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Quels sont pour vous les trois livres de philo à lire pour un honnête homme ?


 
15.4 %
 273 votes
1.  "La république" de Platon
 
 
6.7 %
 119 votes
2.  "La métaphysique" d'Aristote
 
 
15.7 %
 279 votes
3.  "l'Ethique" de Spinoza
 
 
1.5 %
    27 votes
4.  "Essai de théodicée" de Leibniz
 
 
15.0 %
 266 votes
5.  "Critique de la raison pure" de Kant
 
 
17.8 %
 315 votes
6.  "Par delà le bien et le mal" de Nietzsche
 
 
5.9 %
 105 votes
7.  "L'évolution créatrice" de Bergson
 
 
6.4 %
 113 votes
8.  "Etre et temps" d'Heidegger
 
 
7.5 %
 133 votes
9.  "Qu'est-ce que la philosophie" de Gilles Deleuze
 
 
8.1 %
 144 votes
10.  "Moi, ma vie, mon oeuvre" de obiwan-kenobi
 

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Auteur Sujet :

Philo @ HFR

n°2487196
pascal-san
Posté le 15-04-2004 à 17:41:51  profilanswer
 

Reprise du message précédent :
Si le fils est du niveau du père, ça doit craindre ce bouquin :/

mood
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Posté le 15-04-2004 à 17:41:51  profilanswer
 

n°2487350
Ryan
Foupoudav
Posté le 15-04-2004 à 17:59:37  profilanswer
 

pascal-san a écrit :

Si le fils est du niveau du père, ça doit craindre ce bouquin :/


 
Ne connaissant pas le père, le fils est l'interprete du dalaï-lama depuis des années, il a été son maitre je pense, mais bon des années d'enseignements, de méditations ont un effet certains je pense sur le mental et la façon de percevoir les choses.

n°2514791
l'Antichri​st
Posté le 19-04-2004 à 14:57:16  profilanswer
 

En complément de la lecture de Deleuze sur l'autre topic, je vous propose cette lecture de : La Naissance de la tragédie de Nietzsche (à partir de la réflexion sur le fond et la forme).
 
Qu?est-ce que la tragédie grecque pour Nietzsche ? C?est le lieu de Dionysos (l?arrière fond, le sans-fond, l?obscur, le difforme, les arts non-plastiques - musique, chant, cri - et la poésie lyrique), c?est-à-dire le lieu de la vie qui se fond dans la vie. Avec Dionysos, tout est dans la confusion. Rien n?est isolable. Con-fusion : on ne voit pas qui on est et qui est l?autre. C?est également le lieu d?Apollon (la belle forme, la beauté de l?apparence, le principe d?individuation, on a l?ensemble des arts plastique - peinture, sculpture - et la poésie épique), qui veut le démêlement, la représentation, le clair et le distinct.
 
L?art est le pont entre ces deux abîmes. C?est pourquoi il faut lire la Naissance de la tragédie comme un monde pas clos. L?événement dont parle Nietzsche n?est pas encore fini. La tragédie dont parle Nietzsche n?est pas close. La naissance de la tragédie n?est pas un événement clos sur un autre événement clos. C?est quelque chose qui appelle un retour. Comment comprendre alors que Socrate est la " fin de la tragédie grecque " ? Socrate est la figure qui produit des différences : il est le serviteur du principe d?individuation, celui qui vient séparer Apollon et Dionysos. Socrate fait apparaître la question de la vérité. De même que le système ouvert par Socrate n?est pas clos (passion de connaître, de la distinction), de même le mouvement qui liquide la tragédie n?est pas clos. De même, la tragédie liquidée n?est pas morte. Elle est suspendue mais pas anéantisée. Nietzsche montre le conflit encore vivant entre le mouvement de la confusion et le mouvement de la lumière. Le monde de la fusion n?a pas été réglé par le monde de la différence. Le passé n?est qu?une apparence. La volonté de vérité est héritée de la tragédie. Il faut donc repartir dans un conflit qui n?a pas de nom : Apollon et Dionysos ne sont pas des noms psychologiques, sociologiques, philosophiques, religieux...
 
Le travail de Socrate est de montrer la vérité parce que la doxa est intenable. Il faut du solide ; il faut la vérité. Socrate pose la supériorité de la vérité : la vérité est ce qui est de plus haut et de plus réel. C?est ce qui appelle la recherche. Tel est le sens du Banquet : la vérité. Nietzsche dit : " Voilà la mystification ". Pourquoi ? Parce que la recherche de la vérité (passion) fait la vérité, et ce n?est pas la vérité qui fait la vérité. En recherchant la vérité, la philosophie pose le fond. Nous faisons de la lumière individuante la passion de la recherche de la vérité. Oedipe veut individuer. Il est régi par le démon apollonien de la discrimination. Socrate connaît cela également. C?est le fond. Or, avant la philosophie, on voit que la recherche de la vérité est une passion (et non une déduction logique).
 
D?où une crispation : la connaissance est une passion. Cela donne consistance au fond et à la forme. La Naissance de la tragédie menace l?opposition : se servir de l?opposition, c?est annuler la chance en toute oeuvre de pouvoir y revenir. On oublie que le théâtre se représente c?est-à-dire qu?il faut toujours revenir à Oedipe et à Antigone. On a un monde de l?esprit qui ne connaît pas la mort et le passé. On peut donc revenir à l?originellement vivant, comme on démontre le théorème de Pythagore.
 
Pour Nietzsche, l?art de la tragédie est : " J?ai la force de ne pas fuir devant le malheur ". Je suis heureux devant le malheur tout en étant dans le malheur. Dans la Naissance de la tragédie, Nietzsche décrit le phénomène tragique comme un phénomène de joie, de sérénité supérieure : Dans la représentation tragique, nous coïncidons avec l?éternel plaisir d?exister. La joie est plus profonde que la douleur (rupture avec Schopenhauer dans Ainsi parlait Zarathoustra). Dans la tragédie, la mère tue le fils. Non, parce qu?il n?y a pas de " mère " et pas de " fils ". Pourquoi ? Parce que là, nous sommes déjà dans le discriminant. Avant, c?est la con-fusion. Je ne peux pas dire la tragédie avec d?autres mots parce que j?emploie des catégories qui découle de la tragédie et qui ne sont rien en elle. Parler du fond et de la forme, c?est déjà avoir socratisé le monde apollonien. Quand je dis " la mère déchire le fils ", il faut que je sache ce que c?est que " mère " et " fils " et il ne faut pas que je le sache (car elle n?est pas mère dans la confusion). Parler de fond et de forme dans l?art, c?est retourner contre l?oeuvre des choses qui n?ont été possibles que par elles. " La mère tue le fils " : proposition indécidable. Il faut que je vive qu?elle est mère et pas mère. L?art est donc un pont entre Dionysos et Apollon. Dans l?art, j?accepte d?être déchirant, déchiré et même plus : le témoin. Ni celui qui agit, ni celui qui fait : je suis le témoin.
 
Les catégories de la philosophie ne sont pas ultimes. Nous ne pouvons pas annuler l?issue socratique de la tragédie (la passion de la recherche de la vérité), nous ne pouvons nier la dualité de Socrate (chercheur et grec), nous ne pouvons pas abdiquer notre rage de connaître (pas la vérité, pas la connaissance mais la passion de chercher, la passion de la distinction), alors ? Alors nous restons dans les distinctions de raison.
 
Mais il y a quelque chose avant. La tragédie. La tragédie comme texte est le lieu d?événements toujours actifs. " Oubliance active ". Il y a dans la tragédie la puissance d?oublier tous les " Socrate distingueurs " qui en sont sortis. Pensons à la Piéta : La mère met au monde pour la mort, pour être mangé (corps du Christ). La Mère est témoin du fils mort. Dionysos n?est-il pas dans les scènes christiques ? Dans la croix et dans le dieu-bouc (Satan). Le christianisme est la volonté d?être dans la distinction malgré la confusion. La tension toujours présente entre la confusion et la distinction, c?est elle que nous vivons !


Message édité par l'Antichrist le 19-04-2004 à 14:57:53
n°2515158
lecentredu​monde
Conséquence future ,le présent
Posté le 19-04-2004 à 15:43:09  profilanswer
 

pourquoi cette peur du discours rationnel et du doute methodique? le discours de la méthode n'est qu'un peu ardu, et comme il est court, il n'y a que la paresse au nom de laquelle tu peux parler.........


---------------
l'instinct RATIONNEL, immortelle et c élèste voix, guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre...
n°2515534
rahsaan
Posté le 19-04-2004 à 16:29:54  profilanswer
 

Cette vie entre confusion et distinction, c'est ce dont n'a jamais voulu Hegel, qui croyait que l'on pouvait parvenir à réconcilier la pensée et le réel avec eux-mêmes, et entre eux... ce qui ne se produit que rarement en dehors du système hégélien !  :D
Je trouve très intéressante ton idée selon laquelle le propos de Nietzsche part d'un conflit que l'on croyait réglé mais qui n'est en réalité que refoulé depuis Socrate. Nietzsche a bien dit, contre Kant, que la métaphysique, loin d'être un champ de bataille, est un lieu de profond consensus sur la vérité comme valeur absolue.  
 

n°2520101
rahsaan
Posté le 20-04-2004 à 01:35:51  profilanswer
 

Des livres de portée philosophique que j'ai lus récemment :
 
Matière et Mémoire de Bergson. Un texte vraiment formidables : décapant, puissant et au bout du compte simple, extrêmement simple et profond, comme toutes les oeuvres de Bergson. Mais ici ces qualités d'analyse, sur l'activité du corps comme essentiellement pratique et non représentative, atteignent à mon sens une finesse et un degré rares.  :) A noter le début de la 1ere partie, l'exposé desespérement génial du concept d'image.  
 
