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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°19703159
rahsaan
Posté le 01-09-2009 à 17:07:06  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
TROIS ASPECTS DE L'ÉTERNEL RETOUR

Un développement assez long sur l'éternel retour chez Nietzsche, où j'aborde plusieurs difficultés de compréhension de ce concept.  
Ce texte peut être lu après celui-ci, dans lequel j'abordais la signification de cette notion.

 
[:lune]
 
Éternel retour du même ou de l'autre ?
 
Il y a au moins deux séries de difficultés sur cette notion d’éternel retour (ER), l'une des plus célèbres de Nietzsche, avec celles de surhumain et de volonté de puissance :
 
1) L'éternel retour est-il une thèse cosmologique / physique / astronomique, à la façon de celle des Stoïciens qui parlaient de la Grande Année ? Il semblerait que l'on puisse proposer une version modernisée de cette idée d'une cosmos éternel qui reprend cycliquement la même forme. En effet, si la somme de matière et d'énergie est constante dans l'univers (que les atomes sont en nombre fini), alors on peut concevoir que la perpétuelle recombinaison des atomes finisse par produire, dans l'infini du temps, les mêmes mondes, à l'identique. On serait ainsi dans une certaine continuité avec l'atomisme antique.  
Ou bien au contraire, l'ER n'est-il qu'une simple notion philosophique, d'ordre éventuellement poétique ou mystique -donc sans fondement scientifique ?
 
2) L'éternel retour, quelle que soit sa portée (scientifique ou non), est-il retour du même ou de l'autre ? Question soulevée par Michel Onfray (dans un cours de son université populaire, diffusé récemment sur France Culture, à propos d'un tetrapharmakon nietzschéen comparable à celui d'Epicure) : Onfray critiquait sur ce point la lecture de Deleuze (dans Nietzsche et la philosophie) : Deleuze parle de l'ER de la différence, tandis que les textes du Zarathoustra cités par Onfray parlent sans équivoque de l'ER du même ou de l'identique.  
Tout revient-il sans cesse à l'identique, dans les moindres détails ? Ou bien, la volonté de puissance cherchant sans cesse à s'accroître, tout ce qui est faible et mauvais (en particulier le ressentiment) finit-il par être chassé par un mouvement centrifuge ? Z reproche en effet à ses animaux d'avoir fait de l'ER une "rengaine", donc d'en avoir trahi le sens : or, la rengaine est bien un petit air qui se répète indéfiniment, identique à lui-même, monotone et obsédant. L’ER correctement compris serait alors peut-être une mélodie, qui joue sur les variations et les répétitions et ne cesse de s’enrichir elle-même : ER de la variation et de la nouveauté.
Je vais essayer d'éclaircir ces deux points. Je m'appuierai sur le §341 du Gai Savoir (le démon), sur un passage du Zarathoustra consacré à l’ER comme rengaine (Z, III, 2), et sur le dernier § du Crépuscule des idoles.
Je distinguerai entre trois aspects de l’ER, correspondants à la présentation qui en est faite dans les trois références ci-dessus :  
 
A) L’ER comme épreuve (GS §341)
B) L’ER comme doctrine (Z III, 2)
C) L’ER comme expérimentation (CI, dernier §)
 
[:lune]
 
A) L’ER comme épreuve
 
La première mention explicite de l’ER dans l’œuvre publiée de N se trouve au §341 du GS, sous forme d’un récit s’adressant au lecteur.  
Situation du texte : Nous sommes à l’avant-dernier § du 4e livre (intitulé « Sanctus Januarius », dans lequel Nietzsche raconte sa convalescence après sa longue maladie), donc l’avant-dernier § du livre au moment de sa première publication –le 5e livre (consacré à la mort de Dieu et ses conséquences) ayant été ajouté après.  
Le § est situé dramatiquement avant le § 342 où apparaît la figure de Zarathoustra, qui sera le héros du livre suivant –celui qui prophétise l’ER. Ainsi, N prépare son lecteur à l’œuvre qui va suivre par ce §341 sur l’ER et par le §342 qui est, presque mot à mot, le 1er § du Z (« Lorsque Zarathoustra eut trente ans… »)
Voici le §341 en entier :
 
Le poids formidable. - Que serait-ce si, de jour ou de nuit, un démon te suivait une fois dans la plus solitaire de tes solitudes et te disait : « Cette vie, telle que tu la vis actuellement, telle que tu l'as vécue, il faudra que tu la revives encore une fois, et une quantité innombrable de fois; et il n'y aura en elle rien de nouveau, au contraire! il faut que chaque douleur et chaque joie, chaque pensée et chaque soupir, tout l'infiniment grand et l'infiniment petit de ta vie reviennent pour toi, et tout cela dans la même suite et le même ordre - et aussi cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et aussi cet instant et moi-même. L'éternel sablier de l'existence sera retourné toujours à nouveau - et toi avec lui, poussière des poussières ! » - Ne te jetterais-tu pas contre terre en grinçant des dents et ne maudirais-tu pas le démon qui parlerait ainsi? Ou bien as-tu déjà vécu un instant prodigieux où tu lui répondrais : « Tu es un dieu, et jamais je n'ai entendu chose plus divine! » Si cette pensée prenait de la force sur toi, tel que tu es, elle te transformerait peut-être, mais peut-être t'anéantirait-elle aussi; la question «veux-tu cela encore une fois et une quantité innombrable de fois », cette question, en tout et pour tout, pèserait sur toutes tes actions d'un poids formidable! Ou alors combien il te faudrait aimer la vie, que tu t'aimes toi-même pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation! -
(Wikisource, trad. Henri Albert, 1887)

 
a) Pourquoi l’ER est-il un poids ? Parce que cette pensée peut nous écraser. Faire l’hypothèse que nous sommes voués à revivre sans cesse la même vie, entièrement à l’identique, apparaît bien vite comme la pire des malédictions, dans la mesure où il faudra revivre tous nos malheurs, nos regrets, nos déceptions, nos douleurs…  
Cela donc une condamnation à un véritable enfer. Qui voudrait tout revivre sans rien changer ? Si nous devions vivre l’ER, nous serions suprêmement impuissants, comme terrassés sous une masse dont il est impossible de se sortir.  
Je passe rapidement sur l’ambigüité de la figure du démon, qui fait bien sûr penser au daimon antique, en particulier le daimon de la conscience de Socrate. L’originalité ici est que ce daimon provoque bien une prise de conscience, mais pas sous forme d’une interdiction d’agir, comme un signal d’alerte qui arrête Socrate au bon moment.
 
Non, ici, le daimon propose une épreuve. C’est l’idée centrale de ce texte. L’ER est une hypothèse, une possibilité exprimée au conditionnel. Que t’arriverait-il si tu devais revivre sans cesse la même vie ?...
Cette épreuve n’est pas une épreuve parmi d’autre, mais l’épreuve de toutes les épreuves, puisque dans ce cycle, nous revivrons sans cesse les mêmes épreuves, à jamais.  
Le démon insiste sur le retour à l’identique de toute chose, car en éprouvant cette pensée, il ne faut pas tricher ! Il ne faut pas imaginer qu’on pourrait changer quelques détails ! Non, rien du tout ! Le bon, le mauvais, le désagréable, le banal, l’ennuyeux, le sordide… tout revient exactement pareil.
Je ne m’attarde pas non plus sur la référence implicite à l’Ecclesiaste : « Memini homo, quia pulvus eras et in pulverem reverteris ». « Souviens-toi, homme, que poussière tu étais et poussière tu retourneras. »
La différence avec l’Ecclésiaste tient à ceci : dans le texte de la Bible, la vie n’est qu’un bref moment entre deux néants ; l’existence est donc absurde. Schopenhauer reprend ce thème : avant notre vie, il y a eu une éternité où nous n’étions rien, et après notre mort, il y aura une éternité où nous ne serons rien. La vie est donc bien peu de choses.  
C’est donc sur une sagesse tragique (fataliste), sur la vanité de l’existence, que l’Ecclésiaste nous invite à méditer, et Schopenhauer à sa suite.
Or, le « memini homo » proposé ici par Nietzsche n’est pas que nous retournerons en poussière, mais que nous reviendrons à l’identique. Dès lors, le châtiment proposé est encore plus cruel que la mort, puisque la mort pourrait au moins nous délivrer de nos malheurs. Ici, pas d’échappatoire possible, même dans le néant.  
La formule serait ici : « Imagine, homme, que tu as été tel que tu es et que tu redeviendras tel que tu es. »
 
Le paragraphe se construit ainsi autour du retournement de la pensée de l’ER : de malédiction suprême, il peut devenir, soudain, bénédiction et suprême délivrance. C’est dans un instant que le retournement se fait : en un instant, notre vision de l’éternité bascule. L’ER ne change pas de nature, mais notre dégoût devient approbation.
 
b) La question est donc pratique : sommes-nous capables d’aimer la vie et de vivre de telle manière que nous pourrions revivre à l’identique ?
La sagesse qui se dégage dans ce § est un parachèvement du gai savoir, en quelque sorte le point le plus haut de la méditation de la gaya scienza : est gai le savoir qui ne fait pas que nous instruire mais qui change notre regard sur la vie. Celui qui pourrait dire oui à l’ER n’aurait plus d’objection contre la vie dans son ensemble. Il serait assez fort pour affirmer que la vie vaut la peine d’être vécue, malgré tout.  
Comme l’a montré Clément Rosset (dans la Force majeure), nous avons ici affaire à un optimisme à la façon de Leibniz, mais un optimisme plus radical encore, puisque sans Dieu. Elle est parfaite, il n’y a rien à y ajouter ou à y retrancher. La vie telle qu’elle est, sans promesse de rachat, sans consolation extérieure, sans rédemption, sans rien d’autre qu’elle, vaut la peine d’être vécue. C’est ce que parviendra à affirmer le dernier des hommes, en Z IV.  
Notre vie est-elle dominée par les regrets, les remords ou bien par l’affirmation, la joie ? Au quotidien, sommes-nous dominés par les demi-vouloir, la facilité, le relâchement, les détours et la tergiversation, ou bien ce que nous sommes, ce que nous faisons, le vivons-nous résolument et avec consentement ? C’est cela que demande le démon. Ce que tu fais, le fais-tu juste cette fois, en espérant n’avoir plus à revivre cela et à faire ceci, en te disant que c’est juste un coup pour rien, ou bien serais-tu prêt à le refaire encore et encore ?...
 
