devant sa face furent pris entre le marteau et l'enclume. Car maintenant des hommes sautaient des navires sur les quais du Harlond, et ils se précipitaient en tempête vers le nord. Là, venaient Legolas, Gimli jouand de la hache, Halbarad portant l'étendard, Elladan et Elrohir avec des étoiles au front, et les Dunedains obstinés, Rôdeurs du Nord, menant une grande et valeureuse force de gens du Lebennin, du Lamedon et des fiefs du Sud. Mais devant tous allait Aragorn avec la Flamme de l'Ouest, Anduril, tel un nouveau feu allumé, Narsil reforgée aussi mortelle que jadis ; et sur son front était l'Etoile d'Elendil.
Et ainsi finalement Eomer et Aragorn se rencontrèrent au milieu de la bataille ; et, s'appuyant sur leurs épées, ils se regardèrent, et ils furent heureux.
<< Voilà donc que nous nous retrouvons en dépit de toutes les armées de Mordor qui s'étendaient entre nous, dit Aragorn. Ne l'avais-je pas annoncé à Fort le Cor ? >>
<< Oui, vous le dîtes, répondit Eomer ; mais l'espoir est souvent trompeur, et je ne savais pas alors que vous étiez un voyant. Mais doublement bénie est une aide inattendue, et jamais rencontre d'amis ne fut plus joyeuse. >> Là-dessus, ils s'étreignirent les mains. << Ni plus opportune, dit Eomer. Vous arrivez juste à temps, ami. Nous avons subi de grandes pertes, et beaucoup d'afflictions. >>
<< Vengeons-les donc avant d'en parler ! >> dit Aragorn ; et ils retournèrent ensemble au combat."
Le Silmarillion
Il y eut en premier Eru. Il créa d'abord les Ainur, les Bénis, qu'il engendra de sa pensée. Il leur proposa ensuite un thème musical, et tous chantèrent devant lui. De cette symphonie fut nommer la Grande Musique et créa le monde. Mais Melkor, le plus puissant et le plus doué des Ainurs se prit à ajouter son propre thème et ainsi semer le chaos dans la mélodie d'Eru.
Ce dernier du créer un troisième thème pour contrer Melkor et ce fut de cette façon que les trois Age advinrent.
Ce ne fut que pendant le troisième age que naquirent les Premiers-Nés, à savoir les Elfes, appelés aussi les enfants d'Eru. De l'Art de Fëanor, l'un des leurs, les trois Silmaris furent façonnés. Celui-ci, craignant de voir la lumières des Arbres Valinor s'éteindre à tout jamais devant la lutte de Melkor contre ses frères Ainur, leurs conféra leurs attributs.
Melkor, dans une rage destructrice, s'empara des Silmaris et s'établi en Terres du Milieu, provoquant ainsi une scission chez les Elf donc certains n'eurent de repos que lorsque les Silmaris leurs furent restitués.
Extrait : La lutte de Melkor et des Valar lors de la création de la Terre.
Les Valar firent venir à eux de nombreux compagnons, de même rang qu'eux ou de moindre stature, et ensemble ils oeuvrèrent à ordonner la terre et à calmer ses agitations. Alors Melkor vit ce qui avait été fait : les Valar parcouraient la Terre comme des puissances visibles, vêtues du vêtements du Monde, aimables à voir, et resplendissantes, et bienheureuses. Il vit que la Terre devenait le jardin de leurs plaisirs, car ses tempêtes étaient désormais apaisées. Son envie n'en fut que plus forte, et lui aussi prit une apparence visible, mais son humeur et la malveillance qui le dévorait étaient telles que cette forme était sombre et terrible. Il descendit sur Arda, plus fort et plus majestueux qu'aucun autre Valar, telle une montagne qui s'élève sur l'océan pour dresser sa tête au-dessus des nuages, couverte de glace et couronnée de flammes et de nuées, et dans les yeux de Melkor il y avait comme une flamme dont la chaleur foudroie, dont le froid est mortel.
