Mais viendra le jour des adieux,
Car il faut que les femmes pleurent,
Et que les hommes curieux
Tentent les horizons qui leurrent !

Et ce jour-là les grands vaisseaux,
Fuyant le port qui diminue,
Sentent leur masse retenue
(...)

Car la Terreur, dont les cris perçants font dresser les cheveux et qui annonce l'avenir en songe, soufflant la colère du fond du sommeil, a fait retentir au fort de la nuit, du fond du palais, un cri d'épouvante et s'est abattue lourdement dans les chambres des femmes. Les interprètes  de ces songes ont déclaré, sous la garantie des dieux que, sous terre, les morts se plaignent violemment et sont irrités contre leurs meurtriers.  Et c'est parce qu'elle désire ardemment détourner le malheur que la femme impie (je tremble à lâcher ce mot) m'envoie, ô terre mère, porter cette offrande inacceptable. Car comment peut-on racheter le sang répandu sur le sol? Ah! déplorable foyer! Ah! maison renversée! Fermées au soleil, odieuses aux mortels, les ténèbres enveloppent les maisons dont les maîtres sont morts.

Mais sachez une chose, car je ne sais pas comment cela finira : je suis comme un cocher dont les chevaux s'échappent hors de la carrière. Mes sens indociles m'emportent vaincu. Devant mon coeur l'épouvante est prête à chanter et lui, à danser bruyamment. Mais tandis que je suis encore dans mon bon sens, je crie à mes amis : "Oui, j'ai tué ma mère, mais avec justice, parce que, meurtrière de mon père, elle souillait la maison et était en horreur aux dieux, et j'affirme hautement que celui qui m'a soufflé cette audace, c'est le prophète de Pythô, Loxias, dont l'oracle m'assura qu'en faisant ce que j'ai fait je ne risquais pas d'être accusé de crime, tandis que si je négligeais son ordre...je ne dirai pas de quel châtiment j'étais menacé, il n'y a pas d'arc qui puisse atteindre à des peines pareilles.

Celui qui a tout vu
celui qui a vu les confins du pays
le sage, l'omniscient
qui a connu toutes choses
celui qui a connu les secrets
et dévoilé ce qui était caché
nous a transmis un savoir
d'avant le déluge.
 

Je l'ai pleuré la nuit et le jour
je me suis lamenté sur lui
six jours et sept nuits
en me disant qu'il se lèverait
par la force de mes pleurs et de mes lamentations.
Je n'ai pas voulu le livrer au tombeau
je l'ai gardé six jours et sept nuits
jusqu'à ce que les vers lui tombent du nez.
Après sa mort je n'ai plus retrouvé la vie.
Par peur de la mort
me voici errant dans le désert
ce qui est arrivé à mon ami
pèse très lourd sur ma poitrine
ce qui est arrivé à mon ami me hante.
Comment pourrais-je trouver le repos
comment pourrais-je me taire
mon ami que j'aimais d'amour si fort
est devenu de l'argile
et moi aussi devrais-je me coucher
et ne plus jamais me lever ?