Les ABCDAires d'Aristote, Nietzsche et Deleuze, dans la collection Ellipses. Tous très bien faits, clairs, compétents, personnels, vraiment à conseiller chaudement.  :)  
 
Nietzsche et la biologie de Barbara Stiegler, aux PUF. Je recommande vivement ce petit livre. Passionnant de bout en bout, il met en oeuvre la rigueur la plus belle et la plus exigeante pour comprendre le statut de la biologie dans le concept de volonté de puissance, et étudie la politique de la grande santé qui occupe les dernières semaines de la vie consciente de Nietzsche.  :)  
 
Le massacre des illusions de Léopardi, aux éditions Allia. Des extraits de l'oeuvre majeure du philosophe italien, Le Zibaldone, sur des thèmes de civilisation et de politique. Le pessimisme radical de Léopardi est un prolongement bâtard du rousseauisme : l'homme a définitivement perdu le naturel des sociétés primitives. Tout au plus peut-on espérer freiner cette dénaturation. La philosophie elle-même accompagne la décadence des sociétés.  
 
Le sous-sol de Dostoievski. Les tourments bureaucratiques et métaphysiques d'un fonctionnaire médiocre entre tous, devancier des héros de Kafka pour sa conscience de l'absurdité inhumaine du monde, héritier des héros de Flaubert pour sa bêtise hilarante, qui sombre dans les sous-sols du délire. Après avoir touché au fond de la mesquinerie face à ses collègues, il se retrouve dans les bras d'une prostituée. Il y trouve la double révélation mystique de l'atrocité de la mort qui attend cette fille publique, et du sublime radieux du nouveau-né encore innocent en ce monde.


Message édité par rahsaan le 20-04-2004 à 12:06:55

---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°2521942
phyllo
scopus inornatus
Posté le 20-04-2004 à 12:31:44  profilanswer
 

Quelques-unes de mes dernières lectures:
 
Après quelques détours par Onfray dont j'ai lu "Cynismes" (une bonne introduction à la philosophie des cyniques grecs, Diogène en tête), "La philosophie féroce" (bof mais le titre est bien) et "La sculpture de soi" (mouaif), je suis revenu à Nietszche.
 
J'ai donc essayé de me frayer un chemin dans les jungles du 'Gai savoir'. Une bien belle végétation à dire-vrai avec des grands arbres dont ne voit pas le sommet et des petits buissons, des épineux et des plantes grasses, des fruits savoureux et d'autres amers.
 
Sinon également 'La philosophie d'Epicure', un court texte de Cicéron qui ne m'a pas marqué et 'Eloge de la sincérité' de Montesquieu, encore un texte court, attachant mais qui ne m'aura pas convaincu outremesure.
 
Enfin j'ai lu tous les posts de l'antichrist sur tous les topics où il sévit, c'est dire que je suis gravement atteint.


---------------
Avant, j'étais sceptique, aujourd'hui, je n'en suis plus aussi sûr.
n°2523210
zizza
Posté le 20-04-2004 à 15:15:34  profilanswer
 

que pensez-vous des ouvrages suivants:
-Idées, Alain
-Traité de l'autorité théologico-politique, Spinoza
-Discours de la servitude volontaire, La Boétie?
mon professeur de philo y a fait allusion, et ça m'a l'air suffisamment intéressant pour que j'y sacrifie mon temps (que je passe actuellement à réviser mon bac) pour les lire...
Sinon, en ce moment je suis en train de lire Elements de philosophie, Alain (le propos sur le doute m'a fait comprendre beaucoup de choses); Ethique, Spinoza (plus particulièrement l'appendice du livre I); Discours de la méthode, Descartes. Il faudrait d'ailleurs que je me remette à lire les Méditations métaphysiques.

n°2523565
pascal-san
Posté le 20-04-2004 à 15:57:37  profilanswer
 

Zizza > Ca se tient tout ça, d'un certain point de vue : Descartes la référence pour une certaine tradition rationaliste, le cogito, le bon sens qui est d'après lui la chose du monde la mieux partagée ; Spinoza, qui fut un lecteur assidu de Descartes, il a même écrit dans sa jeunesse des "principes de la philosophie de Descartes" ; et enfin Alain, professeur de philosophie, vieux cartésien, tenant de la tradition philosophique française.
Mais d'un autre point de vue remettons les choses à leur place : Spinoza s'est rapidement démarque du cartésianisme pour créer sa propre philosophie, la plus belle à mon goût, et Alain est resté ce qu'il fut : un bon professeur cultivé qui savait donner le goût de la philo à ses élèves d'après ce qu'on dit, mais pas un grand philosophe.
Donc tes lectures de Spinoza me semblent épatantes, celle de La Boetie moins commune mais pour autant moderne dans sa manière d'envisager la politique et le pouvoir. :)


Message édité par pascal-san le 20-04-2004 à 15:58:46
n°2524117
rahsaan
Posté le 20-04-2004 à 17:09:57  profilanswer
 

Bravo pour toutes ces lectures, Zizza !  :) Elles te seront toutes hautement profitables dans la vie.  [:pitoux9]


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
mood
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Posté le 20-04-2004 à 17:09:57  profilanswer
 

n°2525080
rogr
Posté le 20-04-2004 à 19:34:59  profilanswer
 

pascal-san a écrit :

Mais d'un autre point de vue remettons les choses à leur place : Spinoza s'est rapidement démarque du cartésianisme pour créer sa propre philosophie, la plus belle à mon goût, et Alain est resté ce qu'il fut : un bon professeur cultivé qui savait donner le goût de la philo à ses élèves d'après ce qu'on dit, mais pas un grand philosophe.
Donc tes lectures de Spinoza me semblent épatantes, celle de La Boetie moins commune mais pour autant moderne dans sa manière d'envisager la politique et le pouvoir. :)

niaiseries colportées depuis l'origine par des universitaires jaloux : mais le temps fait son oeuvre. :non:

n°2525156
pascal-san
Posté le 20-04-2004 à 19:44:18  profilanswer
 

rogr a écrit :

niaiseries colportées depuis l'origine par des universitaires jaloux : mais le temps fait son oeuvre. :non:


Si t'as autre chose à dire, par exemple essayer de démontrer qu'Alain n'est pas autre chose qu'un petit cartésien bon professeur (H4, mon lycée :D), n'hésite pas.

n°2525242
rogr
Posté le 20-04-2004 à 19:58:34  profilanswer
 

je n'aurai qu'un mot : [:dakans]

n°2525341
rahsaan
Posté le 20-04-2004 à 20:11:42  profilanswer
 

Cartésien, un peu spinoziste et aussi kantien... Alain empruntait à plusieurs écoles. Sympa à lire pour s'initier à la philosophie.


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°2525418
rogr
Posté le 20-04-2004 à 20:29:09  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Cartésien, un peu spinoziste et aussi kantien... Alain empruntait à plusieurs écoles. Sympa à lire pour s'initier à la philosophie.

ben voila. Il a aussi bouffé du Platon, et apparemment aussi sur la fin du Auguste Comte : ça je connais pas du tout, il y a une histoire de "positivisme" là-dedans, est-ce intéressant ?

n°2525421
brubru
Posté le 20-04-2004 à 20:30:49  profilanswer
 

Osama a écrit :

L'alchimiste, de Paulo Coehlo

il est exellent [:atsuko]

n°2525431
brubru
Posté le 20-04-2004 à 20:32:16  profilanswer
 

Gorgias de platon.il n'est pas très difficile. :)

n°2525620
pascal-san
Posté le 20-04-2004 à 20:55:49  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Cartésien, un peu spinoziste et aussi kantien... Alain empruntait à plusieurs écoles. Sympa à lire pour s'initier à la philosophie.  


Plus ou moins et sans doute plus cartésien que spinoziste.
 
Mais il y a un bon initiateur dont on n'a pas parlé, c'est Gaston Bachelard. A recommander à ceux qui s'intéressent aux sciences et à la philo, Bachelard est une introduction simple au "rationalisme" notamment dans son livre "le rationalisme appliqué".

n°2525748
rahsaan
Posté le 20-04-2004 à 21:14:52  profilanswer
 

rogr a écrit :

ben voila. Il a aussi bouffé du Platon, et apparemment aussi sur la fin du Auguste Comte : ça je connais pas du tout, il y a une histoire de "positivisme" là-dedans, est-ce intéressant ?