Ainsi commença la première bataille entre Melkor et les Valar pour la domination d'Arda. De ces tumultes les Elfes n'eurent guère à en connaître. Ce qui en est raconté ici vient des Valar eux-même, avec qui les Eldalië conversèrent au pays de Valinor, et qui en furent instruits, mais les Valar ne dirent jamais que peu de choses sur les guerres d'avant la venue du Elfes. Pourtant on raconte parmi les Eldar que les Valar continuèrent, malgré 1a présence de Melkor, à gouverner la Terre et à 1a préparer pour la venue des Premiers-Nés. Ils édifiaient des terres et Melkor les détruisait, ils creusaient des vallées et MeIkor les comblait, ils élevaient des montagnes et Melkor les abattait, ils faisaient le lit des océans et Melkor les dispersait. Rien ne pouvait trouver la paix ni croître dans la durée car aussi sûrement que les Valar entreprenaient une tâche Melkor venait la détruire ou la corrompre. Pourtant leurs travaux ne furent pas vains : si aucun endroit, aucune uvre ne vit s'accomplir entièrement leurs intentions ou leur volonté, si tout prit des formes et des couleurs autre, que celles que les Valar avaient d'abord imaginées, la Terre néanmoins prit forme et consistance. Or donc, la demeure des Enfants d'Ilùvatar fut enfin établie dans les Abîmes du Temps, parmi les étoiles innombrables.
Extrait : Où Fëanor entreprend la création des Silmarils.
A cette époque les Elfes achevèrent les travaux qui firent plus tard leur célébrité. Quand Fëanor eut donné toute sa mesure il fut saisi d'une pensée nouvelle, à moins que ne l'ait affleuré l'ombre d'un pressentiment sur la catastrophe qui s'annonçait. Il se demanda comment conserver à jamais la lumière des Arbres, la gloire du bien heureux Royaume. Alors il entreprit secrètement une longue recherche où il mit tout son savoir, toutes ses forces et toute son habileté, et il créa les Silmarils.
Ils avaient l'apparence de trois énormes joyaux. Mais nul ne saura jusqu'à la fin des temps, quand reviendra Fëanor, lui qui périt avant la venue du Soleil et demeure maintenant dans les Cavernes de l'Attente sans jamais revoir ses frères, nul avant que le Soleil ne meure et que la Lune ne disparaisse, ne saura quelle est leur substance. Ils avaient l'apparence du cristal mais étaient plus durs que le diamant, et nulle force du Royaume d'Arda ne pouvait les briser ni même les ternir. Ce cristal était aux Silmarils ce que le corps est aux Enfants d'Ilùvatar, l'enveloppe d'une flamme intérieure contenue dans le cristal, part de sa substance, sa vie même. Fëanor donna à cette flamme les lumières confondues des deux Arbres de Valinor et elle brûle encore en eux, bien que les Arbres soient éteints et disparus depuis longtemps. Même au fond de la nuit des trésors cachés les Silmarils brillent comme les étoiles de Varda, et pourtant, comme les êtres vivants qu'ils étaient vraiment, ils se plaisaient à la lumière, à la recevoir et à la rendre avec des couleurs encore plus merveilleuses.
Contes Perdus I
« Le Livre des Contes Perdus fut la première uvre majeure d'imagination entreprise par J. R. R. Tolkien. Il entama ce travail en 1916-1917 à l'âge de 25 ans et l'abandonna de nombreuses années plus tard alors qu'il était encore inachevé. Cette couvre expose la toute première conception des Terres du Milieu et de Valinor puisque les Contes Perdus constituent la première forme de ce qui devait plus tard être nommé le Silmarillion.