--> Par rapport à mon questionnement de départ, je conclus sur ceci : l’ER est nécessairement pensée de l’ER de l’identique, car la moindre altération dans le retour ménagerait une échappatoire pour l’imagination, qui pourrait échapper en partie à cette épreuve.  
S’il y avait ER de l’autre, il n’y aurait plus d’ER du tout, mais le flot sans cesse changeant du devenir. L’épreuve n’aurait alors plus de sens. Cette épreuve n’est donc pas seulement théorique : elle est destinée à nous transformer, à s’intégrer profondément à notre vie en changeant notre regard et notre appréciation sur l’existence.  
 
[:lune]
 


Message édité par rahsaan le 01-09-2009 à 17:12:15

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Posté le 01-09-2009 à 17:07:06  profilanswer
 

n°19703267
rahsaan
Posté le 01-09-2009 à 17:15:59  profilanswer
 

TROIS ASPECTS DE L'ÉTERNEL RETOUR (suite)
 
 
B) L'ER comme doctrine
Je passe un peu plus vite sur le 2e aspect, l’ER comme doctrine. Cet aspect découle du précédent. L’ER est une doctrine qui doit être intégrée à notre vie, qui doit être méditée, quoique cette doctrine n’ait, à proprement parler, aucun contenu initiatique (à la manière d’un enseignement ésotérique comme l’orphisme), aucune portée religieuse (pas de dieu, pas de transcendance, pas d’au-delà). Pas non plus de portée morale ou idéologique (pas de progrès ni de décadence, pas de chance d’atteindre à un bien suprême etc.)  
Dans le Zarathoustra, le héros de Nietzsche reproche à ses animaux de compagnie, l’aigle et le serpent, d’avoir fait de l’ER une simple rengaine.  
Voici l’extrait de Z III, 2 : Z, bouleversé par la pensée de l’ER, tombe malade et se remet lentement de sa maladie. C’est le moment de sa convalescence (c’est moi qui souligne) :
— "O Zarathoustra, dirent alors les animaux, pour ceux qui pensent comme nous, ce sont les choses elles-mêmes qui dansent : tout vient et se tend la main, et rit, et s'enfuit — et revient.
Tout va, tout revient, la roue de l'existence tourne éternellement. Tout meurt, tout refleurit, le cycle de l'existence se poursuit éternellement.
Tout se brise, tout s'assemble à nouveau ; éternellement se bâtit le même édifice de l'existence. Tout se sépare, tout se salue de nouveau ; l'anneau de l'existence se reste éternellement fidèle à lui-même.
A chaque moment commence l'existence ; autour de chaque ici se déploie la sphère là-bas. Le centre est partout. Le sentier de l'éternité est tortueux." —
— "O espiègles que vous êtes, ô serinettes ! Répondit Zarathoustra en souriant de nouveau, comme vous saviez bien ce qui devait s'accomplir en sept jours : — et comme ce monstre s'est glissé au fond de ma gorge pour m'étouffer ! Mais d'un coup de dent je lui ai coupé la tête et je l'ai crachée loin de moi.
Et vous, — vous en avez déjà fait une rengaine ! Mais maintenant je suis couché là, fatigué d'avoir mordu et d'avoir craché, malade encore de ma propre délivrance.

 
 
a) Les animaux ont pris cette doctrine pour un simple constat, celui que le temps est courbe, comme si Z disait du temps qu’il va revenir, comme on énonce une propriété objective des choses. Mais la doctrine de l’ER, dit en fait Z, n’est pas une thèse cosmologique ou scientifique. Michel Onfray rappelait que N a tenté de fonder scientifiquement l’ER, mais n’y a pas réussi.  
Inutile donc, de prendre l’ER comme le constat que les atomes de l’univers se réarrangeront à nouveau mécaniquement comme ils l’ont déjà été. Ce n’est pas une thèse scientifique que N défend, ni même une nouvelle conception métaphysique du temps, qui viendrait après celles de Augustin ou Kant.  
 
Pour N, le temps n’est pas « courbe » ou « cyclique », comme le temps est une créature de Dieu pour Augustin ou une forme a priori du sens interne chez Kant. N ne se propose pas de mieux penser le temps que ne l’ont fait d’autres avant lui. Zarathoustra reproche à ses animaux d’avoir manqué l’ER en le pensant platement, comme s’il était une vérité du monde, comme si Z s’y référait comme à une doctrine ou à une théorie affirmant la réalité du retour de toutes choses –comme si cela constituait un donné.
 En réalité, l’ER est une doctrine, qui doit donc être compris mais au sens d’être incorporée, dramatiquement, comme une épreuve à laquelle nous sommes confrontés : es-tu capable de supporter cette pensée et d’affirmer qu’elle te réjouit ?  
--> La pensée de l’ER est bien un critère d’évaluation de notre évaluation sur la vie.
 
 
b) C’est là l’essentiel : la doctrine de l’ER combat en nous ce qui nous empêche d’approuver la vie, et cherche donc à chasser de notre vie ressentiments, remords, regrets. Celui qui aime la vie est capable de n’en vouloir ni au passé, ni au présent ni à l’avenir. Il ne reproche plus au monde d’être comme il est.  
L’ER est donc une doctrine qui vise à chasser le ressentiment de notre esprit, à débarrasser la mémoire de son « re-sentiment ». C’est donc un remède, au même sens que le tetra-pharmakon d’Epicure. C’est un remède contre les jugements négatifs sur la vie.  
C’est certainement, dans l’idée de N, une doctrine qui pourrait prendre la place de la foi en Dieu, mort désormais. La place laissée vide par Dieu (celle d’une foi inconditionnelle en une réalité suprême) pourrait être prise par l’ER, qui constituerait ainsi une foi nouvelle permettant de surmonter le nihilisme, c'est-à-dire encore une valeur suprême qui ne serait plus supérieure à la vie.  
A ce stade je dirais qu’à la limite, peu importe de savoir de quoi l’ER est retour… De l’identique ? du même ? de la vie ?
L’ER est éternel retour… de l’éternel retour, et voilà tout ! ;)
En dire plus serait en dire presque trop. C’est l’éternel retour de la vie, ou de la volonté de puissance, ou de la joie (c'est-à-dire de la suprême béatitude de l’amour de la vie).  
 
c) Toutefois, on conçoit bien que le retour de toutes choses ne vaut pas à l’identique, sans quoi tout se vaudrait également : l’ER ne serait alors bien que cette rengaine. Or, s’il faut une force vitale suprême, un sentiment de béatitude, pour supporter la pensée de l’ER, on conçoit que cette doctrine ne soit pas pour tous. En particulier, impossible de supporter l’ER si l’on vit principalement dans la crainte, la peur, le regret etc. Qui voudrait revivre une infinité de fois ses malheurs et ses échecs ?...
L’ER est ultimement une pensée de la joie. Comme le dit le dernier des hommes (en Z, IV), « la joie est plus profonde que la peine » (formule variable selon les traductions). Seule la joie peut vouloir l’éternité, et peut se vouloir elle-même infiniment. La peine au contraire, est vouée à disparaître, car elle ne peut se vouloir elle-même à l’infini –sauf à ne plus être la peine mais à se transfigurer en joie.  
Dès lors, comment l’ER serait-il ER de l’identique ? Comment pourrait-il ne pas y avoir de sélection du bon et du mauvais ? Comment le mauvais pourrait-il avoir autant de valeur à revenir que le bon ?
Nous retrouvons ici la lecture de Deleuze écartée par Michel Onfray : l’ER ne serait-il pas une épreuve de sélection du bon sur le mauvais, du haut sur le bas, de la joie sur la peine ? N’est-il pas l’épreuve qui nous chasse hors de nous les peines, en un mouvement centrifuge ?
 
--> Il y aurait alors contradiction entre l’ER comme retour à l’identique, et l’ER comme épreuve de sélection, où ce sont de nouvelles joies qui ne peuvent cesser de se créer –ER donc de la différence qui sélectionne sans cesse et ne retient que ce qui peut se répéter infiniment : pour parler avec Deleuze, répétition de la différence.  


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n°19703345
rahsaan
Posté le 01-09-2009 à 17:22:35  profilanswer
 

 TROIS ASPECTS DE L'ÉTERNEL RETOUR (suite et fin)
 
C) L’ER comme expérimentation
 
a) J’ai dit dans une première partie que l’ER était une épreuve qui nous amenait à supporter le retour de notre vie à l’identique et à y approuver totalement. J’ai dit ensuite que c’était non une thèse cosmologique ou métaphysique mais une doctrine et un remède. Toutefois, cela reste encore insuffisant de prendre l’ER pour un remède à la maladie du nihilisme et du ressentiment. C’est en cela que Nietzsche prétend dépasser la pratique de la philosophie comme médecine de l’âme. Le philosophe ne fait pas guérir les troubles de l’esprit.  
Pour cela, je m’appuie sur la fin du dernier § du Crépuscule des idoles (dans une partie intitulée « Ce que je dois aux Anciens ») :  
« […] La psychologie de l’orgiasme comme d’un sentiment de vie et de force débordante, dans les limites duquel la douleur même agit comme stimulant, m’a donné la clef pour l’idée du sentiment tragique, qui a été méconnu tant par Aristote que par nos pessimistes. La tragédie est si éloignée de démontrer quelque chose pour le pessimisme des Hellènes au sens de Schopenhauer qu’elle pourrait plutôt être considérée comme sa réfutation définitive, comme son jugement. L’affirmation de la vie, même dans ses problèmes les plus étranges et les plus ardus ; la volonté de vie, se réjouissant dans le sacrifice de ses types les plus élevés, à son propre caractère inépuisable — c’est ce que j’ai appelé dionysien, c’est en cela que j’ai cru reconnaître le fil conducteur vers la psychologie du poète tragique. Non pour se débarrasser de la crainte et de la pitié, non pour se purifier d’une passion dangereuse par sa décharge véhémente — c’est ainsi que l’a entendu Aristote, mais pour personnifier soi-même, au-dessus de la crainte et de la pitié, l’éternelle joie du devenir, -cette joie qui porte encore en elle la joie de l’anéantissement... Et par là je touche de nouveau l’endroit d’où je suis parti jadis. — L’origine de la Tragédie fut ma première transmutation de toutes les valeurs : par là je me replace sur le terrain d’où grandit mon vouloir, mon savoir — moi le dernier disciple du philosophe Dionysos, — moi le maître de l’éternel retour…
 