 
Le positivisme est une tentative de dépasser la métaphysique, qui étudie des essences supra-sensibles, par l'étude raisonnée et organisée des faits. La science doit marquer le passage de l'homme à l'âge adulte et trouver une application en politique, selon le principe : "science, d'où prévoyance ; prévoyance d'où action".  
 
Mais j'entends déjà l'Antichrist arriver au galop pour nous offrir un cours sur la question !  [:r2 d2]


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n°2543624
zizza
Posté le 22-04-2004 à 21:05:10  profilanswer
 

rahsaan a écrit :

Bravo pour toutes ces lectures, Zizza !  :) Elles te seront toutes hautement profitables dans la vie.  [:pitoux9]  


 
en fait je crois que je me suis mal exprimée. Les oeuvres Idées d'Alain, Traité théologico-politique de Spinoza, ainsi que La Boétie, je ne les ai pas encore lues, mais elles m'intéressent. C'est pourquoi je vous demande votre avis. En revanche ce que j'ai lu ce sont les oeuvres dont je parle ensuite... désolée  :D

n°2543720
rahsaan
Posté le 22-04-2004 à 21:13:45  profilanswer
 

>Zizza : eh bien, La Boetie je te recommande vivement. Un très bon texte de politique, sur la servitude volontaire des sujets du tyran et sur la dimension insaisissable et inquiétant du désir de pouvoir politique.  ;)  
Les cours d'Alain pourront te donner des notions générales sur plusieurs points ; et le TTP de Spinoza est essentiel pour le mode d'interprêtation des textes qu'il propose.  :)


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n°2572055
zizza
Posté le 26-04-2004 à 18:52:10  profilanswer
 

Merci pour vos précieux conseils. J'aurais besoin d'encore un conseil: je sois rendre un sujet de dissertation: pourquoi le progrès de la science n'a-t-il pas fait disparaître la superstition? J'en ai fait ce que l'on pourrait appeler une analyse du sujet et j'ai une idée de plan, mais, bienque je ne vois vraiment pas de quelle autre manière plus logique je puis bâtir ce plan, je ne vois absolument aucun intérêt, particulièrement à ma première partie. Alors voilà, je me suis dit que si l'on se pose cette question, nécessairement c'est qu'un problème nous conduit à la poser: pourquoi le progrès de la science n'a-t-il pas fait disparaître la superstition? Tout d'abord, cela suppose que la superstition aurait du apparemment disparaître par ce moyen qui est le progrès scientifique. C'est ma première partie: quelles sont ces apparences? En quoi en est-il ainsi? Oui, mais qu'est-ce-que le progrès scientifique? Et qu'est-ce-que le progrès? Qu'est-ce-que la science? Pourquoi et en quoi est le progrès scientifique qui aurait du faire disparaître la superstition? C'est ma deuxième partie. Enfin je me suis dit que l'emploi du mot "disparaître" servait à faire une disctinction: la question est"pourquoi le progrès de la science n'a-t-il pas fait disparaître la superstition?" et non pas "pourquoi le progrès de la science n'a-t-il pas évincé la superstition?", ensuite à partir de là, j'avais projeté de poser le problème de la superstition: qu'est-ce-que la superstition? c'est ma troisième partie. J'ai beau y réfléchir et lire les textes que m'a donnés mon professeur, je ne vois vraiment pas d'autre moyen de construire ce plan et j'y vois également très peu d'intérêt à le développer, en particulier la première partie, comme je l'ai déjà dit. En gros, je ne sais pas quoi dire de plus. Qu'en pensez-vous?

n°2572162
pascal75
Posté le 26-04-2004 à 19:10:04  profilanswer
 

zizza a écrit :

Merci pour vos précieux conseils. J'aurais besoin d'encore un conseil: je sois rendre un sujet de dissertation: pourquoi le progrès de la science n'a-t-il pas fait disparaître la superstition? J'en ai fait ce que l'on pourrait appeler une analyse du sujet et j'ai une idée de plan, mais, bienque je ne vois vraiment pas de quelle autre manière plus logique je puis bâtir ce plan, je ne vois absolument aucun intérêt, particulièrement à ma première partie. Alors voilà, je me suis dit que si l'on se pose cette question, nécessairement c'est qu'un problème nous conduit à la poser: pourquoi le progrès de la science n'a-t-il pas fait disparaître la superstition? Tout d'abord, cela suppose que la superstition aurait du apparemment disparaître par ce moyen qui est le progrès scientifique. C'est ma première partie: quelles sont ces apparences? En quoi en est-il ainsi? Oui, mais qu'est-ce-que le progrès scientifique? Et qu'est-ce-que le progrès? Qu'est-ce-que la science? Pourquoi et en quoi est le progrès scientifique qui aurait du faire disparaître la superstition? C'est ma deuxième partie. Enfin je me suis dit que l'emploi du mot "disparaître" servait à faire une disctinction: la question est"pourquoi le progrès de la science n'a-t-il pas fait disparaître la superstition?" et non pas "pourquoi le progrès de la science n'a-t-il pas évincé la superstition?", ensuite à partir de là, j'avais projeté de poser le problème de la superstition: qu'est-ce-que la superstition? c'est ma troisième partie. J'ai beau y réfléchir et lire les textes que m'a donnés mon professeur, je ne vois vraiment pas d'autre moyen de construire ce plan et j'y vois également très peu d'intérêt à le développer, en particulier la première partie, comme je l'ai déjà dit. En gros, je ne sais pas quoi dire de plus. Qu'en pensez-vous?


Un élément de réponse :
La superstition c'est du domaine de l'individu. Les "progrès de la science" c'est du domaine de la société. Donc il n'y a pas de raison que ceux-ci agissent sur celle-là.  
Ce sont les "progrès" des connaissances de chaque individu, qui vont lui donner une vision plus claire de la réalité, et donc l'amener à abandonner ses superstitions.

n°2638337
rahsaan
Posté le 05-05-2004 à 23:41:32  profilanswer
 

Bon, up là. Ce topic commence à trop descendre, alors qu'il aurait droit à un sticky.  [:r2 d2]


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n°2638734
pascal-san
Posté le 06-05-2004 à 00:09:10  profilanswer
 

[:lune]

n°2645031
docteur le​ster
Posté le 06-05-2004 à 19:34:59  profilanswer
 

Comment donner gout a la philo ?
A mon sens, il faut montrer qu'il existe ou a exister des hommes plus grands que nous.
Des hommes qui ont vecu, ressenti les memes choses que nous et peut etre plus profondement.
Des hommes qui ont reussi a s'elever au dessus des contingences.
Et cependant sont morts.
La philosophie , pour moi, c'est l'art de s'elever au dessus  des agitations, voir les choses de haut, s'interroger sur les causes premieres (c'est pour cela que je ne goute guère les "philosophes engagés" )
En bref, savoir, comprendre qu'il y a des hommes qui ont vécu/ressenti les memes choses que nous et qui pourtant sont mort ("meurt donc ami! Patrocle  est bien mort lui aussi qui etait bien meilleur que toi" dixit Achille) aide a relativiser.
Je conseillerais donc "les confessions" de J J Rousseau comme initiation a la philosophie (ce n'est pas de la philosophie mais ça permet d'accrocher a la philosophie)
 
Xamoth s'abstenir!

n°2645073
pascal-san
Posté le 06-05-2004 à 19:40:54  profilanswer
 

Pas mal :)

n°2645089
docteur le​ster
Posté le 06-05-2004 à 19:42:50  profilanswer
 

Moi y en avoir savoir que ça plairait a toi.

n°2645124
pascal-san
Posté le 06-05-2004 à 19:47:44  profilanswer
 

Les confessions sont déjà dans la liste du premier post :) et c'est effectivement à lire.

n°2645151
docteur le​ster
Posté le 06-05-2004 à 19:51:51  profilanswer
 

pascal-san a écrit :

Les confessions sont déjà dans la liste du premier post :) et c'est effectivement à lire.