Implantés dans les légendes anglaises et présentant une très forte association avec l'Angleterre, ces Contes sont placés dans le cadre narratif d'un vaste voyage vers l'Ouest qu'entreprend un marin du nom d'Eriol (ou Aelfwine) jusqu'à Toi Eressëa, l'Ile Solitaire, où demeurent les Elfes ; d'eux, il apprend leur véritable histoire, les Contes perdus d'Elfinesse. L'on trouve ainsi dans ces Contes les premiers récits et les idées originales des Dieux et des Elfes, des Nains, des Balrogs et des Orcs ; des Silmarils et des Deux Arbres de Valinor; de Nargothrond et de Gondolin ; de la géographie et de la cosmographie du monde inventé.
Le Livre des Contes Perdus sera publié en deux parties ; cette première partie renferme les Contes de Valinor, la deuxième inclura Beren et Lùthien, Tùrin et le Dragon, ainsi que les seuls récits complets existants du Collier des Nains et de la Chute de Gondolin. Chaque conte est suivi d'un bref commentaire sous la forme d'un essai, groupé avec des textes de poèmes associés, et chaque tome contient des informations extensives sur les noms et le vocabulaire des toutes premières moutures des langues elfiques.
Extrait :
Tuor voulut se hâter sur l'heure, vers le gué, mais Voronwë le retint, disant : « Nous ne pouvons franchir le Brithiach au grand jour tant que demeure l'ombre d'une possibilité de poursuite. »
« Alors resterons-nous ici à pourrir? dit Tuor. Car une telle possibilité persistera assurément tant que durera le royaume de Morgoth. Viens! Sous le couvert du manteau d'Ulmo nous devons poursuivre hardiment. »
Voronwë hésitait encore, et il regardait en arrière, du côté de l'occident; mais la voie derrière eux était déserte et les alentours paisibles sinon pour la rumeur des eaux. Il leva les yeux, et le ciel était gris et vide, car n'y croisait pas un seul oiseau. Et soudain son visage s'éclaira de joie, et il s'écria à voix haute : « Tout va bien ! Le Brithiach est encore gardé par les ennemis de l'Ennemi. Les Ores ne nous traqueront pas jusqu'ici ; et sous le manteau nous pouvons passer à présent, sans plus attendre. »
« Quelle est cette chose nouvelle que tu as aperçue ? » dit Tuor.
« Courte est la vue des Mortels! dit Voronwë. J'aperçois les Aigles des Crissaegrim et ils viennent à nous; vois donc! »
Alors Tuor s'immobilisa et regarda, et bientôt très haut dans les airs, il entrevit trois formes qui, depuis les lointaines cimes que la brume regagnait, faisaient force d'aile vers eux. Lentement descendirent les aigles en décrivant de larges Cercles et soudain ils fondirent sur les voyageurs; mais avant que Voronwë ait pu les héler, ils se détournèrent et d'un puissant coup d'aile, s'envolèrent vers le nord, en suivant le tracé de la rivière.
« Partons maintenant, dit Voronwë, s'il y a un Orc dans les parages, il sera plaqué au sol, terrorisé, jusqu'à ce que les aigles aient disparu. »
En toute hâte, ils dévalèrent une longue pente et franchirent le Brithiach, marchant souvent à pied sec sur des bancs de galets ou pataugeant dans les laisses avec de l'eau à peine aux genoux. Très froide et claire était l'eau, et il y avait de la glace dans les flaques, là où les torrents aventureux s'étaient égarés dans la pierraille ; car jamais, même lors du Rude Hiver de la chute de Nargothrond, le souffle implacable du Septentrion a pu geler le cours principal du Sirion 23.
Sur l'autre rive du gué ils trouvèrent une ravine, sans doute le lit d'un ancien torrent où ne coulait plus le moindre filet d'eau; et pourtant il avait été un temps, semble-t-il, où, jailli du nord et se chassant des flancs de l'Echoriath, le torrent avait foré son chenal encaissé, charriant toutes les pierres du Brithiach dans le Sirion.