 
b) Nietzsche oppose dans ce texte deux compréhensions du tragique.  
- La conception classique remonte au moins à la sagesse de Silène : mieux vaudrait ne pas être né. Et puisque nous sommes nés, le mieux que nous ayons à désirer est de sortir de cette vie mauvaise le plus vite possible.  
Calderon reprend ce thème dans La vie est un songe : notre seul malheur est d’être né. « El delito mayor del hombre es haber nacido » : le plus grand crime de l’homme est d’être né.
L’existence est donc un malheur, car naître est une faute. L’homme est voué à vivre une souffrance injuste. C’est la thématique de fond de Schopenhauer : le vouloir est en son fond souffrance, et cette souffrance n’a pas de sens ; elle est absurde. Donc ce que l’homme doit désirer, c’est de s’arracher autant que possible aux appétits féroces et destructeurs du vouloir-vivre. Il y parvient notamment par la contemplation esthétique désintéressée, surtout par la tragédie qui expose sans fard le fond injuste et absurde du vouloir, et par la musique, laquelle rejoue tout le thème du vouloir et nous en arrache provisoirement. (Le paradoxe est ce que ce qui nous fait souffrir dans la vie procure du plaisir quand on le contemple à distance.)
 
Dans cette acception du tragique, la tragédie au théâtre met en scène crûment la condition mauvaise, malheureuse et misérable de l’homme, en nous le présentant victime d’un destin écrasant dont il périt pour expier ses fautes. Le spectacle agit alors comme une catharsis, dans l’interprétation d’Aristote : le spectateur se purge de ses passions excessives en compatissant à la mort du héros, victime de son hybris. Par la pitié, il éprouve ce qu’éprouve le héros et s’en désole, tandis que par la terreur, il repousse cet être et son crime avec effroi, et se met à distance de lui. Ce mélange de deux passions (ce cocktail explosif !) est un remède collectif, une thérapie de groupe pourrait-on dire.  
La tragédie s’inscrit dans un temps cyclique : une faute originelle (inceste, meurtre) bouleverse l’ordre du mal en apportant un excès qui est le mal. Cette faute se transmet ensuite sur plusieurs générations, chacune étant frappée de malheurs (les dieux rendant les hommes fous de démesure et les punissant ensuite d’avoir voulu les égaler, afin de faire payer à la descendance le crime de l’ancêtre), puis vient le moment de la rédemption, quand le crime originel a été expié dans le sang et la douleur.  
Cette structure cyclique se retrouve dans chaque tragédie : faute originelle, souffrance et expiation (donc retour à l’ordre naturel des choses).  
(Il est d’ailleurs à noter que la conception aristotélicienne de l’être est strictement anti-tragique, puisqu’elle affirme que chaque chose est bonne, du seul fait qu’elle existe -toute puissance d’exister est bonne-, et que le tout de l’ordre concourt vers un bien. C’est donc une philosophie aux antipodes de l’affirmation du malheur de l’existence.)
 
 
c) Nietzsche prétend dépasser cette conception du tragique pessimiste. Comme nous l’avons vu, c’est la douleur qui est le problème central du tragique : pourquoi souffrons-nous ? Pourquoi souffrons-nous sans raison ?
Nietzsche affirme quant à lui que la souffrance ne saurait constituer une objection contre l’existence. Sans vie, pas de souffrance, sans souffrance pas de vie. La souffrance est consubstantielle aux vivants. Là où le pessimisme distingue entre des aspects désirables et des aspects repoussants de la vie, quitte à réduire ultimement tout bien à une illusion futile nous masquant un mal fondamental, Nietzsche prétend pour sa part que tous les aspects de la vie, les plus nobles comme les plus répugnants, les plus beaux comme les plus laids, se tiennent ensemble : ils sont solidaires à tels points que les "bons" instincts vitaux (forts, conquérants, créateurs) ne pourraient se développer sans les "mauvais" (avidité, haine, jalousie, agressivité etc.).  
Ce qu’il reproche au pessimisme, et à l’interprétation d’Aristote, c’est leur interprétation morale de la tragédie. En effet, cette lecture du tragique suppose qu’il est possible de distinguer dans l’absolu entre un bien et un mal, et que le mal constitue un malheur. Or, Nietzsche entend montrer que ce n’est qu’une interprétation, qu’une option prise sur la vie, qu’une perspective sur le devenir. En prétendant au contraire qu’il est impossible que la vie perdure et s’accroisse sans le « mal », sans les mauvais instincts, il s’efforce de démontrer la superficialité du pessimisme de ses prédécesseurs, en leur montrant qu’ils ont été dualistes dans leur vision de la vie, et que leur dualisme n’est à aucun moment justifié ni mis en question –comme s’il allait de soi qu’on puisse priver la vie de ses aspects les plus repoussants, sans du même coup la tuer.
Nietzsche substitue alors à ce pessimisme moral qui croit au bien et au mal, sa propre interprétation de la vie par-delà le bien et le mal, interprétation qui ne préjuge de ce qui est nécessaire ou non à la vie, et qui se permet donc ce soupçon : et si la vie ne pouvait perdurer sans ses excès les plus tragiques et les plus violents ? Et si l’humanité n’était pas capable de vivre sans ses crimes, ses prédations, ses forfaits ?  
Si nous n’étions pas excités à combattre, à lutter, à réunir nos forces pour nous opposer à des forces antagonistes, nous aurions peut-être dépéri depuis longtemps. En particulier, la souffrance peut constituer une épreuve où peut s’affirmer la vitalité de l’individu, dans sa résistance face à la maladie, la douleur…  
 
--> Les interprétations pessimistes ont donc préjugé de la valeur morale de la vie, en connotant négativement certains aspects, et positivement d’autres –mais sans que cette bipartition soit justifiée. Nietzsche prétend ainsi avoir, dès la Naissance de la tragédie (traduite dans le texte par "Origine de la tragédie" ), dépassé ce point de vue moral pour montrer la solidarité profonde des instincts antagonistes de l’apollinien et du dionysiaque. Il montre ainsi la cohérence de sa pensée du début à la fin.  
 
 
c) Qu’en est-il alors de l’éternel retour ?
Comme nous l’avons vu, c’est une doctrine. Or, cette doctrine doit agir comme instrument de sélection, pour sélectionner des hommes capables de vivre selon cette foi-là, la foi en le royaume de la terre, dit Zarathoustra. Ces hommes qui vivent selon un ensemble de perspectives structurées par la figure du surhumain, sont capables de s’affranchir du bien et du mal, c'est-à-dire d’une interprétation absolutisante des valeurs vitales, et également du bien et du mal en vigueur dans leur société : ils sont donc capables d’accepter la vie dans tous ses aspects, et de supporter l’idée de leur retour. Ils s’affranchissent ainsi de la morale, pour constituer leur morale, leur bien et leur mal, leurs propres normes de vie personnelles.
La question de l’éternel retour devient ainsi une expérimentation : qu’est-ce qui, pour toi, est bon et mauvais ? Quelle vie veux-tu vivre pour être capable d’imaginer la revivre à jamais ? Quelles sont tes normes de vie ? Qu’es-tu prêt à accepter de toi ? Que t’interdis-tu, à quoi t’obliges-tu, que te permets-tu, et que considères-tu comme un vice ?
 
S’affranchissement des normes communes de vie, l’individu devient capable de s’affirmer librement. Pour Nietzsche, l’exemple paradigmatique d’une vie sous le signe de l’affirmation de la vie est la culture grecque : importance en particulier du culte de la sexualité comme vie débordante, pleine d’ivresse et de joie au retour printanier de la vie. Lucrèce ne parle pas d’autre chose quand il invoque Vénus au début de son poème.  
Les Grecs ne sont toutefois qu’un exemple, qu’une réussite, et Nietzsche entend œuvrer à ce qu’il y en ait bien d’autres à l’avenir. L’ER est donc l’affirmation du caractère sans cesse créateur et surabondant de la vie. Faire advenir de nouveaux types d’hommes, plus forts, plus assurés, plus sereins, créer de nouvelles valeurs : voilà la visée de l’ER. En ce sens, il est bien sélectif et créateur de nouveautés.  
On comprend que Nietzsche ait fini par affirmer (dans Ecce Homo) l’antagonisme entre pensée pessimiste et pensée tragique : la pensée pessimiste de Schopenhauer a tout simplement méconnu la nature du tragique, qui n’est pas désespoir résigné, mais affirmation de la joie incommensurable de la vie.  
 
 
d) Ainsi, la pensée de l’ER est-elle pensée du retour de l’identique : quelle vie veux-tu telle que tu puisses la vouloir et la revouloir intégralement ?  
Mais l’expérimentation menée selon cette valeur (= cette discipline de vie) qu’est l’ER est créatrice de nouveautés (de différences dans le langage de Deleuze).  
 
--> L’erreur consisterait ainsi à faire de l’ER un problème uniquement théorique et à ne s’en tenir qu’au contenu de pensée qu’il offre comme épreuve.  


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°19723229
bronislas
Posté le 03-09-2009 à 09:38:56  profilanswer
 

Merci ! Super initiative ! Je m'en vais lire ça tout de suite.  [:simonh14]


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Librarything|Last.fm|RYM
n°19824843
l'Antichri​st
Posté le 12-09-2009 à 10:05:23  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Si la présence n'est pas ce vers quoi la trace fait signe, si elle est "trace de la trace", n'est-elle pas son contraire, à savoir l'absence ? La présence n'apparaîtrait poétiquement que dans l'effacement : la poésie du monde nous apparaît présente quand elle nous échappe.
Or, il est vrai qu'il y a une présence de l'absence : ainsi les morts regrettés sont-ils encore présents à nous par leur absence même. Ils sont présents à nous en tant que disparus dont le manque ne peut être comblés.  
 