Oui mais je parlais de mon introduction aux confessions

n°2645244
pascal-san
Posté le 06-05-2004 à 20:08:18  profilanswer
 

Ca me plait aussi, bien entendu.
PS : tu vas pas me dire que t'es Nur, quand même ? :D

n°2645255
docteur le​ster
Posté le 06-05-2004 à 20:09:49  profilanswer
 

pascal-san a écrit :

Ca me plait aussi, bien entendu.
PS : tu vas pas me dire que t'es Nur, quand même ? :D


Non je te le dirais pas.

n°2645301
rahsaan
Posté le 06-05-2004 à 20:16:11  profilanswer
 

Mais tu le penseras très fort.  [:maestro]


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Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°2674429
Ryan
Foupoudav
Posté le 10-05-2004 à 14:06:10  profilanswer
 

docteur lester a écrit :

Comment donner gout a la philo ?
A mon sens, il faut montrer qu'il existe ou a exister des hommes plus grands que nous.
Des hommes qui ont vecu, ressenti les memes choses que nous et peut etre plus profondement.
Des hommes qui ont reussi a s'elever au dessus des contingences.
Et cependant sont morts.
La philosophie , pour moi, c'est l'art de s'elever au dessus  des agitations, voir les choses de haut, s'interroger sur les causes premieres (c'est pour cela que je ne goute guère les "philosophes engagés" )
En bref, savoir, comprendre qu'il y a des hommes qui ont vécu/ressenti les memes choses que nous et qui pourtant sont mort ("meurt donc ami! Patrocle  est bien mort lui aussi qui etait bien meilleur que toi" dixit Achille) aide a relativiser.
Je conseillerais donc "les confessions" de J J Rousseau comme initiation a la philosophie (ce n'est pas de la philosophie mais ça permet d'accrocher a la philosophie)
 
Xamoth s'abstenir!


 
en sorte, le plus grand philosophe ayant jamais existé si l'on suit ta logique, c'est Bouddha, il a tellement pris de recul sur la vie qu'il a réussi à voir la nature de son propre esprit, il a réussi à voir que toutes les choses était éphèmeres et conditionnées, sans substance propre, impermanannantes et inter dépendantes, et à réussir le but ultime de la vie, se libérer au sens le plus noble du terme, se libérer des concept, à transcender les concepts de mort et de naissance, d'aller, venir, il a vu que la vague faisait partie de l'océan,  [:spykem@n]


Message édité par Ryan le 10-05-2004 à 14:07:43
n°2678523
lecentredu​monde
Conséquence future ,le présent
Posté le 10-05-2004 à 22:08:53  profilanswer
 

J'ai un problème avec le thème du divertissement chez Pascal auquel mon prof refuse de répondre...
Si l'homme se divertit pour se détourner de soi/ de sa condition misérable , sans divertissement et sans dieu est-il malheureux ou heureux ? La misère c'est finalement l'Homme sans dieu ou l'Homme sans philosophie, car comment pascal a-t-il pu oublier l'amour de la sagesse? Ou les deux se confondent-ils ? Certes il dégage la sagesse de la religion ( et critique les jésuithes) en fustigeant l'obscurantisme et la lecture littérale des écrits religieux mais ne concède-il pas à une vie bonne possible dans la sagesse mais sans religion ou du moins sans pratique?
Est-ce trop dire que la religion ( apparue plutot tard chez lui, en plus) puisse être induite comme un divertissement dans certains de ses aphorismes ?

n°2681511
l'Antichri​st
Posté le 11-05-2004 à 08:07:35  profilanswer
 

Salut !
 
J'ai passé une partie de la nuit à t'écrire un texte pour répondre à toutes tes questions. Vu sa longueur, je te l'envoie en MP d'ici un jour ou deux (le temps de le mettre en ordre pour qu'il soit " lisible " ). Mais tu dois savoir dès maintenant que la pensée de Pascal sur le divertissement doit être intégrée à sa visée apologétique : la philosophie n'est qu'un moyen pour penser la politique dans l’optique d’une anthropologie (c’est-à-dire d’un discours sur l’homme) fondée avant tout sur les textes bibliques. Autrement dit, la vision de Pascal est désespérée (la sphère politique livre une voie d’accès à ce qu’est l’homme c’est-à-dire à l’homme sans Dieu ou encore à l’homme misérable) et seule la grâce peut assurer son salut ! D'où les quatre points suivants :
 
Premier point : Dieu devient un étranger pour l’homme. Cela induit que l’homme devient étranger à lui-même. Le deuxième point insiste sur l’aspect déicide de l’humain. Il ne s’agit pas d’entendre par là le meurtre actif de Dieu par l’humanité. Il s’agit plutôt de comprendre que l’homme oublie Dieu en entrant dans un monde où Dieu s’est retiré. En entrant dans un monde sans dieu, l’homme tue Dieu (le Dieu qui lui a donné la mort) c’est-à-dire le dieu de la vie. Nous entrons alors dans une vie qui n’est pas la véritable vie. Le troisième point consiste en ceci que l’homme s’invente une vie sans Dieu. Il s’agit de la vie selon l’imagination. C’est le monde du divertissement et de la gloire. Le quatrième point est d’inspiration janséniste : l’homme ne peut retourner par sa propre volonté dans le monde de la première nature. Il est nécessaire que Dieu lui offre le cadeau de son salut. Il s’agit de la grâce.


Message édité par l'Antichrist le 12-05-2004 à 02:32:40
n°2682568
pascal-san
Posté le 11-05-2004 à 11:50:47  profilanswer
 

J'espère bien que ce texte ne restera pas en MP. Une petite présentation des "Pensées" de Pascal aurait tout à fait sa place dans ce topic :)

n°2688706
l'Antichri​st
Posté le 11-05-2004 à 21:52:17  profilanswer
 

A la demande de Pascal-San, je profite de ta question sur le divertissement pascalien, pour présenter dans son ensemble les Pensées. Le souci est bien sûr d'abord le souci pédagogique de replacer ton questionnement dans l’économie de la pensée de Pascal et de relier la question du divertissement à l’anthropologie pascalienne (elle-même tirée de l’interprétation des textes sacrés qui présentent un homme abandonné par Dieu) qui sous-tend l’ordre politique en le posant comme la seule sagesse accessible dans une cité sans Dieu et en dehors de la grâce. Ainsi, les différentes questions trouveront tout naturellement leurs réponses !  
 
Tout d’abord Pascal n’a jamais eu pour ambition de constituer une " philosophie ". Pascal avait pour intention de composer une Apologie de la religion chrétienne et les Pensées ne sont que les papiers d’un défunt, le brouillon inachevé d’un homme fauché par la mort. La visée pascalienne est apologétique, notamment parce que la philosophie est insuffisante : " C’est en vain, ô hommes, que vous cherchez de vous-mêmes les remèdes à vos misères. Toutes vos lumières ne peuvent arriver qu’à connaître que ce n’est point dans vous-mêmes que vous trouverez ni la vérité, ni le bien. Les philosophes vous l’ont promis et ils n’ont pu le faire. Ils ne savent ni quel est votre véritable bien ni quel est votre véritable état. " (Pensées, Br. 430). La pensée de Pascal n’est pas une réfutation de la philosophie - réfutation forcément philosophique - mais son dépassement dans une pensée politique. Pour comprendre Pascal, il faut donc convertir le regard. La politique, en effet, est vue traditionnellement comme un moyen utilisé par l’apologiste pour faire désespérer de l’homme et pour conduire de ce fait à Dieu. En suivant cette voie, on ne s’attarde pas sur l’étude de la sphère politique et on semble oublier la première partie de la finalité qui donne sens à la quête de Dieu : le désespoir vis-à-vis de l’homme. Si l’on fait désespérer de l’homme, si on supprime l’espoir au profit de l’espérance - vertu théologale - c’est bien parce qu’une conception de l’homme sous-tend l’ensemble du discours. Le projet d’une apologie de la religion consiste certes dans le fait de convertir le lecteur, de faire une place en son coeur pour la transcendance. Mais cela est entraîné nécessairement par une dévalorisation de l’homme et du monde vu sur un plan d’immanence, c’est-à-dire vu sur un plan dans lequel Dieu est absent. Pour comprendre le sens et la portée du divertissement pascalien, il faut pénétrer les raisons profondes de ce geste. Pour ce faire, il est inévitable de décrire le monde sans Dieu, le monde des corps, le monde de la politique qui livre la vision de ce qu’est l’homme. Le monde des corps est le monde de l’homme sans Dieu c’est-à-dire de la misère comme constituant essentiel de l’homme. La pensée politique et l’anthropologie qui la sous-tend ont bien pour but de faire désespérer de l’homme afin de l’incliner à chercher Dieu. Or, cela implique de ne pas passer trop rapidement sur l’étude de ce monde où Dieu n’est plus, où l’homme ne rencontre que l’homme. Il s’agit au contraire de stationner dans ce monde de l’immanence, dans ce monde sans Dieu pour comprendre sa logique interne et son armature profonde. Au lieu de se précipiter hors et au-dessus de l’ordre des corps, il convient de l’interroger. Si Pascal s’intéresse à la politique, c’est parce qu’elle livre la vision d’un ordre confectionné par et pour les hommes. Le niveau politique offre alors un degré de lisibilité et de visibilité de ce qu’est l’homme. A partir de ce niveau des corps et des rapports de forces qui les constituent, un certain discours sur l’homme sous-tend l’ensemble des Pensées.
 
Et c’est bien un curieux tableau que celui dressé par Pascal en ce qui concerne la condition humaine. Celle-ci est en effet analysée dans l’optique de la théologie chrétienne et en particulier dans l’optique de la Genèse. Dans cette partie de la Bible est présentée la grandeur de l’homme, dernière créature de l’ouvrage divin vivant paisiblement dans le Jardin d’Eden dans le calme et l’harmonie. Puis vient le péché originel : l’homme désobéit à Dieu en goûtant au fruit de l’arbre de la connaissance. L’homme est donc d’emblée double : de sa première nature, celle d’avant le péché, nous pouvons dire qu’il est divin ; d’après sa seconde nature, celle d’après le péché, il apparaît misérable dans la mesure où Dieu l’a abandonné. C’est sur ce canevas que s’érige la pensée de Pascal.
 