« Contre tout espoir, enfin nous le trouvons ! s'écria Voronwë. Voici l'embouchure de la Rivière-à-Sec et voici le chemin qu'il nous faut prendre 24. » Alors ils s'engagèrent dans la ravine, et comme elle obliquait vers le nord et que le relief du pays s'accusait, ses rives se firent abruptes de part et d'autre, et Tuor trébucha dans la pénombre, parmi les pierres qui jonchaient son lit. « Si c'est là un chemin, dit-il, c'en est un mauvais pour celui qui est fourbu. »
« C'est pourtant le chemin vers Turgon », dit Voronwë.
« Alors je m'étonne d'autant, dit Tuor, que son accès demeure ouvert et non gardé. Je pensais trouver un grand portail et une garde nombreuse! »
Contes perdus II
Cette deuxième partie du livre des Contes perdus inclut le conte de Beren et Tinùviel (où Tinùviel ne s'appelle pas encore Lùthien, et où Beren est un Elfe!), la saga tragique de Tùrin et du Dragon, ainsi que les seuls récits complets du Collier des Nains et de la Chute de Gondolin. Le livre s'attache aussi au développement de l'histoire du navigateur des mers et des cieux, Eärendel, et à l'évolution du personnage-lien entre notre monde et celui des Terres-du-Milieu, Eriol, Aelfwine d'Angleterre.
Chaque conte est suivi par un commentaire sous forme d'essai, proposant des renseignements étendus sur les noms et le vocabulaire des langues elfiques, ainsi que les textes de poèmes associés.
Il s'agit de la traduction du second volume de l'Histoire des Terres-du-milieu, entamée il y a maintenant près de vingt ans par Christopher Tolkien, fils et exécuteur littéraire de l'auteur, et réunissant treize volumes en anglais, peut-être le premier historique et le premier commentaire textuel aussi détaillé de l'uvre d'un auteur du xxe siècle.
Extrait :
Et vers cette époque, Aldarion s'éloigna de son père et la mésentente s'installa entre eux, et il cessa de parier au Roi de ses grands desseins et de ses espoirs; mais la Reine Almarian soutenait son fils dans tout ce qu'il faisait, et Meneldur se voyait contraint de laisser les choses aller leur train. Car les Aventureux gagnaient en nombre et dans l'estime des gens, et on les appelait les Uinendil, les amants d'Uinen; et il devenait d'autant moins aisé de restreindre ou de critiquer l'action de leur Capitaine. Et ils construisaient des navires toujours plus grands et de plus fort tonnage, en vue d'entreprendre des voyages au long cours avec de nombreux hommes à bord et d'importantes cargaisons ; et Aldarion était fréquemment absent de Nùmenor pour des durées prolongées.
Tar-Meneldur s'obstinait à contrer, tant qu'il le pouvait, les projets de son fils; et il fixa les limites à l'abattage du bois d'uvre dans les forêts de Nùmenor, destiné aux constructions navales; et Aldarion vint alors à songer qu'il pourrait trouver du bois de charpente en la Terre du Milieu, et chercher là-bas un havre pour la réfection et le radoub de ses vaisseaux. Et naviguant le long des côtes vers le sud, il s'émerveilla à la vue des forêts de haute futaie ; et à l'embouchure de la rivière que les Nùmenoréens avaient surnommée Gwathir, la Rivière de l'Ombre, il fonda Vinyalondë, le Nouveau Port 9.