Toutefois, il n'y a pas de présence que de l'absence. Il y a des gens qui ont une présence / une prestance, une façon d'être là qui se remarque et qui s'impose : c'est leur charisme ou au contraire le sentiment de malaise qu'ils suscitent, qui fait qu'on ne peut les ignorer. Il y a une présence excessive de leur personne, un trop-plein qui est plus que leur simple position physique en un endroit. C'est comme une aura qui nimbe leur personne.  
Il y a une présence qui n'est pas celle de l'absence.  
 
De plus, cette présence est à peine maîtrisable. Elle s'impose ou échoue à s'imposer (comme dans le cas de quelqu'un qui veut se faire remarquer et qui passe inaperçu). Mais peut-elle techniquement se maîtriser ? On peut apprendre à s'imposer en public, mais pouvons-nous entièrement maîtriser notre présence au monde ? Y a-t-il une technique consistant à se rendre présent aux choses et à nous rendre les choses présentes ? L'homme habite le monde en poète. L'habitat requiert une technique, la poésie aussi, mais le fait même d'habiter est-il d'ordre technique ? Je ne crois pas.  
Plutôt que trace de la trace, la présence ne serait-elle pas inscription mutuelle de notre conscience et du monde ? Je m'inscris dans le monde, par mon regard, mes gestes, et je rends le monde conscient par mon être auprès de lui. Si la présence ne nous est finalement présente que par un geste de retrait qui laisse l'être se dévoiler, elle n'est donc pas technique (elle advient dans un geste de retrait du geste qui s'impose au monde : or ce retrait n'est pas techniquement maîtrisable ; le fait de lâcher prise ne fait pas automatiquement advenir l'être en sa présence).


 
Tout ceci est intéressant, mais me suggère les remarques suivantes. Pour comprendre "ce qu’est" la présence chez Heidegger, il faut précisément aller au-delà du concept de "phusis".
 
Comme "l’Un" plotinien, la présence est privation de tout : sa phusis est donc la façon la plus fidèle d’en parler, c’est ce que notre modernité nomme un concept opératoire, c’est-à-dire une concession du discours par laquelle il nous faut nécessairement passer. Parler de la phusis de la présence, c’est parler de sa fonction à laquelle elle ne se réduit pas. Ainsi "l’essence" de la présence est la parfaite coïncidence de la substance et du désir, c’est-à-dire le désir de soi, la pure adéquation à soi compatible avec la production de l’autre.
 
La présence est pur désir de soi et elle se communique comme puissance. La présence ne reçoit rien d’autre qu’elle-même. Son désir de soi n’incorpore aucune orientation vers l’extérieur. Elle ne doit rien à sa fonction causale. L’être qui est le sien, c’est l’energeia, c’est l’acte tourné vers soi. La présence est un acte qui ne renvoie à rien d’autre qu’à soi-même. La présence et son acte font une seule et même chose. C’est dire que le mode d’être de la présence, sa "vérité" dans le langage de la métaphysique, c’est son mystère, c’est-à-dire son oeuvre, voire son chef-d’oeuvre comme origine : la présence est ce vers quoi tendent tous nos efforts dans l’existence, mais nous ne pouvons l’atteindre parce que ces efforts au contraire consistent à se placer dans le mouvement de venue de l’origine et non de remonter le courant vers le fondement (aucune explication métaphysique ne pourra jamais traduire la lumière dans le fini).
 
C’est cela le sens de la "transcendance" chez Heidegger : seule la présence est réellement elle, toute autre chose que la présence a une cause, est multiple et est susceptible de prédication. Le mystère de la présence est toujours ce que nous essayons en vain de traduire dans la discursivité, c’est-à-dire la solitude parfaite d’identité à soi qui place la présence en transcendance par rapport au multiple, tandis que le multiple ne s’émancipe pas de la présence, mais ne peut justement que se traduire par le désir de soi, par la puissance extériorisée de communication de la puissance, c’est-à-dire la pensée ou la technique. La technique, c’est le désir de la présence médiatisée, la forme démultipliée de la présence. La pensée ou la technique est la présence pris dans l’image de sa multiplicité. La présence est l’origine de sa procession ou plutôt la pensée est contemplation vers la présence. La présence est le mouvement même, le dynamisme de la technique, de cette relation d’étant à être.
 
La présence n’est pas intelligible, mais elle demeure dans la pensée sous la forme d’une trace particulière. Ce que nous pensons garde la trace de la présence et cette "trace de la trace" est la fin véritable de tous nos objets de pensée. Pour saisir la présence il faut donc convertir la pensée en non-pensée. Il faut dépasser la distinction intelligence / intelligible, bien que celle-ci soit la condition de toute pensée et de tout langage. La présence a le visage du rien, elle est le cap dont nous sommes le capitaine. Nous devons tenir le cap, c’est-à-dire juste croire que nous possédons le mystère. La présence n’est pas intelligible, elle "n’est pas", mais doit se "temporaliser" : elle est l’élan par lequel nous nous inscrivons dans l’être, par lequel nous l’assumons. Au-delà de toute technique, la présence est ce qui nous touche, ce qui nous transporte et que nous ne pouvons jamais dominer ni maîtriser, c’est la nature inachevée, constamment renouvelée, c’est-à-dire l’unité du monde, ressentie émotivement, l’unité ek-statique de la Vie s’auto-affectant…

Message cité 1 fois
Message édité par l'Antichrist le 13-09-2009 à 09:53:20
n°19826837
neojousous
Posté le 12-09-2009 à 15:33:08  profilanswer
 

Je vois que ça parle toujours autant de Nietzsche par ici, et que Rahsaan arrive à faire plus long que l'AC désormais. ;)

n°19865029
alcyon36
Posté le 16-09-2009 à 00:30:50  profilanswer
 

Coucou Neo,
où en est ton travail de recherche sur le temps?


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°19867319
Mine anti-​personnel
Posté le 16-09-2009 à 10:27:26  profilanswer
 

l'Antichrist a écrit :

La présence n’est pas intelligible, mais elle demeure dans la pensée sous la forme d’une trace particulière. Ce que nous pensons garde la trace de la présence et cette "trace de la trace" est la fin véritable de tous nos objets de pensée.

On dirait que c'est surtout Derrida qui a laissé des traces sur ta lecture de Heidegger. Concernant ce dernier, il y a quelque chose de décevant chez lui dans la mesure où on lit des centaines de pages qui nous expliquent ce que l'être n'est pas, qu'on l'a toujours confondu avec l'étant et au moment d'apprendre enfin ce qu'est le beau, le vrai, l'unique Etre, c'est toujours: rendez-vous au prochain épisode. L'Etre chez Heidegger est comme l'identité du n°1 dans le Prisonnier, ou le signifiant vide chez Lacan: d'autant plus puissant, central, organisateur de tous les étants qui sont autour de lui qu'il est lui-même creux, vide, évidé, non-existant.

l'Antichrist a écrit :

Pour saisir la présence il faut donc convertir la pensée en non-pensée.

Je te défie de développer ce point.

l'Antichrist a écrit :

La présence a le visage du rien

Pas seulement le visage; la présence est rien. Plutôt que d'utiliser le "charabia de l'inauthenticité" comme dit Habermas faisant espérer l'expérience d'une présence dans les termes d'une mauvaise poésie, pourquoi ne pas franchir carrément le cap et dire que la présence est en fait une absence, que nous tentons de combler par les traces d'une présence originaire dont nous gardons la nostalgie d'autant plus irrépressible que cette présence a, de tout temps, toujours été "plus là". Le travail de la pensée se déplace alors de la présence vers les traces et renvois constituant cette illusion nécessaire.
Il me semble que c'est ce pas que franchit Derrida. Il faut passer de l'ontologie, science douteuse de la Présence, à la grammatologie, science de l'Absence par le relevé de ses traces.

Message cité 2 fois
Message édité par Mine anti-personnel le 16-09-2009 à 11:30:44
n°19867904
rahsaan
Posté le 16-09-2009 à 11:18:58  profilanswer
 

Mine anti-personnel a écrit :

Il me semble que c'est ce pas que franchit Derrida. Il faut passer de l'ontologie, science douteuse de la Présence, à la grammatologie, science de l'Absence par le relevé de ses traces.


 
Mais en faisant un tel relevé de traces, sort-on du mythe de l'origine toujours déjà perdue, de la nostalgie de l'être et de la présence obsédante de l'absence ?


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°19868094
Mine anti-​personnel
Posté le 16-09-2009 à 11:31:56  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
Mais en faisant un tel relevé de traces, sort-on du mythe de l'origine toujours déjà perdue, de la nostalgie de l'être et de la présence obsédante de l'absence ?


Je ne sais pas si on en sort mais on en prend conscience comme mythe.

mood
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Posté le 16-09-2009 à 11:31:56  profilanswer
 

n°19868263
rahsaan
Posté le 16-09-2009 à 11:44:54  profilanswer
 

Mine anti-personnel a écrit :


Je ne sais pas si on en sort mais on en prend conscience comme mythe.


 
D'accord.  
Au fond, la philosophie ne cesse d'être hanté par ses mythes. La démythification n'est-elle pas un autre mythe ?  
 
 
 
Pour repartir sur Heidegger et l'être, ce que j'en comprends, c'est que son interrogation n'est pas ultimement métaphysique, au moins dans Etre et Temps.  
L'être n'est pas un étant, mais, comme on sait, il est à la charge du Dasein. Le Dasein a la responsabilité de l'Etre : or, la plupart du temps ("de prime abord et le plus souvent" ), le Dasein ne prend pas cette charge sur ses épaules. Il vit irrésolu, comme s'il était un autre. Ce n'est qu'en acceptant ce poids de la question de l'Etre que le Dasein s'arrache à la médiocrité du "On", et qu'il devient proprement lui-même.  
L'être "est" ainsi l'instance de détermination de notre rapport à l'étant en tant que tel. Seul l'étant est réel, effectif. L'Etre n'est rien d'étant, mais l'Etre est la garantie que l'homme garde un pouvoir de détermination de la nature de l'étant : l'étant est-il la créature de Dieu et la preuve de Sa grandeur ? une simple combinatoire mécanique ? un fonds de réserve pour un usage technique ?...
 