Dans le monde de la première nature, Dieu est au principe de la vie en ce sens qu’il donne la vie. Dieu est l’origine de l’élan vital qui anime l’homme. Dans le monde de la première nature, tout est vie. Dieu crée l’homme en tant qu’il le tire du néant. Il lui fait don de la vie. Dans ce monde où tout est joie et plénitude, l’homme s’aime et cet amour est légitime dans la mesure où il est uni à Dieu. L’amour de soi est l’amour de Dieu c’est-à-dire l’amour de la vie. Tout cela est perdu après le péché c’est-à-dire quand l’homme entre dans la seconde nature. Il convient donc d’analyser ce point de pivot que constitue le péché adamique. Or justement ce point de pivot théologique semble un point aveugle théorique dans la pensée de Pascal qui juge incompréhensible cette punition divine. Et pourtant c’est à partir d’elle qu'il faut réfléchir sur l’homme dont nous constatons qu’il est laissé à lui-même c’est-à-dire accablé de tous les maux depuis que Dieu l’a abandonné. Car le péché adamique fait échoir la souffrance sur l’humanité : le travail devient pénible et la femme accouche dans la douleur. Cette vie de souffrances se termine en outre inéluctablement par la mort. Le renversement apparaît ici précisément : l’homme devient un être mortel. C’est précisément cela qui est incompréhensible : " Le péché originel est folie devant les hommes, mais on le donne pour tel. Vous ne me devez pas reprocher le défaut de raison en cette doctrine, puisque je la donne pour être sans raison. Mais cette folie est plus sage que toute la sagesse des hommes, " sapientius est hominibus ". Car, sans cela, qu’est l’homme ? Tout son état dépend de ce point imperceptible. Et comment s’en fût-il aperçu par sa raison, puisque c’est une chose contre sa raison, et que sa raison, bien loin de l’inventer par ses voies, s’en éloigne quand on le lui présente ? " (Pensées, Br. 445)
 
Dans le monde de la seconde nature, Dieu a donné la mort. Cela ne constitue pas une donation active mais le résultat de l’abandon. Dieu a donné la vie à l’homme mais en se retirant il n’entretient plus la flamme de la vie dans les cœurs déjà froids de ses enfants. Ceux-ci entrent dramatiquement dans le processus mortel. L’homme est un être-pour-la-mort alors que dans l’union avec Dieu il n’était que vivant. C’est précisément l’union avec Dieu qui disparaît : l’homme en Dieu se construisait dans la vérité et dans la joie. Mais l’homme est désormais abandonné. Il ne vit plus dans le monde de Dieu. Autrement dit, l’homme de la seconde nature se doit d’apprendre à vivre dans un monde de l’immanence tout en regrettant la douceur d’exister dans le monde de la transcendance divine. C’est cela qui le fait entrer dans un tourment abyssal et dans un vertige insondable : " L’homme ne sait à quel rang se mettre. Il est visiblement égaré, et tombé de son vrai lieu sans le pouvoir retrouver. Il le cherche partout avec inquiétude et sans succès dans des ténèbres impénétrables. " (Pensées, Br. 427)
 
L’homme est abandonné : il se construit hors du Tout c’est-à-dire hors de la vie. Il est donc plus qu’un être mortel, il est un être mourant. Il ne fait que persévérer dans la mort et toute sa vie est une progression mortifère.
 
L’anthropologie Pascalienne s’inscrit, en fait, dans une tradition de pensée janséniste. Cette position théologique d’inspiration augustinienne oppose radicalement la nature et la grâce. La nature a été corrompue par Adam et l’homme historique ne peut se sauver seul de ses mérites. C’est pourquoi la méditation est vive entre le pélagianisme et l’augustinisme. Pour le premier courant de pensée, la volonté est restée pure dans la chute et il suffit de vouloir pratiquer la justice pour la réaliser. Pour le second courant de pensée, la volonté des hommes est corrompue et le Christ est nécessaire pour le rachat des hommes.
 
La position du jansénisme consiste à penser que Dieu ne nous doit rien. La grâce relève de catégories gratuites liées aux voies impénétrables du Seigneur. Dans cette optique, il est requis théoriquement que le compte-rendu du réel se fasse sans référence à la justification religieuse ou morale. L’homme de la seconde nature est corrompu c’est-à-dire égoïste. L’ordre social s’explique alors par des motifs de corruption. Contre les jésuites qui pensent que la piété est nécessaire pour la vie en commun, les jansénistes développent une philosophie de l’autorégulation du passionnel. Les sociétés sont les résultats des passions aveugles et égoïstes des hommes. Pour expliquer l’homme, le divin ou le suprêmement rationnel ne sont pas requis. Il s’agit d’accepter l’homme tel qu’il est au coeur de son abandon : il n’est qu’un animal orgueilleux et concupiscent. C’est pourquoi deux orientations traversent l’homme. La première est celle de la chair. Celle-ci n’est pas à identifier purement et simplement avec le corps. La chair est l’orientation de l’esprit vers le concupiscible. La seconde orientation est celle de l’orgueil : l’amour envers Dieu est corrompu. Pour comprendre l’homme, il faut se référer à l’immanence de la nature.
 
A partir de cette conception de l’amour-propre se développe une théorie de l’intersubjectivité. Cette dernière n’est pas hobbesienne dans la mesure où, en l’absence de pacte, la stratégie de la vie efficace ne consiste à se parer de l’autre mais à s’attacher à lui en lui plaisant. A la limitation hobbesienne des égoïsmes par le contrat social répond une logique de la soumission dissimulée à l’autre. L’autre est séduit mais au sens latin c’est-à-dire qu’il est trompé. Il s’agit en effet de décrire le jeu de la représentation sociale pour s’apercevoir de la comédie humaine. L’effet fondamental de cette dernière réside dans la construction de l’honnêteté et de sa figure corrélative qu’est l’honnête homme. Cette théorie de l’honnêteté sociale est socialement ancrée dans les salons. C’est à partir du mode de socialité des salons que la société est pensée. En quelque sorte, le salon devient le paradigme de la société droite. La conséquence essentielle réside dans le déplacement du lien social. Les attaches sociales se déplacent de la justice – et de son principe de respect des biens d’autrui – à la convenance qui consiste à ne pas heurter l’autre c’est-à-dire à ne pas froisser son imaginaire.
 
En entrant dans cette logique, je ne vais pas être juste mais seulement honnête. Je supprime l’amour-propre de la surface des actes et des discours. Il faut casser la visibilité entre la cause du comportement et ce comportement. Il s’agit de la prise de conscience que l’amour-propre des autres est blessé par mon amour-propre. L’égoïsme ne se détruit pas : il se raffine. D’où trois règles fondamentales : je dois dissimuler mon amour-propre ; je dois satisfaire l’amour-propre des autres ; je dois dissimuler que je dissimule de même que je dois cacher que je flatte quelqu’un. Ainsi puis-je constituer une intériorité artificielle mais efficace. J’entre dans le désir de l’autre pour le satisfaire. Les rapports humains sont des rapports de concupiscence. La socialité n’est alors qu’un échange intéressé de services. Pour satisfaire l’autre, il est inévitable que je me départisse de toute manifestation de l’égoïsme. L’amour-propre invente la distance envers soi c’est-à-dire qu’il produit le décentrement. Pour séduire l’autre, je dois me regarder comme il me regarde. Je dois me conduire et me construire comme il attend que je sois. L’honnêteté est alors la construction d’un espace public dont le fond est le mensonge généralisé. C’est un espace où la nécessité de la politesse crée l’analogue d’un regard neutre sur soi. Les égoïsmes ne se voient plus mais sont sous-jacents. Le monde est analysé selon les règles du petit monde des salons. L’amour-propre se raffine dans l’honnêteté : je ne peux définir ce que suis parce que l’amour-propre court-circuite toujours mon jugement sur moi.
 
Dans le monde de la seconde nature, les hommes vivent des rapports intersubjectifs fondés sur la dissimulation. L’amour-propre ne vise pas seulement la domination mais l’amour. La fin de l’amour-propre est de se faire aimer : " Nous sommes si présomptueux, que nous voudrions être connus de toute la terre, et même des gens qui viendront quand nous ne serons plus ; et nous sommes si vains, que l’estime de cinq ou six personnes qui nous environnent, nous amuse et nous contente. " (Pensées, Br. 148)
 
A partir de cette description du monde des hommes, il convient de constater le portrait sombre que brosse Pascal. La rencontre de deux hommes, de deux monstres incompréhensibles, engendre des relations ambiguës. Nous pensons toujours à autrui dans le monde de la seconde nature. Nous vivons sous le regard d’autrui et ne pouvons nous dégager de cette idée. L’autre est notre tyran : il nous juge et nous tient en respect. Nous sommes encerclés par les autres. Pouvons-nous sortir de ce carcan tyrannique des relations sociales où nous tentons d’asservir les hommes en même temps qu’ils tentent de le faire à notre endroit ? L’originalité de la position de Pascal consiste à montrer que cette voie de sortie n’est qu’une impasse. Nous sommes certes malheureux avec les autres parce que les relations intersubjectives sont froides et inauthentiques. Mais nous désirons la présence d’autrui parce qu’il empêche de penser à ce qui rend proprement malheureux à savoir notre propre condition. La conclusion de cette logique de l’amour-propre et de la gloire réside dans le thème du divertissement. Il s’agit de procéder en deux temps pour saisir cette position périlleuse. D’abord, nous nous divertissons toujours avec autrui. Nous nous divertissons ensemble. Quand bien même nous serions seuls, nous serions tout de même sous le regard virtuel de l’autre dans la mesure où le divertissement invite et incite à parler aux autres. On raconte ses exploits, on exagère ses mérites, on se vante. Ensuite, le divertissement évite que nous pensions à nous : il décentre notre attention de notre ego et nous fait ainsi entrer dans une logique de l’oubli de soi. Mais le divertissement n’est pas vu comme un état malheureux. Bien au contraire, l’homme qui se divertit oublie ses soucis et ses malheurs. Il vit dans un état proche du repos du guerrier, la guerre étant fournie par les vicissitudes de la vie elle-même. Les divertissements ne sont pas considérés par les hommes pris dans leurs tourbillons comme des occupations mauvaises. L’homme entré dans le divertissement est hanté par le spectre de son extinction. Tant que je me divertis, je ne pense pas aux maux qui m’assaillent. Tel l’insomniaque, l’homme qui se divertit se contente de changer de (mauvais) côté. Il aime le bruit et le remuement.
 