Mais quand près de huit cents ans se furent écoulés à compter de l'avènement du Second Âge, Tar-Meneldur ordonna à son fils de demeurer en l'île de Nùmenor, et de cesser un temps ses voyages vers l'est ; car il désirait proclamer Aldarion l'Héritier du Roi, comme avaient fait les Rois qui l'avaient précédé, à l'âge qu'avait atteint l'Héritier. Et pour lors Meneldur et son fils se réconcilièrent, et la paix régna entre eux; et dans la liesse et les fêtes, on proclama Aldarion Héritier, en la centième année de son âge, et son père lui décerna le titre et les pouvoirs de Seigneur des Navires et des Ports de Nùmenor. Or voilà que se rendit à Armenelos, pour assister au banquet, un certain Beregar qui vivait dans le pays de l'Ouest, et vint avec lui sa fille, Erendis. Et la Reine ne manqua pas de remarquer sa beauté singulière, telle qu'on en voyait rarement à Nùmenor; car Beregar venait de la maison de Bëor et il était de souche ancienne, encore qu'il n'appartînt pas à la lignée royale d'Elros, et Erendis avait les cheveux noirs et la grâce déliée et les clairs yeux gris de ceux de sa race'(). Mais Erendis n'eut d'yeux, quant à elle, que pour Aldarion lorsqu'il passa devant elle à cheval, et pour sa beauté et sa noble prestance. De ce jour, Erendis fit partie de la maison de la Reine, et elle gagna la faveur du Roi, mais elle ne vit pas grand-chose d'Aldarion, qui s'occupait de l'aménagement des forêts, soucieux que dans les temps à venir le bois d'uvre ne vienne pas à manquer sur l'Ile. Et bientôt les navigateurs de la Guilde des Aventureux commencèrent à murmurer, car ils étaient mécontents de ne partir que pour des expéditions plus espacées et plus courtes, et sous le commandement de capitaines de bien moindre renom -, et lorsque six ans se furent écoulés depuis la proclamation de l'Héritier du Roi, Aldarion décida de reprendre la mer pour rallier la Terre du Milieu. Le Roi lui donna à contrecur son congé, car Aldarion avait refusé de se rendre aux prières de son père qui l'incitait à rester à Nùmenor pour se chercher une épouse ; et il appareilla au printemps de l'année. Mais comme il venait faire ses adieux à sa mère, il aperçut Erendis parmi les filles de la Reine ; et contemplant sa beauté, il pressentit la force qu'elle recelait en elle.
Almarian lui dit alors : « Dois-tu donc t'éloigner à nouveau, Aldarion, mon fils? N'y a-t-il rien qui puisse te retenir dans le plus beau des pays mortels? »
« Pas encore, répondit-il. Mais en la cité d'Armenelos, il y a des beautés telles qu'un homme ne puisse espérer en trouver ailleurs, même au pays des Eldar. Cependant les navigateurs sont gens déchirés, toujours en guerre avec eux-mêmes; et le languir de la Mer me tient encore. »
Longtemps après, comme le monde des Elfes était, en ce Troisième Age, à son déclin, et qu'approchait la Guerre de l'Anneau, on révéla au Conseil d'Elrond que l'Anneau avait été découvert dans la vase, en bordure des Champs d'Iris, tout près de la berge occidentale ; cependant il ne fut jamais trouvé trace du corps d'Isildur. Alors ils se rendirent compte que Saruman avait fouillé lui aussi secrètement la même région, et bien qu'il n'eût pas trouvé l'Anneau (qui avait été emporté longtemps auparavant), ils ignoraient quelle autre chose il avait bien pu déterrer.
Mais le Roi Élessar, qui avait été couronné au Gondor, entreprit la réorganisation de son royaume, et l'une de ses premières tâches fut de restaurer l'Orthanc où il se proposait d'installer à nouveau le palantir, repris des mains de Saruman. Alors on fouilla la tour dans ses moindres recoins. Et on trouva bien des objets de valeur, bijoux et joyaux ayant appartenu à Éorl, dérobés à Édoras par l'entremise de Wormtongue, durant le déclin du Roi Théoden, et d'autres choses encore, plus anciennes et plus belles, arrachées aux tertres et aux tombes, ici et là. Car en son avilissement, il semble que Saruman ait cessé de se conduire en dragon, pour se faire pie voleuse! Enfin derrière une porte fermée, qu'Élessar n'eût pu ni découvrir ni ouvrir si cela n'avait été avec l'aide de Gimli le Nain, apparut une armoire de fer. Et peut-être cette armoire était-elle destinée à abriter l'Anneau; mais on la trouva quasiment vide. Une cassette, sur une planche du haut, renfermait deux choses : et la première était un petit sachet d'or attaché à une chaîne fine ; et le sachet était vide et ne portait ni lettre ni inscription d'aucune sorte ; mais sans nul doute possible, le sachet avait contenu, un jour, l'Anneau suspendu au cou d'Isildur. A côté, gisait un trésor sans prix, longtemps pleuré car on le croyait perdu à jamais : I'Elendilmir lui-même, la blanche étoile des Elfes, l'étoile de cristal sertie dans un fin réseau de mithril , hérité de Silmarien elle-même qui l'avait transmis à Élendil, et que celui-ci avait choisi comme gage de la souveraineté dans le Royaume du Nord . Depuis lors, chaque Roi et chaque chef suprême, à son accession en Arnor, avait porté l'Elendilmir, et jusqu'à Élessar lui-même; mais bien que ce fût un joyau de grande beauté, fabriqué par les forgerons-Elfes d'Imladris, pour Valandil, fils d'Isildur, il n'avait point l'ancienneté ni les pouvoirs de celui qui fut perdu lorsque Isildur prit la fuite dans les ténèbres pour ne plus jamais revenir.