L'être garantit donc la préservation pour l'homme d'une possibilité de s'orienter librement face à l'étant. L'interrogation sur l'être aboutit à se demander ce que nous disons quand nous disons l'étant : voulons voir ce qui est ? le glorifier ? le manipuler ?...  
Ce qui a de l'importance pour Heidegger, c'est la prise de conscience de cette charge qui échoit à l'homme. Cette conscience de cette possibilité d'accès à l'étant (qui est propre à l'homme en tant qu'il est configurateur de monde*) détermine notre présence au monde. Etre présent au monde, c'est être présent auprès de l'étant, à la bonne distance : ni dans le refus de ce qui est, ni dans l'obnubilation pour les choses.  
Cette présence ayant lieu dans une juste distance, elle est aussi bien la sérénité.  
L'être exige ainsi une question, et débouche sur une attitude de résolution sereine. C'est par la charge de l'être que le Dasein est vraiment présent au monde.  
 
 
 
*Voir Les concepts fondamentaux de la métaphysique, pour la théorie heideggerienne de la différence homme/animal. L'animal est pauvre en monde et n'a pas accès à l'étant. Seul l'homme peut dire "ceci est ceci" : il est ouvert à l'étant.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 16-09-2009 à 11:50:10

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n°19869112
l'Antichri​st
Posté le 16-09-2009 à 12:59:48  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
D'accord.  
Au fond, la philosophie ne cesse d'être hanté par ses mythes. La démythification n'est-elle pas un autre mythe ?  
 
 
 
Pour repartir sur Heidegger et l'être, ce que j'en comprends, c'est que son interrogation n'est pas ultimement métaphysique, au moins dans Etre et Temps.  
L'être n'est pas un étant, mais, comme on sait, il est à la charge du Dasein. Le Dasein a la responsabilité de l'Etre : or, la plupart du temps ("de prime abord et le plus souvent" ), le Dasein ne prend pas cette charge sur ses épaules. Il vit irrésolu, comme s'il était un autre. Ce n'est qu'en acceptant ce poids de la question de l'Etre que le Dasein s'arrache à la médiocrité du "On", et qu'il devient proprement lui-même.  
L'être "est" ainsi l'instance de détermination de notre rapport à l'étant en tant que tel. Seul l'étant est réel, effectif. L'Etre n'est rien d'étant, mais l'Etre est la garantie que l'homme garde un pouvoir de détermination de la nature de l'étant : l'étant est-il la créature de Dieu et la preuve de Sa grandeur ? une simple combinatoire mécanique ? un fonds de réserve pour un usage technique ?...
 
L'être garantit donc la préservation pour l'homme d'une possibilité de s'orienter librement face à l'étant. L'interrogation sur l'être aboutit à se demander ce que nous disons quand nous disons l'étant : voulons voir ce qui est ? le glorifier ? le manipuler ?...  
Ce qui a de l'importance pour Heidegger, c'est la prise de conscience de cette charge qui échoit à l'homme. Cette conscience de cette possibilité d'accès à l'étant (qui est propre à l'homme en tant qu'il est configurateur de monde*) détermine notre présence au monde. Etre présent au monde, c'est être présent auprès de l'étant, à la bonne distance : ni dans le refus de ce qui est, ni dans l'obnubilation pour les choses.  
Cette présence ayant lieu dans une juste distance, elle est aussi bien la sérénité.  
L'être exige ainsi une question, et débouche sur une attitude de résolution sereine. C'est par la charge de l'être que le Dasein est vraiment présent au monde.  
 
 
 
*Voir Les concepts fondamentaux de la métaphysique, pour la théorie heideggerienne de la différence homme/animal. L'animal est pauvre en monde et n'a pas accès à l'étant. Seul l'homme peut dire "ceci est ceci" : il est ouvert à l'étant.


 
Je suis au travail, mais oui cette réponse rend justice à Etre et temps... mais non à cette "nostalgie" de l'être qui va bien au-delà de la subjectivité du Dasein... et peut-être de Heidegger aussi...


Message édité par l'Antichrist le 16-09-2009 à 13:03:45
n°19908457
_tchip_
Posté le 20-09-2009 à 02:15:17  profilanswer
 

Bonsoir certain d'entre vous connaissent ils  l'émission "les nouveaux chemins de la connaissance" sur France culture ?  
 
Il y a quelques mois était soutenue l'affirmation "c'est le fait que nous ne sommes pas éternel qui nous donne notre identité"...
 
Malheureusement l'argumentation m'a un peu échappé, est ce que cela vous dis quelque chose ? :(


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J'adore la France, dans 20-30 ans y en aura plus.
n°19908760
l'Antichri​st
Posté le 20-09-2009 à 08:10:48  profilanswer
 

Mine anti-personnel a écrit :

On dirait que c'est surtout Derrida qui a laissé des traces sur ta lecture de Heidegger. Concernant ce dernier, il y a quelque chose de décevant chez lui dans la mesure où on lit des centaines de pages qui nous expliquent ce que l'être n'est pas, qu'on l'a toujours confondu avec l'étant et au moment d'apprendre enfin ce qu'est le beau, le vrai, l'unique Etre, c'est toujours: rendez-vous au prochain épisode. L'Etre chez Heidegger est comme l'identité du n°1 dans le Prisonnier, ou le signifiant vide chez Lacan: d'autant plus puissant, central, organisateur de tous les étants qui sont autour de lui qu'il est lui-même creux, vide, évidé, non-existant.


 

Mine anti-personnel a écrit :

Je te défie de développer ce point.


 

Mine anti-personnel a écrit :

Pas seulement le visage; la présence est rien. Plutôt que d'utiliser le "charabia de l'inauthenticité" comme dit Habermas faisant espérer l'expérience d'une présence dans les termes d'une mauvaise poésie, pourquoi ne pas franchir carrément le cap et dire que la présence est en fait une absence, que nous tentons de combler par les traces d'une présence originaire dont nous gardons la nostalgie d'autant plus irrépressible que cette présence a, de tout temps, toujours été "plus là". Le travail de la pensée se déplace alors de la présence vers les traces et renvois constituant cette illusion nécessaire.
Il me semble que c'est ce pas que franchit Derrida. Il faut passer de l'ontologie, science douteuse de la Présence, à la grammatologie, science de l'Absence par le relevé de ses traces.


 
Non, vous n’y êtes pas du tout ! Comme beaucoup, vous réduisez la "trace de la trace" ou le "signe du signe" (dans un langage kantien, Derrida n’a jamais eu le monopole de cette question…) à une absence pure et simple, un néant, ce qui est une trahison, à la fois de la pensée de Heidegger et celle de Derrida, mais plus gravement un déni du préalable imaginaire, sinon originant, du moins à l’origine, qui structure notre "être-au-monde" : la question de l’être, qui ne nomme aucun étant particulier, loin d’être un "chemin qui ne mène nulle part", est au contraire le labyrinthe (ça au moins je vous le concède) d’une vérité radicale, l’héritage grec que nous devons assumer, nous réapproprier comme vérité à cause de l’erreur, c’est-à-dire dépasser pour assurer la possibilité d’un nouveau commencement. Car l’expérience de l’éclosion de l’être, du déploiement initial par lequel tout étant vient au paraître, du surgissement de l’être antérieur à sa pensée, a pourtant besoin de la parole et du discours pour être prise en compte par la conscience et s’inscrire dans l’histoire de la pensée occidentale, ce qui signifie bien que l’ontologie consiste ici à restituer, non la pensée, mais les impensés de ces paroles, l’essence impensée de la pensée de l’être qui est recouvrement dans le langage de ce qui recèle l’origine en ouvrant un commencement. La présence est unité du commencement et du commandement (aucune dualité même logique), c'est un principe vide et donc nécessaire. C'est en cela qu'elle est arhkê, origine, car ce sont les choses qui sont en elle, qui font retour vers elle. Le Dasein a le sens de l'être, c'est-à-dire qu'il se saisit comme appel de sa cause de sorte que le commencement comme conversion vers l'être commande toute la suite qui ne tient que par ce commencement qui continue. Le Dasein n'est pas fin de l'être, mais le requiert car toute production trouve son origine dans une contemplation. C’est dans votre bouche que la présence devient muette, vidée de ses résonnances initiales, précisément parce que vous croyez encore que les paroles de l’être renferment une pensée qu’il suffirait de délivrer par une traduction adéquate. Pour tenter de vous faire comprendre de quoi il retourne dans ce questionnement ontologique, dans cette parole originaire de l’être, il convient donc de s’avancer à la rencontre de ce questionnement, de cette parole, de cette "trace de la trace", afin de rechercher, non la pensée qu’elle contiendrait, mais l’expérience impensée qu’elle rendrait possible. La présence est une rencontre !
 
A développer…


Message édité par l'Antichrist le 20-09-2009 à 14:52:41
n°19908811
l'Antichri​st
Posté le 20-09-2009 à 09:05:59  profilanswer
 

_tchip_ a écrit :

Bonsoir certain d'entre vous connaissent ils  l'émission "les nouveaux chemins de la connaissance" sur France culture ?  
 
Il y a quelques mois était soutenue l'affirmation "c'est le fait que nous ne sommes pas éternel qui nous donne notre identité"...
 