Pourtant, ce qui caractérise les textes consacrés au divertissement est le fait qu’ils traitent de l’homme isolé : " Qui ne voit pas la vanité du monde est bien vain lui-même. Aussi qui ne la voit excepté de jeunes gens qui sont dans le bruit, dans le divertissement et dans la pensée de l’avenir ? Mais ôtez leur divertissement, vous les verrez se sécher d’ennui. Il s sentent alors le néant sans le connaître, car c’est bien être malheureux que d’être dans une tristesse insupportable aussitôt qu’on est réduit à se considérer, et à n’être point diverti. " (Pensées, 33, LG) Si l’on produit l’hypothèse méthodologique qu’il est possible d’enlever le divertissement d’une existence humaine, alors cette dernière est gagnée par le cancer de l’ennui. Elle se tarit. L’homme qu’on sépare de son existence prise dans la logique du divertissement entre dans une tragique prise de conscience. Il s’agit du sentiment du néant. Pascal précise en effet qu’il ne s’agit nullement d’une connaissance, d’une appréhension positive ou quasi-scientifique. En quoi consiste ce sentiment ? Dans la prise de conscience du néant qui nous constitue. C’est cela qu’il faut analyser pour concevoir la solitude fondamentale de l’homme. Si en ôtant le divertissement, l’homme fait l’expérience du sentiment de son propre néant, c’est donc que le divertissement fonctionne comme un leurre. Ou plutôt comme le viatique d’une illusion existentielle. Le divertissement empêche en temps habituel de songer à nous et à ce que nous sommes c’est-à-dire en fin de compte à presque rien. En nous divertissant, en suivant la logique de notre (seconde) nature, nous sortons de nous-mêmes. De ce fait, nous ne songeons pas à ce que nous sommes, c’est-à-dire à des êtres mourants. Nous ne pensons pas à la mort qui ronge chaque seconde un peu plus notre vie.
 
Le divertissement fonctionne comme un écran entre l’existence selon la seconde nature et la vision insupportable de ce que nous sommes, étant donné la perte de notre première nature. Le divertissement est donc un écran au sens s’un voile opaque qui masque l’au-delà de l’écran. Nous nous divertissons pour ne pas voir que nous sommes mourants. De ce fait, nous vivons la plupart du temps en oubliant que nous allons mourir : " Nous courons sans souci dans le précipice après que nous avons mis quelque chose devant nous pour nous empêcher de le voir. " (Pensées, 155, LG)
 
Le précipice, moment de basculement de l’existence à la non-existence, est au-delà de l’écran sur lequel nous projetons imaginativement les fictions de notre seconde nature. Ces projections imaginatives, c’est-à-dire fausses, constituent le divertissement. Le travail théorique de discernement de l’essence de l’homme se situe précisément dans l’éclairage de l’écran. Celui-ci fait écran littéralement c’est-à-dire fait obstacle à notre vision du précipice, à notre appréhension de notre être de néant.
 
Le divertissement est une non-pensée, ou plutôt provient d’un détournement. Le problème est en effet de savoir quand a lieu le divertissement. Ce problème de la localisation temporelle du divertissement conduit au désir d’être heureux. Ce dernier entraîne le divertissement : " Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser. Nonobstant ces misères il veut être heureux et ne veut qu’être heureux. Mais comment s’y prendra-t-il ? Il faudrait pour bien faire qu’il se rendit immortel, mais ne le pouvant il s’est avisé de s’empêcher d’y penser. " (Pensées, 124, LG)
 
Le divertissement pascalien est donc fondamentalement du ressort de l’inauthenticité. Il consiste à se détourner d’états pathologiques telles que la mort, la misère ou l’ignorance qui constituent le tout de l’homme de la seconde nature. Le divertissement est un détournement. Il agit comme une diversion. Ce dernier terme se trouve aussi chez Montaigne (Essais, III, 4). Pour celui-ci la diversion est le moyen de fuir ou de quitter sa douleur. C’est le lieu d’un repos temporaire mais bénéfique. Le divertissement pascalien revient à se boucher les yeux devant une réalité déplaisante. La structure humaine est donc celle d’une finitude ayant conscience d’un infini qu’elle n’est pas. Pour éviter cette misère de la finitude, cette vie fragile sanctionnée inéluctablement par la mort, les hommes n’y pensent pas. En entrant dans cette non-pensée de l’essentiel, les hommes se divertissent.
 
Si on considére les agitations des hommes, alors on considère l’essence de l’homme de la seconde nature. En celle-ci l’homme livre un spectacle étonnant qui est celui de l’agitation permanente, du remuement, de la bougeotte. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse : les hommes s’exposent aux périls à la cour des Grands, dans des querelles, dans des passions. Cette situation culmine dans les guerres où le risque de trouver la mort est permanent. Ce tableau de l’homme en proie aux agitations est celui de l’homme du divertissement, c’est-à-dire de l’homme qui se perd dans l’action pour éviter de songer à son être fini et à sa destination mortifère. C’est pourquoi tout le malheur des hommes est de ne pas savoir demeurer seul dans une chambre. Si l’homme pouvait se satisfaire du repos, s’il pouvait jouir d’un plaisir en repos, alors il serait heureux. C’est pourquoi la cause de nos agitations est à rechercher dans une faim de l’extériorité. Nous sommes en quête de l’altérité afin d’oublier notre décevante intériorité. Mais cet oubli de soi est la cause du divertissement dans lequel nous nous perdons de vue. L’homme est ici le lieu d’une monstruosité : il s’agite, va hors de lui-même, mais ce déplacement le conduit à des malheurs et à des soucis. En ayant des soucis, l’homme se cache le souci essentiel qu’est le souci de soi. Cette contradiction monstrueuse est au coeur de l’analyse du divertissement.
 
Cependant le raisonnement pascalien ne s’arrête pas en ces terrains. La cause de nos malheurs est de ne pas rester dans la solitude puisque la rencontre de soi avec soi-même (de son être avec son néant) est une unité terrible. Mais la solitude est-elle pour autant la clé libératrice de nos divertissements ? Certainement pas : " Mais quand j’ai pensé le plus près, j’ai voulu en découvrir la raison [...] ". Pascal introduit alors une distinction essentielle entre la cause et la raison d’un événement. La cause de nos malheurs est l’impossibilité de la solitude . En restant seul, l’homme ne sera pas heureux. En refusant l’altérité constituée par les agitations du monde – c’est-à-dire en optant pour l’identité trouvé dans une illusoire paix avec soi – le bonheur ne sera pas présent. Mais quelle est la raison de cet état de fait ? L’impossibilité pour l’homme de se regarder en face sans pénétrer dans le royaume de la noirceur, de la tristesse et du chagrin. Le divertissement est donc le moyen le plus adéquat de ne pas plonger dans le malheur existentiel, dans le malheur lié à son existence. Il arrive donc à diluer son malheur profond dans les " petits malheurs de l’existence ". Se plonger dans l’action c’est-à-dire dans les tracas humains est le moyen de ne pas songer à ce que nous sommes, de " penser à notre malheureuse condition " (Pensées 8, 126). Le divertissement est le mouvement qui tourne l’homme vers l’altérité et donc qui détourne de son identité. Il n’y a pas à rire ou à pleurer de cette situation mais il s’agit de la comprendre c’est-à-dire d’en trouver la raison. Après avoir mis en lumière le divertissement, il devient possible de saisir sa nécessité. Sans lui, l’homme serait non seulement plongé dans l’inaction mais dans le malheur existentiel, c’est-à-dire dans le malheur pris à la contemplation de son existence décevante. Le divertissement devient dans cette optique un principe universel d'interprétation des activités humaines.
 
Cette universalité du divertissement s’incarne dans trois figures qui fonctionnent comme des exemples argumentatifs : le roi, le chasseur, le joueur.
 
