Xavier_OM a écrit :
Brouillard sur les coteaux des tertres p.159 Cette vue avait quelque chose d'inquiétant, alors ils s'en détour- nèrent et redescendirent au milieu du cercle creux. Là se dressait une unique pierre, haute sous l'astre du jour, ne jetant à cette heure aucune ombre. Informe, elle avait pourtant une signification : comme un point de repère ou un doigt protecteur, ou plutôt un avertisse- ment. Mais à présent, ils avaient faim, et le soleil de midi les gardait de toute peur, alors ils s'adossèrent contre la face est de la pierre. Elle était froide, comme si le soleil n'avait pu la réchauffer ; mais pour lors, cette sensation leur parut agréable. Ils sortirent de la nourriture et des boissons, et firent en plein air un repas de midi aussi bon qu'on pouvait le souhaiter ; car la nourriture venait de « là-bas sous la Colline ». Tom les avait pourvus de tout ce qu'il fallait pour passer une belle journée. Leurs poneys déchargés vaguaient sur l'herbe. Chevaucher sur les collines et manger à leur faim, se baigner de soleil et sentir le gazon, rester allongés un peu trop longtemps, étendre les jambes et lever le nez pour contempler le ciel : voilà qui suffit (peut-être) à expliquer ce qui se passa. Quoi qu'il en soit, ils se réveillèrent soudain, mal à l'aise, d'un somme qu'ils n'avaient jamais voulu faire. La pierre levée était froide, et projetait une ombre qui s'étirait, longue et faible, vers l'est, et les enveloppait. Le soleil, d'un jaune pâle et délavé, luisait à l'ouest à travers la brume, juste au-dessus de la cuvette où ils se trouvaient ; au nord, au sud et à l'est s'étendait, au-delà de la paroi, un épais brouillard, froid et blanc. L'air était silencieux, lourd et frisquet. Les poneys s'étaient blottis les uns contre les autres, la tête basse. Les hobbits affolés sautèrent sur pied et coururent jusqu'au bord du côté ouest. Ils constatèrent qu'ils se trouvaient sur une île au milieu du brouillard. Au moment même où ils portaient leurs regards consternés vers le soleil couchant, celui-ci plongea sous leurs yeux dans un océan blanc, et une ombre grise et froide surgit derrière eux à l'est. Le brouillard s'avança jusqu'aux parois et s'éleva au-dessus d'elles, et, tout en montant, se répandit au-dessus de leurs têtes pour former un plafond : ils étaient pris dans une voûte de brume dont le pilier central était la pierre levée. Malgré l'impression qu'un piège venait de se refermer autour d'eux, ils ne désespéraient pas pour autant. Ils se rappelaient la vue encourageante qu'ils avaient eue, quand le tracé de la Route s'était dessiné loin en avant, et ils savaient dans quelle direction elle se trou- vait. Et puis cet endroit creux leur faisait tellement horreur, à présent, qu'il n'était plus aucunement question d'y rester. Ils remballèrent leurs affaires aussi vite que leurs doigts glacés le leur permettaient. p. 160 Ils menèrent bientôt leurs poneys à la file, franchissant le rebord, donc sur le versant nord de la colline, plongeant dans un océan de brouillard. Au fil de leur descente, la brume se fit plus froide et plus humide ; leurs cheveux dégouttaient et leur collaient au front. En bas, le froid était si saisissant qu'ils s'arrêtèrent et sortirent capes et capuchons, lesquels ne tardèrent pas à se couvrir de fines gouttelettes grises. Puis, enfourchant leurs poneys, ils se remirent lentement en chemin, se guidant sur les ondulations du terrain. Ils se dirigeaient, autant qu'ils pouvaient en juger, vers l'ouverture en forme de portail à l'extrémité nord de la longue vallée qu'ils avaient aperçue au matin. Passé cette brèche, ils n'auraient plus qu'à continuer plus ou moins en ligne droite, et ils finiraient par croiser la Route d'une manière ou d'une autre. Leur raisonnement n'allait pas plus loin, hormis le vague espoir qu'il n'y ait plus de brouillard au-delà des Coteaux. Ils progressaient très lentement. Pour éviter de se séparer et d'aller chacun de leur côté, ils avançaient en file, Frodo en tête. Sam allait derrière lui, suivi de Pippin et enfin de Merry. La vallée semblait s'étirer indéfiniment. Soudain, Frodo vit un signe encourageant. Devant lui à travers la brume, des ombres se dessinaient de part et d'autre ; et il crut qu'ils approchaient enfin de la brèche entre les collines, du portail nord des Coteaux des Tertres. Une fois passés, ils seraient libres. « Allons ! Suivez-moi ! » cria-t-il par-dessus son épaule, et il s'élança en avant. Mais son espoir devint bientôt confusion et affolement. Les deux taches s'assombrirent encore, mais elles rapetissèrent ; et soudain il vit, dressées devant lui de façon menaçante, légèrement penchées l'une vers l'autre comme les montants d'une porte sans linteau, deux immenses pierres levées. Il ne se souvenait pas d'avoir rien vu de semblable au fond de la vallée, lorsqu'il avait regardé du haut de la colline en fin de matinée. Il les avait à peine aperçues qu'il était déjà passé entre elles ; et comme il les passait, les ténèbres parurent s'abattre tout autour de lui. Son poney se cabra et s'ébroua, et le jeta à terre. Puis, se retournant, Frodo vit qu'il était seul : les autres ne l'avaient pas suivi. « Sam ! appela-t-il. Pippin ! Merry ! Dépêchez-vous ! Pourquoi vous ne venez pas ? » Il n'y eut pas de réponse. La peur le saisit, et il repassa les pierres en criant éperdument : « Sam ! Sam! Merry ! Pippin ! » Le poney s'em- balla et disparut dans la brume. À quelque distance de là, semblait-il, il crut entendre un cri : « Ohé ! Frodo ! Ohé ! » Il provenait de l'est, sur sa gauche alors qu'il se tenait sous les grandes pierres, plissant Un peu de Tolkien ne nuit pas (traduction Lauzon ici)
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