Malheureusement l'argumentation m'a un peu échappé, est ce que cela vous dis quelque chose ? :(


 
Cette affirmation pourrait très bien coïncider avec l'essence du Dasein heideggérien. Pour Heidegger la conscience tient en même temps la vie et la mort. C'est parce que la conscience fait vivre l’homme d’une vie tout à fait singulière par rapport aux autres objets du monde. Contrairement aux "étants sous la main", qui sont caractérisés par leur utilité, le Dasein se projette. L’homme vit la temporalité sous le mode du projet : "Dans une semaine, je pars au Mexique", "Dans une heure, j’irai jouer au tennis", "dans deux ans j'aurai fini ma thèse", etc... Dans ces pensées, je présuppose que je serai encore vivant. Mon existence est donc vécue sur le mode du projet. C’est le futur qui donne du sens au présent et non le passé. Le projet suppose un horizon infini de possibilités d'exister. C'est pourquoi, l’homme qui se caractérise par le projet vit difficilement la pensée de la mort, en tant qu’expérience qui ferme les possibles. La mort apparaît comme l’événement qui ferme tous les possibles. Elle est la "possibilité de l’impossibilité même de l'existence". Dire alors que l’homme est un "être-pour-la-mort", comme le fait Heidegger, c’est dire qu’il est un être qui meurt, qui sait qu’il va mourir et qui dès sa naissance est assez vieux pour mourir. C’est dans ce cadre que prend place la réflexion de Heidegger sur l’angoisse : dans la prise de conscience de la possibilité de sa propre mort, l’homme expérimente qu’avec la mort se ferme l’horizon de tous les possibles, de tous les projets. Il s’agit alors de réfléchir sur la nature de cette expérience qui apparaît singulière. La non-naturalité du Dasein tient essentiellement en ce qu’il n’a pas une nature figée mais est toujours hors de lui-même : il est projet, transcendance, ek-sistence. La prise de conscience de ma mort ferme cette ouverture fondamentale du Dasein. Cette expérience de la mort permet de prendre conscience que nous sommes des condamnés à mort dont l’heure est incertaine. C’est ainsi que je sais que "je" suis. C’est en ce sens que l’homme est un "être-pour-la-mort" : la mort ne se produit pas quand il cesse de vivre mais en fait à chaque instant. "L’homme meurt constamment tant qu’il n’est pas arrivé à son décès" (cf. Etre et Temps, section 48). L’expérience de la mort existe-t-elle ? Oui dans l’angoisse, c’est-à-dire dans la révélation affective que les choses pourraient ne pas être, que l’être est sous-tendu par le néant, qui est son fondement ultime. L’angoisse n’est donc pas un état pathologique, elle est l’expérience humaine fondamentale en ce sens qu’elle place affectivement l’homme en présence de son propre néant, c'est-à-dire de son identité, de sa finitude : loin de s'ajouter du dehors au Dasein comme angoisse, la mort en est la condition même. C'est l'essence même du Dasein, en tant qu'élan existentiel vers le possible, de réaliser toutes les possibilités de l'être, y compris celle de sa propre mort. "L'être-pour-la-mort" est la possibilité la plus intime, la plus authentique, du Dasein. Il s'y comprend enfin à partir de lui-même : "l'être-pour-la-mort" est la condition du soi-même, de l'ipséité qui est l'essence du Dasein.

Message cité 1 fois
Message édité par l'Antichrist le 20-09-2009 à 09:48:17
n°19921738
le vicaire
Posté le 21-09-2009 à 18:53:58  profilanswer
 

l'Antichrist a écrit :

Oui dans l’angoisse, c’est-à-dire dans la révélation affective que les choses pourraient ne pas être, que l’être est sous-tendu par le néant, qui est son fondement ultime.


 
donc l'Etre est essentiellement du non être. Que faites vous de cette puissante et belle notion de commencement ? Vous lui infligez le même traitement ou n'est-ce pas ce qui s'oppose le plus farouchement à tout nihilisme ?

Message cité 2 fois
Message édité par le vicaire le 21-09-2009 à 19:04:00
n°19922398
rahsaan
Posté le 21-09-2009 à 20:00:29  profilanswer
 

le vicaire a écrit :


 
donc l'Etre est essentiellement du non être. Que faites vous de cette puissante et belle notion de commencement ? Vous lui infligez le même traitement ou n'est-ce pas ce qui s'oppose le plus farouchement à tout nihilisme ?


 
 
Par où commencer ?
 
La question du commencement m'a toujours semblé ardue.  
En effet, par où commencer ?... Par quoi commencer ? Et si on commence mal, comment pourrait-on continuer et aller au bout ?  
Est-ce qu'on n'a pas toujours déjà commencé, avant même de s'en apercevoir ?  
Je peux commencer un régime, commencer un travail... Les lumières s'éteignent dans le théâtre, alors chut, ça va commencer... Mais si ça commence mal, ce n'est pas de bon augure pour la suite. Parfois, on ne sait pas par où commencer, quand on est submergé par une tâche et que mille problèmes pressent à la porte.  
Et quand "ça" commence à bien faire, c'est que "ça" s'éternise et qu'il est temps d'arriver au début de la fin...  
Enfin, on oublie souvent les commencements, quand ils ne sont pas glorieux, pour les mythifier en une origine authentique, sacrée. Où finit la croyance et où commence la superstition ?  
Et ça ne commence pas toujours quand et comme on voudrait, si bien que quand ça a déjà commencé et qu'on doit prendre le processus en cours.  
 
Peut-être que Différence et répétition de Deleuze commence vraiment au chapitre IV, quand il dit que la question du commencement a toujours été redoutable en philosophie et que pour commencer, on ne part pas d'un principe, mais qu'au contraire, on doit s'arracher à toute image pré-conçue, aux clichés et aux rengaines.  
 
Le commencement est par exemple assez difficile à distinguer du début. L'étude du Dasein par Heidegger donne des indications précieuses à ce sujet.  
 
 
Commencement et existence
 
Je crois que dans l'expérience de l'angoisse, c'est à dire du face à face avec le néant, le Dasein est amené à se saisir lui-même authentiquement, comme l'être pour le possible, en tant que pour le Dasein, la possibilité excède toujours en droit l'effectif (je ne meurs pas quand j'ai épuisé mes possibilités ; si Mozart avait vécu plus longtemps, il aurait écrit plus de morceaux) : le Dasein n'épuise jamais les possibles.  
Cette reprise de soi par soi constitue un commencement. La plupart du temps, je suis dans la facticité : le monde a commencé avant moi, il continuera après. Je commence à exister avant de le décider, je suis donc la plupart du temps en retard sur mes propres possibilités, du fait des préocuppations qui m'assaillent.  
L'expérience de l'être-pour-la-mort dans Etre et Temps permet d'accéder à un véritable commencement, ou recommencement. Même si, paradoxalement, ce commencement ne vient pas dès le début, mais est plutôt l'aboutissement, la fin d'une expérience, celle de l'angoisse. Le commencement vient à la fin.  
 
Kant a ménagé pour l'homme la possibilité d'agir moralement, c'est à dire de pouvoirêtre la cause première d'une série de phénomènes : l'acte moral est bien un commencement. Heidegger fait l'économie d'un sujet et d'un en-soi moral, pour penser un être jeté au monde comme un étant parmi d'autres (le Dasein) qui est capable de se ressaisir comme Soi selon l'ordre des possibles. Là où la morale kantienne s'appuie sur le sujet, Heidegger s'appuie sur un soi qui peut exister soi authentiquement, soi inauthentiquement, et qui ne devient lui-même que par l'acte de se saisir selon un mode de l'être. La possibilité pour le Dasein de commencer véritablement à être lui-même n'est donc pas donnée d'avance, quoi qu'elle soit sa possibilité la plus haute.  
Disons que le Dasein débute mal, et c'est ensuite seulement, en s'arrachant à sa déchéance, qu'il peut véritablement commencer. On opposerait de ce fait le début, comme point d'où l'on part ou premier moment du processus, au commencement, dynamique qui imprime sa marque à toute l'action à venir et qui s'y prolonge jusqu'au bout (rapprochement à faire entre le commencement du processus et la résolution de celui qui s'y engage).  
 
 
Commencement et processus
 
Le début serait davantage un point ou un segment temporel, relativement extérieur au processus lui-même, tandis que le commencement est la genèse propre du processus, son élan de départ.
Il y aurait ainsi deux orientations à la notion de commencement : soit qu'on la "naturalise", en la considérant comme une dynamique vitale propre à tout processus créateur (à la façon de Bergson), ou qu'avec Heidegger, on en fasse une structure existentielle propre à cet étant qu'est le Dasein. L'action humaine se trouve alors replacée dans le tout d'un élan qui dépasse son auteur, une création qui passe par lui et le dépasse, ou bien l'action est envisagée comme une rupture par rapport à l'ordre habituel du monde et de la nature.
 
L'expérience du commencement est dans tous les cas une expérience du dépouillement, du retour à la simplicité, à la mise à nue de la vie dans l'action. Que ça commence bien ou mal, je m'engage dans quelque chose d'irréversible : le commencement de la tragédie enclenche la mécanique tragique qui conduit inexorablement à la fin.  
Quand je commence dans la vie active, j'en finis avec l'adolescence et ma vie passée.  
Le commencement est ainsi un achèvement, l'achèvement d'un ordre ancien. C'est plus profondément une nouvelle chance : la chance de repartir, de tout reprendre depuis le début, de recommencer à zéro.
 
 
Les âges de la vie et le commencement
 
Le commencement est à associer métaphoriquement au matin, à l'aurore, au soleil qui se lève : moment où tout est plein de promesses et où l'on réunit ses forces. A l'inverse, à vouloir s'en tenir à ce moment naïf et un peu onirique, on peut commencer bien des choses, sans s'atteler sérieusement à la tâche et donc sans les finir. Les enfants et les adolescents commencent beaucoup de choses (des jeux ou des projets) sans aller au bout, alors que la vie adulte est le moment où l'on peut construire quelque chose de A à Z.  
La vieillesse serait le moment où l'on ne peut plus rien commencer, où l'on n'a sa vie derrière soi : achèvement ou au mieux accomplissement. S'avouer vieux, c'est ne plus rien vouloir commencer ou recommencer, c'est ne plus voir d'avenir s'ouvrir à soi : repos après une vie bien remplie, ou défaite face au temps et à la fatigue.  
On ne peut sans doute pas commencer n'importe quoi à n'importe quel âge (un sport de haut niveau à 6 ans, des études de médecine à 77 ans...), mais il n'y a pas d'âge pour commencer quelque chose de nouveau. Le Dasein est toujours assez vieux pour mourir oui, mais également toujours assez jeune pour commencer quelque chose.
 