Même le roi dont on pourrait penser qu’il a la situation humaine la plus enviable – n’est-il pas un dominant, un vainqueur du coup de force initial ? – est malheureux. L’ensemble de la Cour et des serviteurs ont pour fonction de divertir le roi c’est-à-dire de le détourner de la considération de sa nature. Celle-ci est en effet malheureuse, comme l’ensemble des natures humaines. Il existe donc une égalité foncière des hommes face au divertissement. Même le roi qui fonctionne ici comme un exemple-limite, comme un horizon de conception, apparaît malheureux. Un roi est mortel et en proie aux maladies. Un roi n’est qu’un homme tout roi qu’il est et voilà son malheur humain, trop humain. Mais le roi n’est que le sommet d’une pyramide dont la base est l’ensemble de la Cour. Ce microcosme est le paradigme d’un lieu du divertissement où se mêlent " le jeu, la conversation des femmes, la guerre, mes grands emplois " (Pensées, 126). En ce lieu le futile et le solennel sont des catégories dépassées et l’énumération vise à la mise à plat des différences traditionnelles. En ce lieu, il apparaît que la nature humaine a horreur du vide. Les temps des bavardages ou des grandes décisions politiques se succèdent : cela est inévitable puisque ces occupations ne visent qu’à se détourner de son être lui-même traversé par le néant et enveloppé de misère.
 
L’homme se divertit parce que le repos lui est insupportable. Cependant, au coeur de cette agitation, l’homme aspire au repos. L’homme se définit comme l’être de l’insatisfaction permanente : insatisfait dans le repos, il s’agite. Mais l’aspiration de l’agitation réside justement dans le repos. Tel est le sens du paradigme du chasseur qui permet de mettre en lumière deux volets du divertissement : la possession n’est pas le but de la chasse ; pour se divertir il faut se donner l’illusion d’un objet à atteindre.
 
Le divertissement est donc la façon dont l’homme accommode ses désirs, c’est-à-dire vit avec eux, dans son opposition à la mort. Il s’agit d’une façon fictive de progresser dans son être. Abandonné par Dieu, l’homme non éclairé par la grâce progresse sur un chemin humain trop humain. Il se perd ainsi dans le délire des passions, dans le désir et en général dans les occupations humaines. Nous retrouvons ici la problématique de la seconde nature, problématique de l’homme qui construit l’homme. Par le péché, l’homme s’est vu abandonné par Dieu. Sa seconde nature est donc une absence de nature entendue au sens d’une essence fixe ou figée. C’est parce que l’homme est sans nature qu’il construit le monde qui est le sien. Il construit son mode avec ses désirs et contre la mort. Mais du fait de sa situation, l’homme se construit dans et par le divertissement. Celui-ci est inhérent à la (seconde) nature humaine. En considérant l’homme tel qu’il est et non tel qu’on voudrait qu’il fût, on s’aperçoit que le divertissement est consubstantiel à l’homme de la seconde nature. D’où deux conséquences : le divertissement n’est ni immoral ni déraisonnable. Ni immoral d’abord : le divertissement est la façon humaine d’aborder le réel pour un homme de la seconde nature. Cela ne veut nullement dire que l’homme est sujet d’une anthropologie mauvaise. L’homme est moins pervers que perverti. Railler ou s’indigner des activités humaines reviendrait à endosser le costume du moraliste et non de celui de l’anthropologue qui tente de comprendre et non de blâmer. Ni déraisonnable ensuite : les divertissements sont apparemment non raisonnables puisqu’ils possèdent les passions et les désirs pour moteurs. Or ils sont raisonnables parce qu’ils sont conformes à la nature humaine et parce que certains divertissements sont l’oeuvre de la raison. On pense ici au savant qui se perd dans la quête des vérités rationnelles. Le divertissement n’est pas déraisonnable, il correspond seulement à la raison de l’homme de la seconde nature qui est tantôt subjuguée par les plaisirs corporels tantôt hypertrophiée comme valeur suprême. Le divertissement n’est pas contraire à la raison de l’homme de la seconde nature, il en est bien plutôt l’accompagnateur : " Ceux qui font sur ce point les philosophes et qui croient que le monde est bien peu raisonnable de passer tout le jour à courir après un lièvre qu’ils ne voudraient pas avoir acheté, ne connaissent guère notre nature. "
 
Pascal critique ici la posture des philosophes qui s’illusionnent sur la nature humaine. Le fait de croire que le divertissement est déraisonnable et que les hommes sont bien sots de se livrer à leurs activités relève d’une carence dans la connaissance anthropologique. Sur ces questions, et pour reprendre l’expression de Pascal, " faire le philosophe " revient à ignorer que l’homme est un être du divertissement parce qu’il est un être qui cherche le bonheur. L’homme ne peut faire autrement que de chercher son bonheur. Cependant sa finitude l’empêche d’accéder – hors la grâce – à la béatitude. L’homme cherche sincèrement le bonheur dans le divertissement, ne voyant donc pas l’implicite contradiction qui gît dans cette affirmation. En croyant trouver la destination du bonheur sur le chemin du divertissement, l’homme sombre dans l’illusion. Le philosophe, quant à lui, sombre dans l’illusion philosophique, celle qui consiste à croire que l’homme pourrait se comporter autrement qu’il ne le fait. Le philosophe croit que le divertissement est la preuve que le monde est peu raisonnable. Or ce dernier est conforme à la raison de la seconde nature. L’ignorance de celle-ci produit des illusions sur l’homme et sur ces capacités, comme celle consistant à croire que l’humanité pourrait prendre conscience de son impasse existentielle.
 
Dans cette structure, l’homme laisse éclater sa propre contradiction, son intime contrariété. La nature divine et la nature déchue cohabitent en l’humain : " Les hommes [...] ont un instinct secret qui les porte à chercher le divertissement et l’occupation au dehors, et qui vient du ressentiment de leurs misères continuelles. Et ils ont un autre instinct secret qui reste de la grandeur de notre première nature, qui leur fait connaître que le bonheur n’est en effet que dans le repos et non dans le tumulte. Et de ces deux instincts contraires il se forment eux un projet confus, qui se cache dans le fond de leur âme, qui les porte à tendre au repos par l’agitation... " (Pensées, Laf. 136)
 
Là encore, l’anthropologie tératologique ou bien le discours sur l’homme monstrueux apparaît : l’homme est bien vain dans la mesure où gît en lui une essentielle confusion. Nous cherchons en tant qu’humains à ne pas songer à ce que nous sommes. Nous plongeons alors dans le divertissement pour trouver le repos. Curieux animal qui cherche le repos dans l’agitation ! Cela est si vrai que si un éventuel repos se trouvait être la récompense des soubresauts du divertissement, l’homme ne pourrait s’en contenter.
 
Au final, le repos n’est pas permis pour l’homme. Ou bien nous courons sans cesse dans le tumulte et le tohu-bohu du divertissement ou bien nous transformons notre repos (après avoir vaincu le divertissement) en ennui. Jamais de repos, donc : la vie est un pendule qui oscille entre le divertissement et l’ennui. Ce dernier constitue en effet un élément de la nature de l’homme. Un homme livré à lui-même, rentré en lui-même c’est-à-dire délivré des agitations du monde, ne serait pas pour autant dans une logique de la sérénité. L’ennui le guetterait (Pensées, Laf. 136).
 
                                **********************
 
La politique représente un enjeu majeur pour comprendre le discours que Pascal tient sur l’homme. L’examen de la pensée politique permet de comprendre l’homme tel qu’il vit séparé de Dieu c’est-à-dire en tant qu’il est un être de concupiscence. Autrement dit, le discours anthropologique développé par Pascal débouche sur la théorie politique du conservatisme qu'il faut concevoir comme une forme de sagesse pour l'homme de la seconde nature, pour cette mort en marche ! Le conservatisme au niveau politique c'est-à-dire la prise de conscience que les institutions garantissent un certain ordre, même si celui-ci repose sur la force, s'accorde avec l'ordre de la concupiscence. l’ordre divin n’existe plus et depuis que nous sommes orphelins de Dieu, l’ordre absolu (la vraie sagesse) ne nous est plus accessible que par la grâce. Nous vivons dans l’abandon c’est-à-dire dans un état de monopole pour l’homme. Mais celui-ci ne vit pas pour autant dans le désordre absolu parce qu’il a perdu l’ordre absolu c’est-à-dire l’union en Dieu. L’homme a organisé seul la sphère politique. L’ordre politique est humain : de même qu’il y a une justice devenue, il existe un ordre relatif. Ce dernier est l’organisation du monde telle que les hommes la réalisent indépendamment de Dieu. Cela n’annule pas le fait de la seconde nature à savoir que les hommes sont des êtres de concupiscence mais cela permet de saisir le niveau de leurs productions. Celles ci sont humaines, trop humaines c’est-à-dire que la sphère politique est une organisation produite par la concupiscence des hommes.
 
Mais cette organisation ne consiste pas à éradiquer cette concupiscence. Au contraire, elle l’entretient et se maintient dans la cité des hommes. C’est pour cela que l’ordre est absolument nécessaire : les hommes étant ce qu’ils sont, il est nécessaire de les contenir dans les bornes de la cité qui brime leur concupiscence mais ne l’extirpe pas. Pour reprendre une image pascalienne, la concupiscence n’est pas ôtée mais seulement recouverte. Puisque l’homme de la seconde nature ne peut faire autrement que d’être mourant et désirant, son désir de domination est toujours susceptible de s’enfler et de prendre des proportions monstrueuses. L’Etat est traversé de tensions, déchiré de contradictions et transpercé de luttes intestines. Il est un Etat de concupiscence. Mais il n’empêche que cette concupiscence est ordonnée.
 