Élessar s'en chargea avec révérence, et lorsqu'il retourna au pays du Nord, et assuma de nouveau la pleine souveraineté sur l'Arnor, Arwen le lui noua au front, et les hommes firent silence, éblouis par sa splendeur. Mais Élessar se garda de le placer de nouveau en péril et ne s'en ceignit que les jours d'apparat, au royaume du Nord. Et lorsqu'il portait garbe royale en d'autres occasions, il se parait de l'Élendilmir qu'il avait eu par héritage. « Et cela même, disait-il, est plus que e ne mérite : quarante fronts l'ont porté avant moi »
Roverandom
Voici un conte inédit. Roverandom a été écrit en 1925 pour consoler d'un « gros chagrin » le jeune Michael Tolkien qui, en jouant sur la plage, avait perdu son jouet, un petit chien. A partir de cet épisode assez banal, son père a imaginé l'histoire d'un chien réel qui connaît d'extraordinaires aventures pour s'être montré insolent envers un magicien.
Ces aventures canines sur les deux faces de la lune puis au fond de la mer, en compagnie d'un goéland, de deux autres chiens et d'une baleine, d'une sirène et d'un serpent (de mer), sans compter deux autres magiciens pas ordinaires du tout et... Michael Tolkien; sont un enchantement pour l'esprit des enfants et aussi de ceux qui ne sont plus des enfants mais trouveront plaisir à se baigner dans l'inspiration si fraîche d'un auteur consacré.
Extrait :
Chaque fois que les chiens regagnent la tour et volent jusqu'à la fenêtre, ils trouvent leur dîner tout prêt, comme s'ils avaient fixé l'heure ; mais il est rare qu'ils voient le bonhomme ou l'entendent car il a un atelier en bas, dans les caves, et l'on voit couramment une vapeur blanche et une brume grisâtre grimper l'escalier et s'échapper par les fenêtres supérieures.
« Que peut-il bien faire, toute la journée ? demande Roverandom à Rover.
- Faire ? Oh, il est toujours assez occupé. Depuis ton arrivée, il me semble même l'être plus que je ne l'ai vu depuis longtemps. Il doit fabriquer des rêves...
- Et dans quel but, fabriquer des rêves ?
- Oh Pour l'autre face de la lune ; sur celle-ci personne ne rêve ; les rêveurs sont tous sur la face cachée... »
Roverandom s'assied et gratte le sol. Il ne trouve pas que cette explication soit explicative, mais le lunechien ne lui en dit pas plus et, si vous voulez mon avis, c'est parce qu'il n'en sait pas plus.
Peu importe, car bientôt survient un événement qui chasse ces questions de l'esprit de Roverandom pour un moment. Nos deux chiens, lors d'une promenade, courent une aventure très excitante, beaucoup trop à vrai dire, mais par leur faute. Ils s'en vont pour plusieurs jours, et bien plus loin que jamais depuis l'arrivée de Roverandom ; sans se soucier d'ailleurs de savoir où ils vont. Et voilà qu'ils se perdent! Se trompant de route ils s'éloignent toujours plus de la tour alors qu'ils croient s'en rapprocher.