Le commencement est la promesse d'un accomplissement. Pour ne pas désespérer du commencement, il faut se tenir à ce qu'on entreprend et savoir aller au bout et terminer. Celui qui n'accomplit pas ne peut véritablement commencer.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 21-09-2009 à 20:49:51

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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°19922590
le vicaire
Posté le 21-09-2009 à 20:22:49  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


Est-ce qu'on n'a pas toujours déjà commencé, avant même de s'en apercevoir, d'en prendre conscience ?  
Je peux commencer un régime, commencer un travail... Mais si ça commence mal, ce n'est pas de bon augure pour la suite.


 
C'est pourquoi il nous faut être d'éternels (re) débutants, d'ailleurs c'est ce que je comprends aussi de ce qu'on appelle l'ipséité. Le Soi est ce qui toujours recommence dans le sens où si nous sommes à un terme, nous sommes toujours relié avec ce qui a commencé pour précisément recommencer.
Chez les Romains, le fondement, c'est-à-dire ce qui fait autorité avait à voir avec le commencement, un heureux commencement est un heureux présage (auctoritas se rattache à la racine augur) signe d'un achèvement heureux. Amor fati. ;)


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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°19922805
rahsaan
Posté le 21-09-2009 à 20:43:50  profilanswer
 

Message précédent édité. :o
 
> Le Vicaire : oui, c'est très juste. Il y a une circularité du commencement et de l'achèvement. Cela dit, le commencement ne présage pas de la suite : ça peut commencer fort, et continuer plus faiblement ; ça peut commencer bien et mal se terminer, ou ne pas se terminer du tout.  
Mais c'est vrai que l'homme a besoin qu'un commencement soit de bon augure, pour se donner de l'entrain pour la suite.
 
Par contre, je ne crois pas qu'il faille être d'éternels débutants. J'opposerais d'ailleurs le débutant au commençant, au sens où le débutant ne sait pas bien s'y prendre, et ne sait donc pas bien commencer : il marche à tâtons, il hésite, se trompe -là où l'expert, le professionnel, l'homme d'expérience commencent en se mettant aussitôt dans les bons rails et sont confrontés plus vite aux vraies difficultés, aux vrais obstacles, dont le franchissement les emmènera plus loin.

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 21-09-2009 à 20:45:52

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n°19927994
le vicaire
Posté le 22-09-2009 à 08:18:46  profilanswer
 

ce n'est pas tant de recommencer le commencement que de recommencer un commencement. Toute notre faculté de commencer quelque chose tient à ce qu'on pourrait appeler l'esprit de nouveauté. Nous sommes souvent désemparé face à la nouveauté, je pense notamment aux enfants comme étant ce qui remet en cause le plus fondamentalement nos croyances.  
A mon avis, quelqu'un d'expérimenter commence lui aussi, quand il entreprend quelque chose, à tâtonner mais peut être pas au même niveau qu'un débutant. Cela tient aussi à notre faculté d'étonnement, le mort de Heidegger est celui qui ne s'étonne plus d'être en vie alors que celui qui commence est celui qui s'étonne toujours de l'être. Arendt dit quelque chose de semblable : "En un certain sens, le monde est toujours un désert qui a besoin de ceux qui commencent pour pouvoir à nouveau être recommencé" Hannah Arendt "Qu'est-ce que la politique ?" - Fragment 4.


Message édité par le vicaire le 22-09-2009 à 08:21:08

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"Plus l'intérieur se corrompt, plus l'extérieur se compose"
n°19928160
fleur de m​uzique
Posté le 22-09-2009 à 09:06:28  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


Par contre, je ne crois pas qu'il faille être d'éternels débutants. J'opposerais d'ailleurs le débutant au commençant, au sens où le débutant ne sait pas bien s'y prendre, et ne sait donc pas bien commencer : il marche à tâtons, il hésite, se trompe -là où l'expert, le professionnel, l'homme d'expérience commencent en se mettant aussitôt dans les bons rails et sont confrontés plus vite aux vraies difficultés, aux vrais obstacles, dont le franchissement les emmènera plus loin.


et ce tour du monde??... :D

n°19929905
rahsaan
Posté le 22-09-2009 à 12:04:03  profilanswer
 

fleur de muzique a écrit :


et ce tour du monde??... :D


 
Ça commence en février.  :D


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n°19930401
pascal75
Posté le 22-09-2009 à 12:54:07  profilanswer
 

Je dirais, pour reprendre d'une autre manière ce qui a été dit, que le commencement se dit plutôt d'un processus en cours et que le début se dit d'une chose ou d'un etat de fait. On parle du début d'un livre, l'introduction, et du commencement de son écriture, il me semble. Souvent, l'écriture de l'introduction vient à la fin, une fois qu'on sait ce qu'on a voulu dire, alors qu'au commencement de l'écriture du livre, on va ou on peut au point ou on en est, c'est à dire rarement au début.
Mais le début, que ce soit celui d'un livre, son introduction, ou celui d'un plan de cinéma, doit être marqué, poser le problème ou l'image afin de les extraire de tout ce qui passe sans s'arrêter. On peut difficilement croire qu'on puisse écrire quoi que ce soit, ou créer, en commençant par le début, mais il en faut bien un, pourtant, pour donner une forme à l'oeuvre et lui donner une chance de saisir les choses dans leur mouvement en commençant par les arrêter.


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GAFA  We are stardust Billion year old carbon We are golden
n°19930812
rahsaan
Posté le 22-09-2009 à 13:35:28  profilanswer
 

Oui, on ne commence pas forcément par le début.


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n°19953556
fleur de m​uzique
Posté le 24-09-2009 à 10:44:28  profilanswer
 

rahsaan a écrit :


 
Ça commence en février.  :D


t'es dans les préparatifs alors...
comment t'as fait pour t'organiser vis à vis de l'EN? t'a commencé l'année? t'as demandé une année congé sans solde?
 
ps : qu'est-ce que c'est que cette citation? :whistle:


Message édité par fleur de muzique le 24-09-2009 à 10:45:45
n°19957604
rahsaan
Posté le 24-09-2009 à 15:47:31  profilanswer
 

J'ai demandé un mi-temps annualisé. Tu es payé à moitié toute l'année.


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n°19960442
l'Antichri​st
Posté le 24-09-2009 à 19:11:29  profilanswer
 

le vicaire a écrit :


Donc l'Etre est essentiellement du non être. Que faites vous de cette puissante et belle notion de commencement ? Vous lui infligez le même traitement ou n'est-ce pas ce qui s'oppose le plus farouchement à tout nihilisme ?


 
Vous allez trop vite en besogne, vous brûlez les étapes : la notion de commencement est effectivement fondamentale chez Heidegger (sous la forme de la transcendance, c’est-à-dire du saut de l’ontique vers l’ontologique, de l’inauthentique vers l’authentique), mais elle ne contredit nullement l’essence du Dasein comme "être-pour-la-mort". De plus, j’ajouterai que la dynamique de l’être dans l’angoisse manifeste, non la coupure entre le "début" et le "commencement" (comme si le début était un moindre être par rapport au "vrai" commencement), non celle du "commencement" et de "l’accomplissement" (comment le Dasein dans sa structure intime, ontologique, pourrait-il recéler en lui quelque chose qui le sépare de lui-même, ce qui d'ailleurs est confirmé par le fait qu'Heidegger n'accorde aucune supériorité ontologique à l'authentique sur l'inauthentique... ?), mais au contraire l’unité du commencement et du commandement. Le Dasein a toujours le "souci" de son existence, c’est là son mode d’être, ce qui le définit ontologiquement et s’actualise dans toutes ses possibilités. Le Dasein "existe à dessein de son existence", c’est-à-dire qu’il la comprend, l’assume puisqu’il en est proprement l’origine. Deslors la relation d’identité du Dasein est à comprendre à partir de la relation de principe : son être est une communication de puissance, c’est un principe vide, une dynamique processionnelle et démultipliante. C’est dire que son être, comme manière d’exister, ne s’arrête jamais : du point de vue de la causalité, pas de commencement et pas de fin. L’être du Dasein est toujours déjà cause. Son être n’est éloigné de rien sans être quelque part : il est partout en lui-même. Son être est présent en toute chose et n’est en aucune.
 
Ainsi, "commencer" cette existence pour le Dasein, c’est d’abord s’y rapporter sur le mode du Da, du déjà là. Sa première possibilité, déjà réalisée, c’est celle d’exister, d’être d’ores et déjà dans son existence, dans le monde, "être-dans-le-monde". Sans être un "accomplissement" (le vrai commencement serait une fin qui comprend son début, un perpétuel re-commencement), ni même un "début" (forcément inadéquate, mais promesse d'avenir), ce commencement ontologique se poursuit nécessairement comme projet ou, plus précisément, se saisie lui-même, se comprend lui-même comme possibilité d’exister. Et, parmi ces possibilités, intervient ce qui fait l’unité même de la compréhension psycho-anthropologique de l’être, l’angoisse face au néant, c’est-à-dire face à la possibilité offerte au Dasein d’exister, non pour lui-même, mais en fonction des objets intramondains et dans la quotidienneté. C’est la conscience des limites inhérentes à toutes ces possibilités, et non les possibilités elles-mêmes, toujours à venir, qui caractérise l’angoisse comme ouverture du Dasein à lui-même. Or, l’anticipation de la mort est une de ces limites, un des éléments de notre finitude par lequel nous nous saisissons, dès le départ, comme néant. L’angoisse est la compréhension de cette "possibilité de l’impossibilité de l’existence" qu’est la mort, possibilité d’être comme négation de l’existence. Pour y être, la conscience doit, d’une certaine façon, en revenir. La compréhension angoissée de la mort est la même chose que le projet, que la possibilité, mais découverte ou dévoilée comme unité de l’être.
 