La cité sans Dieu ne connaît pas l’ordre de la justice mais l’ordre de la concupiscence. Celui-ci n’est pas le meilleur ordre possible puisqu’il n’est pas l’harmonie dans la cité. Les hommes ne se fondent pas ici sur des vertus chrétiennes comme la charité mais sur des haines réciproques. C’est tout de même un ordre. Il repose notamment sur la crainte de la loi. Du coup ce n’est pas moquerie de dire que cet ordre fondé sur la nature mauvaise de l’homme est un véritable bien. La soumission à la loi est tout de même soumission puisqu’elles assurent la paix. La loi est le signe de la folie humaine mais le fait que cette désignation règle la succession sans guerre est en soi sagesse.
 
Paradoxalement, la sagesse est une ignorance fondatrice : les hommes ignorent la nature injuste de l’Etat et des institutions (le coup de force initiale) et croient faussement à la naturalité (et donc à la légitimité) des artifices du pouvoir. Les hommes sont dans l'opinion, mais peu importe du point de vue d'une sagesse pratique puisque ces opinions sont utiles dans la mesure où elles permettent une vie ordonnée dans la cité. Il faut donc se méfier des demi-habiles, les philosophes, qui connaissent l’arbitraire des lois et des coutumes, qui, de fait, n’acceptent pas le train du monde comme il va et invitent à sa démystifications, mais dont le avoir est inutile et vain dans la mesure où il trouble l’ordre du monde. C’est précisément cet aveuglement qui fait que leur savoir (juste en son fonds) n’est pas véritable ou n’est que mutilé. Mieux vaut une ignorance radicale qu’un savoir mutilé dont les conséquences sont néfastes à la communauté des hommes. En ce sens, l’homme du peuple possède une certaine sagesse de la pratique que le philosophe n'a pas ! Le prétendu savoir des philosophes n'est que relatif : ils discernent donc ils dénoncent sans voir la dangerosité de leur propos. Le philosophe ne peut être un médecin des hommes car ses informations sont trop limitées. Curieux médecin en effet que ce philosophe qui produit des maux chez ceux qu’il prétend guérir ! Le philosophe ne veut obéir qu'au juste en soi sans voir qu'il ne peut le trouver puisque la justice est absente. Le drame personnel du philosophe, c'est qu'il a perdu la croyance populaire qui prend sa source dans l’imagination, c’est-à-dire dans le fait de s’imaginer que les grandeurs du monde proviennent d’une justice véritable. Ravis de s’extirper du peuple, les demi-habiles laissent parler leur désir de parler. Ils entrent dans la logique de la libido dominandi dans la mesure où ils s’imaginent se situer dans la sagesse parce qu’ils ont dissipé une illusion. Mais ils ne font que tomber de Charybde en Scylla : il sombre en effet dans l’illusion selon laquelle cette prise de conscience les fait entrer dans le royaume de la sagesse. Ils sont le jouet d’une illusion au moment même où ils lèvent l’illusion fondamentale.
 
Dans cette optique, la réflexivité ne sert pas à libérer les esprits. La prise de conscience de l’illusion de la légitimité du pouvoir et de l’absence de la justice dans la communauté des hommes n’est pas suffisante pour se libérer de toutes les illusions. Bien au contraire, le philosophe entre dans une illusion le concernant personnellement puisqu’il s’isole de la sphère des affaires humaines et les juge d’un point de vue qu’il juge plus éclairé alors qu’il est en réalité plus obscur. Il s’écarte d’une sorte de bon sens qui est la chose du monde la mieux partagée puisqu’elle est l’illusion que tous les hommes ont en naissant.
 
La sagesse, dans la cité des hommes, n'appartient finalement ni au peuple ni aux demi-habiles mais bien aux habiles, c'est-à-dire à ceux qui connaissent la duplicité du réel dans lequel vit le peuple mais qui se gardera bien de l'éclairer !
 
La pensée de Pascal est bien une pensée désespérée, hors de la grâce !
 
                              ************************
 
Ainsi, Pascal veut montrer que la religion est supérieure à la raison. Dans l’ordre de la charité, l’homme vit en Dieu qui est la vérité. L’usage de la raison représente une chute puisqu’il permet d’acquérir des connaissances, certes non négligeables, mais qui ne sont pas pleinement divines puisqu’elles sont déjà corrompues par une intervention humaine trop présente. Dieu s’est déjà éloigné.
 
Le problème des approches rationalistes du réel consiste pour Pascal à négliger la chute de l’homme et à poser l’homme rationnel au-dessus de Dieu. Il s’agirait de la perpétuation du péché adamique. L’homme se pense plus savant que Dieu dans la mesure où il produit une science. Cette idée répandue au XVIIe siècle va dans le sens de l’athéisme. Pour certains savants de cette époque, l’homme est capable d’atteindre la vérité par et dans l’usage de sa raison. Celle-ci est l’autorité suprême par laquelle les hommes percent, du moins le croient-ils, l’armature du réel. En établissant des relations constantes entre des éléments, les lois se donnent comme les clés de la réalité. Or Pascal critique cette présomption de l’homme à tout accorder à la raison. Le point de départ de la philosophie de Pascal réside en sa lecture de Montaigne. La logique est donc celle d’un relativisme : les hommes n’ont pas établi la vérité et les opinions contradictoires des prétendus doctes ne prouvent que leur ignorance. Il faut donc chercher ailleurs que dans la raison toute nue l’ultime fin des choses.
 
La réciproque de ce développement qui démontre l’aspect limité de la raison est la nature non complètement rationnelle de la religion. Nous pourrions parler d’une absence de conclusion rationnelle. C’est pourquoi Pascal est un apologiste particulier : il reconnaît avec les athées que les preuves (rationnelles) de l’existence de Dieu ne peuvent mener à Dieu. La raison ne permet pas de trancher entre l’existence ou l’inexistence de Dieu. Entre le savant ou le rhéteur qui tente de prouver Dieu d’une part et l’athée qui dit en son coeur qu’ " il n’y a pas de Dieu " , le dialogue est vain. Le projet apologétique de Pascal nécessite donc à faire adhérer son lecteur à la religion malgré le fait que celle-ci ne puisse pas être rationnellement démontrée. C’est le rôle du fameux pari de Pascal qui n’est pas une preuve déguisée mais un artifice original de pensée  lié au calcul des probabilités.


Message édité par l'Antichrist le 12-05-2004 à 04:38:27
n°2712078
rahsaan
Posté le 14-05-2004 à 12:27:38  profilanswer
 

Divertissant, on a pas le temps de s'ennuyer !  [:r2 d2]


---------------
Mon roman d'anticipation, L'I.A. qui m'aimait : https://tinyurl.com/mtz2p872 | Blog ciné/JV : http://cinecourt.over-blog.com
n°2712238
l'Antichri​st
Posté le 14-05-2004 à 12:48:37  profilanswer
 

Pour tous les " malheureux " qui préparent le bac philo. voici l'exemple d'une petite fiche sur John Rawls et sa Théorie de la justice en 150 mots...
 
Les différentes analyses de la justice posent que la justice repose en règle générale sur un double principe : celui de l’égalité (" La loi doit être la même pour tous " ) et celui de l’équité (" On doit offrir à chacun ce qui lui est dû " ). Résolument fidèle à Aristote sur ce point, John Rawls, contrairement aux philosophes utilitaristes, accorde à la justice une prééminence sur tous les autres impératifs tels que l’efficacité, la stabilité, l’organisation, etc. Se situant par hypothèse dans un état préconstitutionnel dans lequel les individus rationnels construisent librement une société juste, sans connaître quelle sera la position de chacun dans cette société, John Rawls postule que les contractants devront se déterminer en fonction de deux principes. Selon le premier principe, " chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu des libertés de bases égales pour tous " ; selon le second principe (principe de différence), les inégalités sociales sont acceptables si et seulement si :  
1) On peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elles soient raisonnablement avantageuses pour chacun ;  
2) Elles sont attachées à des positions et des fonctions ouvertes à tous. En d’autres termes, la justice – conçue comme équité – si elle implique l’égalité sur un certain plan ( celui de la liberté ), n’exclut pourtant pas l’inégalité , c’est-à-dire les différences de statuts économiques et sociaux ; seules les inégalités qui ne profitent pas à tous doivent être tenues pour injustes.
 
C’est ce second principe qui a suscité les plus grandes critiques car il implique forcément une intervention de l’Etat, toujours problématique, pour corriger ou tout au moins équilibrer les mécanismes ou les inégalités naturelles par le biais, notamment, des impôts.

n°2712302
pascal-san
Posté le 14-05-2004 à 12:56:38  profilanswer
 

150 mots c'est une très bonne idée !!! :jap:

mood
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Posté le   profilanswer
 

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