Faërie
Recueil regroupant les nouvelles suivantes:
- Le fermier Gilles de Ham
- Smith de Grand Wootton
- Feuille, de Niggle
- Du conte de Fées
Extrait :
- Qu'est-ce que tout ce bruit ? demanda-t-il. Dites aux gens de rentrer chez eux et de se lamenter décemment ! Cela ressemble plutôt à la foire aux oies.
- Le dragon est revenu, seigneur, répondit-on.
- Comment ! s'écria le Roi. Mandez mes chevaliers, ou ce qu'il en reste !
- Il n'en est point besoin, seigneur, répondit-on. Avec Maître Aegidius derrière lui, le dragon est aussi domestiqué qu'il est possible. Du moins est-ce ce que l'on nous a dit. La nouvelle en est venue il y a peu, et les informations sont contradictoires.
- Par exemple ! s'écria le Roi, l'air grandement soulagé. Et dire que nous avons ordonné pour après-demain le chant d'un hymne funèbre à la mémoire de ce garçon ! Que l'on annule cela ! Y a-t-il quelque signe de notre trésor ?
- D'après les informations reçues, il y en a une véritable montagne, seigneur, répondit-on.
- A quand l'arrivée ? demanda le Roi avec avidité. Un brave homme cet Aegidius - qu'on nous l'envoie dès sa venue !
Il y eut une certaine hésitation dans la réponse. Enfin, quelqu'un, prenant courage, dit - " je vous demande pardon, seigneur ; il paraît que le fermier a fait un détour par sa propre demeure. Mais sans doute se hâtera-t-il de venir en arroi convenable à la première occasion. "
- Sans doute, dit le Roi. Mais au diable son arroi ! Il n'avait pas à rentrer chez lui sans rendre compte. Nous sommes très mécontent.
La première occasion se présenta et passa, ainsi que de nombreuses autres par la suite. En fait, le Fermier Gilles était revenu depuis une bonne semaine ou davantage, et aucun message ni nouvelle de lui n'étaient encore parvesus à la cour.
Au bout de dix jours, la fureur du Roi explosa.
- Faites chercher ce garçon ! s'écria-t-il.
Ce qui fut fait. Ham était à une journée de dure chevauchée, à l'aller et au retour.
- Il ne veut pas venir, seigneur ! dit le surlendemain un messager tremblant.
- Tonnerre de Dieu ! s'écria le Roi. Ordonnez-lui de venir mardi prochain, sans quoi il sera jeté en prison pour le restant de ses jours !
- Que votre Majesté me pardonne, mais il ne veut toujours pas venir, -dit un messager très malheureux, qui revenait seul le mardi.
- Dix mille tonnerres ! s'écria le Roi. Qu'on emmène cet idiot en prison à sa place 1 Et maintenant qu'on envoie des hommes ramener ce manant dans les chaînes ! hurla-t-il à ceux qui l'entouraient.
- Combien d'hommes ? demanda-t-on d'une voix tremblante. Il y a un dragon, et... Mordqueues, et...
- Et les manches à balai, et des sornettes ! répliqua le Roi.
Puis il fit harnacher son cheval blanc, convoqua ses chevaliers (ou ce qu'il en restait) et une compagnie d'hommes d'armes, et partit en ardent courroux. Toute la population, saisie d'étonnement, courut dehors.
Mais le Fermier Gilles était devenu plus que le Héros de la Région : il était le Bien-aimé du Pays ; et les gens n'acclamèrent point les chevaliers et les hommes d'armes au passage, bien qu'ils tirassent encore leur chapeau devant le Roi.
Message édité par Xavier_OM le 28-12-2004 à 15:54:58
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Il y a autant d'atomes d'oxygène dans une molécule d'eau que d'étoiles dans le système solaire.