En tant qu’élan existentiel vers le possible, le Dasein comprend donc la mort comme la condition de son existence et non comme un accident lui arrivant du dehors. Dit autrement, "L’être-pour-la-mort" est une formule ontologique, elle caractérise la dynamique même de notre être, la manière dont nous nous inscrivons dans l’être, c’est-à-dire dont nous comprenons notre existence. La mort n’est ni la fin, ni le commencement, mais le principe indéterminé qui commande notre manière d’exister. La mort comme compréhension de l’une des possibilités de notre existence fait donc intégralement partie de cette existence, lui donne son sens. L’existence est fondamentalement un comportement à l’égard de cette possibilité de l’être qu’est sa mort. En ce sens, le néant n’est pas négation, mais condition de la négation. Le néant n’est pas le rien parce qu’il a une certaine activité : il néantise. Le néant est un non-être, non parce qu’il serait la fin de l’être, c’est-à-dire un terme qui lui-même dépendrait d’un modèle, mais parce qu’il accomplit une activité de négation, de néantisation, par laquelle il ébranle les choses, les fait s’écrouler, les transforment, les fait devenir. Et ces choses qu’il fait s’écrouler sortent elles-mêmes du néant, elles commencent à exister… L’analyse de Rahsaan est sur ce point éclairante… Le non-être n’est donc pas l’opposé de l’être, mais sa condition de possibilité, son fondement universel et intemporel. Le néant est la même chose que l’être car, s’il n’est aucun étant, aucune détermination, catégoriale ou réelle, il conserve pourtant un sens absolu en constituant le coeur même de l’être. Le néant est la fin du dasein, non en ce sens qu’il serait son point final, mais la façon d’assumer son être même, sa finitude : "La mort est une manière d'être que le Dasein assume sitôt qu'il est" (cf. Etre et temps, §. 48).
 
Bref, Plotin et Spinoza, voire un mystique chrétien comme Eckhart, préparent bien mieux à la lecture de Heidegger qu'un Platon ou un Hegel (ou un Hegel quelque peu revisité)...


Message édité par l'Antichrist le 29-09-2009 à 05:49:37
n°19966246
neojousous
Posté le 25-09-2009 à 11:34:43  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

Coucou Neo,
où en est ton travail de recherche sur le temps?


 
J'ai montré que les théories du temps dites "hybrides" sont incohérentes. Ces théories combinent une théorie A (le temps s'écoule indépendamment de nous, réellement, contrairement à l'idéalisme transcendantal, ou à l'idée que l'écoulement du temps est une illusion), et un non-présentisme, l'affirmation qu'il n'y a pas que le présent qui existe (éternalisme lorsqu'on affirme que le passé et le futur existent tout autant que le présent, non-futurisme lorsqu'on défend que seuls le passé et le présent existent).

n°19966998
alcyon36
Posté le 25-09-2009 à 12:43:12  profilanswer
 

vivi, je me souviens à présent... et le jury a bien aimé? tu passais un M1 ou un M2?

Message cité 1 fois
Message édité par alcyon36 le 25-09-2009 à 12:50:43

---------------
"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°19972068
rahsaan
Posté le 25-09-2009 à 20:25:43  profilanswer
 

Compte-rendu du livre de Patrick Wotling, Nietzsche et le problème de la civilisation (PUF, rééd. 2009) :  
 
http://www.actu-philosophia.com/spip.php?article154


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n°19978735
fleur de m​uzique
Posté le 26-09-2009 à 09:31:49  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

J'ai demandé un mi-temps annualisé. Tu es payé à moitié toute l'année.


Tiens ca c'est intéressant, merci pour l'info, je ne savais pas que ca existait... tu bosses à temps plein la moitié de l'année, mais es payé mi temps toute l'année...ca c'est coul!

n°19979521
neojousous
Posté le 26-09-2009 à 12:36:02  profilanswer
 

alcyon36 a écrit :

vivi, je me souviens à présent... et le jury a bien aimé? tu passais un M1 ou un M2?


 
M1. Le jury a aimé, j'ai eu 18.

n°19981397
alcyon36
Posté le 26-09-2009 à 17:13:38  profilanswer
 

classe...
faut que tu m'envoies ca... ;)


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"la pensée de l'être est le souci porté à l'usage de la langue" Heidegger
n°19987285
rahsaan
Posté le 27-09-2009 à 12:40:04  profilanswer
 

Ha oui, je voudrais bien le lire aussi :)


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n°20014971
rahsaan
Posté le 29-09-2009 à 17:48:48  profilanswer
 

fleur de muzique a écrit :


Tiens ca c'est intéressant, merci pour l'info, je ne savais pas que ca existait... tu bosses à temps plein la moitié de l'année, mais es payé mi temps toute l'année...ca c'est coul!


 
Oui, merci, Sainte Administration, pour tes bienfaits. [:agkklr]
 
Sans rire, ils me l'ont accordé sans difficulté. ;)


---------------
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n°20031773
rahsaan
Posté le 30-09-2009 à 22:13:02  profilanswer
 

http://www.iep.utm.edu/
 
Internet Encyclopedia of Philosophy


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n°20067402
KingOfPata​te
Posté le 03-10-2009 à 23:22:22  profilanswer
 

salut, je n'y connais rien en philo.
je me suis dit que ce n'était pas normal, donc j'ai commencé à lire l'antéchrist de nietzsche
 
je comprend à peu près tout, mais c'est moi qui interprete mal ou il y a quelques idées disons...politiquement incorrect ?
il me semble avoir lu que le mal du christiannisme était de s'intéresser aux faibles, et par corollaire que cela était contre l'ordre naturel des choses et de la vie elle même qui se définit comme la victoire des esprits forts, supérieurs. Donc en fait il ne faudrait pas aider les personnes qui ont besoin d'aide ?
J'en suis aux chapitre ou il parle que le christiannisme trouve son fondement dans le comportement des juifs  :heink:  
 
??  :sweat:

n°20070440
rahsaan
Posté le 04-10-2009 à 12:24:09  profilanswer
 

KingOfPatate a écrit :

il me semble avoir lu que le mal du christianisme était de s'intéresser aux faibles, et par corollaire que cela était contre l'ordre naturel des choses et de la vie elle même qui se définit comme la victoire des esprits forts, supérieurs.


 
 
Ce que N reproche au christianisme, c'est de privilégier ceux qui sont en proie à un ressentiment contre la vie, et qui propagent leur humeur malsaine de dénigrement de ce qui est puissant, grand et beau dans la vie.  
C'est pour cela qu'il dit qu'il faut "protéger les forts contre les faibles".  
 
Faire triompher les vertus des forts, ce n'est pas renoncer à aider les faibles, c'est apporter par exemple à un ami dans le besoin un réconfort, mais qui serait plutôt un "lit dur", comme dit Zarathoustra : une aide qui empêche celui est affaibli de s'affaiblir encore plus.


---------------
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n°20071614
Profil sup​primé
Posté le 04-10-2009 à 14:59:02  answer
 

http://hfr-rehost.net/self/pic/7c1e9be30971b1e89b47921a964252fd09e559f5.jpeg

n°20071767
leoz
Posté le 04-10-2009 à 15:22:03  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

http://www.iep.utm.edu/
 
Internet Encyclopedia of Philosophy


 
Première recherche, Gilles Deleuze, première phrase : Deleuze is a key figure in postmodern French philosophy
 
Pourriez-vous m'expliquer, si toute fois c'est faisable de le résumer, ce qu'on appelle "postmodernism" outre-atlantique? Car pour moi, il semble évident que Deleuze n'a jamais été "postmoderne".

n°20073170
rahsaan
Posté le 04-10-2009 à 18:36:26  profilanswer
 

leoz a écrit :


 
Première recherche, Gilles Deleuze, première phrase : Deleuze is a key figure in postmodern French philosophy
 
Pourriez-vous m'expliquer, si toute fois c'est faisable de le résumer, ce qu'on appelle "postmodernism" outre-atlantique? Car pour moi, il semble évident que Deleuze n'a jamais été "postmoderne".


 
 
Bah tu l'as très bien dit. Deleuze ne s'est jamais revendiqué du post-moderne, ni Foucault, qui disait que son objet était d'étudier la modernité (mais sans prétendre le faire depuis une posture "post-moderne" ).  
 
Post-moderne fait vraiment partie de ces termes employés à tort et à travers. La lecture du livre de Lyotard, La condition post-moderne est certainement le seul moyen de trouver un sens cohérent à ce terme.
Pour Lyotard, sont post-modernes une pratique, une théorie, une œuvre, qui ne sont plus sous l'égide d'un grand récit fondateur et donneur de sens. La post-modernité est un moment de fin des grands récits, un décrochage par rapport à eux. Par exemple, une politique post-moderne ne prétend plus apporter la liberté, le bonheur ou l'émancipation. Elle fait de la gestion : elle administre, elle dirige, mais elle ne se réfère plus à une grande idéologie fondatrice (les Lumières, le marxisme, le libéralisme...) C'est une politique qui peut être strictement "pragmatique", voire bassement pragmatique, et ne rechercher que l'efficacité à tout prix, l'efficacité étant une sorte d'ersatz de valeur, puisqu'on ne peut s'empêcher de se demander : "efficace à quoi ?... en vue de quoi ?... au nom de quoi ?"
 
Une œuvre d'art post-moderne ne prétend plus apporter une vérité définitive à l'homme, ou lui révéler le secret de la beauté etc. Lyotard a réfléchi au problème de la justice : comment rendre la justice sans idée du juste en soi ? cf. Au juste.
 
On a critiqué Lyotard, en disant que le post-moderne est encore un grand récit. C'est notre grand récit à nous, le récit des hommes qui croient s'être sortis des grands récits. Mais ces critiques viennent souvent de penseurs "humanistes", qui voudraient sortir du relativisme contemporain en renouant avec un grand récit, justement (l'Homme, le Progrès, les Lumières...), et qui disent que la politique ne peut se passer de grand récit. C'est aussi que des intellectuels y perdent, car on n'a plus besoin d'eux, sinon pour servir de caution à des politiques bureaucratiques et sûres d'elles-mêmes. D'où leur désarroi...

Message cité 1 fois
Message édité par rahsaan le 04-10-2009 à 18:37:02

---------------
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